N° 2198

N° 238

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ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

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Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale
le 24 février 2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 février 2000

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

SUR

LE CLONAGE, LA THÉRAPIE CELLULAIRE
ET L'UTILISATION THÉRAPEUTIQUE
DES CELLULES EMBRYONNAIRES

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Comptes rendus des auditions

PAR M. Alain CLAEYS,

PAR M. Claude HURIET,

Député.

Sénateur.

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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Jean-Yves LE DÉAUT,
Premier
Vice-Président de l'Office

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Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.

Bioéthique

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

AUDITION DU 30 SEPTEMBRE 1999

PROFESSEUR PIERRE CESARO, CHEF DU SERVICE DE NEUROLOGIE DE L'HÔPITAL HENRI-MONDOR DE CRÉTEIL, PROFESSEUR GILLES DEFER, CHEF DU SERVICE DE NEUROLOGIE DU CHRU DE CAEN, ET DOCTEUR MARC PESCHANSKI, DIRECTEUR DE L'UNITÉ 421 DE L'INSERM « NEUROPLASTICITÉ ET THÉRAPEUTIQUE »

L'unité 421 de l'INSERM que dirige le docteur PESCHANSKI a été créée en 1995 pour la mise en oeuvre de thérapies interventionnelles, cellulaires et géniques, destinées au traitement des maladies du système nerveux central. Elle a réuni les compétences de deux équipes travaillant précédemment sur la greffe de neurones embryonnaires d'une part, l'imagerie cérébrale d'autre part, et regroupe des biologistes et des chercheurs-cliniciens.

La première implantation de neurones foetaux sur une patiente atteinte de la maladie de Parkinson a été effectuée en juin 1991 à Henri-Mondor par l'équipe du professeur CESARO. Depuis cette date, 25 interventions portant sur les deux hémisphères cérébraux ont été pratiqués sur 13 malades parkinsoniens.

A partir de 1996, une étude expérimentale et clinique a été conduite parallèlement sur la greffe de neurones foetaux pour le traitement de la chorée de Huntington, maladie neurodégénérative génétique de l'adulte aboutissant à la démence qui est très mal prise en charge, et pour laquelle il n'existe actuellement aucune thérapie. Une série de cinq patients a fait l'objet d'implantations bilatérales en deux périodes (juin 96-décembre 97, janvier 98-octobre 98). L'évaluation finale est en cours.

Depuis avril 1998, l'équipe du docteur PESCHANSKI expérimente une technique de thérapie génique déjà validée chez les primates : elle consiste dans l'administration d'un facteur de protection des neurones par implantation de cellules génétiquement modifiées et encapsulées dans un polymère, afin d'éviter les réactions immunitaires. Ce procédé a permis d'utiliser, dans un premier temps, des cellules de hamster. Les xénogreffes soulevant pour l'instant un problème de principe, l'expérimentation se poursuit maintenant avec des fibroblastes humains (cellules du tissu conjonctif). Les résultats semblent positifs en termes de tolérance et de faisabilité.

Le professeur DEFER présente un bilan du traitement de la maladie de Parkinson par l'implantation de cellules foetales.

Les essais cliniques s'effectuent avec des neurones prélevés sur des embryons issus d'avortements légaux de 8 à 10 semaines post-gestation dont les cellules du système nerveux central sont en cours de différenciation. On les qualifie de cellules foetales bien que le stade foetal soit généralement fixé à 12 semaines de grossesse. Ces embryons proviennent d'IVG. Conformément au protocole établi en 1990 par le CCNE, l'accord de la mère sur un prélèvement éventuel à des fins scientifiques ou médicales est recueilli par écrit, par les obstétriciens et non par les neurologues. Une information plus précise sur l'utilisation des prélèvements peut être fournie sur demande de la patiente. Elle n'est que très rarement sollicitée.

La transplantation de cellules neuronales, inaugurée en Suède à partir de 1989, s'est développée ensuite aux Etats-Unis, en France et en Belgique. Elle a été pratiquée, les premiers temps de façon unilatérale (i.e. sur un seul hémisphère cérébral), sur des patients sévèrement atteints et présentant les principales complications de la maladie (fluctuations motrices et dyskinésies).

Après une greffe bilatérale, on a pu noter une amélioration, que l'on peut chiffrer de 30 à 40 % de l'état antérieur dans la majorité des cas, se traduisant par une réduction des périodes de blocage, une amélioration des capacités motrices et une modification des dyskinésies, le tout sans effets secondaires majeurs. Les critiques initiales fondées sur l'effet placebo ont été abandonnées face à l'homogénéité des résultats cliniques. D'autre part, l'autopsie de patients décédés accidentellement a mis en évidence les effets positifs et persistants des greffes.

Le cerveau étant considéré comme immuno-protégé, la pratique française s'est orientée vers un traitement immunosuppresseur réduit sans que l'on ait constaté de phénomènes de rejet.

La plus récente étude clinique américaine « randomisée » avec groupe contrôle réalisée sur des fonds fédéraux par les équipes de Curt FREED et Stanley FAHN a été communiquée en avril 1999. Elle a été effectuée en double aveugle avec un groupe placebo sur un échantillon de 40 individus. Un an après, plus de la moitié des transplantés présentent une augmentation significative de la production de dopamine mais la durée et la persistance de cet effet restent à préciser. D'autre part, seules les personnes traitées de moins de 60 ans, soit 9 patients, ont connu une amélioration significative de leur état. L'ancienneté et la sévérité de la maladie influent incontestablement sur l'efficacité du traitement.

Un programme coordonné par le professeur DEFER et le docteur LEVIVIER (hôpital Erasmus, Bruxelles) vise à mettre au point un protocole d'évaluation standardisée, destiné à tous les types de chirurgie du Parkinson (greffe neuronale, stimulation électrique intracérébrale et pallidectomie). Il doit être complété cette année par l'ouverture d'une « data-bank » européenne localisée à Bruxelles (registre des patients opérés), quel que soit le type d'intervention.

La greffe ne fournit pas de réponse appropriée pour la sclérose latérale amyotrophique ni, en l'état actuel des connaissances, pour la maladie d'Alzheimer et les autres pathologies neurodégénératives.

Se pose par ailleurs la question de l'obtention en quantité suffisante des cellules neurales, sachant que plusieurs foetus sont nécessaires pour traiter un seul patient. Le docteur PESCHANSKI est favorable à toute solution qui permettrait d'échapper au prélèvement foetal.

Les cellules souches pluripotentes ouvrent à cet égard des possibilités très intéressantes. Duplicables indéfiniment, elles permettraient la création de banques de tissus et le développement de traitements à l'échelle industrielle. Cette perspective pourrait devenir réalité d'ici dix ans si aucune barrière biologique ne s'oppose à la maîtrise du processus de différenciation contrôlée. Le docteur PESCHANSKI fait état d'une expérience menée par son équipe sur un tératocarcinome qui a donné des fibroblastes, des neurones, des astrocytes et des cellules musculaires. Si l'on a déjà pu établir une liste des très nombreux facteurs qui agissent sur la différenciation neuronale, on ne sait pas encore comment procéder pour que ces cellules se spécialisent à volonté.

D'autres voies expérimentales sont actuellement explorées sur des animaux à partir de cellules progénitrices qui ne sont pas nécessairement d'origine neurale. La société américaine Genzyme Tissue Repair a développé des cellules neuronales provenant de foetus de porcs non transgéniques. Des essais sont en cours sur des patients atteints de maladie de Parkinson et de chorée de Huntington. Pour parer aux inconvénients d'une immunosuppression permanente, une tolérance pourrait être recherchée soit par transgenèse, soit par traitement des cellules avec une molécule inhibitrice de la réaction immunitaire. Aucun résultat thérapeutique n'a encore été annoncé mais l'autopsie d'un des patients a permis de constater la survie de quelques centaines de neurones porcins pendant huit mois dans son cerveau.

Le docteur PESCHANSKI souligne en conclusion que les applications thérapeutiques des cellules embryonnaires sont encore lointaines et qu'aucune confusion ne doit être entretenue avec les prélèvements foetaux que lui-même et son équipe utilisent pour les transplantations neuronales. Il met d'autre part en évidence le caractère artificiel, au regard de sa pratique scientifique, de la distinction entre thérapie cellulaire et thérapie génique. Un vaste domaine existe, en effet, dans lequel les deux approches se recouvrent. Une forme de thérapie génique très répandue utilise, pour délivrer une substance potentiellement thérapeutique (par exemple « neuroprotectrice »), des cellules d'origines et de phénotypes divers, modifiées génétiquement ex vivo puis implantées. Dans le cas des maladies neurodégénératives, l'implantation intracérébrale de ces cellules rejoint ainsi totalement la problématique de la thérapie cellulaire. On peut imaginer -et il s'agit d'une voie de recherche existante- de modifier des neurones foetaux pour les implanter chez des patients chez lesquels ils joueraient, ainsi, en même temps, un rôle de substitution et un rôle neuroprotecteur. La frontière entre thérapie cellulaire et thérapie génique, déjà souvent virtuelle, tomberait alors totalement.

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