APPLICATION DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

DESCOURS (Charles) ; MACHET (Jacques) ; VASSELLE (Alain)

RAPPORT D'INFORMATION 356 (1999-2000) - Commission des Affaires sociales

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Table des matières




N° 356

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 mai 2000

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale ,

Par MM. Charles DESCOURS, Jacques MACHET

et Alain VASSELLE,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Sécurité sociale - Lois de financement de la sécurité sociale.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen des lois de financement de la sécurité sociale n'est pas un exercice rituel qui réunit le Parlement quelques jours à l'automne ; c'est un travail tout au long de l'année qui mobilise les rapporteurs compétents de votre commission et leur permet tant de suivre l'application de la loi votée que de préparer la discussion du prochain projet de loi.

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 prévoit en effet que les rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité sociale ont le pouvoir de suivre et de contrôler, " sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'Etat et des établissements publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit. "

C'est dans le cadre de ces prérogatives particulières et permanentes qui leur sont accordées par la loi que vos rapporteurs 1( * ) ont décidé d'engager, au début de l'année 2000, plusieurs missions de contrôle " sur pièces et sur place " dans les organismes de protection sociale.

Ils ont été amenés à privilégier trois thèmes de contrôle : les difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), la gestion par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des exonérations de cotisations sociales, enfin la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU).

Soucieux d'assurer la plus grande cohérence à leurs analyses, les rapporteurs ont souhaité travailler de concert et procéder conjointement à de nombreuses auditions et à plusieurs déplacements dans différentes CAF, CPAM et URSSAF.

De fait, au-delà des problématiques particulières à chaque branche de la sécurité sociale, fonction des différents enjeux qu'elles affrontent, un point commun ressort nettement des investigations de votre commission : le foisonnement, l'extraordinaire complexité et l'absence de stabilité des règles qu'il est demandé aux caisses de gérer, mais également la relative indifférence des concepteurs de ces règles à leur mise en oeuvre sur le terrain.

De sorte que vos rapporteurs ont pu observer que la complexité conduisait " à une absence de lisibilité des choix politiques, un ciblage social souvent inefficace, un ciblage financier rarement atteint et un coût de gestion accru " 2( * ) .

A cet égard, vos rapporteurs ont été très sensibles à la mobilisation et à la conscience professionnelle des personnels de l'ensemble des caisses face à la tâche considérable que constituent, non seulement l'application et le contrôle de textes trop complexes et trop fluctuants, mais encore l'information des bénéficiaires quant à l'étendue de leurs droits et l'explication du bien-fondé de règles à l'élaboration desquelles ces personnels, et plus généralement les organismes auxquels ils appartiennent, n'ont guère été associés.

Les " contrôles sur pièce et sur place " de vos rapporteurs ne répondent pas à une volonté de " prendre en faute " les gestionnaires mais participent du souci de bien mesurer avec eux les difficultés qu'ils rencontrent et les contraintes auxquelles ils sont soumis.

Cette volonté de contrôler l'application des lois de financement de la sécurité sociale et d'en mesurer les difficultés sur le terrain, votre commission entend l'exercer systématiquement en choisissant chaque année deux ou trois thèmes. Ainsi, examinera-t-elle très probablement l'an prochain, les missions et les conditions de gestion du fonds de réserve pour les retraites dont on peut espérer qu'elles auront été alors, les unes et les autres, clarifiées.

Mais, au-delà, votre commission, à l'occasion du présent rapport, a souhaité présenter quelques observations sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Elle s'étonne ainsi, pour le déplorer, que le Gouvernement ait jugé possible de modifier de son propre chef, les objectifs de dépenses inscrits dans la loi de financement, en annonçant, par exemple, dès février 2000, soit moins de deux mois après le vote du Parlement, une " nouvelle étape " de la politique hospitalière.

Elle s'inquiète, en outre, de la cohérence entre les comptes sociaux et le budget de l'Etat tel qu'il résulterait du projet de loi de finances rectificative en cours d'examen par le Parlement, s'agissant notamment des perspectives de la branche famille.

PREMIÈRE PARTIE
-
L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCEMENT

Trois points ont retenu l'attention de vos rapporteurs s'agissant de l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Tout d'abord, s'appuyant sur le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier, ils se sont interrogés sur les conditions dans lesquelles s'effectue le retour à l'équilibre des comptes sociaux.

Ils ont considéré, en second lieu, que les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale en 2000 avaient été significativement modifiées tant par la censure du Conseil constitutionnel (annulation de la taxation des heures supplémentaires) que par l'engagement de dépenses nouvelles par le Gouvernement (" nouvelle étape de la politique hospitalière "). A l'évidence, le Gouvernement aurait dû présenter un " collectif social ".

Enfin, vos rapporteurs, soucieux de la cohérence entre le budget de l'Etat et la loi de financement, s'inquiètent de la non-inscription dans le collectif budgétaire 2000 de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Ils y voient soit une insincérité manifeste des comptes de l'Etat en 2000 qui relève de la compétence de la commission des Finances, soit l'amorce d'une ponction supplémentaire de grande ampleur sur la branche famille.

I. UN CONSTAT : L'ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE

Trois éléments permettent d'apprécier la réalité d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux en 1999 et 2000 :

- le solde du régime général de la sécurité sociale , le plus médiatisé, mais qui ne retrace jamais que les opérations du principal régime de sécurité sociale en France, celui des salariés du secteur privé ;

- le " solde de la loi de financement " , qui n'est pas un solde comptable, puisqu'il s'obtient par la comparaison entre les objectifs de dépenses par branche des régimes de plus de 20.000 cotisants et retraités titulaires de droit propre et les prévisions de recettes par catégorie ;

- le solde des administrations publiques de sécurité sociale (ASSO), qui est l'une des composantes du solde des administrations publiques défini dans le cadre de nos engagements européens (solde dit " de Maastricht "). Le périmètre est plus large que celui des régimes de sécurité sociale au sens strict, puisqu'il inclut le régime d'assurance chômage (UNEDIC) et les régimes complémentaires obligatoires d'assurance vieillesse (ARRCO-AGIRC).

Paradoxe malheureux, le Parlement se prononce explicitement sur le seul " solde " qui n'en est pas un, celui de la loi de financement de la sécurité sociale et pour lequel il ne dispose pas d'évaluation en cours d'année. La réalisation des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes en 1999 ne sera connue qu'en septembre 2000, à l'occasion de la remise du rapport de la Cour des comptes. Il faudra également attendre septembre-octobre 2000 pour connaître -grâce à l'annexe b) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001- une nouvelle estimation des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes votés en loi de financement 2000.

La Commission des comptes de la sécurité sociale de printemps n'aborde que les comptes du régime général. Le solde des administrations publiques de sécurité sociale est connu à la mi-mars, grâce à la réalisation du compte provisoire des administrations publiques publié par l'INSEE.

A. LE RÉGIME GÉNÉRAL EN 1999 : UN ÉQUILIBRE ATTEINT MALGRÉ LE DÉRAPAGE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

Le régime général aurait retrouvé l'équilibre en 1999. En 2000, l'excédent atteindrait 5 milliards de francs.

1. Le dynamisme de l'emploi salarié en 1999 explique la bonne tenue des recettes

Le retour de la croissance, et d'une croissance " riche en emplois ", explique, pour la plus grande part, l'amélioration des comptes sociaux. L'augmentation des effectifs salariés a pour conséquence directe une forte progression des cotisations.

460.000 emplois ont été créés en 1999, dont 360.000 dans le secteur privé. L'effet sur les comptes sociaux permet au Gouvernement de respecter la prévision optimiste de croissance de la masse salariale déterminée en septembre 1998.

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 1999

 

septembre 1998

mai 1999

septembre 1999

mai 2000

Salaire moyen par tête

2,5

2,1

2,2

nd

Effectifs salariés

1,8

1,3

1,5

nd

Masse salariale secteur privé

4,3

3,4

3,7

nd

Effet emplois-jeunes - RTT (*)

nd

0,4

0,4

nd

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

4,3

3,8

4,1

4,1

(*) cet effet s'applique aux effectifs, mais a été " individualisé " par la Commission des comptes.

nd : non déterminé.


Encore convient-il de préciser que le Gouvernement n'attendait pas une telle croissance des effectifs salariés, mais avait, en revanche, surestimé l'augmentation du salaire moyen par tête (SMPT).

Le rapport présenté à la Commission des comptes de mai 2000 ne présente pas de nouvelle estimation concernant la masse salariale, ce qui peut paraître étonnant, à partir du moment où le nombre d'emplois créés en 1999 apparaît désormais quasi définitif. Mais il précise qu'elle pourrait être revue en hausse, pour atteindre les 4,3 % de croissance prévus en septembre 1998 : " selon les dernières informations des Comptes nationaux provisoires de 1999 publiées par l'INSEE fin avril, la masse salariale évoluerait de + 4,1 % en 1999, y compris RTT et y compris une partie seulement des emplois-jeunes (entreprises publiques) " 3( * ) .

2. L'effet de l'accroissement des prélèvements supplémentaires décidés par les lois de financement de la sécurité sociale 1997 et 1998

Le retour à l'équilibre du régime général s'explique également par l'application en année pleine des mesures de redressement décidées par les lois de financement de la sécurité sociale pour 1997 et 1998. Le basculement CSG/cotisations d'assurance maladie permet au régime général de bénéficier de davantage de recettes provenant des " impôts et taxes ". Même si la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ne comportait pas d'accroissement supplémentaire de la fiscalité affectée à la sécurité sociale, l'effet en année pleine des mesures décidées par les deux lois de financement précédentes explique une exceptionnelle rentrée des " impôts et taxes " : + 12,1 %.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a confirmé, lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000, qu'en l'absence de telles mesures " structurelles " portant sur les recettes, le déficit du régime général se serait établi à 20 milliards de francs en 1999 4( * ) . Le seul effet de la croissance expliquerait, quant à lui, 18 milliards de francs de recettes.

3. Un contenu différent suivant les branches

L'étude du rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale consacre force développements et tableaux à l'explication des différences constatées entre le compte 1999 observé en septembre 1999 et celui évalué en mai 2000.

Mais cette comparaison n'a qu'un intérêt relatif : évaluer la qualité des prévisions de septembre 1999.

L'essentiel devrait être de comparer le " compte " loi de financement 1999 du régime général à la prévision d'exécution.

L'étude des prévisions successives du solde 1999 du régime général montre que le résultat global atteint est très proche de celui " fixé " 5( * ) implicitement par le législateur.

Prévisions successives du solde 1999 du régime général

 

Tendanciel 1998
(prévisions sept. 1998)

LFSS 1999

1999
(mai 1999)

1999
(sept. 1999)

1999
(mai 2000)

CNAMTS - Maladie

 
 
 
 
 

Recettes

602.061

602.947

599.764

602.028

601.041

Dépenses

601.736

603.053

612.045

614.137

610.389

Solde

324

- 105

- 12.281

- 12.110

- 9.348

CNAMTS - AT

 
 
 
 
 

Recettes

46.962

46.964

46.487

46.599

46.335

Dépenses

45.008

45.665

46.266

46.155

45.279

Solde

1.953

1.299

1.221

444

1.056

CNAVTS

 
 
 
 
 

Recettes

393.062

397.042

403.663

404.700

403.529

Dépenses

399.069

400.910

400.077

400.304

399.813

Solde

- 5.977

- 3.868

3.586

4.396

3.716

CNAF

 
 
 
 
 

Recettes

257.570

261.790

261.770

269.385

267.725

Dépenses

253.518

258.918

259.472

266.126

262.915

Solde

4.052

2.871

2.298

3.259

4.810

ENSEMBLE

 
 
 
 
 

Recettes

1.299.684

1.308.743

1.311.684

1.322.711

1.318.631

Dépenses

1.299.332

1.308.546

1.316.859

1.326.723

1.318.396

Solde d'exercice

352

198

- 5.175

- 4.012

235

Le principe de séparation comptable des branches impose d'aller au-delà d'un solde global, et d'apprécier les soldes branche par branche.

La branche accidents du travail est en excédent structurel.

La branche vieillesse a bénéficié en 1999 des bonnes rentrées de cotisations, ainsi que du " correctif " apporté par le logiciel comptable RACINE, qui ventile à la source les recettes des branches. Ce changement comptable explique l'excédent obtenu, alors qu'un déficit de plus de 3,5 milliards de francs était attendu.

La branche famille affiche un excédent désormais structurel.

A l'inverse, la branche maladie connaît, malgré une affectation conséquente d'impôts et de taxes, un déficit toujours préoccupant et relativement inattendu puisque son " équilibre " était prévu. Cette branche concentre l'intégralité des dérapages en matière de dépenses.

Le régime général en 1999 - écarts entre prévisions et réalisations

 

LFSS 1999

1999
(mai 2000)

Ecart

CNAMTS - Maladie

 
 
 

Recettes

602.947

601.041

- 1.906

Dépenses

603.053

610.389

+ 7.336

Solde

- 105

- 9.348

- 9.243

CNAMTS - AT

 
 
 

Recettes

46.964

46.335

- 629

Dépenses

45.665

45.279

- 386

Solde

1.299

1.056

243

CNAVTS

 
 
 

Recettes

397.042

403.529

+ 6.487

Dépenses

400.910

399.813

- 1.097

Solde

- 3.868

3.716

- 7.584

CNAF

 
 
 

Recettes

261.790

267.725

+ 5.935

Dépenses

258.918

262.915

+ 3.997

Solde

2.871

4.810

+ 1.939

ENSEMBLE

 
 
 

Recettes

1.308.743

1.318.631

+ 9.888

Dépenses

1.308.546

1.318.396

+ 9.850

Solde d'exercice

198

235

+ 37

Au total, l'équilibre atteint en 1999 s'explique par l'excédent de trois branches du régime général (accidents du travail, vieillesse, famille) venant " masquer " le déficit de la branche maladie.

4. Une progression des recettes endiguant le dérapage des dépenses

Le surplus de recettes obtenu en 1999, entre la prévision et la réalisation quasi définitive, représente 9,9 milliards de francs.

Une fois défalquée la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui gonfle de manière artificielle les recettes et les dépenses, le surplus de recettes " réel " n'est que de 3,5 milliards de francs.

Solde du régime général en 1999

 

LFSS 1999

1999 (mai 2000)

Ecart

ENSEMBLE

 
 
 

Recettes

1.308.743

1.312.250

+ 3.507

Dépenses

1.308.546

1.312.015

+ 3.469

Solde d'exercice

198

235

+ 37

hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire (6,38 milliards de francs).

Ces recettes supplémentaires, qui s'expliquent principalement par la bonne rentrée des impôts et taxes (des " moins values " de cotisations auraient été enregistrées), ont permis de contenir le dérapage des dépenses.

Comparaison 1999/1998

 

1998

1999

Ecart

Recettes

1.261.063

1.318.631

+ 57.568

Dépenses

1.277.545

1.318.396

+ 40.851

Entre 1999 et 1998, le régime général a ainsi bénéficié de 57,6 milliards de recettes supplémentaires, pour 40,8 milliards de francs supplémentaires de dépenses.

B. LE COMPTE 2000 DU RÉGIME GÉNÉRAL : UN EXCÉDENT FACTICE

L'excédent du régime général pour 2000 annoncé lors de la réunion de la commission des comptes du 22 mai 2000 est d'une nature toute particulière.

Le solde du régime général en 2000

(en millions de francs)

 

2000

Maladie

- 1.210

Accidents du travail

984

Vieillesse

699

Famille

4.534

Ensemble RG

5.007

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000

Cette évolution s'appuie principalement sur une réévaluation des recettes.

La masse salariale du secteur privé connaîtrait une progression de 5,4 % (y compris emplois-jeunes), soit un point de plus qu'il n'était attendu à la rentrée de 1999. Comme le précise le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, cette réévaluation correspond à " un supplément de recettes d'environ 9 milliards de francs pour le régime général " 6( * ) .

Pour 2000, la difficulté d'apprécier le solde du régime général provient des " manipulations comptables " auxquelles s'est livré le Gouvernement. Le solde " tendanciel " de + 6 milliards de francs annoncé à la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 septembre 1999, masquait un véritable solde tendanciel de + 13,6 milliards de francs. En effet, le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale avait procédé à des anticipations hasardeuses tenant compte des " annonces " du Gouvernement :

- anticipation d'un provisionnement de 5,5 milliards de francs au titre des " transferts " des branches du régime général au " fonds de financement de la réforme de cotisations patronales de sécurité sociale " ;

- anticipation d'une prise en chage par la CNAF d'une partie de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (2,5 milliards de francs) ;

- anticipation du remboursement de la contribution exceptionnelle de 2,5 milliards de francs acquittée par les laboratoires en 1996.

Dans un sens inverse, le rapport présenté à la Commission des comptes sous-estimait l'évolution des dépenses d'assurance maladie et d'accidents du travail.

Un désaccord sur l'évolution " tendancielle " du régime général en 2000

(en millions de francs)

 

2000
(chiffres tendanciels CCSS)

2000
(chiffres tendanciels CAS)

Maladie

- 3.723

- 1.369

Accidents du travail

648

714

Vieillesse

6.513

8.285

Famille

2.543

6.053

Ensemble RG

5.981

13.683

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a dû modifier en catastrophe son " plan de financement " des trente-cinq heures, en renonçant in extremis aux prélèvements sur les branches du régime général, classés dans les comptes tendanciels dans les dépenses des branches.

Le mécanisme d'une diminution de recettes a été alors adopté à travers une diminution du montant du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement affectés à la CNAVTS, à la CNAMTS et à la CNAF. Désormais 49 % de ce prélèvement social sont affectés au Fonds de réserve pour les retraites .

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a été privé d'une partie de ses droits sur les alcools, affectés au " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " .

De sorte que, de manière indirecte, par un mécanisme de tuyauterie d'une effrayante complexité, les branches du régime général ont continué de financer les trente-cinq heures.

Partant d'un " faux " excédent tendanciel de 2 milliards de francs, "modifié " à la marge par la loi de financement de la sécurité sociale, le régime général serait désormais en excédent de 5 milliards de francs.

Le rapport présenté à la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000 ne permet pas de disposer du " compte loi de financement 2000 ", qui n'est retracé que de manière très globale (total des recettes et des dépenses), alors qu'il sert de référence aux écarts constatés en recettes et en dépenses.

Votre rapporteur a tenté de recalculer le " compte " loi de financement en tirant parti des " éléments " que comporte le rapport de la Commission des comptes 7( * ) . En raison d'approximations inévitables, le solde global du compte loi de financement 2000 (+ 933 millions de francs) est nettement supérieur à celui présenté par l'administration (+ 576 millions de francs).

Le solde du régime général en 2000

 

LFSS 2000

CCSS mai 2000

CNAMTS maladie

 
 

Recettes

629.519

635.119

Dépenses

632.229

636.329

Variation fonds de roulement

- 2.710

- 1.210

CNAMTS accidents du travail

 
 

Recettes

48.286

48.892

Dépenses

47.384

47.908

Variation fonds de roulement

902

984

CNAVTS

 
 

Recettes

413.178

413.408

Dépenses

411.771

412.709

Variation fonds de roulement

1.407

699

CNAF

 
 

Recettes

266.761

268.761

Dépenses

265.427

264.227

Variation fonds de roulement

1.334

4.534

ENSEMBLE RG

 
 

Recettes

1.357.744

1.366.179

Dépenses

1.356.811

1.361.172

Solde

933

5.007

Cet excédent se concentre presque entièrement sur le résultat prévisionnel de la branche famille (4,5 milliards de francs d'excédents prévus, malgré le " ponctionnement " déjà réalisé par l'intermédiaire de la diminution du montant du prélèvement social de 2 %), de sorte que l'excédent global annoncé est purement factice.

La nouvelle prévision entérine un " dérapage " supplémentaire des dépenses d'assurance maladie d'environ 3,5 milliards de francs, en raison d'une consommation médicale qui reste forte et du " plan hôpital " du Gouvernement.

La CNAMTS bénéficie pourtant d'un surcroît de recettes important, à la différence des autres branches. Encore convient-il de rappeler que la branche maladie du régime général a perdu 2,3 milliards de francs en raison de la " ponction sur recettes " opérée par le Gouvernement sur le prélèvement social de 2 %.

Comparaison 2000/1999

(en milliards de francs)

 

1999

2000

Ecart

Recettes

1.312.250

1.366.179

+ 53.929

Dépenses

1.312.015

1.361.172

+ 49.157

hors MARS pour 1999

L'évolution 2000/1999 montre que les dépenses progressent presque aussi rapidement que les recettes.

Le régime général reste ainsi à la merci du moindre retournement de conjoncture ; la branche maladie ne parvient toujours pas à l'équilibre, malgré quatre années successives de croissance économique.

C. LE SOLDE DES ADMINISTRATIONS SOCIALES : UN EXCÉDENT SANS GRANDE SIGNIFICATION

Le solde annoncé est de 14,6 milliards de francs de capacité de financement des administrations de sécurité sociale.

Sa décomposition montre des résultats contrastés :

Solde des administrations publiques de sécurité sociale en 1999

(en milliards de francs)

Régime général

- 5,2

Régimes complémentaires

+ 13,4

Autres régimes

+ 0,5

Régimes d'assurance chômage

+ 9,1

Organismes dépendants (hôpitaux)

- 3,2

Solde

+ 14,6

Le solde de l'UNEDIC est gonflé artificiellement par le remboursement par l'Etat d'une tranche d'emprunt (10 milliards de francs).

Par ailleurs, la signification des excédents des régimes des retraites complémentaires est toute relative, puisque l'ARRCO bénéficie des effets des accords de 1996 et de la bonne conjoncture économique. Malgré la hausse des cotisations versées par l'UNEDIC, l'AGIRC reste déficitaire : à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation, elle doit régulariser les majorations familiales pour un montant de 2,8 milliards de francs.

*

* *

Comme les dépenses sociales ne sont toujours pas maîtrisées, tout retournement de conjoncture mettrait à mal un redressement aussi fragile. L'équilibre de la sécurité sociale n'est pas un but en soi ; le président de la CNAMTS, M. Jean-Marie Spaeth, titrait une tribune dans le journal " Libération " du vendredi 19 mai 2000 " Et si en plus la Sécu était efficace ", qui montre que les partenaires sociaux se soucient -peut-être davantage que le Gouvernement- de la bonne utilisation des dépenses. Par ailleurs, le choc financier des retraites approche inexorablement d'année en année.

C'est pour ces raisons que votre commission considère que le résultat des comptes sociaux obtenu en 1999 et 2000 n'est pas satisfaisant.

II. UNE ENTORSE AUX PRINCIPES : L'ABSENCE DE COLLECTIF SOCIAL

Examinant, le 13 janvier 2000, la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, le Conseil Constitutionnel 8( * ) déclarait contraire à la Constitution la taxation des heures supplémentaires.

La recette correspondant, telle qu'évaluée par le Gouvernement, soit 7 milliards de francs, était inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, promulguée une quinzaine de jours auparavant, le 29 décembre 1999.

Lors de la réception des conseils économiques et sociaux régionaux le 19 janvier 2000, M. le Président de la République déclarait :

" L'ancrage du dialogue social dans notre démocratie doit être renforcé. Cela n'implique pas, bien sûr, que l'Etat doive se tenir toujours à l'écart du champ social, comme si le législateur n'avait pas pour vocation de poser des principes, d'établir des garanties, de donner l'impulsion aux changements nécessaires pour développer l'activité et pour améliorer les systèmes de protection sociale.

" C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'ai voulu en 1996 que le Parlement se prononce chaque année sur l'équilibre de la sécurité sociale. C'est une réforme à mes yeux essentielle et je suis très attentif à ce que les nouveaux droits du Parlement dans ce domaine soient toujours respectés .

" Je promulguerai aujourd'hui, c'est ainsi, en l'état comme la Constitution le prévoit, la loi sur la réduction du temps de travail, dans toutes celles de ses dispositions qui n'ont pas été jugées contraires à la Constitution par la récente décision du Conseil constitutionnel. Mais cette décision juridictionnelle affecte les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale que le Parlement vient, par ailleurs, de déterminer. Pour que les droits du Parlement, soient pleinement respectés, je souhaite qu'une loi de financement rectificative soit soumise dans les meilleurs délais au Parlement ". 9( * )


La réaction du " ministère de la solidarité " 10( * ) à ce souhait du premier personnage de l'Etat, a pris la forme d'un argumentaire distribué à la presse :

" Loi de financement rectificative

" Après la promulgation par le Président de la République de la loi sur les 35 heures, l'opposition tente de susciter une polémique autour de la suppression de la contribution de 10 %.

" Les 7 milliards de francs de cette contribution sont à mettre en regard des 64 milliards de dépenses du fonds, dont 40 milliards seront financés par une affectation de droits tabac, 7,5 milliards par la contribution sur les bénéfices et la TGAP, 5,6 milliards de droits alcool et 4,3 milliards de contribution de l'Etat, soit 57 milliards de ressources au total.

" Il est possible d'ores et déjà d'indiquer les grandes lignes qui permettront d'équilibrer le fonds.

" Du fait des excellents résultats économiques et sociaux de 1999, les recettes de la contribution sur les bénéfices et de la TGAP seront plus importantes que prévu ; il faut rappeler que la LFSS et la LF ont été construites sur des prévisions qui datent de septembre. Il en va de même pour les droits sur les tabacs, dont 85,5 % sont affectés au fonds d'allégement.

" Au total, cela devrait compenser la majeure partie de la perte de recettes pour le fonds d'allégements de charge.

" De plus, conformément aux dispositions de la loi de financement pour 2000, le fonds doit être équilibré. Il le sera donc. Au cas où des recettes supplémentaires seraient nécessaires, des moyens supplémentaires seront apportés en gestion au cours de l'année 2000 qui n'impacteront pas la sécurité sociale.

" Les recettes 1999 et les nouvelles perspectives pour 2000 sont en cours d'examen. Des éléments plus précis seront communiqués au Parlement dès que cet examen sera achevé.

" Le Gouvernement s'engageant à équilibrer le fonds comme le prévoit la loi, la sécurité sociale sera intégralement remboursée des exonérations de cotisations patronales. Il n'y aura donc aucune perte de recette. Au contraire, les cotisations sur la rémunération des heures supplémentaires viendront abonder les recettes de la sécurité sociale et auront un impact positif sur ses comptes.

" En outre, l'opposition fait une mauvaise lecture de la loi organique. Quand bien même il y aurait un impact sur les comptes, une loi de financement rectificative ne s'imposerait pas pour autant.

" La loi de financement prévoit des recettes et fixe des objectifs de dépenses. Elle ne comporte pas d'articles d'équilibre.

" Ce sont des lois qui tracent un cadre pour l'action des pouvoirs publics. Les lois de financement rectificative n'ont été prévues que pour éviter que des lois ordinaires puissent venir modifier ce cadre.

" Il serait bien évidemment aberrant de débattre d'une loi de financement rectificative dès lors qu'un des paramètres des prévisions est modifié. Nous devrions réunir le Parlement, chaque mois, dès la première grippe. "

" Il est étonnant que ceux qui sont à l'origine de la loi organique de 1996 n'aient pas une connaissance précise du texte qu'ils ont soutenu et voté.

" Nous avons d'ailleurs un précédent éclairant qui démontre l'esprit de ce texte. La loi de financement pour 1997, adoptée fin 1996, prévoyait un déficit de 29 milliards de francs du régime général. Lorsque de nouvelles prévisions ont été établies au cours de 1997, le déficit prévisionnel s'élevait à 37 milliards (il s'est établi définitivement à 34 milliards). Le Gouvernement d'alors n'a pas proposé, au cours du premier semestre 1997, une loi de financement rectificative. L'opposition actuelle ne s'est pas manifestée pour l'exiger lors de l'arrivée du nouveau Gouvernement.

" L'interprétation de la loi organique, c'est donc l'opposition actuelle qui l'a fondée lorsqu'elle était aux affaires. Cela démontre l'aspect dérisoire de la polémique qu'elle tente de susciter.

" Ceux qui sont responsables d'un déficit cumulé du régime général de 240 milliards de francs sur la période 1993-1996 n'ont aucune leçon de gestion et de clarté à nous donner.

" M. Juppé promettait fin 1995 au Parlement 11 milliards d'excédent en 1997, le déficit s'est établi à 34 milliards de francs. Qui se moque du Parlement ? ". 11( * )


Ce sont ces considérations qui ont été reprises, notamment par M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, lors des questions au Gouvernement au Sénat 12( * ) .

A. TROIS OBSERVATIONS À LA MARGE

Cet argumentaire du ministère appelle de la part de votre commission quelques observations de détail.

Les 7 milliards de francs de la taxation des heures supplémentaires censurée par le Conseil constitutionnel ne représentent certes en 2000 que 11 % des recettes affectées au fonds de financement des trente-cinq heures (64 milliards de francs).

Mais cette recette nouvelle était censée couvrir, toujours en 2000, plus de la moitié des dépenses nouvelles (13,5 milliards de francs) occasionnées par la loi dite " Aubry II ".

Cette perte de recette serait, selon le ministère, compensée par le produit, plus important que prévu, de la contribution sur les bénéfices et de la taxation générale des activités polluantes, voire des droits sur les tabacs.

Cette argumentation -qui relève au demeurant de l'affirmation- en dit long sur la sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 : le Gouvernement se félicite benoîtement, moins d'un mois après sa promulgation, que ce texte repose sur des prévisions erronées et y voit paradoxalement un argument décisif pour ne pas mettre en chantier une loi rectificative.

Enfin il est réellement injuste de faire grief au Gouvernement de n'avoir pas présenté un projet de loi de financement rectificative pour 1997.

Le Gouvernement de... M. Lionel Jospin n'est entré en effet en fonctions que le 5 juin 1997 à l'issue de la dissolution de l'Assemblée nationale prononcée le 21 avril et des élections qui ont suivi. Il aurait fallu en outre qu'il réunisse avant le 15 juin la Commission des comptes de la sécurité sociale 13( * ) , ce qu'il n'a pas fait.

Ce grief est d'autant moins fondé que, comme le souligne le communiqué du ministère, le déficit de 1997, évalué à 29 milliards de francs par la loi de financement initiale, s'est établi en définitive à 34 milliards de francs, soit un écart de 5 milliards de francs, soit encore nettement moins que la recette de 7 milliards de francs qui fait défaut dès le début de l'exercice 2000.

Mais, au-delà de son ton particulièrement polémique et inutilement discourtois, cet argumentaire révèle en réalité une conception inquiétante des prérogatives du Parlement et une lecture a minima de la réforme constitutionnelle de 1996 créant les lois de financement de la sécurité sociale qui méritent, l'une et l'autre, un examen attentif.

B. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : UNE " MAUVAISE GRIPPE " ?

Il est d'abord particulièrement fâcheux d'assimiler les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel qui, selon la Constitution 14( * ) , " s'impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " , à la modification " d'un des paramètres de prévision " 15( * ) ou encore aux effets d'une " première grippe ".

Il est certes évident que tout écart apparaissant en cours d'année entre les prévisions de recettes et le rythme des encaissements observés au fil des mois, ou encore entre les objectifs de dépenses arrêtés en loi de financement et l'évolution effective des prestations ou des remboursements ne conduit pas automatiquement au dépôt d'un projet de loi de financement rectificative.

De ce point de vue, les lois de financement de la sécurité sociale sont moins contraignantes pour le Gouvernement que les lois de finances.

Dans les premières, les objectifs de dépenses ne constituent pas un plafond conduisant à interrompre le versement des prestations ou les remboursements. Dans les secondes, les crédits budgétaires sont, en principe (hors crédits évaluatifs, hors décret d'avance...), limitatifs.

En conclure, comme le fait le Gouvernement, qu'au motif qu'elles ne comportent pas d'article d'équilibre, les lois de financement de la sécurité sociale, " vivent leur vie " une fois votées, sans qu'il soit besoin en aucun cas de " réunir le Parlement ", est manifestement abusif.

L'article 34 de la Constitution indique en effet que " les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier ".

Si les mots ont un sens cela veut dire que si " l'équilibre financier de la sécurité sociale " se dégrade massivement voire substantiellement en cours d'année, il est du devoir du Gouvernement -dont c'est une prérogative exclusive- de déposer un " collectif ".

Cela veut dire probablement également que si la consistance de cet équilibre se modifie fortement -par exemple sous la forme d'une grave dérive des dépenses même compensée par des surcroîts importants de recettes- une lecture de la constitution respectueuse de l'esprit de la réforme conduirait là encore à " réunir le Parlement " .

Il ne s'agit donc pas effectivement de réunir le Parlement " chaque mois dès la première grippe " .

Pour les lois de finances elles-mêmes, le Conseil Constitutionnel 16( * ) a réservé l'obligation dans laquelle se trouverait le Gouvernement de déposer un collectif budgétaire au cas où " il apparaît que les grandes lignes de l'équilibre économique et financier définies par la loi de finances de l'année se trouveraient, en cours d'exercice, bouleversées ".

C. IL N'Y A QUE LE PREMIER PAS QUI COÛTE

Dès lors que le Gouvernement se montre soucieux de ne pas réunir inutilement le Parlement 17( * ) pour une simple décision du Conseil constitutionnel, il n'est pas illogique qu'il décide en cours d'année de corriger lui-même la loi de financement de la sécurité sociale.

Fort de sa lecture a minima de la réforme de 1996, il n'est guère étonnant que le Gouvernement ait annoncé des mesures et pris des décisions qui, toutes, modifient les objectifs de dépenses votés par le Parlement.

Si les lois de financement sont " des lois qui tracent un cadre pour l'action des pouvoirs publics " 18( * ) , force est de constater que le Gouvernement ne se sent pas gêné aux entournures.

En effet, dès le début de l'année, le Gouvernement a pris une série de décisions consistant en autant de modifications des objectifs de dépenses figurant aux articles 39 (objectifs de dépenses par branche) et 40 (objectif national de dépenses d'assurance maladie) de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 :

- l'accord donné le 11 février 2000 à la création, à la CNAMTS, de 600 emplois pérennes, dont 500 emplois jeunes, et 2000 mois de contrats à durée déterminée en sus des 1.400 postes décidés fin 1999 ;

- l'accord donné en février 2000 à la création de 900 emplois à la CNAF ;

- le protocole d'accord conclu le 13 mars sur le statut professionnel des praticiens hospitaliers ;

- le protocole d'accord du 14 mars sur la modernisation du service public hospitalier ;

- l'accord signé le 3 mai 2000 avec les représentants des internes des hôpitaux.

Votre rapporteur, chargé des équilibres financiers des lois de financement de la sécurité sociale, a jugé utile, le 21 mars 2000, d'adresser à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, un questionnaire dont les réponses lui sont parvenues le 19 mai dernier 19( * ) .

Ces questions et réponses figurent ci-après, accompagnées des observations de vos rapporteurs.

Question n° 1 . Analyser les conséquences sur les comptes de la sécurité sociale de la décision de la CJCE du 15 février 2000 concernant l'assujettissement des travailleurs frontaliers à la CSG et à la CRDS :

- champ d'application de cette décision (Suisse, Monaco, ...) ;

- montant des sommes perçues sur les frontaliers depuis la mise en place de ces prélèvements ;

- date et fondement juridique d'une éventuelle suspension de recouvrements ;

- montant des remboursements à effectuer ;

- imputation de ces versements dans les comptes des organismes de sécurité sociale ;

- modalités de remboursement aux intéressés.


Réponse : La réponse fournie, s'agissant des données chiffrées, ne traite que de la CSG, la CRDS frontalier étant recouvrée par voie de rôle par l'administration fiscale.

- Champ d'application de la décision de la CJCE

En première analyse le champ d'application des arrêts rendus le 15 février 2000 par la CJCE est circonscrit aux pays inclus dans le champ d'application matériel du règlement (CE) 1408/71.

Toutefois, compte tenu, tant des accords bilatéraux signés entre l'Union Européenne et la Fédération Helvétique sur l'extension à ce pays du champ d'application du règlement (CE) 1408/71, que des termes de la convention bilatérale franco-monégasque en matière de sécurité sociale, on a considéré que les remboursements qui seront effectués doivent également concerner les travailleurs frontaliers exerçant leur activité dans des Etats non-membres de l'UE, notamment les travailleurs frontaliers exerçant leur activité en Suisse et à Monaco.

- Montant des sommes perçues sur les frontaliers, depuis la mise en place de ces prélèvements

Dès 1994, les pouvoirs publics ont suspendu la mise en recouvrement de la CSG due par les travailleurs frontaliers (lettre ministérielle du 20 novembre 1994). Aussi, les sommes perçues l'ont été entre 1991 et la fin de l'année 1994.

Des données actuellement communiquées par l'ACOSS, il ressort qu'environ 80 millions de francs ont été encaissés au titre de la CSG frontalier.

- Date et fondement juridique d'une éventuelle suspension du recouvrement

L'arrêt de la CJCE a pour effet de priver rétroactivement de toute base légale les prélèvements opérés au titre de la CSG, aussi les contributions indûment versées doivent être remboursées.

- Imputation de ces versements dans les comptes des organismes de sécurité sociale

Les sommes qui devront être versées seront inscrites comptablement dans un compte de charges exceptionnelles de l'exercice au cours duquel elles seront versées. Le montant de ces charges viendra diminuer d'autant le résultat de l'exercice de l'organisme concerné.

- Modalités de remboursement aux intéressés

La procédure suivie est le remboursement spontané de la part des URSSAF aux personnes qui auraient acquitté la CSG jusqu'en 1994, de la totalité des sommes versées, la prescription biennale ne s'appliquant, en l'espèce, qu'à compter du jour de la décision juridictionnelle qui donne naissance à l'obligation de remboursement, et non à compter du versement de la CSG par les intéressés. Des instructions en ce sens sont, actuellement, données aux URSSAF concernées.


Observations : La procédure suivie étant " le remboursement spontané de la part des URSSAF ", il est souhaitable et probable que cette opération sera achevée en 2000. Pèse donc sur cet exercice une charge exceptionnelle de 80 millions de francs au titre du remboursement de CSG prélevée entre 1991 et 1994.

S'agissant de la CRDS, il est étonnant que le ministre chargé de présenter la loi de financement au nom du Gouvernement ne dispose pas d'éléments chiffrés au motif que cet impôt est " recouvré par voie de rôle par l'administration fiscale ".

En tout état de cause, le produit de la CRDS, affecté à la CADES, ne figure pas dans les prévisions de recettes de la loi de financement dès lors que la CADES elle-même n'a pas été considérée comme un organisme concourant au financement de la sécurité sociale.

Question n°2 . Chiffrer, pour les années 2000, 2001 et 2002, le coût pour la branche maladie du " protocole d'accord sur la modernisation du service public hospitalier " négocié par le Gouvernement (protocole ratifié le 14 mars) et du " protocole d'accord sur le statut professionnel des praticiens hospitaliers " (notamment prime accordée aux praticiens n'exerçant aucune activité privée).

Détailler pour 2000 leur impact sur :

- l'objectif de dépenses de la branche maladie maternité invalidité décès (article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000) ;

- l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) (article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000) ;

- la répartition régionale de l'enveloppe hospitalière.


Réponse : Le tableau ci-joint présente l'impact des protocoles des 13 et 14 mars 2000 sur les dépenses d'assurance maladie pour les exercices 2000 à 2002.

Les montants sont en millions de francs

MESURES

Mesures nouvelles 2000

Mesures nouvelles 2001

Mesures nouvelles 2002

Praticiens hospitaliers - protocole du 13/03/2000

627,3

1.013,2

135,0

Modernisation du service public hospitalier - protocole du 14/03/2000

1.289,1

437,2

305,1

Impact sur les dépenses hospitalières encadrées

1.116,4

1.150,4

140,1

Impact sur l'ONDAM

1.038,3

1.069,9

130,3

Impact total sur les dépenses de la branche maladie

1.838,3

1.369,9

430,3

1) Effet sur l'ONDAM et hors ONDAM

a) Effet sur l'ONDAM (art. 40) : + 1.038,3 MF

Pour 2000, le montant total des dépenses supplémentaires induites par les protocoles s'élève à 1.116,4 millions de francs en dépenses des établissements hospitaliers et à 1.038,3 millions de francs en ONDAM des établissements sanitaires sous dotation globale. Ce surcoût de 1.038,3 millions de francs n'a pas été pris en compte dans la détermination de l'ONDAM 2000 fixé à 658,3 milliards de francs (article 40 de la LFSS 2000).

Les chiffrages présentés ne comprennent toutefois pas l'impact de certaines des mesures inscrites dans les protocoles dont le contenu doit être précisé à l'issue de travaux complémentaires tels que les réflexions sur les filières professionnelles ou la psychiatrie qui pourraient se traduire par la mise en oeuvre de mesures supplémentaires en 2001 ou 2002.

b) Effet hors ONDAM : + 800 millions de francs

Conformément aux termes du protocole entre le Gouvernement et les représentants des personnels et des médecins, un budget d'un milliard de francs est affecté en 2000 au fonds de modernisation des établissements de santé (FMES) pour financer les contrats locaux d'amélioration des conditions de travail (400 millions de francs), les actions de modernisation figurant dans le volet social des contrats d'objectifs et de moyens (400 millions de francs) et les aides individuelles en faveur de la formation, la mobilité et la reconversion, liées à des opérations de recomposition (200 millions de francs).

Le FMES sera créé par la loi de modernisation sociale. Il remplacera le FASMO, les dotations financières de ce dernier lui seront transférées.

Compte tenu de l'engagement pris de doter les hôpitaux d'un milliard de francs sur l'exercice 2000 et des montants actuellement disponibles au sein du FASMO (200 millions de francs), une dotation complémentaire de 800 millions de francs est nécessaire pour atteindre 1 milliard de francs.

2) Effet sur les dépenses de la branche maladie : + 1.838,3 millions de francs (1.038,3 + 800 millions de francs)

L'impact sur les dépenses de la branche maladie s'élève donc au total à 1.838,3 millions de francs, soit 1.083,3 millions de francs en ONDAM des établissements sanitaires sous dotation globale et 800 millions de francs hors ONDAM, correspondant au surcoût prévu en 2000 au titre des dépenses du Fonds de modernisation des établissements de santé (FMES).

3) Détail répartition régionale

La répartition régionale des financements de l'assurance maladie correspondant aux mesures inscrites dans les deux protocoles est actuellement en cours. Elle s'effectuera mesure par mesure, selon des critères appropriés aux objectifs poursuivis.


Observations : Les réponses de la ministre de l'emploi et de la solidarité font apparaître sans fard que le Gouvernement a bien modifié, par voie réglementaire, l'objectif de dépense de la branche maladie (article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000) et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (article 40).

Au total, au titre des protocoles des 13 et 14 mars 2000, la modification de l'objectif de dépenses de la branche maladie porte sur près de 2 milliards de francs (1.838,3 millions de francs) et celle affectant l'ONDAM, sur plus d'un milliard de francs (1.038,3 millions de francs).

La Commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est tenue le 22 mai dernier, indique dans son rapport 20( * ) : " Du fait de la tendance des derniers mois, l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) fixé pour 2000 paraît difficile à tenir. L'hypothèse retenue dans ce compte est celle d'un dépassement de 3,5 milliards de francs sur le champ du régime général ".

Elle précise que " l'enveloppe " hôpitaux publics " tous régimes pour l'année 2000 prend en compte l'ensemble des mesures prévues au 31 décembre 1999 " .

Il semble résulter du développement qui suit dans le rapport que l'impact des " protocoles signés en mars 2000 " soit seulement évoqué mais non pris en compte.

Ainsi, au moment où l'ONDAM 2000, déjà " rebasé " par rapport à la dérive observée en 1999, dérive à son tour, le Gouvernement accentue cette évolution pour des montants plus que significatifs.

Le dépassement " volontaire " de l'ONDAM par voie réglementaire représente près du tiers de sa dérive " spontanée " mesurée pour le régime général.

Sachant en outre que le Gouvernement entend désormais afficher, en loi de financement, le taux de progression de l'ONDAM de l'année n, non par rapport à l'ONDAM voté par le Parlement en n-1, mais par rapport à l'ONDAM effectivement constaté, la progression de l'ONDAM " législatif " 2001 sera calculée par rapport à un ONDAM 2000 ainsi majoré par voie réglementaire.

Question n° 3 . Préciser pour 2000, 2001 et 2002 le montant des crédits budgétaires prévus dans le cadre du protocole du 14 mars susmentionné et les chapitres budgétaires concernés.

Réponse : Le protocole signé le 14 mars avec les organisations syndicales représentatives des personnels de la fonction publique hospitalière prévoit des mesures financées sur crédits d'Etat.

En premier lieu, le protocole prévoit au titre des années 2000, 2001 et 2002 des crédits à hauteur de 2 milliards de francs pour financer dans les établissements de santé les remplacements de personnels. Ce dispositif exceptionnel est intégré dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 présenté au Conseil des ministres le 28 avril 2000, à travers une dotation à due concurrence inscrite sur le chapitre 47-20 " Aides exceptionnelles au service public hospitalier ". Ce dispositif sera également reconduit en 2001 et 2002 pour un même montant.

En second lieu, le protocole prévoit un effort accru en faveur de l'investissement hospitalier, grâce à une dotation complémentaire sur le FIMHO (chapitre 66-12, Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers) de 600 millions de francs d'AP. Ce montant complémentaire portera ainsi le total des autorisations de programme pour 2000 à 800 millions de francs. En outre, une dotation de 500 millions de francs d'AP est également prévue pour 2001.

Enfin, le protocole prévoit également, dans le cadre de l'augmentation des quotas d'entrée dans les instituts supérieurs de formation des infirmiers (IFSI) une augmentation des crédits d'Etat prévus sur le chapitre 43-32 (" professions médicales et paramédicales ; formation, recyclage, bourses ") à hauteur de 96 millions de francs en 2001. L'augmentation de ces moyens sera incluse dans le PLF 2001.

Question n° 4 . Décrire le traitement dans les comptes sociaux pour 2000 de ces contributions budgétaires (notamment les 2 milliards de francs destinés à " améliorer les remplacements des agents absents ").

Réponse : La prise en charge par le budget de l'Etat des crédits destinés à améliorer les remplacements des agents absents, sous réserve du vote par le Parlement de la loi de finances rectificative, consistera en une dotation de 2 milliards de francs inscrite au chapitre 47-20 qui sera ensuite répartie aux établissements de santé publics ou privés, financés par dotation globale, par le biais d'arrêtés.

En pratique, pour les établissements de santé, ceux-ci vont être conduits dans les prochains jours, en fonction des notifications de moyens effectués par les agences régionales de l'hospitalisation, à préparer des décisions modificatives de crédits présentées à leur instance délibérante. Ces décisions modificatives viseront à majorer les dépenses autorisées du groupe 1 (dépenses de personnel) par une augmentation à due concurrence des recettes du groupe 3 (recettes subsidiaires). Par la suite, au cours de l'été, les arrêtés d'attributions des crédits permettront aux établissements de disposer de sommes correspondantes.

Au total, les 2 milliards supplémentaires pérennes accordés aux établissements de santé ne viennent pas majorer les dépenses hospitalières encadrées (c'est-à-dire financées par la dotation globale ou les produits et tarifs) et ne pèsent donc pas sur les charges de l'assurance maladie.


Observations : On saluera, à leur juste mesure, les scrupules dont fait preuve la ministre de l'emploi et de la solidarité dans sa réponse s'agissant de la prise en charge par l'Etat d'une partie de la " nouvelle étape " hospitalière : cette prise en charge s'entend " sous réserve du vote par le Parlement de la loi de finances rectificative " .

En revanche, la part relevant de la loi de financement est acquise dès lors que le Gouvernement l'a décidé.

De fait, le débat -ou plus exactement le débat tronqué, voire le non-débat- sur la politique hospitalière aura lieu lors de la discussion du collectif budgétaire.

Question n° 5 . Indiquer les autorisations de création d'emploi accordées à la CNAMTS et à la CNAF et chiffrer leur coût en année pleine. Préciser pour 2000 l'impact de ces créations sur les objectifs de dépenses par branche (article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000).

Réponse : CNAMTS : la commission de gestion administrative de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) s'est prononcée le 18 octobre 1999 en faveur de 1.400 embauches. L'Etat a donné son accord à ces embauches. Par ailleurs, au vu des premières charges de travail liées au démarrage effectif de la CMU, cette commission a donné, le 1 er février 2000, un avis favorable à l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses pour la mise en oeuvre de la CMU et permettre ainsi la résorption du solde de dossiers en instance dans les caisses. Par lettre du 11 février 2000, l'Etat a approuvé cette décision qui prévoit la création de 600 emplois pérennes, dont environ 500 emplois jeunes et 2.000 mois de contrats à durée déterminée (CDD).

La CNAMTS prévoit que l'impact financier en 2000 sera de l'ordre de 360 millions de francs.

CNAF : La branche famille a demandé que ses moyens soient renforcés. L'Etat a autorisé l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses à hauteur de 900 emplois pérennes. Ces emplois répondent à un double objectif : redresser l'équilibre charges/moyens des caisses, notamment pour les plus fragiles d'entre elles, et anticiper dans de bonnes conditions la mise en place de la réduction du temps de travail.

Le coût de ces emplois en année pleine s'élève à 210 millions de francs. Le besoin de financement se trouve ramené à 165 millions de francs en 2000 dans la mesure où les recrutements n'interviendront au mieux qu'à compter du mois d'avril.

Les moyens supplémentaires n'affectent pas les objectifs de dépenses 2000 ; les prévisions de gestion administrative ne seront pas modifiées, car elles avaient pris en compte diverses anticipations.


Observations : Les réponses apportées le 19 mai dernier sont incomplètes et, compte tenu de leur caractère très tardif, n'ont pu faire l'objet d'une demande complémentaire de votre Commission.

En effet, l'impact financier en 2000 des créations d'emplois à la CNAMTS est évalué à 320 millions de francs sans que soient distinguées les créations d'octobre 1999 qui, a priori , auraient dû être prises en compte dans le projet de loi de financement, et celles de février 2000 qui, toujours a priori, ne pouvaient pas l'être.

En réalité, ce point apparaît d'un intérêt relatif puisque l'ensemble des dépenses correspondantes en 2000, soit 525 millions de francs, n'affecterait pas les objectifs de dépenses de cet exercice au motif que les prévisions de gestion administrative " avaient pris en compte diverses anticipations " . En quelque sorte, comme M. Jourdain, le Parlement avait anticipé sans le savoir.

Question n° 7 . A l'instar de ce qui a été fait pour le budget de l'Etat, la direction de la sécurité sociale a-t-elle procédé à une actualisation des prévisions de recettes figurant en loi de financement pour la sécurité sociale pour 2000 au regard des recettes effectivement perçues en 1999 et de la révision des perspectives de croissance pour 2000 ? Si oui, la communiquer. 21( * )

Réponse : Une actualisation de recettes du seul régime général sera présentée à la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai.

Observations : Cette réponse traduit bien la difficulté qui existe à prendre en compte tous les effets de l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale. L'Administration, sous l'autorité du Gouvernement, n'entend divulguer aucune information sur les nouvelles évaluations des comptes sociaux avant la " grand-messe " de la Commission des comptes de la sécurité sociale. De fait, les réunions de cette commission, au printemps et à l'automne, étaient, avant la réforme de 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale, les seuls rendez-vous des finances sociales.

Le Gouvernement entend, semble-t-il, que les choses restent en l'état. Ainsi, le Parlement, ses commissions des Affaires sociales et ses rapporteurs chargés de suivre les lois de financement et de contrôler leur application, doivent patienter jusqu'au moment où le Gouvernement se déclare prêt à réunir la Commission des comptes de la sécurité sociale. De septembre 1999 à mai 2000, aucune information nouvelle ne peut être fournie au Parlement tant sur l'exécution 1999 que sur l'actualisation de l'exercice 2000.

Au demeurant, la Commission des comptes de la sécurité sociale n'aborde au printemps que le régime général et non les recettes inscrites en loi de financement sous forme de prévisions sur lesquelles se prononce le Parlement.

*

* *

Les décisions prises par le Gouvernement en février-mars 2000 posent donc un problème de principe extrêmement préoccupant.

En effet, si l'on conçoit bien que les objectifs de dépenses votés par le Parlement ne constituent pas des crédits limitatifs (cf. B ci-dessus) et peuvent donc donner lieu à dépassement en cours d'année, ces dépassements, ne sauraient résulter de décisions du Gouvernement mais d'évolutions " spontanées ".

En quelque sorte, les objectifs fixés par le Parlement peuvent ne pas être atteints pour des raisons tenant, par exemple, à l'évolution de la conjoncture, aux comportements tant des assurés que des prescripteurs ou encore à l'état des pathologies et notamment aux épidémies de grippe, chères au ministre délégué 22( * ) .

Encore faut-il que le Gouvernement s'efforce de faire respecter les objectifs votés par le Parlement et que les dépassements constatés ne soient pas d'une telle ampleur que les conditions générales de l'équilibres soient gravement affectées ou, pour reprendre la jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée (cf. plus haut), bouleversées.

Mais, dans le cas présent, les modifications des objectifs de dépenses résultent de décisions explicites du Gouvernement.

Ce dernier n'hésite pas à annoncer qu'elles traduisent une " nouvelle étape pour l'hôpital " 23( * ) dont il n'est guère douteux qu'elle aurait dû être débattue par le Parlement dans le cadre, soit du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit, en cas d'urgence, d'un collectif social faisant le point à mi-parcours sur les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

On rappellera que la loi organique dispose que " seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I " et que le 3° du I, ainsi visé, concerne précisément la fixation des objectifs de dépenses.

Art. L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale - I. Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :

1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;

4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes , les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources

5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.

II. La loi de financement de l'année et les lois de financement rectificatives ont le caractère de lois de financement de la sécurité sociale.

Seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I.

Ce point n'a, semble-t-il, pas effleuré l'esprit du Gouvernement qui donc, à la fois considère que :

- les lois de financement ne comportant pas d'article d'équilibre, les recettes peuvent disparaître, les dépenses dériver, les déficits se creuser sans que le Parlement ait à en connaître ;

- les objectifs de dépenses eux-mêmes peuvent être modifiés par voie réglementaire et de façon volontariste.

Que reste-t-il alors, dans l'esprit du Gouvernement, de la loi de financement de la sécurité sociale dès lors qu'une telle loi ne serait contrainte ni par la notion d'équilibre, qui pourtant la sous-tend constitutionnellement, ni par les objectifs qu'elle comporte et qu'il est demandé au Parlement de voter solennellement ?

III.  UNE INQUIÉTUDE : LES TRANSFERTS DE CHARGES AU DÉTRIMENT DE LA BRANCHE FAMILLE

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, votre commission avait vivement dénoncé les ponctions opérées par le Gouvernement sur la branche famille, ponctions qui devraient s'élever en 2000 à 3,5 milliards de francs.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoyait en effet l'affectation au fonds de réserve pour les retraites d'une partie du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine initialement destinée à la branche famille, privant celle-ci d'une recette évaluée à un milliard de francs par an.

En outre, le Gouvernement décidait parallèlement de pérenniser la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et d'imposer à la branche famille la prise en charge progressive de cette majoration, auparavant financée par le budget de l'Etat. Cette opération de débudgétisation devrait se solder par une augmentation de 2,5 milliards de francs des dépenses de la branche famille en 2000.

Vos rapporteurs ont souhaité par conséquent examiner dans quelles conditions se ferait en 2000 la prise en charge par la branche famille d'une partie de la majoration de rentrée scolaire.

L'allocation de rentrée scolaire est une prestation familiale versée sous condition de ressources, destinée à aider les familles au moment de la rentrée scolaire.

Le montant de l'ARS par enfant, pour la rentrée scolaire 1999, était égal à 20 % de la base mensuelle de calcul des allocations familiales, soit 429 francs.

Ce montant est cependant majoré systématiquement par une décision gouvernementale prise chaque année depuis 1993 et atteint finalement 1.600 francs depuis 1997.

Evolution du montant de l'allocation de rentrée scolaire

 

Majoration

Montant total

1993

1.097 F

1.500 F

1994

1.089 F

1.500 F

1995

830 F

1.500 F

1996

580 F

1.000 F

1997

1.180 F

1.600 F

1998

1.176 F

1.600 F

1999

1.173 F

1.600 F

Reconduite dans son principe d'année en année, cette majoration est prise en charge par le budget de l'Etat. En 1999, le coût total de l'allocation de rentrée scolaire s'est élevé à 9,5 milliards de francs, dont 2,5 milliards de francs à la charge de la branche famille et 7 milliards de francs pris en charge par l'Etat au titre de la majoration.

Toutefois, le Gouvernement s'est toujours refusé à inscrire en loi de finances initiale cette majoration : il n'était en effet pas certain que l'Etat déciderait de majorer l'ARS. En outre, le montant de la majoration pouvait varier d'une année sur l'autre.

Dès lors, l'Etat rembourse, généralement avec retard, cette dépense à la branche famille. Il en résulte une charge de trésorerie non négligeable pour la branche. Jusqu'en 1997, les pouvoirs publics ont procédé, pour assurer son financement, par décret d'avances. En 1998 et 1999, le montant du remboursement à la branche famille a été inscrit en loi de finances rectificative.

Cette situation aurait dû changer radicalement en 2000.

En effet, lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999, le Premier ministre a annoncé la pérennisation de la majoration de l'ARS : " Il est clair que cette allocation de rentrée scolaire, ainsi majorée, répond à un réel besoin. Je souhaite qu'elle soit pérennisée. La majoration de l'ARS a donc vocation à devenir une prestation familiale. De ce fait, son financement sera pris en charge par la branche famille, selon un calendrier à définir. Parallèlement, l'Etat reprendra à sa charge le financement du Fonds d'Action Sociale pour les Travailleurs Immigrés et leurs Familles, répondant ainsi à une demande exprimée depuis longtemps par le mouvement familial et le Conseil d'administration de la CNAF. Une première étape débutera avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. "

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a ainsi prévu que la branche famille prendrait à sa charge la majoration de l'ARS à hauteur de 2,5 milliards de francs.

L'Etat s'engageait pour sa part à financer le solde restant, soit 4,5 milliards de francs.


Cette somme aurait dû, en toute logique, figurer dans le projet de loi de finances pour 2000. Il n'en a rien été.

Il n'a pas davantage été fait mention de la somme -près de 1 milliard de francs- correspondant au remboursement par l'Etat à la branche famille des dépenses relatives au FASTIF, conformément à l'annonce du Premier ministre.

Ces deux lacunes avaient conduit la commission des Finances du Sénat à conclure que la sincérité du projet de loi de finances pour 2000 était gravement altérée : en effet, le Gouvernement reconnaissait qu'une dépense de 5,5 milliards de francs -4,5 milliards de francs pour la majoration de l'ARS et 1 milliard de francs pour le FASTIF- interviendrait en 2000, mais ne l'inscrivait pas dans le projet de loi de finances.

Un tel comportement apparaissait contraire aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui prévoit : " La loi de finances de l'année prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat ".

Toutefois, un souci de cohérence dans la présentation des documents budgétaires, lié par exemple au dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale postérieurement au dépôt du projet de loi de finances pouvait, à la rigueur, expliquer ce choix.

Interrogée par votre commission sur ce point, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait d'ailleurs indiqué que le financement de ces deux mesures figurerait dans le collectif budgétaire de 2000.

Or, le projet de loi de finances rectificative, qui vient d'être adopté par l'Assemblée nationale, reste totalement silencieux sur ces deux points.


Pour vos rapporteurs, il n'y a dès lors que deux hypothèses : ou ce collectif budgétaire n'est pas sincère, puisqu'il n'intègre pas deux dépenses pourtant certaines, ou il trahit le renoncement aux engagements pris par le Premier ministre et une atteinte d'une exceptionnelle gravité à l'équilibre financier de la branche famille

A. INSINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE ET CHARGE INDUE DE TRÉSORERIE POUR LA BRANCHE FAMILLE...

Dans le premier cas, le Gouvernement a fait le choix de l'insincérité budgétaire : il ne fait pas figurer dans le collectif une somme de 5,5 milliards de francs qui constitue pourtant la simple traduction de décisions annoncées par le Premier ministre le 7 juillet 1999.

Un tel choix fausse considérablement le débat budgétaire : non seulement le déficit budgétaire reste inchangé à 215 milliards de francs à l'issue du collectif, alors même que 15 milliards de francs de recettes non fiscales de 1999 ont été rattachés à l'année 2000, mais de surcroît ce chiffre n'intègre pas des dépenses pourtant certaines d'un montant de 5,5 milliards de francs. Dès lors, le déficit budgétaire réel de l'année 2000 devrait être de 236 milliards de francs, soit 30 milliards de plus que l'exécution de 1999.

L'argument technique selon lequel ces dépenses ne pourraient pas être évaluées avec précision est irrecevable : les dépenses de la branche famille au titre de la majoration de l'ARS pour l'année 2000 peuvent être estimées par la CNAF de manière précise, le montant du budget du FASTIF a été fixé à 986 millions de francs en 2000 par le décret n° 2000-177 du 29 février 2000.

En choisissant d'attendre le collectif de fin d'année, qui n'est généralement promulgué que dans les tout derniers jours de décembre, le Gouvernement fait en outre supporter une charge de trésorerie considérable à la branche famille . La branche famille verse en effet l'ARS aux familles au mois de septembre : elle ne serait remboursée par l'Etat que le 30 décembre 2000.

De même, la branche famille serait contrainte de supporter, toute l'année durant, la charge de trésorerie liée aux dépenses du FASTIF, dans l'attente d'un remboursement le dernier jour de l'année 2000, ou plus probablement dans les premiers jours de 2001

B. ... OU REMISE EN CAUSE DE L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE FAMILLE

Cependant, la seconde hypothèse serait plus grave encore : la non-inscription des dépenses liées à la majoration de l'ARS et au FASTIF dans le collectif de printemps pourrait être le signe d'un refus, par le Gouvernement, de respecter les engagements pris et les mesures annoncées par le Premier ministre.

Vos rapporteurs sont d'autant plus inquiets que les observations du Gouvernement sur cette question, dans le cadre des recours devant le Conseil constitutionnel dirigés contre la loi de finances pour 2000 24( * ) , sont particulièrement ambiguës :

" L'allocation de rentrée scolaire (ARS) a été majorée depuis 1996. Cette allocation majorée a constitué une dépense de la Caisse nationale des allocations familiales partiellement remboursée par l'Etat. Elle a été financée, selon les années, par décret d'avances ou par la loi de finances rectificative. Le montant de cette majoration et son financement ont évolué dans le temps, la charge revenant à l'Etat ne constituant pas une dépense stable d'une année sur l'autre. Le Premier ministre a annoncé que le niveau majoré de l'ARS (1.600 francs) serait pérennisé. Le montant ainsi relevé de l'ARS, prestation familiale prévue par le code de la sécurité sociale, sera donc désormais financé par la Caisse nationale des allocations familiales, comme l'ensemble des prestations de cette catégorie, sans que l'Etat ait à en rembourser une partie . La majoration des dépenses de la sécurité sociale en résultant a été prise en compte dans les prévisions de dépenses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et n'a donc pas à figurer dans la loi de finances.

" Par ailleurs, le transfert au budget de l'Etat du financement du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF) a été évoqué comme une des pistes complétant la réforme. Cette mesure, qui nécessite des dispositions législatives qui ne figurent ni dans la loi de finances ni dans la loi de financement de la sécurité sociale et dont le calendrier n'a pas été précisé, permettrait à la Caisse nationale des allocations familiales de dégager des moyens contribuant au financement de l'ARS majorée. Si elle était confirmée, il conviendrait de prévoir les ouvertures de crédits correspondantes dans la loi de finances pour 2001. "


On conviendra que cette déclaration apparaît en totale contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Dès lors, qui faut-il croire ?

Si le Gouvernement revenait sur ses engagements, la branche famille verrait dès 2000 ses dépenses au titre de l'ARS augmenter de 7 milliards de francs par an. Elle ne bénéficierait même plus de la très modeste compensation qu'aurait pu constituer la prise en charge du FASTIF par le budget de l'Etat.

La débudgétisation deviendrait alors totale : l'Etat se serait ainsi déchargé sur la branche famille d'une dépense annuelle et récurrente de 7 milliards de francs qu'il assumait jusqu'alors et qu'il avait lui-même créée.

Une telle décision ne ferait qu'accroître les charges de la branche famille : elle n'apporterait rien de plus aux familles pour qui l'ARS était déjà, de facto, pérennisée au niveau de 1.600 francs depuis 1997.

DEUXIÈME PARTIE
-
LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT
DES CAISSES D'ALLOCATIONS FAMILIALES

Les caisses d'allocations familiales de la région parisienne ont rencontré, au cours de l'année 1999, des difficultés de fonctionnement considérables qui ont conduit à une dégradation sensible du service offert aux allocataires.

La presse s'est faite largement l'écho de ces difficultés qui prenaient la forme de files d'attente interminables aux guichets, de retards considérables dans les réponses aux courriers et le traitement des dossiers. Certains articles de presse ont même évoqué des caisses " au bord de la rupture de paiement ".

Interrogée lors de son audition par notre commission, le 13 octobre 1999, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, Mme Nicole Prud'homme, Présidente du conseil d'administration de la CNAF, déclarait que ces difficultés étaient en voie de règlement.

Pourtant, moins de deux mois plus tard, le 6 décembre 1999, elle demandait au Gouvernement, au nom du conseil d'administration de la CNAF, un accroissement des moyens humains dont dispose la branche famille, sous la forme de 1.100 emplois supplémentaires.

Cette demande intervenait ainsi quelques jours après l'adoption en lecture définitive par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Parallèlement, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, chargeait l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'étudier la nature des difficultés persistantes rencontrées par les CAF, d'analyser les éventuels problèmes d'adéquation entre les moyens et la charge de travail et, enfin, de proposer des mesures correctrices aux dysfonctionnements observés.

Dans ce contexte, MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale, ont jugé nécessaire d'utiliser leurs prérogatives de contrôle sur pièces et sur place afin de mieux mesurer l'étendue et les conséquences des difficultés de fonctionnement que connaissaient certaines caisses d'allocations familiales.

Désireux de se rendre compte de la réalité de la situation " sur le terrain ", les rapporteurs se sont déplacés à la CNAF le 26 janvier dernier. Ils ont pu y rencontrer Mme Nicole Prud'homme, présidente, qui représente la CFTC au conseil d'administration, et M. Diépois, Vice-président, représentant le MEDEF, puis notre collègue Claude Huriet, président du conseil de surveillance, et, enfin, Mme Annick Morel, directrice, entourée de son équipe de direction. Cette visite à la CNAF avait été précédée de l'envoi d'un questionnaire particulièrement exhaustif.

Les rapporteurs se sont ensuite rendus dans trois caisses d'allocations familiales : à Evry, dans l'Essonne, à Chartres, dans l'Eure-et-Loir et, enfin, à Melun, en Seine-et-Marne.

Le choix de ces trois caisses a été dicté par le souci de concentrer l'investigation sur les caisses de la région parisienne, qui connaissaient les plus grandes difficultés, tout en visitant parallèlement une caisse voisine -celle de Chartres- qui semblait épargnée par ces difficultés. Ce choix de ces trois caisses a permis à vos rapporteurs une vision contrastée de la situation des différentes caisses.

Dans ces trois caisses, les rapporteurs ont rencontré les présidents des conseils d'administration, les équipes de direction et les représentants des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils ont également visité les locaux consacrés à l'accueil du public et ont pu dialoguer à cette occasion avec les personnels des guichets, en contact permanent avec les allocataires.

Enfin, dans un souci de compléter l'information dont ils disposaient, les rapporteurs ont auditionné au Sénat la présidente et le directeur de la CAF de Grenoble.

Les rapporteurs ont reçu partout le meilleur accueil et leurs interlocuteurs se sont félicités de la démarche entreprise par notre commission. Que toutes les personnes auditionnées trouvent ici l'expression renouvelée de la gratitude des rapporteurs pour leur collaboration à ce travail.

A l'issue de cette mission de contrôle, il apparaît que les caisses d'allocations familiales ont rencontré de sérieuses difficultés de fonctionnement au cours de l'année 1999. Ces difficultés, qui ont touché particulièrement la région parisienne, ont conduit à une nette dégradation du service rendu au public et traduisent, plus généralement, l'incapacité de la branche famille à respecter les engagements de qualité prévus par la convention d'objectifs et de gestion qui la lie à l'Etat.

Les plans d'action successifs engagés par la CNAF et les CAF ont porté leurs fruits et la situation s'est nettement améliorée au cours des derniers mois. Cette amélioration reste toutefois fragile et il n'est pas exclu que l'été 2000 voit la réapparition de certaines difficultés.

Les origines de ces dysfonctionnements sont multiples : les difficultés tiennent à la conjonction d'un facteur conjoncturel que l'on peut espérer transitoire -la mise en place d'un nouveau système informatique en Ile-de-France-, et d'un élément structurel plus préoccupant : l'application d'un droit excessivement complexe à des publics de plus en plus fragilisés.

Dans ce contexte, la décision du Gouvernement d'autoriser la création de 900 postes dans les CAF apparaît comme un choix éminemment politique qui résulte plus d'un souci d'apaisement que d'une réelle volonté de renforcer les moyens dont dispose la branche : une part -non définie- de ces emplois constitue en effet un acompte sur les créations d'emplois nécessaires pour compenser la réduction du temps de travail.

Pour vos rapporteurs, la création de nouveaux emplois peut certes apporter une bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en difficultés. Il est douteux toutefois que cette solution de facilité permette de faire l'économie d'une véritable simplification du droit et de réels efforts de réorganisation interne.


Déplacements et auditions des rapporteurs

 
 

Déplacement sur place

24 janvier 2000

Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) à Paris

Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration, M. Gilbert Diépois, Vice-président du Conseil d'administration, M. Claude Huriet, Président du Conseil de surveillance, Mme Annick Morel, Directrice, M. Jean-Claude Issindou, Directeur du développement et du contrôle de gestion et M. Jean-Pierre Soureillat, Directeur de l'animation du réseau

2 février 2000

Caisse d'allocations familiales d'Evry (Essonne)

M. Christian Costa, Président du Conseil d'administration, Mme Brigitte Davenas, Directrice, M. Jean-Pierre Guichemerre, Directeur des prestations, Mme Ultima Martial, Responsable de l'accueil d'Evry, Mme Christiane Chevallier, Technicienne-conseil, Mme Yannick Porret, Technicienne-conseil, M. Dominique Ringeval, FO, M. Philippe Glomeron, FO, Mme Chantal Echelard, CFDT, Mme Francine Roussay, CGT, Mme Brigitte Maussion, CGT

3 février 2000

Caisse d'allocations familiales de Chartres (Eure-et-Loir)

M. Claude Faure, Président du Conseil d'administration, M. Jean Pommier, Vice-président du Conseil d'administration, M. Thierry Grethen, Directeur, M. Jean-Jacques Poupeau, Directeur-adjoint, Mme Geneviève Valat, Agent comptable, M. Daniel Rousseau, FO, Mme Colette Charpignon, CGT, M. Serge Guillet, Délégué du personnel (CFDT)

9 février 2000

Caisse d'allocations familiales de Melun (Seine-et-Marne)

Mme Marie-Madeleine Pattier, Présidente du Conseil d'administration, Mme Hervé François, Directeur, Mme Marie-Joseph Lecerf, Directeur-adjoint, M. Pascal Delaplace, Sous-Directeur d'action sociale, Mlle Brigitte de Metz-Noblat, Agent comptable, M. Nicolas Perrin, stagiaire du CNESS, M. Jean-Louis Charpentier, CFDT, Mme Annie Berton, CGT, M. Gaby Barthe, CGT

 

Auditions devant les rapporteurs

27 avril 2000

Mme Eliane Bellot, présidente du conseil d'administration et M. Robert Richaud, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Grenoble (Isère)

 

Auditions dans le cadre de la commission
(cf. travaux de la commission)

I. UN CONSTAT PRÉOCCUPANT

A. LA DÉGRADATION DU SERVICE RENDU AU PUBLIC

1. Un phénomène particulièrement marqué en région parisienne

Les caisses d'allocations familiales de la région parisienne ont rencontré, au cours de l'année 1999, des difficultés importantes qui ont conduit à une dégradation sensible du service offert aux allocataires.

Si les difficultés semblent avoir commencé à se manifester dès 1998, elles se sont cependant brutalement aggravées au cours de l'été 1999, date à laquelle elles ont été largement évoquées par les médias.

La médiatisation probablement excessive des dysfonctionnements observés dans certaines caisses a d'ailleurs généré une certaine inquiétude dans l'opinion publique et s'est traduite, in fine , par une augmentation de la demande adressée au caisses et par une aggravation des difficultés.

Les difficultés se sont traduites concrètement par des retards dans le traitement des dossiers et des réponses aux courriers, par une forte augmentation des temps d'attente au guichet et par une dégradation de l'accueil téléphonique.

Ces trois aspects sont en réalité partie prenante d'un même cercle vicieux : par un phénomène de boule de neige, les difficultés s'ajoutent aux difficultés. Les caisses qui ont pris du retard sont ainsi davantage sollicitées par les allocataires qui viennent plus nombreux à l'accueil et sont plus nombreux à téléphoner.

Lorsque les délais de traitement des dossiers augmentent, les allocataires, inquiets de l'absence de réponse de la caisse, se rendent aux guichets. Pour répondre à cette affluence nouvelle, on affecte à l'accueil des personnels habituellement chargés de l'instruction et de la liquidation des dossiers ou de l'accueil téléphonique, ce qui se traduit in fine par des retards accrus dans la gestion des dossiers.

S'agissant des CAF d'Ile-de-France, il y avait, fin août 1999, 271.000 courriers en retard, correspondant à 150.000 allocataires.

A la mi-septembre, le stock moyen de courriers -qui est évalué en nombre de jours de production 25( * ) - variait selon les caisses de 5,3 jours à Paris à 18,5 jours à Melun et 21 jours à Cergy. On rappellera que l'objectif que s'est fixé la branche famille est de ne pas dépasser un stock moyen de 3 jours de production.

Stock de courriers (en jours de production)

Caisse

Au 17 septembre 99

Au 7 janvier 2000

Cergy (95)

21

22,4

Créteil (94)

12,5

14,3

Evry (91)

14,8

10

Melun (77)

18,5

17,2

Nanterre (92)

6,2

10,4

Paris (75)

5,3

6,1

Rosny (93)

6,6

5

St-Quentin en Yvelines (78)

12,4

7,8

Début janvier 2000, la situation s'était améliorée à Evry, Rosny et Saint-Quentin en Yvelines ; elle s'était en revanche dégradée à Nanterre, Créteil et Cergy où l'on atteignait alors 22 jours de stock.

Ces chiffres moyens recouvrent des réalités naturellement diverses. L'objectif des caisses est habituellement de traiter les dossiers en moins de trois semaines, de telle sorte que le changement de situation signalé puisse être pris en charge dans la mensualité du mois suivant. Lorsque les dossiers sont traités avec retard, cela signifie concrètement que la modification de droit que les allocataires ont signalée à la caisse ne peut alors être prise en compte que dans la mensualité du deuxième mois qui suit ce signalement. Il y a alors un rappel de droit ou la notification d'un indu.

Fin août, le stock de courriers datant de plus de trois semaines était pour sa part de 130.000, soit quasiment la moitié (48 %) des courriers en retard.

On observe là encore une grande hétérogénéité dans les situations respectives des différentes caisses. En septembre 1999, la part des dossiers traités en moins de 21 jours était de seulement 36 % à Evry, 37 % à Cergy et 48 % à Melun. En revanche, Rosny affichait un taux de 88 % et Nanterre obtenait un brillant 100 % !

En décembre 1999, la situation ne s'était guère améliorée : dégradation à Melun (34 %) et à Créteil (66 %), timide progression à Cergy (40 %) et Saint-Quentin en Yvelines (74 %). Si l'on inverse la proposition, cela signifie concrètement qu'à Melun, 66 % des dossiers étaient donc traités dans un délai supérieur à trois semaines !

Evolution de la situation des caisses de l'Ile-de-France


Caisse

Délai de traitement inférieur à 21 jours (% des dossiers)

Temps d'attente au guichet inférieur à 30 mn
(% des dossiers)

 

Septembre 99

Décembre 99

Septembre 99

Décembre 99

Cergy (95)

37 %

40 %

53 %

57 %

Créteil (94)

72 %

66 %

50 %

50 %

Evry (91)

36 %

36 %

6 %

18 %

Melun (77)

48 %

34 %

33 %

46 %

Nanterre (92)

100 %

100 %

68 %

65 %

Paris (75)

80 %

80 %

22 %

40 %

Rosny (93)

88 %

89 %

79 %

81 %

St-Quentin en Yvelines (78)

70 %

74 %

61 %

69 %

Les caisses ont dès lors été contraintes à des arbitrages et ont choisi de privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des prestations familiales " classiques ". Elles ont mis en place des procédures prioritaires pour les ouvertures de dossiers, pour les allocataires les plus modestes, pour le traitement immédiat des documents urgents et ayant un impact positif sur les droits des allocataires.

Certains dossiers jugés non prioritaires ont donc été traités avec des retards de plusieurs mois.

Parallèlement à ces retards dans le traitement des dossiers, les temps d'attente au guichet augmentaient fortement : certaines caisses ont ainsi connu, à certaines périodes, des temps d'attente moyens pouvant atteindre
3 heures : c'était par exemple le cas début janvier 2000 à l'accueil de la CAF de Paris, rue Laumière, dans le 19 ème arrondissement.

A la mi-septembre 1999, toutes les caisses de la région parisienne présentaient un temps d'attente moyen au guichet supérieur ou égal à 1 heure : 1 heure 40 à Cergy, 1 heure 45 à Paris (rue Laumière), 2 heures à Melun...

A la même période, la part des personnes attendant moins de 30 minutes à l'accueil -objectif poursuivi par la branche- était de seulement 6 % à Evry ( 94 % des personnes attendaient donc plus de 30 minutes ), 22 % à Paris et 33 % à Melun.

Temps d'attente moyen au guichet des CAF de l'Ile-de-France

Caisse

Temps d'attente moyen au guichet
au 17 septembre 99

Temps d'attente moyen au guichet
au 7 janvier 2000

Cergy (95)

1 h 40

1 h 15

Créteil (94)

1 h

45 mn

Evry (91)

1 h 20

58 mn

Melun (77)

2 h

Application non disponible

Nanterre (92)

1 h

30 mn

Paris (75)

1 h (rue Viala)

1 h 07 (rue Viala)

 

1 h 45 (rue Laumière)

3 h 02 (rue Laumière)

Rosny (93)

1 h

45 mn

St-Quentin en Yvelines (78)

1 h 10

23 mn

Début janvier 2000, la situation s'était améliorée partout sauf à Paris où elle avait pris rue Laumière un caractère particulièrement alarmant. Les temps d'attente restaient cependant anormalement élevés dans six caisses sur huit.

Il s'agit là encore de temps d'attente moyen : certaines personnes ont donc pu parfois attendre des durées beaucoup plus longues.

A Evry, où l'on considère que la capacité maximale d'accueil quotidien est de 400 personnes, 900 à 1.000 personnes se sont parfois présentées certains jours. 250 personnes attendaient ainsi simultanément dans une salle qui compte environ 80 places assises.

Ces conditions d'accueil ont généré de fortes tensions entre les allocataires et les personnels des caisses concernées. Elément assez symptomatique de cette dégradation, les caisses d'Evry et de Melun ont chacune embauché un vigile qui, présent à l'accueil, assure la sécurité des personnels, maintient l'ordre et empêche la constitution d'un " marché noir " des tickets d'attente.

L'accueil téléphonique a été partout sacrifié. Certaines caisses -à Evry par exemple- ont carrément décidé de fermer cet accueil et ne répondaient plus au téléphone. Cette situation de l'accueil téléphonique a naturellement un retentissement direct sur l'accueil au guichet : faute d'obtenir une réponse au téléphone, les allocataires ont été contraints de se rendre à leur caisse.

2. Le non-respect des engagements définis par la convention d'objectifs et de gestion

Les dysfonctionnements observés dans les caisses parisiennes ont été le révélateur des difficultés rencontrées plus généralement par la branche famille pour respecter les engagements de qualité de service prévus par la convention d'objectifs de gestion.

Les difficultés qu'ont connues les caisses parisiennes ont été partagées par certaines caisses de province, avec toutefois moins d'acuité.


L'appréciation portée en septembre 1999 par les directions des différentes caisses sur leur situation confirme que ces difficultés en matière d'écoulement de la charge de travail ont été également ressenties en province : seuls 41 directeurs de caisses sur 125 considéraient à cette date que la situation était bonne ou très bonne, les 84 restants la jugeant assez difficile ou très difficile.

Appréciation portée par les directeurs de CAF sur la situation de leur caisse
(septembre 1999)

En fait, la plupart des caisses semblent, à des degrés divers, être à la limite de leur capacité de production. Cette fragilité conduit à ce que tout incident de parcours -panne du système informatique, absentéisme plus fort- ou toute période de fortes charges -déclaration de ressources, rentrée scolaire, changement réglementaire- provoque un stock de dossiers en retard avec une remise à jour lente.

Même si une majorité d'allocataires bénéficie aujourd'hui d'un service acceptable, ces difficultés ont conduit la branche famille à ne pas être en mesure de respecter les engagements qu'elle avait pris en 1997 et qui ont été formalisés dans la convention d'objectifs et de gestion signée le 14 mai 1997.

Dans le cadre de cette convention d'objectifs et de gestion signée avec l'Etat, couvrant la période 1997-2000, la branche famille a pris en effet cinq engagements de qualité :

Premier engagement : la régularité de paiement ; les prestations dues au titre du mois sont versées le 5 du mois suivant ou le jour ouvré le plus proche. Cet engagement, qui porte sur le versement d'une masse de prestations de 25 milliards de francs par mois à 10 millions d'allocataires, a été jusqu'à présent tenu.

Deuxième engagement : le traitement de tout dossier dans un délai de 3 semaines , à compter du 1 er janvier 1998. L'objectif est qu'un changement dans la situation d'un allocataire soit pris en compte pour le versement de la mensualité suivante.

Cet engagement est actuellement tenu pour seulement 83 % des 55 millions de courriers reçus tous les ans. 17 % des dossiers traités le sont donc dans un délai supérieur à l'objectif de 21 jours. Ce chiffre a doublé en 1999, traduisant ainsi les difficultés rencontrées par la branche.

Part des dossiers traités en moins de 21 jours

1998

1999

91 %

83 %

En 1999, 39 caisses sur 125, soit 31 %, ne respectaient pas l'objectif de 90 % des dossiers traités en moins de 21 jours.

Troisième engagement
: chaque année, 25 % des allocataires doivent faire l'objet d'un contrôle sur pièces et sur place . Cet engagement, prévu à compter du 1 er janvier 2000, est loin d'être tenu puisque seuls 16,3 % des dossiers ont été contrôlés en 1998.

Part des dossiers contrôlés

1996

1997

1998

21,7 %

22 %

16,3 %

Quatrième engagement : à compter du 1 er janvier 2001, le délai d'attente au guichet ne doit pas excéder, en règle générale, 30 minutes .

Aujourd'hui, sur 18 millions de visites par an, seules 78 % sont traitées en moins de 30 minutes. L'objectif de 30 minutes d'attente maximum n'est pas respecté pour plus de 22 % des allocataires reçus. La situation se dégrade nettement depuis 1997.

Part des visites où le délai d'attente est supérieur à 30 minutes

1997

1998

1999

17,5 %

19,3 %

22,6 %

En 1999, 68 caisses sur 125, soit 54 %, ne respectaient pas l'objectif de 90 % des visites traitées en moins de 30 minutes.

Cinquième engagement
: une amplitude de réponse téléphonique d'au moins 25 heures par semaine et un taux d'efficacité pendant les plages d'accès de 70 %, à compter du 1 er janvier 2001. Aujourd'hui, sur 47 millions de communications téléphoniques abouties par an, seules 54 % sont traitées. L'accès au téléphone est problématique dans nombre d'organismes. La plupart des caisses ont une amplitude d'ouverture au public restreinte. Celle-ci a été légèrement réduite sur la dernière période. Par ailleurs, le taux d'accès reste très insuffisant.

Plages d'accès aux CAF par téléphone

1997

1998

Moyenne journalière

Moyenne journalière

4 h 48

4 h 36

En 1999, 62 caisses sur 125, soit 50 %, ne respectaient pas l'objectif de 70 % de communications traitées par rapport aux communications abouties.

Il apparaît donc que si seule une minorité de caisses a été effectivement concernée par les difficultés de l'été 1999, une part importante des 125 caisses -qui varie, selon les indicateurs, entre 31 % et 54 %- ne respecte pas les objectifs définis par la convention d'objectifs et de gestion.

Ces éléments traduisent à l'évidence un dysfonctionnement dans la gestion du système des prestations. Lorsqu'une caisse n'écoule pas normalement sa charge de travail, elle génère plus d'erreurs, plus d'indus et diminue le niveau de contrôle. Tout ceci a bien évidemment au final un coût sur la dépense de prestation.

B. UNE AMÉLIORATION FRAGILE

1. Des plans d'action pour venir en aide aux caisses en difficultés

Face à ces difficultés, la CNAF a mis en place plusieurs plans d'action successifs consistant essentiellement à affecter des personnels supplémentaires dans les caisses concernées.

Dès février 1999, la CNAF accordait aux caisses de région parisienne des moyens complémentaires à hauteur de 37,2 millions de francs, soit l'équivalent de 300 années-agents.

En septembre 1999, un nouveau plan d'action pour les caisses d'Ile-de-France était mis en place, dans l'urgence, avec pour objectif de revenir à un délai normal de traitement des dossiers, exigeant de tenir le flux de courriers et de régler l'antériorité du stock. Il était proposé deux échéances :

- une première inversion de la tendance fin octobre pour les huit caisses (le mois de septembre est un mois très lourd pour la branche) ;

- un retour à un délai normal en fin d'année.

Chaque caisse a été invitée à établir sur les six mois suivants une projection de ses charges, de ses forces de production, de son stock retard, du plan d'action acquis et des moyens supplémentaires éventuellement nécessaires pour accélérer le retour à la normale. Ces chiffres ont fait l'objet d'un dialogue approfondi caisse par caisse avec la CNAF.

Ce plan d'action s'est articulé autour de trois axes : le renfort en personnel, des dispositifs spécifiques pour les allocataires les plus fragiles et le développement de nouvelles formes d'organisation en matière d'accueil physique et téléphonique.

Le renfort en personnel a pris la forme :

- d'un renforcement temporaire de personnel (contrats à durée déterminée, 140 contrats de qualification permettant le remplacement immédiat des personnels partant en retraite, 55 emplois-jeunes, stagiaires en formation professionnelle) ; ces personnels effectuent des travaux simples qui déchargent les techniciens-conseil et leur permettent de se consacrer aux dossiers les plus complexes et à l'accueil ;

- d'un recours aux heures supplémentaires volontaires ;

- d'une mobilisation sur la ligne du public des personnels administratifs, d'encadrement, de contrôle, d'action sociale, d'agence comptable ;

- d'une mobilisation de la réserve opérationnelle régionale d'Ile-de-France (40 techniciens-conseils).

Les dispositifs spécifiques pour les allocataires les plus fragiles prévoyaient :

- une priorité de traitement pour les dossiers les plus sensibles (minima sociaux, déclaration de ressources en retard, allocation de rentrée scolaire, mutations, dossiers signalés par les partenaires des CAF...) ;

- le versement d'acomptes et d'avances au guichet ;

- des contacts avec les bailleurs pour éviter les conséquences d'éventuels retards dans le versement des aides personnelles au logement.

En donnant instruction aux caisses de privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des prestations familiales, la branche famille renonçait ainsi de facto à assurer sa mission première.

Parallèlement, les CAF ont expérimenté de nouvelles formes d'organisation de l'accueil physique et téléphonique , tels que le développement des media interactifs pour délivrer automatiquement des attestations de paiement.

Pour sa part, la CNAF a décidé de mobiliser sa réserve institutionnelle pour accélérer le retour à l'équilibre, qu'il s'agisse de renfort temporaire de personnel, d'investissement informatique, d'implantation immobilière.

Elle a également organisé la solidarité avec les caisses de province par le détachement de techniciens-conseils dans les CAF d'Ile-de-France. Il s'agit là naturellement du moyen le plus efficace de réduire rapidement le stock de dossiers en retard, ce que ne permet ni le recrutement de personnel temporaire, ni le recrutement de personnel définitif qu'il faut former pendant une longue période.

En contrepartie de l'octroi de ces moyens complémentaires, les caisses d'Ile-de-France ont établi des plans d'action de sortie de crise, laquelle était envisagée pour la fin du mois de mars 2000.

2. Une amélioration progressive de la situation

L'effet de différents plans d'action s'est fait nettement sentir à partir du premier trimestre 2000. En avril 2000, les principaux indicateurs de gestion des CAF font apparaître, à quelques exceptions près, une nette amélioration de la situation. Les caisses de la région parisienne ont notamment réussi à diminuer leur stock de dossiers en retard et ont amélioré les délais d'attente à l'accueil.

Au 21 avril 2000, le stock moyen en jours de production était inférieur à 7 jours dans six caisses sur huit de la région parisienne ; les temps d'attente avaient parallèlement chuté : entre 28 et 35 minutes à Paris, 20 minutes dans l'Essonne, 24 minutes dans le Val-de-Marne.

La caisse de Cergy (Val d'Oise) a ainsi fait diminuer son stock de dossiers en retard de 25 à 9 jours en trois mois, grâce à la mise en place d'un plan de redressement associant des mesures temporaires -et un peu brutales- de restriction de l'accueil des allocataires et des recrutements de personnels en contrat à durée indéterminée.

Situation des caisses d'allocations familiales d'Ile-de-France

(au 21 avril 2000)

Caisse

Stock moyen en jours de production

Temps d'attente moyen au guichet

Paris (75)

0,4

28 mn (Viala) 35 mn (Laumière))

Melun (77)

12,4

1 h 14

St-Quentin en Yvelines (78)

3,6

28 mn

Evry (91)

5,1

20 mn

Nanterre (92)

6,8

28 mn

Rosny (93)

3,0

31 mn

Créteil (94)

5,2

24 mn

Cergy (95)

9,3

*

* Pas d'outil fiable de mesure.

A l'exception notable de la caisse de Melun (Seine-et-Marne), où le stock reste considérable (12,4 jours) et le temps d'attente moyen très élevé (1 h 14), toutes les caisses de la région parisienne semblaient, à la date du 21 avril dernier, dans une configuration de sortie de crise.

Cette amélioration s'est ressentie dans l'ensemble du réseau
. Au cours du 4 ème trimestre, le nombre de directeurs de caisses portant une appréciation " bonne " ou " très bonne " sur la situation de leur caisse au regard de la maîtrise de la charge de travail a sensiblement progressé, passant de 41 sur 125 en septembre à 64 sur 125 en décembre 1999. On ne retrouve cependant pas un niveau équivalent à celui enregistré au début de l'année 1999.

Concernant la période à venir, les caisses sont, dans leur majorité, confiantes sur la maîtrise de la charge de travail puisque 33 (26 %) envisagent une amélioration et 86 (69 %) une stabilité. Seules 6 caisses (5 %) anticipent une dégradation de la situation.

Ces éléments sont corroborés par les impressions recueillies par vos rapporteurs lors de leurs déplacements sur le terrain en février 2000. Dans toutes les caisses visitées, les principaux indicateurs s'étaient nettement améliorés depuis l'automne.

Il n'en reste pas moins que cette amélioration reste fragile : plusieurs caisses ayant intégré Cristal avant l'été font remarquer qu'elles ne retrouvent pas un niveau de productivité équivalent à celui enregistré avant le changement de système informatique.

Pour sa part, l'IGAS estime dans son rapport 26( * ) que " le redressement pourrait toutefois être plus long pour quelques caisses cumulant les handicaps (intégration régionale insuffisante, nombre d'allocataires en forte progression, pyramide des âges du personnel ou structure CDD/CDI défavorables, fautes de management...). "

Vos rapporteurs considèrent qu'il conviendra donc d'attendre l'été prochain -et les tensions que génère habituellement cette période de l'année- pour voir si les difficultés sont définitivement résorbées.

L'IGAS considère ainsi que " pour éviter un nouvel engorgement saisonnier à l'été 2000, il serait nécessaire que la CNAF procède à un audit approfondi de ces caisses, notamment en région parisienne ".

II. DES ORIGINES MULTIPLES

Vos rapporteurs estiment que les difficultés rencontrées par les CAF proviennent, pour l'essentiel, de la conjugaison d'un élément conjoncturel -la mise en place d'un nouveau système informatique Cristal dans les caisses de la région parisienne- et d'éléments structurels plus préoccupants.

A. UN FACTEUR CONJONCTUREL : L'EFFET " CRISTAL "

Si la brutale aggravation des difficultés rencontrées par les CAF de la région parisienne lors de l'été 1999 tient aussi à des éléments saisonniers -à cette période se cumulent en effet les congés normaux des salariés, le renouvellement des droits au 1 er juillet et le versement de l'allocation de rentrée scolaire-, elle trouve surtout son origine dans la mise en place d'un nouveau système informatique, dénommé " Cristal ".

1. La mise en place difficile du système informatique Cristal

La mise en place du système Cristal s'est faite d'abord en province à partir de 1997 puis dans les caisses de la région parisienne. Elle s'est traduite partout par une diminution transitoire de la productivité et par des tensions dans l'écoulement de la charge de travail.

Tout changement de système informatique prend du temps, induit des dysfonctionnements, génère inévitablement des coûts et une diminution ponctuelle de la productivité : outre des difficultés techniques inévitables, le personnel doit tout d'abord se former au nouveau logiciel -la formation à Cristal dure 15 jours- puis s'efforcer de se l'approprier.

Les caisses qui avaient abordé le passage à Cristal dans les meilleures conditions, c'est-à-dire sans aucun retard dans la gestion du stock de dossiers à traiter, ont ainsi vu, malgré tout, leur situation se détériorer.

Lorsque les caisses avaient déjà des retards importants dans le traitement des dossiers et des courriers, le passage à Cristal s'est inévitablement soldé par des retards accrus.


Certaines caisses, telle celle de Grenoble, ont pu, grâce à des efforts de formation préalable, de préparation de leurs fichiers et de renforcement temporaire de leurs moyens, limiter l'accroissement de leur stock de dossiers en attente. Ce résultat a cependant souvent été obtenu au prix d'une réduction drastique de l'accueil téléphonique et d'une limitation des contrôles des dossiers.

Le passage à Cristal a pris une tournure beaucoup plus alarmante dans les caisses d'Ile-de-France.

La région parisienne a en effet connu des difficultés particulières car le système informatique Cristal a été conçu à partir du système qui était auparavant en usage dans les caisses de province. La région parisienne disposait quant à elle d'un système informatique distinct dont la logique était très éloignée de Cristal. Le temps nécessaire à l'appropriation par le personnel du nouveau logiciel a dès lors été nettement accentué en Ile-de-France.

En outre, en Ile-de-France, l'historique des dossiers des allocataires n'a pas été converti dans le nouveau système informatique, ce qui a imposé de liquider les demandes de prestation sur deux modèles informatiques différents.

Pour tenir compte de ces spécificités, il avait été décidé que le basculement vers Cristal se ferait très lentement en région parisienne et que les effectifs seraient temporairement renforcés grâce à l'enveloppe de 37 millions de francs dégagée par la CNAF.

Malgré ces précautions, la plupart des caisses d'Ile-de-France ont été durement frappées par les conséquences de la mise en place de Cristal.

Le rapport de l'IGAS souligne ainsi 27( * ) : " Outre ces perturbations techniques apparemment en voie de résorption, il reste qu'après une aussi longue période de mise en place (...), on demeure confondu par l'impréparation dans laquelle certaines CAF ont abordé l'obstacle.

" En région Ile-de-France, en sus des contraintes inhérentes aux particularismes de l'ancien système " temps réel ", qui ont conduit, dans des conditions peu claires, à privilégier une conversion sans historique impliquant le maintien d'une double gestion, il est manifeste que certaines caisses n'ont absolument pas anticipé les problèmes (...).

" Ainsi, dans le Val d'Oise, la précédente direction, ayant probablement cru bénéficier d'un calendrier tardif, en a cumulé tous les handicaps : temps de préparation insuffisant des agents, départs simultanés en formation, désorganisation due aux congés, montée en charge chaotique de Cristal ralentissant fortement et durablement les capacités de consultation des comptes et de liquidation, etc. Il n'en fallait évidemment guère plus pour que la situation se tende, voire se bloque, dans le courant de l'été avec des prolongements d'autant plus forts depuis la rentrée qu'un cercle vicieux s'était engagé : explosion du stock, puis des visites à l'accueil, puis des appels téléphoniques, chaque flux alimentant alors les deux autres. "


La mise en place de Cristal n'est aujourd'hui pas totalement achevée. Vos rapporteurs ont le sentiment que ce problème d'adaptation à un nouvel outil informatique se résoudra progressivement. Cristal devrait ainsi être pleinement opérationnel dans l'ensemble des caisses de la région parisienne avant la fin de l'année 2000.

2. Le contexte particulier les caisses de région parisienne

La mise en place difficile de Cristal illustre bien la résistance au changement qui caractérise les caisses de la région parisienne. Ces caisses semblent rencontrer des difficultés particulières à évoluer.

On ne peut qu'être frappé en effet de la contradiction entre, d'une part, des dysfonctionnements propres à l'Ile-de-France, qui conduisent à diagnostiquer un manque de moyens, et, d'autre part, les moyens dont disposent les caisses de cette région, moyens supérieurs de 30 % -260 millions de francs par an- aux ressources qui devraient être les leurs si leur était appliqué le système général de répartition des ressources entre CAF. Alors qu'il existe en province un technicien-conseil pour 834 allocataires, ce ratio est de un pour 744 en Ile-de-France.

Depuis la départementalisation de 1991, l'objectif de la branche famille a donc été de diminuer les coûts de gestion des CAF d'Ile-de-France et de redéployer les économies sur les CAF de province. Ces efforts ont toutefois généré des tensions sociales considérables, dans un contexte de forte pression syndicale interne.

Lors de leurs déplacements sur le terrain, vos rapporteurs ont pu constater, notamment à l'occasion des rencontres avec les représentants syndicaux, la nette dégradation du climat social qui règne dans les caisses de la région parisienne.

L'héritage de la grande -et unique- caisse parisienne, sa centralisation, ses techniques de production, sa conception de l'institution pèsent encore très lourds.

Ainsi, si la crise des caisses de la région parisienne s'explique par un facteur conjoncturel -le passage d'un système informatique à un autre-, ces difficultés et la lenteur de l'amélioration constatée, en dépit des moyens considérables mis en oeuvre, ont révélé des problèmes structurels de modernisation, de management, de vieillissement de la pyramide des âges et d'empâtement de la structure hiérarchique. Ces caractéristiques se traduisent par une réactivité faible et une prise en charge parfois très tendue des publics en difficulté.

B. DES ÉLÉMENTS STRUCTURELS PLUS PRÉOCCUPANTS

Restent néanmoins des problèmes plus préoccupants car fondamentalement structurels et concernant cette fois l'ensemble du réseau national des caisses d'allocations familiales.

Cristal n'a été en quelque sorte que le révélateur de difficultés plus profondes liées à l'évolution des missions de la branche famille -et à la précarisation des publics qu'elle prend en charge- et à la complexité croissante de la législation et de la réglementation.

1. La branche famille au coeur de la lutte contre l'exclusion

La branche famille a vu ses missions profondément évoluer depuis 1946. Initialement chargée de l'aide aux familles, elle est aujourd'hui confrontée à la pauvreté, à la précarité et se trouve désormais en première ligne dans la lutte contre l'exclusion.

Comme le souligne Philippe Steck 28( * ) , Directeur des prestations familiales à la CNAF, " en 1946, la branche famille de la sécurité sociale abritait en son sein l'essentiel de la politique familiale française. Cette dernière y puisait un carénage, une force vive, qui a accompagné les Trente Glorieuses de l'économie française. Aujourd'hui, elle gère le revenu minimum d'insertion, l'allocation aux adultes handicapés et l'essentiel de la politique publique du logement. Elle est interpellée par presque tous les grands problèmes de société. Au centre de la lutte contre l'exclusion, au coeur de la cohésion sociale, ses missions ont subi une mutation considérable dont il convient de prendre la mesure. "

Comme l'a rappelé Mme Prud'homme, Présidente de la CNAF, lors de son audition par la commission, le 23 février 2000, 40 % des allocataires des CAF ne sont pas chargés de famille, ce chiffre pouvant atteindre 52 ou 53 % dans certaines caisses.

En moins de 30 ans, les prestations familiales traditionnelles, hors logement, sont passées de 86 % à 57 % des sommes servies par les CAF tandis que la proportion des prestations versées sous condition de ressources quintuplait sur la même période, pour atteindre 60 %. Les titulaires de minima sociaux (RMI, allocation de parent isolé, allocation aux adultes handicapés) représentent désormais 15 % de l'effectif total des allocataires, dont 10 % pour le seul RMI.

Cette évolution des missions de la branche famille s'est traduite par une augmentation de la charge de travail et, surtout, par un changement de nature du travail effectué.

Historiquement, les caisses géraient des prestations qu'elles versaient à des familles, sans rencontrer leurs allocataires. Aujourd'hui, comme l'a dit un des interlocuteurs de la délégation, " les allocataires viennent avec tous leurs problèmes. Ils ont besoin d'être écoutés, d'être rassurés... Le métier de technicien-conseil est devenu un travail social. "

Les attentes des allocataires ont évolué : les prestations versées représentent aujourd'hui une part considérable -voire la totalité- des revenus d'un nombre important d'allocataires. La demande adressée aux CAF va désormais très au-delà du paiement des droits. Il s'agit d'un besoin d'une prise en charge globale de la situation d'un allocataire, exigeant une relation de service personnalisée, voire un accompagnement social dans la durée.

Paradoxalement, l'amélioration de la situation économique renforce le sentiment de précarité chez les personnes les plus fragiles, qui éprouvent le besoin d'être encore davantage rassurées. Les CAF de l'Essonne et du Val-de-Marne ont ainsi vu augmenter de 15 % le nombre des demandes qui leur étaient adressées en un an. Ce chiffre atteint même 20 % en Seine-et-Marne.

La branche famille a globalement su faire face à cette nouvelle responsabilité que constituait la gestion des minima sociaux, au prix cependant d'une dégradation du service rendu aux allocataires.

Ce phénomène semble avoir touché toutes les caisses. En Eure-et-Loir, par exemple, la montée en charge du RMI a obligé la caisse à réduire la fréquence de ses permanences dans les chefs-lieux de canton et des visites à domicile.

Ces évolutions ont fortement pesé sur un personnel généralement compétent, dévoué, très attaché à la mission de l'institution mais mal préparé à la confrontation avec une population précarisée et fragilisée, parfois aussi plus agressive.

Lors de leurs entretiens avec les représentants du personnel, vos rapporteurs ont ainsi pu constater une certaine démotivation et une grande frustration de la part des personnels des caisses. Ces derniers ont aujourd'hui le sentiment de ne pas pouvoir offrir aux allocataires le service qui devrait leur être rendu, ce qui génère chez eux une grande insatisfaction. Comme l'a indiqué un représentant du personnel : " on nous demande de gérer des règles de plus en plus complexes avec des publics de plus en plus fragiles ".

Vos rapporteurs souhaitent que cette évolution des missions des CAF soit pleinement reconnue. Ils constatent que les missions que la branche famille exerce -à titre gratuit- pour le compte de l'Etat (gestion du RMI, de l'AAH) s'avèrent particulièrement lourdes et s'effectuent souvent au détriment de la mission originelle de la branche, qui est d'aider et de soutenir les familles.

La mission de lutte contre la pauvreté et l'exclusion est importante : elle ne doit cependant pas avoir pour conséquence de sacrifier la politique en faveur des familles. Vos rapporteurs réaffirment solennellement leur attachement à la politique familiale, qui doit rester au coeur des missions de la branche famille. Ils considèrent en outre que la branche famille ne saurait constituer le " guichet unique " de la lutte contre la pauvreté et que cette charge doit être partagée par tous les services publics.

2. La complexité du droit

La complexité du droit géré par les caisses d'allocations familiales est indéniable. De fait, comme l'a souligné Mme Prud'homme, Présidente de la CNAF, devant notre commission, lors de son audition le 23 février dernier, les CAF gèrent 25 prestations légales qui représentent 15.000 règles de droit.

On ajoutera qu'elles prennent en compte 250 faits générateurs de droit, qu'elles utilisent 270 modèles de pièces justificatives et en traitent 70 millions par an.

La complexité de ce droit est fortement aggravée par son instabilité.
Chacun se souvient comment le Gouvernement avait décidé à l'automne 1997 de mettre sous condition de ressources les allocations familiales pour décider, quelques mois plus tard, de revenir finalement sur cette décision

De même, depuis la création de l'aide personnalisée au logement (APL) en 1977, il y a eu environ 150 textes qui en ont modifié le régime initial et sur les dernières années, ce sont plus de 100 modifications de règles qui sont intervenues par an.

La complexité atteint d'ailleurs son paroxysme pour la gestion des aides au logement : la circulaire explicitant les modalités d'attribution de ces prestations ne compte pas moins de 83 pages !

La branche famille est de surcroît victime de la conjugaison de règles très complexes et de changements permanents dans les situations familiales et professionnelles des allocataires. Ainsi, en moyenne, un tiers du fichier des allocataires est modifié chaque mois.

A l'évidence, il y a un équilibre à trouver entre le souci légitime de suivre au plus près la situation des allocataires et la nécessité d'éviter aux CAF une gestion trop complexe.

La complexité des règles découle souvent du souci d'être le plus équitable possible et du goût de nos concitoyens pour des règles totalement objectives définies au niveau national, prenant en compte le moindre cas particulier et ménageant les droits acquis.

La complexité procède également d'une volonté politique de ciblage social et financier, de la multiplicité des objectifs poursuivis et d'un faible intérêt du " fabricant de règles " pour sa gestion par les CAF et sa compréhension par l'allocataire.

L'évolution récente de la branche famille a vu la montée en charge de trois types de prestations très complexes : celles qui ont recours à des barèmes extrêmement sensibles que sont les aides personnelles au logement, les prestations différentielles que sont les minima sociaux, celles qui supposent des relations avec de multiples partenaires -en moyenne, les CAF sont en relation avec 60 partenaires susceptibles d'intervenir dans la gestion du système des prestations.

On ajoutera enfin que les CAF gèrent des prestations qui ressortissent d'ordres juridiques différents : les prestations familiales inscrites dans le code de la sécurité sociale, l'APL inscrite dans le code de la construction de l'habitat, le RMI, ce qui conduit à des règles distinctes en matière de contentieux, de récupération d'indus...

Les effets de cette complexité sont redoutables . La complexité génère tout d'abord l'incompréhension des allocataires et constitue un obstacle au bon accès au droit des plus modestes ; lorsque ces derniers font néanmoins valoir leurs droits, ceux-ci leur apparaissent incompréhensibles, précaires, réversibles, arbitraires, déterminés souverainement, au cas par cas par l'agent qui est en face d'eux.

La complexité conduit à une absence de lisibilité des choix politiques, un ciblage social souvent inefficace, un ciblage financier rarement atteint et un coût de gestion accru.

Il y a de fait un coût très important de documentation, de formalisation, de développement informatique, d'investissement dans des puissances informatiques supérieures, de formation du personnel, autant de dépenses supplémentaires qui seraient mieux employées dans une meilleure qualité du service rendu et un meilleur accompagnement social des allocataires les plus démunis.

Vos rapporteurs considèrent qu'une protection sociale trop complexe s'écarte donc de sa finalité essentielle qui est d'apporter une prévisibilité, une sécurité, notamment aux plus modestes, et donne prise à une critique, certes plus globale, contre les services publics.

III. LA CRÉATION DE 900 EMPLOIS : UNE SOLUTION DE FACILITÉ ?

Afin de remédier aux difficultés persistantes que rencontraient certaines caisses, la CNAF a demandé au Gouvernement, en décembre dernier, la création de 1.100 emplois supplémentaires. Cette demande doit être analysée dans un contexte de forte croissance de la productivité de la branche famille.

A. LES EFFORTS IMPORTANTS ACCOMPLIS PAR LA BRANCHE FAMILLE

1. Un coût de gestion en diminution

La branche famille a réalisé depuis 1970 de très importants gains de productivité. Un liquidateur gérait en moyenne 593 allocataires en 1970. Il en gère 992 en 1997.

La branche famille a pris à sa charge la gestion du RMI et de la plupart des minima sociaux sans que lui soient parallèlement accordés des moyens supplémentaires. Les moyens humains dont elle disposait ont même diminué de 1 % depuis 1990. Parallèlement, le nombre des bénéficiaires du RMI passait de 300.000 personnes à plus d'un million.

Quelques indicateurs témoignent des efforts remarquables accomplis par la branche ; ainsi, sur la période 1988-1998 :

- le coût de gestion par allocataire, en francs constants 1996, est passé de 838 francs à 693 francs soit une diminution de 17 % ;

- le prélèvement global de gestion, c'est-à-dire la part du Fonds national de gestion administrative par rapport aux prestations, est passé de 3,82 % à 3,03 % ;

- les écarts de coût entre les caisses ont été sensiblement réduits : 1 à 2,07 en 1988 ; 1 à 1,53 en 1998.

Ces efforts ont été en outre accomplis dans un contexte de forte progression de la demande sociale.

2. Une forte progression de la demande sociale

En raison de la diversité et complexité des prestations gérées par les CAF et de la prise en charge par la branche famille d'interventions de plus en plus nombreuses dans le domaine de la précarité, les CAF sont de plus en plus sollicitées par leurs usagers et ont à gérer de multiples demandes d'information et d'explication.

Si le nombre total des allocataires a augmenté de 2 millions entre 1991 et 1998, la demande adressée aux caisses a parallèlement explosé :

- le nombre de courriers reçus par les CAF est passé de 44 à 60 millions, soit une progression de 36 % ;

- le nombre d'appels téléphoniques traités a été multiplié par deux sur la période, progressant de 23 millions en 1991 à 47 millions en 1998.

- les visites au guichet ont augmenté de 68 % passant de 11 millions à 18,4 millions.

A ces éléments quantitatifs vient naturellement s'ajouter un facteur plus qualitatif, évoqué plus haut, lié à la profonde transformation de la demande adressée aux caisses par les allocataires.

B. DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES ?

1. La demande par la CNAF de 1.100 emplois supplémentaires

Arguant des difficultés que rencontraient les CAF, la CNAF a demandé au Gouvernement, en décembre dernier, 1.100 postes supplémentaires. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a alors diligenté une mission de l'IGAS chargée d'évaluer le bien-fondé de cette demande.

La demande de la CNAF a été justifiée par une note en date du 13 décembre 1999 rédigée par Mme Annick Morel, directrice de la CNAF, à l'attention de la ministre.

Dans cette note, la CNAF rappelle tout d'abord que la convention d'objectifs et de gestion a prévu à la fois un effort particulier sur la qualité du service rendu à l'allocataire et une stabilisation des moyens.

La CNAF considère que cette approche n'était crédible qu'associée au développement du système d'information, à un effort significatif sur la simplification et la lisibilité de la réglementation et à une relative stabilité de ses charges.

Elle estime que les flux de contacts ont évolué plus fortement que prévu et que la branche famille ne dispose plus, dans nombre de caisses, des ressources humaines nécessaires pour apporter une réponse adaptée à la demande sociale qui lui est adressée.

La CNAF juge que cette situation de déséquilibre -dans un contexte rendu plus difficile encore par l'absence de perspectives claires sur le dossier des 35 heures- porte un risque fort de dégradation durable de la qualité et de tension sociale.

En complément des plans d'action mis en place dans les organismes les plus en difficulté et des mesures conjoncturelles qu'elle a pu décider, la CNAF juge donc de sa responsabilité de prendre les initiatives nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions prévues par l'article 37.1 de la COG qui prévoit que " dans la situation où l'équilibre objectifs/moyens est modifié de façon importante, l'une ou l'autre des parties peut demander la révision des clauses nécessaires aux fins d'établir un nouvel équilibre ".

Il apparaît en fait que la CNAF a longtemps espéré qu'une solution au dossier de la réduction du temps de travail permettrait de résoudre pour l'essentiel les difficultés rencontrées. Ainsi, selon la CNAF, une augmentation des effectifs de 6 % aurait permis de rajeunir la pyramide des âges, de centrer les moyens complémentaires sur la ligne du public et la production, en redonnant les souplesses nécessaires, et de corriger, par une meilleure prise en compte du contexte, les mécanismes de répartition budgétaire entre caisses.

Pour justifier le chiffre des 1.100 emplois demandés, le CNAF se livre à l'estimation suivante. Elle constate avoir enregistré 8,9 millions de contacts supplémentaires (courrier reçu, personnes reçues, appel téléphonique ayant abouti) entre 1996 et 1998. En retenant l'hypothèse qu'un technicien prend en compte dans une journée de travail une quarantaine en moyenne de contacts (communication avec l'usager, plus suite à donner), le nombre de jours-technicien supplémentaire nécessaires pour écouler le surcroît de travail est de 222.500 jours. Sur la base d'une activité moyenne annuelle de 220 jours, cela correspond à 1.000 emplois de techniciens et 100 emplois d'accompagnement (encadrement, logistique) soit un crédit de personnel au Fonds national de gestion administrative (FNGA) de la branche de 210 millions de francs.

La CNAF précise en outre la façon dont elle répartirait, en trois parts, les moyens supplémentaires qui lui seraient accordés :

- une part des moyens irait à l'ensemble du réseau ;

- une part serait affectée aux caisses qui connaissent des difficultés particulières ;

- une part serait affectée à la mise en place ou au renforcement de moyens mutualisés (audit, organisation, techniciens...) utilisés en cas de nécessité. Ces moyens permettraient, selon la CNAF, de mettre en place des actions de solidarité dès l'apparition d'une difficulté durable, afin d'éviter l'effet " boule de neige " sur la charge de travail d'un stock de dossiers en retard trop important.

Une nouvelle note de la directrice de la CNAF, en date du 15 février 2000, adressée à la ministre, est venue apporter des éléments complémentaires et réévalue le nombre d'emplois nécessaires pour remplir les trois principaux engagements de service prévus par la convention d'objectifs et de gestion : 437 agents pour atteindre les 90 % de courriers traités en moins de 3 semaines, 245 agents pour faire en sorte que 90 % des visites soient traitées en moins de 30 minutes et 800 agents pour que 70 % des communications abouties sont traitées, soit un besoin total de 1.482 agents.

Cette note comporte un net infléchissement de la position de la CNAF sur la question de l'utilisation des moyens supplémentaires si ceux-ci venaient à être accordés. La CNAF prévoit en effet de " constituer deux enveloppes à part égale : l'une attribuée sur une base paramétrée à l'ensemble des organismes, à savoir 550 emplois, afin de permettre de mieux préparer les 35 heures en terme de recrutement, de formation et d'organisation. Lorsque nous disposerons de tous les éléments pour apprécier le besoin de compensation suite aux 35 heures, il est bien évident que la souplesse déjà apportée à toutes les CAF sera prise en compte. L'autre dotation destinée à compenser les besoins des caisses en situation fragile est attribuée sous forme de dotation résorbable. Il va de soi que cette avance doit être accordée sur une durée suffisamment longue pour être significative au plan de gestion de l'organisme. D'ici là, le rendez-vous de la prochaine COG devra permettre d'approfondir le rapport charges-moyens de l'institution. "

2. 900 postes accordés dont une partie au titre de la réduction du temps de travail

Analysant la demande de la CNAF, l'IGAS a considéré pour sa part 29( * ) que le mode de calcul des 1.100 emplois demandés était " sujet à caution : entre autres observations, si le souci d'une mesure fine de l'alourdissement des tâches des CAF est tout à fait recevable, il en résulte ici une addition de flux par trop hétérogènes (pièces, allocataires reçus et appels téléphoniques), de surcroît rapportée à une évaluation assez fragile de la productivité moyenne d'un technicien conseil.

" Au plan des principes, le recours à l'article 37.1 de la COG est discutable : la dégradation du rapport charges/moyens est due à des causes internes et largement prévisibles en 1997 (Cristal) ; quant à l'alourdissement du service aux allocataires, il résulte a priori d'un engagement contractuel.

" A l'inverse, la mission conclut qu'il serait irréaliste de repousser totalement cette demande. En effet, tous les organismes ont pâti des effets de Cristal, lesquels ont neutralisé, voire dépassé les gains de productivité de la branche sur la période, de sorte que celle-ci peine à atteindre les objectifs volontaristes de la COG.

" Dans ce contexte, il n'y a pas à attendre à très court terme (d'ici 2001) des gains de productivité significatifs de Cristal de nature à rétablir les capacités entamées de certaines CAF. Quant à la sensibilité du contexte, elle est réelle : un climat social fortement marqué par la ligne de fuite des 35 heures ; un engagement vigoureux de la CNAF, surtout depuis l'été 1999, qui a créé des attentes assez générales ".


Le rapport de l'IGAS préconise par conséquent " une approche alternative de remise à niveau ciblée, afin de permettre à la branche le saut qualitatif nécessaire pour retrouver un chemin de progrès mis à mal par le contexte informatique ".

Après de savants calculs et une répartition caisse par caisse, le rapport propose d'accorder une dotation de 451 postes à temps plein pour les CAF de province et de 116 postes pour les CAF de région parisienne, soit un total de 567 postes.

Sans attendre les résultats de la mission confiée à l'IGAS, le Gouvernement a donné son accord, dès le 22 février 2000, à la création de 900 emplois à durée indéterminée.


Dans un courrier en date du 25 février, adressé à Mme Annick Morel, directrice de la CNAF, le directeur de cabinet de la ministre de l'emploi et de la solidarité indiquait en effet : " la Branche famille a souhaité que ses moyens soient renforcés. J'ai le plaisir de vous faire connaître que l'Etat est disposé à répondre favorablement à cette demande ".

Le courrier précisait : " l'Etat a décidé d'accompagner les efforts de la branche et de consolider ces premiers acquis en autorisant l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses, à hauteur de 900 emplois pérennes. Ces emplois répondent à un double objectif : redresser l'équilibre charges/moyens des caisses, notamment pour les plus fragiles d'entre elles, et anticiper dans de bonnes conditions la mise en place de la réduction du temps de travail.

" Mais ces emplois, pour une grande part d'entre eux, seront pris en compte dans les évolutions d'effectifs qui résulteront de la réduction du temps de travail. Les créations nettes ne pourront être déterminées de manière définitive que lorsque nous disposerons d'une analyse précise des besoins, notamment à partir des conclusions de la mission de l'inspection générale des affaires sociales.

" Le financement de ces emplois sera assuré sur l'exercice 2000 par une augmentation de la dotation budgétaire de la branche famille et par une affectation des excédents de gestion de la branche. La négociation du budget de gestion administrative 2001 tiendra compte des évolutions d'effectifs intervenues en 2000. "


Par lettre en date du 4 avril 2000, adressée à Mme Nicole Prud'homme, le directeur de cabinet de la ministre de l'emploi et de la solidarité confirmait la décision du Gouvernement et invitait la CNAF à donner aux CAF les instructions de " procéder aux recrutements sans tarder ". Il ajoutait : " il me semble souhaitable de se fixer un rendez-vous au moment de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail pour fixer avec précision les nouvelles embauches qui seront nécessaires compte tenu de celles qui auront eu lieu début 2000. Ce rendez-vous prendra en compte les conclusions définitives du rapport de l'IGAS. "

Le Conseil d'administration de la CNAF a décidé le 4 avril 2000 que ces 900 postes seraient affectés de la façon suivante :

- 600 postes seront répartis entre l'ensemble des caisses selon les critères d'attribution habituels ;

- 100 postes seront affectés à des moyens mutualisés d'expertise et de solidarité régionale ;

- 200 postes seront attribués aux caisses les plus fragiles pour lesquelles le financement paramétré se révélera insuffisant. Parmi ces 200 postes, 120 seront consacrés à 6 caisses d'Ile-de-France.

Le coût sur l'année 2000 de ces créations d'emplois est évalué à 135 millions de francs.

Pour vos rapporteurs, la décision du Gouvernement d'autoriser la création de 900 postes dans les CAF apparaît comme un choix éminemment politique qui résulte plus d'un souci d'apaisement que d'une réelle volonté de renforcer les moyens dont dispose la branche : une part -non définie- de ces emplois constitue en effet un acompte sur les créations d'emplois nécessaires pour compenser la réduction du temps de travail.

En demandant la création de 1.100 emplois, la branche famille avait, à l'évidence, choisi une solution de facilité qui lui permettait de faire l'économie d'une réflexion sur ses modes de fonctionnement et de rassembler ses personnels autour d'une idée simple et toujours porteuse : nous ne sommes pas assez nombreux pour faire face à l'accroissement de nos missions !

La réduction du temps de travail avait, il est vrai, généré une forte attente auprès des personnels et des dirigeants de la branche famille. Tous y voyaient la solution miracle à leurs difficultés. Dans ce contexte, la négociation difficile sur les modalités de cette réforme, qui est applicable au personnel des caisses depuis le 1 er février, avait contribué à accroître fortement les tensions sociales.

La création de ces nouveaux emplois constitue également une solution de facilité pour le Gouvernement qui peut ainsi donner satisfaction à la branche tout en refusant de se prononcer sur le bien-fondé de cette demande et en conservant en réalité toute latitude sur les créations nettes d'emplois.

En outre, le Gouvernement pouvait difficilement refuser tout effort en faveur de la branche famille puisqu'il avait déjà accordé 1.500 postes supplémentaires à plein temps à la branche maladie au titre de la nouvelle mission que constitue la gestion de la CMU.

Pour vos rapporteurs, la création de ces nouveaux emplois peut certes apporter une bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en difficultés. Il n'était en outre pas anormal d'anticiper sur le passage aux 35 heures, qui, à l'évidence, ne peut se faire à moyens constants. Or, il faut du temps pour former un technicien -un an environ- pour adapter l'organisation, pour négocier, au plan local, un nouveau cadre de fonctionnement.

Il est douteux toutefois que cette solution de facilité permette de faire l'économie d'une véritable simplification du droit et de réels efforts de réorganisation interne.

IV. DEUX PRIORITÉS : SIMPLIFIER LE DROIT, AGIR SUR L'ORGANISATION

A. SIMPLIFIER LE DROIT : UN PROJET POLITIQUE

Pour éviter que la branche famille ne soit, à l'avenir, confrontée à de nouvelles difficultés, vos rapporteurs jugent qu'il convient d'engager rapidement une démarche de simplification du droit régissant les prestations versées par les caisses d'allocations familiales. Les allocataires doivent pouvoir bénéficier d'un système de prestations sociales cohérent, stable et accessible.

Cette simplification est d'ailleurs expressément prévue par l'article 3 de la convention d'objectifs et de gestion : " L'objectif de simplicité est au coeur de l'exercice par chaque usager de service public de ses droits (notamment pour les plus modestes d'entre eux), de clarté et donc d'efficacité des politiques publiques, de moindre coût de gestion et d'exactitude de la liquidation des droits, donc de juste dépense ".

L'article 3.1 prévoit en outre : " Dans le respect des équilibres financiers de la branche famille et de l'Etat, l'Etat et la CNAF se fixent pour objectif la mise en oeuvre d'un programme de simplification ; ils établissent en commun d'ici le 1 er juillet 1998 un rapport sur ce sujet en assortissant les propositions d'une étude d'impact social et financier faisant apparaître leurs conséquences sur les droits des allocataires. "

Force est de constater que cet article n'a guère été suivi d'effets.

Un gros travail a été accompli depuis une quinzaine d'années par la branche famille sur la simplification des prestations : cette démarche est pourtant restée lettre morte faute d'un réel soutien du ministère de l'emploi et de la solidarité. La direction de la sécurité sociale considère ainsi que la complexité est un faux problème, en partie réglé par l'informatisation. Elle fait observer en outre que la simplification a un coût.

Vos rapporteurs contestent l'idée a priori selon laquelle toute forme de simplification coûte : la complexité génère également des coûts non négligeables, certaines simplifications ne coûtent pas -l'unification des règles de contentieux par exemple-, d'autres permettent de faire des économies.

De même, toute simplification n'est pas nécessairement inéquitable : la complexité est aussi inéquitable et certaines simplifications -telles que l'unification des aides au logement- sont des mesures de justice sociale.

Enfin, il faut admettre que la sécurité juridique est un critère au moins aussi important que l'adaptation à la moindre situation particulière.

Ces réflexions conduisent vos rapporteurs à considérer que cette entreprise de simplification n'est pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet politique . Ils espèrent que la prochaine conférence de la famille, qui doit se réunir le 15 juin 2000, sera l'occasion, pour le Gouvernement, d'annoncer des décisions fortes et effectives en ce domaine.

B. AGIR SUR L'ORGANISATION : UN PROJET POUR LA BRANCHE FAMILLE

Les difficultés rencontrées par certaines caisses d'allocations familiales -particulièrement en région parisienne- ont démontré que les choix faits en matière d'organisation du travail avaient un impact considérable sur l'écoulement de la charge de travail et la capacité à faire face à des exigences accrues.

Vos rapporteurs considèrent que les moyens supplémentaires accordés à la branche famille ne porteront leurs fruits que s'ils sont effectivement accompagnés d'efforts réels en faveur d'une meilleure organisation du travail.

La négociation sur l'application de la réduction du temps de travail dans la branche fournit à cet égard une occasion unique de repenser les modalités de l'organisation du travail dans les CAF, d'introduire davantage de souplesse et de flexibilité, et d'améliorer ainsi l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager.

Des efforts importants doivent être engagés qui permettent une simplification des procédures internes et une meilleure gestion des ressources et des moyens disponibles. Certaines caisses, Evry et Melun par exemple, viennent d'ailleurs d'engager une démarche en ce sens.

La branche famille semble avoir pris conscience de cette nécessité. Elle a ainsi présenté en mars 2000 un Plan d'action dont l'axe n°2 vise précisément à " agir sur l'organisation, les processus et la relation de service ".

Ce plan d'action énumère un certain nombre de chantiers que vos rapporteurs soutiennent fortement :

- l'élaboration d'une représentation globale du processus de production qui permettrait de décrire la nature et le volume des flux d'entrées usagers et partenaires, les fonctions, les qualifications et les métiers impliqués, d'identifier les problématiques et les liens à assurer pour une optimisation du processus d'ensemble, et de préciser, en conséquence, les paramètres de pilotage et de contrôle de gestion ;

- la simplification des procédures . Le plan d'action prévoit de simplifier les pratiques professionnelles et les circuits, d'alléger le dispositif des pièces justificatives, d'améliorer la communication écrite (imprimés, notifications, supports d'information générale de l'allocataire), de valoriser la prise d'information par téléphone et sous toute autre forme dématérialisée ;

- une meilleure organisation des modes de contact de la branche (téléphone, accueil, communication électronique...)

- l'accompagnement du métier de technicien-conseil , par la formation, le développement d'outils d'aide à la gestion et à la communication avec l'usager. Le plan d'action précise que l'approche globale des situations allocataires devra être privilégiée.

- une meilleure mesure des charges, de l'activité et des résultats de la branche . Le plan d'action prévoit d'identifier et de décrire les données, ratios et indicateurs dont la branche a besoin, de convenir de règles d'éthique, d'automatiser, de fiabiliser et de mettre à disposition les données, d'assurer la gestion et la maintenance du dispositif sur la durée ;

- la stabilisation et l'optimisation le système d'information . L'objectif est d'appuyer les chantiers prioritaires et de privilégier les actions ayant un impact sur l'efficacité de la production.

Vos rapporteurs espèrent que ce plan d'action ambitieux ne restera pas à l'état de voeu pieux et que les chantiers qui ont été ainsi ouverts seront menés à bien.

Ils partagent à cet égard la conclusion de l'IGAS 30( * ) qui souhaite " que cette amélioration globale de la liquidation des dossiers, consolidée par les mesures prises par la tutelle, permette aux caisses, après les difficultés de ces derniers mois, de se réinvestir sur l'enjeu majeur de la première COG que constitue la mutation d'une " culture de production " à une " culture de qualité " centrée sur le service rendu aux usagers. "

Dans un environnement social en mutation, la branche famille doit s'adapter pour offrir, demain, un service de qualité à ses allocataires. Ce sera là tout l'enjeu de la prochaine convention d'objectifs et de gestion qui couvrira les premières années du troisième millénaire.

TROISIÈME PARTIE
-
LA GESTION DES EXONÉRATIONS
DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

Les débats parlementaires sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ont principalement porté sur le financement des trente-cinq heures et la création du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " . A cette occasion, votre commission avait dénoncé " la confusion entre politique de l'emploi et financement de la sécurité sociale " .

L'économie générale du dispositif, morcelée entre trois textes différents (loi de financement de la sécurité sociale, loi de finances, loi sur la réduction du temps de travail), était difficilement lisible. De plus, le 13 janvier 2000, dans sa décision sur la loi sur la réduction du temps de travail, le Conseil constitutionnel a annulé la taxe sur les heures supplémentaires, dont le produit -estimé à 7 milliards de francs- représentait plus de 10 % des recettes du Fonds.

Jusqu'à présent, les exonérations de cotisations sociales étaient soit ciblées (et donc incitatives), soit générales dans le cadre de l'abaissement des charges sur les bas salaires.

La réduction du temps de travail -en dehors même du coût financier supplémentaire qu'elle représente 31( * ) - a introduit un mélange des genres en instaurant un mécanisme pérenne d'allégement des charges en contrepartie d'un accord 35 heures. Si la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail (dite loi Aubry I) s'inscrit encore dans un système incitatif et sous conditions, la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (dite loi Aubry II) s'apparente à la juxtaposition d'une contrainte -la RTT- et d'une mesure d'allégement des charges sur les bas salaires. La philosophie des dispositifs d'exonération de cotisations est ainsi profondément modifiée. Cette confusion caractérise désormais non seulement la politique menée, sa mise en oeuvre sur le terrain par les URSSAF et les services déconcentrés du ministère de l'emploi et de la solidarité, mais également son évaluation et son contrôle par le Parlement, à travers une présentation budgétaire (en loi de financement de la sécurité sociale et en loi de finances) particulièrement complexe.

En outre, les aides aux trente-cinq heures et l'équilibre du Fonds de financement ont été conçues dans un contexte financier très particulier : celui du " retour pour les finances publiques ", et singulièrement pour les organismes de protection sociale (UNEDIC et régimes obligatoires de base) 32( * ) . Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, opposait volontiers la ristourne Juppé, dont les effets sur l'emploi étaient incertains, et le mécanisme Aubry I, permettant la comptabilisation administrative " un par un " des emplois créés ou sauvegardés.

Avec le mécanisme Aubry II, cette comptabilisation est définitivement impossible ; mais la théorie du " retour " n'a pas été abandonnée.

Aussi a-t-il paru à votre Commission utile de faire le point sur la façon dont concrètement cette politique était mise en oeuvre et comment ses résultats pouvaient être appréciés.



Déplacements et auditions des rapporteurs

Déplacements sur place

15 février 2000

ACOSS : entretiens avec M. Jean-Louis Buhl, directeur et l'équipe de direction

8 mars 2000

URSSAF d'Arras : entretiens avec M. Michel Dollet, directeur et l'équipe de direction

 

Table ronde avec M. René Miroux de la SA Miroux, M. Claude Dreulle de la société Oldham, M. Alain Huret de la SA Bennes Huret, M. Régis Dhennin, expert comptable Société Secofinord, M. Philippe Daubresse, expert comptable Cabinet Desplanque, M. Gherrbrant, président et M. Chere, directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie d'Arras, et Mme Duhomez, responsable des questions liées à la loi " Aubry II " au sein de cette CCI

Auditions des rapporteurs

Ministère de l'emploi et de la solidarité

15 février 2000

M. Dominique Libault, 5 ème sous-direction de la Direction de la sécurité sociale (DSS)

22 février 2000

Mme Annie Gauvin, M. Xavier Broseta, Mme Claude Scholzen, Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

23 février 2000

M. Claude Seibel, Direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques (DARES)

22 février 2000

M. Didier Banquy, 6 ème sous-direction de la Direction du budget

Auditions dans le cadre de la commission (cf. travaux de la commission)

15 mars 2000

M. Bernard Caron, président et M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS

15 mars 2000

Mme Catherine Barbaroux, délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

I. LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE MÉCANISMES D'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE : UN ENJEU CONSIDÉRABLE POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Il convient de rappeler tout d'abord les raisons du " succès " des exonérations de cotisations de sécurité sociale, devenues le principal instrument de la politique de l'emploi.

A. L'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE EST UN OUTIL SÉDUISANT, PERMETTANT UNE BAISSE IMMÉDIATE DES CHARGES PESANT SUR LES ENTREPRISES

Deux raisons expliquent le succès des exonérations de cotisations de sécurité sociale.

1. Un mécanisme rapide

Par rapport à d'autres mécanismes visant à alléger les charges fiscales et sociales sur les entreprises (primes, aides, exonération fiscale), une exonération de cotisations de sécurité sociale est en elle-même " simple " à mettre en oeuvre.

Pour certaines exonérations, l'entreprise s'applique elle-même le mécanisme. Ainsi, elle n'a pas à supporter de délais d'attente pour être remboursée, ni de demande à instruire auprès des différentes administrations. L'exemple de l'allégement de charges sur les bas salaires (ristourne Juppé) montre le succès d'un mécanisme simple : l'entreprise se borne à renseigner la ligne " réduction bas salaires " sur le bordereau récapitulatif de cotisations (BRC). Elle doit, en outre, mentionner le nombre de salariés concernés et le montant de la réduction.

Certains mécanismes d'exonération nécessitent cependant une déclaration préalable, ou même la signature d'une convention avec un organisme faisant partie du " service public de l'emploi " : soit l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), soit la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

Exemples de formalités différentes

Déclaration préalable URSSAF

Déclaration préalable DDTEFP

Signature d'une convention DDTEFP

Signature d'une convention ANPE

Signature d'une convention DDTEPF - ANPE

- exonération premier salarié

- exonérations Aubry II

- zones de redynamisation urbaine

- exonérations Aubry I

- contrat de qualification

- contrats d'accès à l'emploi si licenciement motif économique dans les six mois précédents ;

- contrats emplois consolidés

- contrats initiative emploi

- contrats d'orientation

2. Un mécanisme universel

Une exonération de cotisations de sécurité sociale est également un mécanisme universel : toute entreprise employant des salariés s'acquitte de cotisations de sécurité sociale, alors qu'il existe nombre d'entreprises payant peu ou pas du tout d'impôts (l'impôt sur les sociétés n'est recouvré qu'à partir d'un seuil, par exemple).

En revanche, l'exonération de charges sociales visant à prendre en compte les difficultés de tel ou tel secteur n'échappe plus au contrôle de la Commission européenne sur les aides publiques à l'emploi. Dans le passé, les pouvoirs publics ont pu considérer qu'une exonération de charges sociales pouvait échapper à ce contrôle, à la différence d'une aide directe.

Le " plan textile " : une exonération de charges sociales
réservée à un secteur d'activité est une aide directe

L'article 99 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) avait institué une exonération spécifique au secteur du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure. Cette exonération, faisant partie du " plan textile ", était applicable sous conditions jusqu'au 31 décembre 1998. Elle portait sur les salaires inférieurs à 1,5 fois le SMIC (au lieu de 1,2, puis 1,33 dans le cadre de la ristourne générale).

Le décret d'application n° 96-572 du 27 juin 1996 fixait la réduction à 734 francs par mois et par salarié pour les salariés rétribués au SMIC, pour diminuer progressivement jusqu'à disparaître pour les salariés rémunérés à hauteur de 1,5 fois le SMIC. Le coût total du dispositif s'élevait à un peu plus de 1,8 milliard de francs.

Conformément à la loi, des accords collectifs de branche ont été signés, ainsi que des conventions cadres relatives à l'emploi, avec chacune des branches professionnelles concernées.

La Commission européenne, dans sa décision 97/811/CE, a considéré que l'aide était illégale, dans la mesure où elle avait été mise en oeuvre avant que la Commission ne se soit prononcée à son sujet.

Le Gouvernement français a considéré que la Commission avait commis une erreur de droit, puisque les aides du plan textile étaient " compensées " ou " neutralisées " par des engagements des entreprises. De fait, seuls les deux tiers des entreprises, représentant une proportion égale de salariés, avaient adhéré au dispositif, le tiers restant estimant que les contreparties exigées par l'Etat étaient trop lourdes.

La Cour de justice des communautés européennes a rappelé, le 5 octobre 1999, sa jurisprudence constante (affaire C-251/97) :

- un dégrèvement partiel des charges sociales incombant aux entreprises d'un secteur industriel particulier constitue une aide au sens de l'article 92, paragraphe I, du Traité (arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709) ;

- le caractère social des interventions étatiques ne suffit pas à les faire échapper d'emblée à la qualification d'aides au sens de l'article 92.

Les conditions de remboursement du plan textile ont été précisées par une circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité et du ministère de l'économie et des finances en date du 31 mars 2000. Seules les entreprises de plus de 50 salariés sont concernées, pour la partie de l'aide perçue au-delà de 656.000 francs (le principe d'interdiction des aides d'Etat ne s'appliquant pas aux aides dont le montant n'excède pas 656.000 francs sur trois ans). L'aide est majorée d'un intérêt moratoire de 6,01 %. Le remboursement, calculé par l'entreprise en tenant compte des allégements dont elle aurait pu éventuellement bénéficier, s'effectue en une seule fois et au plus tard le 1 er juillet 2000, s'il est inférieur à 10.000 francs. Si le montant du remboursement est plus élevé, le paiement peut être échelonné en versements trimestriels prenant fin au plus tard le 1 er avril 2003. Une déclaration dûment remplie doit être adressée à l'URSSAF. A défaut de déclaration, ou en cas d'insuffisance, l'URSSAF évalue forfaitairement à titre de provision les sommes à récupérer.

600 entreprises seraient concernées, pour un montant de 500 millions de francs.

B. LE DÉVELOPPEMENT DES MÉCANISMES D'EXONÉRATION S'EXPLIQUE PAR LA MULTIPLICATION DES OBJECTIFS POURSUIVIS

Un " recensement " des différents mécanismes fait apparaître la diversité des objectifs poursuivis.

1. Les différentes vagues des mécanismes d'exonération

Si le premier mécanisme d'exonération de charges sociales date de 1979, le véritable développement de ces exonérations remonte à une dizaine d'années.

Trois " générations " peuvent être distinguées :

- la première génération (1989-1992) est celle de mécanismes d'exonérations spécifiques, à destination de publics particuliers (chômeurs longue durée, chômeurs âgés, jeunes chômeurs...).

- la deuxième génération (1993-1996) est celle du développement massif et généralisé des exonérations , tout d'abord à travers la loi quinquennale de 1993 et la loi de 1995 instaurant la ristourne unique dégressive. Cette " explosion " est financièrement rendue possible par la loi du 25 juillet 1994, qui instaure le principe de compensation de ces exonérations par le budget de l'Etat : en effet, un développement massif des exonérations sans compensation aurait fortement menacé les finances sociales, déjà mises à mal par la crise économique ;

- la troisième génération (depuis 1996) est centrée autour de la réduction du temps de travail , à travers des dispositifs incitatifs (loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite " loi de Robien ", loi Aubry I et loi Aubry II).

Historique des dispositifs d'exonération de charges sociales

Date

Nom du dispositif

1979

1. Contrat d'apprentissage

2. Soutien à la création d'entreprise (ex Aide à la création et à la reprise d'entreprises)

1984

3. Contrat de qualification

4. Contrat d'adaptation

1987

5. Associations intermédiaires

6. Emploi d'une aide à domicile par une personne âgée ou invalide

1989

7. Exonération premier salarié

8. Contrat de retour à l'emploi (supprimé en 1995 - demeure applicable aux contrats en cours)

1990

9. Contrat emploi-solidarité

1991

10. Contrat d'orientation

1992

11. Contrat emploi consolidé

12. Abattement 30 % pour les emplois à temps partiel

1994

13. Exonération de cotisations d'allocations familiales pour les entreprises nouvelles créées avant le 31.12.1999 et exonérées d'impôt

14. Entreprises d'insertion

15. Structures aide sociale

16. Exonération de cotisations d'allocations familiales pour certains régimes spéciaux de sécurité sociale

17. Emploi d'un jeune à l'étranger

1995

18. Contrat initiative-emploi (CIE) (a remplacé le contrat de retour à l'emploi)

19. Contrats d'accès à l'emploi (DOM)

20. Réduction dégressive bas salaires

21. Réduction dégressive bas salaires majorée pour hôtels, cafés, restaurants

22. Emplois de ville (supprimé au 1.01.1998 - demeure applicable aux contrats en cours)

23. Emploi de salariés occasionnels agricoles

24. Contrats d'insertion par l'activité dans les DOM

1996

25. ARTT de Robien

26. Exonérations de cotisations d'allocations familiales dans les ZRR

27. Exonération de cotisations d'allocations familiales pour les salariés des exploitants agricoles

1997

28. Réduction dégressive bas salaires majorée pour transports routiers " longue distance "

29. Création emplois jusqu'à 50 salariés en ZRR ou en ZRU

30. Exonérations zones franches urbaines

31. Emplois jeunes

32. Zone franche de Corse

1998

33. Aide forfaitaire à la RTT- Aubry I

1999

34. Entreprises de travail temporaire d'insertion

2000

35. Aides 35 heures

2. Une palette très large

Il existe aujourd'hui, selon les comptabilisations, trente-cinq ou trente-six mécanismes différents d'exonération de cotisations de sécurité sociale

Cinq grandes catégories peuvent être distinguées :

a) L'exonération de charges sociales poursuivant un objectif d'allégement du coût du travail

La réduction dégressive sur les bas salaires, instituée en septembre 1995, est le plus important dispositif d'exonération de charges sociales. Fusionné avec l'exonération de cotisations d'allocations familiales le 1 er octobre 1996, ce mécanisme a été pérennisé par l'article 115 de la loi de finances pour 1998, qui a baissé le seuil de 1,33 à 1,3 SMIC.

Cette catégorie comprend également l'exonération premier salarié (dispositif de 1989). Il s'agit d'inciter un travailleur indépendant ou un agriculteur, un gérant d'une entreprise dépourvue de salarié, d'embaucher un salarié. L'exonération est alors de 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale pendant 24 mois (la durée du contrat si CDD). Elle est limitée, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, à la partie de la rémunération égale au SMIC.

Enfin, l'exonération sur l'emploi de salariés occasionnels agricoles est réservée aux salariés occasionnels (au plus 110 jours par an et par employeur) et demandeurs d'emploi d'au moins quatre mois des exploitants agricoles. La réduction est de 58 % des cotisations patronales (hors cotisations d'allocations familiales).

b) L'exonération de charges sociales conditionnée à la réduction du temps de travail

Ces exonérations nécessitent la réduction du temps de travail dans l'entreprise. Elles tendent à " compenser " pour l'employeur le surcoût salarial en résultant.

L'allégement en faveur de l'aménagement et de la réduction conventionnels du temps de travail (loi de Robien), même s'il a été abrogé par la loi du 13 juin 1998, reste en vigueur, pour une durée de sept ans, pour les entreprises conventionnées avant l'entrée en vigueur de la loi Aubry I.

L'aide forfaitaire dégressive à la réduction du temps de travail (loi Aubry I) a une durée limitée à cinq ans.

La réduction élargie sur les bas salaires (loi Aubry II) fusionne la " ristourne Juppé " étendue à 1,8 SMIC et une aide forfaitaire (à raison de 4.000 francs par an et par salarié). Il s'agit d'un dispositif permanent.

L'abattement 30 % pour les emplois à temps partiel est entré en vigueur le 1 er septembre 1992. Cet abattement de 30 % vise les emplois à temps réduit dans les entreprises ayant réduit la durée du travail. Cet abattement est supprimé à compter du 31 décembre 2000 (loi du 19 janvier 2000).

c) L'exonération " sectorisée " visant à prendre en compte les difficultés particulières de tel ou tel secteur

Ces mesures d'exonération sont destinées à prendre en compte les difficultés particulières de tel ou tel secteur d'activité :

- réduction unique dégressive majorée pour les salariés relevant de dispositions particulières en matière de durée du travail (hôtels, cafés, restaurants et transports routiers " longue distance ") ;

- avantages en nature " repas " dans les hôtels, cafés et restaurants : comme le titre restaurant n'est pas utilisé dans ce secteur, les employeurs s'acquittent de cotisations sur la valeur forfaitaire du repas fourni au salarié (2,58 francs par repas et par salarié au 1 er juillet 1999). La réduction forfaitaire a d'abord été de 25 %, puis de 50 %, pour être relevée progressivement à 100 %.

Il convient de mentionner également les exonérations à destination du secteur agricole :

- exonérations de cotisations d'allocations familiales pour les salariés des exploitants agricoles ;

- réduction de cotisations pour les jeunes exploitants agricoles (article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, pérennisant et étendant un mécanisme de nature réglementaire institué en 1985) .

Entre également dans cette catégorie l' exonération de cotisations d'allocations familiales pour certains régimes spéciaux de sécurité sociale .

On peut enfin mentionner les exonérations qui s'attachent à la qualité de l'employeur : l'emploi d'une aide à domicile par une personne âgée (plus de 70 ans) ou invalide (justifiant des conditions d'attribution de la prestation dépendance) ou ayant des enfants handicapés.

Les associations et organismes employant une aide à domicile auprès d'une personne âgée ou invalide bénéficient d'une exonération de 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale sur la partie de la rémunération versée au titre de l'activité réellement effectuée auprès du public visé.

d) L'exonération de charges sociales ciblée sur des publics particuliers poursuivant un objectif d'insertion sociale

Ces exonérations visent à " changer la file d'attente " du marché du travail, en avantageant l'embauche en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de " publics " dont " l'employabilité " est limitée.

Plusieurs " publics " font l'objet de mesures d'exonération :

- les moins de 26 ans ;

- les demandeurs d'emploi de longue durée ;

- les chômeurs âgés.

Les contrats visant à qualifier les jeunes

Les exonérations sont, en général, de 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite du SMIC et du nombre d'heures effectuées 33( * ) .

Le contrat d'apprentissage est un contrat à durée déterminée (CDD) de un à trois ans, qui s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, préparant un diplôme de niveau V ou IV en alternance, employés par des entreprises artisanales, industrielles, commerciales, libérales et agricoles, et à titre expérimental, depuis 1992, par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics administratifs.

Le contrat de qualification est un CDD de six à vingt-quatre mois, destiné aux jeunes de 16 à 25 ans, sans qualification ou n'ayant pas pu obtenir un emploi, qui suivent une formation en alternance auprès d'un employeur privé. Le contrat de qualification a été étendu aux adultes, à titre expérimental, jusqu'en 2000. L'exonération est de 100 % des cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite du SMIC.

Le contrat d'orientation est destiné aux jeunes de 16 à 22 ans non diplômés de l'enseignement technique, ou ayant suivi un second cycle de l'enseignement général sans diplôme (CDD d'au plus six mois auprès d'un employeur du secteur privé), ainsi qu'aux moins de 25 ans diplômés de l'enseignement secondaire général, mais non diplômés de l'enseignement technique et ayant abandonné leurs études supérieures sans diplôme du premier cycle (CDD d'au plus neuf mois auprès d'un employeur du secteur privé).

Les contrats visant à l'insertion dans le secteur marchand

Le contrat initiative-emploi (CIE) s'adresse aux demandeurs d'emploi de longue durée (douze mois au moins), titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI), travailleurs handicapés, bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), chômeurs âgés de plus de 50 ans demandeurs d'emploi depuis trois mois ou en congé de conversion, bénéficiaires de l'allocation veuvage, jeunes de 18 à 25 ans sans qualification ou au sortir du service national. L'embauche peut se faire sous la forme d'un CDI ou d'un CDD (douze à vingt-quatre mois).

Le contrat de retour à l'emploi concernait les chômeurs âgés de plus de 50 ans et demandeurs d'emploi depuis plus d'un an ou percevant le RMI et sans emploi depuis un an. Cette mesure emploi demeure applicable pour les contrats conclus avant le 1 er juillet 1995.

Les entreprises d'insertion disposent d'une exonération, visant à insérer dans le secteur marchand des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières (CDD renouvelables deux fois dans la limite de vingt-quatre mois).

Les entreprises de travail temporaire d'insertion bénéficient de la même exonération depuis la loi du 29 juillet 1998.

L'aide à la création et à la reprise d'entreprises (ACRE) est réservée également à des publics particuliers (chômeurs, bénéficiaires du RMI, etc.). Elle est subordonnée à l'accord d'un comité départemental, chargé d'apprécier la viabilité du projet.

Les contrats visant à l'insertion dans le secteur non marchand

Le contrat emploi-solidarité (CES) est un CDD à temps partiel (20 heures par semaine), à destination des mêmes publics que le contrat initiative-emploi, mais employés par les collectivités territoriales, les personnes morales de droit public, les associations, etc. L'exonération est de 100 % dans la limite des 20 heures et du SMIC.

Le contrat emploi consolidé a pris la suite logique du CES, s'adressant au même public, quelque peu élargi, et augmentant la durée minimum de travail à 30 heures.

Les emplois de ville constituaient le pendant des CES pour les jeunes de 18 à 25 ans sans qualification résidant dans les zones urbaines sensibles.

Des exonérations sont également prévues afin de faciliter l'embauche dans des structures très particulières, agréées par nature ou conventionnées par la DDTEFP. Les personnes bénéficiaires de l'aide sociale connaissant de graves difficultés et travaillant dans des structures agréées au titre de l'aide sociale ou assimilées par arrêté (communautés d'Emmaüs) font bénéficier ainsi d'une exonération de 100 %.

Les associations intermédiaires bénéficient également d'une exonération de 100 % des cotisations patronales dans la limite de 750 heures par salarié et par an. Le public visé est identique à celui des entreprises d'insertion et de travail temporaire d'insertion.

e) L'exonération de charges sociales " localisée ", poursuivant un objectif d'aménagement du territoire

L'exonération de cotisations d'allocations familiales pour les entreprises nouvelles créées avant le 31 décembre 1999 et exonérées d'impôts a été instituée par la loi du 20 décembre 1993. Elle est totale pour les rémunérations inférieures à 1,5 SMIC, et de moitié entre 1,5 et 1,6 SMIC.

L'exonération de cotisations d'allocations familiales dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) est calculée selon les mêmes règles.

L'exonération de cotisations patronales joue pour les créations d'emplois jusqu'à 50 salariés en ZRR ou en zone de redynamisation urbaine (ZRU). Elle est limitée à une durée de douze mois.

Pour les zones franches urbaines (ZFU) , l'exonération est de 100 % des cotisations patronales, du FNAL et du versement transport, dans la limite du SMIC. L'aide durera cinq ans à compter du 1 er janvier 1997 ou de l'implantation en ZFU ou à compter de l'embauche effectuée entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 2001.

L'exonération s'appliquant à la zone franche de Corse est dégressive selon le montant de la rémunération mensuelle. Cette mesure, entrée en vigueur au 1 er janvier 1997, est applicable pendant cinq ans.

Le contrat d'accès à l'emploi est applicable aux DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est quasiment l'équivalent du contrat initiative-emploi.

L'exonération des entreprises des secteurs de production des DOM , entrée en vigueur le 1 er octobre 1994 et applicable jusqu'au 31 décembre 1999, concerne les établissements situés dans un DOM ou à Saint-Pierre-et-Miquelon dont l'activité (code APE) relève de l'agriculture, de la pêche, de l'industrie, de l'hôtellerie, de la presse ou de la production audiovisuelle.

Le contrat d'insertion par l'activité dans les DOM concerne les allocataires du RMI, conjoint ou concubin, dépendant des agences départementales d'insertion mises en place dans chaque DOM. L'agence peut employer directement ces personnes, ou les mettre à disposition d'utilisateurs (organismes pouvant conclure des CES) pour des tâches d'utilité sociale.

C. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE REPRÉSENTENT UNE " RECETTE " NON NÉGLIGEABLE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE

L'enjeu financier des exonérations a pris une véritable ampleur depuis la création du mécanisme de la ristourne dégressive ; le " bloc " remboursé par le " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " représente désormais 65 % du montant global des exonérations de charges.

1. Les cotisations " effectives " : une appellation trompeuse

Les exonérations de cotisations représentent pour la sécurité sociale des pertes de recettes. Elles sont traitées -même si l'appellation est trompeuse- dans la catégorie " cotisations effectives " des prévisions de recettes de la loi de financement.

Le Parlement adopte, depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, des " prévisions de recettes par catégorie des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement ". Quatre catégories principales ont été distinguées depuis 1996 :

- la catégorie " cotisations effectives " ;

- la catégorie " cotisations fictives " ;

- la catégorie " impôts et taxes " ;

- la catégorie " contributions publiques ".

Les exonérations compensées apparaissent non pas dans la catégorie " contributions publiques " (où l'on retrouve les subventions d'équilibre aux régimes spéciaux, mais également le remboursement de l'allocation adulte handicapé (AAH) et de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS)), mais dans la catégorie " cotisations effectives ".

Votre commission avait soulevé ce problème dans le rapport d'information " Les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible " 34( * ) .

Extrait du rapport de M. Charles Descours
" Les lois de financement de la sécurité sociale ", 1999, p. 93-94.

La Cour des comptes, dans son rapport 1997, proposait au Gouvernement " d'étudier une présentation (...) faisant apparaître séparément les cotisations (sociales) réellement encaissées et les compensations d'exonérations " . La ministre de l'emploi et de la solidarité, répondant à une question de notre collègue M. Emmanuel Hamel, indiquait : " La présentation actuelle comptabilise en effet en cotisations les exonérations prises en charge par l'Etat et les régimes de sécurité sociale, et cela serait, selon la Cour des comptes, " source de confusion ". Cette proposition est actuellement à l'étude, car il est vrai que cette présentation introduit souvent une vision erronée de la structure du financement de la sécurité sociale. La part importante des cotisations dans les ressources de la sécurité sociale ne doit pas cacher qu'en réalité depuis une décennie la part de cotisations à la charge des employeurs a fortement baissé au profit d'un financement par le budget de l'Etat sous forme de " prise en charge de cotisations ". Toutefois la suggestion de la Cour appelle deux remarques. D'une part, la présentation actuelle est conforme aux normes internationales de comptabilité nationale, et, malgré ses inconvénients, elle a le mérite de garantir les comparaisons internationales sur la base de concepts standardisés. Il s'agit bien de " cotisations " prises en charge, calculées pour chaque cotisant, et non de transferts globaux comme le sont les flux de compensation ou les subventions.

D'autre part, la présentation actuellement retenue, tant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale que dans l'annexe de la loi de financement de la sécurité sociale, distingue clairement les cotisations payées effectivement par les assurés et les employeurs, et les cotisations prises en charge par l'Etat et les régimes de sécurité sociale. Seule l'annexe
[sic] de la loi de financement de la sécurité sociale agrège l'ensemble de ces cotisations en une ligne " cotisations effectives " et pourrait faire l'objet d'une présentation améliorée. "

Le détail de cette catégorie de recettes est précisé à l'annexe d) du projet de loi de financement :

Présentation des cotisations effectives 1998-2000 (ensemble des régimes) avant la discussion du PLFSS 2000

 

1998

1999

2000

Cotisations effectives :

1.050.535

1.073.570

1.113.855

- des actifs

972.506

995.464

1.016.699

Cotisations patronales des salariés

708.114

736.495

749.077

Cotisations salariales des salariés

202.648

195.851

203.144

Cotisations des actifs non salariés

61.744

63.118

64.478

- des inactifs

5.935

5.077

4.926

Cotisations sur revenus de remplacement

5.047

3.670

3.721

Cotisations des autres inactifs

888

1.408

1.205

- d'assurance personnelle

1.349

1.391

1.070

- prises en charge par l'Etat et le FOREC

62.748

64.898

83.908

- prises en charge par la sécurité sociale

7.797

6.739

7.251

- autres cotisations effectives

0

0

0

Source : annexe d) PLFSS 2000, p. 9.

L'expression " cotisations prises en charge par la sécurité sociale " peut également induire en erreur : il ne s'agit pas des exonérations de cotisations non compensées par l'Etat, mais principalement des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux (PAM), prises en charge par les régimes d'assurance maladie.

La loi du 25 juillet 1994 a prévu la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de cotisations de sécurité sociale décidées à compter de l'entrée en vigueur de la loi (article L. 131-7 du code de la sécurité sociale). Cette mesure souhaitée par votre commission constitue un acquis essentiel dans la transparence des comptes Etat - sécurité sociale. Les " cotisations effectives " trouvent en loi de finances leur pendant exact, c'est-à-dire des dépenses budgétaires inscrites au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité 35( * ) .

Par ailleurs, des exonérations de cotisations de sécurité sociale -correspondant à des mesures antérieures à 1994- restent non compensées, pour un montant prévu de 18,9 milliards de francs en 2000. Ces exonérations n'apparaissent pas dans les " recettes " de la loi de financement.

Exonérations non compensées - prévisions pour 2000

CES

2.903

CES consolidés

2.139

Contrats d'orientation

28

CRE

23

Embauche premier salarié

2.864

Emplois familiaux (exonérations emplois familiaux, chèque emploi-service, aide à domicile)


7.400

Abattement temps partiel

3.100

Autres

500

Total

18.957

Selon le rapport de la Commission des comptes de mai 2000, ces exonérations seraient en progression depuis 1997, en raison principalement du développement des exonérations au titre des emplois familiaux et des associations intermédiaires.

Exonération de cotisations non compensées
1997-2000

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000

16,3

17,4

18,5

19,0

Source : CCSS mai 2000

2. La création du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " : un bouleversement des règles comptables

Le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ", qui répond à l'abréviation de " FOREC ", a pour but de rembourser aux régimes de sécurité sociale les exonérations de charges sociales liées :

- à la ristourne bas salaires, " étendue " en cas d'accord 35 heures ;

- aux allégements incitatifs de la loi Aubry I ;

- à l'allégement structurel ou forfaitaire de la loi Aubry II.

On notera que le périmètre du fonds ne repose pas sur une philosophie très précise ; il ne retrace pas l'exhaustivité des allégements de charges conditionnées à la réduction du temps de travail, puisque l'allégement de Robien reste en loi de finances.

Ce Fonds est financé par un conglomérat de différentes impositions et une contribution de l'Etat.

" L'équilibre " en 2000 du fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales

Recettes

 

Dépenses

 

Droits sur les tabacs

39.500

Ristourne bas salaires

39.500

Taxe générale sur les activités polluantes

3.250

Extension ristourne bas salaires

7.500

Contribution sociale sur les bénéfices

4.250

Allégements incitatifs Aubry I

11.500

Droits sur les alcools

5.600

Allégement forfaitaire Aubry II

6.000

Contribution de l'Etat

4.300

 
 

Taxe sur les heures supplémentaires

(p.m. : annulée par le Conseil constitutionnel)

7.000

 
 

TOTAL

56.900

 

64.500

Conséquence de la création de ce fonds, les 40 milliards de francs correspondant à la compensation de la ristourne bas salaires " disparaissent " du budget de l'Etat. Ainsi, ce qui était auparavant traité comme une dépense du budget de l'Etat devient une recette de la sécurité sociale .

La création du " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " a eu pour conséquence de modifier profondément le traitement comptable des exonérations de charges sociales.

Cette modification n'est intervenue qu'en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, a fait remarquer opportunément au Gouvernement que le fonds était un " organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base " au sens du 3° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. La première mouture de l'article fixant les prévisions de recettes était contraire à la loi organique du 22 juillet 1996.

Prévisions de recettes par catégorie de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

(en milliards de francs)

Catégorie de recettes

Montant

PLFSS

2000 initial

Modifications comptables

Montant PLFSS 2000 corrigé

Cotisations effectives

1.106,6

désagrégation du bloc " cotisations prises en charge par l'Etat " : les recettes du FOREC apparaissent en " impôts et taxes "

1.043,7

Cotisations fictives

201,5

 

200,7

Contributions publiques

62,8

intégration " contribution Etat " au FOREC

68,8

Impôts et taxes affectés

461,8

intégration fiscalité affectée au FOREC

516,8

Transferts reçus

4,7

 

4,7

Revenus des capitaux

1,7

 

1,7

Autres ressources

34,1

intégration versement Caisse des Dépôts

37,1

Total des recettes

1.873,2

 

1.873,5

Dès lors, les recettes du fonds ont été comptabilisées dans les prévisions de recettes de la loi de financement.

Les exonérations de cotisations sont désormais éclatées en trois catégories :

- les impôts et taxes affectés au fonds apparaissent désormais dans la catégorie " impôts et taxes affectés " ;

- la " contribution " de l'Etat fait désormais partie de la catégorie " contributions publiques " ;

- le reste des exonérations de cotisations demeure dans la catégorie " cotisations effectives ".

Au regard des finances publiques, six cas de figures existent :

Exonérations des cotisations et finances publiques

 

Loi de financement

Loi de finances

Exonérations de cotisations non compensées

non mentionné

non mentionné

Exonérations de cotisations compensées (cas général)

Catégorie cotisations effectives (sous rubrique : prises en charge par l'Etat)

Inscrites en dépenses

chapitres budgétaires 45-70, 44-70, 44-77

Exonérations de cotisations ristourne bas salaires + RTT

Catégorie Impôts et taxes

Catégorie Contributions publiques

non mentionné

Inscrite en dépenses chapitre 44-77 budgétaire

Le contrôle du Parlement est également " éclaté " :

- il vote l'autorisation de percevoir les impôts et taxes -même celles affectées au FOREC- en loi de finances ;

- il vote les dépenses budgétaires correspondant aux chapitres ;

- il vote les " lignes de recettes " de la loi de financement, les exonérations figurant sur trois lignes différentes.

Le montant des exonérations compensées représenterait 80 milliards de francs en 2000 (pour le seul régime général).

Exonérations compensées

(Source : CCSS septembre 1999)

 

2000
tous régimes

2000
Régime général

Contrat d'apprentissage

4.721

3.678

Contrat de qualification jeune

2.660

2.554

CIE

4.517

4.336

CRE

65

61

Allégement bas salaires et RTT

66.000

63.000

ARTT loi de Robien

3.053

2.931

Contrat de qualification adulte

397

381

Zones franches urbaines

940

940

Zones urbaines et zones rurales

390

195

Zones franches Corse

300

288

Exonérations HCR

350

350

Exonérations AF

386

371

Travailleurs indépendants

15

0

Correspondants locaux de presse

1

0

Insertion par l'économique

non précisé

non précisé

Secteurs de production dans les DOM

1.000

1.000

Total

84.795

80.084

Les dispositifs d'exonération en loi de finances se retrouvent dans trois chapitres budgétaires différents : les chapitres 43-70 (Financement de la formation professionnelle), 44-70 (Dispositifs d'insertion des publics en difficulté) et 44-77 (Compensation de l'exonération des cotisations sociales).

Mesures d'exonération compensées par l'Etat inscrites en loi de finances

 

Loi de Finances 2000
(vert budgétaire)

Contrat d'apprentissage

4.721

Contrat de qualification jeune

2.660

CIE

4.517

CRE

65

Allégement RTT

4.300

ARTT loi de Robien

2.720

Contrat de qualification adulte

397

Zones franches urbaines

900

Zones urbaines et zones rurales

356

Zones franches Corse

300

Exonérations HCR

350

Exonérations AF

460

Travailleurs indépendants

15

Correspondants locaux de presse

1

Insertion par l'économique

381

Secteurs de production dans les DOM

1.000

Total

23.143

Source : Budget voté de 2000 - Emploi et solidarité - I - Emploi

Dénommé en loi de financement " contribution de l'Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales ", le versement de l'Etat de 4,3 milliards de francs prend une tout autre appellation en loi de finances : " exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail ".

Bel exemple d'illisibilité des comptes publics.

L'évaluation de cette contribution (4,3 milliards de francs) correspond aux " retours " pour les finances de l'Etat de la création d'emplois liée aux trente-cinq heures. Une clef de répartition avait, en effet, été définie par le ministère de l'économie et des finances.

Clef de répartition des " retours " pour les finances publiques

UNEDIC

50 %

Sécurité sociale

32 %

Etat

18 %

La contribution de l'UNEDIC, ainsi que la contribution des régimes sociaux ayant été abandonnées, la contribution de l'Etat reste ainsi " orpheline ", perdant toute signification.

La répartition par chapitre budgétaire

Deux logiques différentes président à l'établissement des chapitres budgétaires :

- une logique " fonctionnelle ", regroupant par objectif les crédits du ministère : les exonérations de cotisations font alors partie d'un ensemble plus vaste où l'on retrouve également les dépenses directes assurées par l'Etat ;

- une logique " institutionnelle ", isolant les exonérations de cotisations de sécurité sociale.

Les chapitres 43-70 et 44-70 rendent compte de la logique " fonctionnelle ", tandis que le chapitre 44-77 est consacré exclusivement à des exonérations de cotisations de sécurité sociale.

L'existence des lois de financement de la sécurité sociale plaide pour que la logique " institutionnelle " soit retenue, par un regroupement des exonérations de cotisations dans un seul chapitre budgétaire, correspondant à la ligne prévue à cet effet à l'annexe d) du projet de loi de financement.

Le chapitre 43-70 (Financement de la formation professionnelle) finance notamment les exonérations liées aux contrats d'apprentissage, aux contrats de qualification jeunes et aux contrats de qualification adultes.

Le chapitre 44-70 (Dispositifs d'insertion des publics en difficulté) est constitué pour partie des exonérations liées aux contrats initiative-emploi, à l'insertion par l'économique (entreprises d'insertion, associations intermédiaires et entreprises d'intérim insertion), et aux contrats de retour à l'emploi.

Le chapitre 44-77 (Compensation de l'exonération des cotisations sociales) finance la " contribution " de l'Etat au fonds de financement, les exonérations de Robien, les exonérations zones rurales, zones urbaines et zones franches, les exonérations spécifiques à la zone franche Corse, les exonérations prévues pour les correspondants locaux de la presse régionale ou départementale, les exonérations au titre de l'article L. 241-14 (hôtels, cafés, restaurants), les exonérations liées aux secteurs de production dans les DOM, les exonérations de cotisations d'allocations familiales, les exonérations prévues pour les travailleurs indépendants créant ou reprenant une activité...

Les mesures emploi sont " évaluées ", dans des conditions qui apparaissent parfois plus " politiques " que réellement " statistiques ". Il apparaît difficile d'évaluer la montée en charge, le succès ou le demi-échec de tel ou tel dispositif. L'exemple désormais célèbre est celui de la ristourne bas salaires, dont le succès en 1997 a surpris le ministère de l'emploi et de la solidarité 36( * ) .

La prévision des dépenses du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " a été probablement très généreuse, ce qui explique l'absence de disposition prise par le ministère de l'emploi et de la solidarité à la suite de la disparition, pour cause d'inconstitutionnalité, de la taxe sur les heures supplémentaires.

Les informations transmises par l'ACOSS en février 2000, si elles correspondent au montant global prévu par les lois de finances et de financement (80 milliards de francs), sont parfois, dans le détail, sensiblement différentes.

Exonérations compensées du régime général en 2000

 


(source ACOSS - février 2000)


(source CCSS -septembre 1999)

Contrat d'apprentissage

3.913

3.678

Contrat de qualification jeune

2.562

2.554

CIE

4.551

4.336

CRE

85

61

Allégement bas salaires et RTT

61.315

63.000

ARTT loi de Robien

3.100

2.931

Contrat de qualification adulte

non précisé

non précisé

Zones franches urbaines

1.261

940

Créations d'emploi en ZRR

245

195

Créations d'emploi en ZRU

85

 

Zone franches Corse

285

288

Exonérations HCR

350

350

Exonérations AF

451

371

Insertion par l'économique

381

non précisé

Exonérations DOM

1.313

1.000

Total

80.022

79.704

L'écart le plus significatif est relatif aux allégements bas salaires et RTT (presqu'1,7 milliard de francs d'écart).

On remarquera aussi l'incertitude liée à l'exonération de Robien ; l'ACOSS l'estime à 3,1 milliards de francs pour le seul régime général, alors que la loi de finances n'a finalement prévu que 2,72 milliards de francs (cf. vert budgétaire).

Enfin, le montant des exonérations " Insertion par l'économique " (381 millions de francs selon l'ACOSS) n'a pas été précisé par le rapport fourni à la Commission des comptes de septembre 1999.

Le total des exonérations prises en charge et non prises en charge avoisine pour la première fois le montant de 100 milliards de francs.

Exonérations prévues en 2000 (régime général)

- Cotisations prises en charge par l'Etat

17.200 + 4.300 = 21.500

- Cotisations prises en charge par le FOREC

63.000 - 4.300 = 58.700

- Cotisations non prises en charge

19.000

TOTAL

99.200

N.B. : La " contribution de l'Etat au FOREC " a été individualisée.

II. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS : UNE GESTION COMPLEXE POUR LES URSSAF ET POUR LES ENTREPRISES

Le coût de gestion, à la fois pour les URSSAF et les entreprises, de trente-cinq mécanismes différents d'exonération de charges sociales, est loin d'être neutre. Mais, au-delà du nombre sans doute trop important de mécanismes, la complexité résulte également de la différence des techniques utilisées.

A. LES MÉCANISMES D'EXONÉRATION SONT PARTICULIÈREMENT COMPLEXES

Très peu de mécanismes d'exonération ont été supprimés depuis leur entrée en vigueur. La logique est -comme l'explique M. Bernard Caron, président de l'ACOSS- celle d'une " superposition de strates successives ".

1. Des règles de gestion complexes et modifiées de manière incessante

a) Une évaluation insuffisante des contraintes de gestion

Les gestionnaires ne sont que très peu associés à la conception des mécanismes d'exonération. Les études d'impact accompagnant les projets de loi, qui doivent normalement insister sur les modifications juridiques et organisationnelles des dispositions présentées, apparaissent lacunaires.

En effet, elles ne se préoccupent pas des coûts de gestion des mesures d'exonération.

La lecture des deux études d'impact annexées au projet de loi d'orientation et d'incitation sur le temps de travail (loi future Aubry I) et du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (loi future Aubry II) est tout à fait édifiante.

Le première ne mentionne en aucune façon le rôle des organismes de recouvrement. Tout se passe comme s'il s'agissait d'aides directement versées par l'Etat.

La seconde décrit davantage le mécanisme d'allégement des charges, en expliquant qu'il s'appuie " sur la base d'une déclaration adressée aux organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale " (art. 12 du projet de loi - point 4 - " Impact en termes des formalités administratives "). Les conséquences en termes de " complexité de l'ordonnancement juridique " sont ainsi évaluées : " La réforme n'a pas de conséquence particulière en termes de complexité de l'ordonnancement juridique " .

Les différents textes qui se sont succédé depuis la parution de la loi au Journal Officiel, décrets d'application, circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité du 3 mars 2000, circulaire de l'ACOSS du 29 mars 2000 montrent -a minima- l'inverse.

Par ailleurs, il n'existe pas d'unité de " conception " des mécanismes d'exonération, même si la Délégation générale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle joue un rôle important. Par exemple, une exonération " DOM-TOM " sera conçue par l'administration en charge des DOM-TOM ; une exonération " travailleurs non salariés " sera conçue par l'administration en charge du commerce et de l'artisanat, une exonération " exploitants agricoles " par le ministère de l'agriculture, etc.

L'administration qui " conçoit " la mesure n'est pas celle qui assumera la gestion de la mesure. Dès lors, elle est peu incitée à rechercher la simplicité.

b) Une modification incessante des dispositifs

La gestion de ces différents mécanismes par les URSSAF nécessite de connaître parfaitement le droit en vigueur (législation, réglementation), particulièrement évolutif. L'ACOSS actualise, tous les trois mois, un classeur juridique permettant à chaque URSSAF de disposer d'une réglementation identique et à jour.

Votre rapporteur, lors de son déplacement à l'ACOSS le 15 février 2000, a pu constater que ce classeur était d'une taille tout à fait respectable.

La " frénésie " législative et réglementaire :
l'exemple de l'abattement temps partiel

Cette mesure est régie successivement par les textes suivants :

- Loi du 31 décembre 1992

- Décret du 22 février 1993

- Loi du 20 décembre 1993

- Décret du 31 décembre 1993

- Décret du 5 avril 1994

- Décret du 30 août 1994

- Loi du 19 janvier 2000

L'abattement est d'abord de 30 % (du 1 er septembre 1992 au 31 décembre 1992), puis de 50 % (du 1 er janvier 1993 au 7 avril 1994), puis de nouveau de 30 % (à compter du 8 juin 1994).

c) Des règles de cumul particulièrement subtiles

Le casse-tête de la gestion des mécanismes d'exonération, pour les URSSAF et pour les entreprises, tient pour beaucoup aux règles de cumul ou de non-cumul.

Certains mécanismes d'exonération sont cumulables avec un autre dispositif. D'autres dispositifs sont exclusifs de toute autre mesure d'exonération.

Exemples de mécanismes cumulables et non cumulables

Mécanismes cumulables

Mécanismes non cumulables

- ristourne dégressive bas salaires (avec abattement temps partiel et allégements RTT " de Robien ", " Aubry I ", " Aubry II "

- Aubry I (avec réduction bas salaires et exonération afférente au CIE)

- CIE (sauf aide forfaitaire RTT)

- CES

- CEC

d) Une complexité dommageable, pouvant induire en erreur les entreprises et les administrations

Du côté des entreprises, celles-ci peuvent parfaitement ignorer qu'elles remplissent les conditions pour obtenir une exonération de charges sociales. L'URSSAF peut jouer alors un rôle de " conseil ", à rebours de sa mission traditionnelle de recouvrement.

En sens inverse, les entreprises peuvent s'appliquer, en toute bonne foi, une exonération à laquelle elles n'ont pas droit.

Pour certaines exonérations, soumises à un agrément administratif, les services déconcentrés donnent un " feu vert " qui s'avère parfois inapproprié. L'URSSAF -ne pouvant pas infirmer cette décision- se contente alors de le signaler à la direction départementale concernée.

2. Les rares dispositifs supprimés n'apportent pas de simplification à court et moyen termes

Lorsqu'une disposition législative introduisant une mesure d'exonération revient sur une ancienne mesure d'exonération, les dispositifs restent en vigueur pour les " contrats en cours ".

Les dispositifs supprimés en " flux " demeurent en vigueur

 

En vigueur de... à ...

Date d'extinction

ARTT de Robien

octobre 1996- juin 1998

16 juin 2005

Aide forfaitaire RTT Aubry I

juin 1998 - 1 er janvier 2000 (pour les entreprises de plus de 20 salariés)

demeure en vigueur pour les entreprises de moins de 20 salariés et les entreprises nouvelles (jusqu'au 1 er janvier 2002)

1 er janvier 2005

(pour les entreprises de plus de 20 salariés)

1 er janvier 2007

(entreprises de moins de 20 salariés et entreprises nouvelles)

Contrat de retour à l'emploi

janvier 1990 - juillet 1995

(remplacé par CIE)

théoriquement 2005

(demeure applicable aux contrats en cours (chômeurs âgés de + 50 ans et demandeurs d'emploi depuis plus d'un an ou percevant le RMI depuis plus d'un an)

Emplois de ville

mesure expérimentale de janvier 1995 à juin 1996

pérennisée en 1996

supprimée au 1 er janvier 1998

demeure applicable aux contrats en cours

1 er janvier 2003

Abattement temps partiel

cesse d'être applicable au 31 décembre 2000 (ou 31 décembre 2002) pour les embauches réalisées à compter du 1 er janvier 2000 (+ 20 salariés) ou 1 er janvier 2002 (- 20 salariés)

demeure applicable aux contrats en cours

théoriquement 2044

Dès lors, la suppression d'un dispositif n'a que peu d'effets à court et moyen termes sur la simplification.

3. Des techniques d'exonération différentes

Les techniques d'exonération sont variables selon les dispositifs. L'exonération peut porter sur une assiette différente : soit les cotisations patronales seules, soit les cotisations, le versement transports (VT) et la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL), c'est-à-dire l'ensemble des charges recouvrées par les URSSAF. L'exonération peut porter sur un seul risque (cotisations d'allocations familiales). L'exonération peut être calculée par une réduction du taux de cotisation, ou grâce à une formule mathématique.

Exemples de techniques différentes

Abattement forfaitaire

- de Robien

- Aubry I

- Hôtels cafés restaurants

Abattement proportionnel

- Abattement temps partiel et abattement pour les emplois à temps réduit dans les entreprises ayant réduit la durée du travail (30 % des cotisations patronales de sécurité sociale)

- Emploi de salariés occasionnels agricoles (58 % des cotisations hors cotisations allocations familiales, 75 % pour certaines activités maraîchères)

Exonérations limitées aux cotisations d'allocations familiales

- Salariés des exploitants agricoles (selon montant mensuel de la rémunération)

- Régimes spéciaux (selon montant mensuel de la rémunération)

Exonérations limitées à une partie du salaire

- Exonération premier salarié (SMIC)

- Ristourne Juppé (1,3 SMIC)

Exonérations au-delà des cotisations de sécurité sociale

- Contrat d'apprentissage (également chômage, retraite complémentaire, CSG, CRDS, FNAL, VT, taxe sur les salaires pour entreprises artisanales d'au plus 10 salariés)

- Zones franches urbaines (également FNAL, VT)

- Emploi d'une aide à domicile par une personne âgée ou invalide (également FNAL)

Ces techniques obéissent à des logiques d'expérimentation permanente. Les concepteurs des mécanismes d'exonération de charges sociales, soumis à l'impératif de réduire le chômage, rivalisent d'ingéniosité.

Certains dispositifs ont été adoptés pour une durée limitée, d'autres sont applicables de manière permanente.

Des dispositifs à durée variable

Dispositifs à durée limitée

Dispositifs permanents

- exonération premier salarié (31 décembre 2001)

- zones franches urbaines (1 er janvier 2002)

- zone franche de Corse (1 er janvier 2002)

- ristourne dégressive

- loi Aubry II

Enfin, des dispositifs d'exonération ne s'appliquent à des contrats que pour une durée limitée.

Par exemple, l'exonération premier salarié ne joue que pour vingt-quatre mois s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée, dix-huit mois s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée. Ou encore, l'exonération relative aux zones de redynamisation urbaine n'est effective que pour les douze premiers mois du contrat.

B. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS NÉCESSITENT UN SUIVI ET UN CONTRÔLE RIGOUREUX PAR LA BRANCHE DU RECOUVREMENT

1. Le traitement des exonérations de cotisations

L'utilisation d'outils informatiques permet une amélioration du contrôle des exonérations de cotisations par la branche du recouvrement.

a) Le traitement comptable : le système RACINE

Les URSSAF enregistrent dans le système informatique et comptable RACINE les " manques à gagner " liés aux exonérations. RACINE comptabilise les exonérations par type de mesures et par branche (maladie, accidents du travail, vieillesse, famille). Deux types d'éléments sont traités en dehors du système RACINE :

- le contrat d'apprentissage, géré par un logiciel spécifique (CONTRAP), du fait de l'absence totale de cotisations dues par l'employeur ;

- les mesures emploi concernant des organismes divers, comme la pêche maritime ou la Caisse nationale de compensation de cotisations de sécurité sociale des voyageurs représentants et placiers à cartes multiples (CCVRP).

Tous les mois, les URSSAF transmettent leur balance comptable à l'ACOSS qui les centralise et -selon sa propre terminologie- " notifie aux branches leurs encaissements du mois, y compris les mesures faisant l'objet d'une exonération " . Les exonérations sont ainsi " transparentes " pour les branches du régime général, puisque la notification concerne non seulement les cotisations réellement encaissées, mais également les recettes qui auraient dû être encaissées . L'ACOSS, par le mécanisme de la compensation budgétaire, est remboursée de cette " avance " aux branches.

Gestion dans RACINE des exonérations des cotisations sociales

Le coût de l'exonération est calculé d'après les données figurant sur les bordereaux récapitulatifs de cotisations renseignés par les employeurs.

Les divers dispositifs sont tous différenciés par des codes type personnel particuliers désignant la nature de la mesure.

Pour certains dispositifs (1) les cotisations restant dues par les entreprises sont mentionnées, tandis que pour d'autres dispositifs (2) , l'entreprise renseigne la déduction à apporter au calcul des cotisations.

(1) Ne figurent sur le bordereau que les cotisations effectivement dues. Il s'agit notamment de l'apprentissage, des contrats de qualification, des contrats de retour à l'emploi. Une des tables RACINE (table de répartition des produits) associe aux données relatives aux cotisations dues par l'entreprise (contribution FNAL dans le cadre d'apprentissage) un code associé permettant de calculer les cotisations prises en charge (par exemple, dans le cadre de l'apprentissage = l'intégralité des cotisations ouvrières et patronales de sécurité sociale). En fin de mois, l'agrégation de ces données est retracée dans les balances comptables dans des comptes désignant par mesure les montants calculés pour chaque branche du régime général.

(2) Ces mesures donnent lieu à une ligne soustractive sur le bordereau : il s'agit des dispositifs les plus récents : ristourne dégressive sur les bas salaires (loi de Robien, loi Aubry, etc.). Les cotisations figurent sur le bordereau avant déduction, un pavé soustractif en fin de déclaration représente le montant de l'exonération. Aucune répartition par branche n'est faite au niveau de la déclaration. Ultérieurement, et par programme, la déduction est répartie entre les branches d'après la structure des cotisations patronales figurant sur le bordereau. Les URSSAF ont la possibilité de procéder à ces contrôles de ces dispositifs à un rythme quotidien ou plus espacé.

b) Le traitement statistique : la base ORME

La base de données ORME (Observatoire pour le recouvrement des mesures d'exonération) contient l'ensemble des données statistiques concernant les dispositifs d'exonération. Cette base est gérée par l'ACOSS, à partir d'extractions dans les fichiers des URSSAF. Elle contient les informations suivantes :

- numéro du compte cotisant ;

- période d'emploi ;

- forme juridique de l'employeur ;

- activité économique ;

- mesures d'exonération concernées ;

- effectif exonéré déclaré par le cotisant ;

- assiettes déplafonnées et plafonnées sur lesquelles est calculée l'exonération.

Actualisée chaque mois, elle permet d'alimenter les prévisions de l'ACOSS et d'informer régulièrement les ministères. Elle est également utilisée comme outil de contrôle, les données statistiques d'ORME étant rapprochées des données comptables de RACINE.

2. Un contrôle par la branche du recouvrement défaillant jusqu'à une date récente

La gestion des exonérations de cotisations de sécurité sociale ne faisait pas partie des missions premières de la branche du recouvrement. Certaines URSSAF ont eu des difficultés à admettre ce nouveau rôle. Le rapport de M. Jean-Louis Girodolle (IGF) et de M. Pierre-Yves Bocquet (IGAS) sur divers aspects du fonctionnement de la branche recouvrement de la sécurité sociale, rendu en mai 1998, expliquait ainsi :

" La gestion des exonérations n'est pas traitée comme une priorité, malgré ses enjeux financiers et son poids dans la politique de l'emploi. Ainsi, elle repose sur des systèmes et des contrôles automatisés souvent lacunaires et parfois contreproductifs. Dans les URSSAF, elle ne bénéficie pas d'une attention suffisante, notamment en termes de contrôle, de la part tant des directeurs que des agents comptables. A l'ACOSS, elle souffre du caractère trop empirique des contrôles de l'ordonnateur et trop superficiel de ceux du comptable. Ces faiblesses sont source d'incertitudes sur le montant de la dette de l'Etat au titre des exonérations ".

Ce constat restait pertinent avant la mise en oeuvre de l'application RACINE (à partir du 1 er janvier 1998).

Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion Etat-ACOSS et les contrats d'objectifs signés entre l'ACOSS et chaque URSSAF (1998-2001) ont permis de mieux prendre en compte cette mission. Désormais, les exonérations de cotisations de sécurité sociale font partie des priorités de la branche. Des orientations nationales ont été définies pour le contrôle.

De manière classique, les contrôles pratiqués par les URSSAF s'effectuent à la fois " sur pièces " et " sur place ".

Le contrôle sur pièces

Actuellement ce contrôle se pratique à deux étapes différentes lors du traitement des informations reçues.

Lorsque l'URSSAF reçoit les pièces justifiant l'exonération (contrat, volets d'exonération...), elle s'assure que les mentions prévues sont complétées et que le document est dûment signé par l'instance compétente avant d'enregistrer ces informations dans le dossier administratif.

Le contrôle s'exerce ensuite sur les documents déclaratifs -les BRC (Bordeaux récapitulatifs de cotisations) et les DADS (Déclarations annuelles de données sociales)- produits par l'employeur grâce à un rapprochement entre les codes types utilisés relatifs aux différentes mesures et les informations enregistrées dans le dossier administratif.

Le projet de développement du contrôle sur pièces privilégie tout particulièrement le contrôle des mesures d'exonération.

Les URSSAF ne pouvant contrôler que ce qui relève de leur champ de compétences. Elles n'opèrent pas de régularisation si d'autres autorités -au regard des règles juridiques- se sont trompées en accordant le bénéfice d'une mesure emploi à une entreprise.

La performance du contrôle devrait être renforcée par les évolutions suivantes essentiellement informatiques :

- l'enregistrement et le suivi de chaque contrat individuel ainsi que l'information systématique de l'employeur (ouverture et expiration des droits) se feront par un traitement informatique déjà opérationnel mais qui doit s'améliorer ;

- un développement informatique déjà expérimenté dans quelques URSSAF permettra, en fin d'année 2000, de détecter les anomalies grâce à un rapprochement direct entre les informations portées sur la DADS fournie par l'entreprise et celles contenues dans le logiciel mentionné ci-dessus.

Par ailleurs, une étude en cours est consacrée au contrôle des mesures d'exonération globales.

Dans tous les cas où le contrôle sur pièces révèle une anomalie qui ne peut être régularisée par les services internes, un contrôle sur place est diligenté.

Le contrôle sur place

Les URSSAF s'efforcent tout d'abord de développer des actions de prévention :

- lors de la mise en place d'une nouvelle mesure d'exonération afin de s'assurer de la compréhension et de la bonne application de cette mesure par les employeurs ;

- lorsqu'un dispositif vise spécialement une mesure globale qui ne peut être contrôlée que sur place (ZFU par exemple).

Par ailleurs, le contrôle a posteriori consiste à effectuer des contrôles comptables d'assiette portant sur les trois années antérieures, l'inspecteur agissant dans le cadre d'un plan de contrôle sélectif, qui intègre la notion de " gestion du risque " (au niveau national et local). Il faut entendre par " gestion du risque " l'isolement par traitement informatique -selon des critères identifiés comme représentatifs- d'entreprises concernées par les différentes mesures d'exonération.

L'inspecteur est donc amené à vérifier de façon approfondie l'application des mesures d'exonération dans chaque entreprise contrôlée dans sa globalité.

Il ne peut opérer de régularisation que sur des éléments de vérification entrant dans son champ de compétence. Lorsqu'il constate des anomalies sur les conditions de fond entraînant, ipso facto , une application erronée des exonérations, il informe l'administration qui a validé le contrat.

L'efficience du contrôle sur place, compte tenu des moyens qui lui sont alloués, est largement dépendante de la complexité des assiettes à vérifier et donc de l'accroissement du nombre de données à contrôler.

De grands progrès ont été ainsi réalisés. Néanmoins, il convient de noter que le travail en réseau entre URSSAF et directions déconcentrées du ministère de l'emploi est aujourd'hui quasiment inexistant. En effet, les URSSAF, organismes de sécurité sociale, ne font pas partie du " service public de l'emploi ".

3. Un coût de gestion difficile à appréhender

Interrogés sur le " coût de gestion " des mesures emploi par les organismes de sécurité sociale, les responsables de la branche du recouvrement n'ont pu que reconnaître qu'ils l'estimaient de manière " intuitive " 37( * ) au " tiers du coût de traitement d'une déclaration ".

Il n'est pas possible, par exemple, d'évaluer la part du contrôle consacrée aux exonérations de cotisations sociales par rapport à l'ensemble des contrôles effectués par les URSSAF. En effet, le contrôle des cotisations, qui s'attache à l'ensemble de l'assiette, est une opération globale.

Cependant, selon l'ACOSS :

- le nombre de redressements portant sur ces mesures représente en 1998 28 % du nombre total des redressements effectués ; leur montant dans le total du montant des redressements passe de 9 % en 1996, à 13 % en 1997 et 18 % en 1998. Cette progression semble indiquer un alourdissement corrélatif de temps passé au contrôle de ces mesures ;

- tous les corps de contrôles interrogés affirment passer de plus en plus de temps à la vérification de ces mesures, qui représentent par ailleurs plus de la moitié des régularisations au profit du cotisant à la suite d'un contrôle.

Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, a précisé devant votre commission 38( * ) qu'il n'y avait pas " d'échanges " concernant le coût de la gestion des exonérations de charges sociales entre les services du ministère et les URSSAF.

Pourtant, la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), la Direction de la sécurité sociale (DSS), la Direction de l'administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO), la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), soit quatre directions du ministère de l'emploi et de la solidarité, et l'ACOSS ont signé, le 12 février 1998, une convention de partenariat, destinée à organiser les remontées statistiques utiles au suivi et à l'évaluation des mécanismes d'exonération de charges sociales.

Cette convention permet à la DARES de disposer facilement des données connues au niveau des URSSAF. En contrepartie, l'un des objectifs était de mieux intégrer les éléments inhérents au coût de gestion et l'organisation des études d'évaluation communes à l'ACOSS et au ministère, sous l'égide d'un comité de suivi.

Si la convention fonctionne de manière tout à fait correcte pour alimenter en informations la DARES 39( * ) , le comité de suivi ne semble pas avoir réellement fonctionné.

Aucun progrès n'a été constaté en ce qui concerne l'évaluation du coût de gestion.

M. Claude Seibel, directeur de la DARES, a confirmé à vos rapporteurs qu'il s'agissait là d'une grande lacune de sa direction et que la France restait, de manière générale, très en retard sur ce type d'évaluations.

Il convient également d'ajouter au coût direct de gestion toutes les dépenses d'information et de communication engagées par les URSSAF : sites Internet, cellules téléphoniques, plaquettes... La complexité nécessite une communication constante, de qualité. A titre d'illustration, l'explication du nouveau mécanisme d'allégement de charges lié à la réduction du temps de travail mobilise aujourd'hui d'importants moyens au niveau des URSSAF.

Vos rapporteurs, lors de leur déplacement à Arras, ont pu se procurer la masse impressionnante de tous les dépliants informatifs remis aux entreprises, par type de mesure...

Le coût des traitements informatiques est également souvent négligé. L'informatique a pour effet pervers de faire croire que la complexité peut être gommée. Or, ce n'est qu'au prix de développements coûteux qu'elle peut la masquer.

M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS, a rappelé, lors de son audition devant la commission des Affaires sociales, que la branche était tenue -par la convention d'objectifs et de gestion- à l'objectif d'une stabilité de ses effectifs, mais que le réseau avait dû être renforcé par environ 200 personnes depuis deux ans.

4. Une neutralité en trésorerie quasiment atteinte

L'Etat compensant à la sécurité sociale la majeure partie des exonérations de cotisations, ses versements représentent désormais un véritable enjeu pour la branche du recouvrement. Le principe de " neutralité de trésorerie " a été posé par la convention de trésorerie du 2 mai 1994 liant l'Etat à l'ACOSS.

L'Etat a réalisé beaucoup de progrès en la matière. La compensation des mesures d'exonération fait l'objet d'un échéancier de versement d'acomptes mensuels de l'Etat permettant d'assurer la neutralité en trésorerie des dispositifs (seules les mesures dont le coût est inférieur à 1 milliard de francs ne figurent pas à l'échéancier).

Chaque trimestre, un chiffrage des exonérations par mesure est réalisé pour information. Une régularisation entre la dépense réelle constatée et les acomptes versés est effectuée à titre provisoire en fin d'exercice. Une régularisation définitive intervient au début de l'exercice suivant.

La Cour des comptes a comptabilisé, dans son rapport 1999 sur la sécurité sociale, les restes à recouvrer sur l'Etat au titre de la politique de l'emploi 40( * ) , au 31 décembre 1998, l'Etat " devait " encore 6,74 milliards de francs, soit une somme en retrait de 8,4 % par rapport à l'année précédente.

Il reste donc un dernier effort à réaliser.

III.  LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES LIÉ AUX TRENTE-CINQ HEURES : LE NOMBRE D'EMPLOIS CRÉÉS NE SERA JAMAIS CONNU

A l'issue de ce " diagnostic " sur les mécanismes d'exonération de charges sociales, vos rapporteurs ont souhaité s'intéresser plus précisément au nouvel allégement lié aux trente-cinq heures. Ce nouvel allégement représente une charge supplémentaire pour les URSSAF, notamment pour les tâches d'information et de communication des entreprises. En effet, il met en première ligne la branche du recouvrement, puisque reposant sur un système déclaratif, après dépôt de l'accord trente-cinq heures auprès de la direction départementale du travail et de l'emploi.

En se penchant plus précisément sur la gestion du dispositif, vos rapporteurs ont pu se rendre compte que le nombre d'emplois créés par les trente-cinq heures ne peut pas être connu avec certitude. En revanche, le mécanisme du " fonds de financement de la réforme de cotisations patronales " semble plutôt neutre pour la sécurité sociale.

A. LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES N'EST PAS LIÉ À LA CRÉATION D'EMPLOIS

1. L'illusion de contrôler la création d'emplois

Contrairement à la première loi Aubry, qui conditionnait le versement des aides à un objectif clairement affiché de création d'emplois (au moins 6 % de l'effectif pour le " volet offensif "), la loi sur la réduction négociée du temps de travail prévoit seulement un " engagement de création d'emplois ", sans davantage de précision. Les travaux préparatoires de la loi du 19 janvier 2000 sont empreints d'une grande ambiguïté, en raison de la forte opposition d'une partie de la majorité " plurielle " au principe d'aides sans contrepartie d'emplois.

Pourtant, en aucun cas, les objectifs de création d'emplois ne peuvent être contrôlés par les URSSAF.

La décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2000, à supposer qu'il reste un doute sur cette question, est sans appel : " la détermination des emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail, ainsi que le contenu des stipulations conventionnelles obligatoires, relèvent ainsi exclusivement de l'accord conclu entre les partenaires sociaux ; ni l'autorité administrative, ni l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale n'exercera de contrôle sur l'opportunité ou la portée de ce dispositif conventionnel ".

L'URSSAF reçoit une déclaration de l'employeur, qu'elle pourra contrôler formellement a priori, mais sans entrer sur le fond, qui relève d'une application ou d'une interprétation du droit du travail, ne relevant pas de sa compétence.

L'URSSAF ne peut suspendre ou supprimer un allégement de charges sociales que sur la demande de l'autorité administrative déconcentrée (la direction départementale et/ou l'inspecteur du travail). Mais seule la décision de l'URSSAF fait grief. L'URSSAF peut ainsi être attaquée juridiquement au titre d'une décision pour laquelle, en quelque sorte, elle avait compétence liée (non juridiquement, mais pratiquement 41( * ) ).

Le second alinéa du XVI de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 précise que le bénéfice de l'allégement pourra notamment être supprimé à défaut de " conformité de l'accord ". Le Conseil constitutionnel a indiqué que cette conformité devait être entendue " comme visant explicitement l'hypothèse où les règles de conclusion des accords collectifs mentionnées au II du même article n'ont pas été respectées, qu'il s'agisse des règles de droit commun relatives à la conclusion des accords collectifs ou des règles spécifiques prévues aux V, VI et VII de l'article 19 ".

Le contrôle est ainsi purement formel. L'objectif de création d'emplois peut être égal à zéro, comme l'a confirmé, lors de son audition, Mme Catherine Barbaroux 42( * ) .

La notice explicative du formulaire " 35 heures " édité par le CERFA (Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs) précise que " si l'entreprise n'est pas concernée par l'une des situations visées " [nombre d'emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail], elle mentionne : " 0,00 dans la zone correspondante ".

Le non-respect des engagements portant sur l'emploi, à supposer ainsi que de tels engagements existent, est sanctionné par la suspension de l'allégement, sauf circonstances exceptionnelles. Cette suspension est précédée par un " rapport " ou un " avis " de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

La circulaire du 3 mars 2000 indique que les DDTEFP portent une appréciation explicite dans le rapport ou l'avis donné à l'organisme de recouvrement. La circulaire précise que " la suspension de l'allégement devra être prononcée lorsque ce manquement ne trouve pas son origine dans une circonstance exceptionnelle " .

Par ailleurs, les organisations syndicales ou les représentants du personnel ont la faculté de saisir l'autorité déconcentrée lorsqu'ils estiment que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits dans l'accord en termes d'embauches ou d'emplois.

Ce dispositif laisse une grande marge d'appréciation aux services déconcentrés. En effet, aucun texte ne précise la conduite à tenir en cas de réalisation partielle des engagements de création d'emplois.

Enfin, il apparaît difficile qu'une autorité administrative prenne le risque de mettre en danger la survie d'une entreprise, en raison d'un objectif de création d'emplois non respecté. La suspension et la suppression des allégements de charges resteront limitées aux cas de fraude manifeste, c'est-à-dire les entreprises ne respectant pas, de manière évidente, la nouvelle durée du travail.

2. L'impossibilité de compter les emplois

Toute la communication gouvernementale consiste à expliquer que les aides accordées en contrepartie de la réduction du temps de travail sont bien différentes de la ristourne dégressive, puisqu'à la différence du mécanisme mis en place par le Gouvernement de M. Alain Juppé, il est possible de " compter les emplois ".

" Nous sommes capables de quantifier, à l'unité près... "

La création d'emplois : les certitudes de Mme Martine Aubry (1/2)

" Nous sommes capables de quantifier, à l'unité près, le nombre de créations d'emplois résultant de la loi de Robien. De même, nous saurons demain, à l'unité près, combien d'emplois la future loi aura permis de préserver ou de créer.

" Nous pourrons donc dire à la sécurité sociale ce que lui aura rapporté la loi, et ce qui ne lui sera pas remboursé. "

(JO Débats AN - 1 ère séance du 29 janvier 1998 - p. 754)

" Je me suis réjouie que Mme Veil fasse voter une loi qui pose le principe général du remboursement par l'Etat à la sécurité sociale des réductions de charges sociales, et je continue de m'en réjouir.

" Dans le cas qui nous occupe, où nous pourrons, pour chaque entreprise, savoir exactement quels salariés auront été embauchés, quels seront les salaires et quelles seront les rentrées dans les caisses de la sécurité sociale, je me dis qu'on ne peut pas réclamer une solidarité à tout le monde pour l'emploi sans demander au budget de l'Etat -il paiera le complément- et à la sécurité sociale de tirer toutes les conséquences du dispositif.

" Je n'aurais jamais accepté un dispositif général, comme pour la ristourne dégressive, qui n'aurait pas permis de connaître exactement le nombre des emplois créés et les rentrées de la sécurité sociale. "

(JO Débats AN - 2 ème séance du 5 février 1998 - p. 1184)

" J'aurais souhaité que M. Marini défende avec la même force la cause des deniers publics lors de la mise en place de la ristourne dégressive, qui coûte aujourd'hui 40 milliards de francs, sans aucune contrepartie en matière d'emplois (Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen) , alors que les aides que nous proposons ont des contreparties et s'accompagnent d'un suivi paritaire qui permettra de vérifier que tout argent de l'Etat est effectivement consacré à la création d'emplois. "

(JO Débats Sénat - séance du 4 mars 1998)

Selon le Gouvernement, comme il est possible de " compter " les emplois, il est également possible de " compter " les " retours pour les finances publiques ". Annoncée par l'exposé des motifs du premier projet de loi 35 heures, la contribution des organismes sociaux trouvait toute sa justification " technique " dans ces " retours ".

Et Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, réaffirmait, à l'ouverture du débat parlementaire sur le deuxième projet de loi 35 heures, sa foi dans le caractère " scientifique " de la comptabilisation des créations d'emplois liées aux trente-cinq heures.

" Maintenant on le sait "

La création d'emplois : les certitudes de Mme Martine Aubry (2/2)

" La réduction du temps de travail crée des emplois, beaucoup d'emplois. Avant, on le disait. Enfin, nous, nous le disions... Maintenant on le sait, mesdames et messieurs les députés ! "

(JO Débats AN, 2 ème séance du 5 octobre 1999, p. 6861)

Vos rapporteurs se sont donc attachés à déterminer s'il était possible techniquement de " compter " les créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail.

Les URSSAF ont les moyens de " compter " les engagements de création ou de maintien d'emplois . Ces informations sont transmises aux autorités déconcentrées de l'Etat, alimentant les divers bilans communiqués régulièrement.

Mais la branche du recouvrement n'assure pas la gestion de la comptabilisation de ces emplois.

Le formulaire CERFA n° 11499*01

Déclaration en vue du bénéfice de l'allégement de cotisations sociales
dans le cadre de la réduction négociée du temps de travail

Le formulaire CERFA " 35 heures " est une liasse statistique autocopiante en quatre volets :

- les trois premiers volets sont à adresser à l'organisme de recouvrement dont relève l'établissement (URSSAF/DGSS, MSA, régime spécial). L'organisme de recouvrement conserve l'un de ces volets et transmet les deux autres à la DDTEFP. Celle-ci assure la transmission d'un volet à la DARES ;

- le quatrième volet est à conserver par l'entreprise.

En ce qui concerne la création effective d'emplois , son contrôle apparaît strictement impossible... sauf par le biais de " sondages " statistiques.

La DARES a donné une réponse très claire à la question posée par votre rapporteur, " Comment seront comptabilisées les créations d'emplois directement liées à la réduction du temps de travail ? "

" Pour mesurer la mise en oeuvre effective de ces engagements, d'une part, et tenir compte des emplois qui auraient été créés ou sauvegardés en l'absence de réduction du temps de travail, d'autre part (effet " d'aubaine "), la DARES prévoit de poursuivre le type d'évaluation qu'elle a déjà commencé de mener pour mesurer l'effet net sur l'emploi des lois du 11 juin 1996 (loi " Robien ") et du 13 juin 1998 (première loi " Aubry ") : les données tirées des déclarations seront rapprochées, entreprise par entreprise, des résultats des enquêtes trimestrielles de la DARES (ACEMO 43( * ) ) qui permettent de suivre l'évolution de l'emploi, des salaires et de la durée offerte du travail. Elles seront également rapprochées des données micro-économiques disponibles pour ces mêmes entreprises. Ainsi pourront être comparées les évolutions de ces trois variables dans les entreprises signataires d'un accord de réduction du temps de travail et dans la population témoin formée par les entreprises non signataires possédant des caractéristiques identiques (taille, secteur, dynamique micro-économique, performance...).

En conséquence, le nouveau mécanisme d'allégement de charges lié aux trente-cinq heures ne permet pas d'être affirmatif sur le nombre d'emplois créés ; ce mécanisme ne se distingue en aucune façon des autres dispositifs d'exonération de cotisations de sécurité sociale.

Les critiques adressées en 1998 par Mme Martine Aubry au mécanisme de la ristourne dégressive ont désormais davantage de saveur.

De plus, toute entreprise appliquant les bornes fixées par la loi ( durée collective du travail fixée au plus soit à 35 heures hebdomadaires, soit 1.600 heures ) et approuvées par accord collectif pourra bénéficier de l'allégement de charges, même si cette entreprise applique les trente-cinq heures depuis un nombre respectable d'années. Dans ce cas, les créations d'emplois éventuelles ne seront naturellement pas imputables à la réduction du temps de travail, mais découlent du mécanisme d'allégement de charges. Ces engagements de créations d'emplois sont pourtant aujourd'hui comptabilisées sans distinction avec les engagements de création d'emploi pris par les entreprises passées aux trente-cinq heures.

Le nombre d'emplois créé par les trente-cinq heures ne sera ainsi jamais connu.

Or, il convient de noter les ambiguïtés de la communication gouvernementale, qui rapproche souvent le nombre d'emplois créés de manière générale des engagements de création d'emplois :

Les ambiguïtés de la communication gouvernementale
Le lien entre recul du chômage
et engagements de création d'emplois dans le cadre des 35 heures

Extrait du communiqué de presse du 17 février 2000

" Sur l'année 1999, 350.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel (+ 2,5 %). Au total, (...) environ 430.000 emplois ont été créés sur les douze derniers mois, en raison notamment de la poursuite de la création d'emplois-jeunes et la très vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (165.000 emplois prévus dans les accords) ".

Extrait du communiqué de presse du 10 mars 2000

" Sur l'année 1999, 375.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel (+ 2,7 %) et 450.000 au total, grâce au dynamisme de la croissance, aux créations d'emplois-jeunes et à la vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (plus de 170.000 emplois prévus dans les accords).

Extrait du discours de Mme Martine Aubry devant le Conseil économique et social (séance du 14 mars 2000)

" 570.000 chômeurs de moins en deux ans et demi et surtout 190.000 chômeurs de longue durée de moins cette année sont les résultats d'un environnement favorable et d'une forte consommation mais aussi d'une bonne anticipation des besoins et de la réduction du temps de travail, qui a déjà créé ou maintenu 170.000 emplois ".

Par une démonstration mathématique tout particulière, le Gouvernement rapproche deux chiffres, en laissant croire que l'engagement de création ou de maintien d'emplois est une partie du tout que constitue le nombre d'emplois créés .

La " mystification " est complète quand cette " démonstration mathématique " s'accompagne d'un glissement sémantique, les emplois prévus devenant, entre le 10 et le 14 mars, des emplois créés .

B. LE MÉCANISME DU FONDS DE FINANCEMENT EST NEUTRE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE

Vos rapporteurs ont été également attentifs aux conséquences, pour la sécurité sociale, de la création du " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " (FOREC).

1. La fausse réforme des cotisations patronales

Quelles sont les raisons qui ont poussé le Gouvernement à créer un " fonds " ?

Il s'agissait de montrer que " la réforme de l'assiette des cotisations patronales ", promise par le Parti socialiste dans son programme des élections législatives de 1997, était réalisée, après deux rapports contradictoires, le rapport de M. Jean-François Chadelat, favorable à un passage progressif à une assiette valeur ajoutée, et le rapport de M. Edmond Malinvaud, qui s'y était montré défavorable.

En fait, la création du fonds ne modifie pas l'assiette des cotisations patronales. Le calcul des cotisations patronales n'est pas affecté par la prise en compte d'un élément " valeur ajoutée ", d'un élément " pollution " ou d'un élément " bénéfices ". Le Gouvernement finance la compensation des exonérations de cotisations sociales par quatre prélèvements nouveaux (tabacs, alcools, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes).

2. Le principe respecté de la neutralité de trésorerie

Alors que le texte original du Gouvernement laissait planer quelques ambiguïtés, l'Assemblée nationale a posé quelques garde-fous.

Tout d'abord, le fonds a une exigence d'équilibre : " Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale " (nouvel article L. 131-10 du code de la sécurité sociale). En cas de dérapage des dépenses, des mesures correctives, portant sur les recettes, seraient nécessaires.

Par ailleurs, si les dépenses du fonds connaissent un dérapage, l'Etat est alors tenu -au nom du respect de l'article L. 131-7- de compenser à la sécurité sociale le manque à gagner :

" Les versements mentionnés aux a, b et c du 1° ci-dessus se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale. Dans le cas contraire, les dispositions prévues à l'article L. 131-7 s'appliquent ".

Enfin, l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a également introduit un article L. 131-11 au code de la sécurité sociale, prévoyant que " les relations financières entre le fonds et les organismes de protection sociale, d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part, font l'objet de conventions destinées notamment à garantir la neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. "

Pour l'ACOSS, le remplacement d'une dotation budgétaire par un versement du Fonds de financement est neutre.

A l'occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificatif pour 2000, M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, s'est ému de ce fonds laissé en déséquilibre. En effet, une ambiguïté pouvait subsister sur la " participation " du budget de l'Etat : est-ce une subvention d'équilibre ?

La réponse du ministère de l'économie et des finances au questionnaire de M. Didier Migaud est sans appel :

Réponse du ministère de l'économie et des finances
au questionnaire de M. Didier Migaud

Il n'y a pas d'obligation juridique pour l'Etat d'équilibrer ce fonds

1. La dotation de l'Etat est une recette parmi d'autres du fonds. Il faut souligner que la LFSS ne précise pas qu'il s'agit d'une subvention d'équilibre. Son montant est fixé par la loi de finances. Le fait que le fonds soit un EPA est sans impact sur la nature de cette dotation.

2. Les conditions d'équilibre relèvent de la LFSS et non de la loi de finances selon les termes du texte fondateur du FOREC. Le fait qu'une loi de finances est le premier texte financier à intervenir depuis l'annulation de la taxe sur les heures supplémentaires ne modifie pas cette situation.

3. Le déséquilibre du FOREC est prévisionnel à ce stade de l'année et il ne saurait être question de traduire dans le droit (le collectif en l'occurrence) les conséquences d'une simple prévision. Le point sera examiné différemment lors du collectif de fin d'année.

4. Plusieurs solutions techniques sont possibles pour assurer l'équilibre du fonds, que ce soit en relevant les taxes prévues par la loi, en y affectant de nouvelles recettes ou en réduisant ses charges. Il ne saurait être question de limiter les possibilités de choix du Gouvernement en considérant que la loi de finances doit automatiquement opter pour le relèvement de la dotation budgétaire.


(source : rapport AN, n° 2387, p. 51)

On note un grand " flou " sur l'estimation des dépenses du fonds en 2000, qui dépend du nombre d'entreprises bénéficiant du nouvel allégement de charges. Le fonds pourrait ainsi, malgré l'absence de la taxe sur les heures supplémentaires, engranger des réserves, en raison du décalage entre :

- la perception des recettes depuis le 1 er janvier 2000 ;

- l'effectivité des " nouvelles " dépenses de ce fonds 44( * ) (20 ou 25 milliards de francs) à compter du 1 er février 2000, le réel démarrage ne se produisant réellement qu'en deuxième partie d'année.

Enfin, il semblerait que la ristourne bas salaires ait été surévaluée en 2000.

Les premiers chiffres communiqués montrent ce décalage entre recettes et dépenses :

Recettes et dépenses des FOREC - Premiers résultats

(en millions de francs)

 

Janvier

Février

Mars

Total

Dépenses

4.872

3.150

non connues

8.022

Recettes

5.650

3.546

3.651

12.847

Source : Rapport AN, n° 2387, p. 51.

De fait, le ministère de l'économie et des finances précise : " L'ACOSS assure, à titre provisoire, la gestion des flux financiers qui, pour l'instant, ne soulève pas de difficulté particulière : en effet, les exonérations supplémentaires prévues par la loi du 19 janvier ne se sont pas encore traduites dans les dépenses des premiers mois de l'année connus à ce jour et les recettes rentrent régulièrement. " 45( * )

A la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxation des heures supplémentaires, le Gouvernement indiquait que " les recettes 1999 et les nouvelles perspectives pour 2000 (étaient) en cours d'examen " et que " des éléments plus précis (seraient) communiqués au Parlement dès que cet examen sera achevé " 46( * ) .

Il semble que, quatre mois plus tard, cet examen soit encore en cours puisque le Parlement, en dépit de l'annonce du Gouvernement, ne dispose d'aucune information nouvelle.

La Commission des comptes de la sécurité sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier n'a procédé à aucune actualisation des recettes et dépenses du FOREC bien que cet organisme concoure au financement de la sécurité sociale.

Certes, la réunion de printemps de la Commission est consacrée prioritairement aux comptes du régime général. Mais le rapport consacre une partie spécifique au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont la nature juridique est identique à celle du FOREC.

3. Un fonds pour l'instant fictif en raison de la non-parution du décret d'application

Les décrets nécessaires au " bon fonctionnement " des trente-cinq heures sont parus rapidement. En revanche, le décret créant le FOREC n'est pas encore paru. Dès lors, l'ACOSS joue actuellement le rôle du FOREC, en étant bénéficiaire des impositions affectées à ce fonds.

Cette absence de parution du décret, alors même que la " visibilité " budgétaire défaillante du FOREC devait être contrebalancée par la présence de parlementaires au Conseil de surveillance, est pour le moins choquante.

En comparaison, les Assemblées ont été quasiment " sommées " de nommer leurs représentants au Conseil d'orientation des retraites, organe créé, sans base législative, par le décret n° 2000-393 du 10 mai 2000 portant création du Conseil d'orientation, paru au Journal officiel du 11 mai dernier.

Vos rapporteurs ont bien noté que le ministère de l'économie et des finances appelait l'attention du ministère de l'emploi et de la solidarité :

" Le décret relatif au FOREC n'est toujours pas publié, ni le directeur ni les membres du CA n'ont été nommés et les conventions financières régissant les relations Etat/FOREC et FOREC/sécurité sociale restent à rédiger. Il paraît indispensable de lancer la procédure en Conseil d'Etat au plus tard courant juillet et nommer un directeur en septembre dernier délai pour lui laisser trois mois pour préparer le budget 2001 et les conventions. " 47( * )

IV.  UN IMPÉRATIF : SIMPLIFIER LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS POUR UNE MEILLEURE GESTION

Au terme de leurs investigations, vos rapporteurs soulignent la complexité qu'induit la gestion de multiples mécanismes d'exonération de cotisations, à la fois pour les entreprises et pour la branche du recouvrement.

Proposer " clefs en main " une refonte complète des mécanismes existants n'entrait pas dans le propos de vos rapporteurs dans le cadre de leur mission de contrôle sur pièces et sur place. A la lumière de leurs constatations, il leur est apparu toutefois que quelques pistes pouvaient a priori être inventoriées.

A. L'IMPÉRATIF DE RATIONALISER LES MESURES EMPLOI

1. Respecter les engagements de la convention d'objectifs et de gestion Etat - ACOSS

Les conventions d'objectifs et de gestion, signées entre l'Etat et les caisses nationales, constituent une nouvelle démarche de " contractualisation ", permettant une tutelle davantage " stratégique ". Le propre d'une convention est de comporter des engagements réciproques. Il serait opportun que l'Etat attache du prix à respecter sa part du contrat.

La convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS le 3 avril 1998 comprenait un engagement de l'Etat, au paragraphe 241, intitulé " des textes clairs et adaptés aux réalités vécues par les employeurs " . La première phrase précisait cette volonté : " l'élaboration des textes législatifs et réglementaires relatifs aux cotisations et contributions devra tendre à une rationalisation des règles d'assiette au sein du régime général et en liaison avec les autres régimes de protection sociale, à une simplification des mesures d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de l'emploi. "

Deux ans après la signature de cette convention, force est de constater l'absence totale de réalisation de cet engagement. M. Charles Descours, président du Conseil de surveillance de l'ACOSS, indiquait dans le résumé de l'avis au Parlement du 28 septembre 1999 : " l'Etat doit également respecter ses différents engagements, notamment dans le domaine de la simplification et de la clarification de la réglementation : rationalisation des mesures en faveur de l'emploi ; meilleure écoute des gestionnaires dans le processus d'élaboration des mesures. " .

2. Etudier le regroupement de certaines mesures

La concentration financière des exonérations de cotisations laisse rêveur.

Concentration financière des mesures d'exonération (régime général)

Nature d'exonérations

en millions de francs

en % du total

en % cumulé

Exonérations RTT intégrant la ristourne bas salaires

61 315

64,80 %

64,80 %

CIE

4 551

4,81 %

69,61 %

Apprentissage

3 913

4,14 %

73,75 %

ARTT de Robien

3 100

3,28 %

77,03 %

Temps partiel

2 975

3,14 %

80,17 %

CES

2 903

3,07 %

83,24 %

Embauche 1er salarié

2 864

3,03 %

86,27 %

Contrats de qualification

2 562

2,71 %

88,98 %

CES consolidés

2 139

2,26 %

91,24 %

Exonérations emplois familiaux

1 894

2,00 %

93,24 %

Exonérations DOM

1 313

1,39 %

94,63 %

Exonérations salariés en ZFU

1 261

1,33 %

95,96 %

Aide à domicile

999

1,06 %

97,02 %

Chèque emploi service

772

0,82 %

97,84 %

Exonération des cotisations allocations familiales

451

0,48 %

98,32 %

Insertion par l'économie

381

0,40 %

98,72 %

HCR avantages en nature repas

350

0,37 %

99,09 %

Zone franche Corse

285

0,30 %

99,39 %

Créations d'emploi en ZRR

245

0,26 %

99,65 %

CRE (part compensée)

210

0,22 %

99,87 %

Créations d'emploi en ZRU

85

0,09 %

99,96 %

Contrats d'orientation

28

0,03 %

99,99 %

CRE (part non compensée)

23

0,02 %

100,00 %

Total des exonérations

94 619

100,00 %

100,00 %

La moyenne nationale fait apparaître une concentration de 80 % des crédits sur les cinq premières mesures. Mais, à l'occasion du déplacement effectué à Arras, vos rapporteurs ont pu constater que les cinq premières mesures pouvaient représenter jusqu'à 97 % des exonérations accordées.

Les mesures les plus " chères " sont d'ailleurs les plus simples, comme l'a montré le succès de la ristourne bas salaires. Dès lors, ne serait-il pas possible d'envisager un regroupement, un "toilettage " des différentes mesures d'exonération ?

Il convient de noter que la mission IGF-IGAS de mai 1998 insistait sur cette règle de bon sens : " la branche générera d'autant mieux les mesures emploi que ces dernières seront peu nombreuses, simples à appliquer et stables dans le temps. A cet égard, la succession rapide des mesures et la multiplication de leurs critères d'attribution sont autant d'obstacles à la mise en place d'une gestion rigoureuse du dispositif " 48( * ) .

Deux années après ce constat, rien n'a été fait pour simplifier les exonérations de cotisations de sécurité sociale.

La difficulté de la simplification administrative ne doit pas être mésestimée.

En dehors des mesures générales de baisse des charges, chaque mesure s'adresse à un public particulier : jeunes, chômeurs, exclus,... Chaque mesure a été " étudiée " avec soin pour pouvoir " cibler " avec précision l'objectif poursuivi. Cette volonté de cibler, et de limiter les coûts de telle ou telle mesure, a abouti à la situation actuelle : trente-six mesures d'exonération différentes, cent cinquante textes d'application...

Se borner à reconnaître que la complexité est inévitable n'est cependant pas souhaitable. Il est tout à fait envisageable d'étudier le regroupement de certaines mesures.

Ainsi, les différences entre le contrat de qualification et le contrat d'orientation ne semblent pas de nature à justifier un mécanisme différent.

Il serait également envisageable de fondre en un seul dispositif les deux mécanismes du contrat emploi-solidarité et du contrat emploi consolidé , les personnes arrivant en fin de CES étant souvent amenées à bénéficier d'un CES.

Le contrat d'accès à l'emploi dans les DOM pourrait être remplacé par le contrat initiative-emploi .

Il serait bon que toutes les administrations de l'Etat prennent une réelle conscience des difficultés que pose l'existence de mécanismes aussi divers. Il est indispensable qu'elles étudient, en concertation étroite avec la branche du recouvrement, les dispositifs qui pourraient être unifiés.

Une volonté politique claire paraît un préalable essentiel. Elle serait à l'origine de la mise en place d'une mission administrative ad hoc , disposant d'un temps limité, regroupant des fonctionnaires des directions concernées et des responsables de la branche du recouvrement, ainsi que des acteurs du terrain (directions départementales, URSSAF, ANPE, entreprises).

Face au " silence " des administrations de l'Etat sur le sujet, il n'est pas interdit à la branche du recouvrement de proposer des mesures concrètes de simplification. Il est compréhensible que le gestionnaire hésite à se prononcer sur la pertinence de faire coexister tel ou tel mécanisme. Il n'en demeure pas moins qu'il est le mieux à même d'isoler certains dysfonctionnements.

En effet, le système actuel ne permet pas une simplification " catégorie ". Les administrations de l'Etat ne souffrent pas de la complexité de la gestion des dispositifs d'exonération, puisque c'est la branche du recouvrement qui en supporte les conséquences. Par ailleurs, l'Etat n'a aucun intérêt à simplifier -voire à supprimer- les dispositifs antérieurs à 1994, dont il ne supporte pas le coût financier. Au contraire, par une interprétation hasardeuse de la loi du 25 juillet 1994, il a tendance à reconduire ces mécanismes non compensés, tout en étendant parfois leur champ 49( * ) .

Or, ces mécanismes sont nettement plus lourds en gestion que la ristourne bas salaires.

L'absence de comptabilité analytique conduit à ignorer la question du coût de gestion. Dans une logique de comptabilité analytique, il serait envisageable que l'Etat participe aux frais de gestion des mesures emploi. En comparaison, la sécurité sociale continue d'acquitter des frais d'assiette et de recouvrement pour la CSG sur les revenus du patrimoine.

Ce principe inciterait à étudier avec davantage de précision le " coût " de gestion par la branche du recouvrement et permettrait de privilégier les mécanismes à gestion " simple ".

B. LA RECHERCHE D'UNE SIMPLICITÉ À TOUTES LES ÉTAPES

1. Harmoniser les techniques d'exonération

Au-delà du regroupement des mesures d'exonération, il serait souhaitable d'harmoniser les techniques d'exonération :

- assiette ;

- durée ;

- règles de cumul.

Cette harmonisation devrait faire partie plus explicitement des missions de la Direction de la sécurité sociale, seule à même d'inspirer une cohérence des techniques d'exonération. A tout le moins, il serait possible d'imaginer un système de " visa " administratif du mécanisme d'exonération de cotisations par cette Direction. Cette fonction nécessite cependant un renforcement de ses moyens, sur lesquels vos rapporteurs appellent l'attention depuis plusieurs années.

La définition des mesures d'exonération devrait être accompagnée d'une évaluation réaliste des moyens à mettre en oeuvre pour en assurer la bonne gestion. Aujourd'hui, en effet, les études d'impact dont doivent être assortis tant les projets de loi que les décrets en conseil des ministres sont souvent lacunaires, parfois indigents 50( * ) . En outre, la formulation claire des objectifs poursuivis est un préalable à l'évaluation nécessaire des politiques publiques.

Enfin, un délai raisonnable avant la mise en oeuvre d'un nouveau mécanisme, ou d'une modification substantielle d'un dispositif d'exonération de charges sociales, s'impose. La branche du recouvrement doit aujourd'hui adapter sans relâche ses outils informatiques, ce qui conduit à une " course de vitesse " incessante.

2. Recentrer les mesures d'exonération sur un nombre plus restreint d'objectifs

Les gestionnaires des mesures d'exonération soulignent à juste titre la complexité extrême des exonérations de charges sociales liées à la politique d'aménagement du territoire.

Une réflexion pourrait être menée sur le remplacement éventuel de ces mécanismes par des aides directes de l'Etat. En effet, les règles communautaires n'interdisent pas des aides directes, sous réserve qu'elles aient été " négociées " avec la Commission. La date du 1 er janvier 2002 (échéance des ZFU -ZRR - zones franches) invite à conduire cette réflexion dès maintenant.

*

* *

Au terme de cette mission, vos rapporteurs considèrent que la multiplication des exonérations de cotisations sociales sont le révélateur du poids trop élevé des charges sociales dans notre pays.

Le développement considérable qui a été donné à ces mécanismes dans le cadre de la politique de réduction de la durée du travail a certes pour objet de compenser le coût pour les entreprises d'une mesure générale et autoritaire, mais elle représente également l'amorce pour le Gouvernement d'un " chemin de Damas ", qui le conduit à reconnaître les vertus des allégements de charges. C'est à ces dernières qu'il faudra imputer probablement, au-delà de la croissance, l'évolution de l'emploi davantage qu'au " partage du travail " résultant des trente-cinq heures.

Il reste que le financement de notre protection sociale devient de moins en moins intelligible et qu'une frontière de plus en plus ambiguë distingue l'assurance et la solidarité, en raison de la fiscalisation des recettes de la sécurité sociale et de la fiscalisation de la compensation des exonérations de cotisations.

Il n'y a que le titre abusif du " FOREC " pour laisser penser qu'une réforme a eu lieu des cotisations de sécurité sociale.

QUATRIÈME PARTIE
-
LA MISE EN PLACE DE LA
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

Votre Commission avait estimé, à l'occasion de la discussion du projet de loi instituant une couverture maladie universelle, qu'une réforme de grande ampleur était nécessaire.

En effet, environ 150.000 personnes demeuraient dépourvues d'une couverture maladie de base, essentiellement d'ailleurs parce qu'elles étaient trop marginalisées pour faire valoir leurs droits, et un nombre important de Français ne bénéficiaient pas d'une couverture maladie complémentaire. Or, une couverture complémentaire maladie est, de fait, devenue indispensable, la sécurité sociale remboursant de moins en moins bien les dépenses de santé.

Telle qu'instituée par la loi du 27 juillet 1999, la couverture maladie universelle comporte deux volets, un volet " couverture de base " et un volet " couverture complémentaire " .

En ce qui concerne la couverture de base, la loi prévoit désormais que toute personne résidant de façon stable et régulière en France est obligatoirement affiliée au régime général d'assurance maladie si elle n'a pas droit, à un autre titre, à des prestations maladie. Cette affiliation est immédiate, continue, et elle est gratuite en dessous d'un certain seuil de revenus.

Le Sénat a approuvé cette réforme, soulignant toutefois que la question essentielle, pour les 150.000 personnes dépourvues de couverture de base, était moins celle du droit que celle de l'accès au droit.

Le second volet de la loi, consacré à la couverture complémentaire, concernerait, selon le Gouvernement, 6 millions de personnes.

Il prévoit d'accorder gratuitement une couverture maladie complémentaire à 100% avec tiers payant à toutes les personnes dont les revenus sont inférieurs à un plafond de ressources.

Si l'instruction des dossiers de demande appartient aux caisses primaires, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) peuvent ensuite en confier la gestion, soit à leur caisse primaire, soit aux mutuelles, aux assurances ou institutions de prévoyance qui ont accepté de participer au dispositif.

Le Sénat a estimé, lors des débats parlementaires, qu'il aurait été possible de promouvoir un projet aussi généreux que celui que proposait le Gouvernement, sans s'exposer à tous les effets pervers qu'il comportait.

Ainsi, il a considéré que l'application de la réforme gouvernementale se traduirait par un effet de seuil massif.

Depuis son entrée en vigueur, en effet, selon qu'un assuré social gagne 100 francs de plus ou 100 francs de moins par mois, selon qu'il est au-dessus ou en dessous du seuil :

- soit il doit payer l'intégralité de ses cotisations à la sécurité sociale plus les cotisations ou les primes correspondant à sa couverture complémentaire, et obtient ainsi une couverture maladie qui n'est jamais totalement à 100% ;

- soit il bénéficie, sans aucune cotisation, à titre totalement gratuit, d'une couverture de base et d'une couverture complémentaire à 100% pour tous les soins, avec tiers payant.

Le Sénat avait estimé que les conséquences de cet effet de seuil seraient très graves :

- non seulement parce qu'il ferait hésiter à accepter, dans une famille ne comprenant qu'un actif, un travail à temps partiel ou même un retour à l'activité pour un chômeur,

- mais parce que des personnes qui ne sont pas riches et qui ne peuvent pas travailler seraient exclues de la CMU : il en est ainsi des personnes âgées bénéficiaires du minimum vieillesse ou des personnes handicapées bénéficiaires de l'allocation handicapé adulte. Le montant de leur allocation se situe en effet juste au-dessus du plafond de ressources.

Le Sénat avait en outre estimé que la CMU serait très déresponsabilisante, car elle ne permettrait pas aux personnes défavorisées d'entrer dans un dispositif de droit commun, les plaçant au contraire dans une situation d'assistance, avec une " sécurité sociale bis " totalement gratuite.

En conséquence, le Sénat avait profondément amendé le projet de loi gouvernemental en instituant une " allocation personnalisée à la santé " , construite sur le modèle de l'allocation logement, ayant vocation à aider les personnes défavorisées à adhérer à une mutuelle ou à souscrire un contrat assurance complémentaire dans des conditions de droit commun. Cette allocation, solvabilisant intégralement ses bénéficiaires au niveau du RMI, aurait été dégressive avec les revenus jusqu'au niveau du SMIC.

Le Sénat avait enfin affirmé qu'il aurait fallu, parallèlement à la réforme, améliorer le fonctionnement de la sécurité sociale afin qu'elle rembourse mieux les dépenses de santé. La réforme gouvernementale ne s'est pas du tout attaquée à ce problème, qui demeure pourtant essentiel.

Près de six mois après l'entrée en vigueur de la CMU, votre commission a souhaité en examiner les conditions d'application.

Ses travaux ont montré que :

- la montée en charge de la CMU, régulière, est cependant très lente, et laisse à l'écart les organismes complémentaires qui ne gèrent aujourd'hui la couverture complémentaire que d'une très faible minorité de bénéficiaires ;

- les mesures réglementaires d'application de la loi ont considérablement accru la complexité du dispositif législatif, complexité à l'origine de beaucoup de perte de temps pour les gestionnaires -d'où le grand " encombrement " constaté dans les caisses primaires- et de beaucoup d'incompréhensions ;

- enfin, les mesures réglementaires comme les conditions d'application de la loi s'éloignent encore plus que ne l'avait fait la loi elle-même d'un scénario " partenarial " entre les organismes de base et les organismes complémentaires, mais aussi avec les professionnels de santé.


Déplacements et auditions des rapporteurs

 
 

Déplacement sur place

12 avril 2000

FMF

Mme Tréhel, présidente de la Mutuelle familiale, M. Philippe Fillon, directeur général, M. Andrew Canca, secrétaire général, Mme Lameri, directrice de production, MM. Michel Biard, administrateur et Michel Katchadourian, Mme Nines San-Gines, référente CMU, et Mme Touria Chemouri

18 avril 2000

MSA du Mans

M. Merigeau, directeur et Mme Laure Soulard, sous-directeur

 

Groupama du Mans

M. Christian Lemaire, directeur général, M. Jean-Loup Martineau, responsable d'unité de production, Melle Brigitte Miranday, responsable d'études

19 avril 2000

CANAM

M. Marcel Ravoux, président, M. Daniel Postel-Vinay, directeur général, M. Etienne Hochet, sous-directeur, MM Louis Couasnon, président et Dodemont, vice-président de la CMR Ile-de-France commerçants, Mme Lemoine, administrateur de la CMR Ile-de-France commerçants, M. Gilles Fontaine, directeur de la CMR Ile-de-France commerçants, M. Philippe Chardayre, directeur de la FMP (organisme conventionné), M. Jean-Luc Quintaard, directeur-adjoint de la CMR Ile-de-France commerçants, M. Olivier Steffgenn, cadre à la CMR, Mme Béatrice Choly, agent-comptable de la CMR

25 avril 2000

CPAM de Paris

M. William Gardey, président, Mme Josette Raynaud, directeur général et M. Wilfred Smadja, directeur-général adjoint de la, Mme Raussin, responsable du centre Ménilmontant

16 mai 2000

CPAM d'Amiens

M. Gérard Morand, directeur, M. Jean-François Mention, M. Jean Chabot, responsable du centre d'Amiens-Etouvie, Mme Delphine Falempin, responsable-adjoint du centre, Mme Béatrice Bellevallée, chef de projet CMU, M. Jean-Claude Magnan, agent d'accueil itinérant, Mme Chantal Dumesnil, agent d'accueil sédentaire et Mme Marie-France Leroy, référent CMU du centre.

 

Auditions devant les rapporteurs

11 avril 2000

M. Bernard Delas, directeur général et Mme Flicoteaux, directeur assurance agricole et particuliers de GROUPAMA

 

M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS

18 avril 2000

Mme Jeannette Gros, présidente et M. Daniel Lenoir, directeur général de la MSA

 

M. Gilles Marchandon, délégué général à la FNIM

 

M. André Renaudin, délégué général adjoint de la FFSA

 
 
 
 
 
 

25 avril 2000

Docteur Richard Bouton, président de MG France

 

M. Reignault, président de la Confédération nationale des syndicats dentaires

 

M. Alain Bach, directeur et M. Henry-Pierre, président-délégué de l'Union des opticiens - France (UDO)

2 mai 2000

M. Raoul Briet, directeur, M. Philippe Georges, sous-directeur, M. Dominique Libault, sous-directeur de la Direction de la sécurité sociale au Ministère de l'emploi et de la solidarité et M. Philippe Georges, directeur du Fonds de financement de la CMU

 

M. Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux

9 mai 2000

M. Jean-Louis Bancel, directeur général de la FNMF

 

M. Jean-Claude Auger, directeur général du centre d'aide sociale de la ville de Paris, accompagné de Mme Dominique Martin, sous-directeur du service des interventions sociales

 

M. Jean Gras, président de la FMF et Professeur Bernard Mignot

 

M. Eric Verdier, responsable de publication de l'UJCD - Union dentaire

 

M. Hubert Wannepain, secrétaire général de la CSMF

I. LES DEMANDES DE COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE COMPLÉMENTAIRE : UNE MONTÉE EN CHARGE RÉGULIÈRE MAIS LENTE DANS LES ORGANISMES DE BASE, UNE GRANDE DÉCEPTION DANS LES ORGANISMES MUTUALISTES ET CHEZ LES ASSUREURS

A l'initiative du Gouvernement, le débat sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle s'était organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes n'était véritablement démontré :

6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.

Ni l'estimation d'un coût annuel de 1.500 francs, très contesté par les organismes de protection complémentaire, ni celle du nombre potentiel de bénéficiaires, n'avaient en effet été véritablement argumentées par le Gouvernement.

S'il est encore trop tôt pour évoquer sérieusement un bilan financier de la couverture complémentaire CMU, les chiffres fournis par les caisses comme par les organismes de protection complémentaire, semblent bien en deçà des estimations gouvernementales en ce qui concerne le nombre de bénéficiaires de la CMU.

L'entrée en vigueur de la loi instituant une couverture maladie universelle s'est d'abord traduite, au 1 er janvier 2000, par le basculement dans le régime CMU des 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide médicale des départements. Ce basculement, prévu par les articles 28 et 29 de la loi, s'est déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les départements et les caisses. Dans un département dans lequel se sont rendus les rapporteurs de votre Commission, le conseil général a même constitué, aux fins du basculement, un fichier informatisé des bénéficiaires de l'aide médicale qui n'avait jamais été réalisé jusque-là !

En ce qui concerne les nouvelles demandes de CMU complémentaire, c'est-à-dire les demandes présentées par des personnes estimant disposer de ressources d'un montant inférieur au plafond CMU mais ne bénéficiant pas de l'aide médicale, les chiffres fournis par les caisses et les organismes complémentaires montrent que la montée en charge est très lente, et qu'elle n'a concerné, presque exclusivement, que les organismes de base.

A la fin du mois d'avril, on était ainsi très loin des 3 millions de personnes bénéficiaires du nouveau dispositif.

A. L'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE MALADIE COMPLÉMENTAIRE DES FRANÇAIS PROMISE PAR LA CMU NE CONCERNE PAS ENCORE, LOIN S'EN FAUT, LES 3 MILLIONS DE PERSONNES ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT

6 millions de bénéficiaires potentiels moins 3 millions d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale = 3 millions de nouveaux bénéficiaires : tel était l'objectif annoncé par le Gouvernement lors des débats sur le projet de loi instituant la CMU.

Les chiffres fournis par les caisses et les organismes complémentaires montrent que l'on en est encore très loin.

1. Les dossiers de demande d'attribution de la CMU dans les organismes de base

Au 21 avril 2000, les CPAM avaient reçu 437.055 dossiers de demandes de CMU, et accordé le bénéfice de cette couverture à 308.761 demandeurs, 75.508 dossiers étant en instance.

Le nombre de dossiers déposés croît d'environ 100.000 par mois : il était ainsi de 227.624 au 25 février, 336.680 au 24 mars et de 437.055 le 21 avril dernier.

Le stock de demandes en instance reste à peu près constant : de 72.156 au 25 février, il est passé à 75.508 au mois d'avril, traduisant ainsi une accélération du traitement des dossiers.

Le taux de refus est lui aussi constant, et s'établit autour de 15 %.

Nombre de dossiers remplis,
en cumulé depuis début janvier 2000 (en métropole),
dans les CPAM au 21 avril 2000

 

au 25.02

au 24.03

au 21.04

Total déposés

227.624

336.680

437.055

Refus

22.070

37.542

52.786

Instances

72.156

75.083

75.508

Accords

133.398

225.056

308.761

 
 
 
 

Ratio instances/total

32 %

22 %

17 %

Ratio refus/accords + refus

14 %

14 %

15 %

Deux observations conviennent d'être formulées concernant ces chiffres :

- ils ne traduisent que la situation en métropole, à l'exclusion des DOM ;

- ils ne fournissent pas le nombre de bénéficiaires de la CMU, mais seulement celui des dossiers. Si l'on suppose que, grossièrement, chaque dossier CMU concerne un foyer de deux personnes, on aurait donc, au 21 avril, environ 600.000 personnes couvertes par la CMU .

A ces chiffres, il convient d'ajouter ceux qui concernent les demandes instruites par l'assurance maladie des indépendants et par la mutualité sociale agricole, même si leur apport ne bouleverse pas cette estimation de 600.000 personnes couvertes.

L'assurance maladie des indépendants a d'abord reçu, au 1 er janvier 2000, 73.508 anciens bénéficiaires de l'aide médicale. Le nombre de nouveaux bénéficiaires (et non de dossiers) de la CMU enregistré depuis le début de l'année est assez faible : il s'établissait ainsi à 10.692 à la fin du mois de mars 2000.

Ce nombre de bénéficiaires est à peu près équivalent dans le régime agricole qui avait accepté, à la fin du mois de mars, 7.840 dossiers de demandes de CMU (hors ex-bénéficiaires de l'aide médicale).

Récapitulatif : à peu près 600.000 personnes bénéficiaires

Nombre de dossiers acceptés

 

. Régime général (chiffres fin avril)

308.761

. MSA (chiffres fin mars)

7.840

Total

316.601

- Nombre de bénéficiaires

 

AMPI (chiffres fin mars)

10.692

Il n'y a donc pas eu, dans les premiers mois d'entrée en vigueur de la CMU, de " ruée " vers ce nouveau dispositif, malgré l'ampleur des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs publics comme par les organismes de protection sociale, de base ou complémentaire.

Plusieurs explications possibles peuvent être (prudemment) avancées :

- les hypothèses de départ (soit 3 millions de personnes non bénéficiaires de l'aide médicale et aux ressources inférieures à 3.500 francs par mois) étaient surestimées ;

- compte tenu de la variabilité de certains revenus -notamment chez les indépendants, mais aussi pour certains salariés- dans la tranche considérée, des personnes hésitent peut-être à faire valoir des droits à la CMU qu'elles savent être instables d'une année sur l'autre. Elles préfèrent donc garder leur adhésion mutualiste ou leur contrat complémentaire actuel ;

- certains personnes âgées, peu informées, craignent peut-être que la CMU puisse faire l'objet d'une récupération sur succession ;

- dans le régime agricole, certains retraités dont les ressources sont aujourd'hui inférieures au plafond savent que, compte tenu de la revalorisation de leur retraite, ils seront prochainement exclus de la CMU. Ils craignent ainsi qu'en renonçant aujourd'hui à leur couverture complémentaire, ils s'exposent à devoir, plus tard, se soumettre à un examen médical pour retrouver une couverture complémentaire, dont les tarifs pourraient être plus élevés que ceux qui s'appliquent aujourd'hui à leur contrat ;

- enfin, pour certains bénéficiaires potentiels de la CMU déjà adhérents d'une mutuelle ou titulaires d'un contrat d'assurance, le panier de soins couvert par leur contrat actuel est plus avantageux que celui de la CMU en matière dentaire et d'optique. Ils hésitent peut-être à renoncer à ce contrat, ce qui les obligerait à adhérer, en plus de la CMU, à l'un des contrats " surcomplémentaires CMU " que certains organismes mutualistes et assureurs proposent déjà...

2. Les demandes de gestion de la CMU par les organismes complémentaires

Si le nombre de nouveaux bénéficiaires de la CMU enregistrés dans les organismes de base peut-être considéré comme faible, celui des bénéficiaires ainsi enregistrés ayant fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire l'est encore plus...

A la fin du premier trimestre 2000, la surprise était ainsi très grande dans les 523 organismes de protection complémentaire participant à la CMU, et toutes les estimations effectuées avant l'entrée en vigueur du dispositif avaient dû être révisées à la baisse.

Ainsi, la Fédération française des sociétés d'assurance, dont presque tous les membres -à l'exception de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), qui intervient, en maladie, essentiellement en réassurance et de quelques sociétés étrangères- ont décidé de participer au dispositif indiquant qu'elle assurait la gestion de 7.000 bénéficiaires de la CMU...

A lui seul, GROUPAMA, qui est adhérent de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), gérait 1.000 bénéficiaires.

Chez les organismes mutualistes, la Mutualité française revendiquait 80 à 100.000 personnes et la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles environ un millier .

En fait, toutes les prévisions réalisées avant l'entrée en vigueur de la CMU par les organismes complémentaires ont été revues à la baisse.

Ainsi, selon les représentants de la fédération nationale interprofessionnelle et mutuelles (FNIM), la MAAF-Assurance santé, qui assure 300.000 chefs de famille et s'était engagée dans la CMU dans un esprit très dynamique, estimait à 6.000 le nombre de bénéficiaires de la CMU qui la choisiraient comme gestionnaire de leur complémentaire. Elle n'en compte en réalité que 600 ou 700.

Il en est de même au sein des régimes de base. Ainsi, la CANAM, qui assure la couverture maladie de base de 3,1 millions de personnes, estimait à 500 ou 600.000 le nombre de bénéficiaires potentiels de la CMU parmi ses ressortissants : les chiffres réels sont, là aussi, près de dix fois inférieurs, la CANAM ayant accordé le bénéfice de la CMU complémentaire à un peu plus de 80.000 personnes, dont 10.000 seulement ne bénéficiaient pas de l'aide médicale avant le 1 er janvier 2000.

3. Les profils de bénéficiaires : l'exemple du régime AMPI

Catégories de bénéficiaires
(sur un total, au 29 février 2000, de 78.370 bénéficiaires)



Type d'admission



Taille du foyer CMU



Structure par âge



Pyramide des âges
âge moyen 36 ans (AMPI 47 ans)

B. POUR LES 3 MILLIONS D'ANCIENS BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE MÉDICALE, LA PROMESSE D'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE COMPLÉMENTAIRE EST PRÉCAIRE ET RÉVOCABLE

Le " basculement " dans le régime CMU, pour les 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide médicale, n'a pas toujours été synonyme d'amélioration de la couverture médicale.

Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique, qui sont les plus " sensibles " en ce qui concerne l'accès aux soins des personnes peu favorisées, certains départements offraient, au titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à celle que procure la CMU.

Ainsi, la CMU couvre des dépenses à hauteur de 2.600 francs tous les deux ans par bénéficiaire pour les prothèses dentaires, et de 1.600 francs tous les deux ans pour les prothèses auditives.

Ces chiffres sont à rapprocher des 2.500 francs annuels offerts par la Carte Paris santé, et des 5.000 francs annuels attribués pour la prise en charge des prothèses auditives.

En outre, " l'amélioration " de la couverture complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU va s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement révocable.

Aux termes de la loi, en effet, les bénéficiaires de l'aide médicale ont été automatiquement basculés dans le régime CMU, sans que le niveau de leurs ressources soit encore contrôlé.

La loi prévoit ainsi, dans son article 28, que " les personnes titulaires de l'aide médicale à la date d'entrée en vigueur de la présente loi bénéficient de plein droit des dispositions de l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale (c'est-à-dire de la CMU) jusqu'à expiration de la période d'admission à l'aide médicale et, en tout état de cause, jusqu'au 31 mars 2000 ".

Le contrôle des ressources devait être réalisé par les caisses au 30 juin 2000. Tous les responsables des caisses nationales rencontrés par vos rapporteurs sont formels : ils ne parviendront pas à effectuer cette tâche d'ici la fin du mois de juin, et plusieurs demeurent circonspects quant à la possibilité d'y parvenir d'ici la fin du mois d'octobre.

Si la montée en charge de la CMU se poursuit à son rythme d'environ 100.000 dossiers par mois et dans un contexte où le retard de traitement des feuilles de soins par les CPAM concerne déjà 11,7 millions de feuilles (contre 11,4 millions à la fin du mois de mars), soit six jours de traitement, on voit en effet assez mal comment le contrôle des ressources des 3,1 millions de bénéficiaires de l'aide médicale pourrait être réalisé dans un délai raisonnable.

Ce contrôle des ressources va occasionner de mauvaises surprises aux personnes qui avaient été admises à l'aide médicale dans la vingtaine de départements dont les barèmes étaient plus favorables -voire beaucoup plus favorables- que celui de la CMU.

Elles perdront en effet le bénéfice de l'aide médicale, et l'institution de la CMU se traduira, pour ces personnes, par un recul de leurs droits. Ainsi, à Paris, le plafond de ressources pour la carte Paris santé s'établissait à 4.004 francs par mois, voire même à 4.205 francs pour les personnes âgées ou handicapées qui bénéficiaient d'une allocation de garantie de ressources servie par la ville.

Cette allocation complète en effet leurs ressources jusqu'à 4.205 francs par mois pour une personne seule et 7.360 francs pour un couple, auxquels s'ajoute une prise en compte de leur loyer réel jusqu'à un montant de 1.500 francs.

Au total, la carte Paris santé bénéficiait à 140.000 personnes, dont 20.000 personnes âgées ou handicapées bénéficiaires de l'Allocation ville de Paris.

Il est aujourd'hui impossible de connaître le nombre de personnes qui perdront leur droit à une couverture maladie complémentaire -et, dans certains cas aussi, de base- gratuite, même si plusieurs interlocuteurs de vos rapporteurs ont avancé le chiffre de 100.000 .

Nul doute cependant que ces situations seront mal vécues : il est rare, dans notre pays, que des réformes de la protection sociale se traduisent par une régression des droits... surtout lorsque ces réformes ont une ambition affichée de plus grande générosité.

Au guichet des caisses, il sera d'autant plus difficile à expliquer les décisions de rejet que ces ex-bénéficiaires de l'aide médicale auront, pendant près d'un an, bel et bien bénéficié de la CMU dont ils seront, non pas écartés, mais radiés...

L'ensemble des interlocuteurs de vos rapporteurs interrogés sur ce point a confirmé que l'institution d'une allocation personnalisée à la santé dégressive avec le revenu, prônée par le Sénat lors de la discussion du projet de loi, eût été grandement préférable au " tout ou rien " que le Gouvernement et sa majorité parlementaire se sont obstinés à retenir, sans d'ailleurs avancer d'autre importante explication à ce choix que l'opposition présumée de certaines associations impliquées dans l'aide aux personnes défavorisées à un scénario véritablement partenarial impliquant les organismes de protection sociale complémentaire.

II. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION DE LA LOI ONT INUTILEMENT AGGRAVÉ LA COMPLEXITÉ DU DISPOSITIF, OCCASIONNANT AINSI ERREURS, PERTE DE TEMPS ET INCOMPRÉHENSIONS

Alors qu'assez peu de dossiers de demande de CMU ont été reçus et que le contrôle des ressources des anciens bénéficiaires de l'aide médicale n'a pas encore été effectué, la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle a considérablement aggravé, car elle n'en est pas la seule cause, l' " engorgement " de beaucoup de caisses primaires d'assurance maladie.

La grande complexité du dispositif législatif, renforcée par les mesures réglementaires d'application, en est la cause directe : la tâche des agents des caisses qui ont dû apprendre un nouveau métier de contrôleur de ressources, a en effet été rude.

A. BEAUCOUP DE COMPLEXITÉ INUTILE

1. Les agents des caisses ont dû apprendre deux méthodes de contrôle des ressources, une pour la CMU de base, une autre pour la CMU complémentaire

Pour être exact, ce n'est pas un mais deux nouveaux métiers qu'ont dû apprendre les agents des caisses de sécurité sociale pour mettre en oeuvre la CMU : en effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ", ni les ressources prises en compte ne sont identiques pour la CMU de base et la CMU complémentaire.

a) Les " foyers " de la CMU de base et de la CMU complémentaire ne sont pas identiques

Pour le contrôle des ressources des demandeurs de la CMU de base, la notion de foyer fiscal s'applique le plus souvent.

Comme l'indique la circulaire DSS/5A/5B n° 2000-21 du 12 janvier 2000 " les revenus pris en compte sont ceux de l'assuré et de ses ayants droit. De manière générale, ces revenus correspondent à ceux du foyer fiscal ".

Il n'y a d'exception à ce principe que lorsque le foyer fiscal ne coïncide pas avec celui de la personne affiliée et de ses ayants droit. Dans ce cas, il appartient aux agents des caisses, soit d'additionner les revenus fiscaux de l'assuré et de ses ayants droit, soit de déduire du revenu fiscal de référence du foyer les revenus correspondant à la ou aux personne(s) non ayant(s) droit.

Pour la protection complémentaire, la réglementation est différente. Le " foyer " se compose, aux termes de l'article R. 861-2 du code de la sécurité sociale :

- de l'auteur de la demande ;

- et de son conjoint soumis à imposition commune ou de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité et des personnes à leur charge " réelle et continue " , à savoir :

- les enfants et autres personnes de moins de 25 ans rattachés au foyer fiscal du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire ;

- les enfants du demandeur, de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire vivant sous le même toit que le demandeur, âgés de moins de 25 ans et ayant établi une déclaration de revenus autonome ;

- les enfants majeurs du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire âgés de moins de 25 ans qui reçoivent une pension faisant l'objet d'une déduction fiscale et dont le versement ne fait pas suite à une décision judiciaire.

b) Les ressources prises en compte ne sont pas les mêmes

Cette difficulté concernant la double notion de " foyer " répond à celle concernant le périmètre des ressources à contrôler.

Pour la CMU de base, en effet, les ressources prises en compte correspondent à celles qui sont énumérées au 1° du V de l'article 1417 du code général des impôts, à savoir le revenu fiscal de référence figurant sur l'avis d'imposition.

Eléments à prendre à compte dans l'assiette de la cotisation prévue
à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale

(annexe à la circulaire DSS du 12 janvier 2000 précitée)

(1° du V de l'article 1417 du CGI : montant net des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente, tel que pris en compte pour l'appréciation du critère d'exonération applicable en matière de taxe d'habitation).



Eléments à prendre en compte

Source d'information

Eléments à déduire du revenu déclaré (1)

Revenu fiscal de référence (de l'assuré et ses ayants droit) : (I - II +III)

Avis d'imposition

Néant

I. - Revenus pris en compte

 
 

a) Traitements et salaires :

 
 

Traitements et salaires avant tout abattement, dont notamment : congés payés, stages, CES, allocation de préretraite progressive, allocation spécifique de conversion versée par l'ASSEDIC, compléments pour les organisations internationales, rémunérations des gérants et associés, avantages en nature, indemnités de préavis en cas de licenciements, partie imposable des apprentis sous contrat, indemnités journalières de maladie maternité imposables (mais pas IF longue maladie ou accident du travail), allocations journalières imposables (allocation chômage partiel ou total versé par les ASSEDIC), indemnités de stage imposables (durée supérieure à 3 mois) (mais pas les bourses de l'enseignement supérieur).

+ préretraites lorsqu'elles sont imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

Traitements et salaires avant tout abattement, tels que déclarés au cadre 1 de la déclaration n° 2042 (après déduction des cotisations de sécurité sociale).

Déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels (et) éventuellement déduction forfaitaire supplémentaire).

La déduction forfaitaire de 10 % ne peut être inférieure à 2.320 F (2.310 F) ou 5.070 F (5.040 F) pour un demandeur d'emploi depuis plus d'un an, ni supérieure à 77.850 F (77.460 F).

 
 
 

La déduction forfaitaire supplémentaire ne peut être supérieure à 20.000 F (30.000 F).

Déduction de frais professionnels pour leur montant réel et justifié.

Abattement de 20 %.

Il se calcule sur le total des revenus nets concernés (total des traitements et salaires après déduction des frais professionnels et des pensions et rentes viagères à titre gratuit après application de l'abattement spécifique de 10 %).

Il est plafonné à 142.200 F (141.400 F). Ce plafond s'apprécie distinctement pour chaque membre du foyer fiscal.

b) Pensions, retraites et rentes :

 
 
 

Pensions de retraites, pensions d'invalidité, pensions alimentaires reçues en espèce ou en nature en exécution d'obligations du code civil (dans la limite d'un plafond de 20.480 F (20.370 F) dans le cas d'enfants majeurs), rentes viagères à titre gratuit (à l'exception de l'AVTS, des allocations du FSV et du FSI, des rentes viagères servies aux victimes d'accidents du travail, des pensions militaires d'invalidité, de l'AAH, du RMI, de l'allocation pour tierce personne).

+ Préretraites lorsqu'elles sont imposées dans la catégorie des pensions, retraites et rentes.

Montant des pensions, retraites et rentes déclarées au cadre 1 de la déclaration n° 2042.

Abattement forfaitaire de 10 % applicable aux retraites, pensions et rentes viagères à titre gratuit.

Il ne peut être inférieur à 2.050 F (2.040 F) par titulaire de ces revenus.

Il est plafonné à 20.100 F (20.000 F) pour l'ensemble du foyer fiscal.

Abattement de 20 % : calcul commun à celui mentionné plus haut.

Rentes viagères à titre onéreux

Montant des rentes viagères à titre onéreux déclarées au cadre 1 de la déclaration n° 2042.

Elles ne sont retenues que pour une fraction représentative du capital, déterminée après l'âge du rentier lors de l'entrée en jouissance de la rente (soit : 70 % si moins de 50 ans

50 % entre 50 et 59 ans

40 % entre 60 et 69 ans

30 % au-delà de 69 ans.

c) Revenus d'activités non salariées :

 
 

(Bénéfices agricoles, bénéfices des professions industrielles, commerciales et artisanales, bénéfices des professions non commerciales et revenus assimilés)

- régime du forfait agricole ;

- régime du micro BIC ;

- régime spécial BNC ;

- régimes du bénéfice réel, transitoire ou de la déclaration contrôlée.

Revenus avant tout abattement, déclarés au cadre 5 de la déclaration n° 2042 au titre de l'année concernée.

- lecture directe du revenu à retenir ;

- déduction d'un abattement forfaitaire de 70 % (activités de vente à emporter ou à consommer sur place et de fourniture de logement et e 50 % pour les prestations de services autres que le logement. Le montant de l'abattement ne peut être inférieur à 2.000 F ;

- déduction d'un abattement forfaire de 35 % ;

- abattement de 20 %, accordé aux adhérents d'un centre ou d'une association de gestion agréé.

Il est plafonné à 142.000 F (141.400 F). Ce plafond s'apprécie distinctement pour chaque membre du foyer fiscal.

d) Revenus fonciers :

 
 

- revenus nets fonciers (loyers, fermages, parts de SCI) ;

- régime micro-foncier

Revenus déclarés dans le cadre 4 de la déclaration n° 2042.

- lecture directe à retenir ;

- déduction d'un abattement de 1/3 du revenu brut.

e) Revenus des valeurs et capitaux mobiliers :

 
 

- y compris l'avoir fiscal ou le crédit d'impôt

Revenus déclarés dans le cadre 2 de la déclaration n° 2042, y compris l'avoir fiscal ou le crédit d'impôt (éventuellement imprimés bancaires).

Abattement annuel de 8.000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 16.000 F pour les contribuables mariés soumis à l'imposition commune applicable exclusivement aux dividendes d'actions de sociétés françaises, aux produits de parts de SARL et EARL et aux intérêts des sommes inscrites en comptes bloqués d'associés.

f) Montant des plus-values mobilières et immobilières imposables (Cessions à titre onéreux).

 
 
 

Montant des plus-values mobilières et immobilières imposables déclarées au cadre 3 de la déclaration n° 2042, c'est-à-dire après application des abattements spéciaux et généraux et prise en compte du seuil de cession.

Lecture directe du revenu à retenir.

Eléments à prendre en compte

Source d'information

Eléments à déduire du revenu brut global (1)
(somme des différents revenus catégoriels)

II. - Charges admises en déduction

 
 

Déficits :

 
 

Déficits de l'année en cours et déficits reportables des cinq années antérieures (à l'exception de certains déficits fonciers, des déficits agricoles dans certaines circonstances, des déficits d'activités non commerciales à caractère non professionnel, des déficits d'activité commerciale à caractère non professionnel.

Déficits déclarés cadre 4 de la déclaration n° 2042 en ce qui concerne les déficits fonciers imputables, cadre 5 pour les revenus d'activité non salariaux et cadre 6 pour les déficits des années antérieures

Montant porté sur la déclaration.

Charges déductibles du revenu global :

 
 

- CSG sur les revenus du patrimoine ;

- pensions alimentaires versées à un ascendant ou à un descendants ;

- frais d'accueil des personnes âgées de plus de 75 ans ;

- déductions diverses.

Charges déclarées au cadre 6 de la déclaration n° 2042.

- montant figurant sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration (dans la limite d'un plafond de 20.480 F (20.370 F) par enfant dans le cas de pensions servies à un enfant majeur) ;

- montant porté sur la déclaration (dans la limite d'un plafond de 17.910 F (17.840 F) par personne recueillie) ;

- montant porté sur la déclaration.

Abattements spéciaux :

 
 

- personnes âgées de plus de 65 ans ou invalides quel que soit leur âge ;

- rattachement d'un enfant ayant fondé un foyer distinct ou célibataire, veuf, divorcé, chargé de famille.

- pas d'information synthétique sur la déclaration n° 2042 pour procéder au calcul de ces abattements ;

- informations figurant ligne N du cadre D de la déclaration n° 2042.

- déduction d'une somme de 10.000 F (10.040 F) sir le revenu net global n'excède as 62.300 F (61.900 F) et de 5.050 F (5.020 F) si ce revenu est compris entre 62.300 F (61.900 F et 100.600 F (100.100 F).

Cet avantage est doublé pour les personnes mariées si les deux conjoints remplissent les conditions d'âge ou d'invalidité et si le revenu imposable du foyer fiscal n'excède pas les limites précitées.

- abattement de 20.480 F (20.370 F) par personne rattachée.

Eléments à prendre en compte

Source d'information

Eléments à réintégrer

III. - Réintégration de certaines charges déduites et prise en compte de certains revenus exonérés d'impôt.

a) Réintégration de certaines charges (2) :

 
 

- souscriptions en numéraire au capital SA se consacrant au financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA) ;

- pertes résultant de la souscription au capital de sociétés nouvelles ;

- acquisitions de parts de copropriété des navires civils de charge ou de pêche et des navires de commerce soumis à agrément ;

- souscription en numéraire au capital de sociétés ayant pour objet le financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE) ;

- déduction applicable aux investisseurs éligibles au dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer.

Charges déclarées au cadre 6 de la déclaration n° 2042

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration.

b) Prise en compte de certains revenus

 
 

- produits de placement à revenus fixes soumis au prélèvement libératoire ;

- traitements et salaires perçus par les contribuables fiscalement domiciliés en France et envoyés à l'étranger par un employeur établi en France ;

- revenus perçus par les fonctionnaires des organisations internationales ;

- revenus exonérés par application d'une convention internationale relative aux doubles impositions ;

- bénéfices industriels et commerciaux exonérés au titre des activités exercées par les entreprises nouvelles dans les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire ou les zones de redynamisation urbaine, par les entreprises dans les zones franches urbaines (pendant 59 mois) et par les contribuables qui exercent ou créent une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole en Corse (pendant 60 mois).

- revenus déclarés au cadre 2 de la déclaration n° 2042 ;

- revenus déclarés au cadre 8 de la déclaration n° 2042 ;

- absence d'obligation déclarative ;

- revenus déclarés au cadre 8 de la déclaration n° 2042, lignes TI, TK ou TL ;

- bénéfices déclarés au cadre 5 de la déclaration n° 2042.

- montant porté sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration.

(1) Tous les seuils ou plafonds mentionnés se rapportent aux revenus de 1999 (et pour la phase transitoire, aux revenus 1998, chiffres en italique et entre parenthèses).

(2) La réintégration de ces charges suppose qu'elles aient été prises en compte au préalable comme charges déductibles du revenu imposable pour le calcul de l'impôt sur le revenu.


Pour la CMU complémentaire, le décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 modifiant l'article R. 762-8 du code de la sécurité sociale a énuméré les ressources à reconstituer. Non seulement ces ressources ne correspondent pas à celles qui sont énumérées au 1° du V de l'article 1417 du code général des impôts, mais des difficultés supplémentaires résultent du fait que :

- certaines prestations sociales sont prises en compte, d'autres pas ;

- certains avantages en nature ou certaines prestations sociales font l'objet d'une évaluation forfaitaire ;

- et plusieurs dispositions visant à prendre en considération des changements récents dans la situation économique ou familiale du bénéficiaire, prévoient que certaines ressources, dans cette hypothèse, soit seront déduites du total, soit feront l'objet d'abattements.

Pour la détermination des droits à la CMU complémentaire, les ressources prises en compte, aux termes de l'article R. 861-4 du code de la sécurité sociale, comprennent l'ensemble des ressources des personnes composant le " foyer " , nettes de prélèvements sociaux obligatoires, de CSG et de CRDS, y compris les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux.

Toutefois :

- ne sont pas pris en compte : l'allocation d'éducation spéciale, l'allocation de rentrée scolaire et les primes de déménagement, les majorations pour tierce personne, l'allocation compensatrice pour l'emploi d'une tierce personne et la prestation spécifique dépendance, les prestations en nature des assurances maternité, maladie, invalidité ou accident du travail, l'AFEAMA et l'AGED, les aides et secours versés par des organismes sociaux, l'AJE, l'allocation spécifique d'attente, les indemnités en capital de l'assurance accidents du travail et indemnités complémentaires de remplacement, la prime de rééducation et le prêt d'honneur créé par l'article R. 432-10 du code de la sécurité sociale, les bourses d'études (sauf celles de l'enseignement supérieur), les frais funéraires et le capital décès, l'allocation du fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord et l'aide spécifique en faveur des conjoints survivants des membres des formations supplétives.

Sont également déduites les charges consécutives au versement des pensions et obligations alimentaires.

En outre, certaines prestations ou avantages en nature font l'objet d'une évaluation forfaitaire : il s'agit des avantages en nature procurés par un logement à son propriétaire ou ceux dont bénéficie l'occupant à titre gratuit d'un logement, des avantages procurés par des biens mobiliers, immobiliers ou des capitaux non exploités ni placés, ainsi que des aides personnelles au logement.

Enfin, des dispositions spécifiques prévoient des abattements ou déductions spécifiques en cas :

- de diminution au cours de la période de référence, du nombre des personnes composant le foyer (régime de déduction) ;

- de chômage total ou d'une interruption de travail supérieure à 6 mois (abattement de 30 %) ;

- de stage de formation professionnelle ou de perception de l'allocation d'insertion ou de l'allocation de solidarité spécifique (abattement de 30 %).

La très grande complexité de ces règles, avec lesquelles doivent au quotidien " jongler " les agents des caisses et qui n'a pas toujours de fondement logique, est source de beaucoup de perte de temps et d'erreurs.

2. L'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls salariés, empêche toute automatisation des procédures de contrôle des ressources

La complexité ne s'arrête pas aux différentes définitions du " foyer " et des ressources prises en compte dans le cadre de la CMU. Elle résulte aussi des dispositions de l'article R. 861-8 du code de la sécurité sociale (issu du décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 précité), qui prévoit que, pour les salariés, " les ressources prises en compte sont celles qui ont été effectivement perçues au cours de la période des douze mois civils précédant la demande ", et non pas au cours de l'année civile précédant cette demande.

On comprend bien la logique de cette disposition, qui vise à prendre en considération, aussi fidèlement que possible, la situation économique du demandeur au moment de sa demande de CMU complémentaire.

Cependant, elle n'est utile que pour les demandeurs dont la situation a profondément changé au cours des derniers mois précédant cette demande, et elle fait double emploi avec les dispositions du même article qui prévoient des déductions et abattements en cas de chômage, de séparation ou de décès.

En tout état de cause, elle aurait pu être réservée aux seules personnes dont la situation avait changé en cours d'année.

Cette disposition prévoyant un contrôle des ressources sur " douze mois glissants " empêche toute automatisation du contrôle des ressources, toute référence aux déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration avec les services des administrations fiscales et sociales, toute réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance maladie.

Elle oblige les agents des caisses à un long travail manuel de reconstitution des ressources, qui sera malheureusement à recommencer chaque année sur les mêmes bases et selon les mêmes méthodes.

Ce travail est souvent harassant, notamment lorsqu'il s'agit de se référer à des bulletins de salaire rédigés souvent de manière très... sommaire. Ces bulletins de salaire, pour les personnes employées de maison auprès de particuliers ou qui font des " petits boulots ", sont souvent au nombre de 4 ou 5 par mois...

Voici quelques exemples de calculs effectués " à la main " par les agents d'une CPAM :



Dossier n° 2 : Nicole, Lionel, Laurent

Ressources : de mars 1999 à mars 2000

Dossier n° 3 : Claude

Ressources : de février 1999 à février 2000

La règle des " douze mois glissants " , jugée utile par le pouvoir réglementaire pour les salariés, ne l'a cependant pas été, ni pour les indépendants, ni pour les professions agricoles : les articles R. 861-11 à R. 861-15 du code de la sécurité sociale prévoient en effet, pour ces personnes, une évaluation des ressources sur la base de l'année civile précédant celle de la demande.

On pourrait, à première vue, en conclure que, si la tâche n'est pas aisée pour les agents des CPAM qui travaillent sur la base des douze mois glissants, les personnels de l'assurance maladie des indépendants et de la MSA ont la chance de travailler sur la base de l'année civile.

Ce serait oublier que, pour les couples comprenant un salarié et un indépendant ou un agriculteur, le calcul des ressources doit être effectué sur ces deux bases différentes, dans chacun des régimes concernés...

Il est difficile de comprendre l'obstination qu'a manifestée le ministère sur cette question, l'inutile complexité de la règle des " douze mois glissants " ayant été soulignée à plusieurs reprises par la CNAMTS pendant toute la période de rédaction des textes réglementaires.

Ainsi, dès le 20 août 1999, le Directeur général de la CNAMTS, M. Gilles Johanet, avait adressé une première lettre concernant cette question à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette lettre mettait notamment l'accent sur les avantages d'une référence aux ressources de l'année civile précédente, et notamment de la collaboration avec la CNAF qu'elle rendait possible.

Puis, le 12 octobre 1999, la commission de l'assurance maladie de la CNAMTS émettait un avis défavorable au projet de décret prévoyant la référence aux " douze mois glissants ".

Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Commission de l'assurance maladie

Réunion du 12 octobre 1999

Objet : décret relatif à la composition du foyer et à la détermination des ressources et des charges prises en compte pour l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé et modifiant le Code de la sécurité sociale (deuxième partie : décrets en Conseil d'Etat).

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La Commission de l'assurance maladie est appelée à se prononcer sur ce présent projet de décret.

Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Commission de l'assurance maladie

Réunion du 12 octobre 1999

Relevé de décisions

Mais rien n'y a fait : sur arbitrage personnel du ministre, semble-t-il, le décret finalement publié a écarté la solution simple que constituait la référence aux ressources de l'année civile précédente pour l'examen des droits à la CMU complémentaire, et a retenu, pour les salariés, la référence aux " douze mois glissants " .

3. Et il faut aussi compter avec les procédures dérogatoires

Par souci de " simplification " -mais cette simplification a malheureusement plus profité aux rédacteurs des décrets d'application qu'aux gestionnaires du dispositif CMU-, " la volonté des pouvoirs publics a été d'établir une stricte identité entre les conditions d'accès au revenu minimum d'insertion et à la couverture maladie universelle complémentaire. " (circulaire DEPSE/SDPS/C2000-7010 du 28 février 2000 du ministère de l'agriculture et de la pêche).

Or, il résulte des textes d'application de l'article 16 du décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du RMI et notamment de la circulaire n° 193 de la CCMSA du 15 décembre 1988 que, " lorsque les conditions d'accès au RMI pour les non-salariés ne sont pas satisfaites, le préfet peut, à titre dérogatoire et pour tenir compte de circonstances exceptionnelles, ouvrir un droit au RMI ".

Aussi, les textes réglementaires concernant la CMU ont imposé aux agriculteurs assujettis au régime fiscal du réel une procédure dérogatoire d'instruction de leurs demandes, qui sera réalisée, non par la caisse de MSA, mais... par le préfet.

Les articles R. 861-11 et R. 861-12 issus du décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 précité réservent ainsi l'admission d'office à l'examen des droits à l'attribution de la CMU complémentaire par les caisses les demandes présentées par :

- les personnes soumises au régime d'imposition des bénéfices agricoles forfaitaires mettant en valeur une exploitation dont le dernier bénéfice agricole forfaitaire connu est inférieur à 1.030 fois le SMIC (41.942 francs) ;

- et les personnes relevant de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC et/ou des BNC dont le dernier chiffre d'affaires hors taxe annuel est inférieur aux limites fiscales du régime micro-entreprises.

En conséquence de l'idée encore trop répandue selon laquelle les exploitants agricoles soumis au régime d'imposition des bénéfices agricoles au réel ou transitoire ainsi que les membres des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés sont nécessairement " plus riches " que ceux qui sont au forfait, elles ne sont pas visées par l'examen direct des conditions d'accès à la CMU complémentaire.

Il appartient ainsi au préfet (et non à la caisse), à titre dérogatoire d'accorder, après évaluation des ressources, le bénéfice de la CMU complémentaire aux intéressés (article R. 861-13 du code de la sécurité sociale).

Selon les départements, l'application de ces textes complexes est plus ou moins difficile. Selon les gestionnaires du régime agricole rencontrés par votre rapporteur, le préfet donne parfois une grande liberté d'instruction à la caisse. Mais, dans d'autres préfectures ou sous-préfectures, il est procédé à un examen très attentif des dossiers, ce qui implique de nombreuses demandes d'information adressées aux caisses de MSA, beaucoup de perte de temps, et parfois aussi beaucoup d'incompréhension de la part des bénéficiaires potentiels de la CMU imposés au réel. Il a même fallu, pour que tous les préfets acceptent d'accorder des dérogations que le ministère publie une circulaire...

Circulaire DEPSE/SDPS/C2000-7010 du 28 février 2000
du ministère de l'agriculture et de la pêche

Objet : conditions d'accès à la CMU complémentaire - Interprétation de l'article R. 861-13 du code de la sécurité sociale

" L'article R. 861-13 prévoit un système dérogatoire, placé sous la responsabilité des préfets de département, ouvert aux personnes qui lors d'une première instruction de leur dossier se sont vu refuser l'accès à cette couverture complémentaire.

" La question peut se poser de savoir si ce dispositif dérogatoire est ouvert aux exploitants agricoles assujettis au régime fiscal du réel.

" La volonté des pouvoirs publics a été d'établir une stricte identité entre les conditions d'accès au revenu minimum d'insertion et à la couverture maladie universelle complémentaire.

" (...) Les exploitants agricoles soumis au régime d'imposition au réel, dans la mesure où ils ne remplissent pas toutes les conditions définies à l'article R. 861-11 mais que leurs ressources sont inférieures au seuil, peuvent faire valoir qu'ils se trouvent dans une situation particulière et prétendre à faire examiner leur demande par vos soins.

" J'attire votre attention sur le fait que cette admission à l'examen de leur dossier repose sur le même principe que celui qui a été fixé dans le cadre de la réglementation afférente au RMI.

" Or, conformément à l'esprit de la loi du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et en l'état actuel des textes réglementaires, ces mêmes exploitants peuvent voir leur dossier examiné par les commissions de dérogation qui ont été mises en place.

Le Directeur des Exploitations
de la Politique sociale et de l'Emploi

Christian Dubreuil

Ces inégalités de traitement en ce qui concerne la procédure d'instruction des demandes de CMU complémentaire s'ajoutent à celles que l'on peut constater en ce qui concerne la CMU de base pour les indépendants.

Ces inégalités, prévisibles compte tenu de la rédaction du projet de loi, avaient été dénoncées par votre rapporteur au cours de sa discussion en séance publique, sans que celui-ci ait bénéficié d'une écoute particulière de la part du Gouvernement.

Ainsi, pour le régime agricole, les règles d'affiliation au régime de la CMU ou au régime agricole se basent sur des critères différents qui feront qu'à revenu égal, deux personnes seront redevables de cotisations d'un montant différent.

La loi prévoit en effet que les bénéficiaires de la CMU seront redevables d'une cotisation lorsque leurs ressources dépasseront un certain plafond fixé par décret.

Or, l'assujettissement auprès de la MSA ne se fait pas sur un critère de revenu mais sur un critère de surface d'exploitation. En effet, selon les dispositions du code rural, relèvent du régime agricole toutes les personnes qui dirigent une exploitation d'une dimension au moins égale à une demi-SMI (surface minimum d'installation), et ce, même si leur revenu est faible.

Il apparaît donc que les personnes dirigeant une exploitation dont la surface est supérieure à une demi-SMI relèveront du régime agricole pour ce qui est de leur couverture maladie et devront verser une cotisation auprès de la MSA selon les règles en vigueur actuellement, et ce, qu'elles disposent de plus ou moins de 3.500 francs par mois.

Les personnes dirigeant une exploitation inférieure à une demi-SMI et sans autre activité relèvent, quant à elles, du régime de la CMU sans devoir acquitter de cotisation si elles disposent d'un revenu inférieur à 3.500 francs par mois.

Un problème d'équité se pose donc. Pour bénéficier d'une couverture maladie, une personne dont le revenu est inférieur à 3.500 francs par mois se verra dans l'obligation d'acquitter ou non une cotisation, selon la taille de l'exploitation qu'elle dirige, et donc selon qu'elle est affiliée ou non au régime agricole.

4. Les formulaires sont impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et parfois erronés ou incomplets

70 % des dossiers transmis dans une caisse d'assurance maladie visitée par votre rapporteur s'avèrent incomplets : plusieurs rendez-vous avec la grande majorité des demandeurs sont ainsi nécessaires au cours desquels les agents des caisses doivent fournir des explications supplémentaires.

Cette perte de temps s'explique par l'insuffisante clarté, et parfois le caractère erroné, ou incomplet, des formulaires administratifs de demande.

Quelques exemples :

•  Quelle est la différence entre " revenus perçus en France, hors de France ou versés par une organisation internationale " (formulaire Cerfa n° 11420*01, déclaration de ressources CMU complémentaire) et " ressources perçues en France, (hors de France) ou versées par une organisation internationale " (formulaire Cerfa n° 11419*01, déclaration de ressources CMU de base) ?

•  Que signifie, pour un demandeur non assisté, les mentions : " Période(s) de référence : du.... au... ou année civile.... " figurant en tête du formulaire Cerfa n° 11420*01 ?

•  Pourquoi la fiche explicative du document Cerfa n° 11420*01 indique-t-elle que la rubrique n° 6 de la déclaration de ressources, consacrée aux prestations familiales et sociales, ne doit pas être remplie par le demandeur, alors qu'elle doit l'être ( " Cette rubrique sera complétée par la caisse d'assurance maladie " ) ?

•  Pourquoi cette même fiche explicative indique-t-elle que l'aide personnalisée au logement, l'allocation logement sociale et l'allocation logement familiale " ne sont pas prises en compte " dans le calcul des ressources, alors que l'article R. 861-7 du code de la sécurité sociale dispose qu'elles sont bien incluses dans ce calcul à titre forfaitaire (12 % du montant du RMI lorsque le foyer est composé d'une personne, et 14 % du montant du RMI fixé pour 2 ou 3 personnes lorsque le foyer est composé de 2 ou 3 personnes) ?

•  Comment les agents des caisses peuvent-ils apprécier " les avantages en nature procurés par un logement " occupé, soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnelle au logement soit, à titre gratuit, par les membres du foyer du demandeur, l'imprimé de déclaration des ressources ne comportant aucune question sur ce thème ?

Or l'article R. 861-5 du code de la sécurité sociale prévoit que ces avantages sont évalués, de manière forfaitaire, selon des valeurs identiques à celles qui sont prévues pour les aides au logement.

B. CETTE COMPLEXITÉ EST SOURCE D'ERREURS, D'INCERTITUDES ET INCOMPRÉHENSIONS

La complexité du dispositif CMU a contribué à l' " engorgement " des CPAM, constaté depuis le début de l'année 2000.

Certes, il n'est pas anormal que la mise en oeuvre d'une réforme telle que la CMU s'accompagne de quelques dysfonctionnements, au moins en début de période.

Il est cependant frappant que tous les organismes, institutions ou syndicats rencontrés par votre rapporteur aient, chacun pour ce qui les concerne, donné des exemples d'erreurs ou de dysfonctionnements qui apparaissent comme très fréquents.

Et il est certain que, malgré le faible nombre de " nouveaux " dossiers CMU déposés dans les CPAM, cette complexité a contribué à aggraver leur " engorgement " , occasionnant ainsi un grand retard dans le remboursement des dépenses de soins engagées par l'ensemble des assurés sociaux.

1. Quelques exemples d'erreurs, incertitudes et incompréhensions

Envoi de la CPAM du Val-de-Marne

Envoi de la CPAM de l'Essonne

Difficultés rencontrées par la mutuelle X avec la couverture maladie universelle

" A ce jour, dans la gestion quotidienne des bénéficiaires de la CMU, nous avons rencontré quelques difficultés et notamment avec les Caisses primaires d'assurance maladie, soit :

"  Certaines CPAM refusent de délivrer à des assurés sociaux une attestation CMU : l'assuré social est informé qu'il relève bien du dispositif CMU mais la CPAM ayant connaissance d'un organisme complémentaire pour ce dernier, elle demande à l'assuré de résilier son contrat mutualiste et alors, seulement, elle délivrera l'attestation CMU.

" Deux cas de figures se présentent :

" - la CPAM essaye de persuader l'assuré de confier à son centre de sécurité sociale la gestion de la part complémentaire ;

" - il y a confusion dans les termes employés car par radiation du contrat mutualiste, la CPAM veut en fait une radiation du système Noémie qui est un système de télétransmission des prestations entre la CPAM et la mutuelle.

" Dans les deux cas, nous sommes confrontés à un mutualiste angoissé et nous devons alors prendre contact avec la CPAM afin de solutionner le dossier de cet adhérent dans les meilleurs délais.

"  Les assurés sociaux demandeurs de la CMU nous témoignent d'un accueil difficile dans les CPAM car ils sont confrontés à un manque d'information évident de la part des agents qui les reçoivent. Ces mutualistes sollicitent alors la mutuelle et nous font part de leurs angoisses et nous demandent de l'aide : nous devons alors prendre contact avec la CPAM en
présence du mutualiste afin de le rassurer.

"  Les CPAM ne tiennent pas compte des situations d'urgences évidentes qui nécessitent une prise en charge immédiate à la CMU comme le prévoient les textes de la loi et attendent jusqu'à 3 mois pour délivrer l'attestation CMU définitive (alors qu'elles doivent au moins délivrer une attestation provisoire et immédiate au guichet) : là encore, nous sommes face à un adhérent angoissé qui demande notre aide. Nous intervenons alors auprès de la CPAM.

"  Dans le département 93, environ 5.000 assurés sociaux ont reçu une attestation CMU qui a été délivrée par erreur (erreur dans le calcul des ressources par les CPAM). Ces assurés ont bénéficié du dispositif depuis au
moins 2 mois : qui prend en charge la part complémentaire pendant cette période ?

"  Dans certains cas, on reçoit des attestations CMU sur lesquelles n'apparaît pas la famille qui est également bénéficiaire de la CMU : on doit alors prendre contact avec la CPAM pour obtenir des compléments d'informations.

" Néanmoins, la CPAM ne délivrant pas une nouvelle attestation rectifiée à l'assuré, nous devons lui conseiller de faire la démarche auprès de son centre de sécurité sociale afin que la famille ne soit pas pénalisée au moment des soins.

" Pour les concubins qui ont un contrat mutualiste en commun, les deux demandes sont faites en même temps à la CPAM et les attestations
arrivent séparées et à deux dates différentes chez ces assurés : nous sommes alors obligés de séparer les concubins et leur constituer pour chacun un contrat mutualiste dans le cadre de la CMU.

"  En attendant la mise en place d'une procédure de tiers payant entre les CPAM, les organismes complémentaires et les professionnels de santé, les CPAM gèrent à la fois le paiement de la part obligatoire et celui de la part complémentaire : certains adhérents nous adressent des décomptes de sécurité sociale sur lesquels nous constatons que la CPAM n'a réglé que la part obligatoire ou qu'elle n'a pas réglé le forfait (dentaire et optique).

"  Pendant cette période transitoire pendant laquelle les CPAM règlent la part complémentaire, nous avions déjà adressé une carte de mutualiste à un certain nombre d'adhérents qui sont devenus bénéficiaires de la CMU. N'ayant pas d'explication sur l'utilisation de l'attestation CMU auprès des professionnels de santé, ils ont continué à utiliser leur carte mutualiste pour bénéficier du tiers payant. La mutuelle a donc réglé ces prestations à la place des CPAM.

"  Dans notre fichier d'adhérents, nous avons des personnes qui sont enregistrées comme bénéficiaires d'une aide médicale départementale antérieurement au 1 er janvier 2000. Ces derniers auraient dû recevoir une attestation CMU provisoire. Certains continuent de payer une cotisation et perçoivent des prestations et d'autres ont leur contrat suspendu pendant cette période d'AMG, alors qu'ils pourraient bénéficier du dispositif CMU comme le prévoit la loi.

"  Certains pharmaciens et professionnels de santé conventionnés avec la sécurité sociale (centres de santé, dentistes, généralistes, etc.) refusent systématiquement les patients munis d'attestation CMU ou leur demandent d'acquitter leurs soins, ce qui génèrent que certains assurés refusent
aujourd'hui la CMU et choisissent de rendre à la CPAM leur attestation CMU malgré leur situation de précarité.

"  Certains dentistes ou orthodontistes établissent des devis de travaux dentaires sur la base de tarifs supérieurs à ceux définis par l'arrêté préfectoral et ce, bien que le patient ait présenté son attestation CMU.

" Pour conclure, nous ajouterons qu'il existe un véritable manque d'information pour les assurés sociaux mais également pour les associations qui sont sur le terrain et qui sont confrontées aux populations précaires.

" C'est une telle évidence que ces dernières ont sollicité la mutuelle à différentes reprises afin d'organiser des sessions d'information sur la CMU sur la base d'un support que nous avons nous-mêmes constitué.

" On constate bien que pour les assurés sociaux mais également pour le tissu associatif, la mutuelle a une place importante dans le dispositif CMU et devient un " référent " en matière d'accompagnement dans les démarches. "

Lettre du directeur général de l'assurance maladie de Seine-Saint-Denis

La complexité est source d'incompréhensions. Il en est ainsi, par exemple, en matière de prestations familiales, lorsque l'agent de la caisse fait part au demandeur de la CMU complémentaire de la nécessité de déclarer ces prestations, alors que le contraire est écrit sur le formulaire de demande.

Il en est également ainsi pour les personnes âgées qui, de toute bonne foi, ne déclarent pas qu'elles perçoivent le minimum vieillesse, la fiche explicative du formulaire de demande faisant référence à la déclaration d'impôts comme élément utile à fournir à l'appui de la déclaration de ressources, et ces personnes n'allant pas jusqu'à lire la rubrique 9 qui précise qu'il faut déclarer toutes les pensions et rentes, imposables ou non.

Il en est évidemment le plus souvent ainsi pour toutes les personnes percevant le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés qui ont cru comprendre que le plafond de ressources était de 3.500 francs et qui le dépassent de ... 40 francs, perdant ainsi le droit à la CMU.

Il en est ainsi, enfin, pour les personnes dont les ressources sont inférieures au plafond, mais qui ne bénéficieront pas pour autant de la CMU du fait de la prise en compte forfaitaire de l' " avantage logement " que constitue la propriété ou l'occupation à titre gratuit. Dans ces cas, le formulaire de demande de la CMU ne comportant aucune rubrique consacrée au logement, c'est à l'agent de la caisse qu'il revient de téléphoner au demandeur, lui demander ces renseignements et lui annoncer ensuite la mauvaise nouvelle...

2. La mise en oeuvre de la CMU a contribué à d'importants retards dans le traitement des feuilles de soins

Là aussi, l'alerte avait été donnée dès l'automne : au mois de novembre, l'association des élèves et anciens élèves du CNESS (AECNESS) avait voté une motion mettant l'accent sur les difficultés à attendre, au sein des caisses, compte tenu de la complexité du dispositif CMU.

Cette motion relayait les propos tenus en séance publique par le rapporteur de votre commission lors des débats sur le projet de loi instituant la CMU : il avait en effet, à maintes reprises, insisté sur les difficultés du " nouveau métier " que devraient apprendre les agents des caisses dans des délais très brefs.

Opérant une déconnexion entre le paiement de cotisations et le bénéfice des prestations, mettant en place un contrôle des ressources jamais vu jusque là en assurance maladie, la CMU a exigé de ces agents une véritable " révolution culturelle ".

Devant affronter, malgré le faible nombre de " nouveaux " CMU-istes, une augmentation de la fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées supérieures au plafond, les agents des caisses ont accompli un travail remarquable et fait preuve de beaucoup de patience, d'autant plus remarquable que leur niveau de vie n'est pas toujours très supérieur à celui des bénéficiaires de la CMU...

Fin janvier, compte tenu des conséquences des changements de système informatique, de l'augmentation de la charge de travail résultat des épidémies de fin d'année et de la mise en place de la CMU, 10 millions de feuilles de soins étaient en souffrance dans les CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le courant du seul mois de janvier.

A la CPAM de Paris, la fréquentation des guichets a été, du 3 janvier au 14 avril, de 584.580 personnes, dont 17,6 % de visites au titre de la CMU ayant pour objet soit des demandes d'informations (26,6 %), soit des demandes de mise à jour de la carte Vitale (pour passer des droits liés à l'aide médicale à la CMU (31,6 %), soit de nouvelles demandes d'attestation CMU (le plus souvent à la suite d'une perte) (21,2 %), soit encore des demandes de dossiers d'attribution de la CMU (22,6 %).

CMU - Accueil centres
au 14.04.200

 

Accueil total

Dont CMU %

Demandes Infos (1)

MAJ Vitale (1)

Attestation CMU (1)

Primo-demandeurs (1)

Semaine 1 03-07/01

38.958

8.416

21 %

2.453

29 %

2.118

25 %

1.515

18 %

1.898

22 %

Semaine 2 10-14/01

45.685

10.176

22 %

2.879

28 %

4.003

39 %

2.451

24 %

2.144

21 %

Semaine 3 17-21/01

44.666

9.388

21 %

2.416

25 %

3.277

35 %

2.413

25 %

1.924

20 %

Semaine 4 24-28/01

43.659

9.081

20,7 %

2.354

25,9 %

2.902

31,9 %

1.905

20,9 %

1.931

21,2 %

Semaine 5 31/01-04/02

36.684

6.695

18,3 %

1.667

24,9 %

2.276

34 %

1.476

22 %

1.383

20,7 %

Semaine 6 07-11/02

42.219

8.309

19,6 %

1.851

22,2 %

2.986

35,9 %

1.780

21,4 %

1.775

21,3 %

Semaine 7 14-18/02

39.533

7.303

18,5 %

1.780

24,3 %

2.425

33,3 %

1.586

21,7 %

1.580

21,7 %

Semaine 8 21-25/02

38.134

7.030

18,4 %

1.637

23,3 %

2.299

32,7 %

1.531

21,8 %

1.643

23,3 %

Semaine 9 28/02-03/03

39.281

6.465

16,4 %

1.689

26,1 %

1.884

29,1 %

1.402

21,7 %

1.550

24 %

Semaine 10 06-10/03

38.527

6.117

15,9 %

1.660

27,1 %

1.775

29 %

1.284

21 %

1.460

23,9 %

Semaine 11 13-17/03

36.359

5.314

14,6 %

1.539

29 %

1.541

29 %

1.020

19,2 %

1.228

23,1 %

Semaine 12 20-24/03

35.842

4.958

13,8 %

1.344

27,1 %

1.308

26,4 %

931

18,8 %

1.380

27,8 %

Semaine 13 27-31/03

36.226

4.753

13,1 %

1.389

29,2 %

1.318

27,7 %

952

20 %

1.126

23,7 %

Semaine 14 03-07/04

36.042

4.715

13,1 %

1.391

29,5 %

1.326

28,1 %

819

17,4 %

1.191

25,2 %

Semaine 15 10-14/04

32.765

4.219

12,9 %

1.322

31,3 %

1.064

25,2 %

809

19,2 %

1.059

25,1 %

CUMUL

584.580

102.939

17,6 %

27.371

26,6 %

32.502

31,6 %

21.874

21,2 %

23.272

22,6 %

(1) Une même personne peut solliciter plusieurs démarches (attestation + MAJ)

dossiers constitués et transmis à la fonction CMU au cours de la 15 ème semaine : 633

Cumul année : 14.831

Dont 195 Base seule

Dont 2.432 Base + complémentaire

Dont 11.098 Complémentaire seule

Accords notifiés : 8.032

Refus : 804

AIDE MÉDICALE ETAT

Cumul Activités Permanences d'Accueil


Personnes reçues : 12.889

Accords AME : 5.883

Refus AME : 324

Les données fournies par la CNAMTS sont cohérentes avec celles de la CPAM de Paris.

Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli, chaque semaine (moyenne sur les 4 dernières semaines), 105.737 personnes venant demander les renseignements ou déposer des dossiers.

Demandes de renseignements

Par semaine (*)

et dépôts de dossiers

Nombre

Structure

Total

105.737

100 %

Par nature de contrat

 
 

Physique

57.809

55 %

Téléphone

28.541

27 %

Courrier

13.462

13 %

Par motif de contact

 
 

Simple renseignements

75.054

71 %

Rens. aux basculés

20.876

20 %

Rens. autres assurés

54.178

51 %

Remplissage de dossiers

30.683

29 %

(*) moyenne sur les quatre dernières semaines

Pendant la même période, le nombre d'équivalents temps plein, dans les caisses primaires, affectés à la CMU (à l'accueil ou pour d'autres fonctions) s'établissait entre 2.316 et 2.626.

CMU
Equivalents temps plein affectés directement à la CMU
CPAM Métropole

 

Effectifs ETP

 

Structure

 

Semaine du 20 au 24/03/00

Semaine du 13 au 17/03/00

Semaine du 31/01 au 04/02

 

Semaine du 20 au 24/03/00

Semaine du 13 au 17/03/00

Semaine du 31/01 au 04/02

Total

2.316

2.359

2.626

 

100 %

100 %

100 %

A l'accueil

1.049

1.091

1.331

 

45 %

46 %

51 %

Aux autres fonctions

1.267

1.269

1.295

 

55 %

54 %

49 %

Les retards importants dans le traitement des dossiers qui ont résulté de cet accroissement significatif d'activité ont nécessité des mesures urgentes.

Ainsi, la CPAM de Paris a décidé de fermer ses guichets et de ne plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4, 11et 18 mai.

Surtout, de nouveaux personnels ont dû être recrutés.

A cet égard, le ministère de l'emploi et de la solidarité a adressé la réponse suivante aux nombreux parlementaires qui avaient fait part de leur inquiétude quant aux conséquences de l'engorgement des CPAM sur la qualité du service rendu aux assurés sociaux et aux nombreux professionnels de santé en attente de paiement des tiers payants :

" Le ministère de l'emploi et de la solidarité est très attentif à ce que les caisses disposent des moyens nécessaires pour assurer leurs missions, dans le respect des principes de bonne gestion des ressources publiques et d'une gestion performante du service public. Dans ce contexte, et pour tenir compte de l'événement particulier que constitue la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle (CMU), l'Etat a donné son accord dès cet été pour anticiper des embauches qui normalement auraient dû être discutées dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion pour la période 2000-2002. La commission de gestion administrative de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) s'est prononcée le 18 octobre 1999 en faveur de 1.400 embauches. L'Etat a donné son accord à ces embauches. Par ailleurs, au vu des premières charges de travail liées au démarrage effectif de la CMU, cette commission a donné, le 1 er février 2000, un avis favorable à l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses pour la mise en oeuvre de la CMU et permettre ainsi la résorption du solde de dossiers en instance dans les caisses. Par lettre du 11 février 2000, l'Etat a approuvé cette décision qui prévoit la création de 600 emplois pérennes, dont environ 500 emplois-jeunes et 2.000 mois de contrats à durée déterminée (CDD). "

Votre commission souhaiterait connaître les conditions financières de régularisation de ces créations d'emploi.

Elle estime également difficilement compatibles la nature des tâches auxquelles seront affectés les 500 emplois-jeunes recrutés (guichet, liquidation..) avec la philosophie qui a inspiré l'institution des emplois-jeunes, à savoir la promotion de nouveaux emplois.

Il lui semblerait spécieux de considérer qu'au motif que la CMU constitue une rupture dans notre système d'assurance maladie, les personnels recrutés pour sa mise en oeuvre relèveraient de droit du programme " nouveaux services, nouveaux emplois "...

III.  LES CONDITIONS D'APPLICATION DE LA CMU ONT AUSSI AGGRAVÉ SON CARACTÈRE " NON PARTENARIAL "

Le rapporteur de votre commission avait dénoncé, dans son rapport comme lors de la discussion au Parlement du projet de loi instituant une couverture maladie universelle, le caractère très insuffisamment partenarial du projet gouvernemental, tant en ce qui concerne la définition du panier de soins qu'au regard des modalités pratiques d'exercice du droit à la CMU.

Cette critique se révèle plus que confirmée dans la mise en oeuvre de la loi : non seulement le contenu du panier de soins a été insuffisamment négocié, mais, dans sa mise en oeuvre, la CMU s'est éloignée encore un peu plus d'un scénario partenarial.

A. LE CONTENU DU PANIER DE SOINS A ÉTÉ INSUFFISAMMENT NÉGOCIÉ

Le rapporteur de votre commission avait regretté, lors des débats parlementaires, que le projet de loi exclue toute négociation concernant le droit à dépassement pour les actes dispensés aux bénéficiaires du droit à la protection complémentaire CMU. La loi définitivement adoptée a malheureusement confirmé les dispositions du projet de loi. En ce qui concerne les actes dispensés par les professionnels de santé, la loi n'a en effet laissé aucune place, ni à des mesures réglementaires d'application susceptibles de faire l'objet d'une concertation, ni à la négociation.

La situation était a priori un peu différente en ce qui concerne les biens médicaux.

En effet, la définition du panier de soins pris en charge au titre de la CMU, prévue par l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, a fait une plus large place aux mesures réglementaires d'application. C'est le cas notamment des soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale et des dispositifs médicaux à usage individuel admis à remboursement.

L'article L. 861-3 dispose en effet que la liste des dispositifs et la limite du montant des frais pris en charge seront précisées par arrêté ministériel.

En outre, l'article L. 165-1 a prévu que les organismes d'assurance maladie, les mutuelles, les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance pouvaient conclure des accords locaux ou nationaux avec les distributeurs de dispositifs, notamment en ce qui concerne la qualité, les prix maximum et les modalités de dispense d'avance de frais.

Ce même article prévoyait qu'en l'absence d'accord, ou si les accords conclus ne répondent pas aux exigences légales, un arrêté fixerait les obligations s'imposant aux distributeurs.

1. Un simulacre de négociation

Selon les représentants des professionnels de santé rencontrés par vos rapporteurs, les conditions de préparation des textes réglementaires n'ont permis aucun accord véritable, compromettant ainsi l'applicabilité des textes et l'adhésion des professionnels à la réforme.

Selon ces responsables, alors que la loi était promulguée depuis la fin du mois de juillet dernier, les négociations n'ont pu commencer qu'à la fin du mois d'octobre .

La ministre, Mme Martine Aubry, n'a ainsi reçu les représentants des syndicats des chirurgiens-dentistes que le 16 décembre 1999 .

En conclusion de leur entretien, elle leur a demandé de lui soumettre des propositions concernant la liste des actes pouvant constituer le " panier CMU " et leur valorisation, ce qui fut fait.

Le Président de l'Union des jeunes chirurgiens-dentistes a ensuite reçu une réponse, datée du ... 30 décembre 1999 (la CMU devant entrer en vigueur le 1 er janvier 2000) ainsi rédigée :

Le 30 décembre 1999

" Monsieur le Président,

" J'ai bien reçu les propositions de votre organisation concernant les modalités d'application de la couverture maladie universelle en matière de soins dentaires et, plus généralement, vos souhaits quant à une réforme de la nomenclature.

" Conformément aux dispositions de la loi sur la couverture maladie universelle, et afin d'assurer sa mise en oeuvre dès le 1 er janvier prochain, je suis amenée à prendre par arrêté les mesures relatives aux soins dentaires.

" (...) "

" Martine AUBRY "

2. Les dispositifs réglementaires sont difficilement applicables

Ainsi, l'arrêté du 31 décembre 1999 pris pour l'application des articles L. 162-9 et L. 861-3 du code de la sécurité sociale prévoit que le montant total des frais pris en charge en matière de soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale :

" ne peut excéder un plafond fixé à 2.600 francs par bénéficiaire, par période de deux ans s'ouvrant à la date d'ouverture du droit à la protection complémentaire en matière de santé. Ce plafond n'est pas applicable :

- aux frais afférents à des prothèses amovibles, d'au moins 10 dents et aux traitements d'orthopédie dento-faciale ;

- en cas d'impérieuse nécessité médicale constatée par le service du contrôle médical de la caisse d'assurance maladie du bénéficiaire des soins "
.

De même, l'arrêté du 31 décembre 1999 pris pour l'application des articles L. 165-1 et L. 861-3 du code de la sécurité sociale prévoit que les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, au titre de la protection complémentaire en matière de santé, pour les prothèses auditives pour adultes : " sont pris en charge dans la limite de 1.600 francs par période de deux ans s'ouvrant à la date d'ouverture du droit à la protection complémentaire en matière de santé " .

Tous les responsables des caisses rencontrés par vos rapporteurs ont confirmé que leurs systèmes informatiques savent gérer des données au regard des périodes d'ouverture des droits, mais ne savent pas contrôler des plafonds de dépenses sur deux ans...

Dans l'attente d'une éventuelle solution apportée à ces difficultés, ce type de dépenses est ainsi géré... manuellement par les personnels des caisses.

Les professionnels, eux aussi, s'inquiètent : si le patient ne leur dit rien, comment connaîtront-ils le montant des dépenses engagées par celui-ci auprès d'autres professionnels, au cours des deux années précédentes ? Seront-ils remboursés en cas de non-prise en charge, notamment lorsqu'il s'agit de répondre à une demande de réparation de prothèse, qui ne fait pas l'objet d'une entente préalable ?

La complexité de la procédure prévue par les arrêtés s'accroît bien entendu lorsque l'assuré a choisi un organisme de protection sociale complémentaire, et non sa caisse primaire, pour gérer sa couverture complémentaire.

Le caractère non négocié des dispositions réglementaires concernant le panier de soins se lit également dans la définition des actes pris en charge au titre de la CMU.

Ainsi, selon un chirurgien-dentiste rencontré par vos rapporteurs, la liste des actes remboursables comporte des actes qui ne sont plus pratiqués depuis des dizaines d'années, comme les " couronnes ajustées " ou " façonnées ", ou les " dents à tube "...

3. De lourdes conséquences financières pour certains professionnels

Si la majorité des professionnels concernés par les tarifs ministériels a une clientèle variée et ne subira pas de préjudice économique grave du fait de l'institution de la CMU, il n'en est pas de même de tous ceux qui exercent dans des quartiers, villes ou villages défavorisés et dont une proportion importante de la clientèle bénéficiera des " tarifs CMU ", des " prothèses CMU " et des " lunettes CMU ", vendues bien évidemment avec des taux de marge très faible. Il en sera évidemment de même pour beaucoup de centres de santé.

Votre commission a souhaité reproduire ici, en l'anonymisant, une note interne faisant des prévisions de pertes financières probables d'un centre de santé dentaire en conséquence de la mise en oeuvre de la CMU.

B. COMME IL ÉTAIT À CRAINDRE, LA MISE EN oeUVRE DE LA CMU S'ÉLOIGNE BEAUCOUP D'UN SCÉNARIO PARTENARIAL ENTRE ORGANISMES DE BASE ET ORGANISMES COMPLÉMENTAIRES

Les textes d'application de la loi instituant une couverture maladie universelle comme sa mise en oeuvre pratique, dans bien des départements et dans bien des circonstances, ont été à l'encontre d'un véritable partenariat entre organismes de base et organismes complémentaires.

Est révélatrice, à cet égard, la très faible proportion de bénéficiaires de la CMU ayant choisi de confier à des mutuelles ou des assureurs la gestion de leur couverture complémentaire. Celle-ci ne traduit pas, en l'état, une volonté des bénéficiaires de la CMU d'écarter ces organismes, ou un faible degré de confiance à leur égard : elle résulte essentiellement de beaucoup de " mauvaises manières " faites aux organismes complémentaires, comme de l'impréparation des textes réglementaires concernant le tiers payant.

Cette disproportion entre le nombre de bénéficiaires ayant choisi les organismes de base et ceux qui se sont adressés à des organismes complémentaires alimente, sur le terrain, quelques rivalités : alors que ces derniers (organismes complémentaires) se plaignent du sort qui leur est réservé, les premiers soulignent l'attachement " de façade " de certains organismes complémentaires à la réussite de la CMU : tout cela n'augure pas bien de la suite...

1. Une très faible proportion des bénéficiaires de la CMU a choisi de confier la gestion de sa couverture complémentaire à des assureurs ou des mutuelles

Certes, la situation est variable en fonction des départements. Ainsi, dans le Morbihan, en Ardèche, dans le Tarn ou l'Aveyron, la moitié des nouveaux bénéficiaires ont choisi un organisme complémentaire.

De même, dans la Somme, la caisse primaire d'assurance maladie d'Amiens dont vos rapporteurs ont rencontré les responsables, distribue aux bénéficiaires de la CMU une fiche d'information leur indiquant qu'ils ont intérêt à choisir une complémentaire.

Fiche distribuée aux bénéficiaires de la CMU par la CPAM d'Amiens

Informations sur le choix de l'organisme complémentaire

 
 
 
 

Vous avez le droit
à la CMU complémentaire

 
 

Vous devez choisir un
organisme complémentaire

 
 
 
 

Choix de la CPAM comme organisme complémentaire

 

Choix d'un organisme complémentaire
dans la liste proposée

 

Si il y a un changement dans votre situation
et que vous n'avez plus droit
à la CMU complémentaire

 
 
 




Alors, arrêt de la CMU complémentaire

 

Alors, l'organisme complémentaire doit
proposer une prolongation de votre adhésion ou
de votre contrat
pour un an , avec les
mêmes prestations et
à un tarif préférentiel

Source : Sécurité sociale - Caisse primaire de la Somme

En effet, si un bénéficiaire de la CMU perd ses droits à la suite d'une amélioration de sa situation, il n'aura droit à une prolongation de sa couverture pendant un an, avec un tarif préférentiel, qu'auprès d'un organisme complémentaire.

Certes aussi, tous les responsables nationaux des régimes de base -régime général, assurance maladie des indépendants, régime agricole- rencontrés par vos rapporteurs n'apparaissent pas du tout enclins, comme il leur a pourtant été reproché, à favoriser une quelconque " captation de clientèle " : ils savent bien, en effet, que si les régimes de base prétendent gérer aussi la couverture complémentaire des Français, rien ne s'opposera à ce que les organismes complémentaires aient une revendication réciproque concernant la couverture de base.

Mais les chiffres sont là :

•  au niveau national, 17,7 % seulement des nouveaux bénéficiaires de la CMU enregistrés au sein du régime général ont choisi de confier la gestion de leur couverture complémentaire à des mutuelles ou des compagnies d'assurance ;

•  sur 106.000 bénéficiaires de la CMU enregistrés au sein du régime agricole (ce chiffre inclut aussi les personnes " basculées " de l'aide médicale), 2.000 seulement ont choisi un régime complémentaire ;

•  sur les 84.280 bénéficiaires de la CMU enregistrés dans le régime des professions indépendantes (ce chiffre inclut également les anciens bénéficiaires de l'aide médicale), 1.752 seulement ont choisi de confier la gestion de leur complémentaire à une mutuelle ou une compagnie d'assurances autres que les organismes conventionnés du régime.

Le tableau suivant reflète bien la disparité des situations entre les différentes CPAM :

Répartition des CPAM par taux d'accords CMU
avec choix d'un organisme complémentaire

Taux d'organisme complémentaire

Nombre de CPAM

Importance des CPAM

Taux moyen

40 % et plus

20

9,4 %

52,1 %

20 à 40 %

44

23,4 %

28,4 %

10 à 20 %

31

28,3 %

15,8 %

Moins de 10 %

23

26,8 %

6,2 %

0 %

7

12,0 %

0,0 %

Ensemble

125

100,0 %

17,7 %

Pour 20 CPAM, les accords allant à des complémentaires représentant plus de 40 % des accords qu'elles ont traités.

Ces CPAM ont traité 9,4 % de l'ensemble des accords traités par l'ensemble des CPAM connues.

Pour cette catégorie, le taux moyen d'organisme complémentaire est de 52,1 %.

2. Beaucoup de " mauvaises manières " faites aux organismes complémentaires.

* Il convient d'abord de rappeler que les 3,1 millions d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale qui ont été " basculés " automatiquement, au 1 er janvier 2000, dans le régime CMU n'ont, à aucun moment, eu le choix de l'organisme gestionnaire de leur protection complémentaire.

Ce choix leur sera offert après qu'aura été effectué, à une date qui, on l'a vu, demeure indéterminée, le contrôle de leurs ressources leur ouvrant de nouveaux droits à la CMU.

Il y a fort à parier, cependant, que la proportion de ces 3,1 millions de personnes qui choisiront un organisme complémentaire sera très faible.

En effet :

- pendant près d'un an, leur caisse d'assurance maladie de base aura géré leur couverture complémentaire : sauf incident, ils n'auront pas de raison particulière de la quitter ;

- la possibilité du choix de l'organisme gestionnaire leur sera mentionnée par lettre, dont on n'imagine pas qu'elle puisse s'accompagner, pour chacune des 3,1 millions des personnes, de la liste des organismes complémentaires participant à la CMU : cette liste constitue en effet un document comprenant, selon les départements, 50 à 100 pages...

- il serait " humain " de la part des personnels des caisses confrontés à des retards importants dans leur travail qu'ils ne fassent pas preuve d'une diligence extraordinaire pour inciter les 3,1 millions de personnes en question à se présenter aux guichets des caisses pour remplir de nouveaux formulaires confiant la gestion de leur couverture aux organismes complémentaires...

Tout porte ainsi à croire que les statistiques concernant les organismes gestionnaires de la CMU complémentaire ne se rééquilibreront pas en faveur des organismes complémentaires. En fait, c'est même plutôt une dégradation de cet équilibre qui est attendue au cours des prochains mois.

* D'autres " mauvaises manières ", volontaires ou non, ont caractérisé l'établissement des listes préfectorales des organismes participant à la CMU.

La lettre suivante adressée par le directeur de MAAF-Santé au Délégué général de la FNIM illustre ainsi les difficultés qu'ont rencontrées certaines mutuelles...

Il convient de rappeler que l'absence d'inscription d'organismes complémentaires sur les listes préfectorales, non seulement les a empêchés de participer au lancement de la CMU, mais a aussi entraîné, conformément à la loi, la radiation de leurs adhérents qui venaient d'obtenir le bénéfice de la CMU...

Selon la Mutualité française, " le choix de l'organisme complémentaire impliquait de disposer de la liste des organismes participants. Or, cette liste n'a été constituée définitivement que fin mars et, dans certains départements, les derniers arrêtés préfectoraux n'ont toujours pas été pris.

" C'est sans doute sur cet aspect que les disparités les plus importantes existent, puisque le choix, pour les nouveaux bénéficiaires, d'un organisme complémentaire, et très largement de la Mutualité, a très bien fonctionné dans certains départements, très mal dans d'autres.

" Face à cette situation, le ministère a décidé, dans l'urgence, un répertoire national des mutuelles participant à la CMU ".


* Autres " mauvaises manières ", également : elles concernent la faculté offerte aux organismes complémentaires qui le souhaitent d'aider les demandeurs dans leurs démarches.

Lors de la discussion du projet de loi, le Sénat avait souhaité inscrire les organismes de protection complémentaire dans l'article L. 861-5, aux côtés des services sociaux et associations ou organismes à but non lucratif agréés par le représentant de l'Etat ainsi que des établissements de santé, dans la liste des organismes habilités, avec l'accord du demandeur, à transmettre à la caisse primaire la demande de CMU et les documents correspondants.

Le Gouvernement, pour des raisons que le rapporteur de votre commission n'avait pu comprendre, s'était opposé à cette participation des mutuelles et des compagnies d'assurance à la mise en oeuvre de la CMU...

Les mutuelles avaient cependant compris que leur statut d'" organisme à but non lucratif " leur aurait permis d'exercer cette fonction d'accompagnement social... Mal leur en a pris : ce rôle leur a été refusé, comme leur a été refusé de disposer des imprimés administratifs de demande qu'elles auraient pu distribuer à leurs adhérents ou aux personnes qui s'adressaient à elles...

Devant l'ampleur des réactions -légitimes- des organismes complémentaires, la ministre a changé d'avis : le 29 mars dernier, elle a enfin adressé aux préfets et aux fédérations d'organismes complémentaires une lettre reconnaissant le " rôle éminent " confié par la loi à ces organismes...

Ces lettres précisent bien que les organismes complémentaires peuvent disposer des dépliants, guides et formulaires officiels concernant la CMU...

Ces lettres, comme il était à craindre, ont été interprétées de façon restrictive par la CNAMTS, qui ne semble pas disposée à devenir le fournisseur des organismes complémentaires en dépliants, guides et formulaires...

La note ci-jointe, adressée aux directeurs de CPAM, précise bien qu'il appartient aux fédérations d'organismes complémentaires de commander auprès de la société Graphilabel les films nécessaires à la fabrication des formulaires CMU... et que les caisses ne doivent donc pas honorer les demandes qui leur seraient adressées par des mutuelles ou des compagnies d'assurance... Vive le partenariat !

* Enfin, -et il ne s'agit pas, ici, de " mauvaises manières "-, l'absence de procédure nationale de tiers payant coordonné dégrade considérablement les conditions d'un véritable partenariat entre organismes de base et organismes complémentaires.

L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale a en effet institué une méthode de tiers payant qui, si elle ne change rien par rapport aux techniques actuelles de tiers payant pour les assurés, est bien meilleure pour les professionnels de santé : ceux-ci recevront en effet, pour les bénéficiaires de la CMU, un paiement unique comprenant à la fois la part de base et la part complémentaire.

Cette exigence de paiement unique impose, bien entendu, aux organismes de base et aux organismes complémentaires de se " coordonner ".

Le décret n° 99-1079 du 21 décembre 1999 relatif aux modalités d'application de la dispense d'avance de frais de soins de santé et modifiant le code de la sécurité sociale a prévu deux procédures alternatives, au choix de l'organisme complémentaire, pour la mise en oeuvre du tiers payant coordonné :

- Procédure A : la caisse d'assurance maladie liquide la part obligatoire (pour son compte) et complémentaire (pour le compte de l'organisme complémentaire) et paie le professionnel de santé ;

- Procédure B : la caisse d'assurance maladie liquide la part obligatoire (pour son compte), transmet " l'image décompte " à l'organisme complémentaire qui liquide sa part ; le paiement du professionnel de santé est effectué pour le compte de ces deux organismes par un organisme financier régi par la loi bancaire, sur ordre de paiement émanant de l'organisme de base.

A ce jour -soit près de six mois après l'entrée en vigueur de la CMU-, les deux arrêtés devant définir les modalités pratiques de ces deux procédures ne sont toujours pas publiés : le tiers payant coordonné, qui constituait un avantage important, tant pour les bénéficiaires de la CMU que pour les professionnels de santé, ne fonctionne pas selon des règles nationales.

Certains responsables de caisses d'assurance maladie rencontrés par vos rapporteurs en tirent de bonne foi argument pour indiquer aux bénéficiaires de la CMU qu'ils n'ont, pour l'instant, pas intérêt à confier la gestion de leur couverture complémentaire à une mutuelle ou une assurance...

*

* *

Ainsi, aux principaux effets pervers de la loi instituant une couverture maladie universelle, les mesures réglementaires et les conditions d'application de cette loi ont ajouté des défauts supplémentaires : inutile complexité des procédures, négociations bâclées avec les professionnels de santé et " mauvaises manières " faites aux organismes de protection sociale complémentaire.

Il en résulte, d'ores et déjà, pour les bénéficiaires -en moindre nombre que ce qui était prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi pour les professionnels de santé libéraux, pour les établissements de santé et pour les centres de santé, beaucoup d'incertitudes et beaucoup de tracasseries inutiles.

Il en résulte aussi, pour les organismes complémentaires, une déception à la mesure de leur degré d'implication dans la réussite de cette réforme.

Votre commission souhaite que le travail de contrôle qu'elle a entrepris soit pris en compte par le Gouvernement, dans l'intérêt de tous.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF)

Réunie le 23 février 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale d'allocations familiales , sur les difficultés de fonctionnement rencontrées par les caisses d'allocations familiales .

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que l'audition de Mme Nicole Prud'homme concluait les travaux de contrôle sur pièces et sur place consacré à la branche famille par les rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale, MM. Jacques Machet, Charles Descours et Alain Vasselle. Il a souligné que ce contrôle visait à mieux mesurer les difficultés de fonctionnement que connaissaient certaines caisses d'allocations familiales.

M. Jean Delaneau a indiqué que les rapporteurs s'étaient rendus sur le terrain, à la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) d'abord, où ils avaient pu rencontrer Mme Nicole Prud'homme, M. Claude Huriet, président du conseil de surveillance et Mme Annick Morel, directrice, entourée de son équipe de direction, puis dans les caisses d'allocations familles d'Evry, de Chartres et de Melun. Il a précisé que les rapporteurs présenteraient à la commission un compte rendu de leurs travaux le mercredi 1 er mars, et que les conclusions de ces travaux feraient l'objet d'un rapport d'information de la commission.

Après s'être félicitée de l'intérêt que portait la commission pour la branche famille, Mme Nicole Prud'homme a jugé que la famille devrait être véritablement au centre des préoccupations de notre société. Elle a considéré que les phénomènes inquiétants de violence des jeunes étaient ainsi révélateurs des carences de certaines familles. Elle a souligné qu'une politique familiale plus dynamique permettrait sans doute de limiter les menaces qui pesaient sur l'avenir des retraites.

Mme Nicole Prud'homme a regretté que la branche ne défraye l'actualité des médias que lorsqu'elle rencontrait des difficultés. Elle a jugé que la médiatisation un peu excessive de ces difficultés, lors de l'été 1999, provenait sans doute du caractère habituellement atone de l'information à cette période de l'année.

Elle a souligné que la branche famille constituait un service public de qualité, avec des personnels motivés qui s'étaient efforcés de répondre avec efficacité aux difficultés rencontrées, dans le cadre des plans d'action mis en place dans l'urgence par la CNAF. Elle a expliqué que le réseau des caisses d'allocations familiales de la région parisienne était encore très jeune, puisqu'il trouvait son origine dans le démantèlement de la caisse parisienne unique, et qu'il n'avait sans doute pas encore atteint sa vitesse de croisière.

Mme Nicole Prud'homme a fait valoir que les difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales pouvaient se mesurer par trois indicateurs : le temps d'attente aux guichets, la qualité de la réponse téléphonique et le retard dans le traitement des dossiers. Elle a observé que les temps d'attente dans les caisses d'allocations familiales étaient en voie d'amélioration, mais que la situation restait préoccupante s'agissant de la réponse téléphonique.

Mme Nicole Prud'homme a mis l'accent sur la solidarité qui unissait le réseau des caisses d'allocations familiales, solidarité qui avait trouvé sa traduction concrète dans les aides ponctuelles apportées par certaines caisses aux caisses en difficulté de la région parisienne. Elle a considéré que ces aides avaient apporté une contribution bénéfique aux caisses concernées sans être toutefois suffisantes pour régler durablement les problèmes rencontrés. Elle a souhaité, par conséquent, que des moyens pérennes soient débloqués sous la forme de la création de 1.100 emplois supplémentaires. Elle a ajouté qu'il serait également nécessaire de revoir, dans les caisses de la région parisienne, les modalités d'organisation du travail.

Mme Nicole Prud'homme a expliqué que les difficultés de certaines caisses d'allocations familiales provenaient à la fois d'un élément conjoncturel -la mise en place, en région parisienne, du nouveau système informatique Cristal, qui s'était traduite par une diminution provisoire de la productivité- et de raisons structurelles. Détaillant ces raisons structurelles, elle a souligné le malaise social suscité par les fortes attentes des personnels des caisses quant à l'application de la loi relative aux 35 heures. Elle a fait valoir que le blocage des négociations au sein de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) avait suscité une certaine démotivation des personnels et engendré des mouvements sociaux dans certaines caisses. Ces mouvements sociaux s'étaient naturellement traduits par une baisse de la qualité du service rendu au public. Elle a constaté que la réduction de la durée légale du travail avait, pour le moment, pour seule conséquence une diminution de 24 minutes par semaine du temps de travail
des personnels des caisses, correspondant au repos compensateur des heures supplémentaires.

Evoquant les autres facteurs structurels susceptibles d'expliquer les difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales, Mme Nicole Prud'homme a mis l'accent sur la mutation des missions assignées à la branche famille depuis que cette dernière était chargée de la gestion et du versement du revenu minimum d'insertion (RMI) et des principaux minima sociaux. Cette mutation aboutissait à une fragilisation des allocataires et à une forte montée de la demande sociale adressée aux caisses d'allocations familiales. Elle a souligné que la reprise économique se traduisait, paradoxalement, par un renforcement des clivages sociaux et une inquiétude accrue des populations les plus fragiles. Elle a fait observer que les personnels des caisses d'allocations familiales n'étaient pas nécessairement préparés pour répondre à ces nouvelles attentes.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que les difficultés provenaient enfin de la redoutable complexité des règles régissant les nombreuses prestations versées par la branche famille. Constatant que cette complexité relevait d'une responsabilité collective, qui incombait à la fois au législateur, au pouvoir réglementaire et à la branche famille elle-même, elle a expliqué qu'une législation trop complexe devenait incompréhensible pour les allocataires et parfois même pour les personnels des caisses d'allocations familiales, ce qui se traduisait, in fine, par une fréquentation accrue aux guichets des caisses. Elle a indiqué qu'une bonne part de cette complexité provenait de la réglementation des aides au logement à laquelle était imputable la moitié des démarches effectuées par les allocataires aux guichets des caisses.

Mme Nicole Prud'homme a considéré que les plans d'action engagés par la branche famille avaient apporté des améliorations ponctuelles, mais que cette " convalescence " devait être consolidée par la création de postes supplémentaires, qui seuls permettraient d'éviter un retour des difficultés. Elle a indiqué que le Gouvernement semblait disposé à donner son accord à la création de 900 postes, sous la forme de contrats à durée indéterminée, sur les 1.100 réclamés par la branche. Elle a vivement souhaité que ces postes constituent des créations nettes d'emplois, et non un acompte sur les postes qui devraient être mécaniquement créés du fait des 35 heures. Elle a fait valoir qu'un certain nombre de caisses, où la situation semblait stabilisée, pouvaient très rapidement basculer dans les difficultés.

M. Jacques Machet, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour la branche famille, s'est étonné que Mme Nicole
Prud'homme ait déclaré, lors de son audition, par la commission, le 13 octobre 1999, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que les difficultés rencontrées étaient en voie de règlement, puis ait demandé au Gouvernement, le 6 décembre 1999, un renforcement des moyens humains dont disposait la branche famille, sous la forme de 1.100 emplois supplémentaires. Il s'est interrogé sur les raisons susceptibles d'expliquer l'évolution de la position de Mme Nicole Prud'homme et a souhaité savoir pour quels motifs ces moyens supplémentaires n'avaient-ils pas été demandés au moment même où le Parlement examinait le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Relevant que ses collègues et lui-même avaient eu le sentiment, lors de leur mission de contrôle, que les difficultés apparaissaient localisées en région parisienne et, pour une bonne part, en voie de résorption, M. Jacques Machet a demandé à Mme Nicole Prud'homme si elle partageait cette analyse. Après avoir expliqué que l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait été chargée par le Gouvernement d'une mission d'évaluation des difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales, il a souhaité savoir si cette mission était aujourd'hui achevée et quelles étaient, dans ce cas, les principales orientations du rapport qui devait être rédigé à l'issue de cette mission.

Mme Nicole Prud'homme a expliqué que le Gouvernement avait effectivement diligenté une mission de l'IGAS après la demande, par le conseil d'administration de la CNAF, de 1.100 postes supplémentaires. Elle a précisé que cette mission avait débuté dans les premiers jours de janvier et se poursuivait actuellement. Elle a souligné, toutefois, que l'essentiel, pour la branche famille, résidait en l'accord donné par le Gouvernement à la création de 900 emplois supplémentaires.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que le réseau des caisses d'allocations familiales s'était toujours efforcé, jusqu'à présent, de faire face à ses missions, malgré les charges nouvelles qui lui avaient été imposées sans moyens supplémentaires, telle la gestion du RMI. Reprenant l'image d'une corde trop tendue, elle a fait observer que lorsque la charge de travail augmentait de manière trop importante et que les réserves de productivité s'épuisaient, venait alors le point de rupture

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que la commission serait attentive à ce que le rapport de l'IGAS lui soit communiqué dès l'achèvement de sa rédaction.

M. Charles Descours , rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a remarqué que la gestion des minima sociaux représentait une charge très
lourde pour la branche famille. Il s'est interrogé sur le flou juridique qui caractérisait l'application des 35 heures dans les organismes de protection sociale.

Mme Nicole Prud'homme a rappelé que l'on avait, en 1988, fait le choix politique de confier aux caisses d'allocations familiales la gestion du RMI. Cette décision avait conduit à une modification très importante du profil des allocataires de la branche famille, puisqu'aujourd'hui 40 % de ces allocataires n'étaient pas chargés de famille, ce pourcentage pouvant dépasser les 50 % dans certaines caisses. Elle a fait observer qu'il n'apparaissait pas illogique de confier la mission de gérer les minima sociaux aux caisses d'allocations familiales, qui étaient habituées au contact direct avec le public et qui disposaient à la fois d'une bonne connaissance du terrain et de partenariats forts avec les collectivités locales.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que l'application des 35 heures dans la branche famille soulevait un réel problème juridique. Elle a fait observer que si l'application de la loi à la CNAF, établissement public, pouvait donner lieu à débat, il apparaissait en revanche clair que les caisses d'allocations familiales, organismes de droit privé, étaient éligibles aux 35 heures. Elle a indiqué que les personnels des caisses relevaient d'une convention collective gérée au niveau de l'UCANSS, organisme actuellement présidé par M. Bernard Boisson, représentant du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Elle a indiqué que les négociations sur les 35 heures au sein de l'UCANSS, qui avaient été initialement interrompues à l'initiative du MEDEF, venaient de reprendre et que si un accord national venait à être conclu, il serait ensuite décliné caisse par caisse.

M. Jean Delaneau, président, s'est félicité du développement important, depuis quelques années, de l'action sociale menée par les caisses d'allocations familiales, en collaboration avec les collectivités locales.

M. Claude Huriet a considéré que la complexité des règles applicables aux prestations versées par les caisses d'allocations familiales constituaient le véritable noeud du problème. Il a fait observer que la simplification était cependant une démarche difficile, puisque la complexité résultait généralement du souci d'être toujours plus équitable. Il a souhaité savoir à quel niveau normatif et dans quels domaines se concentrait l'essentiel de cette complexité.

Après avoir fait observer que la branche famille gérait, en 1947, 5 prestations et aujourd'hui 25 prestations, sources de 15.000 règles de droit, Mme Nicole Prud'homme a indiqué que la CNAF travaillait sur la problématique de la complexité depuis une quinzaine d'années. Elle a souligné que les travaux ainsi menés avaient montré que cette complexité ne se situait pas tant au niveau des textes législatifs qu'au niveau des textes
réglementaires. Elle a souligné que la démarche de simplification ne progressait guère car elle avait nécessairement un coût. Elle a opposé ce coût immédiat au coût réel et permanent né de la complexité. Elle a souhaité, en outre, que les services de la CNAF soient davantage associés à la rédaction des textes réglementaires d'application.

Mme Nicole Prud'homme a observé que la complexité découlait souvent du souci d'être le plus juste possible : on avait ainsi distingué entre étudiants boursiers et non boursiers pour l'attribution de l'allocation logement, ce qui se traduisait, en pratique, par 50 francs de différence par mois dans les allocations versées, et par une complexité considérable dans la gestion de la prestation. Après avoir considéré que l'idée de la simplification semblait progresser, elle a suggéré que l'on profite du prochain débat sur le projet de loi de modernisation sociale pour engager effectivement cette démarche de simplification. Elle a néanmoins estimé qu'une éventuelle simplification ne permettrait pas de faire l'économie des créations d'emplois nécessaires.

M. Jean Delaneau, président, a fait observer que le projet de loi de modernisation sociale n'était toujours pas déposé par le Gouvernement et qu'il n'était pas certain que le Sénat puisse l'examiner en première lecture avant la fin de la présente session.

Après avoir rendu hommage à la qualité des personnels des caisses d'allocations familiales, M. Alain Gournac a constaté que les personnels de la caisse d'allocations familiales des Yvelines ne semblait pas avoir été suffisamment formés au nouveau système informatique Cristal. Il a jugé indispensable une simplification des procédures internes des caisses et a notamment dénoncé la procédure longue et complexe de récupération des indus. Il a regretté que les caisses d'allocations familiales semblent se désinvestir des activités des conseillères en économie familiale et sociale.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que les caisses d'allocations familiales constituaient aujourd'hui de véritables observatoires de la précarité sociale. Elle a souligné que la complexité du droit était d'abord préjudiciable aux allocataires et s'est dit convaincue de la nécessité d'instituer des guichets uniques, afin d'éviter que les allocataires ne soient renvoyés d'un agent à l'autre. S'agissant des contrats enfance, elle a regretté les conflits qui pouvaient parfois survenir entre les orientations politiques des collectivités locales et les décisions des caisses. Elle a souligné que le partenariat entre les collectivités locales et les caisses ne se faisait pas sans difficultés.

M. Marcel Lesbros a rappelé que la complexité était avant tout le résultat du souhait légitime du législateur d'aller toujours vers plus de justice et d'équité. Il a souligné que cette complexité ne concernait pas que la branche famille et se rencontrait également, par exemple, dans le droit fiscal
et qu'elle correspondait, en somme, à une évolution normale de nos sociétés. Il a jugé nécessaire de rendre les fonctionnaires plus responsables et de décentraliser encore davantage les décisions.

Après avoir fait observer que la CAF de Paris enregistrait des retards de deux mois pour le paiement des allocations logement, Mme Nicole Borvo a souligné que les prestations versées par la branche famille étaient absolument indispensables pour bon nombre de personnes. Elle a indiqué qu'elle était naturellement favorable à une simplification du droit et à l'institution d'un guichet unique, mais elle a jugé que la question essentielle restait celle de l'emploi. Elle a relevé que les caisses de la région parisienne rencontraient des difficultés particulières, résultant de la concentration des problèmes sociaux que connaissait cette région. Alors que le nombre des allocataires avait augmenté de 30 % en dix ans, le nombre des agents des caisses de la région parisienne avait parallèlement diminué de 1.000 personnes. Elle a jugé que la mise en place du nouvel outil informatique Cristal ne pouvait s'accompagner d'une diminution des effectifs du personnel des caisses.

Après avoir constaté les problèmes que générait la gestion des fonds de solidarité pour le logement (FSL), M. Martial Taugourdeau a souligné que la procédure de remboursement des trop-perçus créait des difficultés de toutes pièces et obligeait les conseils généraux à intervenir pour aider les familles concernées. Il s'est dit convaincu de la nécessité de simplifier le droit des prestations, notamment les règles régissant l'attribution des allocations logement.

En réponse aux différents intervenants, Mme Nicole Prud'homme a déclaré que l'allocataire devait être au centre des préoccupations et du mode de fonctionnement de la branche famille. Elle a souligné que certaines caisses avaient opté pour la gestion par portefeuille d'allocataires, ce qui permettait une relation personnalisée avec les intéressés et une responsabilisation accrue des agents. Elle a rappelé que les caisses étaient cependant des établissements autonomes, libres donc de choisir leurs propres modalités d'organisation.

Mme Nicole Prud'homme a reconnu que la gestion des trop-perçus constituait un problème délicat, dans la mesure où les règles de la comptabilité publique ne permettaient pas de retenir les trop-perçus sur les sommes dues. S'agissant de la gestion des FSL, elle a souligné que le logement restait le dernier rempart contre l'exclusion. Elle a indiqué que le système informatique Cristal permettrait des procédures beaucoup plus rapides et elle a observé que la CAF des Yvelines avait été l'une des dernières à adopter cet outil. Elle a jugé que la formation des agents à ce système informatique avait été adaptée, mais que le résultat final dépendait naturellement de la motivation de chacun.

Evoquant l'action sociale menée par la branche, Mme Nicole Prud'homme a rappelé qu'il s'agissait d'une prérogative autonome des caisses locales, lesquelles devaient cependant respecter des directives établies par la CNAF. Elle a conseillé aux élus d'intervenir directement auprès des conseils d'administration des caisses, afin que les orientations retenues soient conformes à leurs voeux. S'agissant de la situation particulière de la CAF de Paris, elle a souligné la nécessité de décentraliser et de multiplier les points d'accueil, ce qui posait un problème financier réel, compte tenu du coût de l'immobilier dans la capitale. Elle a indiqué qu'il y aurait prochainement un nouveau point d'accueil à Paris.

II. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DES CAF)

Réunie le 1 er mars 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout d'abord entendu une communication des rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale ( mission de contrôle sur les difficultés de fonctionnement rencontrées par les caisses d'allocations familiales ).

M. Jacques Machet, rapporteur, a rappelé que MM. Charles Descours, Alain Vasselle et lui-même avaient engagé, au début de l'année, plusieurs missions de contrôle, " sur pièces et sur place ", dans les organismes de protection sociale, en se fondant sur les prérogatives particulières et permanentes accordées par la loi aux rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale.

Il a précisé que l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 disposait, en effet, que les rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité sociale avaient le pouvoir de suivre et de contrôler, " sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'Etat et des établissements publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit. "

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que les rapporteurs avaient été amenés à privilégier, cette année, trois thèmes de contrôle : les difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), la gestion des exonérations de cotisations sociales et, enfin, l'application de la couverture maladie universelle (CMU).

Il a indiqué qu'il n'évoquerait ce jour que la mission consacrée aux caisses d'allocations familiales, M. Charles Descours devant présenter, le 21 mars prochain, l'état d'avancement du contrôle sur les exonérations de cotisations sociales. Après avoir précisé que cette mission sur les caisses d'allocations familiales n'était pas encore achevée, il a expliqué que les rapporteurs avaient cependant jugé utile de tenir informée la commission de l'avancement de leurs travaux, en lui présentant un compte rendu de leurs déplacements sur pièces et sur place.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que, dans le souci de préserver la nécessaire vision d'ensemble qui devait prévaloir dans cette procédure de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, les conclusions définitives de leurs travaux sur les caisses d'allocations familiales pourraient être présentées à la commission courant mai, parallèlement à la présentation des conclusions des rapporteurs sur les missions consacrées aux exonérations de cotisations sociales et à l'application de la CMU.

Il a expliqué que Charles Descours, Alain Vasselle et lui-même avaient été frappés par les nombreux articles de presse consacrés, l'été dernier, aux difficultés rencontrées par certaines caisses d'allocations familiales, particulièrement en région parisienne. Ces difficultés prenaient la forme de files d'attente interminables aux guichets, de retards considérables dans les réponses aux courriers et le traitement des dossiers. Certains articles évoquaient même des caisses " au bord de la rupture de paiement ".

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), interrogée lors de son audition par la commission, le 13 octobre 1999, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, avait alors déclaré que ces difficultés étaient en voie de règlement. Pourtant, moins de deux mois plus tard, le 6 décembre, elle demandait au Gouvernement, au nom du conseil d'administration de la CNAF, un accroissement des moyens humains, dont dispose la branche famille, sous la forme de 1.100 emplois supplémentaires. Cette demande intervenait ainsi quelques jours après l'adoption en lecture définitive, par l'Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

M. Jacques Machet, rapporteur, a expliqué que, dans ces conditions, ses collègues rapporteurs et lui-même avaient jugé nécessaire de mieux mesurer l'étendue et les conséquences des difficultés de fonctionnement que connaissaient certaines caisses d'allocations familiales. L'objet de cette mission de contrôle était de dresser un diagnostic et de formuler des propositions.

Il a indiqué que, désireux de se rendre compte de la réalité de la situation " sur le terrain ", les rapporteurs étaient allés tout d'abord à la CNAF le 26 janvier dernier. Ils avaient pu y rencontrer Mme Nicole Prud'homme, présidente, qui représente la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) au conseil d'administration, et M. Diépois, vice-président, représentant le mouvement des entreprises de France (MEDEF), puis M. Claude Huriet, président du conseil de surveillance, et, enfin, Mme Annick Morel, directrice, entourée de son équipe de direction. Cette visite à la CNAF avait été précédée de l'envoi d'un questionnaire particulièrement exhaustif : les réponses écrites qui avaient été transmises avaient permis de compléter utilement l'information des rapporteurs.

M. Jacques Machet, rapporteur, a précisé que les rapporteurs s'étaient ensuite rendus dans trois caisses d'allocations familiales : à Evry, dans l'Essonne, à Chartres, dans l'Eure-et-Loir et, enfin, à Melun, en Seine-et-Marne. Le choix de ces trois caisses avait été dicté par le souci de concentrer l'investigation sur les caisses de la région parisienne, qui connaissaient les plus grandes difficultés, tout en visitant parallèlement une caisse voisine -celle de Chartres- qui semblait épargnée par ces difficultés. Le choix de ces trois caisses avait permis aux rapporteurs une vision contrastée de la situation des différentes caisses.

M. Jacques Machet, rapporteur, a expliqué qu'Evry et Melun figuraient ainsi parmi les caisses les plus importantes du territoire, avec chacune 170.000 allocataires, et incarnaient de manière assez exemplaire la situation des caisses dites " en difficulté ". Chartres abritait, pour sa part, une caisse " moyenne " gérant 58.000 allocataires sans véritables difficultés. Dans ces trois caisses, les rapporteurs avaient rencontré les présidents et vice-présidents des conseils d'administration, les équipes de direction et les représentants des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils avaient également visité les locaux consacrés à l'accueil du public, ce qui avait souvent permis aux rapporteurs de dialoguer quelques instants avec les personnels des guichets, qui étaient en contact permanent avec les allocataires.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que la délégation avait reçu partout le meilleur accueil et que tous ses interlocuteurs s'étaient félicités de la démarche entreprise par la commission. Il a ajouté que certains présidents ou directeurs de caisses, informés de ces travaux, avaient spontanément pris contact avec les rapporteurs afin d'être auditionnés et qu'ils seraient par conséquent prochainement reçus au Sénat.

M. Jacques Machet, rapporteur, a examiné tout d'abord les symptômes et les raisons de ces difficultés avant d'esquisser quelques propositions. Il a souligné que, si les difficultés semblaient avoir commencé à se manifester dès 1998, elles s'étaient cependant brutalement aggravées au cours de l'été 1999, date à laquelle elles avaient été largement évoquées par les médias.

Il a tenu à préciser que, seule, une minorité de caisses était effectivement concernée par ce phénomène : sur un réseau national de 125 caisses, 25 connaissaient aujourd'hui des difficultés et ne respectaient pas les objectifs définis par la convention d'objectifs et de gestion. Il a fait cependant observer que ces caisses étaient aussi celles qui géraient le plus grand nombre d'allocataires, les 8 caisses de la région parisienne étant par exemple chargées de la gestion de 25 % des allocataires.

M. Jacques Machet, rapporteur, a expliqué que les difficultés s'étaient traduites concrètement par des retards dans le traitement des dossiers et des réponses aux courriers, par une forte augmentation des temps d'attente au guichet et par une dégradation de l'accueil téléphonique. Il a souligné que ces trois aspects étaient en fait partie prenante d'une même réalité de cercle vicieux : lorsque les délais de traitement des dossiers augmentaient, les allocataires, inquiets de l'absence de réponse de la caisse, se rendaient aux guichets. Pour répondre à cette affluence nouvelle, on affectait à l'accueil des personnels habituellement chargés de l'instruction et de la liquidation des dossiers ou de l'accueil téléphonique, ce qui se traduisait in fine par des retards accrus dans la gestion des dossiers.

M. Jacques Machet, rapporteur, a relevé que certaines caisses avaient ainsi connu des retards moyens dans le traitement des dossiers atteignant parfois quatre mois, ce qui signifiait en pratique que certains dossiers avaient été traités avec parfois six mois de retard, si ce n'était davantage. Les caisses avaient en effet été contraintes à des arbitrages et avaient choisi de privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des prestations familiales " classiques ".

M. Jacques Machet, rapporteur, a constaté que la situation semblait s'améliorer lentement ; à Evry, par exemple, le retard moyen dans le traitement des dossiers restait encore de deux mois. Il a relevé que, parallèlement à ces retards dans le traitement des dossiers, les temps d'attente au guichet avaient augmenté fortement : certaines caisses avaient ainsi connu, à certaines périodes, des temps d'attente moyens de près de trois heures ! Aujourd'hui, le temps d'attente moyen semblait être retombé à une heure environ dans la plupart des caisses de la région parisienne, ce qui restait néanmoins considérable. A Evry, où l'on considérait que la capacité maximale d'accueil quotidien était de 400 personnes, 900 à 1.000 personnes s'étaient parfois présentées certains jours, 250 personnes attendaient ainsi simultanément dans une salle qui comptait environ une soixantaine de places assises.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que de telles conditions d'accueil avaient créé de fortes tensions avec les allocataires et au sein même du personnel des caisses concernées. Elément assez symptomatique de cette dégradation, les caisses d'Evry et de Melun avaient chacune embauché un vigile qui, présent à l'accueil, assurait la sécurité des personnels et maintenait l'ordre.

Il a constaté que l'accueil téléphonique avait été partout sacrifié. Certaines caisses -à Evry par exemple- n'avaient pas hésité à fermer cet accueil et ne répondaient plus au téléphone. Cette situation à l'accueil téléphonique avait naturellement un retentissement sur l'accueil au guichet : faute d'obtenir une réponse au téléphone, les allocataires étaient contraints de se rendre à leur caisse.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que face à ces difficultés, la CNAF avait mis en place plusieurs plans d'action successifs consistant essentiellement à affecter des personnels supplémentaires dans les caisses concernées. Elle avait donné parallèlement pour instruction aux caisses de privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des prestations familiales, renonçant ainsi à assurer la mission première de la branche famille.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que les difficultés rencontrées provenaient, pour l'essentiel, de la conjugaison d'un élément conjoncturel -la mise en place d'un nouveau système informatique Cristal dans les caisses de la région parisienne- et d'éléments structurels.

Il a expliqué que la région parisienne avait été la plus touchée par les difficultés, car le système informatique Cristal avait été conçu à partir du système qui était auparavant en usage dans les caisses de province. La région parisienne disposait, quant à elle, d'un système informatique distinct, dont la logique était très éloignée de Cristal. Outre des difficultés techniques inévitables, il avait fallu que les personnels se forment et s'approprient ce nouvel outil : cela s'était soldé par une diminution, que l'on pouvait espérer temporaire, de la productivité. Lorsque les caisses avaient déjà des retards importants dans le traitement des dossiers et des courriers, le passage à Cristal s'était inévitablement traduit par des retards accrus. La mise en place de Cristal n'était d'ailleurs pas achevée puisque les caisses étaient encore contraintes de continuer à travailler simultanément sur l'ancien système.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que ce problème d'adaptation à un nouvel outil informatique se résoudrait progressivement et a jugé que Cristal devrait ainsi être pleinement opérationnel dans l'ensemble des caisses de la région parisienne avant la fin de la présente année.

Il a constaté que restaient néanmoins des problèmes plus préoccupants car fondamentalement structurels ; il a observé que Cristal n'avait été en quelque sorte que le révélateur de difficultés plus profondes liées à l'évolution des missions de la branche famille, à la précarisation des publics qu'elle prend en charge, au malaise des personnels et à la complexité croissante de la législation et de la réglementation.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que la branche famille, en prenant à sa charge la gestion du RMI, en 1989, avait vu ses missions profondément évoluer. Initialement chargée de l'aide aux familles, elle s'était rapidement trouvée au coeur de la lutte contre l'exclusion. Cette nouvelle mission s'était traduite par une augmentation de la charge de travail et, surtout, par un changement de nature du travail effectué. Les caisses étaient donc confrontées à une population de plus en plus précarisée et fragilisée, parfois aussi plus agressive. Comme l'avait souligné la semaine précédente Mme Nicole Prud'homme devant la commission, aujourd'hui, 40 % des allocataires des CAF n'étaient pas chargés de famille, ce chiffre pouvant atteindre 52 ou 53 % dans certaines caisses.

M. Jacques Machet, rapporteur, a relevé que
l'amélioration de la situation économique renforçait le sentiment de précarité chez les personnes les plus fragiles, qui éprouvaient paradoxalement le besoin d'être encore davantage rassurées.

Il a rappelé que la branche famille avait pris à sa charge la gestion du RMI et de la plupart des minima sociaux sans que lui soient parallèlement accordés des moyens supplémentaires. Les moyens humains dont elle disposait avaient même progressivement diminué. Les efforts accomplis par la branche famille en termes de productivité depuis 10 ans étaient ainsi considérables : le coût de gestion était revenu de 3,4 % des prestations versées à 2,7 % aujourd'hui. Parallèlement, le nombre des bénéficiaires du RMI passait de 300.000 personnes à plus d'un million.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que la branche famille avait globalement su faire face à cette nouvelle responsabilité que constituait la gestion des minima sociaux, au prix cependant d'une dégradation du service et de l'absorption de l'ensemble de ses gains de productivité. En Eure-et-Loir, par exemple, la montée en charge du RMI avait obligé la caisse à réduire la fréquence de ses permanences dans les chefs-lieux de canton et des visites à domicile.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que, lors de leurs entretiens avec les représentants du personnel, les rapporteurs avaient pu constater une certaine démotivation et une grande frustration de la part des personnels des caisses. Ces personnels étaient généralement compétents, dévoués et très attachés à la mission de leur institution. Ils avaient aujourd'hui le sentiment de ne pas pouvoir offrir aux allocataires le service qui devrait leur être rendu, ce qui suscitait, chez eux, une grande insatisfaction. Comme l'avait indiqué un représentant du personnel : " on nous demande de gérer des règles de plus en plus complexes avec des publics de plus en plus fragiles ".

M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que, dans ce contexte, la négociation difficile sur les modalités de la réduction du temps de travail, qui était applicable au personnel des caisses depuis le 1 er février, contribuait à accroître fortement les tensions sociales.

Il a souligné que la complexité du droit géré par les caisses d'allocations familiales était indéniable. De fait, comme l'avait souligné la semaine précédente Mme Nicole Prud'homme devant la commission, les CAF géraient 25 prestations légales qui représentaient 15.000 règles de droit. Il a ajouté que les CAF prenaient en compte 250 faits générateurs de droit, qu'elles utilisaient 270 modèles de pièces justificatives et en traitaient 70 millions par an. Les comparaisons qu'il était possible de faire dans le temps concernant ces indicateurs montraient que la complexité s'était fortement accrue.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que la complexité de ce droit était fortement aggravée par son instabilité. Il a rappelé, par exemple, comment le Gouvernement avait décidé à l'automne 1997 de mettre sous condition de ressources les allocations familiales pour revenir finalement, quelques mois plus tard, sur cette décision.

Il a expliqué en outre que, depuis la création de l'aide personnalisée au logement (APL) en 1977, il y avait eu environ 150 textes qui en avaient modifié le régime initial et sur les dernières années, plus de 100 modifications de règles étaient intervenues par an. Cette complexité avait atteint son paroxysme pour la gestion des allocations logement : la circulaire explicitant les modalités d'attribution de ces prestations ne comptait pas moins de 83 pages !

M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que la branche famille était de surcroît victime de la conjugaison de règles très complexes et de changements permanents dans les situations familiales et professionnelles des allocataires. Ainsi, en moyenne, un tiers du fichier des allocataires était modifié chaque mois.

Il a constaté que la complexité des règles gérées par les caisses d'allocations familiales découlait souvent du souci d'être le plus équitable possible et du goût de nos concitoyens pour des règles totalement objectives définies au niveau national, prenant en compte le moindre cas particulier et ménageant les droits acquis. La complexité procédait également d'une volonté politique de ciblage social et financier, de la multiplicité des objectifs poursuivis et d'un faible intérêt du " fabricant de règles " pour leur gestion par les CAF et leur compréhension par l'allocataire.

M. Jacques Machet, rapporteur, a observé que l'évolution récente de la branche famille avait vu la montée en charge de trois types de prestations très complexes : celles qui ont recours à des barèmes extrêmement sensibles que sont les aides personnelles au logement, les prestations différentielles que sont les minima sociaux, celles qui supposent des relations avec de multiples partenaires : en moyenne, les CAF étaient ainsi en relation avec 60 partenaires susceptibles d'intervenir dans la gestion du système des prestations.

Il a ajouté que les CAF géraient des prestations qui dépendaient d'ordres juridiques différents (les prestations familiales inscrites dans le code de la sécurité sociale, l'APL inscrite dans le code de la construction et de l'habitat, le RMI) ce qui conduisait à des règles distinctes en matière de contentieux, de récupération d'indus.

Il a jugé que les effets de cette complexité étaient redoutables : incompréhension des allocataires et des personnels, absence de lisibilité des choix politiques, ciblage social souvent inefficace, ciblage financier rarement atteint, coût de gestion accru.

Pour éviter que la branche famille ne soit confrontée à l'avenir à de nouvelles difficultés, M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé qu'il convenait d'engager rapidement une démarche de simplification du droit régissant les prestations versées par les caisses d'allocations familiales. Il a indiqué qu'un gros travail avait été accompli depuis une quinzaine d'années par la branche famille sur la simplification des prestations : cette démarche était pourtant restée lettre morte faute d'un réel soutien du ministère de l'emploi et de la solidarité. La direction de la sécurité sociale considérait ainsi que la complexité était un faux problème, en partie réglé par l'informatisation et faisait observer, en outre, que la simplification avait un coût.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré par conséquent que cette entreprise de simplification n'était pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet politique.

Evoquant la question des moyens dont disposait la branche famille, M. Jacques Machet, rapporteur, a rappelé que la CNAF, arguant des difficultés que rencontraient les CAF, avait demandé au Gouvernement, en décembre dernier, 1.100 postes supplémentaires. Mme Martine Aubry avait alors diligenté une mission de l'IGAS, chargée d'évaluer le bien-fondé de cette demande.

Il a relevé que, sans attendre les résultats de cette mission, le Gouvernement venait pourtant de donner son accord à la création de 900 postes, dont une partie était présentée comme un acompte sur les créations d'emplois qui résulteraient de la réduction du temps de travail. Avant d'être pleinement opérationnels, ces personnels devraient être formés pendant une période de 10 mois.

Dans la mesure où les conclusions de la mission de l'IGAS n'étaient pas encore disponibles, M. Jacques Machet, rapporteur, s'est refusé à se prononcer sur le bien-fondé de la demande de la CNAF. Il s'est demandé néanmoins si l'octroi de postes supplémentaires ne constituait pas une solution de facilité, qui permettait notamment de faire l'économie d'éventuels efforts de réorganisation interne et d'une simplification du droit.

Il a estimé que le passage aux 35 heures ne pouvait se faire à moyens constants. Il a expliqué que la CNAF proposait donc qu'on lui donne des moyens supplémentaires immédiatement, moyens qui seraient récupérés dans quatre ou cinq ans au moment des départs massifs à la retraite des personnels des caisses.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré qu'il convenait de profiter de la négociation sur les 35 heures pour revoir les modalités de l'organisation du travail dans les caisses d'allocations familiales et améliorer ainsi l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager. Des efforts importants devraient ainsi être engagés qui permettraient une simplification des procédures internes et une meilleure gestion des ressources et des moyens disponibles. Certaines caisses, Evry et Melun par exemple, venaient d'ailleurs d'engager une démarche en ce sens.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que la qualité des analyses formulées et le caractère concret des observations recueillies justifiaient pleinement la démarche de contrôle sur pièces et sur place entreprise par la commission. Il a estimé que la présentation, par les trois rapporteurs, des conclusions définitives de leurs travaux, au mois de mai prochain, ferait certainement apparaître des difficultés communes dans les différentes branches de la sécurité sociale.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que ces missions de contrôle sur pièces et sur place étaient avant tout des missions destinées à informer la commission, sans arrière-pensée politique. Evoquant la nécessaire démarche de simplification du droit, il a regretté que certaines directions du ministère de l'emploi et de la solidarité ne partagent pas cette conviction. Considérant que le droit des prestations versées par les CAF était désormais devenu " le royaume du père Ubu ", il a cité l'exemple du régime d'attribution des allocations logement qui distinguait entre les étudiants boursiers et non boursiers, ce qui se traduisait in fine par une différence de 50 francs par mois pour les intéressés et par une complexité considérable dans la gestion de ces prestations par les CAF.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné qu'en l'absence de simplification du droit, les difficultés ne seraient pas réglées par des créations d'emplois. Il a considéré que la convention d'objectifs et de gestion qui régissait aujourd'hui la branche famille devrait être révisée car elle n'était, à l'évidence, pas respectée. Il a fait observer que si seules 25 caisses sur 125 rencontraient effectivement des difficultés, ces caisses étaient aussi les plus importantes du réseau et assuraient la gestion d'au moins 50 % des allocataires.

Evoquant les problèmes d'accueil téléphonique, il a cité l'exemple de la caisse des allocations familiales de l'Isère qui fonctionnait correctement et où, pourtant, l'accueil téléphonique s'avérait très déficient. Il a considéré enfin que l'on n'avait pas encore véritablement tiré toutes les conséquences du changement opéré dans les missions de la branche famille.

Après avoir précisé que l'introduction de vigiles dans certaines caisses visait à lutter contre l'instauration d'un début de marché noir pour l'attribution des tickets de file d'attente, M. Alain Vasselle, rapporteur, a mis l'accent sur l'importance d'une simplification du droit et a estimé que les allocataires étaient aujourd'hui les premières victimes des difficultés rencontrées par les caisses. Il a relevé que ces difficultés avaient conduit certaines caisses à diminuer leur présence territoriale, leur offre de services et l'information apportée aux allocataires, ce qui provoquait inévitablement une augmentation de la fréquentation aux guichets. Il a constaté que les caisses avaient également réduit leurs missions de contrôle et se trouvaient, par conséquent, confrontées à un nombre croissant de contentieux.

Evoquant les gains de productivité importants effectués par les caisses d'allocations familiales depuis une dizaine d'années, il a exprimé son scepticisme face aux possibilités de récupérer, dans quatre ou cinq ans, les postes qui seraient aujourd'hui créés en application de la réduction du temps de travail.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité que la commission puisse présenter, à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, un amendement limitant, tant en termes de délai que de montant, les possibilités de récupération des indus par les caisses d'allocations familiales.

M. Claude Huriet s'est félicité de la démarche entreprise par la commission et a souhaité que le rapport qui serait rédigé à l'issue de cette mission puisse être communiqué aux membres du conseil de surveillance de la CNAF. Après s'être affirmé convaincu de la nécessité de privilégier la simplification du droit, il a relevé que l'analyse formulée par les rapporteurs mettait l'accent sur les gains de productivité accomplis par les caisses et s'est interrogé, dans ces conditions, sur la possibilité réelle de résorber les difficultés actuelles sans embauches supplémentaires.

M. Jean Chérioux a constaté que les dysfonctionnements informatiques avaient des conséquences souvent dramatiques pour les allocataires et s'est étonné du fort taux d'erreur qui caractérisait les décisions prises par les caisses.

Après avoir salué la qualité de l'analyse des trois rapporteurs, Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que si toutes les CAF connaissaient actuellement des difficultés, les problèmes aigus évoqués par M. Jacques Machet dans son intervention n'étaient pas représentatifs de la situation dans l'ensemble des CAF. Elle a souscrit à l'idée de la simplification du droit tout en considérant que la complexité des règles se voyait en partie résolue par l'utilisation de l'informatique et une formation adaptée du personnel. Elle a constaté que la complexité des lois et des règlements était un phénomène maintenant ancien. Elle a suggéré, à ce propos, que la commission auditionne M. Jean-Michel Belorgey sur les réflexions du groupe de travail qu'il a animé dans le cadre des travaux du Commissariat général du plan, sur l'articulation entre les minima sociaux, les revenus d'activité et la précarité.

M. Charles Descours, rapporteur, a cité l'exemple de l'outil informatique Racine, utilisé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), et qui semblait mieux fonctionner aujourd'hui, après des débuts pourtant difficiles.

M. Philippe Nogrix a jugé que, face à une situation exceptionnelle, il convenait de donner à la branche famille des moyens humains supplémentaires immédiats pour surmonter les difficultés et rattraper le retard accumulé.

Mme Nelly Olin a estimé que la première urgence consistait effectivement à résorber les retards. Elle a souligné les fortes tensions que suscitait, sur le terrain, la situation actuelle. Elle a souhaité que les rapporteurs puissent entendre les responsables de la CAF du Val-d'Oise.

M. Michel Esneu a fait observer que les difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales conduisaient ces dernières à se désengager de certaines missions, notamment dans les centres communaux d'action sociale (CCAS), et à transférer ainsi certaines charges vers les collectivités locales. Il a considéré que les créations d'emplois étaient indissociables des efforts de simplification qui devaient être menés parallèlement.

M. François Autain a estimé que la complexité croissante du droit était une évolution profonde de nos sociétés et que l'outil informatique permettait d'assurer une gestion satisfaisante de cette complexité. Il a considéré que la loi relative à la réduction du temps de travail constituait un atout pour les organismes de sécurité sociale et permettrait vraisemblablement, par une réorganisation du travail, de résoudre les difficultés aujourd'hui rencontrées.

Après avoir souligné la compétence et le professionnalisme des personnels des caisses, M. Alain Gournac a considéré que la simplification était une priorité. Il a estimé que les personnels des caisses n'avaient pas été suffisamment formés au nouvel outil informatique Cristal, dont les effets positifs sur la productivité ne se feraient sentir que dans trois ou quatre ans. S'étonnant du nombre élevé de dossiers ou de pièces égarés par les caisses, il a regretté que l'accueil téléphonique soit souvent déficient et que les caisses semblent se désinvestir de plus en plus de l'action menée sur le terrain.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé qu'il fallait dix mois pour former les personnels avant que ceux-ci ne soient opérationnels et que les créations de postes accordées par le Gouvernement n'auraient pas un effet immédiat sur la résorption des retards.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a relevé que certaines caisses, telle celle de Chartres, avaient anticipé sur les difficultés nées du passage au système Cristal. Il a jugé qu'il convenait, dans l'immédiat, de renforcer provisoirement les effectifs dans les caisses où cela était véritablement nécessaire.

M. Martial Taugourdeau a relevé que la caisse de Chartres, malgré son caractère apparemment exemplaire, rencontrait certaines difficultés. Il a également constaté les nombreux problèmes que suscitait la gestion des fonds de solidarité pour le logement (FSL).

M. Philippe Nogrix a constaté que les caisses s'étaient organisées pour faire face à Cristal, en abandonnant leurs missions sur le terrain. Il a considéré que la réduction du temps de travail n'allait certainement pas améliorer la situation.

III. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT ET DE M. JEAN-LOUIS BUHL, DIRECTEUR DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Réunie le mercredi 15 mars 2000 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), et de M. Jean-Louis Buhl, directeur.

M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que cette audition s'inscrivait dans le cadre de la mission de contrôle sur la gestion des exonérations de cotisations de sécurité sociale, conduite par MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale.

Il a rappelé que les rapporteurs avaient procédé à un certain nombre d'auditions préparatoires, s'étaient déplacés à l'ACOSS pour y rencontrer ses responsables, et avaient consacré une journée à un contrôle sur place à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Arras, où ils avaient pu s'entretenir également avec des responsables d'entreprise.

M. Bernard Caron s'est, en préambule, félicité du principe de compensation posé par la loi du 25 juillet 1994, imposant à l'Etat de rembourser intégralement à la sécurité sociale le manque à gagner résultant des exonérations de cotisations. Il a estimé que cette loi avait permis de disposer d'une grille de lecture financière des mesures d'exonération. Il a toutefois regretté que ne soient pas compensées les mesures, prises depuis 1994, d'extension du champ d'application ou de majoration du taux d'exonération de dispositifs existants avant 1994.

Puis M. Bernard Caron a rappelé que les organisations patronales estimaient, depuis fort longtemps, que les charges sur les salaires étaient trop élevées. Il a précisé que la convergence des économies européennes imposait de prêter attention, dans ce domaine, à la compétitivité des entreprises françaises.

M. Bernard Caron a estimé que l'ACOSS appliquait une législation complexe avec professionnalisme. Il a regretté que les concepteurs des mesures d'exonération fassent preuve d'une inventivité sans cesse croissante. Il a souligné que le dispositif d'exonération de cotisations sociales résultait d'une superposition de strates successives et était au total difficile à comprendre, difficile à appliquer et difficile à sécuriser juridiquement. Il a estimé, à cet égard, que les dispositifs liés à la réduction du temps de travail étaient particulièrement complexes, rappelant que la circulaire du 3 mars 2000 sur la réduction du temps de travail ne comportait pas moins de 15 pages. Il a constaté, en outre, que l'efficacité d'un certain nombre de mesures se diluait au fil des ans, et qu'il était à tout le moins très difficile de mesurer leur impact. Il a indiqué que l'informatique des URSSAF était fortement mise à contribution pour gérer les différents dispositifs d'exonération, et il a considéré que la complexité juridique faisait peser, au total, une lourde charge, et un risque non négligeable sur les entreprises.

M. Bernard Caron a estimé qu'au-delà d'un discours incantatoire sur la simplification, il apparaissait désormais nécessaire de regrouper certaines mesures d'exonération et d'assurer la sécurité juridique des assujettis. Il a estimé que le développement d'un contentieux social considérable était significatif des défauts du système actuel, malgré les efforts de l'ACOSS, qui avait diffusé une " Charte du cotisant ".

M. Jean-Louis Buhl a souhaité rappeler la logique, le contenu et les conditions d'application des différents dispositifs d'exonération de cotisations.

Il a souligné que ces dispositifs, qui s'étaient multipliés et diversifiés au cours des dix ou quinze dernières années et avaient fait l'objet de nombreux ajustements et compléments, reposaient sur l'analyse selon laquelle les allégements de charges constituaient un levier pour inciter à l'embauche et assurer une meilleure compétitivité des entreprises.

Il a précisé ainsi que les trente-six mesures, qui étaient aujourd'hui en vigueur, relevaient de logiques multiples, visant différentes catégories de salariés (exonération pour favoriser l'embauche de certaines catégories de travailleurs), d'entreprises (exonération premier salarié), d'activités (exonérations spécifiques au textile et au secteur des hôtels-cafés-restaurants), de zones géographiques (zones de redynamisation urbaine, zones de revitalisation rurale), de niveaux de salaires (exonération bas salaires) ou encore de durées du travail (temps partiel, 35 heures). Il a constaté que ces mesures relevaient principalement de la politique de l'emploi, mais pouvaient poursuivre également un objectif d'aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Buhl a précisé qu'environ 150 textes différents, modifiés de manière fréquente, régissaient les différents dispositifs, dont les règles de cumul étaient elles-mêmes particulièrement complexes. Il a estimé qu'en dépit des efforts d'informations réalisés, les risques d'insécurité juridique conduisaient certains employeurs à renoncer au bénéfice d'une mesure.

M. Jean-Louis Buhl a souligné la lourdeur des systèmes de contrôle nécessaire à une application exacte des dispositifs : contrôle sur pièce des déclarations, contrôle interne des processus, contrôle sur place par les inspecteurs des URSSAF. Il a ajouté que les exonérations de charges sociales constituaient désormais un des chefs de redressement les plus importants (28
% en 1999, représentant 20 % en valeur) et, de surcroît, en croissance rapide. Il a observé, au demeurant, que les contrôles aboutissaient également à des régularisations au bénéfice du cotisant.

M. Jean-Louis Buhl a constaté que le suivi et le contrôle des mesures d'exonération liées à la réduction du temps de travail faisaient l'objet d'un " partage incertain " entre les URSSAF et les services déconcentrés de l'Etat, et a précisé que les URSSAF n'avaient pas compétence pour l'application du droit du travail, s'agissant notamment du calcul de sa durée. Il a indiqué que, dans ces conditions, les contrôles des URSSAF nécessiteraient un avis préalable ou un rapport des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) pour confirmer le bien-fondé des exonérations. Il a considéré qu'un partenariat plus approfondi entre les administrations déconcentrées de l'Etat et la branche du recouvrement devenait ainsi nécessaire.

Estimant à 95 milliards de francs le montant des exonérations de cotisations, dont 15 milliards de francs représentant les exonérations non compensées, il a relevé qu'il s'agissait ainsi d'un mode de diversification des ressources de la sécurité sociale. Il a rappelé que 85 % des recettes du régime général (cotisations et contribution sociale généralisée) restaient assises sur des rémunérations.

M. Jean-Louis Buhl a indiqué que la gestion des exonérations demandait un suivi rigoureux, dès lors que les URSSAF étaient, en quelque sorte, ordonnateurs des dépenses de l'Etat par le biais de la compensation, et qu'il leur revenait d'adresser, à l'Etat, une facturation précise. Il a ajouté que la neutralité des relations de trésorerie entre l'Etat et la sécurité sociale était, dans ce domaine, quasiment atteinte.

M. Jean-Louis Buhl a rappelé que les dispositions du paragraphe 241 de la convention d'objectifs et de gestion Etat-ACOSS pour la période 1998-2001 comportaient des engagements en faveur " de textes clairs et adaptés aux réalités vécues par les employeurs " et d'une " rationalisation des règles d'assiette au sein du régime général et en liaison avec les autres régimes de protection sociale, à une simplification des mesures d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de l'Etat ". Il a constaté que ces engagements n'avaient guère été suivis d'effet.

M. Jean-Louis Buhl a expliqué qu'une véritable simplification des dispositifs d'exonération, notamment par leur regroupement, lui paraissait une démarche probablement trop ambitieuse au regard des difficultés à revenir sur des situations acquises. Il a considéré, en revanche, qu'une démarche " plus modeste " devait être entreprise autour de cinq points :

- une nécessaire stabilisation des règles (cibles et critères) qui, actuellement, sont parfois modifiées tous les ans ;

- la limitation des objectifs poursuivis à l'emploi, d'autres techniques que les exonérations de cotisations pouvant être utilement mises en oeuvre pour d'autres objectifs, comme l'aménagement du territoire ;

- le choix de modalités d'exonération moins nombreuses, privilégiant, par rapport à l'abattement forfaitaire, la modulation des taux ;

- une clarification des règles de cumul actuellement très difficile à maîtriser ;

- des délais raisonnables quant à la date d'application des mesures nouvelles permettant de préparer leur mise en oeuvre, afin d'éviter de devoir procéder à des applications rétroactives.

M. Jean Delaneau a demandé si l'augmentation de la charge de gestion et de contrôle avait nécessité des recrutements supplémentaires.

M. Jean-Louis Buhl a indiqué que la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et l'ACOSS était placée sous le signe d'une stabilité des effectifs de la branche du recouvrement. Il a toutefois précisé que le réseau de recouvrement avait dû être renforcé par environ 200 personnes depuis deux ans.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les petites et moyennes entreprises (PME) étaient particulièrement touchées par la complexité. Il a demandé si le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) allait faire des propositions de simplification, dans le cadre du projet de " refondation sociale ".

Il s'est interrogé sur le suivi de la création d'emplois par les URSSAF, et sur les relations entre les URSSAF et les DDTEFP, dans le cadre de la loi sur la réduction négociée du temps de travail. Il a demandé si toutes les directions du ministère de l'emploi partageaient le désir de simplification exprimé par l'ACOSS.

Observant qu'il avait constaté lors du contrôle de l'URSSAF d'Arras que cinq dispositifs représentaient à eux seuls près de 90 % des exonérations accordées, M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé si les coûts de gestion des différents dispositifs par les URSSAF avaient été évalués.

M. Bernard Caron a confirmé que le problème n'était pas identique dans les PME et dans les grandes entreprises. Il a toutefois estimé qu'il n'était pas sain que les grandes entreprises doivent se résoudre, pour faire face à la complexité administrative, à employer des personnes à des tâches parfaitement improductives. Il a indiqué que le MEDEF avait suscité la création d'un groupement d'intérêt public (GIP) " Modernisation des déclarations sociales " ayant pour but de " masquer la complexité administrative ", par un portail Internet (Net entreprises) permettant aux entreprises de payer leurs cotisations et d'accomplir leurs différentes formalités (déclaration unique d'embauche (DUE), déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS), déclarations annuelles de données sociales (DADS)). Il a ajouté que ce GIP réunissait trente-cinq organismes de protection sociale, en accord avec le ministère de l'emploi et de la solidarité et le secrétariat d'Etat aux PME. Il a rappelé que le MEDEF s'était opposé aux trente-cinq heures, qui ajoutent à la complexité. Il a estimé que les exonérations en vigueur dans les zones franches, relevant de la politique d'aménagement du territoire, étaient particulièrement complexes. Il a regretté l'empilement des dispositifs, sans aucune cohérence d'ensemble selon lui.

M. Jean-Louis Buhl a indiqué que les URSSAF n'étaient pas en mesure de comptabiliser les emplois créés par les différentes mesures. Il a indiqué qu'elles avaient connaissance des effectifs de bénéficiaires des allégements et des effectifs globaux des entreprises, mais qu'il était impossible d'isoler les emplois créés. Il a précisé qu'une convention avait été signée entre l'ACOSS et la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et que cette direction était chargée du suivi statistique des mesures emploi.

S'agissant des relations URSSAF-DDTEFP dans le cadre des allégements de charges liées à la réduction du temps de travail, il a indiqué qu'un comité de liaison national commun à l'ACOSS, la direction de la sécurité sociale et à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, s'efforçait d'apporter des réponses juridiques aux questions posées par l'application, sur le terrain, des dispositions législatives et réglementaires. Il a indiqué que de nombreuses réunions avaient lieu au niveau départemental. Il a estimé que la coopération n'était certes pas identique dans tous les départements, mais qu'il était clair que l'objectif était d'éviter les divergences d'interprétation entre les services publics.

Répondant à M. Alain Vasselle, il a indiqué qu'il était impossible d'isoler le coût de gestion propre à chaque dispositif d'exonérations de cotisations, ni même à l'ensemble des dispositifs. Il a estimé intuitivement cette dernière charge à un tiers du coût de traitement d'une déclaration. Il a précisé que la gestion d'un cotisant représentait 1.000 francs par an et que le coût de gestion des URSSAF s'élevait à 0,5 % des masses financières recouvrées.

Il a considéré que toutes les directions du ministère de l'emploi et de la solidarité étaient sensibles à la nécessité de la simplification, mais que la délégation générale à l'emploi devait conjuguer cet impératif avec la priorité qui était la sienne, qui est de favoriser l'emploi.

M. Louis Souvet a estimé que la branche du recouvrement était la mieux à même d'effectuer un bilan des différentes mesures emploi, et de proposer des regroupements, autour de " familles " de mesures, ou des rationalisations. Il s'est interrogé sur la possibilité de réaliser des applications informatiques permettant de guider le cotisant pas à pas.

M. Alain Gournac a souhaité une évaluation complète de l'efficacité des différentes mesures. Il a relevé que les PME étaient confrontées à de grandes difficultés pour calculer leurs cotisations. Il a évoqué l'expérience du chèque emploi-service, qui pourrait être étendue aux très petites entreprises.

M. Jean Chérioux a estimé qu'il était nécessaire de disposer d'une répartition, par branches, des différentes recettes de la sécurité sociale.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré que la construction de l'Europe sociale pourrait permettre des simplifications.

M. Martial Taugourdeau a rappelé que les erreurs des cotisants, de bonne foi, pouvaient se solder par des majorations de cotisations très préjudiciables.

M. Marcel Lesbros a estimé que la complexité des mesures d'exonération mettait également en cause la responsabilité du législateur.

Répondant aux différents intervenants, M. Bernard Caron a évoqué le nombre de pages paraissant annuellement au Journal officiel " Lois et décrets ". Il a estimé que l'adage " nul n'est censé ignorer la loi " était vain. Il a ajouté qu'il était désormais nécessaire de procéder à un " dépoussiérage ", en supprimant toutes les mesures peu utilisées ou en voie d'extinction. Il a douté de la pertinence des études d'impact accompagnant les projets de loi qui doivent pourtant, en principe, évaluer les mesures proposées en termes de formalité et de coût de gestion.

M. Jean-Louis Buhl a confirmé que l'objectif de sécurité et de stabilité juridique était essentiel. Il a considéré que de gros efforts informatiques, à travers le projet " Net entreprises ", étaient engagés. Il a toutefois signalé que le principe du système déclaratif imposait des contrôles a posteriori. Il a précisé que les URSSAF menaient, de plus en plus, des actions de prévention.

S'agissant des chèques emploi-service, il a relevé que cette simplification majeure était liée à une profession particulière, mettant en jeu une seule caisse de retraite complémentaire. Il a indiqué que le projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer (DOM) comportait une mesure de " titre emploi-service " et que cette expérience serait intéressante à suivre.

IV. AUDITION DE MME CATHERINE BARBAROUX, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle .

Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, a considéré que la conduite d'une politique privilégiant les exonérations de cotisations sociales posait trois types de questions respectivement relatives à la pertinence de cet outil par rapport aux objectifs recherchés, à son efficacité comparée à celle des autres outils de la politique de l'emploi, et aux moyens de son suivi et de son amélioration.

Elle a estimé que le Gouvernement avait choisi de conférer la priorité au recours à une gamme d'outils la plus large possible en matière de politique de l'emploi. Elle a déclaré que la politique menée en matière d'exonérations de charges sociales poursuivait plusieurs finalités : modifier l'ordre de la file d'attente au bénéfice des demandeurs d'emploi les plus fragiles (jeunes, chômeurs de longue durée), favoriser le développement dans certaines zones géographiques ou certains quartiers dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire, et abaisser le coût du travail au travers des exonérations généralisées.

Mme Catherine Barbaroux a observé que ces différentes mesures d'exonérations de charges étaient largement utilisées par les petites et moyennes entreprises (PME) et en a conclu qu'elles devaient par conséquent répondre à une attente. Elle a reconnu que ces exonérations de charges sociales pouvaient paraître complexes. Elle a rappelé toutefois que le Gouvernement avait commencé à simplifier ces dispositifs en supprimant l'abattement de charges sociales dont pouvaient bénéficier les emplois à temps partiel.

Mme Catherine Barbaroux a indiqué que le suivi des résultats obtenus par ces différentes mesures d'exonérations s'effectuait au moyen de trois catégories d'instruments : des tableaux de bord budgétaires, des études approfondies élaborées par la Direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), ainsi que par des sondages effectués sur des échantillons d'entreprises.

Evoquant les modalités de gestion de ces exonérations de charges sociales, Mme Catherine Barbaroux a rappelé que certaines d'entre elles étaient mises en oeuvre par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et d'autres par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA). Elle a précisé que des réunions techniques associant ces organismes et les services du ministère de l'emploi et de la solidarité permettaient d'assurer le suivi des dépenses. Elle a observé, toutefois, qu'il n'y avait pas d'échanges concernant le coût de la gestion des exonérations de charges sociales entre les services du ministère et l'URSSAF.

Mme Catherine Barbaroux a considéré que les entreprises préféraient les mesures d'exonérations de charges sociales à d'autres dispositifs d'aides encore plus complexes, comme les primes et les conventionnements. Elle a précisé que le ministère de l'emploi et de la solidarité continuait à mener des actions d'information à destination des entreprises pour leur expliquer les règles d'attribution de ces différentes aides, ainsi que leur régime respectif. Elle a souligné que les entreprises souhaitaient avant tout une stabilité dans le régime des aides, ce qui expliquait la lente montée en charge des nouvelles mesures mises en place.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité que la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle puisse communiquer, chaque année, à la commission, le nombre d'emplois créés par chacune des mesures d'exonérations de charges sociales existantes. Il a remarqué que 5 exonérations sur 36 représentaient à elles seules 97 % des crédits consacrés aux allégements de charges sociales ; il s'est interrogé en conséquence sur les possibilités de simplifier l'ensemble du dispositif. Il a observé que la plupart des PME étaient dépourvues de service juridique et se trouvaient dans l'incapacité d'appréhender la complexité des différentes mesures d'exonérations de charges sociales mises en place. Il a souhaité connaître l'état de la coopération entre les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et les URSSAF.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité connaître quelle pouvait être la mesure de l'effet de levier de la politique d'allégement des charges sociales sur l'emploi et les recettes fiscales.

Mme Catherine Barbaroux a estimé que les résultats en termes d'emplois créés par chacune des mesures étaient plus ou moins disponibles selon la nature du dispositif. Elle a remarqué que les chiffres précis pouvaient être obtenus en matière d'alternance et d'emplois aidés, mais que cela était plus difficile lorsque le dispositif, comme dans le cas de la réduction du temps de travail ou de l'aménagement du territoire, avait une forte dimension macro-économique, sans effet direct sur l'emploi, qui puisse être distinguée clairement des effets d'aubaine ou de ceux de la conjoncture. Elle a néanmoins estimé que la DARES, qui travaillait dans une parfaite transparence et avec un souci reconnu d'objectivité, était en mesure d'obtenir des résultats intéressants.

Evoquant les formalités administratives, elle a souligné qu'il n'y avait pas de réponse simple à des situations complexes, et a précisé que la circulaire d'application des 35 heures, qui comportait plus d'une centaine de pages, s'adressait non pas aux entreprises, mais aux services. Elle a observé, à cet égard, que l'URSSAF avait réalisé, à l'intention de ces dernières, un dépliant de 4 pages remarquablement pédagogique. Elle a rappelé, en outre, que, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, les employeurs avaient pu faire leur déclaration sur papier libre, afin de pouvoir bénéficier des allégements de charges dans les meilleurs délais.

Mme Catherine Barbaroux a considéré par ailleurs que la collaboration entre les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et les URSSAF était satisfaisante. Elle a rappelé qu'un comité national de pilotage avait été mis en place, ainsi qu'un comité technique chargé d'établir des réponses pratiques aux différents problèmes rencontrés par les entreprises.

Mme Catherine Barbaroux a insisté sur le nouveau rôle des agents du ministère de l'emploi dans le cadre de la mise en oeuvre de la seconde loi sur les 35 heures qui se trouvaient désormais dans une " posture " d'accompagnement et non d'agrément ou de contrainte.

Elle a rappelé, en effet, qu'à la différence du régime résultant de la loi du 13 juin 1998, les agents du ministère de l'emploi n'avaient plus à agréer ou à apprécier le contenu des accords signés : la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 19 janvier 2000 avait confirmé ce point sans ambiguïté. Il appartenait à l'administration de surveiller simplement que les partenaires sociaux avaient appliqué correctement les quelques contraintes de la loi en matière de validité des accords.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur, qui souhaitait obtenir davantage de précisions sur la nature des contrôles exercés dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000, Mme Catherine Barbaroux a indiqué qu'ils s'exerçaient à plusieurs niveaux.

Elle a confirmé, tout d'abord, que, dès lors que le dispositif était déclaratif, aucun contrôle n'était opéré à son entrée, sauf un contrôle de " bon sens " quant à la forme de l'accord notamment, qui conduisait d'ailleurs à une mise en garde et non à un blocage.

Elle a indiqué que, par la suite, chaque administration disposait de ses pouvoirs propres, l'URSSAF pouvant constater de fausses déclarations ou omissions, la direction départementale du travail, saisie par l'inspection du travail, s'assurant du respect des aspects fondamentaux de l'accord : respect de la durée collective du travail, respect des engagements pris en matière de création d'emplois -sachant qu'un accord pouvait, le cas échéant, ne comporter aucun engagement de création d'emplois-, qualité des personnes mandatées pour négocier l'accord.

Mais elle a considéré que le contrôle le plus efficace restait bien celui qui engageait les partenaires sociaux signataires de l'accord.

Elle a précisé, enfin, qu'il appartenait à la direction départementale du travail de transmettre son rapport à l'URSSAF, seul décideur, et naturellement au chef d'entreprise.

Répondant à M. Alain Vasselle, Mme Catherine Barbaroux a déclaré qu'il subsistait des incertitudes concernant la mesure de l'effet de levier en matière fiscale. Elle a observé que la baisse du chômage, à laquelle on pouvait assister, constituait néanmoins un puissant facteur d'augmentation des recettes fiscales.

En réponse à M. Charles Descours, Mme Catherine Barbaroux a, par ailleurs, déclaré que le nombre d'accords signés suivait une pente ascendante depuis l'entrée en vigueur de la loi. Elle a estimé que 3 millions de salariés étaient aujourd'hui couverts par un accord, et que ce nombre devrait s'élever à 4 millions d'ici la fin de l'année 2000.

Elle a rappelé que 4,3 milliards de francs étaient inscrits sur les crédits du ministère au titre de la participation de l'Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, et a estimé que le manque à gagner, entraîné par la censure, par le Conseil constitutionnel, de la taxation des heures supplémentaires, -soit 7 milliards de francs sur un total de 63 milliards de francs- devait s'apprécier au regard de l'évolution a priori positive des autres lignes de recettes du fonds.

V. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(GESTION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES)

Réunie le mardi 21 mars 2000 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu une communication des rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale (mission de contrôle sur la gestion des exonérations de cotisations sociales).

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que MM. Jacques Machet, Alain Vasselle et lui-même avaient engagé, au début de l'année, plusieurs missions de contrôle, " sur pièces et sur place ", dans les organismes de protection sociale, en se fondant sur les prérogatives particulières et permanentes accordées, par la loi, aux rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Charles Descours a précisé que les rapporteurs avaient été amenés à privilégier, cette année, trois thèmes de contrôle : les difficultés de fonctionnement dans les caisses d'allocations familiales (CAF), la gestion des exonérations de cotisations sociales et, enfin, l'application de la couverture maladie universelle (CMU).

Il a indiqué qu'il n'évoquerait, ce jour, que la mission consacrée à la gestion des exonérations de cotisations sociales, M. Jacques Machet ayant déjà présenté, le 1 er mars, l'état d'avancement du contrôle sur les difficultés de fonctionnement dans les CAF. Après avoir précisé que la mission sur la gestion des exonérations n'était pas encore achevée, il a expliqué que les rapporteurs avaient cependant jugé utile de tenir informée la commission de l'état d'avancement de leurs travaux, en lui présentant un compte rendu de leurs déplacements sur pièces et sur place.

M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué que, dans le souci de préserver la nécessaire vision d'ensemble qui devait prévaloir dans cette procédure de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, les conclusions définitives des travaux des rapporteurs sur la gestion des exonérations de cotisations sociales pourraient être présentées à la commission le 24 mai prochain, parallèlement à la présentation des conclusions sur les missions consacrées aux difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales et à l'application de la CMU.

M. Charles Descours a indiqué qu'une mission sur les exonérations de cotisations était apparue nécessaire, à la suite de l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail. Il a rappelé que ces deux textes avaient d'abord mis en place un nouveau dispositif d'allégement de charges, conditionné à l'existence d'un accord de réduction du temps de travail au sein de l'entreprise, puis un nouveau mécanisme de financement de la compensation des exonérations de cotisations sociales.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que, contrairement à la mission sur les CAF, les rapporteurs n'avaient pas été alertés par des articles de presse. Il a indiqué que l'objectif était de procéder à un recensement des différentes exonérations de cotisations de sécurité sociale, d'appréhender les conditions exactes de leur gestion, tant par les organismes du recouvrement que par les entreprises, et d'analyser les conséquences du nouveau dispositif d'allégement de charges. Se bornant à constater que les études des économistes convergent pour reconnaître que le coût du travail en France, principalement non qualifié, est considéré comme un frein au développement de l'emploi, il a rappelé qu'il ne s'agissait pas de se prononcer sur la pertinence de tel ou tel dispositif.

M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué qu'il s'était rendu, le 15 février dernier, au siège de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), où il avait pu rencontrer M. Jean-Louis Buhl, entouré de son équipe de direction. Ce déplacement à l'ACOSS avait été précédé par l'envoi d'un questionnaire : les réponses écrites transmises avaient permis de compléter l'information des rapporteurs.

M. Charles Descours a ajouté qu'il avait auditionné des représentants de la direction de la sécurité sociale, tutelle de l'ACOSS et des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), de la direction du budget, qui rembourse à la sécurité sociale les exonérations de cotisations compensées, de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, qui est à l'origine d'une grande partie des mécanismes d'exonération, et de la direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques (DARES), qui élabore des études et des recherches statistiques sur le marché du travail, à partir de données notamment fournies par les URSSAF.

Il a précisé que les rapporteurs s'étaient rendus, le 8 mars dernier, à l'URSSAF d'Arras. Recouvrant 13 milliards de francs, cette URSSAF est de taille moyenne. Elle est toutefois en pointe dans deux domaines : l'informatisation de ses activités et le développement du partenariat avec le monde de l'entreprise. La direction de cette URSSAF considère, en effet, que l'accompagnement des entreprises est une tâche très importante, et que le développement des actions de prévention permet à la fois d'assurer un meilleur recouvrement et d'éviter des redressements pouvant avoir des conséquences dramatiques sur les entreprises. M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que les rapporteurs avaient pu également, à l'occasion de ce déplacement, rencontrer des chefs d'entreprise, des experts comptables et des responsables de la chambre de commerce et d'industrie d'Arras, afin de recueillir le point de vue des " usagers ".

M. Charles Descours a constaté que la délégation avait été partout bien reçue.

Il a précisé que les auditions le 15 mars dernier devant la commission de M. Bernard Caron, président de l'ACOSS, et M. Jean-Louis Buhl, directeur, ainsi que de Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, avaient conclu la première étape de cette mission.

M. Charles Descours a examiné tout d'abord les raisons du succès des exonérations de cotisations sociales depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il en a relevé trois principales.

Première raison, une exonération de cotisations de sécurité sociale est en elle-même " simple " à mettre en oeuvre, par rapport à d'autres mécanismes visant à alléger les charges fiscales et sociales sur les entreprises (primes, aides, exonération fiscale). Elle repose le plus souvent sur un mécanisme déclaratif : l'entreprise s'applique le mécanisme. Ainsi cette dernière évite-t-elle les délais d'attente pour être remboursée et n'a-t-elle pas à constituer de dossier auprès des différentes administrations.

Certains mécanismes d'exonération nécessitent cependant un agrément de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Les exonérations de la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, dite " loi Aubry I ", sont soumises, par exemple, à la signature d'une convention signée entre l'Etat et l'entreprise. En revanche, l'allégement de charges accordé dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 précitée, dite " loi Aubry II ", est accepté après le dépôt de l'accord sur la réduction du temps de travail auprès de la direction départementale, et l'envoi à l'URSSAF d'un formulaire spécifique.

Deuxième raison, une exonération de cotisations de sécurité sociale est un mécanisme universel : toute entreprise employant des salariés s'acquitte de cotisations de sécurité sociale, alors qu'il existe nombre d'entreprises payant peu ou pas du tout d'impôts.

Troisième raison, l'exonération de charges sociales a probablement été considérée comme un mécanisme échappant au contrôle de la Commission européenne sur les aides publiques à l'emploi. Cette argumentation n'est aujourd'hui plus valable : depuis l'annulation par la Commission du plan " textile ", une exonération de cotisations de sécurité sociale s'analyse selon les mêmes critères qu'une aide directe.

M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué que trente-six mécanismes d'exonération de cotisations étaient aujourd'hui dénombrés. Il a souligné que la poursuite d'objectifs différents expliquait la multiplication du nombre de dispositifs, que l'on peut regrouper en trois grandes catégories : les exonérations de charges sociales sur les bas salaires, poursuivant un objectif d'allégement du coût du travail, les exonérations de charges sociales ciblées sur des publics particuliers (handicapés, exclus, jeunes, ...), poursuivant un objectif d'insertion sociale, et les exonérations de charges sociales " localisées ", poursuivant un objectif d'aménagement du territoire (zones franches, zones rurales, zones urbaines, Corse, départements d'outre-mer, ...).

Il a constaté que très peu de mécanismes d'exonération avaient été supprimés depuis leur entrée en vigueur, la tendance étant à la superposition de strates successives.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que les techniques étaient elles-mêmes différentes. Une exonération peut ainsi s'appliquer à 100 % des cotisations patronales, comprenant ou non le versement transports et le versement au Fonds national d'aide au logement (FNAL), comme elle ne peut concerner que des cotisations spécifiques (exemple de l'exonération sur les seules cotisations d'allocations familiales). L'exonération peut être limitée par une réduction du taux ou un abattement forfaitaire. Enfin, l'exonération peut être permanente ou limitée dans le temps.

M. Charles Descours a considéré que chaque dispositif avait sa logique et sa technique propre. Il a estimé que l'on restait dans le domaine de " l'expérimentation permanente ", ce qui expliquait les modifications à répétition des textes d'application. Il a constaté qu'il n'existait pas d'unité de la conception des mécanismes d'exonération, même si la Délégation générale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle jouait un rôle important.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que les exonérations de cotisations représentaient un enjeu financier important pour la sécurité sociale : 95 milliards de francs, dont 80 milliards de francs faisant l'objet d'une compensation par le budget de l'Etat. Il a expliqué que les exonérations de cotisations restaient " invisibles " au regard de la loi de financement, celles-ci étant classées jusqu'en 2000 dans la catégorie " cotisations effectives " des prévisions de recettes votées par le Parlement.

Il a ajouté que la plus grande partie des dispositifs d'exonération recouvrait des enjeux financiers faibles, les cinq principaux dispositifs d'exonération représentant 80 % des masses financières. Il a précisé que, pour l'URSSAF d'Arras, cinq mesures concentraient, à elles seules, 97 % du montant des exonérations.

M. Charles Descours a considéré que la gestion des différents dispositifs d'exonération par la branche du recouvrement était une tâche lourde et difficile. Il a regretté que les gestionnaires ne soient que très peu associés à la conception des mécanismes d'exonération et que les études d'impact accompagnant les projets de loi -qui doivent normalement insister sur les modifications juridiques et organisationnelles entraînées par les dispositions proposées- restent très lacunaires.

Il a indiqué que la gestion de ces différents mécanismes par les URSSAF nécessitait de connaître parfaitement le droit en vigueur (législation, réglementation), particulièrement évolutif. Il a précisé que l'ACOSS actualisait, tous les trois mois, un classeur juridique permettant à chaque URSSAF de disposer d'une réglementation identique et à jour.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que M. Jean-Louis Buhl, en réponse à une question de M. Alain Vasselle, avait estimé " intuitivement " à un tiers le temps consacré aux exonérations dans le traitement des déclarations. Il a précisé qu'il était en effet impossible d'isoler précisément cette gestion à la fois dans le traitement et dans le contrôle.

Il a relevé que les régimes d'exonérations de cotisations constituaient l'un des principaux chefs de redressements opérés par les URSSAF et qu'ils représentaient ainsi 28 % des redressements effectués en 1998. Il a souligné que le contrôle tournait parfois au bénéfice du cotisant, l'entreprise n'ayant pas voulu -ou n'ayant pas su- profiter d'une mesure d'exonération à laquelle elle avait pourtant droit.

M. Charles Descours a insisté sur la charge pour les URSSAF que représentent la communication et l'information des entreprises : réalisation et envoi de dépliants, permanence téléphonique, etc. Il a expliqué que certaines URSSAF pouvaient hésiter à effectuer ce travail, au rebours de leur mission traditionnelle de recouvrement.

M. Charles Descours a évoqué le rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection des finances de mai 1998, pointant les insuffisances de la branche du recouvrement dans le domaine de la gestion des exonérations. Il a cité l'une des conclusions de ce rapport : " La gestion des exonérations n'est pas traitée comme une priorité, malgré ses enjeux financiers et son poids dans la politique de l'emploi. Ainsi, elle repose sur des systèmes et des contrôles automatisés souvent lacunaires et parfois contreproductifs. Dans les URSSAF, elle ne bénéficie pas d'une attention suffisante, notamment en termes de contrôle, de la part tant des directeurs que des agents comptables. A l'ACOSS, elle souffre du caractère trop empirique des contrôles de l'ordonnateur et trop superficiel de ceux du comptable. Ces faiblesses sont source d'incertitudes sur le montant de la dette de l'Etat au titre des exonérations ".

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que ce constat ne correspondait plus à la réalité. Il a précisé que la branche du recouvrement avait fait de la gestion des exonérations l'une de ses priorités, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS et des contrats d'objectifs signés entre l'ACOSS et chaque URSSAF. Il a indiqué que l'application informatique RACINE, opérationnelle depuis le 1 er janvier 1998, permettait désormais de comptabiliser -au niveau des URSSAF- les manques à gagner liés aux exonérations, mesure par mesure. Il a ajouté que l'ACOSS opérait une centralisation mensuelle, ce qui permettait de disposer d'un état régulier des dispositifs, et que l'Etat procédait à des versements d'acomptes mensuels pour les mesures supérieures à 1 milliard de francs.

Il a relevé que la gestion des exonérations n'était pas seulement une lourde charge pour les organismes chargés du recouvrement : les entreprises y sont bien sûr confrontées, de même que les administrations déconcentrées de l'Etat, lorsqu'une exonération est soumise à un agrément administratif.

Puis, M. Charles Descours, rapporteur, a présenté le nouveau dispositif d'allégement de charges lié aux trente-cinq heures.

La loi " Aubry I " comportait un dispositif d'allégement de charges incitatif, forfaitaire, et décroissant par année. Il s'agissait d'une aide incitative, assortie d'un engagement de créations d'emplois d'au moins 6 % pour l'aide offensive, ou d'un maintien d'emplois, dans le cadre d'une aide défensive.

La loi " Aubry II " a prévu un nouveau dispositif d'allégement de charges, permanent, comportant une aide forfaitaire de 4.000 francs par salarié et une aide variable, de 21.500 francs pour un salarié à 1 SMIC et s'annulant à 1,8 SMIC. Ce dispositif d'exonération est accordé aux entreprises passées, par accord collectif, à trente-cinq heures ou à 1.600 heures annuelles. Contrairement à ce qui a pu être dit lors des débats parlementaires, les objectifs de créations d'emplois ne sont pas contrôlés par les URSSAF.

L'URSSAF reçoit une déclaration de l'employeur, qu'elle peut contrôler formellement " a priori ". Elle se borne à vérifier que l'accord a été déposé à la direction départementale. L'URSSAF, qui n'a pas de compétence en matière de droit du travail, ne vérifie pas si l'entreprise est réellement passée aux trente-cinq heures.

M. Charles Descours, rapporteur, a expliqué que les URSSAF, grâce au formulaire rempli par l'entreprise, avaient les moyens de comptabiliser les engagements de création ou de maintien d'emplois et que ces informations étaient transmises aux autorités déconcentrées de l'Etat, ainsi qu'à la DARES. En revanche, il a rappelé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 janvier 2000, avait indiqué que " la détermination des emplois créés ou préservés du fait de la réduction de la durée du travail, ainsi que le contenu des dispositions conventionnelles obligatoires, relèvent ainsi exclusivement de l'accord conclu entre les partenaires sociaux ; ni l'autorité administrative, ni l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale n'exerceront de contrôle sur l'opportunité ou la portée des dispositifs conventionnels ". Il a ajouté que l'engagement de créations d'emplois pouvait être ainsi égal à zéro.

M. Charles Descours, rapporteur, a évoqué le contrôle du respect de l'engagement de créations d'emplois. Il a indiqué que la loi avait confié aux directions départementales, saisies par l'inspection du travail, le soin de s'assurer du " respect des engagements pris en matière de créations d'emplois ". La direction départementale peut, le cas échéant, décider de rédiger un rapport ou un avis adressé à l'URSSAF. C'est l'URSSAF qui suspendra l'allégement de charges sociales. Seule sa décision faisant grief, l'URSSAF peut être mise en cause juridiquement -il s'agit du contentieux classique de la sécurité sociale (commission de recours amiable, tribunal des affaires de sécurité sociale)- au titre d'une décision pour laquelle, en quelque sorte, elle avait compétence liée.

M. Charles Descours a précisé que l'ACOSS avait donné consigne aux URSSAF de suivre, dans tous les cas, les recommandations des administrations de l'Etat.

Il a confirmé que les URSSAF n'avaient pas les moyens de comptabiliser les créations d'emplois effectives. Il s'est demandé sur quels critères les directions départementales allaient se fonder pour demander la suspension de l'exonération de cotisations de sécurité sociale, leur avis pouvant mettre en jeu la survie des entreprises concernées. Il a considéré qu'il s'agissait d'une des questions en suspens de l'application des trente-cinq heures.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que la connaissance exacte de la création effective d'emplois apparaissait strictement impossible et qu'une évaluation serait donnée par le biais de " sondages " statistiques. Il a expliqué que la DARES comptait procéder à de telles évaluations, dans les mêmes conditions que pour la loi de Robien.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait souligné que les emplois créés par les trente-cinq heures pouvaient être comptés " un par un ", ce qui justifiait la contribution demandée à l'origine aux organismes de sécurité sociale. Il a cité le communiqué de presse du cabinet de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 10 mars 2000, mettant en parallèle l'indiscutable processus de créations d'emplois lié à la croissance et les effets de la réduction du temps de travail : " Sur l'année 1999, 375.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel, et 450.000 au total, grâce au dynamisme de la croissance, aux créations d'emplois-jeunes et à la vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (plus de 170.000 emplois prévus dans les accords) ". Il a estimé qu'une telle présentation des faits était fallacieuse.

Enfin, M. Charles Descours a présenté les grandes lignes du fonctionnement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Créé par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, ce fonds a pour mission de rembourser à l'ACOSS les exonérations de cotisations liées à la ristourne Juppé et à la nouvelle ristourne Aubry, soit 65 milliards de francs prévus en 2000 et 105 milliards de francs " à terme ". Financé par les droits sur les tabacs, les droits sur les alcools, la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe générale sur les activités polluantes et une contribution de l'Etat, ce fonds a vu l'une de ses recettes annulée par le Conseil constitutionnel : la taxe sur les heures supplémentaires.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé qu'aucune mesure nouvelle de financement n'avait pourtant été annoncée et que les services du ministère n'avaient pas procédé à une réévaluation des recettes et des dépenses du FOREC. Il a ajouté que Mme Martine Aubry s'était bornée à expliquer que les recettes seraient plus importantes que prévu. Il a estimé, pour sa part, que la montée en charge du dispositif avait été quelque peu surestimée, les entreprises attendant pour s'engager et préférant, pour le moment, payer des heures supplémentaires.

M. Charles Descours a rappelé que les recettes de ce fonds étaient réparties, dans les prévisions de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, entre plusieurs catégories :

- les recettes provenant des impôts et taxes apparaissent dans la catégorie " impôts et taxes " ;

- la contribution de l'Etat apparaît dans la catégorie " contributions publiques ".

Par ailleurs, les autres exonérations de cotisations demeurent dans la catégorie " cotisations effectives ".

En conclusion, M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que la complexité des mesures d'exonération représentait une lourde contrainte pour les entreprises et les organismes chargés du recouvrement et que cette complexité était probablement, dans certains cas, contreproductive.

M. Charles Descours a considéré que la simplification était ainsi nécessaire. Il a concédé qu'une telle simplification était certes difficile, mais il a considéré qu'il ne fallait pas se résoudre à l'accepter comme un phénomène inévitable.

Il a évoqué les orientations modestes présentées par les responsables de l'ACOSS : unification des techniques d'exonération, regroupement des mesures, examen préalable par les gestionnaires. Il a considéré qu'il appartenait au Parlement d'inciter les administrations de l'Etat à prendre conscience de cette complexité. Il a rappelé l'engagement pris par l'Etat, le 3 avril 1998, dans la convention d'objectifs et de gestion signée avec l'ACOSS sous la rubrique " des textes clairs et adaptés aux réalités vécues par les employeurs " : " l'élaboration des textes législatifs et réglementaires relatifs aux cotisations et contributions devra tendre à une rationalisation des règles d'assiette au sein du régime général et en liaison avec les autres régimes de protection sociale, à une simplification des mesures d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de l'emploi ". Il a estimé que l'Etat devait respecter ses engagements.

M. Jacques Machet, rapporteur, a insisté sur l'intérêt du déplacement des rapporteurs à l'URSSAF d'Arras. Il a souligné la convergence des premières conclusions de cette mission avec celle consacrée aux difficultés de fonctionnement des CAF : la simplification est nécessaire. Il a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un projet technique, mais d'un projet politique. Il a indiqué qu'au-delà du constat, il appartenait au Parlement de corriger la complexité législative.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que l'un des principaux enseignements de ces missions de contrôle était qu'il fallait procéder à davantage de déplacements sur le terrain, afin d'apprécier les effets de l'application des lois. Il a souligné le décalage entre les discours tenus par les personnes auditionnées à Paris et la réalité concrète.

M. André Jourdain a considéré qu'il était également important de se rendre sur le terrain avant le vote de la loi. Il a regretté le peu de temps disponible entre la présentation du projet de loi en Conseil des ministres et la discussion au Sénat.

M. Jean Delaneau, président, a considéré que s'il était loisible d'interroger les acteurs de terrain sur l'opportunité de telle ou telle mesure, il était difficile de leur demander d'anticiper les difficultés d'application de textes non encore définitifs.

M. Alain Gournac a approuvé les propos tenus par M. Alain Vasselle. Il a relevé qu'il était important de disposer d'approches différentes des propos tenus devant la commission à Paris. Donnant l'exemple de la caisse d'allocations familiales de son département, il a expliqué qu'il avait pu facilement se rendre compte que le principal dysfonctionnement des CAF était lié à un manque de formation des personnels au nouvel outil informatique Cristal. Il a concédé que le Parlement avait cédé à la tentation de l'inflation législative, mais que les administrations, par la rédaction de textes réglementaires et de circulaires édictant des " règles-parapluie ", étaient également en cause.

M. Jean Chérioux a évoqué les propos de M. Bernard Caron, président de l'ACOSS, visant à obliger le législateur à annuler une règle de droit avant d'en édicter une autre. Il a estimé qu'une telle démarche était tout à fait intéressante.

M. Jean Delaneau, président, a souligné l'importance d'un suivi attentif de l'application des lois ; il a estimé, à cet égard, qu'il serait utile de faire le point à mi-parcours sur les emplois-jeunes, sur les postes occupés, sur les formations reçues et sur les perspectives ouvertes aux intéressés au terme de leur contrat.

M. Philippe Nogrix a estimé que le problème des emplois-jeunes dans l'éducation nationale lui paraissait particulièrement crucial. Il a rappelé que les collectivités locales avaient également fait appel, à des degrés divers, aux emplois-jeunes.

Mme Nelly Olin a déclaré avoir fait appel, dans sa mairie de Garges-les-Gonesse, aux emplois-jeunes " de manière mesurée ", en n'en recrutant que 75, contre 500 à Sarcelles. Elle a indiqué que sa mairie avait été l'une des seules de France à rédiger une charte pour les emplois-jeunes. Elle a estimé que le problème de la formation était le plus important.

VI. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 24 mai 2000 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu la communication des rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale sur les conclusions de leurs missions de contrôle.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission avait déjà entendu deux rapports d'étape consacrés respectivement aux difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), et à la gestion des exonérations de cotisations sociales. Il a indiqué que les rapporteurs présenteraient, au cours de la présente réunion, les résultats de la mission sur la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) avant de compléter, en tant que de besoin, leurs conclusions sur les deux missions précédentes et de formuler leurs observations sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

M. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a tout d'abord évoqué la mission de contrôle consacrée à la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU). Il a indiqué que la montée en charge de la CMU était régulière, mais lente, dans les organismes de base, et qu'une grande déception se faisait jour dans les organismes mutualistes et chez les assureurs.

Il a rappelé que le débat sur le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle s'était organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes n'était véritablement démontré : 6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que, s'il était encore trop tôt pour évoquer sérieusement un bilan financier de la CMU, les chiffres fournis par les caisses comme par les organismes de protection complémentaire semblaient bien en deçà des estimations gouvernementales s'agissant du nombre de bénéficiaires de la CMU. L'entrée en vigueur de la loi instituant une couverture maladie universelle s'était d'abord traduite, au 1 er janvier 2000, par le basculement dans le régime CMU des 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide médicale des départements. Ce basculement s'était déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les départements et les caisses.

S'agissant des nouvelles demandes de CMU complémentaire, M. Charles Descours, rapporteur, a relevé que les chiffres fournis par les caisses et les organismes de protection complémentaire montraient que la montée en charge était très lente, et qu'elle n'avait concerné, presque exclusivement, que les organismes de base.

Il a fait observer qu'à la fin du mois d'avril, on était ainsi très loin des 3 millions de personnes qui devaient bénéficier du nouveau dispositif : au 21 avril 2000, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) avaient accordé le bénéfice de cette couverture à 308.761 demandeurs et 75.508 dossiers étant en instance. Ces chiffres, que ne venaient pas modifier sensiblement ceux qui provenaient de l'assurance maladie des indépendants et du régime agricole, montraient -si l'on considère qu'un dossier concerne en moyenne 2 personnes- que l'on comptait aujourd'hui environ 600.000 bénéficiaires de la CMU.

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé qu'il n'y avait donc pas eu, dans les premiers mois de l'entrée en vigueur de la CMU, de " ruée " vers ce nouveau dispositif, malgré l'ampleur des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs publics comme par les organismes de protection sociale, de base ou complémentaire.

Il a souligné que, si le nombre de nouveaux bénéficiaires de la CMU enregistrés dans les organismes de base pouvait être considéré comme faible, celui des bénéficiaires ayant fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire l'était encore plus... Ainsi, la Fédération française des sociétés d'assurance indiquait qu'elle assurait la gestion de 7.000 bénéficiaires de la CMU... Chez les organismes mutualistes, la Mutualité française revendiquait 80 à 100.000 personnes et la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles environ un millier.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que toutes les prévisions réalisées avant l'entrée en vigueur de la CMU par les organismes complémentaires avaient dû être revues à la baisse.

Il a également souligné que le " basculement " dans le régime CMU pour les 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide médicale n'avait pas toujours été synonyme d'amélioration de leur couverture médicale. Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique, les plus " sensibles " en ce qui concerne l'accès aux soins des personnes peu favorisées, certains départements offraient, au titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à celle que procurait la CMU.

Il a fait observer que " l'amélioration " de la couverture complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU allait s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement révocable. Aux termes de la loi, en effet, les bénéficiaires de l'aide médicale avaient été automatiquement basculés dans le régime CMU, sans que le niveau de leurs ressources soit encore contrôlé.

Rappelant que le contrôle des ressources devait être réalisé par les caisses avant le 30 juin 2000, M. Charles Descours, rapporteur, a expliqué que tous les responsables des caisses nationales rencontrés par les rapporteurs avaient considéré qu'ils ne parviendraient pas à effectuer cette tâche d'ici la fin du mois de juin, et plusieurs demeuraient circonspects quant à la possibilité d'y parvenir d'ici la fin du mois d'octobre.

Il a fait valoir que ce contrôle des ressources allait occasionner de mauvaises surprises aux personnes qui avaient été admises à l'aide médicale dans la vingtaine de départements dont les barèmes étaient plus favorables -voire beaucoup plus favorables- que celui de la CMU. Ces personnes perdraient, en effet, le bénéfice de l'aide médicale, et l'institution de la CMU se traduirait, pour elles, par un recul de leurs droits.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que les mesures réglementaires d'application de la loi avaient inutilement aggravé la complexité du dispositif, occasionnant ainsi erreurs, perte de temps et incompréhensions.

Il a expliqué que ce n'était pas un, mais deux nouveaux métiers, dont les agents des caisses de sécurité sociale avaient dû faire l'apprentissage pour mettre en oeuvre la CMU : en effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ", ni les ressources prises en compte n'étaient identiques pour la CMU de base et la CMU complémentaire. La très grande complexité des règles avec lesquelles devaient, au quotidien, " jongler " les agents des caisses et qui n'avaient pas toujours de fondement logique était source de beaucoup de perte de temps et d'erreurs.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que l'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls salariés, empêchait toute automatisation des procédures de contrôle des ressources, toute référence aux déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration avec les services des administrations fiscales et sociales, toute réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance maladie. Elle obligeait les agents des caisses à un long travail manuel de reconstitution des ressources, qui serait malheureusement à recommencer chaque année sur les mêmes bases et selon les mêmes méthodes.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que les formulaires étaient impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et parfois erronés ou incomplets et qu'il avait l'intention de publier, dans son rapport écrit, un certain nombre de lettres et documents récoltés à l'occasion de la mission de contrôle qui en témoignaient.

Outre ces dysfonctionnements, il a également tenu à rappeler que la mise en oeuvre de la CMU avait contribué à d'importants retards dans le traitement des feuilles de soins. Devant affronter, malgré le faible nombre de " nouveaux " bénéficiaires de la CMU, une augmentation de la fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées supérieures au plafond, les agents des caisses avaient accompli un travail remarquable et fait preuve de beaucoup de patience.

M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué que 10 millions de feuilles de soins étaient toutefois en souffrance fin janvier dans les CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le courant du seul mois de janvier. Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli en moyenne, chaque semaine, 105.737 personnes venant demander des renseignements ou déposer des dossiers. Les retards importants dans le traitement des dossiers qui avaient résulté de cet accroissement significatif d'activité avaient nécessité des mesures urgentes. Ainsi, la CPAM de Paris avait décidé de fermer ses guichets et de ne plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4, 11 et 18 mai. De même, de nouveaux personnels avaient dû être recrutés : 1.400 embauches en octobre, puis 600 emplois supplémentaires en février -dont 500 emplois-jeunes- et 2.000 mois de CDD.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que les conditions d'application de la CMU avaient également aggravé son caractère " non partenarial ". Il a rappelé que le Sénat avait dénoncé, lors de la discussion du projet de loi, le caractère très insuffisamment partenarial du projet gouvernemental, tant en ce qui concernait la définition du panier de soins qu'au regard des modalités pratiques d'exercice du droit à la CMU.

Il a jugé que cette critique se révélait plus que confirmée dans la mise en oeuvre de la loi : non seulement le contenu du panier de soins avait été insuffisamment négocié, mais, dans sa mise en oeuvre, la CMU s'était éloignée encore un peu plus d'un scénario partenarial.

Evoquant le contenu du " panier de soins ", M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que les conditions de préparation des textes réglementaires n'avaient permis aucun accord véritable, compromettant ainsi l'applicabilité des textes et l'adhésion des professionnels à la réforme : alors que la loi était promulguée depuis la fin du mois de juillet, les négociations n'avaient pu débuter qu'à la fin du mois d'octobre.

Il a jugé que le caractère non négocié des dispositions réglementaires concernant le panier de soins se lisait également dans la définition des actes pris en charge au titre de la CMU. Ainsi, selon un chirurgien-dentiste rencontré par les rapporteurs, la liste des actes remboursables comportait des actes qui ne sont plus pratiqués depuis des dizaines d'années, comme les " couronnes ajustées " ou " façonnées ", ou les " dents à tube "...

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que, si la majorité des professionnels concernés par les tarifs ministériels avait une clientèle variée et ne subirait pas de préjudice économique grave du fait de l'institution de la CMU, il n'en était pas de même de tous ceux qui exerçaient dans des quartiers, villes ou villages défavorisés et dont une proportion importante de la clientèle bénéficierait des " tarifs CMU ", des " prothèses CMU " et des " lunettes CMU ", vendues bien évidemment avec des taux de marge très faible. Il en serait évidemment de même pour beaucoup de centres de santé.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que le caractère " non partenarial " de la mise en oeuvre de la CMU résultait aussi des nombreuses " mauvaises manières " faites aux organismes de protection complémentaire.

Il a rappelé que les 3,1 millions d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale, qui avaient été " basculés " automatiquement, au 1 er janvier 2000, dans le régime CMU, n'avaient, à aucun moment, eu le choix de l'organisme gestionnaire de leur protection complémentaire. Il a ajouté que des mutuelles, qui l'auraient pourtant souhaité, avaient beaucoup tardé à être inscrites sur les listes préfectorales, et que le ministère leur avait longtemps refusé de disposer des imprimés administratifs de demande de CMU.

M. Charles Descours, rapporteur, a ajouté que l'absence de procédure nationale de tiers payant coordonné dégradait considérablement les conditions d'un véritable partenariat entre organismes de base et organismes complémentaires. A ce jour en effet -soit près de six mois après l'entrée en vigueur de la CMU-, les deux arrêtés devant définir les modalités pratiques des deux procédures de tiers payant n'étaient toujours pas publiés. Certains responsables de caisses d'assurance maladie rencontrés par les rapporteurs en tiraient de bonne foi argument pour indiquer aux bénéficiaires de la CMU qu'ils n'avaient, pour l'instant, pas intérêt à confier la gestion de leur couverture complémentaire à une mutuelle ou une assurance...

M. Charles Descours, rapporteur, a conclu qu'il résultait de l'ensemble de ces éléments beaucoup d'incertitudes et de tracasseries inutiles pour les bénéficiaires -en moindre nombre que ce qui était prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi pour les professionnels de santé libéraux, pour les établissements de santé et pour les centres de santé. Il en résultait aussi, pour les organismes de protection complémentaire, une déception à la mesure de leur degré d'implication dans la réussite de cette réforme.

M. Charles Descours, rapporteur, a formulé le souhait que les observations résultant de ce travail de contrôle soient prises en compte par le Gouvernement, dans l'intérêt de tous.

M. Jean Delaneau, président , a observé que les critiques adressées par le rapporteur aux conditions de mise en oeuvre de la CMU étaient dans le prolongement logique de celles qui avaient été formulées par le Sénat lors de la discussion du projet de loi instituant une couverture maladie universelle .

M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse,
a évoqué la situation des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse qui, à ce titre, étaient éligibles à l'aide médicale dans de nombreux départements, comme celui de l'Oise. Il a rappelé que ces personnes bénéficiaient automatiquement de la CMU au cours des premiers mois de cette année, mais qu'elles en seraient exclues dès que serait effectué le contrôle des ressources prévu par la loi. Il a critiqué l'invitation faite aux départements par la ministre de l'emploi et de la solidarité à prendre le relais, sans compensation financière, rappelant que les départements qui avaient été les plus " généreux " en matière d'aide médicale avaient déjà été pénalisés une première fois en devant contribuer plus que les autres au financement de la CMU .

M. François Autain
, constatant que le rapporteur avait principalement évoqué les réactions des professionnels de santé, des agents des caisses de sécurité sociale et des organismes de protection complémentaire, a rappelé que la CMU avait été mise en place pour améliorer la couverture médicale de ses bénéficiaires, et a indiqué qu'il souhaiterait connaître leur appréciation sur le dispositif mis en place.

M. Jean Chérioux a rappelé que le panier de soins remboursables au titre de la CMU était beaucoup moins favorable que celui qui avait été garanti aux titulaires de la carte Paris Santé. Il a considéré que, si les décrets d'application étaient complexes, la loi l'était parfois aussi. Il a interrogé le rapporteur sur les possibilités d'échanges d'informations entre les caisses d'allocations familiales et les caisses primaires d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction des dossiers de demande de CMU.

M. Claude Huriet a demandé au rapporteur s'il avait eu des contacts avec les associations impliquées dans la lutte contre l'exclusion, où en était la procédure engagée au niveau européen par la Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles à l'encontre de la CMU, et si les retards constatés dans le traitement des feuilles de soins par les caisses primaires étaient susceptibles d'avoir eu une influence sur les comptes de l'assurance maladie.

M. Alain Gournac a considéré que, telle qu'elle avait été instituée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU constituait une véritable " usine à gaz ". Il s'est insurgé contre la complexité des formulaires de demande de CMU que devaient remplir des personnes en difficulté. Il a estimé qu'il était de la responsabilité des parlementaires d'alerter le Gouvernement sur les dysfonctionnements constatés dans la mise en oeuvre des lois.

M. Michel Esneu a fait siens les propos de M. Jean Chérioux et a indiqué que les conseils généraux étaient actuellement très préoccupés de la situation des ex-bénéficiaires de l'aide médicale qui seraient prochainement radiés de la CMU parce que leurs ressources dépassaient le plafond qui avait été fixé par décret. Il a estimé que l'immigration clandestine était de moins en moins bien maîtrisée et que ce phénomène aurait sans nul doute des conséquences sur le nombre de demandeurs de la CMU.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur l'amélioration de la couverture médicale en France du fait de l'institution de la CMU et sur le degré de satisfaction de ses bénéficiaires. Il a demandé au rapporteur pourquoi les 3,1 millions d'ex-bénéficaires de l'aide médicale n'avaient pas été consultés sur le choix d'un organisme de protection complémentaire, et si la situation des locataires était différente de celle des propriétaires au regard du droit à la CMU .

M. Jean-Louis Lorrain
a indiqué qu'il aurait été bon d'auditionner l'Association des départements de France. Il a évoqué l'immigration clandestine et la situation en Guyane, et a estimé qu'il serait judicieux que le Parlement se dote d'un Observatoire permanent de la protection sociale.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé qu'il était un peu tôt, compte tenu de la lente montée en charge de la CMU, pour enquêter sérieusement sur le degré de satisfaction des bénéficiaires, et qu'il conviendrait, dans les prochains mois, de rencontrer tant les associations que l'Association des départements de France pour évoquer cette question. Il a toutefois estimé que les prochaines radiations d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale susciteraient beaucoup d'incompréhensions. Il a rappelé que l'automatisation des échanges d'informations avec les caisses d'allocations familiales était difficile compte tenu de la règle des " douze mois glissants ". Il a indiqué que le retard de traitement des feuilles de soins correspondait à six jours de stock, et que le recours de la Fédération interprofessionnelle des mutuelles n'avait pas encore été jugé. Il a affirmé que la question de l'immigration avait été évoquée à l'initiative des responsables de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris à l'occasion de la visite d'un centre dans le 20 e arrondissement. Il a indiqué que les avantages liés au logement étaient pris en compte pour les occupants à titre gratuit ou pour les propriétaires de leur appartement. Il a rappelé que ce n'est qu'après l'opération de contrôle de leurs ressources que les ex-bénéficiaires de l'aide médicale se verraient proposer de confier la gestion de leur couverture complémentaire à une mutuelle ou une société d'assurances.

M. Jacques Machet, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour la famille, a rappelé qu'il avait déjà présenté, le 1 er mars 2000, un bilan d'étape de la mission de contrôle consacrée aux difficultés des caisses d'allocations familiales. Il a indiqué que les rapporteurs avaient, depuis cette date, auditionné la présidente et le directeur de la CAF de Grenoble et obtenu communication du rapport définitif de l'Inspection générale des affaires sociales. Il a souligné que les conclusions auxquelles étaient parvenus les rapporteurs au terme de cette mission de contrôle s'inscrivaient dans la droite ligne des analyses formulées le 1 er mars dernier.

M. Jacques Machet, rapporteur, a fait valoir que les caisses d'allocations familiales avaient rencontré de sérieuses difficultés de fonctionnement au cours de l'année 1999. Ces difficultés, qui avaient touché particulièrement la région parisienne, avaient conduit à une nette dégradation du service rendu au public et traduisaient, plus généralement, une incapacité de la branche famille à respecter les engagements de qualité prévus par la convention d'objectifs et de gestion.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que les plans d'action successifs engagés par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et les CAF avaient porté leurs fruits et que la situation s'était nettement améliorée au cours des derniers mois. Les caisses de la région parisienne avaient notamment réussi à diminuer leur stock de dossiers en retard et avaient amélioré les délais d'attente à l'accueil.

Soulignant que cette amélioration restait toutefois fragile, M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé qu'il conviendrait donc d'attendre l'été prochain -et les tensions que générait habituellement cette période de l'année- pour mesurer si les difficultés étaient définitivement résorbées.

Il a considéré que les origines de ces dysfonctionnements étaient multiples : les difficultés tenaient à la conjonction d'un facteur conjoncturel que l'on pouvait espérer transitoire -la mise en place d'un nouveau système informatique en Ile-de-France-, et d'un élément structurel plus préoccupant : l'application d'un droit excessivement complexe à des publics de plus en plus fragilisés.

Il a constaté que la branche famille était aujourd'hui au coeur de la lutte contre l'exclusion et que les missions qu'elle exerçait, à titre gratuit, pour le compte de l'Etat (gestion du revenu minimum d'insertion, de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)) s'avéraient particulièrement lourdes et s'effectuaient souvent au détriment de la mission première de la branche, qui était d'aider et de soutenir les familles.

M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que la décision du Gouvernement d'autoriser la création de 900 postes dans les CAF apparaissait comme un choix éminemment politique, qui résultait plus d'un souci d'apaisement que d'une réelle volonté de renforcer les moyens dont disposait la branche : une part -non définie- de ces emplois constituait en effet un acompte sur les créations d'emplois nécessaires pour compenser la réduction du temps de travail.

Il a fait observer qu'en demandant la création de 1.100 emplois, la branche famille avait, à l'évidence, choisi une solution de facilité qui lui permettait de faire l'économie d'une réflexion sur ses modes de fonctionnement et de rassembler ses personnels autour d'une idée simple et toujours porteuse. La création de ces nouveaux emplois constituait également une solution de facilité pour le Gouvernement qui pouvait ainsi donner satisfaction à la branche tout en refusant de se prononcer sur le bien-fondé de cette demande et en conservant en réalité toute latitude sur les créations nettes d'emplois.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré que la création de ces nouveaux emplois pouvait certes apporter une bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en difficultés. Il a estimé qu'il était cependant douteux que cette solution de facilité permette de faire l'économie d'une simplification du droit et de réels efforts de réorganisation interne.

Il a estimé que cette entreprise de simplification du droit n'était pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet politique et il a formulé le souhait que la prochaine conférence de la famille, qui devait se réunir le 15 juin 2000, soit l'occasion, pour le Gouvernement, d'annoncer des décisions fortes et effectives en ce domaine.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que la négociation sur l'application de la réduction du temps de travail dans la branche famille fournissait une occasion unique de repenser les modalités de l'organisation du travail dans les CAF, d'introduire davantage de souplesse et de flexibilité, et d'améliorer ainsi l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager.

Il a fait valoir que la branche famille semblait avoir pris conscience de cette nécessité, puisqu'elle avait présenté, en mars 2000, un plan d'action dont l'un des axes visait précisément à " agir sur l'organisation, les processus et la relation de service ". Il a souhaité que ce plan d'action ambitieux ne reste pas à l'état de voeu pieux et que les chantiers qui avaient été ainsi ouverts soient menés à bien.

M. Louis Souvet a souligné la charge que représentait pour les CAF la gestion, pour le compte de l'Etat, d'un certain nombre de prestations, dont le revenu minimum d'insertion.

M. Philippe Nogrix a fait observer que les difficultés que rencontraient certaines caisses d'allocations familiales avaient conduit ces organismes à affecter au traitement des dossiers des personnels habituellement en charge de l'action sociale.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que l'Etat devrait rembourser à la branche famille le coût de gestion des prestations que celle-ci versait pour son compte. Il a indiqué que les rapporteurs avaient pu effectivement constater, lors de leurs déplacements sur le terrain, le phénomène évoqué par M. Philippe Nogrix.

Evoquant la mission sur les exonérations de cotisations de sécurité sociale, M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé les principales observations qu'il avait formulées le 21 mars dernier. Il a souligné la complexité des dispositifs d'exonération (36 mécanismes différents, 150 textes d'application) et la lourdeur de leur gestion tant pour les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) que pour les entreprises ; il a conclu à une nécessaire simplification.

Soulignant que les trois missions de contrôle, dont les résultats avaient été présentés à la commission, s'inscrivaient dans un contexte, celui de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, M. Charles Descours, rapporteur, a indiqué le souhait des rapporteurs de formuler, dans ce cadre, trois observations.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est fait tout d'abord l'écho de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier et au cours de laquelle le Gouvernement a présenté les comptes du régime général pour 1999 et les nouvelles prévisions pour 2000. Se réjouissant que les comptes sociaux soient revenus à l'équilibre, il a toutefois souligné que ce résultat était atteint au prix d'un alourdissement massif, au cours des dernières années, des prélèvements sociaux, amplifié aujourd'hui par une conjoncture exceptionnellement favorable.

Il a observé, en revanche, que le Gouvernement entérinait d'ores et déjà un nouveau dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) venant après les graves dérives observées en 1998-1999, de sorte que le Parlement assiste à l'affectation de recettes supplémentaires à des dépenses supplémentaires.

Il a constaté que la branche famille du régime général était largement à l'origine de l'excédent prévisionnel global affiché par le régime général tandis que la branche maladie restait déficitaire.

Au total, il a considéré qu'en dépit des apparences, les résultats obtenus en 1999-2000 n'étaient pas satisfaisants, car tout retournement, voire tout ralentissement de conjoncture, ferait basculer les comptes sociaux à nouveau dans le déficit en l'absence d'une véritable réflexion sur l'efficacité des dépenses.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite déploré l'absence de collectif social.

Il a rappelé que le Président de la République, en promulguant la loi relative aux trente-cinq heures le 13 janvier 2000, amputée de la taxation des heures supplémentaires annulée par le Conseil constitutionnel, avait souligné que le respect des prérogatives du Parlement devait conduire le Gouvernement à présenter un projet de loi de financement rectificative modifiant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de tenir compte de la disparition de 7 milliards de francs de recettes.

Il a souligné que le ministère de l'emploi et de la solidarité avait réagi par un communiqué passablement polémique et inutilement discourtois, considérant que les lois de financement ne comportant pas d'article d'équilibre, le Gouvernement n'allait pas réunir le Parlement " à la première grippe ".

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que cette conception des lois de financement de la sécurité sociale apparaissait très réductrice : en premier lieu, il était incongru d'assimiler une décision du Conseil constitutionnel à une " première grippe " ; en second lieu, il était inexact d'évacuer toute notion d'équilibre des lois de financement puisque la Constitution les définissait ainsi : " les lois de financement déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ".

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que, fort de cette interprétation a minima de la réforme constitutionnelle de 1996, le Gouvernement avait entrepris -il n'y a que le premier pas qui coûte- de modifier de son propre chef les objectifs de dépenses votés par le Parlement. Certes, ces objectifs de dépenses pouvaient ne pas être atteints en raison de la conjoncture, du comportement des assurés ou des prescripteurs, voire des épidémies de grippe. Quand bien même l'objectif de dépenses serait dépassé, les remboursements par l'assurance maladie par exemple n'en cesseraient pas pour autant. Mais, dans le cas présent, il s'agissait de décisions du Gouvernement annonçant en mars dernier " une nouvelle étape hospitalière " et modifiant, ce faisant, l'objectif de dépenses de la branche maladie de près de 2 milliards de francs et l'ONDAM de plus de 1 milliard de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré, par conséquent, que seule une loi de financement rectificative était à même de modifier, de façon volontariste, les objectifs figurant dans une loi de financement initiale : seul le Parlement pouvait revenir sur ce qu'il avait voté.

Il a jugé grave la démarche du Gouvernement car il ne subsistait plus rien de la loi de financement si, à la fois, son équilibre pouvait être bouleversé et si les objectifs de dépenses pouvaient être modifiés par voie réglementaire.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite évoqué les inquiétudes des rapporteurs quant à l'avenir de la branche famille.

Il a rappelé que, lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999, le Premier ministre avait annoncé la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et le transfert progressif de sa prise en charge du budget de l'Etat vers la branche famille. Parallèlement, l'Etat devait reprendre à sa charge le financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille (FASTIF). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 avait ainsi inscrit dans les dépenses de la branche famille une partie de la majoration de l'ARS à hauteur de 2,5 milliards de francs. L'Etat s'engageait pour sa part à financer le solde, soit 4,5 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que cette somme aurait dû, en toute logique, figurer dans le projet de loi de finances pour 2000. Il a constaté qu'il n'en avait rien été et qu'il n'avait pas davantage été fait mention de la somme -près de 1 milliard de francs- correspondant au remboursement par l'Etat à la branche famille des dépenses relatives au FASTIF, conformément à l'annonce du Premier ministre.

Il a souligné que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, interrogée par la commission sur ce point, avait indiqué que le financement de ces deux mesures figurerait dans le collectif budgétaire de 2000.

M. Charles Descours, rapporteur, a fait observer que le projet de loi de finances rectificative, qui venait d'être adopté par l'Assemblée nationale, restait cependant totalement silencieux sur ces deux points.

Il en a conclu qu'il n'y avait dès lors que deux hypothèses : ou ce collectif budgétaire n'était pas sincère, puisqu'il n'intégrait pas deux dépenses pourtant certaines, ou il traduisait le renoncement aux engagements pris par le Premier ministre et une atteinte d'une exceptionnelle gravité à l'équilibre financier de la branche famille.

Dans le premier cas, outre l'insincérité budgétaire, le Gouvernement faisait supporter une charge de trésorerie considérable à la branche famille, puisque celle-ci versait l'ARS aux familles au mois de septembre 2000 et qu'elle ne serait remboursée par l'Etat que début 2001, après la promulgation du collectif de fin d'année.

M. Charles Descours, rapporteur, a expliqué que, dans le second cas, la non-inscription des dépenses liées à la majoration de l'ARS et au FASTIF dans le collectif de printemps pouvait être le signe d'un refus, par le Gouvernement, de respecter les engagements pris et les mesures annoncées par le Premier ministre. Si le Gouvernement revenait sur ses engagements, la branche famille verrait, dès 2000, ses dépenses au titre de l'ARS augmenter de 7 milliards de francs par an. Elle ne bénéficierait même plus de la très modeste compensation qu'aurait pu constituer la prise en charge du FASTIF par le budget de l'Etat.

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que la débudgétisation deviendrait alors totale : l'Etat se serait ainsi déchargé sur la branche famille d'une dépense annuelle et récurrente de 7 milliards de francs qu'il assumait jusqu'alors et qu'il avait lui-même créée. Une telle décision ne ferait qu'accroître les charges de la branche famille : elle n'apporterait rien de plus aux familles pour qui l'ARS était déjà, de facto, pérennisée au niveau de 1.600 francs depuis 1997.

M. François Autain a souhaité connaître l'impact sur les comptes de la branche maladie de la " nouvelle étape hospitalière " annoncée par le Gouvernement.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que cette " nouvelle étape " était financée environ pour moitié par le budget de l'Etat et pour l'autre moitié par l'assurance maladie. Si le Gouvernement avait bien inscrit les crédits nécessaires dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, actuellement en instance d'examen au Sénat, il avait modifié, de son propre chef, les objectifs de dépenses de la loi de financement pour ce qui concerne les dépenses à la charge de l'assurance maladie.

M. Jean Delaneau , président , a constaté que ces dernières dépenses manquaient, en quelque sorte, de base légale.

La commission a approuvé les conclusions des rapporteurs et a décidé de les présenter sous la forme d'un rapport d'information.


1 MM. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, Jacques Machet, rapporteur pour la famille et Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

2 Cf. deuxième partie.

3 Rapport CCSS, mai 2000, p. 55.

4 Cf. dossier de presse de la CCSS de mai 2000, " Comment le régime général est-il revenu à l'équilibre ? ".

5 Il convient de préciser, une fois de plus, que le Parlement n'adopte pas les comptes du régime général, mais fixe des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses pouvant faire évoluer les comptes du régime général présentés en annexe du projet de loi. Pour ces raisons, la Direction de la sécurité sociale recalcule, en début d'année, le " compte loi de financement " du régime général.

6 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2000, p. 9.

7 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2000, p. 162 et suivantes.

8 Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.

9 Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République - réception des conseils économiques et sociaux régionaux - Palais de l'Elysée - mercredi 19 janvier 2000 - ce sont vos rapporteurs qui soulignent.

10 Pour reprendre les termes de la dépêche AFP du 20 janvier 2000.

11 Communiqué à la presse du " Ministère " de l'emploi et de la solidarité - Jeudi 20 janvier 2000.

12 Réponse à M. Charles Descours, Sénat, Séance du 20 janvier 2000 (JO débats Sénat page 193).

13 La commission doit se réunir à l'initiative de son président - Le ministre chargé de la sécurité sociale - entre le 15 avril et le 15 juin (art. D. 114-3 du code de la sécurité sociale).

14 Article 62 de la Constitution.

15 Cf. communiqué de presse du " ministère " ci-dessus.

16 Décision 91-298 DC du 24 juillet 1991

17 On rappellera que la session unique a précisément pour but d'épargner au Gouvernement le souci de " réunir le Parlement ".

18 Cf. Communiqué de presse ci-dessus.

19 Questionnaire adressé le 21 mars 2000 par M. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale (équilibres généraux et assurance maladie) en application de l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.

20 Page 89.

21 NB - ne sont pas publiés dans le présent rapport la question n° 6 et sa réponse concernant des précisions techniques sur la part des administrations de sécurité sociale dans le compte provisoire des administrations publiques établi par la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances.

22 Cf. M. Claude Bartolone (Sénat, 20 janvier 2000 - JO Débats p. 194) " Actuellement, il y a une épidémie de grippe qui perturbera les finances de la sécurité sociale ".

23 Communiqué de presse du 14 mars 2000.

24 J.O. Lois et Décrets, n°  303 du 31 Décembre 1999, pages 20005-20006.

25 Qui correspond au nombre de jours nécessaires pour résorber l'ensemble du stock de courrier.

26 Inspection générale des Affaires sociales, Rapport sur l'adéquation entre les charges et les moyens des CAF - Rapport définitif - présenté par Mmes Amson, Mousseau et M. Yahiel, n° 2000045, avril 2000, p. 40.

27 Ibid. p. 5.

28 L'évolution des missions de la branche famille, dans
Droit social, ,n° 12, décembre 1999, p. 1072.

29 Ibid., p. 6.

30 Ibid. p. 40.

31 25 milliards de francs en 2000, 65 milliards de francs à terme.

32 Le Gouvernement renonçant aux " prélèvements de droit divin " à la veille de l'ouverture à l'Assemblée nationale du débat en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

33 L'exonération s'attachant au contrat d'apprentissage est très large, cf. plus loin.

34 Rapport d'information n° 133, 1998-1999.

35 Jusqu'en 1999, les exonérations de cotisations étaient partagées entre budget des charges communes et budget de l'emploi.

36 Mme Martine Aubry expliquant que lorsqu'elle est arrivée au ministère, elle a dû " trouver " sept milliards de francs...cf. J.O. Débats Sénat du 3 novembre 1999 : " dès la première année d'application de la ristourne dégressive, en 1997, il manquait sept milliards de francs ".

37 Cf. compte rendu de l'audition de MM. Bernard Caron et Jean-Louis Buhl.

38 Cf. compte-rendu de l'audition de Mme Catherine Barbaroux.

39 La DARES reçoit chaque mois de l'ACOSS une série de tableaux fournissant, pour chaque dispositif donnant lieu à exonération, le nombre d'établissements concernés, les effectifs exonérés, et le montant total des exonérations correspondantes.

40 Cf. rapport 1999 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, p. 48.

41 L'ACOSS a donné consigne aux URSSAF de suivre les recommandations des administrations de l'Etat.

42 Cf. travaux de la commission.

43 Enquête sur l'activité et les conditions d'emploi de la main d'oeuvre.

44 En dehors des 40 milliards de francs de la ristourne Juppé.

45 Source : Rapport AN, op. cit.

46 Communiqué de presse du 20 janvier (voir première partie).

47 Rapport AN, n° 2387, p. 51.

48 Rapport IGF-IGAS, op. cit.

49 Comme le montrent l'exemple de l'exonération premier salarié et de l'exonération dont bénéficient les associations d'aide à domicile, mesures modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, mais qui restent non compensées.

50 Cf. les études d'impact sur les projets de loi 35 heures citées supra.



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