II - LE BON NIVEAU D'UNE COOPÉRATION INTERNATIONALE : LES RECHERCHES SUR DE NOUVEAUX OUTILS DÉRIVÉS ET COMPLÉMENTAIRES DES SYNCHROTRONS ACTUELS

La technologie des synchrotrons de 3 ème génération offre encore de nombreuses possibilités de progrès, notamment pour les onduleurs, l'optique des lignes de lumière, l'instrumentation, les détecteurs et le traitement des données.

Une autre perspective s'ouvre actuellement, perspective qui, moyennant des investissement de recherche considérables, permettrait de nouveau de gagner plusieurs ordres de grandeur dans les performances des faisceaux d'ondes électromagnétiques.

Il s'agit des lasers à électrons libres, qui ne se substitueraient pas aux actuels synchrotrons de 3 ème génération, mais apporteraient de nouvelles possibilités.

1. Les perspectives des lasers à électrons libres, complément aux synchrotrons

Les lasers à électrons libres constituent de l'aveu des spécialistes, une voie d'avenir pour continuer à progresser dans le domaine du rayonnement synchrotron.

En 1997, le rapport Birgeneau estimait que la quatrième génération de sources de rayons X, après les anneaux de stockage, serait fondée sur les lasers à électrons libres : " si elle rencontre le succès, cette technologie pourrait conduire à des progrès en brillance de plusieurs ordres de grandeur. C'est notre conviction qu'une recherche exploratoire doit être conduite sur cette quatrième génération de sources de rayons X et la plus haute priorité doit lui être donnée ".

Le principe des lasers à électrons libres est de faire produire par des paquets d'électrons de forte densité un rayonnement de la plus faible longueur d'onde et de la plus forte brillance possible.

Sur un plan technologique, après les tubes à rayons X, sont apparus les synchrotrons de 2 ème génération produisant un rayonnement à partir des aimants de courbures. Puis les " wigglers " et les onduleurs ont été mis au point permettant d'atteindre, sur les synchrotrons de 3 ème génération, des brillances supérieures d'un facteur dix milliards de fois à celle des premiers faisceaux de synchrotrons de 2 ème génération.

L'objectif avec les lasers à électrons libres est de gagner un facteur 1000 par rapport aux meilleurs onduleurs de l'ESRF, par exemple. Ainsi, serait respectée la loi selon laquelle " le rayonnement synchrotron gagne en brillance trois ordres de grandeur tous les dix ans " .

Le principe des lasers à électrons libres est de faire évoluer un faisceau d'électrons de sorte qu'un effet d'auto-amplification du rayonnement électromagnétique émis par les électrons se déclenche spontanément.

Dans le domaine de lasers à électrons libres, toute la difficulté est d'une part de produire le phénomène d'amplification de l'émission d'ondes électromagnétiques et d'autre part d'obtenir cet effet pour les longueurs d'onde les plus faibles possibles.

Deux technologies sont envisageables à cet égard, la première défrichée en France au LURE et la deuxième au HASYLAB.

La première voie consiste à initier des interférences dans le faisceau placé dans un champ magnétique intense. Les paquets d'électrons utilisés sont peu denses mais sont placés dans un résonateur optique et soumis à un champ magnétique intense. L'idée est de créer des champs de force suffisant pour avoir une amplification spontanée. Le principe des cavités optiques résonantes est celui retenu par les chercheurs du LURE. En tout état de cause, il a été montré que le laser à électrons libres de Super-ACO pouvait être utilisé pour le domaine des ultraviolets.

L'autre voie, retenue au HASYLAB consiste à placer le faisceau dans un onduleur de grande longueur. Dans ce cas, l'on cherche à obtenir des paquets d'électrons d'une grande densité. Il suffit alors d'appliquer un champ magnétique relativement peu élevé pour déclencher l'effet SASE.

L'expérience réussie le 23 février 2000 sur l'installation TTF-FEL du HASYLAB a permis de mettre en évidence l'effet d'amplification recherché, pour une longueur d'onde de 109 nm (1090 Å). Les expérimentateurs de TTF-FEL ont constaté en effet, ce jour là pour la première fois, un gain en brillance d'un facteur 200, avec une contraction d'un facteur 10 de la distribution de longueur d'onde.

En toute hypothèse, en raison de leur brillance très élevée, les lasers à électrons libres ne sauraient se substituer aux synchrotrons de 3 ème génération. Mais il s'agit d'un champ de recherche fondamental dont la France ne saurait se passer et pour lequel il lui faut impérativement disposer d'un synchrotron national sur lequel des recherches de pointe entraînant des modifications des installations seront possibles, ce qui ne saurait être le cas sur une machine internationale.

2. La coopération internationale pour des " projets à risque " visant des sauts technologiques

La construction d'un synchrotron de 3 ème génération de haute énergie comme celle de l'ESRF, fut en son temps l'objet d'une coopération internationale. L'expérience a montré que cette approche était légitime et fut un succès. Les caractéristiques de l'ESRF lorsqu'elles ont été décidées, excédaient en effet largement les capacités financières et technologiques d'un seul pays européen.

Aujourd'hui la construction d'un synchrotron de 3 ème génération fait appel à des technologies maîtrisées et à des investissements pour lesquels la dimension nationale semble pouvoir être non seulement suffisante mais synonyme d'une plus grande efficacité.

Les installations internationales sont en effet lourdes à faire évoluer, en raison du rôle dévolu à des commissions multiples en matière de processus de décision, que ce soit pour des travaux sur les installations ou pour réglementer l'accès aux installations, par la sélection des projets effectuée par des comités de programme.

Au contraire, le vrai niveau d'une coopération internationale semble rester celui de la mise au point de nouveaux très grands instruments recourant à des technologies en émergence.

A cet égard, deux variables semblent intervenir pour déterminer l'intérêt éventuel d'une coopération internationale. Il s'agit d'une part, comme on l'a vu, de la difficulté de maîtrise des technologies et d'autre part du coût de l'installation par utilisateur. Le schéma ci-après présente l'idée selon laquelle deux zones optimales existent probablement en fonction de ces deux critères.

Figure 15 : Les domaines privilégiés de la coopération internationale

Lorsque le coût par utilisateur est peu élevé et que les technologies mises en oeuvre sont maîtrisées au plan national, la coopération internationale s'impose moins que dans le cas contraire.

Il semble fondé d'appliquer cette grille de lecture au cas des synchrotrons, aujourd'hui des machines relativement banalisées desservant des communautés très larges d'utilisateurs, pour des coûts unitaires relativement peu élevés.

Si la coopération internationale ne semble pas désormais obligatoire pour des synchrotrons de 3 ème génération une fois ceux-ci mis au point, en revanche la coopération internationale pourrait trouver un point d'application privilégié dans la recherche sur les machines complémentaires dites " lasers à électrons libres " , pour lesquels les investissements à engager et les difficultés techniques sont considérables.

A cet égard, il faut noter que la France est déjà active dans le domaine des accélérateurs linéaires de grande énergie et dans celui des lasers à électrons libres. Des coopérations existent d'ores et déjà entre la France et l'Allemagne, à la plus grande satisfaction des deux communautés scientifiques.

Se fondant sur le principe réaliste qu'une coopération ne se décrète pas mais se développe d'abord au niveau scientifique, avant d'être solennisée et amplifiée au niveau politique, il semble que certains responsables allemands soient demandeurs d'un accroissement des interactions avec la France tant pour les projets de laser à électrons libres que pour le projet de collisionneur linéaire TESLA.

Nul doute que le concours de la France est aujourd'hui recherché en raison des compétences de ses chercheurs. Il ne le serait plus si ces compétences disparaissaient, ce qui ne manquerait pas de se produire rapidement s'ils ne pouvaient disposer d'un nouveau synchrotron national, d'une technologie avancée et polyvalent.

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