- CHAPITRE II - UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE SOUHAITABLE POUR LE RAYONNEMENT SYNCHROTRON, SUR DES BASES PROSPECTIVES ET ÉQUILIBRÉES

Introduction

Le Gouvernement est à l'heure actuelle engagé dans une négociation avec le Royaume Uni et une organisation privée ( " Charity Trust " ) britannique, le Wellcome Trust, pour acquérir une participation dans le futur synchrotron de 3 ème génération DIAMOND.

Plusieurs arguments sont avancés par les pouvoirs publics en faveur de cette initiative. A ce stade de l'examen du dossier, on en retiendra deux.

D'une part, la conjonction des efforts des deux pays et la mise en commun des compétences des spécialistes anglais et français devraient permettre de parvenir à une meilleure machine qu'avec une démarche isolée, et de surcroît pour un coût par utilisateur inférieur.

D'autre part, le synchrotron DIAMOND devant être spécialisé dans la biologie structurale et implanté au Royaume Uni, deuxième nation après les Etats-Unis dans le palmarès mondial de la biologie moléculaire, le projet répondrait, par hypothèse, aux besoins prioritaires en ligne de lumière de la recherche française, tout en lui offrant l'occasion d'être tirée vers le haut par une coopération avec une recherche britannique traditionnellement forte dans le domaine biomédical.

Il ne saurait être question pour vos Rapporteurs de s'immiscer dans une négociation internationale en cours.

Il leur apparaît toutefois nécessaire de la replacer dans le cadre général d'une coopération internationale déjà forte dans le domaine du rayonnement synchrotron et de rappeler les engagements de la France vis-à-vis de la communauté scientifique européenne ou de celle des pays émergents.

Il convient également de s'interroger sur le type de recherche - fondamentale ou appliquée - et le type de grand instrument - de recherche ou de service - dont le cadre naturel est la coopération internationale.

Il s'agit enfin d'attirer l'attention du Gouvernement sur les limites de coût et d'efficacité qui doivent borner les efforts faits par la France pour trouver avec l'aide de partenaires européens les solutions qu'il lui appartient de mettre en oeuvre pour la communauté scientifique nationale.

I - UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE DÉJÀ ACTIVE OÙ LA FRANCE PEUT AMPLIFIER SON RÔLE DE PIVOT VIS-À-VIS DES PAYS DU SUD ET DE L'EST

La recherche scientifique est par nature une activité ouverte grâce au système de publications des résultats qui est le fondement de la carrière des chercheurs. Au reste, dans le cas de recherches précompétitives, c'est la rapidité d'exécution des applications et un progrès permanent qui constituent le principal moyen de protection de la propriété intellectuelle.

Le domaine des synchrotrons se singularise dans le monde de la recherche en ce qu'il ajoute à la dimension immatérielle de l'ouverture des résultats, celle d'une ouverture physique de ses installations à une large communauté d'utilisateurs. Les chercheurs de différents pays peuvent en effet accéder, sur le vaste réseau mondial des synchrotrons, aux machines les plus adaptées à leurs besoins expérimentaux. C'est peu dire, en conséquence, que la coopération internationale existe déjà dans le domaine des synchrotrons. Elle leur est consubstantielle.

1. Les coopérations internationales des synchrotrons et en particulier celles du LURE

La plupart des synchrotrons dans le monde accueillent des chercheurs visiteurs étrangers qui viennent exploiter les points forts d'une machine particulière ou utiliser les créneaux libres sur un marché souvent saturé.

Le Hasylab de Hambourg pour sa part accueille 33 % de chercheurs étrangers sur ses installations. Ce pourcentage s'élève à 50 % pour les synchrotrons MAX I, II et III du MaxLab de l'université de Lund en Suède, en raison de la coopération scientifique étroite existant entre les pays scandinaves.

L'ouverture sur l'étranger du LURE d'Orsay provient d'une part de l'utilisation de ses installations par des chercheurs étrangers pour la réalisation de leurs projets de recherche et d'autre part des liens institutionnels du LURE avec d'autres instituts de recherche.

En 1999, la part des pays étrangers dans les demandes d'accès s'est élevée à 24,4 % des demandes totales et les durées accordées ont représenté 21,6 % du total (voir figure suivante).

Figure 14 : Part des laboratoires étrangers dans le temps machine du LURE

Par ailleurs, le LURE est engagé dans des coopérations à long terme avec un ensemble de pays, sur l'exploitation de lignes de lumière.

En premier lieu, deux lignes de photoémission-photodiffraction sur onduleur de l'anneau Super-ACO pour l'étude des surfaces sont exploitées dans le cadre de coopérations internationales. L'une se déroule avec plusieurs laboratoires suisses (Lausanne et Bâle) et l'autre avec l'ensemble de la communauté espagnole.

En second lieu, deux lignes de DCI pour les microfabrications donnent lieu à une collaboration étroite avec des centres de recherche allemands, l'IMM de Mayence d'une part, le centre de Karlsruhe d'autre part.

Les chercheurs du LURE, qui ont par ailleurs mis en place des collaborations bilatérales ou multilatérales dans différents domaines scientifiques, participent au moins à 23 contrats européens et à 8 contrats bilatéraux.

Le LURE bénéficie enfin depuis 1989 de contrats de l'Union européenne pour l'accès aux grandes installations, qui ouvrent ses installations aux autres chercheurs européens avec un financement correspondant à une redevance d'utilisation d'environ 4 millions de francs par an.

2. Le cas particulier du seul synchrotron international : l'ESRF de Grenoble

L'exemple de l'ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) doit être examiné afin de déterminer dans quelles conditions et à quel niveau la coopération internationale est intervenue pour cette réalisation exemplaire.

L'ESRF est une société civile de droit français dont le financement est assuré par quinze pays. La part de la France est de 27,5 %, celle de l'Allemagne 25,5 %, celle de l'Italie 15 %, celle du Royaume Uni de 14 % et les parts de l'Espagne et de la Suisse toutes deux de 4 %.

Cette machine de 6 GeV possède un anneau de 844 m de circonférence, comprenant 32 sections droites dont 29 disponibles pour les dispositifs d'insertion. Sa construction a duré 11 ans, de 1988 à 1998, pour un coût total en francs courants de 2,2 milliards de francs, soit environ 6 milliards de francs 1999.

La dimension européenne de l'ESRF s'est imposée d'entrée, dans la mesure où il s'agissait d'un projet de grande dimension, devant repousser les limites technologiques des synchrotrons notamment en matière de production de rayons X " durs " .

L'évolution technique a été telle, depuis lors, qu'il ne serait pas nécessaire aujourd'hui de construire une machine de la taille et du coût de l'ESRF pour obtenir des performances voisines.

Les succès techniques et scientifiques de l'ESRF sont incontestables. Alors que la construction de l'équipement est arrivée à son terme, ses capacités sont saturées, avec un taux de rejet des demandes d'accès important, comme on l'a vu. En outre, la coopération internationale a certes permis de financer un équipement d'un coût très élevé et sans doute de parvenir à des solutions techniques avancées pour leur époque. Aujourd'hui, elle semble introduire en sens inverse un encombrement des lignes de lumière par la multiplication des demandes et une certaine lourdeur de fonctionnement due au formalisme inévitable des procédures.

En tout état de cause, nombreux sont les observateurs qui, tout en saluant les performances exceptionnelles de l'ESRF, estiment qu'il est possible de faire aussi bien que ce synchrotron au niveau national, pour des coûts bien inférieurs, des performances égales et une souplesse de fonctionnement bien meilleure.

3. Une ambition pour la France : jouer le rôle de pivot pour l'accès au rayonnement synchrotron des Pays du sud de l'Europe, de la Méditerranée et de l'Est

Si l'Italie s'est récemment dotée d'un synchrotron de 3 ème génération, ELETTRA, dont les capacités sont d'ailleurs déjà saturées, la France semble en position de pouvoir mettre en place une coopération avec les autres pays du Sud de l'Europe à l'occasion de la construction d'un synchrotron national.

Un autre motif s'impose pour doter la France de ressources propres. Il s'agit de l'opportunité qu'il y a de favoriser l'accès de chercheurs de pays de la Méditerranée et des pays de l'Est, à des installations de pointe.

3.1. Une position à dynamiser en Europe du Sud

L'intérêt concret de l'Espagne pour la technologie des synchrotrons s'est déjà manifesté à plusieurs reprises, avec l'exploitation d'une ligne de lumière du LURE et une participation à l'ESRF.

L'Espagne semble à l'heure actuelle désireuse de passer à un niveau supérieur.

D'une part, un avant-projet de synchrotron national a été élaboré par l'université autonome de Barcelone avec le soutien du gouvernement d'Espagne et de celui de Catalogne. D'autre part, des réflexions sont en cours au sein de la Communauté de travail des Pyrénées pour développer une approche commune à la France et à l'Espagne.

Une coopération avec l'Espagne et le Portugal semble en tout état de cause à explorer plus en détail. La question de la localisation d'une machine en partenariat serait toutefois relativement épineuse, dans la mesure où l'implication de la ville de Barcelone semble étroite. Toutefois, le système de participation croisée apporterait une solution.

3.2. Un rôle à jouer pour les Pays du Sud de la Méditerranée et pour les Pays de l'Est

Le nouveau projet SESAME préparé sous les auspices de l'UNESCO consiste à créer un centre de recherche international au Proche Orient autour des installations du synchrotron BESSY I de Berlin offertes par l'Allemagne et transférées dans un lieu encore à déterminer de Palestine.

C'est la dimension de coopération scientifique autour des synchrotrons et de la pluridisciplinarité de leur apport qui sont encore une fois soulignées par un tel projet.

Une installation française pourrait, dans le même ordre d'idées, s'ouvrir largement aux chercheurs des pays du Maghreb.

Enfin, un synchrotron national dimensionné de façon ambitieuse pourrait également constituer le support d'une coopération scientifique accrue avec les pays de l'Est. Souvent excellemment formés, mais disposant d'équipements de recherche limités en nombre et en qualité, les chercheurs des pays de l'Est ont en outre vu se réduire leurs accès aux installations russes et ukrainiennes faute d'investissement de ces pays dans de nouvelles installations.

Supports d'échanges intellectuels entre chercheurs de plusieurs disciplines, les synchrotrons peuvent également servir de lieux d'une coopération scientifique de haut niveau et doivent être envisagés comme tels, dans des projets ambitieux et bénéfiques pour l'ensemble des parties.

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