AUDITION DU 7 OCTOBRE 1999

PROFESSEUR JEAN-PIERRE CAMPION, CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL UNIVERSITAIRE DE RENNES

Le professeur CAMPION précise que dans le cadre de la recherche et du développement sur les hépatocytes isolés, deux unités INSERM à Rennes (U 522 « recherches hépatologiques » et U 456 « détoxication et réparation tissulaire ») travaillent actuellement sur les hépatocytes, en collaboration avec le service clinique d'Hépatologie médicale et le service de Chirurgie viscérale.

Les hépatocytes sont des cellules du parenchyme hépatique à fonctions multiples (par exemple : transformations, synthèses, détoxication, production de bile...). La recherche sur ces cellules hépatiques a pris un tournant décisif lorsqu'ont été mises au point des méthodes d'isolement et de purification par digestion enzymatique de l'organe entier par la collagénase. De nombreuses étapes préliminaires ont analysé le fonctionnement et le métabolisme de ces cellules, puis ont été mis au point des modèles de culture et de stockage, notamment par congélation.

Désormais, divers axes de recherche se sont organisés.

1 - Une recherche pré-clinique , dans le cadre de la thérapie cellulaire avec deux programmes en cours de réalisation :

- Le premier concerne la mise au point d'un foie bioartificiel qui pourrait être fonctionnel et disponible à tout moment pour faire face, en urgence, à la menace vitale des insuffisances hépatiques aiguës, telle l'hépatite fulminante. L'organe artificiel constitue une suppléance hépatique transitoire, extra-corporelle. Le maintien en survie du patient (correction par détoxication des désordres cérébraux responsables du décès) laisse au foie natif le délai nécessaire pour une régénération spontanée. Ceci fait l'économie d'une transplantation d'organe, opération lourde qui, en outre, assujettit ultérieurement le patient à un traitement immunosuppresseur permanent, non dénué d'effets secondaires.

- L'autre est relatif à la transplantation d'hépatocytes pour le traitement des déficits enzymatiques congénitaux d'origine hépatocytaire (exemple : hémophilie). Une recherche pré-clinique est en cours sur l'animal mais aucun programme n'a encore été entamé chez l'homme. Cette transplantation d'hépatocytes pourrait également être un des moyens de traiter en urgence l'hépatite fulminante.

2 - La recherche fondamentale concerne des axes très variés comme le rôle de l'hépatocyte dans son environnement matriciel, les virus hépatotropes et le foie, l'immortalisation cellulaire, la cancérogenèse, le métabolisme des xénobiotiques et les dysfonctionnements cellulaires induits par ces xénobiotiques (médicaments, polluants, carcinogènes).

3 - Le développement industriel . Le savoir-faire et les personnels issus de la recherche ont été à l'origine de la création d'une entreprise « start-up », création soutenue par l'INSERM. Cette entreprise biotech « Bioprédic International » se situe en interface avec l'industrie pharmaceutique en testant molécules et médicaments quant au rôle du foie dans leur métabolisme et quant à leur toxicité hépatique. Elle est également pourvoyeuse d'hépatocytes, notamment grâce aux « liverbeads », technologie développée spécifiquement par cette entreprise.

Le professeur CAMPION souligne la nécessité de recourir à des hépatocytes humains, que ce soit dans le domaine de la recherche fondamentale (aucune des données observables chez l'animal n'étant, dans ce domaine, transposable à l'homme) ou de la recherche clinique (compte tenu des restrictions qui s'appliquent actuellement à la pratique des xénogreffes).

Le professeur CAMPION rappelle que la présence de cellules souches dans le foie reste encore très hypothétique. Leur isolement et leur usage thérapeutique le sont encore plus. Quoi qu'il en soit, il faudrait recourir à l'isolement de ces cellules au sein de parenchyme hépatique humain.

A l'heure actuelle, les hépatocytes sont essentiellement obtenus par le biais des déchets opératoires, à l'occasion d'interventions chirurgicales pratiquées pour le traitement de pathologies tumorales. Dans cette hypothèse, l'ablation pratiquée est assez large pour permettre de récupérer une partie du parenchyme non affecté par la tumeur et d'en extraire les cellules hépatiques. Toutefois, la proximité de ces cellules avec une tumeur les rend impropres à un usage clinique. Pour la recherche fondamentale, elles sont imparfaites puisque ces patients ont souvent reçu de nombreux médicaments qui modifient l'expression des gènes régulant les fonctions hépatocytaires. A propos de ces déchets opératoires, les textes restent certes permissifs mais très flous. On regretterait toutefois qu'un encadrement trop rigoureux ne vienne altérer la relation médecin-malade, si par exemple une autorisation devait être demandée au malade pour l'usage de ces déchets opératoires.

Les prélèvements post-mortem fourniraient en revanche une source d'approvisionnement qualitativement satisfaisante. Mais les familles sont dotées par la loi d'un véritable pouvoir de décision. Les demandes de dons d'organes faites aux familles se soldent encore trop souvent par des refus. En outre, il conviendrait d'assouplir les textes sur ce point car il est fait distinction dans la loi bioéthique actuelle entre l'autorisation de prélèvement à but scientifique et l'autorisation de prélèvement à but thérapeutique.

Le professeur CAMPION souhaiterait donc que la loi se simplifie au profit d'un don sans caractère spécifique dès l'instant où le produit de ce don ne serait pas à but commercial.

Enfin, dans l'optique d'une transparence, d'une traçabilité et d'une bonne gestion des propositions des organes ou tissus, le professeur CAMPION sollicite la reconnaissance d'un Centre de ressource d'hépatocytes humains, dont l'approvisionnement serait piloté par l'Etablissement français des greffes. Ce centre de ressource serait à son tour pourvoyeur en hépatocytes isolés auprès des établissements qui en seraient demandeurs.

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