Ad SCHEEPBOUWER Président de TNT Post Groep

J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à ce colloque. Je vais essayer de vous donner un aperçu aussi net que possible des évolutions récentes qu'a connues la poste néerlandaise ainsi que de sa situation actuelle. Je pense que certains aspects de notre expérience pourront être très instructifs pour les autres postes européennes. En effet, la France, comme de nombreux autres pays, cherche aujourd'hui un nouveau mode de fonctionnement en accord avec la directive européenne. C'est d'autant plus important que le marché postal risque de connaître une véritable révolution au cours des prochaines années. La Poste française est une entreprise qui aura beaucoup de cartes à jouer sur ce marché européen.

La transformation du secteur postal aux Pays-Bas

Je vais maintenant vous parler plus en détail de l'évolution qu'a connue la poste néerlandaise au cours de ces dernières années. Nous sommes passés d'une relativement petite société postale qui ne réalisait aucun bénéfice à une société de 49 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1998 et qui présente un bénéfice de plus de 2,4 milliards de francs en ayant su se diversifier dans le domaine de la logistique et de l'express. Cela a évidemment demandé un travail en profondeur sur nos structures.

En fait, le processus a commencé en 1989.La poste a été transformée en société sous le nom de KPN. Le Gouvernement de l'époque pensait que tous les actionnaires pourraient bénéficier d'un développement (activités postales et télécommunications réunies) hors de la sphère publique. Une entreprise responsable au plan financier devrait être plus flexible, plus efficiente et plus agressive.

Ptt Post soutint pleinement la vision du Gouvernement. Ce fut certainement une bonne décision puisque cela nous a donné l'opportunité de nous développer sous l'aile de KPN avant de nous en détacher.

L'entreprise a nommé à sa tête une nouvelle équipe de managers qui prônait une approche résolument différente des problèmes du groupe. Ils ont été, comme moi-même, recrutés du monde des affaires. À l'époque, notre situation était particulièrement difficile : les clients n'étaient pas satisfaits, les marges étaient trop faibles et nous n'avions aucune perspective de croissance puisque le marché néerlandais était parvenu à maturité. De plus, nous étions particulièrement vulnérables aux effets de "braconnage" sur nos clients les plus importants.

La démarche a donc été avant tout d'améliorer la satisfaction des clients tout en générant un résultat qui nous permettrait de financer notre expansion future. Pour cela, il nous a fallu augmenter de façon importante notre rentabilité. C'était d'autant plus difficile que nous ne bénéficions plus de subventions de l'État. Nous avons donc recherché une meilleure transparence au sein de l'entreprise pour pouvoir aligner nos tarifs sur les coûts. C'est un aspect indispensable d'une évolution saine. Mais cette recherche de transparence s'est accompagnée d'une nécessaire responsabilisation des employés qui devaient être sensibilisés à cette recherche de productivité accrue. Enfin, nous avons commencé à chercher des secteurs en croissance sur lesquels nous pouvions nous positionner, recourant pour cela à la croissance externe.

La recherche de rentabilité

Nous avons utilisé deux moyens pour accroître notre rentabilité. Tout d'abord, il nous a fallu trouver un meilleur mode de gestion de l'entreprise, plus conforme à l'esprit d'une société privée. Cela signifiait réformer le statut du personnel puisque 70 % de nos coûts étaient des coûts de main d'oeuvre. Nous avons donc longuement négocié avec les syndicats qui étaient conscients de la nécessité pour l'entreprise de quitter le service public. Leurs adhérents avaient en effet de meilleures perspectives d'avenir au sein d'un groupe privé.

Nous avons commencé par accorder une période transitoire de sept ans pour faciliter le changement de statut du personnel. Mais aujourd'hui, la structure de nos salaires est la même que celle des autres entreprises privées. Nous n'avons eu que peu de pertes d'emploi et aucune grève et nous sommes très fiers d'avoir su réaliser cette évolution en accord avec les syndicats et non pas contre eux. En fait, la période de transition a permis le départ en retraite de certaines personnes et la modernisation progressive de notre équipement. Nous sommes ainsi passés en 1990 de 25 % de courrier trié automatiquement à 75 %. Nous atteindrons, à la fin de 1999, 90 %, ce qui est un facteur non négligeable de rentabilité.

D'autre part, nous avons créé huit unités d'affaire, chacune responsable de son propre bénéfice et de ses propres coûts. Cela a fait doubler la rentabilité de l'entreprise en deux ans. Nos profits sont ainsi passés de 0 à 820 millions de florins de 1989 à aujourd'hui (1998).

La recherche de croissance

En 1989, nous pensions que notre activité de base était en recul. En fait, ce fut vrai jusqu'en 1993 mais, depuis, le courrier connaît une croissance continue qui a atteint l'an dernier plus de 7 %. Nous comptons sur une hausse de 2 à 4 % par an dans l'avenir. Cette évolution s'explique par la qualité accrue de notre service, par la constance de nos tarifs depuis 1991 et par le fait que les nouveaux moyens de communication (e-mails) ont davantage affecté les télécoms que les postes.

Nous avons aussi cherché à favoriser une croissance du courrier international, du courrier direct et du traitement de documents. Ces différents secteurs ont connu une croissance importante qui devrait atteindre 3 ou 4 % cette année. La libéralisation du secteur devrait en outre permettre d'étendre encore notre secteur courrier à l'extérieur des Pays-Bas.

À partir de 1994, nous avons également cherché à diversifier nos activités en nous intéressant à l'express et à la logistique. Pour cela, nous avons créé notre propre entreprise aux Pays-Bas puis nous avons acquis des entreprises de ce secteur en Belgique, au Danemark et en Allemagne. En 1996, nous avons acquis TNT et TNT Express qui nous permettent d'avoir accès à 200 pays.

L'impact de ces développements est immense sur le profil de l'entreprise. Le chiffre d'affaires a doublé atteignant 46 milliards de francs ainsi que le nombre d'employés qui atteint 100 000.

Nous avons également pris notre indépendance vis à vis des télécoms en 1998. Cela nous a été très favorable puisque nous avons continué à développer notre secteur logistique en France et en Italie.

Les différents acteurs sur le marché européen

De nombreuses sociétés ont actuellement des ambitions européennes. C'est le cas de La Deutsche Post, de La Poste et de la Royal Mail. Beaucoup seront amenées à se développer par alliance ou par absorption. Nous avons TNT et la Deutsche Post a passé un accord avec DHL. La Poste s'est spécialisée sur le mono colis, la Royal Mail et la Deutsche Post sur le colis, nous sur l'Express et la logistique. Il est donc probable que plusieurs opérateurs se battent pour contrôler ou s'allier avec UPS.

En ce qui concerne la France, je rappellerai qu'elle joue un rôle économique primordial en Europe. Nous souhaitons donc nous y développer et nous sommes déjà passés de 1700 personnes à 4500 personnes présentes. Il nous faut à présent nous repositionner et nous assurer que nous sommes sur les créneaux qui seront les plus porteurs. Nous avons de bonnes relations avec La Poste qui a en ce moment un contrat avec TNT Je souhaite donc que cette entreprise parvienne à assurer son avenir pour enrichir encore notre coopération. Nous suivrons avec intérêt les développements en France et ceux de La Poste.

Henri LOIZEAU

Je vous remercie pour ce portrait fidèle de la nouvelle poste néerlandaise et des transformations qu'elle a pu engager au cours de ces dernières années. Vous nous avez dit que cette évolution s'était faite dans un climat social remarquable. Pourtant, vous avez suscité plus de 5000 suppressions de postes et transformé le statut des fonctionnaires en statut de salariés du privé tout en augmentant la productivité. Je souhaitais vous demander s'il existe des recettes pour reproduire un tel miracle.

Ad SCHEEPBOUWER

Je pense que cela s'explique tout simplement par le fait que nous avons pris le temps de mettre en place cette transformation radicale. Nous savions dès le départ quelles étaient les étapes de notre privatisation progressive. Nous avons commencé à installer l'équipement avant de procéder à tout licenciement. De plus, nous avons cherché, chaque fois que c'était possible, à favoriser les retraites ou les reconversions vers de nouveaux emplois. Le plus important a sans doute été la franchise et l'ouverture que nous nous sommes efforcés de conserver vis à vis de notre personnel et des syndicats. Nous avons toujours essayé de trouver la solution la plus consensuelle possible. Vous pourrez en discuter plus en détail avec Monsieur Lohman par la suite.

Henri LOIZEAU

Je voulais également savoir si les conditions de travail ne s'étaient pas dégradées puisque alors que le volume de courrier à traiter augmentait, les effectifs, eux, diminuaient.

Ad SCHEEPBOUWER

Je pense que les conditions de travail se sont améliorées. Nous appartenons en effet à un groupe qualité et nous avons déjà remporté un prix qualité. De plus, nous faisons un certain nombre de sondages auprès de nos clients et de nos employés et il apparaît que le personnel de la poste néerlandaise est bien plus satisfait de ses conditions de travail que la plupart des personnels de groupes industriels de taille équivalente. Il y a en effet quelques reproches provenant de la surcharge de travail mais il existe aussi une réelle motivation.

Henri LOIZEAU

Pouvez-vous nous dire si vous remplissez les critères de conversion du système universel postal. Je sais en effet que certains élus locaux ont protesté contre la fermeture de bureaux aux Pays-Bas. Comment les usagers réagissent-ils face à ces différentes évolutions ?

Ad SCHEEPBOUWER

La poste néerlandaise doit se plier aux contraintes de toute société privée et écouter ses consommateurs. Nous n'avons donc pas augmenté nos tarifs depuis 1991. En ce qui concerne les bureaux, ils sont passés de 2500 à 2600. La différence est que ces bureaux sont installés en fonction des attentes des consommateurs et non en fonction des exigences de l'État. En fait, il existe moins de bureaux mais plus d'agences qui donnent accès à 95 % des services de la poste néerlandaise. Par contre en cas d'exigence particulière (envoi d'un colis au Paraguay, par exemple), le client sera forcé de se rendre à un bureau plus important La priorité reste toujours la même : assurer le meilleur service au coût le plus réduit. Il n'est donc pas possible de laisser fonctionner des bureaux qui ne vendraient que quelques timbres.

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