L'Europe de la démocratie et de la jeunesse

Pierre MAUROY
Ancien Premier Ministre, Sénateur, Président de la Fondation Jean Jaurès

Je suis très heureux d'être associé à cette manifestation qui marque le cinquantième anniversaire du Conseil de l'Europe et je vous remercie très vivement d'avoir convié la fondation Jean Jaurès à partager votre réflexion. Je félicite Madame Josette Durrieu et ses collègues qui ont pris l'initiative de cette manifestation.

Les témoignages que nous avons entendus étaient très importants. Je n'ai moi-même pas participé directement au Conseil de l'Europe. Mais je vais néanmoins vous faire part de mon point de vue sur son rôle dans le monde de demain.

Le Conseil de l'Europe occupera-t-il à l'avenir une place aussi importante que celle qu'il a eue jusqu'à présent ? Je crois que oui. Il a joué un rôle essentiel dans la construction européenne, moins connu peut-être que celui de l'Union européenne, qui a construit un espace économique et politique intégré, mais crucial pour la promotion de la démocratie et de l'Etat de droit. Il a eu un rôle de précurseur et ce rôle reste essentiel pour rapprocher des pays de cultures et de traditions différentes. Il permet de développer une conscience européenne.

Le marché n'est pas le seul élément qui compte. Le plus important pour l'Europe est peut-être de sauvegarder ses valeurs de démocratie, de liberté, de respect de la personne humaine. C'est d'autant plus nécessaire que bien des pays européens connaissent aujourd'hui une résurgence des forces nationalistes et xénophobes. Ceci est vrai dans les démocraties des pays de l'Est où après près d'un demi-siècle d'oppression, les peuples tentent de retrouver leur identité nationale et, parfois, basculent dans les travers les plus négatifs de l'affirmation nationaliste. Mais ceci est également vrai dans les pays de l'Europe de l'Ouest, qui ont pourtant une forte tradition démocratique. Les résultats électoraux des Le Pen, Haider et bien d'autres nous interpellent, nous démocrates, ainsi que tous ceux qui veulent construire une Europe nouvelle, forte, démocratique et respectueuse des droits de l'homme.

La conscience européenne que nous voulons bâtir est à l'opposé de ces nationalismes et nous devons tout mettre en oeuvre pour les combattre. Je pense que nous devons le faire avec le Conseil de l'Europe. Le racisme, la haine de l'autre, la violence ne doivent plus avoir leur place dans les sociétés européennes. Il est de notre devoir à tous de leur mener une lutte sans merci. Des initiatives sont prises dans ce sens par les associations et les pouvoirs publics : il faut les encourager. C'est ce qu'a fait le Conseil de l'Europe à travers sa campagne contre le racisme et la xénophobie, l'antisémitisme, l'intolérance, « Tous différents, tous égaux ». Je crois qu'il faut l'en féliciter. Le Conseil de l'Europe a également une politique très active envers les jeunes générations. Grâce aux deux centres européens de la jeunesse situés à Strasbourg et à Budapest et au Fonds européen de la jeunesse, le Conseil de l'Europe peut aider les jeunes de toute l'Europe à apprendre à se connaître, à travailler et à vivre ensemble afin de faire tomber les barrières culturelles et de développer la conscience européenne. Les activités internationales pour la jeunesse cherchent toutes à promouvoir la citoyenneté, la mobilité, la démocratie et le pluralisme culturel.

Il y a quelques années a été institué un Office de la jeunesse entre la France et l'Allemagne. Il a été doté de moyens importants. J'ai siégé au premier Conseil d'administration de cet organisme et j'ai participé aux échanges qu'il a suscités. Ils ont eu une importance primordiale. Ils ont sans doute contribué à l'amitié actuelle entre la France et l'Allemagne et à la construction de l'Europe. Je crois qu'un effort particulier pour la jeunesse européenne permettrait de bâtir, dans des conditions encore meilleures, l'Europe que nous souhaitons. Il y a là un investissement à faire.

Personne ne peut changer la géographie ou le cours de l'histoire. L'Europe s'élargira donc. Cela posera sans doute des problèmes politiques et cela posera également la question de la sauvegarde de nos valeurs. En effet, nous ne voulons pas seulement une Europe économique ou politique : nous voulons une Europe qui reste dans la meilleure tradition européenne, celle de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme. Voilà pourquoi je salue l'action du Conseil de l'Europe qui a contribué à la réconciliation du continent et à l'émergence d'une conscience européenne. C'est grâce à votre travail que nous pourrons aborder en toute sérénité l'élargissement de l'Union européenne. Le rapprochement économique est bien sûr nécessaire, mais la grande Europe que nous voulons n'est possible que si les peuples partagent les mêmes objectifs communs de démocratie et de paix. Le Conseil de l'Europe peut apporter une contribution décisive dans ce sens.

Mme Josette DURRIEU :

Je vous remercie. Il a été dit que le plus grand péril qui menace l'Europe est la lassitude. Mais la jeunesse est là. L'an dernier, le Conseil de l'Europe des jeunes, organisé à l'initiative de la délégation française, a été un grand succès. Il a été présidé par Michel Miaskiewicz, qui a déclaré : " l'Europe, moi, j'y crois ". Aujourd'hui, l'Europe est devenue une évidence pour nos enfants. Que ce soit sous le pont Charles à Prague, au pied de la Tour Eiffel à Paris, à Picadilly à Londres, sur les escaliers de la Piazza di Spagna à Rome ou dans la vallée du Rhin, on rencontre des milliers de jeunes venant de toute l'Europe et dont la façon de penser, de ressentir les choses, dont le comportement sont bien plus évolués que les nôtres. C'est leur manière de nous lancer un avertissement.

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