N° 162

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès verbal de la séance du 18 janvier 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le financement de l'audiovisuel public ,

Par M. Claude BELOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Audiovisuel et communication.

INTRODUCTION

L'avènement des technologies numériques, mais aussi la réalisation, d'un espace économique intégré dans l'Union Européenne suivant des principes fondamentalement libéraux, constitue une menace pour le modèle audiovisuel français fondé sur l'idée de service public.

Nées en France dans le cadre du monopole d'État, la radio puis la télévision ont vu, sous l'effet d'évolutions technologiques, économiques mais aussi idéologiques, leur développement de plus en plus dicté par les lois du marché.

Face à des forces dont le champ d'action dépasse très largement ses frontières, la France occupe une place plus ambiguë qu'on pourrait le penser. D'un côté, elle est prompte à se faire le champion de la résistance à un processus de mondialisation audiovisuelle, sans doute aussi irréversible qu'irrésistible ; de l'autre, c'est le pays d'Europe où s'est développée le plus fortement la télévision payante - marché sur lequel les entreprises françaises ont acquis une position, à certains égards, dominante en Europe -, et où les images de télévision se vendent depuis longtemps comme un produit de consommation.

Au milieu des années 80, l'entrée en lice des télévisions commerciales a constitué une véritable révolution sur une terre d'élection du monopole et du service public. Le secteur public, qui avait longtemps bénéficié d'un téléspectateur captif, a dû apprendre à vivre avec un téléspectateur " zappeur ".

Cet apprentissage de la concurrence s'est d'abord révélé douloureux parce que les structures institutionnelles mais aussi mentales héritées du monopole, ne prédisposaient pas le secteur public à faire face à la concurrence ; il apparaît également, rétrospectivement, difficile parce que l'État actionnaire et tuteur, non seulement n'a pas joué son rôle et a même multiplié des interventions intempestives.

Toutefois, l'État restait encore, en dernier ressort, le maître du jeu. D'abord, parce que celui-ci se présentait toujours directement ou indirectement comme le garant du bon fonctionnement du système audiovisuel ; ensuite, parce qu'il conservait une position sinon dominante du moins majeure dans le paysage audiovisuel.

Aujourd'hui, tout se passe comme si on était sur le point de passer à une nouvelle étape de cette évolution, caractérisée par le basculement définitif du centre de gravité de l'audiovisuel du public au privé.

Le secteur public est en train, sans que l'on s'en rende vraiment compte, de changer de statut : il passe de celui de référence obligée, aussi bien du point de vue de l'audience et de la qualité, à celui d'offre de complément, au risque de saper la légitimité de sa configuration comme de son financement.

C'est une telle problématique qui a justifié que votre commission des finances ait, dans la perspective de l'examen de la loi modifiant la loi de liberté de communication et du passage à la diffusion numérique terrestre, chargé un groupe de travail d'étudier le financement de l'audiovisuel public.

Le groupe de travail 1 ( * ) a ainsi entendu une série d'acteurs importants du secteur audiovisuel, choisis en raison de leur position éminente ou simplement originale sur l'échiquier audiovisuel, soit au cours d'auditions soit à l'occasion de visites sur place. De surcroît, votre rapporteur a effectué deux voyages au nom du groupe, l'un à Londres pour y étudier la façon dont la Grande-Bretagne organise le passage au numérique terrestre l'autre à Rennes pour y visiter un centre de la redevance, auxquels il faut ajouter un déplacement au Canada, qui l'a amené à rencontrer, en qualité de rapporteur spécial de la commission des finances, des acteurs importants de l'audiovisuel et, notamment, le président de l'autorité de régulation canadienne, Mme Françoise Bertrand.

Ces multiples contacts ont convaincu votre rapporteur de l'ampleur des bouleversements en cours et que la question fondamentale est de savoir si le secteur public est en mesure de résister à cette compétition sans merci.

Le secteur public est engagé dans un processus de concurrence vitale. Or, force est de constater que ses chances de survie comme acteur significatif du marché de l'audiovisuel ne sont pas, en l'absence d'une réaction massive des pouvoirs publics, aussi fortes qu'on aurait tendance à le croire, en dépit d'une évidente inertie des comportements des téléspectateurs.

Votre rapporteur n'a guère trouvé de raisons d'être optimiste, d'autant que la lutte pour le contrôle des territoires audiovisuels s'annonce rude par suite de l'évolution des modes de consommation rendus possibles par les nouvelles technologies, qui en font un territoire stratégique sur le plan économique.

La convergence, ce n'est pas une simple évolution technique, c'est également un phénomène sociologique et économique qui fait de la télévision numérique interactive la voie royale pour accéder au consommateur et donc un vecteur de vente. C'est l'anticipation d'un tel mouvement, qui, indépendamment des excellents résultats des entreprises du secteur, expliquerait une bonne part de l'envol des cours de bourse en 1999.

Face à des opérateurs privés de plus en plus riches, l'État actionnaire se trouve placé dans la situation du joueur qui doit " suivre " pour rester dans la course.

La conviction de votre rapporteur est que, jouer " petit ", est probablement le moyen le plus sûr de perdre la partie et donc sa mise ; c'est aussi empêcher le secteur public audiovisuel de conserver sa place ou du moins une place significative dans ce qu'il conviendrait de ne plus qualifier de " paysage " mais simplement de " marché " audiovisuel.

S'adapter ou décliner pour le secteur public audiovisuel, suivre financièrement ou changer de table pour l'État actionnaire, telles sont les questions qui se posent au moment où le Parlement débat de l'adaptation de la loi relative à la liberté de communication et doit envisager la mise en oeuvre de la diffusion numérique hertzienne terrestre.

Le numérique terrestre hertzien représente la dernière chance du secteur public, comme l'a reconnu le nouveau président de France Télévision devant le groupe de travail. Pour la saisir, il faut investir et ne pas hésiter à entreprendre des réformes de structure, faute de quoi, le secteur public pourrait tôt ou tard se trouver en voie de marginalisation.

Si l'audiovisuel public et toutes les valeurs de culture dont il est porteur et auxquelles les Français sont attachés, sont en danger, c'est tout autant à cause des menaces objectives que d'une certaine insouciance collective qui tend à les sous-estimer.

I. LE SECTEUR PUBLIC SUR LA DÉFENSIVE

Pour pouvoir s'adapter à un environnement particulièrement mouvant, le secteur public aurait eu besoin de stabilité comme d'indépendance politique et financière. Or, toute l'histoire de ces 25 dernières années montre que l'on n'a pas donné aux chaînes publiques, dans un contexte de concurrence, les moyens institutionnels et financiers de leur développement.

Qui trop embrasse mal étreint, telle pourrait être la leçon de l'action de l'État en matière d'audiovisuel au cours de la décennie 1990. Celui-ci n'a pas compris que la privatisation d'une partie du paysage audiovisuel imposait au secteur public de regrouper ses forces au lieu de les disperser.

Les gouvernements successifs n'ont pas perçu qu'en soumettant le secteur audiovisuel public à la toise budgétaire commune sans imposer de réformes de structures durables, qu'en le diversifiant au lieu de le resserrer, ils en fragilisaient, de façon ouverte ou larvée, toutes les composantes.

Étouffé financièrement du fait de la politique de rigueur budgétaire du milieu de la décennie, mais aussi en raison de la nécessité de créer de nouvelles chaînes, le secteur public a largement perdu sa capacité d'initiative dans sa compétition avec les acteurs privés, dont les moyens, eux, connaissaient une croissance très rapide.

A. UNE LENTE ASPHYXIE FINANCIÈRE

La situation de gêne dans laquelle le secteur public a été obligé de se développer, n'a été aussi contraignante que parce que l'État actionnaire a choisi d'investir de nouveaux domaines, au détriment des sociétés existantes, faute d'augmenter les moyens. Nul doute que la création d'Arte et de la Cinquième a absorbé une masse de crédits qui firent défaut aux autres sociétés du secteur public, à commencer par France 2 et France 3.

1. Des ressources précontraintes et instables

Le secteur public a longtemps souffert de restrictions financières exogènes imposées au nom de la maîtrise des dépenses de l'État.

Une contrainte budgétaire permanente s'est accompagnée d'une instabilité des modes de financement du secteur public. Tout au long de la précédente décennie, il était courant de faire fonctionner un système de vases communiquants consistant à profiter de la hausse des recettes publicitaires des chaînes pour réduire les montants de redevance leur étant affectés en vue de transférer les ressources ainsi prélevées sur d'autres organismes avec, au bout du compte, la possibilité de procéder à des annulations de crédits budgétaires.

C'est principalement France 3 qui a " fait les frais " du système et a été ainsi privée du bénéfice de ses progrès d'audience. Votre rapporteur considère que ce genre de procédé, sans doute justifié par les nécessités budgétaires de l'heure, ne pouvait qu'affecter la motivation et donc le dynamisme de la chaîne. On découvre aujourd'hui qu'il faut craindre également une variabilité des ressources propres avec le déclin des recettes publicitaires.

2. La poussée des charges

Le décalage entre la croissance des charges et produits d'exploitation est une des caractéristiques de base de l'économie de l'audiovisuel public, même si on a pu croire un temps que la croissance des recettes publicitaires pourrait permettre à France 2 et France 3 d'échapper à cette fatalité et calquer leur modèle de développement sur celui de l'audiovisuel privé.

Un tel constat reste particulièrement évident pour le secteur de la radio. Le nouveau président de Radio France a pu ainsi, à juste titre, faire valoir le retard d'investissement de son entreprise. Celle-ci n'a, EN RAISON de la lente mais régulière montée de ses coûts, pas les moyens d'entreprendre la numérisation de ses archives et celle de son outil de production. Pour ces entreprises, la pression des charges salariales dans l'ensemble des charges d'exploitation explique l'amenuisement progressif, dans un contexte de rigueur budgétaire, de leurs marges de manoeuvre.

EVOLUTION DES CHARGES DE RADIO FRANCE (1993 = indice 100)

Les chiffres ci-dessus montrent sur cinq ans, entre 1993 et 1998, la lente érosion des possibilités d'investissement, puisque les charges salariales croissent sensiblement plus vite -+4,7 %- que les ressources -+3,3 %- avec pour conséquence une augmentation de la part des salaires dans les charges d'exploitation qui passe de 53,5 à 55,3 %.

L'autre enseignement de ce graphique est que la poussée des charges se poursuit naturellement, même lorsque les ressources baissent pour cause de rigueur budgétaire. En d'autres termes, l'austérité imposée de l'extérieur se traduit par des coupes claires sur d'autres postes et notamment en matière de dépenses d'investissement, ainsi que par un développement en accordéon, fait de fortes contraintes, suivi de périodes de relâchement. Tout cela n'est pas de bonne gestion.

Pour se développer et conserver sa place sur un marché devenu très concurrentiel avec le développement de la bande FM, la station doit disposer de capacité d'investissement : comme le fait remarquer son nouveau président, la société est elle-même sa propre " start-up " ; elle ne peut compter pour se dynamiser en aucune façon sur un rachat d'entreprises ayant réussi, contrairement aux groupes privés concurrents - RTL, Europe ou NRJ.

On note incidemment que cette situation de gêne budgétaire doublée d'une incapacité à emprunter, interdit à Radio France - comme aux autres sociétés du secteur public - de se développer par croissance externe et l'oblige à tenter de créer des chaînes ex nihilo comme cela a été fait avec le Mouv', opération aussi risquée financièrement que nécessaire au rajeunissement de l'audience.

La poussée des charges salariales est non moins visible dans les sociétés de télévision, même s'il faut avancer avec prudence compte tenu de l'importance des commandes de programmes, ainsi que de l'existence d'une multiplicité de situations intermédiaires entre le salariat des chaînes et la prestation ponctuelle, en passant par les salariés des sociétés de production dotées d'un contrat à moyen terme avec la chaîne.

France 3 se situe dans un cas de figure assez différent de celui de France 2. On constate ainsi qu'entre 1993 et 1998, les charges salariales ont connu une croissance moyenne annuelle de 5,5 % égale à celle des ressources. On voit très nettement que la forte croissance des ressources en début de période a été compensée par un rattrapage des charges salariales en fin de période.

La différence de niveau de charges salariales au sein de charges d'exploitation entre France 2 et France 3 s'explique pour l'essentiel par la différence de part de la production interne.

ÉVOLUTION DES CHARGES DE FRANCE 3 (1993 = indice 100)

ÉVOLUTION DES CHARGES DE FRANCE 2 (1993 = indice 100)

Pour France 2, la part des salaires par rapport aux charges d'exploitation est faible, du fait de l'importance des commandes de programmes par rapport à la production interne - un peu plus de 10 % en légère croissance sur l'ensemble de la période, surtout par rapport au minimum de 1995 -. Mais on constate la même tendance à une augmentation moyenne sensiblement plus rapide pour les charges salariales - 5,1 % - que pour les charges d'exploitation 3,4 %.

Sur la même période 1993-1998, les chaînes jeunes, telles ARTE et La Cinquième - depuis 1995 - connaissent des évolutions semblables.

ÉVOLUTION DES CHARGES DE LA SEPT-ARTE (1993 = indice 100)

ÉVOLUTION DES CHARGES DE LA CINQUIEME (1993 = indice 100)

Radio France Internationale (RFI) et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) voient également leurs charges salariales croître plus rapidement que leurs ressources, tandis que pour la première on assiste à un réajustement en fin de période, il n'en est pas de même du second qui traverse une crise d'adaptation structurelle.

ÉVOLUTION DES CHARGES DE RFI (1993 = indice 100)

ÉVOLUTION DES CHARGES DE L'INA (1993 = indice 100)

Dans tous les cas, si l'on voit nettement sur les graphiques les effets des politiques de rigueur appliquées, notamment en 1995, on note également les phénomènes de rattrapage ultérieurs.

Mais, en tout état de cause, la réduction de la marge de manoeuvre des entreprises de l'audiovisuel public tient sans doute moins aux charges salariales, somme toute assez faibles, qu'à l'augmentation plus rapide du coût des droits audiovisuels, débouchant ainsi sur une baisse du pouvoir d'achat des sociétés nationales de programmes de télévision.

Un tel phénomène est, compte tenu des masses en cause, beaucoup plus important que la dérive des charges de gestion dans l'explication des faiblesses structurelles de la télévision publique.

B. LA PAUPÉRISATION RELATIVE

Alors même que l'apparition d'une concurrence privée mettait fin à son monopole de l'offre et pesait sur les recettes du secteur public, elle mettait également un terme à son monopole à l'achat - un monopsone en langage économique - ce qui n'a pas manqué de peser sur ses coûts d'approvisionnement notamment en programmes.

Face à des charges orientées à la hausse, les sociétés de l'audiovisuel public n'ont pu mobiliser que des ressources en croissance, certes, mais à un rythme insuffisamment rapide pour leur permettre d'entrer en compétition avec leurs concurrents privés.

C'est ce décalage entre les moyens de l'État actionnaire et les besoins nés de la concurrence, cette contradiction entre les logiques budgétaires et de marché, qui a entraîné l'audiovisuel public dans un processus d'appauvrissement relatif par rapport au secteur privé.

1. Le décalage annoncé avec les moyens du secteur privé

Les séries chiffrées confirment la montée en puissance des chaînes privées, même si le différentiel de croissance des ressources entre secteur privé et secteur public semble avoir apparemment disparu depuis le début des années 1990.

Le tableau ci-dessus peut être lu de deux manières :

On peut d'abord partir de 1986, dernière année avant la privatisation de TF1 et comparer la situation respective des chaînes généralistes. A cette époque TF1 et Antenne 2 étaient à égalité avec environ 1,6 milliard de francs de chiffre d'affaires publicitaire, tandis que FR3 atteignait à peu près la moitié de ce chiffre grâce notamment à d'importantes recettes diverses. Si l'on considère le futur ensemble constitué par les deuxième et troisième chaînes, on observe que celui-ci avait des recettes commerciales une fois et demie supérieure à celles de TF1. Il pesait alors, en terme de chiffre d'affaires, près de trois fois son futur concurrent.

Douze ans après, en 1998, la situation paraît s'être complètement inversée : avec 10,8 milliards de francs, dont plus de 8 milliards constitués de recettes de publicité et de parrainage, TF1 pèse désormais aussi lourd que France Télévision, toutes recettes confondues, tandis que ses recettes de publicité, de parrainage et ses recettes commerciales globales sont respectivement 1,7 et 2 fois supérieures à celles de France 2 et France 3.

En indice comme en taux annuel de croissance moyen, ce différentiel de croissance est patent : tandis que TF1 enregistre des taux de croissance à deux chiffres, France 2 et même France 3 se trouvent loin derrière avec respectivement de taux de 5 % et presque 10 %.

Si l'on prend comme année de base 1990, la situation apparaît moins déséquilibrée. C'est même le service public qui arrive en tête pour des taux de croissance qui approchent 7 % pour les recettes de publicité et qui se situent aux environs de 5,7 % pour les recettes globales, y compris les ressources publiques, contre respectivement 3,6 % et 5,3 % pour TF1.

L'analyse à partir des variations en valeur absolue vient compléter ce constat. Par rapport à 1990, le groupe TF1 et France Télévision ont gagné près de 5 milliards de francs de recettes supplémentaires. La différence, 120 millions de francs en faveur de TF1, n'est pas vraiment significative, à ceci près que, tandis que la chaîne privée est quasiment seule à émarger à la manne commerciale, le secteur public doit financer pour le même prix deux chaînes de plein exercice.

En revanche, on peut souligner que, si les performances ne sont pas si éloignées pour la seule publicité - France Télévision obtenant près de 2,7 milliards de francs supplémentaires contre 2,8 milliards de francs pour TF1 - la prise en compte des autres recettes - diversification pour TF1 et redevance pour France Télévision - ainsi que des limitations du potentiel publicitaire des chaînes publiques, conduit à diagnostiquer un différentiel de croissance des ressources pour l'avenir.

La question qui se pose en effet est de savoir si cette course aux recettes publicitaires dans laquelle a été contrainte de se lancer France télévision et qui lui a permis, au prix d'une augmentation très sensible de la durée des écrans, d'accroître ses ressources à un rythme finalement assez proche de ses concurrents privés, va pouvoir se poursuivre. Tandis que l'audience de France Télévision marque des signes d'essoufflement - tendance qui ne peut être redressée que progressivement - les analystes pronostiquent - et les cours de bourse en témoignent - une croissance régulière des recettes des chaînes privées, qui, parce qu'elle s'applique à un niveau absolu plus élevé, risque d'accroître la disproportion des ressources entre secteur public et secteur privé audiovisuel.

2. Un état d'infériorité commerciale croissante

Les produits d'appel que constituent le sport et le cinéma sont de plus en plus difficilement accessibles aux chaînes du secteur public.

On assiste à une surenchère sur les prix et les droits audiovisuels à la fois du cinéma français et du football qui, tous deux, ont été et restent parmi les composantes principales du succès des chaînes privées.

Les chaînes privées ne se contentent pas d'évincer, du fait de leurs capacités financières, les chaînes publiques de l'exclusivité des retransmissions porteuses d'audience ; elles ont également la possibilité d'investir en amont, dans les clubs sportifs. On voit ainsi se dessiner toute une stratégie de prise de contrôle de clubs ou d'organisations sportives devenues des entreprises de spectacles.

Le contrôle du Paris Saint-Germain - et du Servette de Genève -par Canal Plus, l'arrivée de M6 (CLT-UFA) au sein du club des Girondins de Bordeaux, ou celle de Pathé à l'Olympique Lyonnais comme l'acquisition par News Corp. des droits audiovisuels de la Ligue des champions en Allemagne, témoignent de l'importance de ce sport pour les groupes de télévision. On note que le projet d'acquisition du club anglais de football Manchester United par le principal opérateur de télévision payante au Royaume-Uni, BSkyB, contrôlé par News Corp., a été considéré le 9 avril 1999 par les autorités britanniques comme constitutif d'une entrave à la libre concurrence 2 ( * ) .

L'accord entre TPS et Canal Plus qualifié par la presse de " Yalta du football ", montre qu'en tout état de cause, France Télévision aura bien du mal à se maintenir à ce niveau de compétition.

Il faut donc prendre acte que, sauf pour les événements considérés en application de la directive européenne comme d'importance majeure, le secteur public est largement hors jeu et qu'il est presque condamné à pratiquer de la contre-programmation, ce qui est plutôt positif pour les sports moins populaires mais limite les ambitions en matière d'audience.

L'infériorité commerciale du secteur public continue par ailleurs de se manifester pour les présentateurs vedettes que les entreprises privées peuvent débaucher à peu près quand elles le veulent, privant ainsi les chaînes publiques des talents qu'elles avaient su dénicher.

C. DES SOCIÉTÉS CRISPÉES ET PRIVÉES DE REPÈRES

L'expérience de ces dix dernières années a montré que le service public n'avait pas su trouver sa voie et, en tout cas, inventer une logique de fonctionnement propre, véritablement distincte de celui des chaînes privées.

Paradoxalement, la logique publique, parfois perdue de vue dans la gestion quotidienne du secteur public, est souvent invoquée, mais avec parfois pour effet de déstabiliser les chaînes en brouillant une image déjà floue tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Il existe une éthique du service public. Elle est bien vivante, dans l'esprit du personnel pour lequel elle tient lieu à la fois de référence et de motivation. Mais, cette éthique, parfois teintée de nostalgie, se manifeste aussi par une certaine crainte devant le changement.

1. Une certaine appréhension devant les changements

En dépit de la qualification souvent remarquable de leurs agents et du sens du service public dont ils font preuve, mais sans doute aussi à cause de la haute idée qu'il s'en font, les sociétés de l'audiovisuel semblent éprouver quelques difficultés pour s'adapter au nouvel environnement économique comme aux changements technologiques. L'instabilité sociale qui règne au sein de ces entreprises témoigne de ces problèmes d'adaptation.

Comme l'a montré la grève de décembre 1997, la simple préparation de l'introduction des technologies numériques a suscité des remous au sein du secteur public. Les personnels ont, à cette occasion, particulièrement à France 3, exprimé des craintes sur les conséquences que pourrait avoir le numérique sur l'organisation du travail et notamment sur la grille des qualifications et le contenu même des métiers, voire sur la fabrication des émissions et leur mode de diffusion.

Il est significatif à cet égard que la crise de 1997 ait trouvé son origine dans la suspension, à la suite du retrait des représentants du personnel, des travaux du comité central d'entreprise du 27 octobre 1997, au cours duquel devait être discutée la question de l'organisation des expérimentations en matière de télévision numérique.

L'arrivée des nouvelles technologies a été source d'inquiétude dans la mesure où les personnels de France 3 savent que leur entreprise va avoir à affronter la concurrence du secteur privé, ses méthodes productivistes provoquent l'inquiétude, tant au regard de l'évolution des métiers qu'à celui des contenus de programmes. L'atmosphère s'est révélée suffisamment tendue pour qu'un fait apparemment anodin - la mise en démonstration par la direction technique dans les régies des matériels numériques de nature à montrer des possibilités d'évolution des fonctions - déclenche de vives réactions et envenime le climat social.

Indépendamment du bon déroulement des expérimentations elles mêmes, les syndicats ont voulu être attentifs à ce que les nouveaux matériels et les nouvelles formes d'organisation du travail n'aboutissent pas à priver les salariés de la chaîne des gains de productivité liés aux technologies numériques. Une telle revendication est parfaitement compréhensible dans une société, qui avait vu ses excédents de recettes publicitaires systématiquement prélevés par l'État au nom des impératifs de la rigueur budgétaire.

2. Des missions confuses ou impossibles pour le secteur public

La télévision du secteur public a toujours été investie par le législateur d'une triple mission : informer, distraire, éduquer. La première et la deuxième ne sont plus l'apanage du seul secteur public. L'information et la distraction sont des fonctions désormais assurées par toutes les chaînes ; seule la fonction éducative incombe encore par excellence aux grandes chaînes généralistes publiques, même si, dans les faits, cette fonction a eu tendance à être négligée aux heures de grande écoute.

Le déplacement des priorités des pouvoirs publics qui ont eu tendance, au nom de l'exception culturelle à se préoccuper plus de l'origine nationale des programmes que de leur contenu, a conduit à vider progressivement la notion de service public de son contenu opérationnel.

Soumises aux mêmes contraintes de quotas de production et de diffusion et aux mêmes obligations par l'autorité de régulation qui définit les règles générales de programmation des chaînes privées par référence au même triptyque fondateur " informer, distraire, éduquer ", les sociétés privées ne se distinguent pas fondamentalement de celles du secteur public audiovisuel. Ce n'est pas sans fondement que M. Jean Drucker a pu devant le groupe de travail estimer qu'à regarder le dimanche soir les grandes chaînes généralistes, on avait plutôt l'impression que le service public se trouvait, en première partie de soirée, sur M6.

D'ailleurs, le téléspectateur ne peut que constater que d'une saison à l'autre, à l'issue de la période que la presse appelle la période des transferts, les mêmes présentateurs et journalistes vedettes passent d'une station à l'autre, tels des joueurs de football.

Des obligations persistent mais comme le constate le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou M. Jean-Louis Missika dans le rapport qu'il a remis au ministre de la Culture sur " Les entreprises publiques de télévision et les missions de service public ", les programmes de service public sont souvent renvoyés en seconde partie de soirée, voire plus tard encore. Tout se passe comme si les chaînes publiques n'assuraient qu'un service minimum, en considérant et exécutant les obligations qu'elles tiennent de leur cahier des charges comme des " corvées ".

L'auteur du rapport précité parle à propos de France 2 " d'injonction paradoxale " considérant non sans raison que la chaîne se voit assigner des objectifs contradictoires de programmation de qualité et de financement publicitaire, ce qui l'engage à s'efforcer de concurrencer le secteur privé. La critique est d'autant plus injuste en effet que France 2 ne s'est lancée dans la course aux recettes publicitaires que parce qu'on lui a retiré des ressources afin de financer de nouvelles chaînes : c'est un peu comme si on avait demandé aux grandes soeurs de faire du commerce pour faire vivre les deux petites nouvelles que sont Arte et La cinquième à l'abri de la " souillure publicitaire ".

*

Le constat qui s'impose après cet état des lieux rapide du secteur public audiovisuel, est que l'on se trouve face à des entreprises sinon bloquées, du moins crispées par l'effet cumulé d'un certain nombre de facteurs :

•  Une contrainte budgétaire permanente - mais pas constante -, qui a suscité des réactions de défense à la base, tout en empêchant les dirigeants de donner à leur société la vitesse minimale nécessaire pour la faire évoluer sans trop de heurts ;

•  Un défaut d'ambition stratégique largement dû à l'absence de moyens financiers avec de surcroît, en ce qui concerne France 2, les effets de la politique prudente menée ces dernières années, comme si après l'affaire des animateurs producteurs, il avait fallu pour prévenir le retour à de tels errements, mener une politique de bon père de famille ;

•  Des missions floues et contradictoires pour les télévision publiques par suite de l'enchevêtrement des logiques commerciale et de service public, qui ont brouillé l'image de France Télévision tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise, affectant par là même le dynamisme de l'ensemble ;

•  En dernier lieu, une certaine crainte devant l'avenir économique ou technologique, peur de la privatisation d'abord pour les uns, inquiétude face à l'arrivée d'une nouvelle concurrence pour les autres, appréhension pour tous enfin face aux bouleversements de tous ordres que pourrait entraîner l'arrivée des technologies numériques.

II. LES DÉFIS DU NUMÉRIQUE

La convergence des moyens de communication est en marche. Et cette marche est irrésistible.

On ne sait pas qui de la télévision ou de l'ordinateur, du câble, du satellite ou d'autres techniques de diffusion vont l'emporter. On ne connaît pas l'avenir audiovisuel, mais tout ce que l'on sait c'est que cet avenir sera numérique.

Or, comme le montre l'exemple du téléphone portable, l'avenir peut arriver plus vite qu'on ne s'y attend.

A. VERS UNE SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION AUDIOVISUELLE

Pour votre rapporteur, il y a une vérité d'évidence : une nouvelle télévision est en train de naître, elle est payante, le secteur privé en a - pour l'instant - le monopole.

Cette télévision est porteuse d'une nouvelle façon de consommer et par là d'un nouveau mode de vie. Les opérateurs privés sont déjà en train de l'anticiper.

La télévision reste toujours consommée pour les images qu'elle diffuse 3 ( * ) ; le fait nouveau, réside dans le fait qu'elle devient un point de vente privilégié à la manière d'Internet.

1. La montée en puissance de la télévision payante et les débuts de l'interactivité

La concurrence entre TPS et CanalSatellite permet même aujourd'hui à la France d'être le pays avancé dans l'usage des technologies numériques. Selon le cabinet d'études américain Forrester Research, ce sont 25 % des foyers français qui utilisent actuellement la télévision interactive, alors qu'ils ne sont que 12,2 % aux Etats-Unis.

a) La France en tête en Europe pour la télévision payante

En France, les chaînes payantes continuent leur progression. Sur 40 milliards de francs dépensés par les ménages en 1998 dans l'audiovisuel, 15,3 milliards ont été consacrés aux abonnements à la télévision payante, indique le Centre national de la cinématographie. Ce poste arrive loin devant la redevance (10 milliards de francs), la location de vidéocassettes (plus de 8 milliards de francs) et le cinéma (6 milliards de francs).

Selon une étude d'IP, la régie publicitaire du groupe de télévision et de radio CLT-UFA, rendue publique au printemps 1999, la France, le Royaume-Uni et la Hongrie dominent le marché européen de la télévision payante.

Trois pays, la France, la Grande-Bretagne et l'Espagne représentent 75% des abonnements à la télévision numérique.

La France, avec ses trois bouquets de programmes de télévision numérique, CanalSatellite (1,2 million d'abonnés) et sa chaîne payante Canal Plus, TPS (700.000 abonnés) et ABsat (325.000 abonnés) occupe la première place avec 29 % de part du marché de la télévision payante en Europe., à égalité avec le Royaume-Uni, où l'on trouve deux opérateurs On Digital, plate-forme de télévision numérique terrestre (247.000 abonnés) et Sky Digital (1,2 million abonnés).

En Espagne, deux concurrents se disputent le marché de la télévision numérique payante, Via Digital du groupe Telefonica (350.000 abonnés) et CanalSat Digital dans lequel Canal Plus est associé avec le groupe de presse Prisa (714.000 abonnés).

Dans les autres pays européens - sauf en Hongrie où la télévision payante obtient 30 % de part de marché - la moyenne de pénétration de la télévision payante atteint tout juste 3,7 %.

Toujours selon l'étude d'IP, les marchés allemands (bouquet DF1 du groupe Kirch) et italiens, avec ses deux offres concurrentes Télé+ et Stream (171.000 abonnés), se sont révélés décevants.

En France, on peut s'attendre à la poursuite de la progression du numérique. Ainsi devant le groupe de travail, M. Maurice Levy a-t-il tablé sur un taux de réception des chaînes câblées et diffusées par satellite d'environ 70 % des ménages français à l'horizon 2005-2010.

b) l'apparition de l'interactivité

L'étude de la société américaine Forrester Resarch déjà citée, prévoit un développement considérable de la télévision interactive dans les trois années à venir. Selon ce document, elle devrait engendrer un chiffre d'affaires de 18,6 milliards d'euros d'ici à 2004, dont plus de la moitié de recettes publicitaires. Le reste du chiffre d'affaires proviendrait du commerce électronique et des abonnements.

Cette croissance considérable tient au développement probable de trois services interactifs : les guides de programmes électroniques la "télévision enrichie " qui donne la possibilité d'accéder à des informations sur un programme en cours ou sur un produit mis en avant dans une publicité, la possibilité de prendre part à un jeu ou à un vote, l'accès à Internet enfin.

Pour les responsables de l'étude, " Internet est parfait pour faire des transactions, comme acheter des billets d'avions, mais pas pour y placer de la publicité. Au contraire, la télévision offre une bien meilleure qualité d'image et arrive à faire passer des émotions. C'est pourquoi la pub va quitter Internet pour venir sur la télévision interactive. "

Ainsi, la télévision, loin de se laisser grignoter par Internet, a choisi de contre-attaquer sur le terrain même d'Internet, l'interactivité. TPS et CanalSatellite en font aujourd'hui la démonstration : la télécommande peut se substituer à la souris. En quelques pressions, le téléspectateur peut connaître le temps qu'il fait partout dans le monde ou dans sa région, tout savoir sur les films qui vont sortir, ou les expositions partout en France et à l'étranger, les résultats sportifs etc...

La télévision devient aussi un espace de vente : le téléspectateur peut s'informer, acheter des produits, commander des catalogues, recevoir des échantillons de la même façon ou presque que sur Internet.

Sur TPS, la chaîne Météo Express est consultée par 56 % des abonnés, et, sur CanalSatellite, 70 % des abonnés déclarent utiliser au moins une fois par semaine ce type de service. Le cinéma et le sport complètent le tiercé de tête des choix du téléspectateur en matière d'interactivité.

L'interactivité s'avance masquée, en ce sens que, pour l'instant, pas plus à CanalSatellite que chez TPS, on ne place l'interactivité comme argument de vente : les deux bouquets sont vendus avant tout comme des programmes de télévision.

2. Des signes annonciateurs : l'envol des cours de bourse et le retour du câble

Comme dans beaucoup de domaines, la Bourse anticipe sur les évolutions économiques et sociales en gestation en misant sur les entreprises susceptibles d'en profiter.

Ainsi, la frénésie d'achat sur les valeurs d'avenir -télécommunications et Internet- a gagné le secteur des médias. Les titres de Canal Plus, TF 1, M 6 et des autres opérateurs français ou européens, tel le bouquet satellitaire britannique BSkyB, ont très fortement augmenté au cours de 1999. Ce n'est pas la correction intervenue en début d'année 2000, qui devrait modifier cette tendance à la hausse, surtout depuis la nouvelle " méga fusion " annoncée à la mi-janvier entre les géants américains AOL et Time Warner, qui consacre le mariage des médias traditionnels et d'Internet.

La hausse enregistrée au début décembre a été déclenchée par l'annonce du rapprochement de BSkyB, la chaîne de télévision payante de Rupert Murdoch, avec l'Allemand Leo Kirch. En prenant 24 % de KirchPayTV pour 1,47 milliard d'euros 4 ( * ) , la société britannique BSkyB a valorisé l'abonné allemand à 2.800 euros.

Sachant, à titre de comparaison, qu'un abonné à CanalSatellite est valorisé à 1.400 euros, on comprend que toutes les sociétés françaises privées du secteur, Canal Plus, TF1 et M6, aient bénéficié de cet effet de revalorisation. Le phénomène n'est pas sans rappeler l'ascension irrésistible des valeurs Internet américaines.

L'analyse financière sous-jacente à cette vague d'achats est que les chaînes de télévision sont, aux côtés des groupes de téléphonie mobile, les meilleurs vecteurs pour profiter d'Internet, le téléviseur étant considéré comme la voie d'accès la plus naturelle à Internet. En témoigne également, l'envolée d'OpenTV, qui produit des logiciels interactifs pour les décodeurs, lors de son introduction sur le Nasdaq américain.

TF 1 a pour ambition de profiter de l'effet de masse de ses millions de téléspectateurs pour s'imposer comme un portail incontournable d'accès à Internet. Par cette démarche, la chaîne espère attirer les annonceurs et prendre une commission sur les transactions du commerce électronique. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que l'action de TF 1 ait pu prendre 25 % en deux jours, et 234 % depuis un an.

Le caractère durable de la hausse dépendra des " fondamentaux ", évolution modérée du coût de la grille et recettes publicitaires pour les uns, maîtrise de l'endettement pour les autres, qui tels BskyB ont détérioré leur rentabilité par l'octroi de décodeurs numériques gratuits et autres coûteuses promotions sans pouvoir augmenter le prix des abonnements.

La montée des capitaux américains dans le câble, soulignée au début de l'été 1999 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, révèle l'enjeu stratégique que sont devenus les réseaux câblés par suite de l'anticipation par les opérateurs privés du processus de convergence entre la téléphonie, Internet et la télévision.

Un certain nombre de personnalités entendues par le groupe de travail ont insisté sur les causes de l'échec initial du câble en France. Ainsi M. Bernard Prades, délégué général de Suez-Lyonnaise, a-t-il rappelé que le lancement du câble en toute fibre optique en France avait été un échec. On a d'abord rencontré des difficultés techniques. Ensuite, le démarrage de la commercialisation de TV Câble en décembre 1986 s'est déroulé dans de mauvaises conditions, tant du fait du lancement simultané de Canal + et de deux chaînes hertziennes gratuites que des relations délicates avec France Télécom. Ce qui est certain, c'est que l'absence d'intégration des responsabilités de la pose à la commercialisation n'a pas favorisé le développement du câble.

Si celui-ci semble retrouver de l'intérêt pour les investisseurs notamment américains, c'est en raison de ses perspectives dans le domaine des télécommunications.

Un certain nombre d'entreprises étrangères 5 ( * ) se sont récemment implantées sur le marché français. Elles anticipent en fait le mouvement de dérégulation amorcé en Grande-Bretagne en 1991 permettant aux câblo-opérateurs de proposer des services de télécommunication. C'est cette même logique qui a conduit France Télécom à s'associer en Grande-Bretagne avec NTL (1,6 million d'abonnés).

En fait, à l'origine de ce renouveau du câble, se trouve également l'ambition d'ATT et des câblo-opérateurs américains soutenus par Micrososft de faire du câble aux Etats-Unis le principal accès à Internet et par voie de conséquence au commerce électronique.

En dépit des progrès des transmissions filaires avec le début de la commercialisation de la technologie ADSL qui commence à être commercialisée dans les arrondissements centraux de Paris, le câble se présente actuellement comme une voie plus sûre, plus rapide et de meilleure qualité que les modems reliés à des lignes téléphoniques.

En quelques mois, ATT a acquis pour 100 milliards de dollars deux des plus importants cablo-opérateurs : le n°1 TCI et le n°4 Médias One, tout en passant avec Comcast le n°3 une accord de rationalisation des réseaux. Compte tenu des autres opérations de concentration impliquant des opérateurs moins importants, il n'est pas étonnant que les cours des actions des câblo-opérateurs aient quadruplé à la bourse de New-York.

L'enjeu du câble apparaît encore plus nettement avec l'entrée de Microsoft dans le processus d'alliances. Déjà actionnaire de Comcast, Microsoft a investi 5 milliards de dollars dans ATT en échange de 3 % du capital et avec la perspective de mettre les systèmes d'accès d'ATT sous Windows. Dans ce domaine, Microsoft est encore distancé par les décodeurs d'Open TV ( Sun ) et Médiagard de Canal Plus.

Microsoft tisse sa toile en Europe. Avec 4 milliards de dollars d'investissements, la firme de Seattle possède notamment 30 % de Telwest et 5 % de NTL en Grande-Bretagne, ainsi que près de 8 % d'UPC aux Pays-Bas.

On assiste ainsi à la course vers le client final, qui justifie tous les investissements et toutes les surenchères : en un an, le prix de valorisation de la prise aux Etats-Unis a presque doublé pour atteindre près de 5.000 dollars par abonné. En France aussi, les prix explosent : Vidéopole vendu par EDF sur la base de 1.300 francs l'abonné a été revendu quelques mois plus tard par l'acquéreur à UPC sur la base de mille dollars par abonné, qui correspond au prix actuel du marché.

Finalement, toute cette ébullition subite autour du câble montre qu'avec la convergence, le câble a sa place aux côté du satellite et, le cas échéant du numérique terrestre dans la mesure où en l'état actuel des techniques, il semble que ce soit le vecteur d'interactivité le plus immédiatement opérationnel et celui offrant un accès particulièrement sûr au client final. Lors de son audition par le groupe de travail, M. Bernard Prades délégué général de Suez-Lyonnaise s'est déclaré convaincu que le câble constitue la vraie " autoroute de l'information " de demain et a expliqué que du point de vue de l'aménagement du territoire, seules les entreprises - environ 20 % de clients potentiels - auraient l'utilité de l'énorme débit qu'offre le câble, les particuliers n'auront l'usage que du débit, déjà important, de l'ADSL.

Le réseau câblé britannique du groupe Cable & Wireless Communications (CWC) - dont NTL a, avec l'appui de son nouvel actionnaire France Télécom, pris le contrôle - a, le premier, en juillet 1999, concrétisé cette stratégie en lançant les premières chaînes de télévision numérique, introduisant ainsi en Europe l'idée d'un service global associant des images, des sons et des services variés.

CWC propose d'abord à Manchester, mais bientôt à Londres, une large gamme de produits, y compris le courrier électronique, sur l'écran de télévision, ainsi qu'une sélection de sites Internet. Pour environ 100 francs par mois, les abonnés disposent d'un décodeur, d'un bouquet de chaînes, dont certaines numérisées, d'une ligne téléphonique avec 100 minutes d'appels locaux gratuits et du courrier électronique gratuit. Ils peuvent également faire leurs courses par Internet, grâce aux accords passés par CWC avec certaines grandes entreprises. A terme, les abonnés devraient également pouvoir avoir accès à des services Internet à grande vitesse.

B. L'AUDIOVISUEL PUBLIC ENTRE CONCURRENCE ET COMPLÉMENTARITÉ

La France va-t-elle connaître une évolution à l'américaine ? Les trois grands réseaux historiques que sont ABC, CBS et NBC ont, depuis longtemps, perdu leur monopole généraliste au profit d'une multitude de " channels " thématiques diffusés sur le câble et par satellite : de près de 90 % en 1978, la part d'audience des réseaux traditionnels est tombée à 47 % en 1998, et ce, malgré la création, ces trois dernières années, d'une série de nouveaux "networks " à vocation familiale (Fox TV, Pax TV, UPN, WB). En dépit de cette baisse de leur audience, les grands réseaux généralistes résistent bien en termes de recettes publicitaires. Elles culminent à plus de 7 milliards de dollars en 1998, même si les analystes s'attendent à ce que leur part du marché publicitaire s'effrite au profit des câblo-opérateurs pour tomber de 14,5 % en 1998 à 11,5 % d'ici à 2003.

1. Marquer sa différence tout en restant intégré au paysage audiovisuel

La vocation du secteur public est clairement de créer du " lien social " dans un paysage audiovisuel désormais éclaté du fait de la multiplication des chaînes thématiques et du développement d'Internet.

a) Les chaînes généralistes résistent dans l'ensemble plutôt bien aux chaînes thématiques

La télévision a encore de belles perspectives. A en croire la centrale d'achat d'espaces IP France, filiale du groupe CLT-UFA, le développement rapide de l'utilisation d'Internet en Europe n'a pas d'impact sur l'audience ni sur les recettes publicitaires des télévisions. Alors que la part des foyers abonnés à Internet en Europe de l'Ouest est passée de 5,1 % à 17,3 % entre 1997 et 1998, les Européens passent toujours plus de temps devant leur téléviseur. La durée d'audience moyenne a encore augmenté de 6 minutes, pour atteindre 3 heures et 25 minutes par jour. Et cette constatation est valable partout, même dans les pays où l'usage d'Internet est le plus répandu. En Suède, en Norvège et au Danemark, où plus d'un habitant sur cinq était connecté à Internet en 1998, la durée d'écoute de la télévision a augmenté encore plus que la moyenne européenne.

Pour l'instant, Internet et télévision sont deux types de consommation qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, et qui se complètent : sur Internet, l'information pratique, les services, le dialogue ; à la télévision : le divertissement, la détente, l'information généraliste. En outre aux 27 millions de foyers européens qui ont accès à Internet, il faut opposer les 150 millions de ménages qui regardent uniquement la télévision.

Ensuite, les chiffres globaux sont plutôt rassurants pour les généralistes. Selon la dernière enquête connue Audicabsat, menée par Médiamétrie à la fin 1998, la part d'audience des chaînes hertziennes reste exactement au même niveau de 71,1 % que l'année précédente. Face à cette stabilisation inattendue, la part d'audience des chaînes thématiques n'a pas varié. Comme en 1997, elle s'est maintenue à 24,9 %. Ce qui signifie, compte tenu de l'augmentation du nombre de chaînes thématiques, que l'audience moyenne n'a pu que baisser...

De fait, la stabilité de la part d'audience des chaînes thématiques masque des évolutions divergentes. On constate notamment que les chaînes pionnières du câble et du satellite souffrent de la concurrence des nouvelles venues.

Cette bonne performance des chaînes généralistes traduit leur capacité à créer l'événement. Cette " puissance " recherchée par les publicitaires, est illustrée par la capacité de programmes, tels que " Le Comte de Monte Cristo ", à rassembler plus de 10 millions de téléspectateurs.

M. Maurice Lévy a expliqué devant le groupe de travail que TF1 se devait de conserver sa position dominante par l'effet de "la prime au leader" dont elle bénéficie à l'heure actuelle dans le domaine de la publicité. Bien que l'intérêt des annonceurs soit d'offrir à leurs clients des audiences de plus en plus ciblées, et donc que la publicité doive occuper une place non négligeable sur les chaînes payantes, même si l'audience y est plus faible, le processus actuel ne condamne pas, selon lui, les chaînes de télévision généralistes mais conduit seulement à une fragmentation de l'audience. Il a rappelé que " l'homme est un animal d'habitude ", fidèle aux programmes et aux présentateurs qu'il connaît.

D'autres signes sont cependant annonciateurs de changements. Ainsi, les chaînes thématiques ont été plus nombreuses à obtenir une audience significative. En 1998, sept chaînes, contre cinq, l'année précédente, ont fait plus de 1 % de parts d'audience. On note également que certaines chaînes obtiennent localement des performances appréciables. En Ile-de-France, LCI atteint 3,2 % de parts d'audience, contre 1,6 % au plan national. Paris Première est dans la même situation avec plus de 2 % de parts d'audience en région parisienne et 1 % sur tout le territoire.

En outre, au-delà des chiffres globaux de cette enquête qui pour l'instant n'est qu'annuelle, il faut non seulement considérer la tendance mais examiner les caractéristiques de la population. De ce point de vue, le câble et le satellite touchent principalement des populations jeunes et plutôt aisées qui regardent peu les chaînes généralistes.

Signe que les temps changent, l'institut Médiamétrie va prendre en compte à partir de janvier 2000, les chaînes numériques dans son Audimat quotidien. 280 foyers recevant des programmes numériques par satellite et sur le câble, soit environ 10 % de l'échantillon de population servant à établir l'Audimat prendront la place d'un nombre équivalent de foyers disposant seulement d'une offre de chaînes analogiques. Pour autant, le Médiamat ne livrera pas quotidiennement les audiences détaillées des chaînes thématiques, qui continueront à être comptabilisées globalement sous la rubrique " Autre télévision ".

Dans la pratique, le premier changement notable devrait être une baisse minime des parts d'audience de certaines des chaînes hertziennes. Ainsi, TF 1 pourrait perdre près de 1 % de parts de marché, tout comme France 2 et France 3. En revanche, les résultats de Canal Plus et M6 devraient, eux, rester stables.

Les grandes télévisions hertziennes pourraient perdre collectivement jusqu'à 2,5 % de parts d'audience. ; les chaînes classées " Autre télévision " passant de 4,5 % à 7 % de parts de marché. Seules M6 et Canal Plus, mais aussi Arte-La Cinquième, pourraient compenser ce léger repli grâce à l'apport des nombreux foyers qui les captent par satellite et sur le câble, faute de pouvoir les recevoir en mode hertzien.

A long terme, en revanche, la part du numérique devrait croître à mesure du gonflement des portefeuilles d'abonnés de TPS et Canal Satellite. " Les émissions d'après-midi, notamment les fictions, et de fin de soirée pourraient aussi être menacées car elles doivent faire face, au même moment "à une offre très forte et de même nature sur les chaînes thématiques" .

L'arrivée du numérique va très probablement accentuer cette tendance à l'atomisation de l'audience et peut-être même à l'atténuation des carrefours d'audience. Il n'est pas sûr, en effet, que des rendez-vous comme les journaux de 20 heures résistent indéfiniment à la multiplication des chaînes spécialisées d'information ou de météo en continu et à l'effet des programmations décalées.

De toute façon, l'effritement ne sera pas homogène selon la population considérée, étant entendu que la perte la plus probable concernera les enfants et adolescents.

La concurrence qui se concentrera sans doute sur les émissions de deuxième partie de soirée et de l'après-midi, devrait inciter les chaînes généralistes à mettre l'accent sur les points forts de leur programmation en access et en prime time. On devrait logiquement assister à un recours accru aux grands programmes événementiels à caractère fédérateur comme les grandes manifestations sportives, les grands films ou les soirées spéciales que seules les grandes chaînes peuvent financer.

b) L'audience globale des chaînes publiques a tendance à s'effriter en dépit de leur rôle social indispensable

On voit que le contexte dans lequel évolue le paysage audiovisuel est porteur, sinon de menaces du moins d'un défi pour le secteur public, au point de remettre en cause sa fonction de référence commune à tous les Français.

Le sociologue Dominique Wolton analyse très clairement l'apport indispensable des chaînes publiques : " Demain, les médias généralistes, dans un univers multimédia, interactif et encombré de réseaux, auront un rôle encore plus important qu'hier, car ils seront l'un des seuls liens de la société individualiste de masse. La télévision généraliste renvoie à cet objectif : continuer à partager quelque chose en commun dans une société fortement hiérarchisée et individualisée. Les médias thématiques ne font, en revanche, au nom de la liberté des choix, qu'épouser les plis des inégalités sociales et culturelles ".

Il n'est pas sûr que le secteur public puisse toujours jouer ce rôle de commun dénominateur social et culturel avec les moyens dont il dispose actuellement, compte tenu de la concurrence des chaînes privées, à l'évidence mieux armées pour s'adapter à l'évolution technologique.

Le flot d'images que le satellite et le câble sont dès aujourd'hui en mesure de déverser dans un nombre de plus en plus important de foyers, l'afflux supplémentaire qui résultera de l'avènement du numérique terrestre, changent les modes de consommation. Le risque d'un tassement de l'audience pourrait, faute d'une vraie mobilisation, être plus important pour le secteur public que pour le secteur privé pour plusieurs raisons :

•  d'abord, le secteur privé est à l'évidence mieux à même de pratiquer du fait des moyens financiers considérables qu'il est en mesure de mobiliser, cette programmation événementielle qui paraît la plus apte à résister au grignotage de l'audience par les chaînes thématiques : le secteur public doit en permanence lutter contre les effets de cette " prime au leader " qui tend généralement à le placer en situation de challenger ;

•  ensuite, le secteur privé a, depuis un certain nombre d'années déjà, pris de l'avance en matière de diversification de l'offre et de gestion commerciale : dans un monde saturé d'images, il faut savoir entretenir la demande, bref savoir se vendre, ce qui, il faut le reconnaître, est plus dans la nature des chaînes privées que publiques. En outre, la mutation du fait du développement de l'interactivité, des chaînes privées en portail d'accès à Internet et en vecteur de commerce électronique crée des synergies favorables aux chaînes privées, qui, pour l'instant du moins, ne peuvent bénéficier aux chaînes publiques ;

•  enfin, on peut se demander si le développement des chaînes thématiques à vocation culturelle ne va pas progressivement ôter leur raison d'être aux programmes culturels des chaînes généralistes à caractère non événementiel, soit que ceux-ci soient repris à des horaires décalés, ce qui diluera l'audience, soit qu'ils soient simplement démarqués sur les chaînes thématiques correspondantes.

Dans ces conditions, le choix est difficile pour les chaînes publiques entre une programmation concurrente, dont elles n'ont pas vraiment les moyens et qui pourrait les amener au nom de l'efficacité à oublier leurs misions, et une contre-programmation qui pourrait les conduire à ne constituer qu'une offre complémentaire, toujours menacée de marginalisation.

2. La publicité, nécessité financière et impératif d'image ou drogue dangereuse ?

Dans cette perspective, la place de la publicité est une question tout à fait emblématique d'un dilemme fondamental pour le secteur public : doit-il marquer sa différence ou au contraire assurer son intégration parmi les produits audiovisuels du marché ?

D'un côté, on peut soutenir qu'il doit montrer sa différence, en particulier en s'interdisant les coupures publicitaires, qui feraient que France Télévision ne se distinguerait guère de ses rivales TF1 et M6 ; de l'autre, il faut se garder de toute publiphobie : pour la jeune génération, non seulement la publicité n'est pas perçue comme une gêne, mais encore son absence serait presque suspecte, comme le signe de quelque chose d'élitiste, donc d'ennuyeux, voire de ringard.

C'est la reconnaissance de ce fait publicitaire qui conduit votre rapporteur à considérer comme inopportune toute diminution trop drastique de la durée de la publicité à la télévision.

La réduction programmée de la durée de la publicité, prévue dans le projet de loi modifiant la loi relative à la liberté de communication, se fonde sur une analyse longtemps incontestée : les chaînes publiques ont dû se plier à ce que l'on pourrait appeler une logique de l'audience, qui les a soumis à une dictature de l'Audimat, d'autant plus sévère qu'elle s'alimentait d'une confrontation sans merci avec le secteur privé.

L'imitation du secteur concurrentiel, tant dans les programmes que dans les méthodes de management, a conduit à une crise de légitimité de la télévision du secteur public, née au printemps 96 de l'affaire dite des animateurs-producteurs.

La fin - l'augmentation de l'audience - ne justifiait à l'évidence pas les moyens - la passation de contrats dans des conditions peu transparentes pour s'attacher les services des vedettes du petit écran.

Mais, si la course à l'audience était effectivement devenue une nécessité vitale, c'est sans doute moins à cause de la part des recettes publicitaires dans les ressources de la chaîne que des mutations en cours du marché de la publicité.

Dans un marché de monopole, et cela était le cas en 1986, avant la privatisation de TF1, on a pu avoir des pourcentages de recettes publicitaires bien supérieurs, comme on peut le constater à la lecture du tableau de la page 13 du présent rapport.

Celui-ci montre que la part de la publicité pouvait atteindre pour France2 plus de 60 %, voire près de 70 % avec les recettes de diversification. Or, personne ne s'inquiétait alors vraiment de voir le contenu des programmes dictés par les annonceurs. C'est parce qu'à l'époque l'audiovisuel était en situation de monopole ou du moins contrôlait un cartel, dont tous les acteurs jouaient avec la même règle du jeu, celle du service public.

Il en est tout autrement aujourd'hui sur un marché devenu concurrentiel. La position de marché du secteur public s'est considérablement affaiblie, dès lors que les annonceurs ont pu se tourner vers TF1 et M6.

Cette évolution structurelle a été accentuée par un certain retournement de tendance du marché publicitaire au milieu des années 1990.

En 1993 et 1994, on a assisté à la redistribution de l'audience libérée par la disparition de La 5. France 2 a alors été tentée, ce que l'on peut comprendre, d'adopter un comportement de concurrence frontale avec TF1. C'est à ce moment-là que la croissance du marché publicitaire s'est ralentie, passant de +9,8 % en 1994 et +8,8 % en 1995 à +3,6 % en 1996 et +5,4 % en 1997.

La décision du CSA d'autoriser en 1996 TF1 à revenir sur l'autolimitation des coupures publicitaires et à les faire passer de 4 à 6 minutes par heure, a sans doute, de ce point de vue, moins constitué un " cadeau " au groupe privé, qu'une pression concurrentielle accrue sur France Télévision.

La compétition entre les régies, dans un contexte où la durée des espaces publicitaires croît plus vite que les dépenses des annonceurs, se traduit par une agressivité accrue dans les politiques tarifaires, et une augmentation des taux moyens de remises.

L'état de dépendance publicitaire dans lequel on a placé France Télévision ne dépend pas d'un seuil quantitatif mais du fait que l'évolution du mode de fonctionnement du marché publicitaire a mis France Télévision en situation de vulnérabilité.

Le temps est révolu où les chaînes dépassaient sans difficulté les objectifs de recettes publicitaires qui leur étaient assignés dans les lois de finances.

Indépendamment de la déstabilisation du marché, due à l'effet d'annonce des réductions de la publicité sur les chaînes publiques, cette situation s'explique fondamentalement par l'intensification de la concurrence, du fait à la fois de ses performances en audience (chacune des deux chaînes privées gagne près d'un point de part d'audience sur les ménagères de moins de 50 ans) et de l'allongement des écrans de coupure de TF1 (+18 % de " GRP " délivrés par ses écrans publicitaires par rapport au 1 er semestre 1997) ;

Le problème des chaînes publiques du point de vue des recettes publicitaires est qu'elles sont en position de faiblesse sur les segments les plus utiles du marché : " l'access - prime time ", les " ménagères de moins de cinquante ans ".

Une des raisons de la diminution de l'efficacité des écrans 6 ( * ) vient de ce que les tarifs des écrans tiennent compte de l'audience effective des émissions auxquelles ils se rattachent. Un tel système peut avoir des effets en retour redoutables, même si l'on s'efforce de responsabiliser l'annonceur dans le choix des écrans. 7 ( * )

Il faut noter également que la régie publicitaire de France Télévision s'efforce de mettre en place un nouveau mode de commercialisation de l'espace publicitaire.

A deux reprises, France Télévision Publicité a expérimenté la vente aux enchères de certains écrans diffusés à l'occasion de deux grandes manifestations sportives. Ces expériences ponctuelles - notamment le match "Marseille-Parme" du 12 mai 1999 - s'étant révélées concluantes, la régie publicitaire va commencer à commercialiser certains des écrans diffusés par France 2 et France 3 en 2000 sous forme d'adjudication par la libre confrontation de l'offre et de la demande d'espace.

Afin de donner aux intervenants le maximum de garanties de transparence et d'égalité de traitement, ce nouveau mode de vente doit être mis en oeuvre par l'intermédiaire d'une structure spécialisée, filiale de France Télévision Publicité (qui garde en toute hypothèse la totale maîtrise de la commercialisation de l'espace disponible).

Parfois critiqué par les annonceurs, un tel système semble a priori de nature à permettre à France télévision de tirer parti d'une éventuelle pénurie d'écrans et, sans doute, de limiter les pertes qui doivent résulter de la diminution décidée par le Gouvernement de la durée des écrans publicitaire. Il ne devrait pas diminuer la vulnérabilité des chaînes publiques aux fluctuations du marché publicitaire soulignée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le rapport qu'il a remis à votre commission des finances.

Si TF1 a pu maintenir et même renforcer sa position en dépit de la baisse de son audience, c'est parce qu`un gain d'un point d'audience rapporte, en part de marché publicitaire, environ deux fois plus à une chaîne privée qu'à une chaîne publique.

Nul doute, en revanche, que l'interdiction des coupures publicitaires favorise la formation des " tunnels " et diminue l'efficacité des écrans et donc les recettes des chaînes publiques. A cet égard, il rejoint tout à fait M. Marc Tessier, le nouveau président de France Télévision, lorsqu'il a déclaré qu'on aurait pu faire le choix d'autoriser ces coupures tout en diminuant la durée de la publicité.

Comme le souligne le Conseil supérieur de l'audiovisuel , " l'effort commercial nécessaire à une chaîne et à sa régie pour accroître ou maintenir une part de marché n'est donc pas moins important pour le secteur public que pour le secteur privé, mais la liberté pour adapter le contenu de la grille de programmes aux exigences des annonceurs ou aux rigueurs financières du moment est beaucoup plus grande pour le second que pour le premier.

Cette différence d'adaptabilité à la concurrence fait que, paradoxalement, les chaînes publiques apparaissent plus vulnérables que les chaînes privées aux fluctuations du marché publicitaire. "

Pour conclure, votre rapporteur estime qu'il ne faut en aucun cas supprimer toute publicité.

D'abord, parce que celle-ci constitue un moyen privilégié pour les directeurs de chaînes de rester en contact direct avec le public. Les recettes de publicité matérialisent les succès d'audience et jouent un rôle important dans la motivation des personnels.

Ensuite, parce que la culture que le secteur public a pour mission de véhiculer, doit parfois s'avancer masquée derrière le divertissement et la publicité en fait à l'évidence partie.

Une chaîne généraliste grand public, qui voudrait se présenter comme culturelle, risque en fait de confiner la culture dans un ghetto que le défaut de publicité signalera de façon emblématique ; au contraire, de la publicité, consommée avec modération, qui non seulement permettra aux responsables des émissions comme des chaînes de rester en prise avec leur public mais encore de s'intégrer naturellement dans le paysage audiovisuel.

Tout le dilemme stratégique des chaînes de service public est précisément de montrer leurs différences pour justifier leur financement public, sans pour autant s'isoler du reste du paysage audiovisuel au risque de devenir des chaînes sans téléspectateurs. L'audience du plus grand nombre reste un objectif fondamental du service public au même titre que la qualité.

C. CONTENUS : UN BESOIN D'IMAGES QUI NOUS RESSEMBLENT

L'explosion de la télévision numérique et la multiplication des chaînes qui l'accompagne, ne signifient pas l'augmentation proportionnelle de la demande de programmes. Nul doute qu'une bonne part des nouveaux besoins sera couverte par des produits de recyclage ou de décalage avec les déclinaisons temporelles d'une même chaîne.

On doit toutefois s'attendre à ce que l'augmentation des chaînes thématiques accroisse sensiblement la demande de programmes " frais ".

Il y a quelques années, on aurait immanquablement pu pronostiquer que cette nouvelle demande irait vers des séries américaines, bon marché, parce que largement amorties sur leur marché d'origine.

Aujourd'hui, il n'en est plus de même. L'empire américain continue certes de prospérer ; mais les autres nations contre-attaquent. Et c'est la chance de la France.

1. L'hégémonie américaine face au besoin d'identité culturelle

Les Etats-Unis continuent de dominer les marchés audiovisuels. Ce qui est vrai, à quelques nuances près du cinéma, l'est moins pour les programmes de télévision, pour des raisons à la fois culturelles et économiques.

L'évolution récente a montré que les produits nationaux pouvaient trouver leur place et même concurrencer les produits américains.

Désormais, les téléspectateurs européens ont souvent tendance à marquer une préférence pour des produits qui leur sont culturellement proches. Certes, des séries américaines axées sur les charmes des plages californiennes trouvent encore un public mais il en est de même, à certaines conditions des produits en provenance d'autres pays et notamment d'Europe. Il y a donc un besoin de diversification.

Certes les programmes américains sont encore bien souvent les seuls produits audiovisuels à vraiment circuler à l'intérieur de l'espace audiovisuel européen ; il n'en reste pas moins que leur part diminue de façon constante depuis cinq ans sur les antennes de nos voisins allemands et anglais.

L'hégémonie américaine a tendance à se faire moins nette, parce qu'elle trouve en face d'elle une demande de variété et un réflexe identitaire, même pour le cinéma.

En 1998, les studios hollywoodiens ont, profitant de la hausse de la fréquentation des salles et de l'explosion des chaînes de télévision, réalisé 6,8 milliards de dollars de recettes hors des Etats-Unis, autant que sur leur marché domestique. On note toutefois une tendance à l'effritement de leur part de marché en salle en Europe, qui est passée de 75 % en 1993 à 55 % en 1997.

Face aux Etats-Unis, on voit d'ailleurs se dessiner dans le cinéma une sainte alliance entre les opérateurs européens d'habitude concurrents.

Ainsi M. Murdoch, qui vient de s'allier avec l'allemand Kirch, pourrait rejoindre le projet Eureka, qui regroupe déjà ce dernier et Silvio Berlusconi, et dont l'objectif est de produire des films et des séries. Canal Plus pourrait être le partenaire français de ce regroupement européen.

La problématique de l'exception culturelle, ravivée par les négociations de Seattle, a été souvent mal comprise parce que perçue comme agressive. Elle devrait laisser la place à une revendication de sauvegarde de la diversité culturelle partagée par tous ceux, et ils sont nombreux, désireux de ne pas voir leur culture noyée sous des flots d'images standardisées, déversées sans autre souci que celui de la rentabilité à court terme.

Ce thème est fortement mobilisateur. Le Canada et l'Australie ont su se doter de puissantes industries audiovisuelles, à la fois fortement encadrées et faisant du soutien à l'exportation leur principal levier de développement. L'Amérique latine compte aujourd'hui avec le Mexique et le Brésil deux des plus puissants exportateurs de programmes dans le monde. En Asie, la Corée du Sud et le Japon semblent voir dans les alliances avec l'Europe le moyen de desserrer une pression américaine croissante.

2. Une chance à saisir pour la France

L'explosion du nombre de chaînes résultant de l'utilisation croissante des technologies numériques, ne peut que susciter une demande croissante de programmes.

Il faut que l'Europe et la France soient bien préparées pour faire face à ce qui pourrait bien se révéler, sinon une explosion, du moins une très forte augmentation de la demande.

Si l'on ne veut pas que cette expansion du marché profite surtout aux produits américains, dont l'excédent commercial vis-à-vis de l'Europe est passé de 2 milliards de dollars en 1988 à 6,5 milliards de dollars en 1998, il est indispensable de développer encore les aides en faveur des contenus.

En dépit d'une certaine tendance à l'amélioration, pour les raisons que l'on vient d'évoquer, la domination américaine est très nette sur le petit écran, où près de la moitié des oeuvres de fiction télévisuelles diffusées sur les chaînes nationales viennent d'outre Atlantique.

Certes, TV France International peut faire état d'une nette progression, puisque le montant des exportations atteint 583 millions de francs en 1997 et 716 millions de francs en 1998.

On peut souligner qu'à côté des points forts que constituent l'animation (40 % des exportations) et le documentaire (20 % des exportations) - ce dernier genre étant favorisé par le développement des chaînes thématiques - notre point faible reste les oeuvres de fiction, qui représentent à peine 30 % de nos exportations.

Il faut cependant signaler les très bonnes performances des émissions de flux comme " Fort Boyard ", qui constitue l'un des plus grands succès français à l'exportation ; tourné en France, il est devenu en dix ans le programme français de télévision le plus exporté ; il est vendu dans 48 pays.

Les réalisations d'Expand, leader mondial des jeux d'aventure, est un bon exemple des performances d'une industrie française de l'audiovisuel résolument tournée vers le marché international, au point d'exporter tous types de programmes et de recettes confondues pour près de 1,8 milliard de francs en 1998, faisant jeu égal avec le cinéma.

Plus jeune que l'industrie cinématographique, la production de télévision est sensible aux demandes du marché. Elle est assurée par une pléiade de petites sociétés indépendantes animées par des producteurs entreprenants, axés sur le marketing et rompus aux techniques de doublage et de synchronisation de langues pour s'imposer à l'exportation.

La meilleure défense étant l'attaque, il convient d'inciter les producteurs à se porter sur les marchés étrangers et ne pas compter sur la protection illusoire et temporaire des quotas.

Maintenant, surtout à un moment où la notion d'exception culturelle peut être remise en cause dans le cadre des négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce, il ne faut sans doute pas aller trop vite, comme peuvent le laisser craindre les propos du nouveau commissaire européen à l'audiovisuel et à la culture, Mme Viviane Reding, qui a récemment déclaré : " Il ne faut pas nécessairement défendre les quotas. Il y a une autre façon de faire la même politique, c'est de subventionner, d'aider à la création européenne, de former les jeunes pour qu'ils soient capables de créer et leur donner un coup de pouce pour qu'ils puissent faire des oeuvres intéressantes et à ce moment les quotas seront remplis. " Prise à la lettre, une telle déclaration pourrait signifier la fin de la " directive télévision sans frontières ".

L'exemple canadien est là pour démontrer que la seule solution durable consiste à favoriser l'apparition d'une forte industrie française de programmes audiovisuels adaptés aux standards internationaux.

Cela peut être fait au moyen des obligations de production. En ce qui concerne les oeuvres en clair, on peut rappeler qu'en application du décret du 17 janvier 1990, les services de télévision diffusés en clair doivent à la fois consacrer 15 % de leur chiffre d'affaires à la commande d'oeuvres d'expression originale française et un volume minimum de cent vingt heures d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française diffusées en début de soirée. Par convention avec le CSA ou en vertu de leur cahier des charges pour les sociétés de l'audiovisuel public, une augmentation du pourcentage de chiffre d'affaires investi dans la production peut être compensée par une diminution de l'obligation de diffusion.

Mais l'autre pilier de la politique d'encouragement à la création audiovisuelle est l'aide de l'État. Celle-ci passe à la fois par le Compte de soutien à l'industrie de programme -COSIP- et des avantages fiscaux conférés aux sociétés anonymes de financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles - SOFICA.

Sans entrer dans le détail de mécanismes qui mettent en jeu des sommes importantes -1,16 milliard de francs pour le COSIP, 120 millions de dépenses fiscales pour les SOFICA-, votre rapporteur considère en ce qui concerne la masse la plus importante, c'est à dire le compte de soutien, que, si des progrès peuvent sans doute être encore faits dans l'adaptation des procédures aux besoins, le problème est moins une question de montant que de mobilisation sur le terrain pour faire connaître aux producteurs intéressés la marche à suivre et les accompagner dans leurs efforts à l'exportation.

Ce qui est certain, c'est qu'il faut changer les mentalités en amenant les opérateurs à concevoir, dès le départ, leurs produits pour les marchés extérieurs et non plus faire de l'exportation ce petit bonus qui vient de façon aléatoire en sus de l'exploitation sur le marché français.

Par ailleurs, il est urgent de manifester une nette volonté de mettre en place des mécanismes vraiment efficaces correspondant aux spécificités des produits audiovisuels, M. Frank Soloveicik, auteur d'un rapport remis à M. Jacques Dondoux, alors ministre du commerce extérieur, a notamment évoqué devant le groupe de travail, l'intérêt d'une adaptation des procédures de la COFACE, ainsi que de l'IFCIC, dont le groupe de travail a d'ailleurs reçu le Président, M. Bertrand Larrera de Morel, et le directeur général, Mme Elisabeth Flury-Hérard.

En ce qui concerne le frein aux exportations audiovisuelles des entreprises publiques résultent du transfert des droits au-delà 3 ans à l'INA. M. Jean-Claude Moyret, Directeur de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication du Ministère des Affaires étrangères, a précisé toutefois que cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'une coproduction avec un opérateur privé, ce qui est très souvent le cas pour les oeuvres de fiction.

En outre, il faut attirer l'attention sur les freins aux exportations audiovisuelles résultant d'une application à courte vue du droit d'auteur. Ainsi que l'a souligné M. Frank Soloveicik, il existe un effet pervers qui ressort de la conception française du droit d'auteur : à force de vouloir protéger les acteurs, les ventes de film à l'étranger s'affaiblissent, et finalement les acteurs ne touchent plus de droits. Il convient de poser dans l'intérêt tant de nos exportations audiovisuelles que de la diffusion de la culture française à l'étranger, la question des droits d'auteur. Mme la ministre a annoncé qu'une réflexion allait être entreprise sur ce sujet. On en attend avec impatience les résultats.

III. LA DERNIÈRE CHANCE DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC ?

Initialement circonspect,compte tenu de la place du satellite et des perspectives du câble, votre rapporteur estime que le numérique terrestre constitue effectivement le vecteur d'une offre numérique sans doute moins diversifiée que celle du satellite ou du câble mais suffisante pour offrir une sorte de service de télévision numérique universel.

Il y a vu également une chance, et sans doute la dernière pour le secteur public d'attraper le train du numérique et en particulier de développer des services interactifs multiples qui devraient se révéler le support indispensable d'une audience stable et significative sur le marché audiovisuel.

En revanche, si les objectifs ont paru justes, et notamment la constitution d'une société holding regroupant les forces du secteur public, il n'en est pas de même des moyens qui ont paru inadaptés à l'état de la concurrence.

A cet égard, il serait d'abord vain et dangereux de chercher à entraver le développement du secteur privé au nom de règles de concurrence qui ne soient pas propres aux marchés audiovisuels et qui ne tiennent pas compte du caractère international de ces marchés.

Il est ensuite peu réaliste de ne pas augmenter les ressources du secteur public si ce n'est au niveau du moins au même rythme que celles du secteur privé. Il est même indispensable de prévoir une augmentation des capitaux propres pour permettre au nouveau groupe France Télévision de financer les investissements nécessaires au développement des nouvelles chaînes numériques terrestres.

Enfin, la conviction de votre rapporteur est que des moyens supplémentaires ne peuvent utilement être investis dans la nouvelle société holding que si l'on procède aux réformes des structures qui rendront manoeuvrant le nouvel ensemble et l'empêcheront de n'être qu'un simple colosse aux pieds d'argile.

A. LA FAUSSE PISTE DU CHANGEMENT DES RÈGLES DE CONCURRENCE

Une politique de la communication audiovisuelle ne doit pas se réduire au seul secteur public. Il est de l'intérêt du pays de mettre en place un secteur audiovisuel fort quel que soit le statut public ou privé des acteurs.

Une bonne partie des interventions publiques doivent donc favoriser non le seul secteur public mais l'ensemble des opérateurs nationaux qui sont, tous, en concurrence sur le marché mondial.

L'État se doit d'offrir un cadre stable aux acteurs français de l'audiovisuel. Il se pourrait que la poursuite de l'intégration de l'espace audiovisuel européen aboutisse à infléchir les règles du jeu audiovisuel dans un sens plus libéral, au risque de limiter singulièrement la liberté de l'État pour restructurer l'audiovisuel public.

1. Des nains au milieu de géants

Il y a quatre ans, on avait connu une vague de " mégas fusions " dans l'industrie audiovisuelle américaine : Disney avait pris le contrôle du réseau ABC pour 19 milliards de dollars, tandis qu'on avait vu Westinghouse s'emparer de CBS et Time Warner absorber le groupe TBS de Ted Turner. Aujourd'hui, le processus semble relancé.

D'abord, on a assisté, en septembre 1999, à l'acquisition de CBS pour 37 milliards de dollars par le groupe américain Viacom. Cette fusion, la plus grosse enregistrée dans le secteur des médias et des loisirs, débouche sur la création du numéro deux mondial du secteur. A l'issue de l'opération réalisée sous forme d'échanges de titre, les actionnaires de CBS doivent contrôler 55 % de la nouvelle société, qui s'appellera Viacom,

Cette fusion est un exemple type d'intégration verticale, qui consiste à combiner au sein d'un groupe la fabrication de " contenu ", c'est-à-dire la production de programmes, et sa distribution, comme en témoigne la liste impressionnante des compagnies regroupées dans le nouveau groupe : la chaîne CBS - l'un des trois grands " networks " américains avec ses 212 stations locales affiliées -, une chaîne du réseau hertzien (UPN), des chaînes câblées (MTV, Nickelodeon, Showtime, Country Music Television, The Nashville Network), le studio de cinéma Paramount Pictures ( producteur de Titanic), la maison d'édition Simon & Schuster (51 prix Pulitzer), cinq parcs de loisirs et le distributeur de cassettes vidéo Blockbuster.

C'est encore l'alliance d'un groupe de 111.000 personnes avec une entreprise de 46.000 employés pour former un empire qui aurait généré l'an dernier, assurent les artisans de la fusion, 21 milliards de dollars de revenus.

La leçon de cette première opération est que l'on voit se constituer des empires à la fois dans la production de contenus et dans la distribution à travers pratiquement tout l'éventail des secteurs médiatiques : câble, réseau hertzien, affichage publicitaire, Internet, production de films et de programmes télévisés.

Mais, l'événement majeur est sans doute l'annonce à la mi-janvier de l'acquisition du premier groupe de presse et de loisirs dans le monde, Time Warner par AOL, numéro un mondial des services en ligne, qui consomme le mariage entre les médias et Internet.

Le nouvel ensemble aura une capitalisation boursière de l'ordre de 350 milliards de dollars et un chiffre d'affaires de plus de 30 milliards de dollars.

La nouvelle société, baptisée " AOL Time Warner ", alliera anciens et nouveaux médias. Elle sera présente tout à la fois dans l'Internet, l'édition (Time), la musique (Warner Music), le cinéma (Warner Bros), la télévision (HBO, CNN) et les loisirs. Ainsi les 22,2 millions d'abonnés (dont 3,5 millions à l'étranger) aux services en ligne d'AOL et de sa filiale CompuServe se trouveront rejoindront les 13 millions de téléspectateurs branchés sur les réseaux câbles de Time Warner aux Etats-Unis, ainsi que ses 35 millions d'abonnés à la chaîne HBO sans oublier toutes les personnes qui, à travers le monde ont accès à la chaîne d'informations CNN.

AOL, qui est une des rares sociétés rentables du secteur, a enregistré l'an dernier un bénéfice de 762 millions de dollars, est valorisée, à 164 milliards de dollars pour 4,8 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit un cours représentant 214 fois son résultat par action (PER). De son côté, Time Warner, qui a affiché en 1999 un chiffre d'affaires de 26,8 milliards de dollars et un léger profit de 168 millions de dollars , est valorisé à quelque 97 milliards de dollars, avec un PER de 140.

Compte tenu de ces éléments, la transaction qui a pris la forme d'un échange de titre peut être estimée à 168 milliards de dollars.

On mesure l'importance de ces opérations en considérant que la capitalisation boursière de TF1 ne représente " que " 5 milliards de dollars.

M. Jean Drucker a insisté, lors de son audition par le groupe de travail, sur l'insuffisante concentration des entreprises de communication françaises, estimant que leur taille était, à l'heure actuelle, trop petite comparée aux groupes anglo-saxons. A titre d'exemple, il a indiqué que la capitalisation boursière de Canal Plus était inférieure aux bénéfices d'Intel.

Votre rapporteur, retient de ces ordres de grandeur que les entreprises françaises de l'audiovisuel sont des proies d'autant plus faciles pour de grands prédateurs internationaux que leur capital est parfois dispersé.

A cet égard, à peine trois jours après l'annonce de la fusion AOL Time Warner, on voit, toujours à la mi-janvier 2000, l'aboutissement des négociations entre Canal Plus et Lagardère, qui aboutit à la création d'une alliance stratégique qui se caractérise également par le mariage entre deux opérateurs qui ont chacun la caractéristique d'être producteur de contenus et résolument tournés vers Internet.

Lagardère fait son entrée dans le bouquet Canal Satellite à hauteur de 34 % et devient l'un des trois premiers actionnaires de l'éditeur de chaînes Multithématiques (27,4 %). Les deux groupes créent trois sociétés communes. La première (51% Lagardère / 49% Canal Satellite) éditera des services interactifs "à partir des contenus médias de Lagardère". Une autre structure à 50/50 développera les projets de chaînes "basées sur les marques internationales" de Lagardère. Par ailleurs, une société commune regroupera les chaînes existantes de Lagardère.

Sur la base d'une valorisation de CanalSatellite à 17 milliards de francs, Lagardère devra payer 5,8 milliards de francs sa participation de 34 % dans cette entreprise ; son entrée dans Multithématiques à hauteur de 27,4 % lui coûtera 1,5 milliard de francs supplémentaire.

Il ne s'agit que d'une alliance entre deux groupes qui restent concurrents en matière d'Internet, l'un étant dans AOL France, l'autre dans Club Internet mais cela pourrait néanmoins constituer l'amorce d'un grand groupe français de la communication numérique, présent sur toute la chaîne audiovisuelle, de la conception des programmes à la diffusion en passant même la production audiovisuelle.

2. Le besoin de règles du jeu stables

Dans un marché mondialisé, éminemment mouvant, tant sur le plan technologique qu'économique, les opérateurs nationaux industriels et commerciaux ont besoin d'un horizon stable pour affronter la concurrence.

La création d'une instance de régulation, dont le rôle est d'adapter à la réalité, en toute indépendance, les principes édictés par le Parlement, contribue à cette stabilité.

Dans un monde audiovisuel en mutation, la régulation, pour reprendre les formules exprimées par M. Hervé Bourges est " la forme moderne de l'intervention de l'État dans un secteur économique. C'est une intervention qui, préservant un certain nombre de principes intangibles, qui ne doivent pas pouvoir être remis en cause par les lois du marché, permet néanmoins de laisser la plus grande liberté et la plus grande autonomie aux acteurs professionnels. "

C'est de ce point de vue que l'on peut analyser, même si la question semble aujourd'hui tranchée par le Gouvernement en faveur du libre accès, le problème de l'exclusivité accordée à TPS par les chaînes publiques.

Au départ, il y a une série de principes généraux qui ne sont pas contestables pris isolément mais qui aboutissent en l'occurrence à des choix contradictoires :

•  les chaînes du secteur public doivent pouvoir être reprises par tous les distributeurs de services, en accès libre ;

•  l'autonomie de gestion des entreprises publiques doit être préservée d'une façon qui conserve ses chances de résister à la concurrence et lui permette d'acquérir le savoir faire d'un distributeur d'offres de services et pas seulement d'un simple éditeur de chaînes ;

•  l'exclusivité doit être examinée dans une perspective d'équilibre dynamique des marchés afin de savoir si elle se justifie par la nécessité de favoriser l'apparition d'une offre concurrente à celle de Canal Satellite ;

De toute façon, il apparaît rétrospectivement souhaitable que les chaînes publiques aient pu participer à TPS et aient eu ainsi l'occasion d'acquérir le savoir-faire d'un opérateur de bouquet. En outre si elles s'étaient cantonnées dans un rôle d'éditrices de programmes, elles auraient pu devenir dépendantes des distributeurs pour la diffusion de ces programmes.

Par ailleurs, M. Jean Drucker a plaidé devant le groupe de travail pour le maintien de l'actuelle exclusivité, au moins pour un temps. TPS ne dispose actuellement que de la moitié des abonnés de Canal Satellite, et a besoin - afin de conforter son lancement commercial - de cet atout.

Maintenant, avec l'avènement du numérique, qui fait cesser la pénurie de canaux, et avec l'arrivée du numérique terrestre, il ne s'agit plus que d'un problème de transition.

Tôt ou tard, France Télévision devra sortir de TPS et percevoir une belle plus-value au passage, dont le groupe aura besoin pour ses investissements dans le numérique terrestre.

Une autre question est celle de l'affectation de la redevance. M. Etienne Mougeotte a indiqué devant le groupe de travail qu'il lui semblait indispensable de consacrer les fonds provenant de la redevance à des missions de service public, et ceux provenant des recettes commerciales à des actions commerciales.

Même s'il est évident que la redevance n'est pas destinée à permettre au secteur public de faire de la surenchère en matière de droits audiovisuels, il n'est pas sûr qu'un tel principe, qui a le mérite de la cohérence et de la simplicité, soit vraiment opérationnel. En effet, il y a suffisamment d'incertitude sur le contenu du service public pour que l'affectation d'un supplément de redevance n'aboutisse dès lors que des activités pouvant relever du service public sont déjà financées sur des ressources commerciales, à rendre disponibles des pour de tous autres usages.

En tout état de cause, le problème sera sans doute à revoir en fonction de la façon dont les autorités de Bruxelles entendront appliquer les règles de concurrence à l'audiovisuel public.

3. L'épée de Damoclès européenne

Le problème de la concurrence entre le secteur public et le secteur privé se trouve aujourd'hui relancé par les suites données par la commission de Bruxelles à une plainte déjà ancienne déposée par un certain nombre d'opérateurs privés européens.

La société TF1 avait déposé, en 1993, une plainte accusant les deux chaînes publiques, France 2 et France 3, de concurrence déloyale. C'est toute la question du droit des chaînes publiques à avoir recours à la publicité qui est ainsi mis en cause.

Pour justifier sa plainte, TF1 fait valoir qu'il n'est pas possible que les chaînes publiques bénéficient à la fois de crédits publics et de recettes publicitaires. La chaîne affirme que "les subventions que l'État a accordées à France 2 et France 3, confèrent à ces entreprises un avantage économique sur leurs concurrents". Elle relève également que "France 2 et France 3 se taillent une part importante du taux d'écoute et des recettes publicitaires disponibles" et note que "la possibilité, pour une entreprise, de bénéficier de fonds publics interdits à ses concurrents peut lui permettre d'offrir des prix plus compétitifs pour son espace publicitaire".

La Commission a procédé à une première procédure informelle en 1996 mais sans prendre de décision. Condamnée pour carence en septembre 1998 à l'occasion d'un litige opposant la télévision publique espagnole à la société privée Telecinco, la Commission a relancé la procédure contentieuse et adressé une lettre en date du 28 février 1999 à la France, à l'Espagne et à l'Italie, demandant que lui soit démontré la compatibilité du financement public avec la prohibition des aides directes prévues aux articles 92 et suivants du Traité de Rome.

Dans sa lettre, la Commission aurait estimé que le fait que l'État soutienne financièrement France 2 et France 3 "peut aussi empêcher des investisseurs étrangers d'investir sur le marché français de la radiodiffusion" et aurait abouti à la conclusion que : "il en découle que les aides accordées à France 2 et à France 3 faussent la concurrence et pourraient affecter les échanges intra-communautaires au sens de l'article 92. "

En conséquence, la Commission a demandé au Gouvernement français de lui fournir la désignation officielle "de la mission de service public" confiée à France 2 et France 3.

Toute la question est de savoir dans quelle mesure le protocole d'Amsterdam du 17 juin 1997 consacré à l'audiovisuel, protège les secteurs audiovisuels publics des menaces que constitue une application rigoureuse des règles de la concurrence et notamment de celles relatives aux aides d'État et dans quelle mesure l'exercice de missions de service public peut-il bénéficier de l'exception de service public contenue à l'article 90.2. En effet, l'article 90.2 exempte, sous certaines conditions, les entreprises chargées d'un service d'intérêt économique général des règles de concurrence.

Certes, en faisant référence à la "mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque Etat membre", le protocole d'Amsterdam réaffirme le droit de chaque Etat membre de définir et d'organiser librement cette mission de service public en déterminant les obligations soit générales, soit particulières, relevant de cette mission. C'est ce que fait la loi française sur l'audiovisuel du 30 septembre 1986 et les cahiers des charges qui en découlent en disposant, à titre d'exemple, des missions de respect du pluralisme, de promotion de la langue française, d'adaptation des diffusions aux malentendants, de service minimum, et de diffusion des communications du gouvernement, de l'expression du Parlement, et d'émissions à caractère religieux et d'informations spécialisées, éducatives ou sociales.

Mais, il faut enfin rappeler que le protocole d'Amsterdam assortit cette reconnaissance d'une condition que "le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté". Cette règle interprétée strictement n'interdit pas aux autorités de Bruxelles de faire jouer le droit de la concurrence et, de ce point de vue, le secteur public n'est pas à l'abri d'une remise en cause de son mode de financement voire de son mode de fonctionnement. Le changement de titulaire des compétences en matière de concurrence au sein de la commission de Bruxelles peut toutefois laisser espérer une certaine souplesse dans la gestion de ce contentieux.

B. FRANCE TÉLÉVISION : ENCORE TROP DE HANDICAPS FONCTIONNELS

La création d'une société holding regroupant l'audiovisuel public prévue par le projet de loi audiovisuelle actuellement soumis au Parlement, était une mesure nécessaire. Elle n'est pas suffisante. Loin s'en faut.

Il n'était que temps de créer la société holding réclamée depuis longtemps par le Sénat et de donner à France Télévision une réalité juridique en faisant qu'elle cesse d'être une sorte d'union personnelle à la manière de l'Autriche-Hongrie.

Une telle mesure paraît, même si l'on peut discuter de l'étendue du nouveau groupe de nature à éviter que l'audiovisuel public n'aille affronter la concurrence en ordre dispersé.

On a pris conscience de ce que les opérateurs publics devaient s'insérer sur un marché très concurrentiel de plus en plus internationalisé, dans lequel notamment pour les achats de droits, il convenait que l'audiovisuel s'avance groupé.

Maintenant, un tel changement de structure n'a des chances de déboucher sur des résultats que s'il s'accompagne d'une clarification des responsabilités et d'un assouplissement des contraintes sociales pesant sur l'entreprise, faute de quoi on n'aboutirait qu'à recréer une nouvelle ORTF.

Le problème est de permettre à la nouvelle entité de lutter, sinon à armes égales du moins, avec le minimum de handicaps face à une concurrence de plus en plus vive, à la fois de la part des sociétés privées, comme on l'a vu mais également de nouveaux acteurs appelés à occuper une place croissante sur le paysage audiovisuel : les télévisions locales.

1. les conditions de l'esprit d'entreprise : autonomie et responsabilité

Les chaînes et stations de l'audiovisuel public devraient être, du point de vue de leur gestion, des entreprises comme les autres. Un bon exemple peut être donné avec l'investissement, dont on doit se demander si, moyennant des garanties adéquates, il ne pourrait pas donner lieu à emprunt dès lors qu'il y aurait des recettes engendrées de son fait. La fin, le service public, ne justifie pas que sur le plan des moyens, les sociétés de programme ne soient pas soumises aux mêmes impératifs d'efficacité et de responsabilité.

Il n'est pas de responsabilité sans un partage clair des rôles entre les gestionnaires et les actionnaires, en l'occurrence l'État.

Il est grand temps que l'on accorde, en toute transparence, une autonomie normale aux entreprises publiques de communication audiovisuelle. Les interférences, même animées des meilleures intentions, peuvent aboutir à une confusion des responsabilités peu propice à la gestion des crises.

On a toutes les raisons de croire que si le partage des rôles entre l'État et les gestionnaires des chaînes était plus clair, une crise comme celle de la grève de France 3 en 1997 aurait trouvé une solution plus rapide. On n'aurait pas eu à gérer les inquiétudes suscitées par telle ou telle formule, plus ou moins déformée, des responsables politiques, tandis que les responsables des chaînes n'auraient pas eu à négocier à la fois avec les syndicats et avec le Gouvernement. Les responsables des chaînes ne doivent pas être mis dans l'obligation de négocier sur deux fronts. Ce n'est pas dans l'intérêt de l'entreprise.

D'une façon générale, les responsables doivent être jugés sur leurs résultats. Cela veut dire que le contrôle a priori, surtout s'il prend la forme d'ingérences " à chaud " dans la gestion d'un dossier, doit laisser la place au contrôle a posteriori. Telle est d'ailleurs l'opinion qu'a exprimée devant le groupe de travail, Mme Véronique Cayla, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a fait valoir que l'on a trop tendance à faire appel au décret et à susciter les interventions de la tutelle, pour des organismes publics dont le mode de gestion doit se rapprocher de celui des entreprises.

Pour être responsable, l'entreprise a donc besoin d'autonomie. Il convient à cet égard de rappeler quelques évidences.

Il n'est pas d'autonomie réelle sans un mandat long, réclamé depuis longtemps par le Sénat, qui a d'ailleurs, en 1995, adopté une proposition de loi de M. Jean Cluzel étendant à cinq ans la durée du mandat des présidents de chaînes.

En effet, la longévité des responsables du secteur audiovisuel privé n'a d'égale que la brièveté du mandat de ceux du secteur public, qui, à peine nommés, doivent songer à assurer leur reconduction.

La durée est la condition d'une vraie responsabilité : la valse des présidents, mais aussi celle des directeurs des programmes, notamment, empêche de relier les résultats d'une gestion à une équipe dirigeante.

La contrepartie de l'autonomie devrait être l'application, de la base au sommet, du principe de responsabilité.

Responsabilité au sommet en premier lieu.

Force est d'abord de constater que les instances de contrôle statutaires peinent à jouer leur rôle, notamment pour les conseils d'administration dont les pouvoirs sont plus formels que réels : il est indispensable que les administrateurs qui représentent l'actionnaire aient le temps et les moyens de se consacrer à leur tâche et qu'ils ne puissent être nommés ès qualité. Le rapport de M. Jean-Louis Missika propose à cet égard " une procédure d'audition par les commissions compétentes du Parlement des personnalités pressenties par le gouvernement préalablement à leur désignation définitive. " Le principe, si ce n'est les modalités de cette suggestion, mériterait d'être pris en compte.

Mais, la question fondamentale reste celle de la nomination du président lui-même. Là encore on ne peut que constater que la nomination par une instance indépendante reste tout à fait formelle, si le pouvoir financier reste du côté de l'exécutif.

Tout se passe comme si pour assurer l'autonomie politique de l'audiovisuel public et prévenir des ingérences gouvernementales longtemps traditionnelles, on avait mis en place un système largement déresponsabilisant.

Le Gouvernement n'avait abandonné son pouvoir de nomination au profit du Conseil supérieur de l'audiovisuel que pour exercer de façon occulte son pouvoir d'actionnaire, le cas échéant au détriment de l'intérêt de l'entreprise.

Si la nomination d'un président est apparemment indépendante des pouvoirs publics -mais on peut penser que des tractations s'effectuent en coulisses-, le maintien en fonction dépend de fait de l'État qui est en mesure par sa plus ou moins grande volonté à financer sa politique d'obtenir son départ.

L'État, unique actionnaire - mais minoritaire au sein du conseil d'administration - se trouve dans la situation paradoxale de devoir contrôler la gestion d'un président d'une entreprise publique qu'il ne peut ni nommer ni révoquer, tandis que l'instance qui le nomme et peut le révoquer, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel, ne peut contrôler sa gestion et n'exerce pas d'influence sur les financements mis à sa disposition.

L'État établit déjà le cahier des charges qui assigne leurs missions aux chaînes et les statuts des entreprises ; il détermine, après approbation du Parlement, le montant des ressources publiques qui leur sont allouées, et contrôle, via le contrôle d'État et la direction du Budget, la gestion des entreprises et approuve enfin les comptes.

La situation actuelle traduit une confusion des genres qui ne permet ni à l'État d'exercer ses responsabilités d'actionnaire, ni aux présidents d'assurer leurs responsabilités de gestionnaires.

Il conviendrait donc de réfléchir au moyen de rendre à l'actionnaire ses responsabilités, sans pour autant rétablir le cordon ombilical entre l'audiovisuel et l'État.

Responsabilité à tous les niveaux, ensuite, de façon à stimuler à tous les échelons l'esprit d'initiative, dans un contexte de vérité des coûts.

La BBC, qui a systématiquement décentralisé sa gestion, voire filialisé certaines activités, semble avoir réussi à diffuser l'esprit d'initiative qui lui permet notamment de dégager d'importantes recettes commerciales. Pourquoi, par exemple, ne pas donner plus d'autonomie à l'échelon central aux unités de programmes et sur le terrain aux directions régionales de France 3, qui deviendraient alors comptables de leurs résultats comme de leurs moyens ?

La mesure des performances suppose probablement que l'on réforme les relations entre les chaînes. Le rapport Missika, déjà cité, met ainsi l'accent sur un certain nombre de prestations gratuites, qui ne sont pour lui que des subventions déguisées derrière les obligations de service public.

Le projet de loi qui met fin aux obligations de transferts de droits des chaînes vers l'INA, tout en préservant le rôle indispensable de cet organisme en matière d'extraits, va dans la bonne direction. Mais il faut aller plus loin et s'interroger comme le fait le rapport Missika sur les relations des chaînes avec TDF celui-ci envisage soit l'abandon du monopole juridique dont cette entreprise bénéficie pour la diffusion des programmes de l'audiovisuel public, soit une baisse autoritaire des prix. Sans doute la première formule qui fait jouer la concurrence serait-elle préférable à la seconde qui comportera toujours une part d'arbitraire.

Mais, la responsabilisation des gestionnaires implique également et fondamentalement que l'on rénove les relations sociales au sein de l'audiovisuel public pour les adapter aux nouvelles conditions de travail de l'ère du numérique.

2. La difficulté du dialogue social

Le maintien en l'état de la convention collective actuelle, dépassée par l'évolution technologique, handicape le secteur public dans sa compétition avec le secteur privé et finit par susciter une attitude de repli face à la concurrence.

Seule une évolution du cadre conventionnel peut garantir que la société holding, dont la création est prévue par le projet de loi en discussion, n'aboutisse pas à la recréation de l'ex-ORTF.

La convention collective de la communication et de la production audiovisuelles (CCCPA), signée le 31 mars 1984, est applicable aux personnels techniques et administratifs (personnels techniciens et administratifs) dans les sociétés et organismes membres de l'Association des employeurs du secteur public audiovisuel, qui regroupe la plupart d'entre eux 8 ( * ) .

Les formes prévues pour renégocier la convention sont si contraignantes qu'il est en fait impossible aux partenaires sociaux de discuter sereinement de son évolution dans la " fenêtre " de quelques mois pendant laquelle la révision est possible.

Après avoir espéré pouvoir faire en sorte que les procédures de dénonciation et de révision puissent à l'avenir être engagées à tout moment, en transformant cette convention en convention à durée indéterminée, l'association des employeurs n'a obtenu que la révision des modalités de révision.

De fait, l'avenant du 23 juin 1996 permettant la révision de la convention, à tout moment et portant la durée maximale des négociations de 3 à 5 mois offre la possibilité de faire évoluer le cadre conventionnel sur plusieurs points et en particulier sur les systèmes de classification des salaires et sur la durée du travail.

Toutefois, la situation paraît bloquée. En effet, depuis la fin 1998, les partenaires sociaux subordonnent, la poursuite des négociations à la révision du champ d'application de cette convention. Ils fixent comme préalable son application à toutes les entreprises audiovisuelles publiques et à leurs filiales.

Il s'agit d'un blocage regrettable, même si comme certaines sociétés l'on fait remarquer à votre rapporteur, il paraît difficile de mener de front la négociation sur la réduction du temps de travail et celle sur l'adaptation du cadre conventionnel.

3. L'émergence des télévisions locales

Pour votre rapporteur, qui a pu se rendre compte par lui-même de la situation au Canada, où il a vu fonctionner des télévisions locales sur le câble avec des budgets guère supérieurs à un million de francs par an, il est évident que les télévisions locales au sens le plus large ne connaissent pas en France le développement que permet la technologie.

Pourquoi alors cette atrophie des télévisions d'initiative locale en France ?

Sans doute cela tient-il effectivement à des problèmes " d'économie ". Il n'est pas facile de trouver les recettes publicitaires suffisantes pour assurer la rentabilité des stations.

Au moment où se répandent des caméras numériques permettant à un minimum de personnes de réaliser des émissions au moindre coût, il est anormal que les télévisions locales n'émergent pas dans notre pays.

Sans donner à cette remarque un caractère trop général, votre rapporteur a tendance à penser que le prix demandé par TDF pour leur diffusion n'est pas étranger au petit nombre d'initiatives viables.

La conviction de votre rapporteur est que demain, le satellite, comme le numérique terrestre, constitueront l'occasion de développer des programmes locaux ; qu'il s'agisse du satellite pour lequel les coûts de diffusion bien qu'élevés, 5 millions de francs environ, ne sont pas hors de portée -en partenariat- d'une collectivité territoriale, région, département, voire agglomération ; qu'il s'agisse du numérique terrestre qui apparaît encore plus sûrement offrir à des opérateurs locaux publics ou privés des moyens peu coûteux de toucher une population locale.

A cet égard, votre rapporteur estime indispensable de faire évoluer le cadre législatif de façon à permettre l'intervention des collectivités territoriales, dont l'aide pourrait utilement contribuer au décollage économique des télévisions locales et assurer, au moins au début, l'équilibre financier de certaines stations émettant sur le câble ou par la voie hertzienne.

En ce qui concerne le calendrier de déploiement des chaînes locales, deux thèses s'affrontent.

D'un côté, il y a ceux qui comme MM. Jean-Pierre Cottet et Gérard Eymery se sont déclarés, dans le rapport qu'ils ont remis au ministre de la culture et de la communication, favorables à un gel des fréquences analogiques - le temps que soit établi un plan national des fréquences - afin de préserver l'avenir des fréquences numériques.

MM. Maurice Levy ou Jean Drucker, se sont placés devant le groupe de travail sur la même ligne en considérant l'attribution de chaînes hertziennes en anticipation du numérique comme une forme de gaspillage. Ce dernier a ainsi pu s'interroger devant le groupe de travail sur les intentions du gouvernement, qui, de façon contradictoire, semble favorable au développement du numérique hertzien tout en laissant distribuer des fréquences analogiques en province, voire à Paris. M6 réalise avec succès des décrochages régionaux au cours de ses journaux d'information. La chaîne collabore avec des grands quotidiens régionaux . Il a regretté que ces mêmes quotidiens aient des velléités de création de chaînes télévisées de plein exercice.

De l'autre, on trouve notamment certains représentants de la presse régionale et en particulier, M. Fabrice Nora du groupe du Parisien, qui s'est félicité devant votre commission de ce que, depuis un récent arrêt du Conseil d'État, le Conseil supérieur de l'audiovisuel soit tenu d'effectuer un appel d'offres sur les fréquences hertziennes terrestres libres dès lors qu'un intervenant en faisait la demande. Il ne s'agit pas pour lui de s'opposer au numérique terrestre mais d'anticiper sur sa venue : la demande de M. Fabrice Nora et des acteurs de la presse régionale d'obtenir des fréquences analogiques avait pour objet de leur permettre d'être, d'ores et déjà présents sur le marché de l'image et donc d'être partie prenante au moment de la mise en place, dans les 3 à 5 ans à venir, des réseaux numériques sur l'ensemble des grandes agglomérations françaises.

M. Gilles Crémillieux a précisé, devant le groupe de travail, la démarche du groupe La Montagne Centre-France, pour leur projet de télévision à Clermont-Ferrand, projet que le Conseil supérieur de l'audiovisuel allait autoriser quelques semaines plus tard : face au recul de la pénétration de l'écrit, sous toutes ses formes, notamment dans les agglomérations, au sein des catégories sociales les plus défavorisées et chez les plus jeunes, la télévision locale représente le moyen supplémentaire pour pénétrer dans tous les foyers afin de rétablir cette relation citoyenne et de favoriser l'intégration de tous en encourageant particulièrement la vie associative.

Le projet comporte en multidiffusion un programme d'informations (remis à jour régulièrement), des magazines traitant de la vie des quartiers, de l'actualité sportive, de la vie culturelle et des aspects économiques et sociaux. Le budget prévisionnel s'élève à 12 millions de francs par an, pour trente emplois créés, dont onze de journalistes.

Les rédactions du quotidien et de la chaîne de télévision seront distinctes afin de garantir le pluralisme. Enfin, les charges seraient couvertes par la publicité -à hauteur d'un tiers par la publicité locale, les deux autres tiers ne pouvant être apportés qu'à travers une commercialisation nationale commune d'une quinzaine de télévisions locales de même format.

Pour assurer la viabilité économique des télévisions locales, le projet s'appuie sur un système de syndication publicitaire à l'exemple de ce que pratique la presse quotidienne régionale, avec sa formule 66-3. Ce système présenté au groupe de travail par M. Jean-Charles Bourdier du Républicain Lorrain, permettrait aux annonceurs de diffuser leurs spots sur l'ensemble des stations locales, tout en n'ayant qu'un seul interlocuteur commercial et technique. Pour illustrer son propos, il a cité l'exemple les chaînes TLT (à Toulouse) et TLM (à Lyon), qui, ne bénéficiant pas de cette syndication publicitaire, perdent chacune plus de 10 millions de francs par an.

Il semble que les positions sur la question de l'attribution de fréquences analogiques se soient rapprochées, puisque le directeur général adjoint de TDF a reconnu que " l'avenir des télévisions sur le numérique commence sans doute par l'analogique. Démarrer en analogique permet sans doute d'initier une audience. "

Indépendamment du problème des fréquences hertziennes, il est apparu clairement à votre rapporteur qu'il ne saurait y avoir d'avenir pour des télévisions d'expression locale qui tireraient leurs ressources du seul marché publicitaire local.

C. L'HYPOTHÈQUE FINANCIÈRE

Un coup d'oeil sur l'histoire récente, démontre que le vrai tuteur du secteur public audiovisuel ne se situe pas rue de Valois mais quai de Bercy.

Les vicissitudes qu'a connu le texte actuellement soumis au Parlement, confirment que la plupart des difficultés que le ministre de la culture et de la communication a dû surmonter pour faire aboutir son projet, ont été de nature financière.

Après de multiples hésitations et revirements, des solutions ont pu être trouvées à court terme. Le rapporteur a de bonnes raisons de penser qu'elles n'ont pas de caractère durable et qu'elles ne sont pas à la mesure du défi que doivent affronter les sociétés nationales de programmes et ne correspondent pas aux besoins d'investissements engendrés par le numérique terrestre.

Aussi, parce que l'équation budgétaire -dont le Gouvernement s'est plu lui-même à compliquer les termes- apparaît non résolue, votre rapporteur estime-t-il nécessaire d'adapter la redevance aux besoins à moyen terme du secteur public.

1. Numérique terrestre : des investissements nécessaires

La stratégie défendue par le nouveau président de France Télévision repose fondamentalement sur le numérique terrestre qui constitue, effectivement, la dernière chance pour le secteur public de ne pas être progressivement marginalisé.

Toutefois, l'atout qu'il constitue, suppose des investissements importants. Le numérique terrestre doit s'accompagner d'une multiplication de l'offre de programmes et d'une offre complémentaire de services. Il implique également une mise à niveau de l'outil technique. On peut rappeler que les concurrents accélèrent le mouvement. On note à cet égard que M. Etienne Mougeotte, directeur général de TF1, a indiqué devant le groupe de travail que la chaîne de production de TF1 serait entièrement numérisée à la fin de l'année 2000 ; pour l'information, les cassettes devraient totalement disparaître entre 2001 et 2002.

Prenant acte de ce que, faute de moyens, la télévision publique française a, pour ainsi dire, raté le premier train du numérique, laissant au secteur privé un rôle de locomotive en la matière, M. Marc Tessier, le nouveau Président de l'entreprise, ne veut pas manquer ce qu'il considère comme la seconde et dernière chance de France Télévision.

Pour concrétiser ses ambitions, il a annoncé la création par France 2 et France 3 d'une structure commune baptisée France Télévision Interactive, qui aura pour objet de développer tous les programmes interactifs du groupe ayant pour vocation d'être diffusés par tous les opérateurs.

Les services et les programmes interactifs de France Télévision. qui devraient être développés conjointement par France 2, France 3 et la Cinquième-Arte, devraient s'articuler autour de deux axes : le développement des sites Internet sous la marque FranceTV.fr, et la télévision interactive sur les réseaux Internet à haut débit (ADSL).

France Télévision Interactive disposerait d'une capacité d'investissement de " plus de 200 millions de francs sur trois ans". Elle devrait être dotée d'un apport en capital qualifié " d'à la hauteur du projet ".

L'enveloppe des investissements et des coûts de fonctionnement sera fonction du nombre de multiplexes accordés à France Télévision lors de la répartition de la capacité totale de diffusion en numérique hertzien entre les différents opérateurs. En l'occurrence, France Télévision revendique l'attribution de deux multiplexes pour le secteur public.

Ces investissements devraient d'abord en partie être autofinancés au moyen de la redevance, la publicité, le produit des applications de la télévision numérique, ainsi que des recettes de partenariat avec les collectivités publiques, sans oublier le produit des abonnements aux chaînes thématiques.

Effectivement, le projet de développement de France télévision sur le numérique hertzien majoritairement gratuit comportera également une offre payante. Le nouveau président de France Télévision a indiqué que, si l'information restera dans la partie gratuite, il y a dans le partage entre l'offre en clair et l'offre payante " une zone frontière qui reste à définir ".

Une recapitalisation est de toute façon indispensable. Outre les problèmes de trésorerie à reconstituer, il est normal que l'État actionnaire accomplisse son devoir lorsqu'il invite l'entreprise qu'il détient à se lancer dans un nouveau domaine d'activité. Or, la situation actuelle de l'entreprise ne lui permet pas d'autofinancer ce développement. Le chiffre de 1,5 milliard de francs a été mentionné par M. Marc Tessier dans la presse. Votre rapporteur n'a pas pu obtenir auprès du Gouvernement des informations sur ses modalités de calcul.

Compte tenu de calendrier prévu pour la mise en route de ce projet -étude et préfiguration en 2000, ce qui " est compatible avec le budget 2000 ", première dotation en capital en 2001, puis montée en puissance de la fin 2001 à 2003-, M. Marc Tessier a indiqué que le projet du numérique hertzien doit être conçu pour pouvoir être initialisé sur les autres services ". Il a, à cet égard, démenti les rumeurs d'un départ imminent du capital de TPS, affirmant qu'il " n'avait pas de projet de vente des actions de TPS "

Enfin, pour donner un contenu à son offre numérique, il a confié à M. Jean-Pierre Cottet, ancien directeur général chargé de l'antenne de France 2, coauteur avec Gérard Eymery, d'un rapport sur le numérique hertzien - qui a été entendu par le groupe de travail - d'une " mission de conseil sur le contenu éditorial des programmes et des services de l'offre numérique du groupe ".

Votre rapporteur, qui estime qu'il s'agit, a priori, d'un projet cohérent, considère néanmoins que ce pari nécessaire sur le numérique n'est pas financé. Cette remarque lui paraît d'autant plus évidente qu'en Grande-Bretagne -où il s'est rendu pour y observer la mise en place du numérique terrestre- la question est clairement posée et fait l'objet d'un vaste débat technique et politique, axé, chez eux, autour la création d'un éventuel supplément de redevance numérique.

Quelle que soit la solution qu'on y apporte, la question du financement doit être posée.

2. Comment résoudre l'équation budgétaire ?

Lors de son audition par le groupe de travail, M. Marc Tessier, nouveau président de France Télévision, a d'emblée posé le problème en ces termes : TF1 voit ses dépenses d'exploitation et d'investissement croître de 7 à 9 % par an, tandis que le budget de France Télévision, lui, ne progresse que de 3 % environ.

C'est de ce décalage évoqué par votre rapporteur dans la première partie de ce rapport que résulte cette sorte de quadrature du cercle budgétaire dans laquelle l'État actionnaire enferme l'audiovisuel public.

L'évolution du budget de l'audiovisuel public tend à être calquée sur celle du budget de l'État, alors que celui de ses concurrents privés augmente à la vitesse d'un marché en plein développement.

C'est sur ces bases que votre rapporteur a tenté de projeter à partir d'hypothèses nécessairement simplificatrices mais significatives, l'effort public nécessaire pour permettre au secteur public de rester dans la course.

Le principe est de donner au secteur public des moyens qui croissent de façon non disproportionnée avec ceux de ses concurrents privés. On doit souligner qu'un même taux de croissance des moyens aboutit à renforcer le déséquilibre en valeur absolue : bien que cela soit une évidence, il est nécessaire de rappeler que les points de croissance ne pèsent pas le même poids selon que l'on part de 5 ou de dix milliards de francs de recettes publicitaires...

Sans même anticiper des taux de croissance de 7 à 9 % comme ceux évoqués par le nouveau président de France Télévision, pourtant tout à fait possibles compte tenu du retour de la croissance, votre rapporteur a simplement souhaité déterminer les besoins du secteur public par rapport à une hypothèse de 4 à 5 % des ressources de ses concurrents TF1 et M6.

Evitant de gérer des effets de phasage dans le temps de l'augmentation des ressources et en restreignant son raisonnement à France 2 et France 3, votre rapporteur s'est contenté, avec les informations dont il dispose, de se poser une question simple : Quelles devraient être les ressources courantes de France télévision -dans sa configuration actuelle- en 2005.

A ce calcul de besoins courants, il faudra ajouter :

•  les ressources qui doivent venir compenser la diminution des recettes de France 2 et France 3 consécutives à la réduction progressive de la durée maximale des écrans publicitaires (8 minutes contre 12 en heures glissante) ;

•  d'éventuelles recapitalisations dues à la nécessité de reconstituer les fonds de roulement des chaînes : M. Marc Tessier a indiqué devant le groupe de travail que la trésorerie de France 2 est négative de 400 millions, alors que, par ailleurs, votre rapporteur a été informé de ce que la trésorerie de France 3, traditionnellement positive, était proche de zéro à la fin 1999 ;

•  des dotations en capital justifiées par les investissements que doit effectuer France télévision, si le nouveau groupe veut présenter une offre numérique cohérente et crédible.

Il y a une certaine interdépendance entre les besoins courants calculés par rapport à ceux des concurrents et c'est pour cela que votre rapporteur propose de projeter les besoins de France Télévision suivant deux cas de figure :

•  un calcul assez large des besoins courants estimés par rapport à un taux de croissance de 4 % par an en moyenne jusqu'à 2005, avec en contrepartie une évaluation au plus juste des besoins en capital à un niveau de l'ordre de 500 millions de francs ;

•  une évaluation moins généreuse des besoins courants calculés sur la base d'une augmentation de 3 % par an en moyenne jusqu'à 2005, mais assortie en revanche d'une estimation beaucoup plus large des besoins en capital portés dans cette hypothèse à 1,5 milliard de francs, chiffre évoqué par M. Marc Tessier et repris dans la presse.

L'évolution des dépenses publicitaires sur la période 2000-2005 prête à anticipations divergentes.

L'annexe jaune prévoit une diminution de près de 900 millions de francs des recettes publicitaires entre 1999 et 2000. Ce chiffre, qui n'est manifestement pas indépendant des crédits alloués en compensation des exonérations de redevance, est sans doute quelque peu surestimé, compte tenu de la bonne conjoncture et donc de la raréfaction des écrans. Tandis que la moins-value pourrait atteindre 1,2 milliard, selon des sources publiques, les publicitaires se montrent plus optimistes. M. Maurice Lévy a estimé devant le groupe de travail que les dépenses publicitaires consacrées à la Télévision Publique régresseront de 5 à 8 %, seulement. Cette estimation est cohérente avec celle parues dans la presse émanant de professionnels, qui évaluent à 700 millions au maximum la perte de recettes du secteur public.

Pour un certain nombre d'observateurs en effet, le Gouvernement, en se contentant d'abaisser de 12 à 8 minutes le plafond de la publicité par heure glissante au lieu des 5 initialement prévues, limite à la fois l'effet d'aubaine pour TF1 et M6 et les répercussions négatives sur le budget des chaînes. En outre, en dépit de quelques inconvénients techniques, on peut espérer qu'une meilleure répartition des espaces sur l'ensemble de la journée, ainsi qu'une moindre exposition à l'effet " tunnel " permettront à France 2 et France 3 de mieux valoriser ses espaces, surtout si le nouveau système de vente aux enchères des espaces publicitaires fonctionne dans des conditions satisfaisantes.

Partant de la double hypothèse simplificatrice que en tout état de cause, ces pertes de recettes publicitaires seront compensées et que l'évolution de l'audience, actuellement en baisse ne devrait pas permettre, même si elle se redressait, de faire progresser de façon significative les recettes publicitaires, votre rapporteur en déduit simplement que l'intégralité de l'augmentation des ressources de France 2 et France 3 devra provenir de la redevance ou de crédits budgétaires.

Considérant que les besoins de reconstitution des fonds de roulement peuvent être évalués au minimum à 300 millions de francs 9 ( * ) et ce en calculant les besoins au plus juste, il ressort de ce tableau qu'il faut trouver en francs constants soit :

•  3 milliards de francs de ressources publiques supplémentaires, à l'horizon 2005, auxquelles il faut ajouter 500 millions de francs pour le financement des investissements vraiment exceptionnels en vue du lancement du numérique terrestre et 300 millions pour la remise à niveau des trésoreries des entreprises, à verser immédiatement ;

•  2,2 milliards de francs de ressources publiques supplémentaires à l'horizon 2005, auxquelles il faut ajouter les trois cents millions de francs pour les trésoreries, à verser immédiatement, ainsi que 1,5 milliard de francs de dotation en capital au titre du numérique terrestre, dont la mise à disposition pourrait cependant être échelonnée sur la période.

En fait, il faut également y ajouter la compensation annuelle des pertes de recettes publicitaires - quel que soit l'habillage juridique qu'on donnera à cette compensation soit environ 800 millions de francs dans une hypothèse moyenne.

Bref, il résulte de cet exercice nécessairement sommaire qu'il faut trouver à l'horizon de cinq ans entre 3 et 3,8 10 ( * ) milliards de francs de ressources publiques courantes annuelles et entre 800 et 1800 millions de francs de dotation en capital. Et ce, sans compter, ni le coût de 35 heures, ni la satisfaction des besoins des autres sociétés de l'audiovisuel, et notamment de celles qui ne seront pas intégrées dans la nouvelle société holding : Radio France mais également l'INA, RFI ou RFO doivent, elles aussi, disposer des moyens d'accomplir leurs missions et de s'adapter au numérique.

Dans ces conditions, votre rapporteur débouche sur les deux conclusions suivantes :

•  il ne semble guère réaliste de priver le secteur public des recettes courantes qui lui sont nécessaires pour rester sinon compétitif du moins attractif, au moment où le secteur privé tend à monopoliser les programmes " premium " ;

•  il faut avoir le courage politique de dire aux Français qu'ils doivent payer le prix de l'indépendance et de la démocratie audiovisuelle en acceptant une augmentation de la redevance, ou, à défaut de dégager des ressources budgétaires.

3. Adapter la redevance à moyen terme aux besoins du secteur public

La redevance a fait l'objet de multiples développements dans les rapports budgétaires, qui dispensent votre rapporteur d'un examen détaillé de la question et lui permettent d'aller à l'essentiel.

La question fondamentale est de savoir si la redevance, dans ses modalités de recouvrement comme dans son montant, est adaptée aux besoins de l'audiovisuel public.

On connaît les chiffres-clés de la redevance : un produit de 13 milliards de francs en 1999, correspondant à une redevance de 744 francs pour près de 21 millions de comptes, dont 3,5 millions d'exonérés.

Les modalités de recouvrement sont couramment dénoncées comme un exemple d'administration inutile. Sans idées préconçues à ce sujet, votre rapporteur s'est rendu avec le groupe de travail au centre de la redevance de Rennes. Il y a vu des agents publics organisés de façon efficace, accomplissant au mieux les tâches qui leur étaient assignées compte tenu des pouvoirs limités dont ils disposent. Le coût de perception égal à 3,5 % des encaissements lui est apparu raisonnable au regard d'autres services de l'État comparables.

Certes, on pourrait toujours imaginer d'autres systèmes de perception ou même un renversement de la charge de la preuve, sachant que le taux d'équipement des ménages atteint 95 %. Mais, adjoindre la redevance à une autre feuille d'impôt n'est pas sans inconvénients : elle pourrait créer des confusions, à la fois parce que pourraient se superposer des régimes différents d'exonération et parce que le redevable pourrait ne pas voir le lien entre le paiement et le service rendu.

Bref, à l'heure actuelle, on peut dire, pour plagier une célèbre formule, que la redevance est le pire des systèmes mais qu'on en n'a pas trouvé de meilleur. Dans l'avenir, on pourrait imaginer, lorsque les Français seront équipés d'appareil prévus pour le numérique et équipés de lecteurs de cartes, en faire une carte à puce que l'on achèterait dans les bureaux de tabac, comme la vignette automobile... Mais c'est pour l'instant de la fiction administrative.

La redevance s'est révélée, ces dernières années, une recette très " dynamique " pour reprendre l'expression consacrée.

Excédents du produit de la redevance depuis 1998

(En millions de francs)

Années

Loi de finances initiale

Montant à répartir

Excédents

Excédents en %

1998

7.165,13

7.241,67

76,54

+ 1,07

1989

7.514,00

7.523,29

9,29

+ 0,12

1990

7.933,50

8.012,69

79,19

+ 1,00

1991

8.349,70

8.352,74

3,04

+ 0,04

1992

9.348,80 (1)

9.447,88

99,08

+ 1,06

1993

9.481,40 (2)

9.617,78

136,38

+ 1,44

1994

10.070,00

10.091,50

21,50

+ 0,21

1995

10.914,60

10.918,43

3,83

+ 0,04

1996

11.449,22

11.527,17

77,92

+ 0,68

1997

11.638,37

11.762,34

123,97

+ 1,07

1998

12.415,20

12.697,40

282,20

+ 2,22

(1) Dont loi de finances rectificative : 171,8 millions de francs

(2) Dont loi de finances rectificative : 152,8 millions de francs

Source : Service de la redevance

282 millions de francs d'excédents en 1998 et a priori à peu près autant en 1999, 123,9 millions de francs en 1997, 77,9 millions de francs en 1996...Faut-il pour autant anticiper une amélioration continue du taux de recouvrement indépendamment de toute augmentation du montant de la redevance elle-même ? Il serait sans doute bien optimiste de le croire, car l'on, peut penser que l'effet " taxe d'habitation ", consistant pour le service de la redevance à pouvoir croiser ses fichiers avec ceux de la taxe d'habitation - une initiative du Sénat pour lutter contre l'évasion - va sans doute s'atténuer ces prochaines années.

Si l'on compare l'évolution du produit de la redevance depuis 1995 à celui du montant de la redevance elle-même, on constate que, tandis que le premier a augmenté de 19 %, le second a connu une évolution plus modérée de 11 %. Exprimé en terme de taux de croissance annuel moyen, ce différentiel de croissance atteint 1,7 % par an, ce qui peut être interprété comme une sorte d'effet " volume ", dû à l'amélioration des conditions de recouvrement.

On note que ces conditions de recouvrement correspondent à des phénomènes de nature très différente : amélioration de l'efficacité de la recherche des postes non déclarés, diminution du nombre des comptes exonérés par suite du durcissement des conditions d'exonération, ainsi que de l'importance des remises gracieuses accordées aux foyers en difficulté.

A l'avenir, et toutes choses égales par ailleurs 11 ( * ) , il faut sans doute considérer que cet effet " volume " va s'atténuer et sera sans doute plus près de 1% que de 1,5% compte tenu de l'atténuation probable de l'effet " taxe d'habitation " et d'un assouplissement tendanciel des modalités d'octroi des remises gracieuses, même si la tendance récente à l'augmentation du nombre de postes accélère naturellement la mise à jour des fichiers.

Pour reprendre le fil de l'exercice de projection en 2005 entrepris précédemment, on peut estimer que sur la base de 13 milliards d'encaissement en 1999, l'effet " volume " produira à raison de 1 % par an environ 800 millions de francs de recettes supplémentaires.

Si l'on considère que sur les 2,4 milliards de francs de remboursement de redevance - chiffre généralement avancé-, 800 millions viendront compenser des moins-values de recettes publicitaires, cela donne un produit de 2,4 milliards de francs pour l'ensemble de l'audiovisuel public. En prenant le ratio actuel " Redevance attribuée à France 2 et France 3/ensemble de la redevance ", soit à peu près 50%, on aboutit à supplément de ressources publiques pour France 2 et France 3 de 1,2 milliard de francs, soit entre 1 et 1,8 milliard de francs en dessous des besoins de financement évalués plus haut.

Traduit en terme de montant de la redevance, cela revient à dire qu'il faudrait en 2005 aboutir en francs constants à une redevance supérieure d'un montant compris entre 60 et 110 francs par rapport au niveau de 1999.

Une façon d'atténuer la hausse serait de modifier l'assiette de la redevance. Si l'on peut rester prudent sur les résultats d'une généralisation de la définition des appareils récepteurs dans la mesure où il paraît peu réaliste de vouloir contrôler la commercialisation des cartes permettant de recevoir la télévision sur un ordinateur, on pourrait effectivement envisager des mesures ponctuelles consistant par exemple à supprimer le taux pour les postes " noir et blanc " ou à modifier le régime applicable aux résidences secondaires qui est actuellement établi de telle manière que ne payent que ceux qui le veulent bien.

Une comparaison montre qu'une telle augmentation - qui ne serait justifiée que par les seuls besoins de France 2 et France 3 - continuerait de faire de la redevance audiovisuelle française une des moins élevées d'Europe.

Taux de la redevance en Europe pour l'année 1999

(En francs français, cours au 26 avril 1999)

* Pour la Norvège : francs français, cours au 6 mai 1999

Compte tenu du niveau modéré de la redevance audiovisuelle, votre rapporteur ne croit pas qu'il soit nécessaire d'envisager comme en Grande-Bretagne, la création d'une redevance spécifique pour le numérique, même si la démarche est suffisamment intéressante, pour qu'il ait jugé utile de faire figurer en annexe un résumé du rapport de M. Gavyn Davies, qui l'a préconisée.

En revanche, on pourrait se donner comme objectif d'articuler la redevance sur des indicateurs de nature à faire évoluer son montant au même rythme que le niveau de vie des Français.

Le tableau ci-dessus montre également que la part que représente le produit de la redevance dans le PIB a tendance à se situer à un minimum historique ces trois dernières années, sensiblement inférieur aux maxima atteint au milieu des années 80.

En ce qui concerne l'évolution des taux, on constate si la redevance sui à peu près l'inflation d'une année sur l'autre, on note que le retard pris en 1987 n'a été rattrapé qu'en 1995-1996.

La référence au salaire minimum de croissance est également éclairante puisqu'elle montre qu'exprimé en nombre d'heures de travail payées au SMIC, la redevance a tendance à baisser de prix de façon très importante depuis le début des années 1980 : quand il fallait presque 24 heures de travail au salarié au SMIC pour payer sa redevance en 1980, il en faut à peine 18 aujourd'hui.

Une autre façon de présenter cette évolution est de considérer que, si l'on voulait maintenir la valeur de la redevance exprimée en taux horaire du SMIC et en prenant la valeur moyenne des cinq premières années de la décennie 1980, soit 22 heures, on doit fixer le montant de la redevance à près de 900 francs.

Les enseignements que l'on peut tirer de ce tableau sont que :

1°) le mode de fixation de la redevance tend à faire évoluer son montant comme son produit moins vite que le produit intérieur brut, ce qui marque une baisse du budget consacré à la télévision publique par les Français ; évolution que l'on ne peut pas ne pas rapprocher du développement rapide dans notre pays de la télévision payante dont on a vu qu'elle représentait désormais une dépense sans doute deux fois supérieure à celle de la redevance ;

2°) le cycle " stabilisation/rattrapage " que l'on constate quand on compare l'évolution de la redevance par rapport au prix et à la croissance en valeur est un facteur peu favorable au développement des chaînes publiques qui ont besoin de stabilité des ressources : de ce point de vue, une indexation aurait l'intérêt de garantir la stabilité des ressources de l'audiovisuel public dans le respect de l'ordonnance organique qui limite les prorogatives du Parlement s'agissant d'une taxe parafiscale et en interdit une fixation pluriannuelle compte tenu du principe de l'annualité budgétaire ;

3°) un paradoxe et non des moindres, est, de ce point de vue, qu'au moment où l'on parle de relancer l'audiovisuel public, on semble entré dans une phase de stabilisation, ce que la traduit la hausse de la redevance pour 2000, qui a été calquée sur celle du budget et donc des prix et non sur celle du marché de l`audiovisuel, dont le dynamisme est à la mesure de celui de la croissance générale.

En conclusion de cette analyse, on peut dire qu'une remise à niveau de la redevance pour faire face aux besoins calculés précédemment, maintiendrait le niveau de la redevance largement en dessous de son niveau en termes de pouvoir d'achat par rapport au début des années 1980.

* 1 Le groupe de travail, qui a tenu sa réunion constitutive sous la présidence de M. Alain Lambert, président de la commission des finances, le 31 mars 1999, était composé de :

Président-rapporteur : M. Claude Belot (UC-Charente-maritime)

Vice-président : Mme Marie-Claude Beaudeau (CRC-Val d'Oise)

M. Joël Bourdin (RI - Eure)

Membres : M. Jean-Pierre Demerliat (Soc. - Haute Vienne)

M. Yann Gaillard (RPR - Aude)

M. Alain Joyandet (RPR - Haute-Saône)

M. François Trucy (RI - Var)

M. André Vallet (RDSE - Bouches-du-Rhône)

* 2 BSkyB avait lancé une OPA d'un montant de 575 millions de livres sterling (858,5 millions d'euros) sur Manchester United, le plus profitable des clubs britanniques cotés en Bourse. Considérant que BSkyB est actuellement le seul fournisseur au Royaume-Uni des chaînes thématiques à dominante sportive, la concentration envisagée aurait, selon la Merger and Monopolies Commission (MMC), renforcé la position dominante de BSkyB sur le marché des droits de diffusion télévisuelle de la première League britannique. Cette restriction permanente à l'accès d'autres opérateurs sur le marché de l'approvisionnement des chaînes sportives aurait de surcroît provoqué une entrave à la concurrence sur le marché connexe de la télévision payante. Enfin, ce rachat aurait permis à BSkyB, acquéreur potentiel de droits, de participer directement aux décisions prises au sein de la première League, notamment sur la possibilité de certaines de ses équipes de participer au projet de Superligue...

* 3 les télespectateurs continuent à passer de plus en plus de temps devant le petit écran: 3h25 par jour en 1998 en Europe occidentale contre 3h19 en 1997 (temps moyen).

* 4 L'accord prévoit que la société britannique BSkyB, contrôlée par Rupert Murdoch, prend 24 % de KirchPayTV, pour 1,47 milliard d'euros. Elle paiera 510 millions d'euros en numéraire et le reste en actions. KirchPayTV va ainsi obtenir 78 millions d'actions BSkyB, émises pour l'occasion, soit une participation de 4,3 % dans la société britannique équivalente à 970 millions d'euros

* 5 On note les acquisitions récentes des réseaux français de Time Warner, de Vidéopole et de réseaux câblés de France par UPC (280.000 abonnés), de cinq réseaux de France télécom câble par NTL (76.000 abonnés).

* 6 Au premier semestre 1999, l'efficacité des écrans publicitaires diffusés par France Télévision diminue de 11 à 12 % par rapport aux 6 premiers mois de l'année précédente ; par rapport à 1996, la chute est de - 24 % sur France 2 et de - 17 % sur France 3.

* 7 L'analyse fait la part des risques liés, d'une part, à la programmation, à la tarification des écrans publicitaires et, d'autre part, à l'achat des campagnes TV.

Concernant les 2 premiers types de risques, cette analyse consiste à comparer les performances des écrans par tranche horaire à la moyenne réalisée par la chaîne sur le passé récent sur la cible ménagère < 50 ans.

Concernant le 3ème type de risque, elle consiste à analyser le coût GRP " objectivé " d'une campagne TV, à savoir reconstituer les coûts/GRP que le client s'attendait à obtenir en effectuant son choix d'écrans sur France Télévision. Il est ainsi possible d'évaluer la part de responsabilité des investisseurs publicitaires dans un éventuel " mauvais " choix d'écrans.

* 8 N'en font pas partie, Arte, La Cinquième et les organismes de l'audiovisuel extérieur.

* 9 Mais si l'on raisonnait sur l'ensemble secteur public ce chiffre devrait sans doute être porté à 500 millions de francs, compte tenu notamment de la situation de RFI et de RFP.

* 10 Montant qui serait à porter à 4,6 milliards de francs si l'on se fixait un objectif de 5 % de croissance des ressources du secteur public audiovisuel

* 11 Il en serait différemment si l'on envisageait d'autres mesures de recoupement de fichier ce qui ne semble pas à l'ordre du jour.

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