LE STATUT DE L'EMBRYON

M. GORDON DUNSTAN - PROFESSEUR ÉMÉRITE DE THÉOLOGIE MORALE ET SOCIALE AU KING'S COLLEGE DE LONDRES, MEMBRE DU NUFFIELD COUNCIL ON BIOETHICS DE 1991 À 1995

Je suis un produit du système universitaire anglais. Par ailleurs, je suis prêtre de l'église établie du Royaume-Uni. Je suis donc le fruit d'une tradition morale dérivée non seulement de la théologie judéo-chrétienne et de sa doctrine de l'homme créé à l'image de Dieu, mais je me place également dans la lignée d'Aristote et des Grecs, pour lesquels la rationalité caractérise l'être humain. L'homme a le désir inné de chercher la connaissance, de raisonner et d'atteindre la vérité. Albert Legrand, l'un des grands professeurs de l'Université de Paris au XIIIe siècle, nous a appris que la recherche de la vérité faisait partie de la nature de l'âme humaine. Roger Bacon, à Oxford, était également un pionnier de la recherche expérimentale de la vérité. Le principe de la tradition morale anglicane est la recherche du bien dans la société.

Notre sujet porte sur le clonage par transfert nucléaire et sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires. La recherche expérimentale ne peut être autorisée que si deux conditions sont respectées. La première est que les méthodes utilisées soient déontologiques. La connaissance ne doit pas être recherchée par des moyens illégitimes. Par ailleurs, la connaissance doit être utilisée à des fins éthiques, moralement valables. Sur cette base, la thérapie cellulaire et l'utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires sont acceptées par les penseurs britanniques, par les milieux scientifiques, médicaux, philosophiques, éthiques et religieux.

Toute mesure qui menace la vie de l'embryon humain, à quelque stade que ce soit, est considérée par l'église catholique comme mauvaise et illicite. L'église catholique interdit l'utilisation des cellules embryonnaires. En détruisant les cellules du placenta, on condamne l'embryon à mort. Le prélèvement de cellules primordiales sur un foetus avorté est considéré comme une complicité d'avortement, interdit dans toute circonstance. Le dogme sous-jacent à ces interdictions attribue une sainteté à l'embryon humain, c'est-à-dire un droit absolu à la protection dès le moment de la conception.

Ceux qui rejettent ce dogme le font sur le plan scientifique et sur le plan moral. Scientifiquement parlant, il ne peut y avoir d'individu humain tant que les cellules ne sont pas organisées pour former une lignée primitive au quinzième jour. Sans l'individualité, il ne peut y avoir de personnalité. Il n'y a pas de sujet de droit ou de devoir : Persona est individua substantia rationalis naturae . Cette maxime philosophique a été la base de la tradition morale de la civilisation occidentale depuis deux millénaires. L'individualité n'est pas possible dès la conception, mais seulement une quinzaine de jours plus tard.

En 1860, le Vatican a décrété la protection absolue de l'embryon humain précoce. Les législateurs hésitent à imposer une restriction si mal fondée scientifiquement aux embryologistes humains. En 1990, le Parlement britannique a rendu légale l'utilisation pour la recherche d'embryons humains jusqu'à quatorze jours. Leur utilisation est interdite au-delà de l'apparition de la lignée primitive. Par ailleurs, il est interdit de replacer l'embryon dans l'utérus après son utilisation à des fins de recherche. Le clonage humain par remplacement du noyau d'une cellule de l'embryon par un autre noyau a également été interdit.

La base morale de ces pratiques est que la recherche de la connaissance doit être utilisée pour le bien. Elle est régie par une licence de la HFEA, en collaboration avec la Commission consultative chargée d'éthique humaine. Le 28 avril 1999, un débat a eu lieu au sein d'un comité de la Chambre des Lords au sujet d'une proposition émise par des lords hostiles à la pratique établie. Des théologiens, des savants, des philosophes et des docteurs ont participé à ce débat. Ils ont affirmé qu'ils tenaient compte des faits scientifiques. Comme moraliste anglican, je partage leur jugement. Leur principal argument est celui de l'utilité. Les avantages potentiels et prévisibles, sans dommages disproportionnés, de la recherche doivent être recherchés.

Nous avons adopté les moyens nécessaires pour contrôler la recherche, et protéger les animaux, les mères, les enfants contre l'exploitation ou la tromperie. Nous avons posé le principe de la séparation à chaque stade de la collecte des tissus ovariens. Une banque de tissus doit être mise en place. Il ne peut y avoir transfert immédiat de la mère aux chercheurs. La HFEA a souhaité que le consentement de la mère soit obtenu pour l'utilisation de ses tissus dans le cadre de recherches. En ce qui concerne les cellules nerveuses, nous avons adopté les mêmes règles, qui permettent d'éviter l'exploitation des personnes.

J'accepte la distinction courante entre clonage thérapeutique et clonage reproductif. Ils ont des procédures et des objectifs respectifs. Le remplacement nucléaire et l'utilisation de cellules embryonnaires ont été interdits par le Parlement en 1990. La HFEA a donné des autorisations de recherche pour le transfert nucléaire dans un ovule non fertilisé. L'interdiction du clonage reproductif est unanimement souhaitée dans le pays. La HFEA a effectué une consultation sur le sujet en 1998 : 80 % de ceux qui ont répondu ont voté contre le clonage reproductif humain. Seuls quelques philosophes brillants, progressistes, ont exprimé des positions en faveur de ce type de clonage. Les arguments scientifiques contre le clonage reproductif humain sont connus. Le clonage reproductif engendre un gâchis extraordinaire. Il y a une Dolly pour 29 ovules reconstruits, venant de 270 cellules somatiques adultes transférées dans 277 ovocytes dénucléés. Le transfert nucléaire de cellules somatiques adultes dans des cellules d'ovules receveurs entraîne un vieillissement prématuré, avec toutes les maladies qui en découlent. En outre, par rapport à nos schémas familiaux et sociaux, le risque de confusion d'un enfant avec son jumeau génétique, qui serait son parent, semble gigantesque. C'est un affront pour la dignité et la liberté humaine que de considérer une personne humaine comme un moyen d'atteindre une fin.

Le clonage de cellules à des fins de diagnostic répond à des préoccupations tout à fait différentes. L'efficacité des traitements est prouvée. L'amélioration des cellules souches embryonnaires et des cellules primordiales permettra de trouver de nouveaux moyens pour traiter les maladies de dégénérescence des cellules nerveuses, des cellules de la peau, des cellules hématopoïétiques, etc. A l'avenir, il sera peut-être possible de bloquer la transmission de maladies génétiques d'une mère à ses enfants. Il ne s'agit pas de servir des ambitions égoïstes. Mes propos sont dictés par un devoir d'intégrité et par un sentiment de respect pour la vie animale et humaine. Il serait plus grave de voir nos coeurs s'endurcir que de voir nos artères durcir.

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