Rapport d'information n° 451 (1999-2000) de MM. Philippe NACHBAR et Philippe RICHERT , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 29 juin 2000

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N° 451

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès verbal de la séance du 29 juin 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) à la suite d'une mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France ,

Par MM. Philippe NACHBAR et Philippe RICHERT

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Archives et bibliothèques.

INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

Faut-il détruire les quatre tours de Tolbiac ?

Telle est la question iconoclaste qui vient à l'esprit quand on évoque la Bibliothèque nationale de France et le handicap que représente pour les personnels et les lecteurs le nouveau site François-Mitterrand-Tolbiac qui, conçu à l'origine comme une bibliothèque virtuelle, abrite aujourd'hui près de treize millions d'ouvrages.

Quand on ajoute aux inconvénients liés au parti pris architectural les errements du système informatique et les mécomptes qu'il a entraîné pour bon nombre de chercheurs, il apparaît indispensable de s'interroger sur les modalités de fonctionnement de ce qui a été le plus important des grands travaux et de ce qui est aujourd'hui, si l'on se réfère à des critères budgétaires, la première institution culturelle de France. Il convient de rappeler que l'enveloppe d'investissement consacrée à la BNF s'est élevée à 7,9 milliards de francs et que son coût pour le budget de l'Etat représentait en 2000 un milliard de francs.

Au-delà des propos alarmistes et des descriptions caricaturales, votre commission des affaires culturelles a souhaité tirer un premier bilan de la BNF, deux ans après son ouverture totale au public.

Ce bilan s'inscrit dans le prolongement des travaux déjà conduits par la commission depuis le lancement du projet de construction d'" une très grande bibliothèque d'un type entièrement nouveau " 1 ( * ) . Face aux polémiques suscitées par les options scientifiques et architecturales retenues en 1988, la commission avait déjà en 1990 désigné une mission chargée d'étudier l'organisation et le fonctionnement des grandes bibliothèques anglo-saxonnes.

Soucieuse de faire la part des inévitables problèmes liés au rodage d'un établissement de cette dimension et des handicaps structurels dont il est affligé, votre commission avait entendu le 7 avril 1999 M. Jean-Pierre Angrémy, président de la BNF, puis s'était rendue sur le site Tolbiac le 16 juin 1999.

A la suite de ses premières analyses dont M. Philippe Nachbar avait rendu compte dans son avis sur les crédits consacrés à la culture par le projet de loi de finances pour 2000, la commission a estimé souhaitable d'approfondir l'examen des conditions de fonctionnement de la BNF et a désigné les membres de la mission le 25 janvier dernier.

La BNF, fruit d'un projet ambitieux mais nécessaire pour assurer la modernisation de la Bibliothèque nationale, supporte aujourd'hui les conséquences des multiples atermoiements et revirements qui ont marqué sa genèse. Le bâtiment du site François-Mitterrand-Tolbiac apparaît comme le lourd héritage d'une histoire chaotique où l'innovation technologique devait triompher de toutes les difficultés.

Après des débuts extrêmement difficiles, résultat de la précipitation qui présida à sa réalisation, la BNF, grâce à la mobilisation de ses personnels, a su surmonter beaucoup des dysfonctionnements apparus à l'origine. Certaines difficultés irréductibles demeurent : il était sans doute un peu naïf de penser qu'en construisant une bibliothèque en forme de livres, on apportait une solution définitive aux problèmes de stockage et de communication de collections d'une aussi vaste ampleur que celles de la Bibliothèque nationale.

Aujourd'hui, le nouveau bâtiment fonctionne et le service rendu au public connaît de très significatives améliorations qu'il importe de souligner.

Cependant le projet annoncé en 1988 ne se résumait pas à la construction d'un nouveau bâtiment et la BNF n'a pas pour seule vocation d'être une BN modernisée.

Parmi les missions qui lui sont attribuées par le décret institutif de 1994 2 ( * ) , la BNF doit faire face à son rôle de gardien vigilant des collections nationales. En ce domaine, beaucoup reste à faire : la vocation encyclopédique qui lui est conférée impose une politique coûteuse de maintien à niveau des collections et la modernisation des collections spécialisées n'est pas encore engagée. Au-delà, l'établissement public doit assurer les nouvelles missions qui lui ont été confiées alors que les mutations technologiques qui affectent le secteur de l'édition et les nouveaux modes de transmission des données lui impose un effort permanent d'adaptation ; la mise en réseau du patrimoine documentaire national n'est encore qu'à l'état d'ébauche et la politique de numérisation doit être activement poursuivie.

Loin de vouloir instruire un procès, la mission a souhaité contribuer à la réflexion engagée pour doter la BNF d'une stratégie à la hauteur de l'effort budgétaire consenti par la Nation.

I. LE TRIBUT DU PASSÉ

Conçu pour abriter une bibliothèque d'un genre nouveau, largement fondée sur le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, le bâtiment construit sur les bords de Seine n'apparaît pas adapté aux missions de l'institution qu'il abrite aujourd'hui.

A. UN BÂTIMENT VICTIME DES VISCISSITUDES DU PROJET DE " TRÈS GRANDE BIBLIOTHÈQUE "

1. Un bâtiment conçu autour d'un projet ambitieux et imprécis

L'annonce par le président François Mitterrand, le 14 juillet 1988, de la décision de construire une nouvelle bibliothèque est intervenue alors que des projets de modernisation de la Bibliothèque nationale étaient en cours d'élaboration.

En effet, le quadrilatère de la rue de Richelieu se trouvait confronté à d'insolubles difficultés de fonctionnement et pâtissait de l'étroitesse des moyens budgétaires qui lui étaient alloués. Face à cette situation, plusieurs solutions avaient été envisagées.

M. Emmanuel Leroy-Ladurie, alors administrateur général de la bibliothèque nationale, prônait la création d'une " BN-bis " qui supposait un déménagement complet des collections à l'image de la solution retenue pour la British Library qui venait d'abandonner les anciens locaux du British Museum, tandis qu'un rapport de M. Francis Beck, remis au ministre de la culture en juin 1987, préconisait une " décentralisation lourde " de la Bibliothèque nationale. Dans ce projet, n'auraient été maintenus rue de Richelieu que la conservation des collections déjà en place, leur exploitation et leur communication aux lecteurs, des sites installés en banlieue ou en province accueillant les nouvelles entrées.

Dans ce contexte, la décision du Président de la République ouvrait la voie à une modernisation profonde de la Bibliothèque nationale, sans toutefois que soit précisé dans quelle mesure la nouvelle institution en héritait. Il s'agit là d'une ambiguïté qui explique sans doute la difficile genèse de l'actuelle bibliothèque nationale de France.

En effet, le projet présidentiel, s'il s'inscrit dans la réflexion engagée sur l'avenir de la Bibliothèque nationale, apparaît également comme une décision de rupture .

Le Président de la République souhaite, en effet, construire " une bibliothèque qui puisse prendre en compte toutes les données du savoir dans toutes les disciplines et surtout qui puisse communiquer ce savoir à l'ensemble de ceux qui cherchent, de ceux qui étudient, de ceux qui ont besoin d'apprendre, toutes les universités, les lycées, tous les chercheurs qui doivent trouver un appareil modernisé, informatisé et avoir immédiatement le renseignement qu'ils recherchent... On pourra connecter cette bibliothèque nationale à l'ensemble des grandes universités de l'Europe ". Il conclut en relevant que " nous aurons alors un instrument de recherche et de travail qui sera incomparable " .

Ce projet dont les termes ont été précisés par une lettre du Président de la République au Premier ministre en date du 23 mars 1989, allait bien au delà de la mission dévolue à la Bibliothèque nationale aux termes de son statut de 1983 3 ( * ) et constituait à plusieurs titres une innovation :

- d'une part, sa vocation encyclopédique (" couvrir tous les champs de la connaissance ") traduisait le souci de remédier aux lacunes de la Bibliothèque nationale dont les collections étaient traditionnellement plus tournées vers les humanités que vers les disciplines scientifiques et juridiques ;

- d'autre part, la nouvelle institution devait être un instrument de démocratisation de la connaissance (" être à la disposition de tous " ), en s'ouvrant à un public plus large que celui des chercheurs, grâce à des salles de lecture comportant un grand nombre d'ouvrages en libre accès ;

- enfin, le recours aux nouvelles technologies de transmission de données devait permettre à la nouvelle bibliothèque de fonctionner en réseau avec d'autres institutions, qu'il s'agisse de bibliothèques ou d'universités, et d'être accessible à distance.

Le rapport confié à MM. Michel Melot, alors directeur de la bibliothèque publique d'information du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, et à Patrice Cahart, inspecteur général des finances, remis au Premier ministre en décembre 1988, qui était destiné à préciser le programme du projet en vue du concours d'architecture, soulignait néanmoins l'imbrication nécessaire qui demeurait entre la nouvelle institution et la Bibliothèque nationale puisqu'il est alors question de décharger cette dernière de la gestion du dépôt légal et d'une partie de ses collections.

Cependant, le rapport se limitait à définir de grandes orientations pour cette bibliothèque dont la conception et la préparation de la réalisation étaient confiées en janvier 1989 à l'association pour la Bibliothèque de France, présidée par M. Dominique Jamet.

Le conseil des ministres du 12 avril 1989 définit les grands axes du projet et, notamment, précisa que la Bibliothèque de France recevrait les documents publiés après 1945 et serait un lieu privilégié de communication au public de la production audiovisuelle qu'elle aurait, avec d'autres organismes, vocation à conserver. Par ailleurs, est décidé qu'elle comprendra à côté de salles réservées aux chercheurs une vaste salle de lecture publique.

Enfin, le principe d'une implantation parisienne est retenu : l'emplacement choisi est un terrain de 7 hectares, situé dans le XIIIe arrondissement en bordure de Seine, offert par la Ville de Paris et destiné à être intégré dans une zone d'aménagement concerté (ZAC). Le calendrier de réalisation est ébauché : choix de l'architecte en juillet, début des travaux en 1991 et achèvement en 1995, échéances qui reprenaient au demeurant celles fixées dès 1988 par le chef de l'Etat.

Ces échéances constituent sans doute, avec la localisation du projet, le seul aspect du projet qui ne devait pas être modifié : en dépit des retards pris par le chantier, la réception des travaux fut effectuée le 23 mars 1995 et l'inauguration des bâtiments eut lieu le 30 mars 1995 ; la réception des travaux avait un caractère largement fictif et la cérémonie se déroula dans des bâtiments vides en raison des retards enregistrés dans la réalisation de la bibliothèque elle-même.

2. Un choix architectural hâtif

La brièveté des délais imposés pour sa réalisation explique que le projet architectural ait été arrêté avant que ne soient définies les missions de la nouvelle Bibliothèque de France.

En avril 1989, sous l'impulsion du secrétariat d'Etat aux grands travaux, fut organisé un concours international d'idées afin de choisir l'architecte du nouveau bâtiment. Ce concours se déroula sur la base d'une simple esquisse de programme et en l'absence de toute définition précise des besoins et des contraintes liés à l'utilisation du bâtiment.

250 dossiers de candidature furent présentés. Le choix du jury se porta sur le projet de M. Dominique Perrault.

Avec le recul permis par le temps, il apparaît que ce projet approuvé par le président de la République accordait plus de place à l'esprit de la nouvelle bibliothèque qu'à ses exigences bibliothéconomiques, qui restaient au demeurant encore très floues.

S'il est désormais trop tard pour le regretter, il convient de rappeler que la composition du jury, dont les compétences des membres ne sont pas ici en cause et qui comptait de nombreux architectes, ne comprenait aucun bibliothécaire. A cet égard, les propos tenus par M. Dominique Perrault sont éloquents 4 ( * ) : " Ma priorité n'était pas de concevoir une bibliothèque mais de résoudre un problème d'urbanisme ". Cela se passe de commentaires quand on considère que cinq ans après l'achèvement des travaux, ce problème n'est toujours pas résolu.

Beaucoup de difficultés dans la conduite des opérations mais également beaucoup de critiques auraient sans doute pu être évitées grâce à une association plus large de la communauté scientifique comme des personnels de la Bibliothèque nationale à la conception du projet.

La précipitation qui prévalut alors a eu pour conséquence de faire se chevaucher les études de programmation et de maîtrise d'oeuvre. Emile Biasini, secrétaire d'Etat aux grands travaux, put expliquer ainsi cette entorse aux règles élémentaires de la commande publique : " Je crois à une démarche (...) qui consiste à mettre en communication immédiate l'architecte et les programmateurs pour l'étude progressive de l'objectif. C'est une création continue et commune de spécialistes venus d'horizons différents où l'enrichissement naît de la dialectique constante entre les existences, les possibilités et les capacités ".

Cette méthode, qui privilégiait la rapidité et faisait le pari de l'innovation technologique pour surmonter les contradictions, aurait sans doute été fructueuse si le projet avait, dès l'origine, été mieux défini. Or, cette audacieuse dialectique se heurta aux nombreuses polémiques que suscita le projet, aux revirements qu'elles imposèrent comme aux difficultés techniques rencontrées au cours du chantier. La démarche retenue explique donc pour une large part l'inadaptation du bâtiment aux missions attribuées à la BNF. A l'évidence, c'est au détriment de l'efficacité que fut respecté le calendrier.

3. Un projet controversé

Au fur et à mesure des travaux, la perspective de créer " une très grande bibliothèque d'un type entièrement nouveau " pour reprendre les termes du décret créant l'établissement public constructeur 5 ( * ) s'éloignait : les aspects les plus novateurs du projet furent abandonnés, aboutissant à faire de la nouvelle institution l'héritière modernisée de la Bibliothèque nationale.

Si la construction du site Tolbiac apparaît comme le plus important des grands travaux, il est sans aucun doute également celui qui fut le plus controversé ; les critiques dont il fut la cible obligèrent l'établissement public en charge de la réalisation du projet à en modifier des aspects fondamentaux.

En effet, la mise au point du programme scientifique comme le choix du parti architectural ont nourri de 1989 à 1993 de nombreuses polémiques et controverses qui suscitèrent des retards mais aussi des revirements dans la conduite du projet.

Un projet scientifique controversé

La remise en cause de la césure des collections à partir de 1945 , césure décidée par le gouvernement et le Président de la République dès le mois d'avril 1989, obligea l'architecte à prévoir des espaces de stockages pour 13 millions d'ouvrages, au lieu des 4 millions initialement prévus. Ce changement d'échelle majeur se répercuta inévitablement sur l'organisation interne des bâtiments et plus particulièrement sur les conditions de stockage des livres qui s'en trouvèrent compliquées.

Cette nouvelle orientation, obtenue grâce à une mobilisation -souvent virulente- de la communauté scientifique mais également de la Bibliothèque nationale qui avait été écartée de fait des instances dirigeantes de l'établissement constructeur, déclencha elle-même d'autres polémiques sur les solutions à retenir pour résoudre les difficultés soulevées par cet afflux de livres. Au terme de ces débats, aux silos envisagés dans un premier temps en réalité peu compatibles avec des délais de communication satisfaisants des ouvrages, fut préférée une extension des espaces de conservation grâce à la construction de magasins supplémentaires dans le socle du bâtiment.

Le projet dut subir également les conséquences des hésitations sur la place à accorder à l'audiovisuel au sein de la nouvelle bibliothèque, qui de prépondérante fut finalement réduite à la portion congrue, mais également sur la coexistence des différents publics qui, faute d'études précises, donna lieu à des arbitrages fluctuants pour finalement aboutir à la séparation des espaces qui prévaut aujourd'hui et à une réduction des services prévus (abandon de la bibliothèque enfantine par exemple).

Ces modifications, si elles furent dans l'ensemble acceptées par l'architecte qui réussit à amender son projet initial, n'allèrent pas sans lui poser des difficultés : ainsi, comme l'a rappelé devant la mission M. Dominique Perrault, lorsque fut décidé le transfert de l'ensemble de la collection des imprimés et des périodiques de la Bibliothèque nationale sur le site Tolbiac, il dut, faute de données disponibles, estimer lui-même les capacités de stockage nécessaires pour accueillir les 7 millions d'ouvrages supplémentaires à prendre en compte.

Un ouvrage critiqué

Les polémiques liées à l'élaboration du programme scientifique se sont doublées de critiques portant sur le bâtiment lui-même .

L'annonce du choix du projet de M. Dominique Perrault souleva immédiatement des querelles passionnées : l'opportunité de stocker des livres dans les tours, les risques représentés par la création d'une esplanade largement ouverte au public ou encore le jardin central furent autant de questions vivement controversées.

Ces querelles, qui trouvèrent un écho dans la communauté scientifique internationale, furent alimentées par les difficultés techniques engendrées par ce qui était -il faut bien le reconnaître- un véritable défi au regard des normes architecturales présidant traditionnellement à la construction des bibliothèques. On rappellera à titre d'exemple les débats sur les solutions alternatives à la paroi de verre photochromique, envisagée initialement pour recouvrir les tours mais qui, dès 1990, se révéla irréalisable pour des motifs techniques et financiers.

Le début des travaux en février 1991 ne mit pas fin aux polémiques. Ainsi, à la suite du rapport remis au président de la République par André Miquel au nom du Conseil supérieur des bibliothèques en 1991, plusieurs modifications substantielles étaient apportées au projet architectural. Si les propositions visant à combler l'espace central ou encore à mailler les fondations du jardin pour permettre une extension future des magasins ne furent pas retenues, il fut, en revanche, décidé de " densifier " le bâtiment, en limitant la hauteur des tours à 78 mètres, au lieu des 86 mètres fixés à l'origine, et en réduisant le nombre des salles de conférence et de réunion dans le socle afin d'accroître la superficie des espaces de conservation.

Ces aménagements successifs -qui se firent sans que le chantier ne subisse aucun coup d'arrêt- trouvent leur origine dans la précipitation avec laquelle fut conduit le projet mais également dans l'absence de cohérence qui caractérisa la conduite du projet.

4. Un manque d'unité dans la conduite du projet

Outre la réalisation des travaux de construction et d'aménagement des nouveaux bâtiments, l'article 2 du décret créant l'établissement public de la Bibliothèque de France (EPBF) confiait également à ce dernier la réflexion sur le contenu de l'ouvrage et le schéma d'organisation et de fonctionnement de la future bibliothèque. Cette double responsabilité, sur le contenant et le contenu, devait faciliter la coordination indispensable au bon avancement du projet.

Or, si la conduite du bâtiment sous l'autorité du directeur général de l'établissement et la tutelle attentive du ministre des grands travaux s'effectua, comme le souligne la Cour des comptes 6 ( * ) , " avec fermeté et sans relâche ", cela en dépit des attaques menées contre le projet architectural, l'élaboration du programme du contenu de la bibliothèque fut marquée par les difficultés du maître d'ouvrage à imposer ses choix.

La Cour des comptes souligne, en effet, que " la maîtrise d'ouvrage du contenu de la future bibliothèque confiée à la délégation scientifique de l'établissement resta impuissante à manifester son autorité ; malgré la multiplication de ses effectifs permanents et des concours extérieurs pour faire face à ses missions, elle ne parvint pas à faire accepter ses propositions ".

Outre les critiques qu'elle dût affronter, deux raisons principales expliquent les difficultés de la maîtrise d'ouvrage : d'une part, l'étendue de ses responsabilités et, d'autre part, l'ambiguïté de ses relations avec la Bibliothèque nationale.

Un projet complexe

En effet, si nul ne peut douter de la difficulté du chantier bibliothéconomique de Tolbiac, il apparaît que la délégation scientifique de l'établissement était confrontée à des tâches multiples, pour lesquelles elle ne disposait pas des capacités d'expertise nécessaires. Comme le relevait le Conseil supérieur des bibliothèques dans son rapport précité, " ses compétences couvraient un champ de responsabilités considérables. Elle traite du contenant comme du contenu, du court et du long terme : définition des espaces et études techniques fondamentales (organisation des collections, conservation...), prévision des flux de public, conception des systèmes informatiques, politique d'acquisition (...), coopération avec les autres types de bibliothèques... ".

Face à ces compétences très larges, l'établissement public semble souffrir de défauts d'organisation (absence de synthèse entre les différents groupes de travail) mais aussi de réelles difficultés à appréhender l'ensemble des missions de la nouvelle bibliothèque.

Ces difficultés s'expliquent pour une large part par l'absence de collaboration réelle entre la Bibliothèque nationale, qui s'avérait pourtant une institution incontournable en matière de bibliothéconomie, et l'établissement constructeur, qui devait en quelque sorte inventer une " nouvelle BN ".

Une concertation insuffisante entre l'EPBF et la BN

Comme nous l'avons souligné plus haut, si en 1988 l'institution annoncée par le président de la République rompt avec les missions patrimoniales exercées par la BN, la future Bibliothèque de France, dès l'abandon du principe de césure des collections, apparaît comme son héritière directe.

Dans un tel contexte, la nomination à la tête de l'association de préfiguration puis de l'établissement constructeur d'une personnalité étrangère à la communauté scientifique fut interprétée comme un signe de défiance à l'égard des responsables de la BN, qui avaient exprimé dès le début du projet des réticences sur les options architecturales et scientifiques retenues.

Dans un premier temps, les responsables de la BN n'ont été que peu associés à la conduite du projet. Si l'administrateur général, M. Emmanuel Le Roy Ladurie, était membre de l'association de préfiguration, il n'est désigné que comme personnalité qualifiée -et non comme membre de droit- au sein du conseil d'administration de l'EPBF. L'impression de méfiance domine ; les échanges d'opinion se font par voie de presse alors que l'ampleur du projet, comme l'articulation évidente entre les missions de la future bibliothèque et celles de Richelieu, justifiaient pleinement une collaboration étroite, qui aurait permis d'intégrer de manière plus satisfaisante les préoccupations bibliothéconomiques à l'élaboration du projet architectural. Comme le relève le rapport précité remis au président de la République par le Conseil supérieur des bibliothèques, " les réunions de travail avec les responsables de la Bibliothèque nationale nous donnent toutefois à penser que les mécanismes d'association des deux partenaires et de validation des hypothèses ne sont pas au point. Si la BN est à coup sûr consultée, elle n'est pas véritablement intégrée (...). "

Deux années plus tard, les conditions de la collaboration entre la BN et l'EPBF n'ont pas connu d'améliorations significatives. M. Philippe Bélaval relève dans son rapport de mission 7 ( * ) : " Malgré, en effet, les progrès enregistrés depuis quelques mois dans les relations entre l'établissement public de la Bibliothèque de France et la Bibliothèque nationale, l'existence de deux établissements distincts ne peut conduire qu'à un éclatement, à un moment ou à un autre, du traitement de questions qui devraient, au contraire, faire l'objet d'un traitement en continu.

" La décision de confier à un établissement public nouveau la construction et la préfiguration du site de Tolbiac répondait à une logique claire, qui correspondait à la volonté de faire bénéficier le nouvel établissement de la dynamique des " grands projets ", par-delà les nécessités de la gestion quotidienne d'une grande bibliothèque patrimoniale, ce qui a permis au projet de prendre son élan.

" Mais il apparaît (...) que vouloir persister aujourd'hui dans ce sens ne pourrait que conduire à de graves mécomptes . "

Les menaces de scission des collections, maintes fois évoquées sous des formes variées, que les critères retenus soient chronologiques ou thématiques, n'ont pas contribué à apaiser cette défiance réciproque qui ne prendra fin qu'avec la création par le décret n° 94-3 du 3 janvier 1994 de l'établissement public de la Bibliothèque nationale de France.

Cette solution de synthèse, issue d'une proposition des deux groupes de travail créés par M. Jacques Toubon, alors ministre de la culture et de la francophonie, présidés par M. Philippe Bélaval, si elle ne met pas fin aux conflits existants entre les anciens et les modernes, eut le mérite d'apaiser les polémiques. L'impression qui domine est là encore celui d'un gâchis de temps et d'énergie. Comme le note M. Marc Fumaroli dans un article intitulé " Retour à la Bibliothèque nationale " 8 ( * ) : " Dans l'affaire inutilement " byzantine " de la TGB, une solution de synthèse s'impose. Sa rationalité, sa solidité, ne peuvent provenir que de l'élément pondéré et savant, depuis le début agressé dans ce conflit pénible : la Bibliothèque nationale ".

B. UN BÂTIMENT INADAPTÉ

1. Un bâtiment considéré comme un handicap

Parmi les difficultés auxquelles est confrontée la Bibliothèque nationale de France, celle qui a été le plus souvent évoquée par les personnalités entendues par la mission réside dans la configuration même du bâtiment de Tolbiac.

Un bâtiment éclaté

Comme l'a rappelé M. Emmanuel Le Roy Ladurie, lors de son audition, ces locaux ne sont guère adaptés à la mission patrimoniale de conservation qui incombe à la Bibliothèque nationale de France .

La construction d'un nouveau bâtiment s'avérait certes nécessaire et le nouveau site présente l'avantage d'avoir accru les capacités de stockage des collections mais aussi notablement amélioré leurs conditions de conservation, notamment grâce à des installations de climatisation dont le fonctionnement s'avère globalement satisfaisant.

Cependant, le parti pris architectural va à l'encontre des principes de construction habituellement retenus dans la construction des bibliothèques , en éclatant autour d'un espace central les services et les magasins destinés au stockage des ouvrages, magasins eux-mêmes extrêmement morcelés du moins pour ceux abrités dans les quatre tours : on est, en effet, passé de quatre magasins principaux sur le site de Richelieu à 180 à Tolbiac (86 dans les tours et 94 dans le socle).

Même si des précautions ont été prises pour rapprocher les ouvrages les plus fréquemment consultés des salles de lecture, cette organisation de l'espace constitue incontestablement un handicap pour une communication rapide des ouvrages d'autant qu'à l'éclatement des magasins s'ajoute l'éclatement des salles de consultation. Il faut, en effet, rappeler que l'espace réservé aux chercheurs -usuellement désigné sous le terme de " rez-de-jardin " puisqu'il est de plain pied avec le cloître central-, tout comme l'espace destiné au grand public dit " haut-de-jardin ", est distribué en quatre départements thématiques correspondant aux grands domaines du savoir 9 ( * ) . Cette distribution représente un important changement par rapport à la configuration des salles de lecture de Richelieu qui, outre les départements spécialisés, étaient organisées autour de la distinction entre les périodiques et les livres imprimés.

L'inconvénient que représentent les distances est accru par les limites du système de transport automatique de documents (TAD) : en effet, les capacités des nacelles sont limitées et peu adaptées à l'acheminement de documents de grand format ; les magasiniers sont donc contraints d'effectuer des itinéraires compliqués, rythmés par les innombrables portes imposées par les règlements de sécurité draconiens et les inévitables trajets en ascenseur.

Par ailleurs, cette configuration peu satisfaisante est aggravée par l'inadaptation du mobilier de stockage des magasins.

Là encore, il semble que ce soient les équipements les plus innovants qui posent le plus de problème. Certains comme les " carrousels " destinés au stockage des périodiques et à leur communication informatisée ne fonctionnent toujours pas ; d'autres tels les rayonnages denses mobiles à commande électrique dits " compactus ", en revanche, fonctionnent mais dans des conditions qui mettent à rude épreuve les ouvrages comme les nerfs du personnel.

Ces armoires métalliques qui glissent sur des rails avaient vocation à accroître les capacités de stockage. Il s'agit d'équipements relativement courants dans les bibliothèques sauf que celle de la BNF sont électriques, ce qui devait faciliter le travail des magasiniers mais en pratique le complique grandement en raison des nombreuses pannes qu'ils connaissent, pannes auxquelles le service des moyens techniques doit faire face, sauf à devoir refuser la communication d'un ouvrage. Par ailleurs, ces armoires semblent peu adaptées au stockage des ouvrages de petit format qui glissent et sont écrasés.

Une contre-performance

Tolbiac apparaît comme l'expression même d'une contre-performance puisque le bâtiment réussit à être à la fois trop grand et trop exigu.

Il semble qu'en dépit de l'investissement réalisé à Tolbiac, les réserves disponibles dont disposent la BNF pour l'avenir sont très loin d'être illimitées. Certains magasins sont saturés ; si d'autres restent encore vides - et doivent d'ailleurs être équipés de mobilier de stockage, ils ne représentent guère plus de 15 à 20 ans d'accroissement des collections alors que les objectifs initiaux laissaient espérer des réserves pour 40 ans. Ce constat peut surprendre compte tenu de l'immensité apparente du bâtiment. Il surprend moins lorsque l'on considère que, dans les tours, seuls 50 % de la superficie est utilisable du fait de la place prise par les parois destinées à abriter les livres. Le bâtiment n'est donc guère rentable. Cette saturation des espaces constitue d'ores et déjà une difficulté pour la vie des services de la BNF, très à l'étroit dans les locaux qui leur ont été attribués.

Cette exiguïté des espaces de travail trouve une illustration éclatante dans la configuration des arrières banques de salles, espaces où arrivent des magasins les ouvrages commandés par les lecteurs. Lors de la visite qu'ils ont effectuée sur le site Tolbiac, les membres de la mission ont été frappés par le contraste entre le luxe des salles de lecture, dans lesquelles domine une impression de recueillement et d'espace, et l'étroitesse des lieux de travail des magasiniers, qui sont à la fois bruyants, inhospitaliers et manifestement peu ergonomiques. Aux questions posées à ce sujet par les membres de la mission, M. Dominique Perrault a répondu que les aménagements prévus avaient été ajournés faute de concertation, aménagements qui néanmoins, il convient de la souligner, auraient représenté un coût supplémentaire par rapport aux marchés initiaux.

Des modifications ponctuelles ont été réalisées ; force est de constater qu'elles ne pourront remédier à elles seules à ce défaut de conception initial, ce qui est regrettable compte tenu de l'investissement réalisé et de la proportion des effectifs travaillant en sous-sol (près de 95 % pour les magasiniers).

Mais le fonctionnement de la BNF pâtit également de l'immensité du bâtiment -  ou plus précisément de sa configuration centrifuge. En effet au lieu de mettre les livres au centre et autour les bibliothécaires et les lecteurs, le bâtiment s'organise à l'inverse, le vide en constituant le centre. Ce parti pris architectural conjugué aux dimensions horizontales (275 mètres) et verticales (56 mètres) a pour effet de contraindre le personnel mais aussi les lecteurs à parcourir de très longues distances, synonymes de perte de temps et d'énergie.

Un bâtiment peu modulable

En dépit de ses dimensions, le bâtiment apparaît en réalité peu modulable .

Les espaces de consultation dont le caractère monumental frappe dès l'abord le visiteur et qui peuvent apparaître comme surdimensionnés ne pourront pas être aménagés pour accroître les capacités d'accueil de la bibliothèque alors que deux ans après l'ouverture du rez-de-jardin, on commence déjà à parler de saturation. Comme le soulignait M. Emmanuel Le Roy Ladurie lors de son audition par la mission d'information, " la complexité du bâtiment rend son usage difficile ".

Des conditions de travail pénibles

Les représentants syndicaux du personnel de la BNF entendus par la mission ont unanimement déploré l'inadaptation du bâtiment, difficulté malheureusement irréductible, qui aboutit à une mauvaise circulation de l'information, prive le site de toute convivialité pour le personnel et nuit sans doute à l'unité de l'institution. Les conditions de travail réellement pénibles imposées par le bâtiment expliquent en partie le mouvement de grève qui a suivi l'ouverture du rez-de-jardin. En effet, si l'esthétique du bâtiment apparaît à bien des égards comme une véritable réussite, l'atmosphère qu'il sécrète est très déshumanisée, surtout pour les personnels de l'ancienne Bibliothèque nationale habitués aux locaux de la rue de Richelieu, qui n'ont guère vu s'améliorer leurs conditions de travail.

Le caractère inhospitalier des lieux a été également ressenti par les lecteurs, surtout dans les premiers mois, comme l'ont illustré les récits rapportés par le numéro de mai-août 1999 de la revue Le Débat , dont l'un était intitulé de manière pessimiste " Faudra-t-il traverser l'Atlantique ? ". Aux distances à parcourir, aux escaliers à gravir et aux risques de glissade que représentent l'esplanade recouverte de bois d'ipé -risques supérieurs, nous a-t-on affirmé, à ceux d'un trottoir moyen- s'y ajoutent les effets des consignes de sécurité considérées par certains lecteurs comme exagérées mais qui semblent désormais bien admises (passage de tourniquets, obligation de glisser ses affaires personnelles dans un sac en plastique transparent...). Sans aller comme le fait M. Emmanuel Le Roy Ladurie jusqu'à qualifier la BNF de " géronticide " 10 ( * ) , il apparaît que le public du site Tolbiac n'est pas exactement le même que celui de la rue de Richelieu, qui n'a pas retrouvé sur les bords de Seine les habitudes prises dans la salle Labrouste.

2. Un bâtiment coûteux

Ce constat est d'autant plus regrettable que les sommes consacrées à ce projet sont considérables et que son fonctionnement apparaît très coûteux.

Un investissement considérable consenti par la collectivité

La création de la Bibliothèque nationale de France a représenté pour l'Etat un investissement de près de 8 milliards de francs.

L'enveloppe d'investissement a été en effet définitivement arrêtée en autorisations de programme et en crédits de paiement à 7 964,8 millions de francs, la différence avec le montant initial de 7 200 millions de francs représentant l'actualisation de l'enveloppe.

A l'évidence, ces montants font de la BNF le plus important des grands travaux.

On rappellera pour mémoire que les deux tranches du Grand Louvre ont été soldées pour un total de 5,8 milliards de francs ; la Villette, à la construction de laquelle participèrent plusieurs ministères, a coûté 6,5 milliards de francs, l'Opéra Bastille représentant pour sa part un investissement de 4,4 milliards de francs.

Le tableau ci-dessous retrace sur la période de réalisation de la BNF les montants affectés aux établissements publics successifs chargés de la réalisation de la bibliothèque (en autorisations de programme et en crédits de paiement).

CRÉDITS AFFECTÉS À LA CONSTRUCTION DE LA BNF

Années

Autorisations de programme

Crédits de paiement

1991

2 220,0

992,0

1992

2 252,0

1 591,0

1993

1 323,0

1 576,7

1994

638,0

1 528,0

1995

512,5

1 300,9

1996

334,3

603,8

1997

0,0

0,0

1998

0,0

165,4

1999

0,0

24,0

2000

0,0

0,0

TOTAL

7 964,8

7 964,8

Source : ministère de la culture

Ces chiffres, qui font apparaître un respect global de l'enveloppe initiale, doivent être cependant examinés plus attentivement au regard des différents postes qui la composent.

Initialement, l'enveloppe financière du projet était répartie en deux grandes masses :

- les bâtiments, pour un montant de 5,2 milliards de francs ;

- et le " contenu " de la bibliothèque, pour un montant de 2 milliards de francs.

C'est durant l'hiver 1992-1993 que la programmation s'étant affinée, les différents postes de l'enveloppe furent arrêtés pour les montants suivants :

- 5,015 milliards de francs consacrés à la construction du bâtiment de Tolbiac, dont 3,28 milliards de francs au titre des travaux fonciers proprement dits ;

- 1,337 milliard de francs au titre de l'acquisition d'ouvrages, d'équipement et de mobilier pour Tolbiac ;

- 100 millions de francs destinés à la mise en réseau en régions de la Bibliothèque nationale de France ;

- 345 millions de francs pour assurer le transfert des collections des imprimés et des périodiques de l'ancienne Bibliothèque nationale sur le nouveau site ;

- 200 millions de francs pour la construction d'un bâtiment à Marne-la-Vallée destiné à accueillir de nouveaux ateliers de conservation et de restauration des documents.

- 180 millions de francs pour la ZAC

Si des rééquilibrages ont eu lieu entre ces différents postes, la répartition de l'enveloppe est aujourd'hui identique dans ses grandes masses à celle arrêtée en 1993.

Cependant, si le coût prévisionnel de l'opération a été en apparence respecté, le coût final dépasse sensiblement l'enveloppe, dans la mesure où une partie des dépenses nécessaires à la réalisation des objectifs de la BNF sont désormais financées sur le budget courant de l'établissement, les crédits inscrits initialement ayant été consommés .

C'est le cas notamment des dépenses d'acquisition, les crédits de l'enveloppe n'ayant permis que de réaliser 66 % du programme d'acquisitions.

En ce qui concerne la réalisation du système d'information, il apparaît que la part de l'enveloppe qui lui était consacrée, soit 406 millions de francs (71 millions de francs au titre des études générales, 200 millions de francs pour les logiciels et 135 millions de francs consacrés à l'équipement) est dépassée. Cela était dès l'origine prévisible dans la mesure où n'avait été budgétée dans l'enveloppe qu'une partie seulement du coût du système informatique, tel qu'il avait été évalué en 1992, soit près de 580 millions de francs, 240 millions de francs pour l'investissement logiciel et 340 millions de francs pour l'investissement matériel : le décalage s'explique par le fait que les tranches conditionnelles du marché d'équipement n'avaient pas été prises en compte dans l'enveloppe initiale. D'après les estimations communiquées à la mission par le ministère de l'économie et des finances, le coût du système informatique s'élèverait désormais à environ 780 millions de francs, soit un dépassement de l'enveloppe initiale d'environ 95 %. La BNF ne partage pas ces appréciations, s'en tenant aux montants des marchés de réalisation et d'équipement, soit près de 600 millions de francs.

Cependant, il convient de souligner que ces chiffres ne peuvent qu'être évaluatifs dans la mesure où le coût final du projet ne pourra être définitivement arrêté que lorsqu'il sera achevé, ce qui est loin d'être le cas : la mise au point de la première partie du système dite V1, comme la mise en service des versions dites V2 et V3 11 ( * ) doivent faire l'objet de nouveaux marchés dont il est prématuré d'évaluer le montant. Par ailleurs, il conviendrait de prendre en compte les surcoûts engendrés par les retards enregistrés dans la réalisation du système informatique (mise en place de systèmes provisoires ou partiels à l'image du catalogue des ouvrages en libre-accès du haut-de-jardin).

A la décharge du maître d'ouvrage, il convient de souligner que les estimations du coût du projet informatique étaient très délicates à établir dans la mesure où en ce domaine, les technologies évoluent très rapidement, condamnant toute projection à long terme. Quoi qu'il en soit, il est évident que les chiffres de l'enveloppe globale ne tenaient pas compte du coût réel du projet sur ce point.

Un investissement démesuré ?

Un effort de modernisation de la Bibliothèque nationale s'imposait : en effet, le budget annuel qui lui était consacré, soit environ 140 millions de francs en 1988, se révélait insuffisant compte tenu de la vétusté des locaux, du rythme d'accroissement des fonds et de la nécessité de maintenir à niveau les collections.

Cependant, le caractère peu fonctionnel du bâtiment actuel peut laisser songeur sur la pertinence des options architecturales et techniques retenues. Il est à l'évidence regrettable qu'un ouvrage si coûteux soit aujourd'hui perçu comme un handicap plutôt que comme un atout.

Cela est d'autant plus regrettable que beaucoup de dépenses, justifiées par le souci de prétendre à l'excellence, apparaissent aujourd'hui démesurées. M. Philippe Bélaval, ancien directeur général de la BNF de 1994 à 1998, a déclaré devant la mission lors de son audition, que la nouvelle bibliothèque aurait pu être construite pour beaucoup moins cher, le caractère très élevé du niveau des équipements -notamment des salles de lecture- par rapport aux standards pouvant à cet égard poser question.

Un coût de fonctionnement élevé

La BNF, si elle apparaît comme le plus cher des grands travaux, est aujourd'hui au regard des dépenses de fonctionnement et d'investissement qu'elle génère la première institution culturelle de France et pèse à ce titre très lourdement sur le budget du ministère de la culture.

Le budget de l'établissement s'élevait en 2000 à 753,95 millions de francs, financé à concurrence de 55 millions de francs seulement par des ressources propres, le reste provenant pour l'essentiel de la subvention du ministère de la culture.

Depuis la création de la BNF en 1994, la subvention de fonctionnement du nouvel établissement est passée de 303 millions de francs à 620,02 millions de francs en 2000. Elle est de loin la plus importante des subventions versées par le ministère de la culture aux établissements publics relevant de sa tutelle. En effet, la BNF reçoit une subvention deux fois supérieure à celle du Centre Georges Pompidou et cinq fois supérieure à celle du musée du Louvre. A elle seule, elle représente près du cinquième du chapitre 36-60 -Subventions aux établissements publics- du titre III du budget du ministère de la culture et de la communication.

Les subventions d'investissement s'établissent en 2000 en crédits de paiement à 59 millions de francs.

A ces subventions, il convient d'ajouter le coût des rémunérations des personnels d'Etat affectés à la BNF - personnels des corps des bibliothèques essentiellement- inscrites sur le budget du ministère de la culture, qui s'élève à environ 300 millions de francs. Votre rapporteur note pour le regretter que le ministère de la culture ne dispose pas d'instruments comptables lui permettant de connaître pour l'année le coût budgétaire exact que représentent les personnels d'Etat affectés à la BNF, faute d'informations suffisamment précises concernant les vacances de postes.

Au regard de ces chiffres, le coût annuel de la BNF pour le budget de l'Etat s'élève donc à 979 millions de francs, somme tout à fait considérable quel que soit le critère de comparaison utilisé.

La BNF coûte près de 7 fois plus cher que la Bibliothèque nationale au début des années 1990, dont la subvention de fonctionnement ne dépassait pas 140 millions de francs. Il convient de souligner que ce chiffre se trouvait déjà lui-même en forte augmentation par rapport aux années antérieures au lancement du projet présidentiel, les crédits de fonctionnement de la BNF ayant plus que triplé entre 1981 et 1986.

Le coût de la BNF pour le budget de l'Etat représente à lui seul les trois cinquièmes du budget consacré à l'ensemble des bibliothèques universitaires en France, qui s'élevait en 1999, pour 1,25 million d'inscrits, à 1 748,8 millions de francs, dont 879 millions de francs pour les dépenses en personnel et 869,8 millions de francs pour le fonctionnement, ces dépenses étant couvertes à hauteur de 200 millions de francs par des droits d'inscription et des ressources propres.

Une structure budgétaire très rigide

Le budget de l'établissement public se caractérise par le poids représenté par les dépenses de personnel et de fonctionnement proprement dites. En 1999, ces deux postes représentent, en effet, 87 % des dépenses de l'établissement et s'élevaient respectivement à 256,98 millions de francs et à 376,47 millions de francs.

Cette structure budgétaire, qui se caractérise par sa grande rigidité, résulte pour une bonne part des caractéristiques mêmes du site de Tolbiac.

Son immensité, comme sa complexité imposent que l'établissement soit doté d'un personnel important afin d'assurer les missions de service public mais également la maintenance du bâtiment. Il suffira pour s'en convaincre d'évoquer les besoins engendrés par la double entrée, les deux niveaux et l'éclatement des salles de lecture. Comme le rapporte la Cour des comptes 12 ( * ) , " là où 15 personnes sont affectées à la Bibliothèque publique d'information du centre Pompidou aux fonctions d'accueil et de surveillance pour 1 800 places de lecture, à Tolbiac, de 60 à 100 sont nécessaires pour les salles de lecture ouvertes au public " .

Ces dépenses, si importantes soient-elles, sont en réalité pour une bonne part incompressibles . En effet, comme le soulignait M. Emmanuel Le Roy Ladurie devant la mission, le site de Tolbiac s'apparente à " un sous-marin nucléaire " : toute défaillance technique si modeste soit-elle est de nature à entraver le fonctionnement de l'ensemble du bâtiment. Il illustrait son propos en évoquant l'hypothèse d'une grève des personnels de sécurité qui aurait pour conséquence d'obliger à fermer la bibliothèque, hypothèse qui s'est au demeurant vérifiée au cours des derniers mois.

L'importance du montant des dépenses de fonctionnement s'explique également pour une large part par le caractère sophistiqué du bâtiment comme des équipements dont il est doté. Les choix architecturaux, s'ils ont amélioré les conditions de conservation, en ont considérablement renchéri le coût.

En effet, l'immensité du bâtiment comme sa configuration entraînent des coûts élevés d'entretien, de nettoyage, de maintenance, de gardiennage ainsi que d'importantes dépenses d'électricité, d'eau et de chauffage. Ces dernières s'élevaient à elles seules à 26 millions de francs, ce qui ne peut surprendre lorsque l'on sait que la consommation en électricité du site de Tolbiac équivaut à celle d'une ville de 30 000 habitants. L'étendue des surfaces ouvertes au public entraîne pour la surveillance du site et la protection des collections patrimoniales des dépenses de gardiennage de l'ordre de 30 millions de francs. Du fait des contraintes de sécurité drastiques imposées lors de la construction du bâtiment qui présente la caractéristique d'être classé à la fois " immeuble de grande hauteur " et " établissement accueillant du public ", la présence d'une brigade de sapeurs pompiers s'impose, ce qui représente un coût de 15 millions de francs pour le budget de l'établissement. Les travaux d'entretien et de réparation s'élevaient en 2000 à près de 49 millions de francs et les dépenses de nettoyage, à 50 millions de francs.

Le souci de maîtriser le coût de fonctionnement du nouveau bâtiment n'a pas constitué pour ses concepteurs une priorité . Lors du lancement du projet, seule l'enveloppe globale des dépenses d'investissement a été fixée et il faudra attendre 1992 pour qu'il soit demandé à M. Jean-Ludovic Silicani, alors maître des requêtes au Conseil d'Etat, une première évaluation du coût de fonctionnement.

Cependant, si les estimations réalisées alors variaient entre 0,95 et 1,35 milliards de francs, les différences résultaient d'arbitrages portant sur les conditions dans lesquelles la BNF exercerait ses missions et non des options techniques retenues pour la construction du bâtiment, qui apparaissaient déjà comme intangibles.

La meilleure illustration du caractère dispendieux de l'ouvrage est à coup sûr les coûts de climatisation engendrés par le choix d'une architecture verticale qui, contrairement à ce qui a pu être dit à l'issue du concours d'architecture, ne présente pas de dangers pour les ouvrages. Le principal inconvénient de cette option réside dans son coût bien plus élevé que le scénario consistant à situer l'ensemble des magasins en sous-sol où les variations de température et d'hygrométrie sont plus faciles à maîtriser.

La complexité des équipements ne peut qu'induire à court et moyen terme une augmentation des dépenses de fonctionnement qui, selon les estimations de la BNF, se situent à l'heure actuelle à un niveau plancher. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le site Tolbiac n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière : certains magasins ne sont pas encore équipés et le caractère sophistiqué des équipements techniques et informatiques nécessite un entretien attentif, dont le coût ne pourra aller que croissant en raison de leur obsolescence rapide et de leur durée de vie limitée.

II. UNE INSTITUTION EN ÉTAT DE MARCHE

Confrontée à de graves dysfonctionnements lors de l'ouverture au public en novembre 1998 des espaces en rez-de-jardin réservés aux chercheurs, la Bibliothèque nationale de France a su, depuis, améliorer de manière significative le service rendu aux lecteurs.

A. LES DIFFICULTÉS DE L'OUVERTURE

1. Une ouverture retardée

Une inauguration qui ne coïncide pas avec l'ouverture au public de la bibliothèque

Dans une lettre adressée au Premier ministre, M. Michel Rocard, le 23 mars 1989, le président de la République avait précisé : " Je suis très attaché à ce que cette réalisation puisse être achevée, au moins pour la première tranche significative dans les cinq ans à venir. " . La date butoir de la fin du septennat était donc fixée pour l'achèvement des travaux.

Ce calendrier très serré n'a été respecté que pour le bâtiment lui-même, le président de la République n'a en effet inauguré en mars 1995 que des salles vides. Ce n'est que dix-huit mois plus tard que les salles réservées au grand public ouvrirent, le 17 décembre 1996, les espaces consacrés à la recherche n'étant inaugurés que le 9 octobre 1998.

Le calendrier très serré fixé par le président n'a pu être tenu qu'au prix d'un artifice consistant à considérer qu'une bibliothèque est définie par ses murs et non par ses collections.

Les retards constatés -qu'il convient toutefois de minimiser au regard des expériences étrangères- résultent de l'ampleur et de la complexité du projet scientifique mais également des difficultés rencontrées dans la mise en place du système informatique.

Un projet scientifique irréalisable dans le calendrier fixé

Outre les différentes vicissitudes qu'elle a connu et que nous avons retracées plus haut, la mise en oeuvre du programme scientifique s'est heurtée à l'impossibilité de mener à bien dans le délai imposé par le président de la République à la fois la construction d'un nouveau bâtiment et le déménagement des collections.

En effet, la vocation patrimoniale de la nouvelle bibliothèque se renforçant, le projet impliquait une véritable opération " tapis-volant " entre la rue de Richelieu et le site Tolbiac afin d'installer les collections d'imprimés et de périodiques dans le nouveau bâtiment. Or, cette opération, compte tenu de l'ampleur des collections, ne pouvait être menée à bien, pour le déménagement lui-même qu'une fois les nouveaux magasins équipés, en novembre 1995.

Ce transfert fut d'autant plus délicat à organiser que le déménagement impliquait un récolement complet des collections, dont la responsabilité fut légitimement confiée à la BN, qui devait par ailleurs continuer à assurer son propre fonctionnement. Le récolement décidé dès 1990, fut réalisé entre 1991 et 1994 et permit de prendre l'exacte mesure des collections dont le dernier recensement remontait à 1947 ! Enfin, il convient de rappeler que, durant le déménagement, la communication des ouvrages aux lecteurs ne fut pas ou quasiment pas interrompue, ce qui ajoutait encore à la difficulté de l'opération. Au regard de ces exigences, il convient de se féliciter des conditions parfaites dans lesquelles se déroulèrent ces opérations, auxquelles fut consacré un budget de 93 millions de francs, budget qui couvrait également le récolement.

Cependant, la phase préparatoire à ce transfert a incontestablement tardé à démarrer. En 1992, les collections devant être déménagées à Tolbiac n'étaient pas encore définies : une césure des imprimés et des périodiques à la date de 1870 était en discussion et la localisation des manuscrits était encore débattue. Ce n'est qu'au début de l'année 1992 que ces questions furent définitivement tranchées. Une fois l'ampleur du déménagement arrêtée, les mauvaises relations entre la BN et l'EPBF engendrèrent des difficultés de mise au point du phasage des opérations. Enfin, les incertitudes sur l'organisation interne de la bibliothèque (stockage, séparation des espaces grand public - chercheurs, répartition des salles de lecture) obérèrent également les espoirs d'accélérer le cours des choses.

A cela, s'ajoutèrent les retards pris dans la réalisation du programme ambitieux d'acquisitions pour constituer les collections en libre accès et compléter les collections dans des disciplines peu investies par la BN (sciences et techniques, droit et économie).

Au-delà des difficultés inhérentes à la mise en oeuvre du projet scientifique, le retard pris dans la réalisation de la nouvelle bibliothèque trouve son origine dans les conditions de réalisation du système informatique.

Les dérives du système informatique

Là encore, comme pour le bâtiment lui-même, l'ambition des objectifs initiaux conjugués à des défaillances de la maîtrise d'ouvrage comme de la maîtrise d'oeuvre expliquent les retards enregistrés dans les différents aspects du projet informatique qui, aujourd'hui encore, n'est pas achevé.

Les conséquences de tels dysfonctionnements ont été d'autant plus sensibles que la réalisation du système constituait une condition nécessaire pour permettre à la nouvelle bibliothèque d'ouvrir. En effet, l'ensemble des fonctions de la BNF, patrimoniales mais également administratives, devaient être gérées par ce système, qui constituait un des aspects les plus novateurs du projet mais aussi les plus audacieux comme l'ont souligné les différents audits réalisés à la demande de l'établissement ou de sa tutelle.

Le système informatique de la BNF

Un appel d'offres pour un marché de conception a été lancé en 1991. Ce marché visait à définir les besoins du système d'information et ses spécifications fonctionnelles. Ce marché fut remporté par un groupement mené par la société CAP-GEMINI, avec différents partenaires dont les sociétés Bull et Geac. Ce marché se déroula durant toute l'année 1992 et se termina au printemps 1993. Il aboutit à la définition d'un système informatique intégré comprenant un ensemble de 21 modules applicatifs couvrant toutes les fonctions ou processus dont l'informatisation était attendue.

Les spécifications produites constituaient la base d'un marché de réalisation dont l'appel d'offres fut lancé au début 1994. Ce marché fut remporté fin 1994 par un groupement mené par la société CAP-GEMINI, et comprenant les sociétés IBM et ATA.

La réalisation du système d'information et de ses 21 modules était échelonnée sur trois versions successives et complémentaires :

• V1 : modules nécessaires à l'ouverture au public de la bibliothèque (recherche catalogue, communication de documents, accès réseau CDRoms et documents numérisés, bornes d'informations) et à la gestion administrative (bureautique, gestion des ressources humaines et paie) ;

• V2 : modules nécessaires au circuit des entrées de documents (acquisitions, dépôt légal, catalogage) et leur traitement (conservation, reproduction) ;

• V3 : fonctions complémentaires pour ces modules (gestion de caractères non latins, interfaces avec un système comptable,...).

La réalisation comprenait aussi les opérations de migration des données à partir des systèmes existants avant l'ouverture de la V1, les migrations complémentaires durant la phase transitoire V1/V2 et toutes les actions d'accompagnement et formation nécessaires à la mise en place du système.

Le marché était découpé en deux tranches : une tranche ferme, suivie d'une tranche conditionnelle. La tranche ferme comprenait la reprise des spécifications générales fonctionnelles, la rédaction des spécifications détaillées de la V1, les études d'architecture et techniques et la réalisation d'un prototype dit V0 de faisabilité du catalogue et de dimensionnement de l'infrastructure technique générale. La tranche conditionnelle comprenait les rédactions des spécifications détaillées des chaînes applicatives V2 et V3 et les travaux de programmation et d'intégration des V1, V2 et V3.

Les travaux de la tranche ferme ont commencé début janvier 1995 et se sont achevés début 1996. Cette tranche ferme fut marquée par des retards et difficultés, principalement autour des études d'architecture, des spécifications détaillées de la V1 et surtout de la réalisation du prototype V0.

L'appel d'offres pour un marché d'équipement a été lancé à l'automne 1995. Ce marché avait pour objectif la fourniture de toute l'infrastructure matérielle et logicielle nécessaire au fonctionnement du système, avec comme cahier des charges les études techniques et de dimensionnement issues du marché de réalisation. Les soumissionnaires devaient aussi effectuer un portage du prototype V0 sur les matériels proposés pour démontrer la bonne adéquation de leurs offres aux exigences techniques du système. La procédure utilisée fut celle d'un appel d'offres sur performances. Le marché fut remporté en 1996 par un groupement mené par Bull, et comprenant différents fournisseurs comme Zenith, Sequent, Fore Systèmes, Oracle et Microsoft.

La tranche conditionnelle du marché de réalisation et le marché d'équipement démarrèrent mi-septembre 1996.

Le planning prévoyait une mise en oeuvre de la V1 pour l'ouverture de la bibliothèque du rez-de-jardin en octobre 1988, suivie des mises en oeuvre des versions V2 et V3 respectivement fin 1998 et début 1999.

Le verdict de l'inspection des finances et de l'inspection générale de l'administration du ministère de la culture 13 ( * ) en 1996, confirmé en 1998 par la Cour des comptes, sur la conduite du projet est sans appel :

" Les retards pris et prévisibles dans la mise en oeuvre des marchés de réalisation et d'équipement des systèmes d'information rendent peu probable que soit respectée la date d'ouverture prévisionnelle de la BNF en septembre 1997.

" Ces retards sont le résultat d'un processus cumulatif, engagé dès 1990, qui traduit au cours de la période récente un dysfonctionnement dans les relations entre le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre du marché de réalisation.

" Ils se conjuguent avec un coût global et injustifié de réalisation du système.

" La responsabilité incombe sans doute largement au maître d'oeuvre, dont les défaillances incontestables ont été mises en lumière par un rapport d'audit, conduit par la société Ernst and Young en décembre 1995. Mais la conduite du projet par la maîtrise d'ouvrage manifeste elle aussi quelques insuffisances, auxquelles il conviendrait de remédier rapidement.

" La direction générale de l'établissement est en effet apparue assez peu impliquée directement dans la gestion du projet, en dépit de son importance stratégique. ".

Selon le schéma directeur opérationnel du système d'information achevé à la fin de l'année 1991, la phase de conception devait s'étaler de janvier à septembre 1992 pour permettre d'entamer la réalisation en juillet 1993 et d'effectuer la recette du système en avril 1995.

Or, faute de pouvoir tenir ces délais, à la mi-1993, c'est-à-dire à la fin de la phase de conception, l'ouverture a été repoussée en 1996. Ces échéances furent à nouveau modifiées à deux reprises pour tenir compte du délai nécessaire à la réalisation du système puis de l'exceptionnelle durée de passation du marché de réalisation.

Les difficultés rencontrées doivent toutefois être appréciées au regard des exigences fixés par les concepteurs du projet, exigences dont la légitimité a été discutée par les experts successifs qui l'ont évaluée. Là encore, il est opportun de se demander si on n'aurait pas pu faire la même chose pour moins cher.

La complexité de réalisation du système informatique tient en effet à la multiplicité des fonctions qu'il gère mais également dans leur interdépendance. En effet, la mise au point comme le fonctionnement d'un logiciel qui fait dépendre 21 sous-systèmes d'une fonction centrale (la confection, la consultation et la mise à jour du catalogue) apparaissent particulièrement lourds.

Il semble que ce projet ait été également considéré comme démesuré par les entreprises du secteur informatique comme l'attestent les difficultés rencontrées par l'établissement dans le déroulement de l'appel d'offres lancé pour le marché de réalisation. M. Jean Favier, président de la Bibliothèque nationale de France de 1994 à 1997, a indiqué lors de son audition par la mission d'information que les résultats de l'appel d'offres qui se réduisaient à deux réponses en tout et pour tout, obligeaient l'établissement à choisir entre une offre qui, si elle rentrait dans l'enveloppe budgétaire, apportait des réponses techniques lacunaires et une seconde, excellente mais trop coûteuse, un compromis s'étant alors imposé grâce à une offre conjointe des deux entreprises soumissionnaires.

Une ouverture au public réalisée dans des conditions périlleuses au regard de l'état du système informatique.

L'ouverture du haut-de-jardin, n'a pas posé de problèmes majeurs dans la mesure où, s'agissant de salles de consultation de collections en libre accès, elles nécessitaient un moindre équipement informatique. On relèvera toutefois que le retard pris dans la réalisation du marché informatique a contraint la BNF à implanter un système d'accès au catalogue des 150 000 volumes présentés, système transitoire car indépendant des applications alors en cours de réalisation, dont le coût s'est ajouté aux frais engagés pour la réalisation du système informatique principal.

En revanche, l'ouverture des salles du rez-de-jardin a été réalisée dans des conditions plus délicates.

En effet, compte tenu des retards pris dans la réalisation du marché de réalisation, la décision a été prise d'ouvrir la bibliothèque du rez-de-jardin avec une version incomplète de la V1, qualifiée selon les termes du marché de " solution d'attente ". Cette situation provisoire était regrettable d'autant plus qu'au cours de sa mise en oeuvre le projet informatique avait d'ores et déjà subi d'importantes modifications destinées à réduire ses fonctionnalités, modifications imposées au nom de l'efficacité mais qui ne se sont pas traduites par une réduction du coût d'ensemble.

L'option retenue était d'autant plus hasardeuse que le fonctionnement de ces espaces est entièrement tributaire du système informatique, qu'il s'agisse de la réservation des places, de la consultation des catalogues ou encore de la communication des ouvrages.

2. Les dysfonctionnements de la nouvelle bibliothèque

L'ouverture du rez-de-jardin, le 9 octobre 1998, a révélé les limites du projet et de ses conditions de réalisation.

Les dysfonctionnements du système informatique, de l'aveu de tous prévisibles, se doublèrent d'un mouvement de mécontentement du personnel qui surprit par sa vigueur une administration qui avait cru un peu vite à la solidité de la nouvelle institution.

Des dysfonctionnements qui compromettent la mission même de la nouvelle bibliothèque...

Dès la mise en service des salles du rez-de-jardin, de nombreuses pannes informatiques entraînèrent de graves perturbations dans la commande et la communication des ouvrages, imposant aux chercheurs comme aux personnels des conditions de travail éprouvantes, et conduisant l'administration à suspendre à certaines heures la consultation.

Le système informatique s'est avéré incapable de remplir les missions qui lui était assignées, faute d'avoir été testé dans les règles de l'art .

Les retards pris dans sa réalisation, comme les délais imposés pour l'ouverture du rez-de-jardin, n'ont laissé à la BNF et au maître d'oeuvre qu'un mois pour tester le système, au lieu des six mois prévus initialement. Le système a donc été mis à la disposition du public sans que la " recette " du système ait pu être effectuée, c'est-à-dire sans que son bon fonctionnement ait été attesté par le maître d'oeuvre. A l'issue des ultimes tests réalisés avant l'ouverture au public, le système informatique n'atteignait pas plus de 33 % de l'objectif contractuel.

L'ouverture des salles de recherche apparaissait donc comme un pari risqué imposé par le souci de l'autorité de tutelle de tenir les délais, quitte à avancer à marche forcée.

Cette précipitation conjuguée aux retards pris dans sa réalisation explique donc les défaillances d'un système, qui pourtant lors des premiers jours d'ouverture ne fut guère sollicité, le public étant somme toute peu nombreux et les capacités du serveur ayant été bridées dans un souci de prudence.

Interrogés sur ce point par la mission, les responsables de la BNF comme ses personnels ont estimé que ces difficultés étaient prévisibles.

M. Jean Favier a déclaré : " Nous ne pouvions faire des simulations. Le public n'aurait pas accepté de jouer les cobayes, et le personnel ne pouvait figurer le public puisqu'il connaissait le système ". Cependant, en dépit de ces obstacles, force est de reconnaître que les tests techniques qui précèdent la mise en service de tout système informatique n'ont pas été effectués, faute de temps il est vrai.

Il apparaît également que le personnel ne disposait pas d'une bonne connaissance du système. Si des sessions de formation ont été organisées par la direction de la bibliothèque, des représentants des personnels ont indiqué à la mission qu'elles se déroulaient sur des écrans factices, compte tenu des retards pris dans la réalisation du système informatique...

... et se doublent d'un mouvement de contestation

Les défaillances du système information ont cristallisé le mécontentement des personnels, exaspérés par ailleurs par les conditions de travail imposées par le bâtiment et par un climat social en réalité très dégradé.

Le rapport de l'inspecteur des bibliothèques Albert Poirot établi dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la ministre de la culture et de la communication à la suite du mouvement de grève, décrit très justement ce processus cumulatif : " Soudainement confronté à des difficultés inattendues, peu au fait des processus relatifs à une situation informatique dégradée, le personnel a réagi avec courage pour aider des lecteurs par ailleurs perdus dans un cadre nouveau. Puis la colère s'est installée, redonnant vigueur à des revendications sur les jours d'ouverture ou le régime des vacataires. Les conditions de travail et les défauts du bâtiment ont donné de nouveaux arguments aux grévistes ; s'est alors ajouté un fort ressentiment contre la direction de la Bibliothèque nationale de France, accusée d'impéritie et d'autoritarisme ".

Cette situation, qui semble avoir été sous-estimée par la direction de l'établissement, explique le mouvement de grève de l'automne 1998 qui obligea à fermer la bibliothèque pendant près d'une vingtaine de jours et contraignit l'autorité de tutelle à modifier très sensiblement les modalités de fonctionnement de l'établissement.

Le protocole d'accord signé le 6 novembre 1998 fixait les conditions dans lesquelles reprenait le travail dans les deux espaces ouverts au public mais comportait également des engagements de la direction et du ministère de la culture sur des dossiers intéressant le statut et la rémunération des agents.

S'agissant des questions liées à la gestion du personnel, la tutelle s'engageait à examiner le statut des magasiniers afin de veiller à une plus grande prise en compte de la spécificité des tâches confiées aux agents affectés à la BNF mais aussi à apporter des solutions à la situation des vacataires dans un souci de réduction de la précarité.

Pour ce qui concerne les modalités de fonctionnement de la bibliothèque, il fut décidé de fermer le rez-de-jardin le lundi jusqu'au 31 janvier 1999.

Cette décision, qui consistait à fermer pendant deux jours consécutifs, le dimanche et le lundi, le rez-de-jardin, et donc à réduire significativement le service rendu aux lecteurs, fut présentée comme un moyen de procéder à une vaste consultation du personnel 14 ( * ) mais également de permettre la montée en charge du service informatique. La fermeture du lundi apparaissait alors comme une mesure provisoire puisqu'il était envisagé de rouvrir progressivement le rez-de-jardin le lundi à partir du 1 er février 1999, une enquête devant par ailleurs être conduite auprès des usagers afin d'examiner si les horaires d'ouverture et les services actuels répondaient à leurs attentes.

Des modalités prudentes de réouverture des salles réservées aux chercheurs étaient arrêtées : il était instauré un système de commande des ouvrages en différé (c'est-à-dire de la veille pour le lendemain et non plus le jour-même), ce qui là encore marquait un très net recul par rapport aux services offerts par la BN.

Si ces décisions ne correspondaient pas aux ambitions initiales du projet, elles permirent à l'établissement de se remettre en marche et de procéder aux ajustements nécessaires pour garantir un fonctionnement minimal dans un contexte social apaisé.

Comme l'a souligné devant la mission l'inspecteur général des bibliothèques, M. Albert Poirot, la BNF à l'automne 1998 était un " établissement en panne ". A cet égard, l'organisation d'une consultation du personnel qui, à l'ouverture de la bibliothèque, avait eu le sentiment de ne pas avoir été entendu ni pris en compte, apparaissait comme un préalable nécessaire à une amélioration du fonctionnement de la BNF.

B. DES AMÉLIORATIONS SIGNIFICATIVES APPORTÉES AU FONCTIONNEMENT DE LA BNF

Le rapport de l'inspecteur général Albert Poirot qui eut pour principal mérite de renouer ou de créer le dialogue entre la direction de l'établissement et les personnels fut suivi en mars 1999 d'une lettre adressée par la ministre de la culture et de la communication au président de l'établissement, M. Jean-Pierre Angremy, comportant l'annonce de plusieurs mesures.

Force est de constater que l'ensemble de ces mesures consistait surtout dans la commande de nouvelles études ou de nouveaux rapports (programmation des travaux, réflexion sur les horaires d'ouverture, programme d'évaluations thématiques proposé par la direction du livre et de la lecture) ou dans l'expression en termes très généraux de souhaits concernant la nouvelle dynamique à donner à la politique du personnel, l'amélioration des conditions d'accueil du public ou encore le développement des services à distance.

Il revenait donc à l'établissement de compter sur ses propres forces pour remplir les missions qui lui avaient été attribuées.

A cet égard, les membres de la mission souhaitent rendre un hommage appuyé aux efforts considérables accomplis en ce sens par la direction de l'établissement et ses personnels, dont la détermination et la compétence ont permis d'apporter de significatives améliorations au fonctionnement de la BNF.

1. Un meilleur service rendu aux lecteurs

Les progrès enregistrés dans la communication des ouvrages

Ces progrès ont pu être obtenus grâce à une amélioration des performances du système informatique mais aussi grâce à une forte mobilisation du personnel.

Le système informatique, s'il reste pour une grande part encore à réaliser, a vu sa disponibilité globale très nettement améliorée.

Au regard des différents critères dont dispose la BNF pour apprécier le fonctionnement de l'informatique, la situation apparaît aujourd'hui très encourageante. Les incidents informatiques sont en effet en très forte diminution.

Le taux de disponibilité du système, qui rapporte le nombre d'heures de pannes au nombre d'heures de fonctionnement atteint désormais quasiment 100 %. Les difficultés rencontrées par les personnels et les lecteurs dans l'utilisation quotidienne du système sont en voie de réduction comme en témoigne l'analyse des appels reçus par le bureau d'assistance centralisée, qui permet de cerner à la fois leur ampleur et leur fréquence. Par ailleurs, les enquêtes réalisées auprès du public font état d'une progression des indices de satisfaction. Cette évolution a pu être confirmée par les propos tenus par plusieurs des personnalités entendues par la mission. Ainsi, M. Thierry Jaccaud, représentant des lecteurs au conseil d'administration de la BNF, rappelant la situation déplorable de l'ouverture, a souligné la qualité des services rendus désormais par le système informatique et a confirmé le sentiment général des lecteurs qu' " aujourd'hui ça marche ". De même, le lecteur averti, s'il en est, qu'est M. Emmanuel Le Roy Ladurie a reconnu que l'informatisation du catalogue constituait un progrès décisif pour la recherche et a admis qu'au prix d'une période d'apprentissage relativement brève, le système était aisément utilisable.

Les ajustements du système ont été réalisés essentiellement par les équipes du service informatique de la BNF. En effet, le marché de réalisation du système confié à la société Cap-Gemini a été résilié en juillet 1999.

L'amélioration des fonctionnalités a été réalisée progressivement par la mise en oeuvre de nouvelles versions des logiciels, successivement en mars, juin et septembre 1999. Une nouvelle version a été installée en février dernier, une autre le sera en juillet 2000

Les résultats les plus manifestes de cette montée en puissance du système informatique concernent les procédures de réservation de place et de communication des ouvrages.

La communication en direct des ouvrages, abandonnée dès l'ouverture en raison des difficultés qu'elle engendrait, a repris progressivement. Après trois vagues de tests successifs réalisés au cours du premier semestre 1999, il a été possible d'accroître la charge et la durée des plages de communication. Le 22 juin 1999, a été rétablie une " fenêtre " de communication directe de 10 heures à 15 heures, du mardi au vendredi. Cette amélioration notable, permettant aux lecteurs de planifier leurs demandes en utilisant les deux modes de communication à la fois, s'est traduite par un accroissement très net des consultations.

Répondant au souhait exprimé par l'autorité de tutelle d'étendre la communication, un effort a été engagé pour tenter d'augmenter, sans toutefois, dépasser les possibilités du système, le nombre de volumes commandés : celui-ci a été par paliers successifs, porté de 5 à 8, puis 10. Par ailleurs, les horaires de communication directe sont passés de 9 heures à 17 heures du mardi au vendredi et de 13 à 16 heures le samedi 15 ( * ) .

Le délai moyen de communication des ouvrages a été ramené à environ 45 minutes, délai comparable à celui constaté dans les bibliothèques étrangères de même dimension.

La procédure de réservation de places, indispensable pour que les documents demandés puissent parvenir au lecteur, qui a tant perturbé l'ouverture du rez-de-jardin, s'est elle aussi considérablement améliorée, même si le système comporte encore quelques rigidités. Parmi les progrès, on notera que, depuis le mois de mai dernier, elle peut s'opérer à distance sur Internet, tout comme la réservation de documents rendue possible sur ce média dès l'automne 1998.

Le fonctionnement du catalogue a été très sensiblement amélioré même si certains modes de recherche envisagés initialement ne sont pas encore disponibles.

L'existence d'un catalogue informatisé constitue, comme l'a souligné M. Emmanuel Le Roy Ladurie devant la mission, un des progrès majeurs rendus possibles par le projet de la construction d'une nouvelle bibliothèque. Le déménagement des collections de Richelieu sur un site modernisé a en effet permis de poursuivre à un rythme accéléré l'informatisation engagée par l'ancienne BN.

Ce travail de rétroconversion 16 ( * ) , qui constitue l'élément clé de modernisation de la mission patrimoniale confiée à la BNF, a permis d'ouvrir de manière considérable l'accès au patrimoine bibliographique national . A ce titre, il constitue une incontestable réussite, bien qu'il soit encore inachevé.

En effet, il convient de rappeler qu'en 1988, la BN ne disposait pas d'un catalogue unique de ses livres imprimés et de ses périodiques. Son catalogue informatisé BN-Opale, mis à la disposition du public en février 1988, ne recevait que les ouvrages postérieurs à 1980, avant qu'une première campagne d'informatisation rétrospective ne permette de disposer, à partir de 1990, de notices informatiques pour les ouvrages entrés à la BN entre 1970 et 1979. Pour les ouvrages antérieurs à 1970, les lecteurs devaient recourir à 5 catalogues imprimés et 24 fichiers manuels.

Le catalogue BN Opale-Plus qui, à terme, a vocation à couvrir l'ensemble des collections de la BNF, a été réalisé grâce à un travail considérable de rétroconversion portant sur les fichiers et les catalogues imprimés de la BN des origines à 1969 pour les livres et des origines à 1960 pour les périodiques. A cet ensemble, ont été ajoutées les notices de la base BN-Opale recensant les livres et les périodiques entrés depuis ces dates. A l'heure actuelle, il permet de consulter 7 millions de notices décrivant 8 millions de documents (livres et périodiques) conservés à la BNF et permet d'accéder à près de 850.000 notices d'autorité. Ce catalogue est accessible depuis l'ensemble des postes de consultation des sites Tolbiac et Richelieu mais également, depuis mai 1999, sur Internet. On rappellera que si BN-Opaline (documents spécialisés) n'est pas accessible sur Internet, le catalogue des documents en libre accès de la BNF l'est depuis 1997 pour ceux du haut-de-jardin, et 1998 pour ceux du rez-de-jardin.

Il importe également de relever les résultats positifs de la politique de numérisation .

Cette politique, élément indispensable pour permettre à la BNF de fonctionner en réseau et d'être consultable à distance, porte enfin ses premiers fruits. Les retards accumulés en ce domaine ont été, en effet, considérables. Ce n'est qu'en octobre 1997, soit neuf ans après que le projet a été lancé, que les lecteurs ont pu accéder aux collections numérisées. Cependant, il convient de souligner le succès tout à fait considérable rencontré par cette initiative. A l'origine accessibles sur les postes de consultation de la BNF, les collections numérisées sont désormais consultables sur Internet depuis le début de l'année par le biais du serveur Gallica 2000 de la BNF, qui par l'importance des ressources qu'ils offrent (49 900 ouvrages, et 45 000 images fixes), permet à la BNF d'être en ce domaine dans le peloton de tête des grandes bibliothèques numériques.

Certes, l'idée de bibliothèque numérisée n'est plus aujourd'hui celle qui prévalait lors du lancement du projet, qui, on le rappellera, devait essentiellement permettre aux lecteurs de la BNF d'avoir accès à un volume important de documents numérisés sur des postes de travail offrant de nouvelles techniques d'analyse des textes. En effet, aujourd'hui, la priorité a été donnée à l'accès en ligne, ce qui suppose que tous les fonds numérisés -en particulier ceux non libres de droit- ne soient pas accessibles par ce biais. Par ailleurs, le mode de numérisation (mode image au lieu du mode texte) retenu pour des raisons budgétaires, se traduit par une réduction des potentialités d'exploitation scientifique des textes.

Cependant, les serveurs Gallica, comme la mise en ligne du catalogue BN-Opale Plus, permettent à la BNF de commencer à répondre aux objectifs fixés en 1988 en relevant l'enjeu technologique et le défi démocratique d'une bibliothèque accessible à distance et à tous.

Une mobilisation du personnel

Comme l'ont souligné devant la mission les représentants de l'administration de la BNF comme des utilisateurs, l'amélioration du fonctionnement du site Tolbiac doit beaucoup à la forte mobilisation du personnel.

Il apparaît, à l'issue de la période de rodage, que les missions des bibliothécaires n'ont pas été remises en cause par l'informatique, bien au contraire .

En effet, la disponibilité des personnels des salles de lecture permet de régler bon nombre des difficultés rencontrées par les lecteurs dans leurs recherches. A cet égard, les séances de " questions-réponses " organisées en rez-de-jardin pour donner aux lecteurs la possibilité d'interroger les responsables de la BNF permettent de créer les conditions d'un dialogue : les comptes rendus en sont largement distribués et le thème de certaines séances, fixé par les lecteurs eux-mêmes. Des ateliers d'initiation au maniement du catalogue informatisé ont été mis en place. Enfin, la revue destinée aux lecteurs, " Chroniques ", s'est enrichie de rubriques à usage pratique fort utiles pour le maniement des instruments de recherche bibliographique.

Cette disponibilité des personnels, appréciée par les lecteurs, à laquelle les personnels eux-mêmes sont au demeurant très attachés, a été rendue possible par la priorité accordée dans l'organisation du travail des différents départements à la présence en salles dans le souci de privilégier la mission de communication du patrimoine.

Ces améliorations se traduisent par une augmentation de la fréquentation.

Les améliorations apportées au fonctionnement du site Tolbiac ont permis de révéler au public les avantages offerts par le nouveau bâtiment.

Certes, les capacités du site Tolbiac ne sont pas à la hauteur des ambitions avancées lors du lancement du projet. Rappelons pour mémoire que le rapport annuel de l'EPBF pour l'année 1990 anticipait la création de 6 000 places ! En effet, les salles du haut-de-jardin offrent aux lecteurs 1 700 places de lecture ; les salles en rez-de-jardin, comptent théoriquement près de 1 900 places, dont 1 300 seulement sont réservables.

Cependant, ces chiffres témoignent du progrès que représente le nouveau site par rapport à la rue de Richelieu qui, hors les départements spécialisés, comptait seulement 444 places de lecture pour les collections des imprimés, 196 pour les périodiques et 78 en salle des catalogues.

Les files d'attente , traditionnelles à Richelieu, qui obligeaient les lecteurs à attendre deux heures, voire plus, pour une place, ont disparu à Tolbiac, pour le rez-de-jardin du moins.

Le confort des salles de lecture a été considérablement amélioré. Si le jardin imaginé par l'architecte Dominique Perrault constitue un handicap fonctionnel, il offre aux lecteurs un horizon à l'esthétique incontestable. Les salles sécrètent une atmosphère laborieuse et recueillie ; M. Emmanuel Le Roy Ladurie a reconnu qu'on y travaillait plus qu'à Richelieu !

Par ailleurs, les collections en libre accès offertes aux lecteurs sont sans commune mesure avec celles de Richelieu : 250 000 volumes en rez-de-jardin et 250 000 volumes en haut-de-jardin.

La configuration du bâtiment, comme les parcours d'accès, interdisant de fait de sortir des espaces de travail pour prendre une pause durant les heures de travail passées en salles de lecture, la mission ne peut que souligner les améliorations apportées aux " conditions de vie " mais aussi de travail des lecteurs . On se réjouira à cet égard des efforts accomplis pour faciliter l'accès des lecteurs aux salles, de la rénovation en août 1999 de la cafétéria qui offre enfin des services satisfaisants ou encore de l'amélioration de la signalétique jusqu'ici indigente.

De même, il conviendra de se féliciter des facilités offertes aux lecteurs du rez-de-jardin pour se déplacer entre les quatre départements grâce à un assouplissement des règles de consultation des collections en libre accès, ce qui semble de nature à faciliter les recherches interdisciplinaires.

Déserté à l'origine, le site Tolbiac est aujourd'hui menacé de saturation.

Cette situation, si elle présente des risques pour l'avenir, corrobore les résultats encourageants des enquêtes de satisfaction réalisées auprès du public.

Le nombre des entrées en salles a, depuis 1998, connu une forte progression retracée dans le tableau ci-après :

1998

1999

sur la base du 31/10/99

Haut-de-jardin Tolbiac

670.421

745.200

Rez-de-jardin Tolbiac

24.535

218.660

Richelieu, Arsenal, Opéra, Avignon

288.818

89.890

Ensemble

983.774

1.053.750

Évolution par rapport à 1998

+ 7,11 %

Le rez-de-jardin, qui a passé le cap des 900 lecteurs par jour à l'été 1999, a continué à progresser à l'automne, passant alors à une moyenne quotidienne de mille lecteurs et dépassant certains jours 1200 lecteurs. Par ailleurs, comme le relève M. Jean-Pierre Angremy, président de la BNF : " contrairement à ceux qui promettaient la désaffection massive des étrangers, on peut constater qu'ils représentent aujourd'hui plus du quart des lecteurs ". Ce public n'est pas le même que celui des salles de Richelieu. Plus jeune, il atteste de la capacité de la BNF à attirer de nouveaux publics, au sein du monde de la recherche. On notera que le public des salles des imprimés et des périodiques de Richelieu ne s'est pas reporté sur les salles des collections spécialisées mais s'est replié sur d'autres institutions.

En 1999, ont été établies près de 17 000 cartes annuelles de recherche, auxquelles il convient d'ajouter les 6 000 cartes " douze jours " et les 13 000 cartes " deux jours ", moins onéreuses, destinées à permettre des consultations plus occasionnelles.

Le haut-de-jardin, dont la fréquentation à large majorité étudiante, connaît des variations saisonnières fortes, compte pour sa part environ 3 000 lecteurs par jour.

2. Un effort de modernisation de la gestion de l'établissement

Cet effort, dont la nécessité a été soulignée avec vigueur par le rapport de M. Albert Poirot, s'est manifesté essentiellement au travers, d'une part de l'attention apportée aux méthodes d'administration et, d'autre part, des mesures prises pour remédier à la situation préoccupante des vacataires.

Une attention apportée aux méthodes d'administration

L'organisation administrative de la BNF entre 1994 et 1997 se caractérisait par une grande complexité puisqu'elle ne comptait pas moins de neuf directions. Cette configuration pour un établissement où coexistaient des effectifs très importants, ne partageant pas la même culture, et où l'héritage de Richelieu favorisait un certain isolationnisme des différents départements, ne facilitait pas à l'évidence la conduite d'ensemble d'un projet qui, par son ampleur, aurait dû mobiliser l'énergie de tous.

La réforme de l'organigramme est certainement intervenue à un moment mal choisi puisqu'elle a coïncidé avec la préparation de l'ouverture des salles réservées aux chercheurs : le principe de la réduction de départements a été entériné le 8 juillet 1998 et la liste des départements, arrêtée le 14 octobre 1998. Cependant, elle présente l'avantage d'avoir réduit les complications engendrées par la multiplicité des directions et créé les conditions d'une administration plus efficace. Il semble qu'aujourd'hui elle donne globalement satisfaction -du moins dans les principes qui la fondent.

Le rapport Poirot avait mis en lumière la dégradation du climat social de l'établissement, ce qui, pour une institution dont le bon fonctionnement repose pour une large part sur la mobilisation et l'efficacité du personnel, ne peut qu'inquiéter. Une cause de ce malaise résidait dans la fracture -dont l'importance avait été sous-évaluée lors de l'ouverture- entre l'administration et les agents. L'inspecteur général relevait : " Les méthodes de gouvernement de la BNF sont contestées. On évoque tour à tour une centralisation excessive, la lenteur des réponses, l'autoritarisme, un goût prononcé pour des contrôles tatillons, un manque de délégation, une propension au secret, une censure de l'information. Les réunions entre équipes de directions différentes ont du mal à se tenir, quand bien même l'avis des supérieurs hiérarchiques est dûment sollicité ".

Un effort s'imposait donc pour créer les conditions d'une plus grande cohésion même s'il est incontestable que, dans l'accomplissement de sa mission, l'administration se heurte au gigantisme de l'établissement, gigantisme qu'elle a encore beaucoup de mal à maîtriser .

Les auditions des représentants du personnel par la mission n'ont pu que confirmer cette analyse.

La mise en place de moyens d'information du personnel et d'instances de dialogues -celles qui existent aujourd'hui font plus figure de lieux d'affrontement que de concertation- est apparue à votre rapporteur comme une nécessité.

La volonté de l'établissement de progresser en ce domaine et le mouvement général d'informatisation a permis des avancées.

L'ensemble des agents ont désormais accès à des moyens de communication performants. La mise en place d'un intranet devrait favoriser une circulation de l'information plus rapide et plus efficace, et remédier en partie à l'éclatement géographique des services imposés par la configuration des bâtiments. Le journal interne de la BNF a été modifié afin de mieux tenir compte de la vie des agents. Une séance mensuelle d'information par thème réunit les agents et l'encadrement. L'information sur les réunions de service, jusque là très insuffisante, a été améliorée grâce à la diffusion régulière de comptes-rendus.

Au plan matériel, les agents qui ne disposent pas d'un bureau se sont vus attribuer un casier pour leur courrier, une ligne téléphonique ainsi qu'un accès à l'intranet.

Si ces progrès ne peuvent à eux seuls suffire à apaiser durablement le climat social, ils constituent autant de progrès appréciables susceptibles de renforcer l'unité administrative de l'établissement.

vers une maîtrise progressive de la gestion du personnel

Sans remettre en cause la portée de ces mesures, votre rapporteur souligne que l'amélioration du climat social au sein de la BNF et la construction d'une véritable cohésion du personnel autour des objectifs de service public passent essentiellement par la nature des solutions apportées aux difficultés qu'il rencontre : précarité de la situation des vacataires, diversité des statuts, conditions de travail pénibles, faible niveau de certaines rémunérations.

A ce titre, on ne pourra que se féliciter des premiers pas accomplis pour améliorer les conditions d'emplois des contractuels, qui représentent près de 45 % du total des effectifs de la BNF.

S'agissant des personnels contractuels payés sur crédits de vacation, les solutions apportées s'inscrivent dans les mesures de portée générale arrêtées par la ministre de la culture et de la communication en 1999 à la suite de la grève des agents du ministère de la culture.

Une circulaire du 15 octobre 1999 du ministère de la culture a, en effet, rappelé les règles relatives aux recours à des agents non titulaires pour occuper des emplois dans les services de l'Etat et dans les établissements publics.

Rappel des règles régissant l'emploi des agents non titulaires de l'Etat
et de ses établissements publics.

Des agents non titulaires peuvent être recrutés pour répondre à un besoin permanent à temps complet :

- soit lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes,

- soit pour les emplois de catégorie A lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient.

Les agents ainsi recrutés sont engagés sur des contrats d'une durée maximale d'un an renouvelable par reconduction expresse. Leur recrutement ne peut intervenir que dans les limites des emplois inscrits au budget de l'Etat ou celui des établissements publics.

Des agents non titulaires peuvent également être recrutés :

- soit pour répondre à un besoin permanent mais à temps incomplet,

- soit pour exercer des fonctions correspondant à un besoin occasionnel ou saisonnier à condition que la couverture de ce besoin ne puisse être assurée par un agent titulaire.

Ces recrutements s'effectuent " sur crédits ", de tels besoins ne pouvant justifier la création d'un emploi budgétaire.

Ce texte a également précisé le cadre dans lequel il convenait de régler le cas des agents recrutés sur crédits pour répondre à un besoin permanent à temps complet, retenant la formule d'un contrat sur crédits de vacation annualisé reconductible chaque année, ainsi que celui des agents recrutés pour répondre à un besoin permanent à temps incomplet, recommandant la signature de contrats de trois ans renouvelables.

Au regard de ces règles, un effort de remise en ordre s'imposait à la BNF pour réduire la précarité des agents recrutés sur crédits de vacation qui sont actuellement au nombre de 540 et prévenir le développement de leur nombre.

Ces personnels employés à temps incomplet (120 heures au plus), occupent, pour certains d'entre eux, des emplois permanents non pourvus notamment dans les métiers administratifs et techniques, pour d'autres, complètent les effectifs de magasiniers et de bibliothécaires adjoints, notamment en soirée et en week-end pendant lesquels le règlement intérieur de la BNF limite les effectifs statutaires disponibles.

Diverses mesures ont été engagées depuis juin 1999 pour remédier à la précarité de leurs conditions d'emploi : application de règles plus strictes concernant le recrutement, programme de transformation progressif des crédits en emplois de fonctionnaires pour les fonctions permanentes correspondant à des postes non pourvus. Les mesures de transformation de crédits en emplois décidées sur le budget du ministère de la culture essentiellement destinées dans un premier temps aux musées, n'ont bénéficié que pour une faible part à la BNF : les effets des concours de titularisation devraient donc s'amplifier à partir de 2001, notamment s'ils s'étendent aux filières magasinage, ouvrière et technique. Par ailleurs, devrait être proposé à ces agents, qui, pour l'heure, ne sont liés à l'établissement que par une décision unilatérale de vacation, un contrat de droit public correspondant aux caractéristiques retenus par la circulaire du ministre de la culture, ce qui représenterait une avancée significative.

Au-delà de ces mesures de clarification bienvenues, mais encore partielles, l'établissement public est également confronté à des difficultés plus spécifiques, héritées du passé et des établissements publics auxquels elle s'est substituée, au rang desquelles figure l'épineuse question des contractuels recrutés par l'EPBF et par la BN lors de la phase de préparation du projet.

Il convient de rappeler que l'EPBF puis la BNF elle-même ont été inscrits par décret sur une liste leur permettant de déroger à la règle selon laquelle les emplois permanents de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires. Au titre de cette dérogation limitée dans le temps, jusqu'à la mise en service des équipements, ont été recrutés des agents pour accomplir des missions de construction des bâtiments, d'aménagement et de constitution des collections. Depuis l'ouverture du site en octobre 1998, ces agents, aujourd'hui au nombre de 247, titulaires de contrats à durée indéterminée ou de contrats à durée déterminée de trois ans renouvelables, se trouvent dans une situation juridique fragile dans la mesure où la durée de leur contrat ne devait pas dépasser la durée de la dérogation dont ont bénéficié successivement l'EPBF et la BNF.

Par ailleurs, au cours des années 1990 et 1991, la BN a recruté quelque 300 agents contractuels pour mener à bien sur le site Richelieu des opérations, rendues nécessaires par l'ouverture des nouvelles installations du site Tolbiac (inventaire et transfert des collections, rattrapage de catalogue, conversions rétrospectives mais également accomplissement de certaines tâches administratives...). Ces agents, désormais au nombre d'une soixantaine, qualifiés de " contractuels chantiers " ont bénéficié de contrats de trois mois puis de six mois et enfin d'un an à partir de 1994, date de la fusion entre l'EPBF et la BN.

Depuis lors, leurs contrats sont renouvelés chaque année par avenants. Cette pratique qui a permis de manière contestable sur le plan juridique de substituer la BNF à la BN et à l'EPBF, a interdit toute évolution de leur situation en termes d'avancement comme de stabilité de l'emploi alors qu'ils effectuent désormais des tâches équivalentes à celles des titulaires : tâches de magasinage, gestion des bases de données, services aux lecteurs.

La BNF, en concertation avec l'autorité de tutelle, s'est attachée à régler la situation de ces deux catégories de personnels qui participent à la vie de l'établissement dans des conditions d'emploi très précaires. Le projet de loi de modernisation sociale (AN, n° 2415) comporte un article 22 qui, par dérogation au statut général des fonctionnaires de l'Etat, permet de fournir une base juridique au maintien des contrats de ces agents et de les intégrer dans les cadres normaux de gestion des personnels contractuels de l'établissement.

Au-delà de cette mesure de clarification des règles de la gestion des personnels, indispensable au regard de l'équité, votre mission a pu constater les efforts accomplis pour commencer à améliorer les conditions de travail des personnels , en particulier des magasiniers. Depuis la fin de la grève, des études ont été entreprises pour améliorer les arrières banques de salles, les modalités d'accréditation des membres du personnel qui doivent circuler dans les magasins ne relevant pas de leur service, le chauffage des locaux ou encore le suivi de la climatisation.

Les aménagements engagés à ce titre constituent autant de preuves de la volonté de l'établissement de prendre en compte les revendications de ses personnels.

III. UN PROJET QUI N'EST PAS ENCORE ACHEVÉ

Si l'on peut considérer, deux ans après son ouverture, que le site de Tolbiac est en état de marche et qu'il apporte un service aux lecteurs supérieur à celui offert par le site Richelieu, la BNF ne remplit pas encore l'ensemble des missions qui lui sont confiées par les textes.

Beaucoup d'entre elles sont encore en chantier. C'est le cas notamment de la mise en réseau avec les autres bibliothèques et les centres de recherche ou encore de la modernisation des collections spécialisées restées à Richelieu.

Si la nécessité d'assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement du site de Tolbiac demeure un impératif, il importe cependant de ne pas réduire l'administration de la première institution culturelle de France à la seule gestion du quotidien.

A. ASSURER LE BON FONCTIONNEMENT DU SITE DE TOLBIAC.

1. Achever l'informatisation

Le système informatique

En raison des retards pris dans sa réalisation comme de son ampleur, le système informatique de la BNF, qui constituait le coeur du projet de 1988, est encore loin d'être terminé.

La version V1 du système informatique reste encore à consolider.

En effet, toutes les fonctionnalités du système ne sont pas mises en oeuvre. Par ailleurs, le système n'apparaît pas encore totalement maîtrisé. A titre d'exemple, on relèvera que les modes de recherche bibliographique proposés aux lecteurs restent à affiner. Certains modes d'interrogation ne sont pas au point : si la recherche par auteur est, de l'aveu des lecteurs, opérationnelle, et celle par mot du sujet donne très souvent satisfaction, il semble que la recherche par mot du titre semble plus hasardeuse.

Par ailleurs, la recherche combinée qui permet d'employer d'autres critères donne encore de mauvais résultats. Les représentants des personnels ont souligné devant la mission la nécessité de résorber les différents " bogues " et dysfonctionnements du système informatique pour assurer une information bibliographique de qualité.

Depuis la résiliation du contrat passé avec Cap Gemini en juillet 1997, les ajustements nécessaires apportés aux fonctionnalités déjà en service comme l'installation des nouveaux aspects de la version V1 sont réalisés par les équipes de la BNF (service des systèmes d'information au sein de la direction des services et des réseaux), assistées par une assistance technique extérieure.

Par ailleurs, de nouveaux marchés de réalisation en cours de passation devraient permettre de mettre en place les versions V2 et V3.

Répondant aux interrogations du rapporteur sur ce point, l'administration de la BNF a indiqué que le coût de ces nouveaux marchés pourrait être financé grâce à la marge de manoeuvre dégagée sur le premier marché de réalisation. Il convient cependant de rester prudent sur cette hypothèse budgétaire dans la mesure où l'issue du contentieux opposant la BNF et la société Cap Gemini reste encore incertaine et où les montants des marchés de réalisation de la V2 et de la V3 ne sont pas connus.

En ce qui concerne la V1, les expertises techniques font apparaître qu'actuellement cette version est réalisée à 91 % ; les travaux techniques nécessaires pour achever sa réalisation devraient, selon les informations fournies par la BNF, s'étaler jusqu'à la fin de l'été 2001, soit un retard de près de 3 ans et demi.

Pour les versions V2 et V3, dont le contenu a été réexaminé et les spécifications, remises à niveau pour tenir compte des évolutions fonctionnelles ou techniques, leur mise à disposition pourrait s'effectuer par palier à partir de mi-2001 pour se terminer au cours du second semestre 2002, soit un retard, par rapport au programme arrêté par le maître d'oeuvre initial, de quatre ans pour la V2 et de trois ans pour la V3.

Sans revenir sur les chiffrages du coût du système informatique, il apparaît à l'évidence que le surcoût dont nul ne conteste l'existence, bien que son estimation exacte fasse l'objet de controverses entre le ministère de l'économie et des finances et la Cour des comptes, pèsera sur le budget courant de l'établissement.

Le catalogue

En dépit de sa richesse, le catalogue BN Opale Plus ne permet pas d'accéder à l'ensemble des fonds de la BNF.

Le chantier de la rétroconversion est donc loin d'être achevé.

L'objectif de fondre en un catalogue unique accessible en ligne la totalité des richesses de la BNF suppose en effet que soit intégré dans BN Opale Plus :

- les documents conservés par les collections spécialisées restées rue de Richelieu (cartes et plans, manuscrits...) signalés dans BN-Opaline et dans chacun des catalogues et fichiers des départements spécialisés ;

- la plupart des ouvrages en écritures non-latines dont les notices n'ont pas été translittérées en caractères latins ;

- les documents audiovisuels, signalés dans le catalogue des documents audiovisuels ;

- les imprimés numérisés ;

- et les collections des imprimés en libre accès.

Cette dispersion des catalogues complique l'accès aux collections, d'autant plus que certains d'entre eux ne sont pas encore accessibles sur internet ou sur support informatique. Elle suppose donc des lecteurs une bonne connaissance de l'organisation de la bibliothèque, même si les serveurs comme le site internet contiennent nombre d'informations précieuses pour orienter les lecteurs. Par ailleurs, elle ne permet pas de rentabiliser les possibilités de recherche offertes par BN Opale Plus, en en restreignant le champ.

En ce domaine, si l'essentiel a été fait, beaucoup reste donc à accomplir. Cela nécessitera un important et délicat travail de rétroconversion qui suppose d'ajuster les méthodes bibliographiques, souvent différentes d'un catalogue à l'autre. Cet objectif devra être atteint sans compliquer à outrance les modes de recherche déjà difficiles à maîtriser. Certains progrès techniques, envisageables à court terme, notamment dans le domaine des logiciels de reconnaissance de caractères, devraient permettre d'accélérer ce processus qui doit demeurer un objectif prioritaire de l'établissement : la réalisation d'un catalogue unique constitue un des moyens dont dispose la BNF pour maintenir la cohérence de ses différents sites. Là encore, l'enveloppe initiale étant soldée, les financements devront être trouvés sur le budget de l'établissement.

2. Ouvrir la bibliothèque

Les horaires d'ouverture

Le mouvement de grève d'octobre-novembre 1998 a abouti à modifier les horaires initialement prévus qui permettaient une ouverture 6 jours sur 7. Compte tenu des difficultés rencontrées dans le fonctionnement des salles réservées aux chercheurs, il a été décidé, dans le cadre du protocole de fin de grève, de les fermer deux jours consécutifs, le dimanche et le lundi.

Les horaires de la BNF sont désormais les suivants :

Sites Tolbiac François Mitterrand

Rez-de-jardin

- salle de la Réserve 17 ( * )

Haut de jardin

9 h - 20 h du mardi au samedi

9 h - 18 h

10 h - 20 h du mardi au samedi

12 h - 19 h le dimanche

Autres sites

Richelieu

Orientation des lecteurs

Estampes et photographies )

Manuscrits, division occidentale (

Monnaies, médailles et antiques )

Musique (

Cartes et plans )

Manuscrits, division orientale (

Arsenal )

Arts du spectacle (

Bibliothèque - musée de l'Opéra

9 h - 17 h du lundi au samedi

9 h - 18 h du lundi au vendredi

9 h - 17 h le samedi

10 h - 18 h du lundi au vendredi

10 h - 17 h le samedi

10 h - 17 h du lundi au samedi

La plage d'ouverture au public des salles du haut-de-jardin est comparable à celle en vigueur à la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou (BPI), soit 10 heures par jour sur six jours de la semaine, sauf pour le dimanche où Tolbiac ouvre durant 7 heures seulement, alors que la BPI accueille ce jour-là les lecteurs durant 11 heures. La différence essentielle entre ces deux bibliothèques réside dans les heures d'ouverture et de fermeture, l'ouverture en nocturne ayant été préférée et généralisée à la BPI.

En revanche, les horaires du rez-de-jardin constituent une des faiblesses du site de Tolbiac. En effet, l'amplitude des horaires y est inférieure à celle qui prévalait rue de Richelieu, 55 heures contre 63 heures 30 par semaine, et bien sûr inférieure à celle de la BPI.

Une enquête a été réalisée auprès du public pour tenter d'apprécier les souhaits des lecteurs actuels et potentiels concernant les jours et horaires d'ouverture de la bibliothèque de recherche.

Réalisée par le CREDOC entre juin et juillet 1999, l'enquête offrait aux lecteurs la solution d'exprimer un choix entre deux scénarios incluant le dimanche (ouverture avec service complet et avec service restreint) et deux scénarios limités aux jours de la semaine (soit ouverture du lundi au samedi, soit ouverture en semaine comprenant une nocturne et une ouverture partielle le lundi).

Les résultats de l'enquête ont fait apparaître une très nette préférence pour une ouverture du lundi au samedi parmi les usagers (43 % contre 20 %), les opinions étant plus partagées parmi les lecteurs potentiels. L'introduction d'une nocturne, qui recueille un tiers seulement des suffrages chez les usagers, reçoit un net soutien du public potentiel.

Parallèlement, la BNF a mené une étude interne sur les implications techniques des différents scénarios en termes humains et financiers. Les conclusions de cette étude montrent que l'ouverture de la bibliothèque le dimanche induirait un coût de fonctionnement supplémentaire élevé, et surtout un besoin additionnel en emplois important.

La solution de l'ouverture le dimanche est donc de loin la plus coûteuse et au surplus ne rencontre pas l'adhésion de la majorité des lecteurs.

La mission souligne donc l'intérêt de s'orienter vers une réouverture le lundi en rappelant qu'à l'origine c'est dans cette configuration que la bibliothèque de recherche devait fonctionner, seules les difficultés informatiques en ayant décidé autrement.

Les solutions apportées aux dysfonctionnements constatés à l'origine, en particulier la priorité donnée à la présence des personnels de bibliothèques en salles, compliquent à l'évidence le retour à la normale. Il semble à cet égard essentiel pour limiter les surcoûts d'une ouverture le lundi que le système informatique soit parfaitement maîtrisé, ce qui devrait permettre de retrouver les conditions d'un fonctionnement normal. Si cette condition n'est pas respectée, il y a fort à craindre que le coût budgétaire mais également social de l'ouverture du lundi soit très élevé. Votre mission a pu relever que le climat social au sein de l'établissement demeurait fragile : toute précipitation en la matière risque d'être contre-productive.

Accueillir le public

La BNF connaît aujourd'hui un réel succès auprès du public, succès bien peu souligné par une presse pourtant prompte à vilipender les erreurs initiales.

Le nombre de ses lecteurs va grandissant, provoquant des phénomènes de saturation qui risquent, s'ils perdurent, d'aboutir quatre ans après l'ouverture de la bibliothèque à la conclusion qu'elle a été sous-dimensionnée.

Les difficultés se posent avec plus d'acuité pour le rez-de-jardin que pour le haut-de-jardin.

En effet, le haut-de-jardin, pour lequel le phénomène est très sensible puisqu'il n'existe pas de procédure de réservation de places, connaît des pics d'affluence -en particulier le dimanche- qui se traduisent souvent en fin de matinée par des files d'attente importantes. On notera que la réouverture de la BPI n'a pas eu d'incidence significative sur cette situation.

Certes, il est regrettable que ces salles qui offrent une importante collection en libre-accès et des postes de consultation mutimédia permettant l'accès à internet se révèlent déjà trop exiguës. Cependant, il semble que ces salles soient fréquentées essentiellement par un lectorat étudiant qui utilise ces espaces comme des salles d'études. Par ailleurs, de l'aveu même des conservateurs, la salle de l'audiovisuel est considérée par beaucoup d'usagers comme le " cybercafé " le plus confortable de la capitale.

Il est permis de se demander si ces usages correspondent à la vocation du haut-de-jardin - mais également au coût par usager qu'il représente. A cet égard, on ne peut que souhaiter que les files d'attente découragent ceux qui peuvent trouver ailleurs les services qu'ils viennent chercher à Tolbiac. A l'évidence, l'insuffisance du réseau parisien des bibliothèques universitaires ne facilitera pas cette évolution pourtant nécessaire si l'on veut tenter d'élargir les publics de la BNF.

En ce qui concerne le rez-de-jardin, le risque de saturation, s'il est moins visible, n'en est pas moins réel.

En effet, le nombre de places réellement disponible est, en effet, moindre que ce que pourrait laisser à penser une visite rapide des espaces réservés aux chercheurs. En effet, les 1 900 places de ces salles ne peuvent accueillir simultanément 1 900 lecteurs. Toutes les places ne sont pas ouvertes : les carrels comme les salles de groupes pour les professeurs restent fermées. Par ailleurs, les places ne sont pas polyvalentes : il existe des places réservées à la recherche bibliographique, des places spécifiques pour consultation des grands formats, etc. De ce fait, la réservation d'une place par chercheur mobilise plus d'une place physique.

A cette configuration s'ajoutent les rigidités du service informatique : à l'heure actuelle, il n'est possible de réserver que pour la journée, ce qui conduit à mobiliser des places inutilement lorsque l'on sait que la durée moyenne de consultation est inférieure. La rotation des lecteurs qui, dans les salles du haut-de-jardin permet d'atteindre les 4 000 lecteurs certains jours, n'est pas encore possible dans les salles de recherche. Il semble donc essentiel de remédier dans des délais très brefs à cette situation qui aboutit à " stériliser " une partie des capacités du rez-de-jardin.

Au-delà d'une modification des paramètres des places qui n'offrira en tout état de cause qu'une marge de manoeuvre très faible, votre rapporteur souligne la nécessité d'assouplir la procédure informatique de réservation de places en ouvrant une possibilité de réservation à la demi-journée ; faute de pouvoir aménager la configuration des salles pour accroître les capacités d'accueil, cette solution demeure pour l'heure la seule envisageable.

Communiquer

Les difficultés rencontrées à l'ouverture des salles de recherche ont gravement nuit à l'image de la BNF dans l'opinion. Ce déficit d'images perdure : ainsi on ne peut que constater que le succès de Gallica n'occupe dans la presse pas plus de colonnes que la chute d'une grille de protection sur les rampes d'accès.

A cet égard, on regrettera que la création de la BNF n'ait pas permis d'infléchir les habitudes de communication de la BN.

Il est apparu en effet, au cours des auditions comme des visites effectuées par les membres de la mission que la BNF était réticente à mener une véritable politique de communication et à intensifier ses actions de diffusion culturelle.

En matière de communication, il apparaît clairement que la politique de communication pâtit encore des habitudes du site de Richelieu qui avait affaire à un électorat rodé et dont l'audience n'avait pas vocation à dépasser la communauté scientifique.

Cependant, qu'on le veuille ou non, les textes confèrent à la BNF des missions plus larges, et en particulier comme le prévoit l'article 2 du décret du 3 janvier 1994 d' " assurer l'accès du plus grand nombre aux collections ".

A cet égard, même s'il est légitime de concentrer les efforts de l'établissement sur les usagers, on regrettera l'insuffisance des moyens qu'il consacre à l'étude des publics et à la prospective en ce domaine.

De même, il apparaît nécessaire de renforcer l'information des lecteurs ; un effort en la matière ne peut qu'améliorer les conditions de travail des usagers et inciter le public à fréquenter la bibliothèque. Il semble pour le moins étonnant que la décision de modifier les horaires d'ouverture du rez-de-jardin n'ait pas fait l'objet d'une communication plus systématique auprès des lecteurs : les brochures remises aux membres de la commission lors de leur visite le 16 juin 1999 comportaient encore sur ce point des informations erronées.

En matière de diffusion culturelle, la timidité de la BNF est d'autant plus regrettable que les initiatives qu'elle a prises en ce domaine sont généralement couronnées de succès. Le site Gallica a su attirer les internautes ; les expositions organisées sur le site Tolbiac rencontrent un véritable succès tout en témoignant d'un niveau élevé d'exigence scientifique.

Les membres de la mission ont pu découvrir au cours des visites qu'ils ont effectuées la richesse des fonds patrimoniaux que renferment le quadrilatère Richelieu-Vivienne comme le site Tolbiac et apprécier, grâce à la disponibilité des conservateurs qu'ils tiennent ici à remercier, leur exceptionnelle étendue et diversité. Or, ces trésors mériteraient sans doute aussi d'être mieux connus du grand public de plus en plus attaché aux traces du passé, comme le prouve l'augmentation significative de la fréquentation des musées. A l'évidence, l'effort de mise en valeur des collections doit être intensifié. Cet axe de réflexion doit être également envisagé sous l'angle budgétaire comme un moyen d'accroître les ressources propres de l'établissement.

Par ailleurs, certains services -comme la communication de documents de substitution- pourraient voir leur fonctionnement amélioré. Il semble, en effet, qu'à la différence de la British Library, la BNF ait sur ce point des progrès à faire.

3. Améliorer les conditions de gestion

Le bon fonctionnement de la BNF à l'avenir dépendra, pour une large part, des solutions qui seront apportées aux difficultés qu'elles rencontrent dans sa gestion du personnel mais également du niveau des dotations aux amortissements dont elle bénéficiera.

La gestion du personnel

Au 31 décembre 1999, les effectifs de la BNF s'élevaient à 2 853 postes : 1 751 sur le budget de l'Etat et 484 sur le budget de l'établissement. A ces postes, s'ajoutent des personnels de régimes divers payés sur les crédits de l'établissement : 68 contractuels chantiers, 10 contrats emploi-solidarité et 540 vacataires.

Les effectifs au 15 juin 2000 se répartissent entre les différents sites de la manière suivante :

Sites

Effectifs

Tolbiac François Mitterrand

Richelieu

Arsenal

Opéra

Marne-la-Vallée

Provins

Sablé-sur-Sarthe

Avignon

Autres

2099

379

59

13

53

16

65

6

40

(Source : BNF)

La principale difficulté à laquelle est confrontée la BNF réside dans la diversité des statuts de ses personnels conjuguée à la part importante des agents non titulaires dans leur effectif global .

En effet, dans un même service travaillent souvent ensemble des personnels dont les perspectives de carrière et le niveau de rémunération diffèrent très sensiblement, sans pour autant que la nature des tâches attribuées à chacun puisse justifier ces distinctions. Comme l'ont fait observer les représentants des personnels entendus par la mission, cette situation ne favorise pas la naissance d'une culture d'établissement et génère des relations à l'employeur très différentes selon les catégories de personnel.

Les mesures prises dans le cadre de la circulaire précitée du 15 octobre 1999 constituent une première réponse pour remédier à la précarité de la situation des agents contractuels tout en limitant pour l'avenir leur recrutement. Cependant, si l'on peut se féliciter que les vacataires recrutés pour occuper des emplois permanents à temps incomplet bénéficient dorénavant d'un contrat de travail, cette mesure, qui va incontestablement dans le sens d'une réduction de la précarité ne permet pas de remédier au niveau manifestement insuffisant de certaines rémunérations et à l'absence de réelle perspective de carrière de ses agents.

Une autre difficulté à laquelle est confrontée la gestion du personnel tient dans l'absence de maîtrise de la direction de la BNF sur ses effectifs titulaires . En effet, la gestion centralisée par les ministères de la culture et de l'éducation nationale des personnels d'Etat affectés à la BNF constitue un facteur de lourdeur et de rigidité pour l'établissement, qui ne dispose en ce domaine que d'une latitude assez faible.

La BNF souffre au sein même de ses personnels d'une mauvaise image. Comme le note le Conseil supérieur des bibliothèques dans son rapport 1998-1999, " les demandes de mutation paraissent exprimer non pas comme on pourrait le penser, le souhait de mettre au service d'une collectivité, d'une université, d'un grand établissement, une première expérience réussie dans une institution innovante, mais une forme de dépit ". Cette difficulté concerne l'ensemble de la hiérarchie : on remarque que sont actuellement vacants des postes stratégiques (directeur du département des systèmes d'information, par exemple).

Les procédures de recrutement par voie de concours nationaux se révèlent très longues à mettre en place et relativement pénalisantes pour la BNF, dont la taille, la localisation parisienne et les horaires de travail, plus lourds que ceux des bibliothèques universitaires, n'encouragent pas les vocations.

Les procédures d'avancement échappent également à l'établissement, qui ne peut jouer qu'un rôle marginal.

A cette absence de maîtrise de la BNF sur ces corps, s'ajoute l'extrême complexité de leur organisation. La filière des bibliothèques comporte, depuis 1992, huit corps : de ce fait, les personnels sont en permanence en train de passer des concours ou de suivre des stages de formation ; par ailleurs, à chaque changement, joue l'obligation de mobilité.

Ces difficultés qui se retrouvent dans une moindre mesure pour les autres filières d'emplois (magasinage, filières administratives, ouvrières et techniques) aboutissent pour la BNF à devoir faire face à un déficit d'agents titulaires évalué pour 1999 par le ministère de la culture à 150 postes - alors même qu'elle dispose des ressources budgétaires correspondantes. Il s'agit là d'un handicap considérable pour un fonctionnement satisfaisant de l'établissement alors que dans le même temps les moyens de recruter des agents non-titulaires sont, à juste titre, plus sévèrement encadrés.

La direction de l'administration du ministère de la culture comme la direction du budget ont évoqué devant la mission la possibilité de remédier à cette difficulté que l'on retrouve au demeurant dans bon nombre de grands établissements publics, en inscrivant à leur budget l'ensemble des emplois budgétaires dont ils bénéficient et en créant des corps spécifiques à ces établissements.

Une telle réforme, au demeurant très lourde à mettre en place, permettrait certes à ces établissements de maîtriser totalement la gestion de leurs effectifs. Cependant, elle présente un inconvénient substantiel, supprimant la mobilité jusqu'ici obligatoire entre les différents établissements - sauf par la voie du détachement ou de la mise à disposition. Cet inconvénient serait particulièrement sensible à la BNF, établissement qui souffre déjà de l'absence de mobilité de ses cadres. Une bonne partie des personnels de la BNF font, en effet, toute leur carrière dans l'établissement, ce qui explique sans doute la tendance de cet établissement à " développer une attitude qui provoque l'isolationnisme ", pour reprendre les termes du rapport de M. Albert Poirot.

La solution réside sans doute dans des solutions plus modestes qui apparaissent en l'espèce plus adaptées : décentralisation vers l'établissement de l'organisation de concours, mise en place de commissions administratives paritaires locales.

Evaluer les dotations aux amortissements

L'amortissement des investissements consentis pour la réalisation de la BNF représente un enjeu majeur compte tenu du caractère sophistiqué des équipements dont sont dotés les sites nouveaux sur lesquels elle est implantée (Tolbiac-François Mitterrand, ateliers de conservation de Marne-la-Vallée) mais également de l'ampleur du système informatique, dont le haut niveau de performance constitue la clé du bon fonctionnement de la BNF.

Cependant, il apparaît, et votre rapporteur ne pourra le regretter, que l'estimation du montant des dotations aux amortissements indispensable pour assurer le renouvellement des équipements dans de bonnes conditions n'a pas encore fait l'objet d'un débat approfondi entre la BNF et le ministère de la culture.

Or, ces dotations doivent impérativement faire l'objet d'une planification rigoureuse faute de quoi apparaîtront rapidement des dysfonctionnements et des désordres non seulement préjudiciables au bon état de marche de l'institution, mais dont le coût sera d'autant plus élevé qu'on y remédiera tardivement. L'expérience montre, en effet, qu'il est de mauvaise politique de sous-estimer ce poste de dépenses et qu'à différer dans le temps un effort nécessaire on s'impose de devoir à terme consentir des sacrifices budgétaires plus lourds encore. L'ampleur des investissements consentis en l'espèce rend cette préoccupation plus légitime encore.

D'après les estimations fournies par la BNF, estimations qui ont été reprises par la Cour des comptes et qui n'ont pas été contestées par le ministère de l'économie et des finances, une dotation annuelle de 70 millions de francs serait à retenir sur le moyen terme afin de lisser les besoins de renouvellement du bâtiment et de ses équipements.

Cependant, cette première approximation ne tient pas compte des besoins liés au maintien en conditions opérationnelles du système informatique.

Les études réalisées par la BNF retiennent pour les logiciels le principe d'une provision annuelle d'un montant de 15 %, soit environ 20 millions de francs par an. En ce qui concerne les équipements, la provision aux amortissements nécessaire au maintien de leurs performances devrait connaître une montée en charge jusqu'en 2003 pour décroître ensuite selon le rythme suivant :

1 ère année

2 ème année

3 ème année

4 ème année

19,6

68,3

99,8

45,7

(en millions de francs)

Ce chiffrage prend comme hypothèse des durées d'amortissement différentes selon la nature des équipements : 5 ans pour les serveurs, 4 ans pour les progiciels et 3 ans pour les postes de travail.

Ces estimations font donc apparaître sur les cinq prochaines années un besoin de financement annuel de l'ordre de 70 millions de francs pour l'amortissement du système informatique.

Ces évaluations, si elles s'avèrent fondées et peu contestées pour le renouvellement du bâtiment et de ses équipements, devront sans doute être affinées une fois l'installation du système informatique achevée.

Cependant, les ordres de grandeur retenus semblent pertinents : les représentants du ministère de l'économie et des finances entendus par la mission ont fait état de chiffrages comparables.

On ne pourra donc que s'inquiéter du caractère manifestement insuffisant des dotations inscrites au budget de l'établissement, dont le montant est retracé dans le tableau suivant :

MONTANT DES DOTATIONS AUX AMORTISSEMENTS INSCRITES
AU BUDGET DE LA BNF DEPUIS 1997 (en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

2000

23

25

26

28

27

Ces dotations calculées par rapport à l'obsolescence réelle des équipements sont considérées comme satisfaisantes par le ministère de la culture interrogé sur ce point par la mission. Une telle attitude ne peut que laisser sceptique.

En ce domaine, une gestion plus avisée viserait sans doute à " lisser " les besoins de financement, et d'éviter de devoir faire face à moyen terme lorsque des dysfonctionnements apparaîtront à des investissements massifs qui exigeront un effort budgétaire important du ministère de la culture.

Sans vouloir jouer les Cassandre, que penser d'une politique qui consiste à attendre que le système de climatisation, essentiel à la sauvegarde des collections, soit définitivement hors d'usage pour songer au financement d'un nouveau système ? Le risque est grand, on le voit, de mettre en péril gravement le bon fonctionnement de la bibliothèque.

Votre mission estime donc nécessaire que l'autorité de tutelle évalue en concertation avec la BNF et le ministère de l'économie et des finances le montant souhaitable des dotations aux amortissements, qui, une fois fixé, pourrait être inscrit dans le contrat d'objectif au titre des engagements de l'Etat. Il s'agit là d'une question clé pour assurer la pérennité de l'investissement considérable consenti par la Nation.

B. MODERNISER SES MISSIONS TRADITIONNELLES

La BNF doit également, au-delà d'une gestion modernisée des collections des imprimés et des périodiques, assumer les missions traditionnellement dévolues à la Bibliothèque nationale. A ce titre, elle devra relever deux défis principaux : garantir l'avenir des collections spécialisées conservées dans les locaux de Richelieu et adapter les règles de gestion du dépôt légal aux nouvelles réalités économiques du secteur de l'édition.

1. Garantir l'avenir des collections spécialisées

La construction d'un bâtiment monumental sur les bords de Seine n'a pas eu pour effet de tirer un trait de plume sur la BN telle qu'elle existait avant le grand déménagement qui s'est étalé de 1997 à 1999.

En effet, l'opération de transfert, qui n'a porté que sur les collections des imprimés et des périodiques situées rue de Richelieu à Paris mais aussi à Versailles, Sablé et Provins, n'a pas concerné les collections dites spécialisées qui demeurent conservées dans le quadrilatère Vivienne, à la bibliothèque de l'Arsenal ou encore à l'Opéra Garnier.

Le tableau ci-dessous indique la répartition actuelle des collections de la BNF entre ces différents sites.

Site Richelieu

Cartes et Plans

Estampes et photographies

Manuscrits et xylographes

Monnaies, médailles et antiques

Musique

Livres, périodiques

890 000 documents cartographiques et globes

(y compris la Société de géographie)

12 000 000 images

225 000 volumes

520 000 pièces

1 700 000 pièces et recueils

2 700 000 volumes

Site François-Mitterrand/Tolbiac

Imprimés

en libre-accès

Périodiques

Microformes

Textes numérisés

Documents multimédia

Images fixes numérisées

Documents sonores

Vidéogrammes

fonds patrimoniaux : 10 000 000 volumes

400 000 volumes (800 000 à terme)

collections patrimoniales : 350 000 titres

dont 32 000 titres vivants français

et 8 500 titres vivants étrangers

76 000 microfilms ; 950 000 microfiches

100 000 ouvrages

28 000 documents

300 000 images documentaires

905 000 documents

62 000 documents

Site de l'Arsenal

Livres et périodiques

Manuscrits, estampes,

cartes, partitions musicales

Arts du spectacle

1 000 000 volumes

120 000 documents

1 900 000 manuscrits, documents

iconographiques, maquettes, costumes

Bibliothèque-musée de l'Opéra

Livres, périodiques et recueils d'imprimés

Documents spécialisés

130 000 documents

240 000 photographies, partitions, estampes,

programmes, maquettes de décors, costumes

Cette dispersion des collections sur plusieurs sites constitue une menace pour l'unité récente, et encore fragile, de la BNF.

A l'éclatement géographique, peu compatible avec la formation d'une culture d'établissement qui fait pourtant cruellement défaut à la nouvelle institution, s'ajoutent les risques induits par le déséquilibre de l'allocation des ressources budgétaires entre le bâtiment de Tolbiac, d'une part, et les implantations plus anciennes, d'autre part.

Lors de la visite du quadrilatère Richelieu qu'elle a effectuée le 10 mai dernier, la mission a été frappée par la vétusté des locaux comme par l'inestimable valeur patrimoniale des collections qu'ils renferment.

Si les collections musicales bénéficient de locaux qui satisfont aux normes actuelles, ce n'est pas le cas des manuscrits ou encore des cartes et plans. Les conditions de conservation souffrent de l'exiguïté des lieux mais également de l'absence de respect des normes de sécurité. Il suffira de relever que les installations électriques dans certaines parties du bâtiment fonctionnent en 110 volts pour mesurer l'ampleur des travaux de rénovation à accomplir dans les magasins.

Les personnels travaillent dans des conditions de fortune ; l'espace faisant défaut pour les bureaux, ils sont la plupart du temps installés dans les salles de lecture ou dans des couloirs. Les salles de lecture, si elles ne manquent pas de cachet, sont de dimensions réduites et n'offrent en aucun cas le même confort de lecture que celles de Tolbiac, même si les lecteurs leur demeurent fidèles. Le public de Richelieu n'a en effet guère changé, les collections spécialisées n'ayant pas connu l'afflux de nouveaux lecteurs qu'a connu le site François-Mitterrand/Tolbiac.

La question du sort des collections spécialisées a été posée dès l'annonce de la construction d'une nouvelle bibliothèque destinée à accueillir la majeure partie des collections de Richelieu.

Cependant, le projet, résolument tourné vers l'avenir, ne prévoyait pas les moyens nécessaires à la réhabilitation de départements pourtant en aussi piteux état que ceux des imprimés et périodiques : douze ans après son lancement, ce qui apparaît aujourd'hui comme un ambitieux et coûteux plan de rénovation de l'ancienne BN est de ce point de vue loin d'être achevé.

Le dossier n'a pourtant pas manqué d'être étudié : on citera les rapports de Mme Benhamou sur le projet de Bibliothèque nationale des arts et de M. Pierre Encrevé sur le projet d'Institut international d'histoire des arts ou encore le rapport du groupe de travail présidé par M. Philippe Bélaval sur l'avenir du site Richelieu-Vivienne, tous publiés en 1993.

Le site Richelieu Vivienne

Ce site est composé du quadrilatère bordé par les rues de Richelieu, sur laquelle s'ouvre la cour d'honneur, Colbert, Vivienne et des Petits-Champs, pour 60 000 m 2 de surface de plancher. Ce quadrilatère renferme à la fois les plus grandes richesses patrimoniales des collections de la BNF ainsi que des lieux de conservation et de communication, désormais vides : la salle Labrouste, la salle des périodiques, pour partie seulement, et le magasin central.

Il comprend également l'" annexe Vivienne ", pour 17 000 m 2 de surface de plancher, répartis autour des galeries Colbert et Vivienne. Cette annexe abritait des locaux à usage technique mais également une galerie marchande et un amphithéâtre.

Le projet de création d'un institut national d'histoire de l'art, désormais engagé, devrait permettre de trouver un usage aux locaux laissés vacants à la suite du déménagement des collections des imprimés et des périodiques tout en permettant théoriquement d'assurer le redéploiement des collections spécialisées.

Ce projet, né du constat de l'insuffisance de l'enseignement et de la recherche en histoire de l'art en France, a un caractère interdisciplinaire très marqué . Il devrait sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et de la communication et du ministère de l'éducation nationale fédérer en une seule institution des organismes de recherche et d'enseignement en histoire de l'art mais aussi des bibliothèques spécialisées.

Les principaux axes du projet visent :

- à accueillir, dans une partie des locaux de la rue de Richelieu (11.000 m² environ) des équipes d'enseignement de 3 ème cycle et des équipes de recherche de différentes universités (Paris I, Paris III, Paris IV, Paris VII, Paris VIII et Paris X) mais également de l'école des hautes études en sciences sociales, de l'école pratique des hautes études et de l'école du patrimoine ;

- à créer une iconothèque documentaire destinée à un public de chercheurs mais également à un public plus vaste ;

- et, enfin, à constituer une grande bibliothèque de référence d'environ 1 million de volumes, à partir notamment des fonds de la bibliothèque d'art et d'archéologie Jacques Doucet, de la bibliothèque des musées nationaux, de la bibliothèque de l'école nationale supérieure des beaux-arts et de la bibliothèque de l'école des chartes.

La création de cette bibliothèque, organisée autour de la salle Labrouste, s'accompagnerait d'une réorganisation des collections spécialisées autour de la salle ovale dite des périodiques.

Le coût de cette opération est estimé à 362 millions de francs , dont 188,4 pour le ministère de l'éducation nationale et 173,6 pour le ministère de la culture. Au sein de ce budget, 94 millions de francs sont affectés au redéploiement des départements spécialisés. S'y ajoutent 125 millions de francs pour la mise aux normes techniques des espaces dévolus à ces départements .

Ce projet constitue à l'évidence un moyen pour la BNF d'obtenir les crédits nécessaires pour mener à bien les travaux indispensables pour assurer aux collections spécialisées des conditions de conservation satisfaisantes en termes d'espace comme de respect des normes de sécurité. Il conviendra cependant d'en définir le contenu : il est à noter que la programmation ne comporte pour l'heure aucune précision sur la nature des travaux et équipements prévus pour la modernisation des départements spécialisés. Dans ces conditions, il est à craindre que si l'enveloppe globale s'avérait trop juste, la rénovation des salles de lecture et des magasins de ces départements nécessite un financement complémentaire sur le budget courant de la BNF ou plus simplement ne soit pas réalisée. Enfin, on relèvera que les opérations préalables à ces travaux n'ont pas été intégrées dans l'enveloppe budgétaire annoncée. Dans ces conditions, la modernisation n'est donc pas pour demain et risque de coûter plus cher que prévu à la BNF.

Au-delà de ces considérations budgétaires, ce projet suscite des interrogations sur l'avenir scientifique de ces collections. Votre rapporteur s'est inquiété à cet égard des possibilités de voir s'engager un processus aboutissant à long terme à ajouter à la césure géographique une césure institutionnelle résultant du transfert de ces départements de la BNF vers le futur Institut national d'histoire de l'art (INHA).

Les risques de " sécession " sont nombreux . Les personnels des départements spécialisés ne partagent pas les préoccupations ni les conditions de travail des agents de Tolbiac et n'ont encore que peu intégré les conséquences de la création d'un nouvel établissement succédant à la BN. Les méthodes de travail sont très profondément différentes de celles de Tolbiac, en raison notamment des retards de l'informatisation des collections, qui reste encore largement à mener.

Le tableau ci-dessous donne une aperçu de l'étendue des notices contenues dans la base BN-Opaline :

Documents

Nombre de notices bibliographiques

Dates de début

Cartes et plan

165.948

1987

Estampes et photographie

75.930

1988

Audiovisuel

381.417

1983

Musique

57.704

1991

Monnaies et médailles

18.036

1994

Arts du spectacle

6.143

1995

Cinéma

33.247

1998

Manuscrits 18 ( * )

-

-

(Source : BNF)

A cet égard, la force d'attraction qu'est susceptible d'exercer la nouvelle institution ne doit pas être négligée.

Sans remettre en cause la légitimité du projet du nouvel Institut auquel la BNF doit collaborer, notamment dans un souci de complémentarité des collections, votre mission souligne la nécessité de maintenir l'unité entre le site de Tolbiac et les départements spécialisés.

En effet, si leur caractère esthétique et patrimonial leur donne vocation à servir de support à des recherches ou à un enseignement d'histoire de l'art, leur valeur ne peut se réduire à cet usage, à l'évidence trop réducteur.

Comme le soulignait devant la mission Mme Jacqueline Sanson, directrice des collections de la BNF, la recherche doit pourvoir être conduite sur tous les sites. Ainsi, par exemple, les enluminures du Moyen âge n'ont pas vocation à intéresser le seul historien de l'art. Par ailleurs, beaucoup des fonds conservés à Richelieu n'intéressent que marginalement l'histoire de l'art, à l'image des cartes et des plans ; les séparer du patrimoine conservé à Tolbiac les priverait donc d'une grande partie de leur valeur scientifique.

Pour prévenir ce risque et réaffirmer la cohérence des collections, il convient notamment de mener dans des délais raisonnablement brefs la conversion rétrospective des fichiers de ces collections afin de les verser dans le catalogue BN Opale Plus, ce qui permettra de matérialiser l'unité des fonds de la BNF. Par ailleurs, il importe de veiller à préserver l'unité administrative entre un site moderne et des départements qui ne semblent pas à l'abri de la tentation d'un repli sur eux-mêmes. L'organisation actuelle des départements au sein de la direction des collections vise à faire prévaloir ce principe. Cependant, la plus grande vigilance s'impose. A cet égard, l'absence de véritable projet pour ces collections au sein de la BNF ne peut susciter des inquiétudes pour l'avenir. De ce point de vue, une politique plus dynamique de diffusion culturelle présenterait d'incontestables avantages.

2. Vers une meilleure gestion du dépôt légal ?

Source principale d'enrichissement des collections de la BNF, le dépôt légal mérite aujourd'hui d'être adapté afin d'intégrer les nouvelles réalités économiques du secteur de l'édition mais également d'assurer dans de meilleures conditions le partage documentaire au sein du réseau des bibliothèques publiques.

Instauré en 1537 par François Ier, supprimé sous la Révolution au nom de la liberté, rétabli en 1793 pour protéger la propriété littéraire, réorganisé en 1810 pour surveiller l'imprimerie, bouleversé en 1925 par l'introduction du double dépôt imprimeur/éditeur qui en a accru l'efficacité, le dépôt légal est aujourd'hui régi par la loi du 20 juin 1992.

Son champ s'est considérablement étendu puisque, limité à l'origine au livre, il s'étend désormais à la gravure, à la photographie, à la production audiovisuelle (films, disques, cassettes vidéo ou audio) et multimédia ainsi qu'aux bases de données et progiciels et à la production radiodiffusée et télévisée.

A cette extension progressive du champ de l'obligation de dépôt destiné à prendre en compte l'évolution des techniques, s'est ajouté l'essor de la production imprimée qui a abouti à une augmentation exponentielle des ouvrages déposés :

- en 1780, 390 ouvrages déposés ;

- en 1980, 12 414 ouvrages déposés ;

- en 1994, 47 000 ouvrages déposés ;

- en 1999, 55 000 ouvrages déposés.

Afin de faire face à cet afflux de documents, la loi n° 92-546 du 20 juin 1992, dans le souci d'une gestion plus efficace en a confié la responsabilité à divers organismes au rang desquels figurent au premier chef la BNF 19 ( * ) , mais également l'Institut national de l'audiovisuel (INA), pour les documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés, le Centre national de la cinématographie, pour l'ensemble des vidéogrammes sur support photochimique, et le ministère de l'intérieur, pour les livres, brochures et autres documents imprimés, à l'exception des périodiques.

Bien que, dans certains domaines, l'obligation de dépôt soit mal respectée -notamment pour la photographie- le dépôt légal constitue une source d'enrichissement irremplaçable : c'est, en effet, pour les livres et pour les périodiques, 6 exemplaires qui entrent de droit dans les collections de la BNF, 4 au titre du dépôt éditeur et 2 au titre du dépôt imprimeur.

Cependant, il apparaît que les modalités de gestion de cette obligation légale sont perfectibles.

S'agissant de la collecte, il convient de s'inquiéter des difficultés rencontrées par la BNF pour assurer le respect de l'obligation de dépôt . Comme le relevait M. Albert Poirot dans son rapport précité : " La difficulté d'assurer une collecte exhaustive pose, pour certains versements, la question du choix de critères d'acceptation ".

Tout en notant que cette difficulté ne concerne que des secteurs marginaux (auto-édition), on regrettera que la réflexion destinée à affiner ces critères n'ait pas encore abouti. Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que la collecte du dépôt légal permet d'élaborer la bibliographie nationale française qui permet d'établir le recensement du patrimoine documentaire national, mission considérable lorsque l'on sait que, pour les livres, près de la moitié de l'édition n'est enregistrée que par ce biais. Des critères plus systématiques de collecte permettraient sans doute de conduire cette tâche dans des conditions plus rigoureuses.

Par ailleurs, la mission ne peut que soutenir la réflexion engagée par la BNF sur la question du dépôt légal des sites internet. La loi de 1992 dans sa rédaction actuelle, dont les termes sont à la fois obsolètes et flous, permettrait d'assurer une collecte : en effet, l'article premier concerne les documents " quel que soit leur procédé technique, de production, d'édition ou de diffusion (...) dès lors qu'ils sont mis à la disposition d'un public ". Cependant, compte tenu de la nature par définition mouvante des sites, cette collecte ne pourrait avoir pour objet que d'assurer le dépôt de documents qui ne seraient diffusés qu'en ligne.

Il apparaît également que pourraient encore être nettement améliorées les modalités de répartition des exemplaires reçus par la BNF au titre du dépôt légal.

L'adoption de la loi de 1992 s'était déjà traduite par une réorganisation de la politique de coopération nationale menée par la BNF avec les bibliothèques françaises. La mise en oeuvre de nouvelles procédures d'attribution des exemplaires collectés devait permettre de renforcer l'aide apportée par l'institution nationale aux bibliothèques françaises en région.

Cette aide prend la forme en premier lieu du soutien financier accordé par la BNF aux centres régionaux de collecte chargés de recevoir les ouvrages et les périodiques imprimés dans leur ressort. Cette aide annuelle, versée dans le cadre de conventions signées entre la BNF et les centres régionaux s'est substituée au régime des vacations. Le montant de cette aide s'élevait en 2000 à 7 millions de francs.

Il conviendrait sans doute d'approfondir cette politique en élargissant les compétences de ces centres, notamment dans le domaine de la collecte de la presse quotidienne régionale.

Par ailleurs, avait été également aménagées les règles d'attribution des exemplaires reçus par la BNF au titre du dépôt légal. Ainsi, depuis 1997, deux des quatre exemplaires collectés par la BNF au titre du dépôt légal éditeur sont transmis, pour l'un, au ministère chargé de l'enseignement supérieur pour le réseau des bibliothèques universitaires, alors qu'un autre exemplaire, du moins lorsqu'il s'agit d'ouvrages édités en région, est envoyé aux bibliothèques en charge du dépôt légal d'imprimeur afin de constituer des fonds régionaux aussi exhaustifs que possible.

Ces règles si elles ont ouvert la voie du partage documentaire demeurent assez timides et ne permettent guère de faire bénéficier l'ensemble du réseau de lecture publique de cette source d'enrichissement des collections. En particulier, le réseau des bibliothèques universitaires n'en profite guère dans la mesure où les exemplaires transmis par la BNF au ministère de l'enseignement supérieur sont, dans la grande majorité des cas, versés dans les fonds des bibliothèques universitaires parisiennes qu'il s'agisse de Sainte-Geneviève ou de la Sorbonne.

Il conviendrait donc non seulement d'accroître le nombre d'exemplaires déposés au titre du dépôt légal reversés à d'autres bibliothèques mais également d'élaborer des règles qui permettent d'opérer un partage documentaire plus pertinent entre les différentes bibliothèques. Une telle politique suppose comme préalable de doter la BNF de moyens d'acquisitions stables et suffisants. En effet, les exemplaires des ouvrages reçus au titre du dépôt légal par la BNF constituent le support de la politique d'échanges qu'elle conduit afin d'enrichir ses collections.

Enfin, le dépôt légal doit s'adapter aux nouvelles réalités de l'édition, et en particulier aux progrès de la numérisation. A cet égard, la mission d'information s'est interrogée sur l'intérêt de recevoir aujourd'hui six exemplaires " papier " de chaque ouvrage ou périodique. S'il est tout à fait indispensable de continuer à recevoir la production imprimée sous cette forme, il apparaîtrait judicieux de faire bénéficier la BNF d'un exemplaire au moins sous forme numérisée, ce qui permettrait de lui éviter un travail à la fois fastidieux et coûteux de numérisation.

Cependant, si une telle évolution semble d'ores et déjà possible dans certains domaines, notamment celui de la documentation administrative, pour systématiser cette nouvelle forme de dépôt, il convient préalablement de résoudre les difficultés principales liées à la conservation des supports numériques ainsi que celles liées à la compatibilité des systèmes informatiques entre les éditeurs et la BNF. Les progrès techniques qui affecteront à l'avenir les procédés de photocomposition devraient permettre d'avancer en ce sens.

C. TIRER PARTI DE L'INVESTISSEMENT CONSENTI PAR LA NATION

1. Assurer la continuité des collections et leur conservation

Des objectifs ambitieux

Un des avantages -et non des moindres- du projet conçu en 1988 était de permettre une remise à niveau des collections de la BN, victimes d'une rigueur budgétaire qui avait contraint la prestigieuse institution à renoncer à ses ambitions encyclopédiques.

Les plus graves lacunes concernaient les domaines scientifiques et juridiques. A titre d'exemple, on citera Mme Sanson, directrice des collections de la BN, qui, interrogée sur ce point par la mission, a estimé que les collections de la BN en matière de médecine s'arrêtaient à 1920, ce qui laisse une idée du retard accumulé par la rue de Richelieu en ce domaine.

La volonté forte de renouer avec l'encyclopédisme et de remettre les collections au niveau de celles des grandes bibliothèques internationales se traduisait par une politique ambitieuse d'acquisitions d'ouvrages, notamment étrangers, dans tous les domaines du savoir.

Le programme mis en oeuvre en 1990 prévoyait la constitution, avant l'ouverture de la BNF alors envisagée pour 1995, d'un fonds de documents imprimés complémentaire de 420 000 ouvrages (monographies et périodiques), 12 000 cartes et 7 300 périodiques couvrant les besoins pour le public et les chercheurs. Ces achats étaient notamment destinés à l'ouverture des salles du haut-de-jardin.

Sur le plan budgétaire, il apparaît que le coût de cette remise à niveau des collections avait été largement sous-estimé : la part de l'enveloppe réservée à cet effet ne suffit plus, en effet, à financer le programme d'acquisition, dont la charge pèse désormais sur le budget courant de l'établissement.

Une politique qui se heurte à des limites budgétaires.

Le budget consacré chaque année par la BNF aux acquisitions constitue donc un enjeu fondamental dans la mesure où il conditionne le maintien de sa vocation encyclopédique . L'article 2 lui confère, en effet, la mission de " collecter, cataloguer, conserver et enrichir dans tous les champs de la connaissance, le patrimoine national dont elle a la garde. "

Or, il apparaît au regard des trois derniers exercices budgétaires que les crédits consacrés aux acquisitions constituent une variable d'ajustement dans un budget contraint.

En effet, il apparaît qu'à partir de 1999, exercice qui correspondait à la première année de montée en charge du coût de fonctionnement de la BNF, la dotation budgétaire consacrée aux acquisitions a enregistré une forte diminution que retrace le tableau suivant :

Année

Montant

1998

72

1999

53,1

2000

57,6

En dépit d'une légère progression pour l'exercice en cours, cette réduction des moyens s'est accompagnée de fait d'une révision des objectifs d'acquisition.

L'indispensable continuité du budget consacré aux périodiques, estimé à 11 millions de francs, conjugué au maintien à un bon niveau des acquisitions de CD-Rom et de documentation électronique conduit à réduire de manière significative les dotations destinées à l'achat de monographies. En 1999, ont été acquises 59 247 monographies, contre 68 076 en 1998, soit une diminution de l'ordre de 13 %.

Ces chiffres sont à comparer avec les objectifs fixés à l'origine du projet qui prévoyaient l'acquisition chaque année de près de 90 000 monographies. A titre de comparaison, la British Library acquiert chaque année environ 140 000 titres.

Ce constat est d'autant plus inquiétant que compte tenu de la réduction constante des tirages qui frappe désormais tous les secteurs de l'édition, les livres qui ne sont pas achetés aujourd'hui ne pourront pas être achetés demain.

Au-delà de la vocation encyclopédique de la nouvelle bibliothèque c'est la question du maintien à niveau de ses collections -et en particulier de ses collections en libre-accès qui se trouve posée. Ces dernières, très étendues par rapport à celles de Richelieu pour le rez-de-jardin et totalement nouvelles pour celles du haut-de-jardin, supposent d'être régulièrement remises à jour, faute de voir ces fonds constitués à grand frais devenir rapidement obsolètes. A cet égard, les restrictions budgétaires risquent à terme de remettre en cause la qualité scientifique des espaces de rez-de-jardin et d'obérer les politiques de diversification des publics du haut-de-jardin. Cela est d'autant plus regrettable que les volumétries fixées pour le libre-accès à l'origine ne sont toujours pas atteintes.

Par ailleurs, il convient de souligner la modestie des crédits consacrés aux acquisitions de documents audiovisuels, qui s'élèvent en moyenne sur les trois dernières années à environ 1,5 million de francs.

Les acquisitions patrimoniales pâtissent également de ces restrictions budgétaires, cela d'autant plus que le marché de l'art connaît une forte inflation. La BNF, confrontée en ce domaine à des difficultés comparables à celles des musées nationaux, tente de recourir au mécénat pour enrichir ses collections. A cet égard, on évoquera la souscription lancée auprès du public pour l'acquisition du manuscrit des Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand qui constitue une " première " pour une institution peu rodée à ce type d'opérations et qui, à la différence des musées, ne dispose pas de l'appui d'une société d'amis et ne bénéficie que dans une faible mesure des crédits du fonds du patrimoine.

La réduction des crédits d'acquisition touche le coeur même des missions de la BNF. Au regard de l'évolution des dotations au cours des trois dernières années, il convient de se demander si l'établissement peut grâce aux seules ressources de son budget financer un programme d'acquisition lui permettant de maintenir à niveau ses collections. En ce domaine, la BNF devrait bénéficier comme les musées d'une subvention spécifique du ministère de la culture qui pourrait être inscrite au chapitre 43-92 du titre IV du budget du ministère (commandes artistiques et achats d'oeuvres d'art). Cette subvention n'aurait pas vocation à se substituer aux dotations dégagées sur le budget de l'établissement mais permettrait de les compléter, notamment dans le domaine des acquisitions patrimoniales. Par ailleurs, cette modalité de financement permettrait au Parlement d'exercer un contrôle sur les ressources dont dispose la BNF pour assumer ses missions.

Assurer le catalogage et la conservation des collections

Assurer la pérennité des collections suppose également que leur catalogage et leur conservation s'effectuent dans des conditions satisfaisantes.

Le catalogage apparaît comme une mission fondamentale pour la tenue des collections : en effet, un livre qui n'est pas catalogué n'existe pas puisqu'à terme son existence ne sera pas signalée dans les catalogues. A cet égard, il importe donc d'opérer un traitement aussi rapide que possible des nouvelles entrées, qu'il s'agisse d'acquisitions ou d'ouvrages déposés au titre du dépôt légal.

Or, il apparaît que la BNF enregistre des retards dans l'exécution de cette mission. Ces retards, qui se manifestent au niveau des acquisitions essentiellement, sont imputables à la mauvaise qualité des outils informatiques actuels. Ces derniers, qui n'ont pu être remplacés à temps par la version V2 du système informatique, s'avèrent obsolètes et sujets à des pannes de plus en plus fréquentes qui viennent s'ajouter aux phénomènes d'engorgement saisonniers, compliquant grandement la tâche des agents. Dans certains domaines, comme celui des disques, ces difficultés aboutissent à une diminution des exigences scientifiques auxquelles obéit la tenue de la bibliographie. Par ailleurs, la priorité donnée dans l'organisation du travail au sein de la direction des collections à la présence en salle ne permet guère de remédier à ces difficultés ni de mobiliser avec suffisamment d'efficacité les effectifs affectés aux tâches de catalogage.

La conservation des ouvrages doit également faire l'objet d'une attention soutenue alors que, d'après les témoignages recueillis par la mission, le nombre de documents " non communicables ", c'est-à-dire qui ne peuvent être consultés, s'accroît.

En ce domaine, les difficultés auxquelles se heurte la BNF qui est dotée pour ces tâches d'équipements techniques performants résident dans l'insuffisance des effectifs affectés à ces tâches.

Pour mener à bien sa mission de conservation, la BNF a été dotée de deux équipements, l'un installé sur le site Tolbiac et le second à Bussy-Saint-Georges en Seine-et-Marne.

Le dimensionnement de ces ateliers a été fondé sur une enquête sur l'état physique des fonds publiée en 1990, qui faisait apparaître que sur les 2 600 000 volumes menacés par l'acidité, 1 600 000 devaient être traités de manière prioritaire. Par ailleurs, l'Inspection générale des finances avait, dans son rapport de 1996 20 ( * ) estimé pertinent de retenir un ratio de traitement annuel -en interne pour la maintenance et une partie de la reliure- de 3,5 % de l'ensemble des collections patrimoniales de Tolbiac, soit plus de 350 000 volumes, se répartissant au regard des problèmes de conservation en trois grandes catégories d'ampleur comparable : désacidification, reliure, entretien courant.

Les équipements des nouveaux sites sont, à l'exception de ceux destinés à la désacidification, performants et leur installation est désormais achevée. Or, la BNF ne dispose pas des personnel suffisants pour les faire fonctionner au plein de leurs capacités. Le déficit, au regard des objectifs internes d'activité, est de l'ordre d'une trentaine de postes. Ces postes permettraient d'améliorer les volumes traités et donc de rentabiliser l'investissement consenti en ce domaine.

On rappellera à ce titre que ces ateliers ont représenté une dépense de 47 millions de francs qui se répartit de la manière suivante :

- 19 millions de francs pour la microreproduction, photographie ou numérisation. En ce domaine, le déficit en maîtres ouvriers photographes limite la production à 3,3 millions de vues alors que les caméras de microreproduction permettraient d'atteindre 4 millions de vues ;

- 20 millions de francs pour les équipements de reliure ;

- 1,8 million de francs pour les installations de désinfection qui permettra de traiter 280 000 volumes par an et donc de contribuer au traitement des collections des bibliothèques municipales et universitaires ;

- et 6,3 millions de francs pour le laboratoire d'assistance technique.

Une sous-utilisation de ces installations contraindra la BNF à ralentir le rythme des opérations de sauvegarde de ses collections mais également à recourir à des partenaires extérieurs, ce qui aurait à l'évidence un coût.

Il n'est plus temps aujourd'hui de discuter de l'opportunité des choix opérés en ce domaine ; dans la mesure où les équipements existent, il convient de les utiliser.

Par ailleurs, le déficit d'effectifs a pour conséquence aujourd'hui d'affecter des personnels très spécialisés à des tâches répétitives mais urgentes dans le cadre desquelles ils ne trouvent pas à exercer leurs compétences, ce qui provoque parmi eux un sentiment de frustration compréhensible.

2. Mieux prendre en compte la nécessité de la mise en réseau

Une des ambitions de la bibliothèque annoncée en 1988 était, notamment grâce au recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, de mettre en réseau son patrimoine documentaire avec celui des différents pôles associés : bibliothèques universitaires, centres de recherche, ...

Le décret institutif du 3 janvier 1994 prévoit que la BNF qui a pour mission d'assurer l'accès au plus grand nombre aux collections, " coopère avec d'autres bibliothèques et centres de recherche et de documentation français ou étrangers, notamment dans le cadre des réseaux documentaires ", " participe à la mise en commun des ressources documentaires des bibliothèques françaises " et " permet la consultation à distance en utilisant les technologies les plus modernes de transmission de données ".

Cette politique de mise en réseau, qui justifiait également une implantation parisienne, se décline en trois axes :

- la constitution d'un catalogue collectif des ouvrages possédés par les principales bibliothèques françaises ;

- le partenariat avec d'autres bibliothèques pour des échanges de services ;

- et, enfin, une politique de numérisation permettant la télétransmission des documents.

Près d'une douzaine d'années plus tard, c'est sans doute cet aspect du projet qui apparaît le moins abouti : le catalogue collectif de France n'est qu'à l'état d'ébauche ; la politique des pôles associés doit à l'évidence être encore approfondie avec le souci d'un meilleur partage du patrimoine documentaire national et la politique de numérisation, qui rencontre un vif succès, reste à poursuivre.

C'est à l'évidence en ce domaine que la BNF doit dans les années à venir concentrer ses efforts.

La politique de mise en réseau, que la BNF devra conduire en collaboration avec le ministère de la culture mais également le ministère de l'éducation nationale, constitue une nécessité pour l'établissement qui n'est pas à l'abri de la tentation de se replier sur lui-même mais également pour les autres institutions. Il ne s'agit pas en ce domaine de déposséder la BNF de ses richesses mais d'assurer une plus grande complémentarité des collections dans l'intérêt de la recherche.

Le Catalogue collectif de France : une réalisation ébauchée .

Le catalogue collectif de France (CCF) devait constituer selon l'expression du président François Mitterrand le " langage commun de toutes les bibliothèques de France " .

Son élaboration supposait de collecter des notices bibliographiques informatisées auprès de bibliothèques municipales et de bibliothèques universitaires afin de les ajouter à celles du catalogue de la BNF.

Compte tenu des retards pris dans l'informatisation des catalogues des bibliothèques municipales et universitaires, cette collecte devait s'accompagner d'opérations importantes de conversion rétrospective. S'agissant des bibliothèques municipales, un plan a été élaboré avec la direction du livre et de la lecture du ministère de la culture afin d'assurer l'informatisation des fonds anciens (antérieurs à 1811). Il s'est traduit par l'aide apportée par la BNF à 55 bibliothèques municipales. En ce qui concerne les bibliothèques de l'enseignement supérieur, la BNF a apporté son soutien financier à la réalisation du " système universitaire " qui constitue leur catalogue collectif propre. Ce système concerne l'ensemble des bibliothèques universitaires qui possèdent plus de 200 000 volumes ou qui assurent la mission de centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique (CADIST). Le montant de l'aide apportée par la BNF à ces opérations, somme toute assez modeste au regard de l'enveloppe initiale, s'élevait à 50,7 millions de francs, soit 42,1 millions de francs pour les bibliothèques municipales et 8,6 millions de francs pour les bibliothèques universitaires.

Au-delà de l'aide apportée à ces opérations de conversion rétrospective, la BNF a en charge la maîtrise d'ouvrage du système informatique sur lequel repose le CCF. En ce domaine, le retard accumulé par la BNF est considérable : en 1992, était envisagée une mise en service dès 1995 de ce catalogue avec 6 millions de notices provenant des différents réseaux des bibliothèques françaises ; aujourd'hui, seul est disponible le répertoire national des bibliothèques et centres de documentation qui constitue un descriptif des établissements et de leurs fonds 21 ( * ) .

La raison principale de ce retard réside là encore dans les difficultés rencontrées dans la réalisation du système informatique . La Cour des comptes note à ce propos que " malgré la complexité du projet, on ne peut que relever la longueur exceptionnelle de la durée des études qu'il a demandées et les difficultés rencontrées dans l'attribution de sa conception et de sa réalisation " . En effet, le CCF a donné lieu à cinq années d'études préalables, depuis les travaux commandés en avril 1989 à une société de consultants jusqu'à la réalisation d'un schéma directeur opérationnel. La phase de conception, lancée en juin 1994, par la publication d'un appel public à la concurrence, a été interrompue en février 1995 par une déclaration d'infructuosité en raison de l'indisponibilité du responsable du projet. Relancé en janvier 1996, l'appel d'offres sur performances a enfin débouché en juin 1997.

Au-delà de ces péripéties, il apparaît que la réalisation du CCF ait pâti de la mobilisation des équipes de l'EPBF puis de la BNF autour de la construction du bâtiment puis de l'ouverture des salles de lecture. A l'évidence, elle ne constituait pas - et ne constitue pas encore- une priorité de l'établissement.

D'ici octobre 2000, l'outil informatique de localisation permettant de consulter par un point d'accès unique le catalogue BNF, les fonds anciens des bibliothèques municipales et les catalogues des bibliothèques universitaires via le système universitaire devrait être accessible au public ainsi que les procédures d'accès aux systèmes de fournitures de documents des partenaires.

Il s'agira là d'un progrès incontestable permettant enfin de donner consistance au projet de CCF.

Le CCF constitue un atout pour la recherche française en permettant d'assurer l'unité du patrimoine documentaire national. La mise en commun de l'ensemble des fonds du réseau des bibliothèques françaises devrait favoriser une meilleure exploitation des collections, qui sont pour la plupart complémentaires : les opérations de conversion rétrospective conduites à la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg ont révélé que moins de 30 % des ouvrages qu'elle possédait étaient également présents dans les collections de la BNF.

Dans cette perspective, il convient de poursuivre de manière systématique la conversion des fonds des bibliothèques municipales et universitaires associés à la BNF mais également d'étendre le champ de ces collaborations dans un souci d'exhaustivité.

La réalisation du CCF doit également créer les conditions d'une meilleure gestion des collections. Il serait souhaitable que le CCF permette d'indiquer les documents conservés sous une forme numérisée ou sur microformes afin d'éviter la production de doublons et de favoriser une politique concertée en ce domaine avec les établissements en régions, notamment avec le souci de favoriser le prêt de documents à distance.

Les pôles associés : une politique alibi ?

Les pôles associés devaient constituer les piliers du réseau de la BNF en province.

Force est de constater que la notion de pôle associé n'a jamais véritablement été définie.

Le rapport annuel de l'EPBF pour l'année 1992, décrivait les futurs " pôles associés " comme " des ensembles documentaires organisés autour d'un site géographique cohérent, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, s'efforçant de développer une spécialisation en renforçant ses collections en harmonie avec celles de la Bibliothèque de France ", tout en soulignant la nécessité de définir avec plus de précision cette notion !

Au fur et à mesure, la BNF a noué des collaborations plus ou moins formalisées et plus ou moins étroites avec différents établissements en région sans pour autant préciser les critères permettant d'identifier les institutions ayant vocation à devenir des pôles associés.

Le fait pour une bibliothèque de bénéficier de l'appui de la BNF pour des opérations de conversion rétrospective ou encore d'être centre régional de collecte du dépôt légal imprimeur ne lui confère pas automatiquement le statut de pôle associé, ce dernier résultant d'avantage de l'existence de collections spécifiques et d'une volonté locale de les développer.

Aujourd'hui, les pôles qui ont signé des conventions de partage documentaire sont au nombre de 15 en régions et de 23, en Ile-de-France. Ces conventions ont pour objet d'encadrer le partage des acquisitions dans une perspective de complémentarité des collections et se traduisent par une aide aux acquisitions versée par la BNF. La plupart du temps, la BNF recevant par le dépôt légal les publications en langue française, les pôles associés s'engagent sur ces crédits à acheter des ouvrages en langues étrangères, à les traiter (catalogage et mise en ligne de la notice bibliographique) ainsi qu'à les fournir à distance (prêt ou reproduction).

Pour l'année 2000, les sommes consacrées à ces pôles s'élèvent à 7,4 millions de francs, ce qui représente pour chacun d'entre eux une subvention d'environ 263 000 francs par an. Rapportées à l'importance du budget de la BNF, ces sommes frappent par leur modestie, même si, pour les institutions qui en bénéficient elles apparaissent comme un soutien bienvenu, soutien qui pour celles qui ont le statut de CADIST vient s'ajouter aux crédits versés par le ministère de l'enseignement supérieur.

La mission d'information dans le cadre de deux déplacements en province, l'un à Poitiers et l'autre à Strasbourg, a pu apprécier les modalités de collaboration entre la BNF et les pôles associés.

Le pôle de partage documentaire de Poitiers axé sur l'histoire médiévale regroupe la bibliothèque municipale de Poitiers, la bibliothèque universitaire de Poitiers, le centre d'études supérieures de civilisation médiévale qui dépend du CNRS ainsi que le service régional de l'inventaire. S'agissant du pôle de Strasbourg, spécialisé en matière de sciences religieuses et de documentation germanique, la collaboration avec la BNF s'articule autour d'une seule institution, la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg.

Domaine de coopération du pôle associé de Poitiers

Avec l'aide de la Bibliothèque nationale de France, le pôle associé de Poitiers renforce et développe ses collections dans le domaine de la civilisation médiévale, et, en particulier, dans les disciplines et sous-disciplines suivantes :

• Littératures médiévales occidentales du Vème au XVème siècles : il s'agit en particulier des littératures anglo-saxonnes et germaniques (y compris scandinaves), et des littératures byzantines et slaves. Les acquisitions concernent les sources, leurs traductions et leurs éditions critiques.

• Histoire monastique, et, en particulier, histoire des établissements monastiques en Europe occidentale du Vème au XVème siècles. Les acquisitions concernent, en priorité, les sources (et, notamment, les cartulaires).

• Art médiéval et patrimoine français du Vème au XVème siècles, dans les disciplines suivantes : architecture, sculpture, peinture, arts appliqués (en particulier, orfèvrerie et mobilier).

Les acquisitions sur ce thème peuvent concerner des monographies, des microformes, des documents audiovisuels ou des éditions électroniques.

•  Plus généralement, les sources et éditions de textes dans les disciplines suivantes : histoire politique, institutionnelle, économique, sociale, rurale, urbaine, intellectuelle.

Les acquisitions concernent, par exemple, les documents comptables, les documents nécrologiques, les documents diplomatiques, les correspondances, etc...

Domaine de coopération du pôle associé de Strasbourg

Avec l'aide de la Bibliothèque nationale de France, le pôle associé de Strasbourg renforce et développe ses collections dans les domaines suivants :

• Dans le domaine des sciences religieuses, en particulier par des acquisitions courantes et rétrospectives dans les disciplines et sous-disciplines suivantes :

- christianisme (protestantisme en particulier),

- études bibliques et religions antiques,

- islam,

- judaïsme.

L'acquisition de publications étrangères en série (collections, périodiques) se fait en concertation avec la BNF.

• Dans le domaine de l'aire culturelle germanique, en particulier par des acquisitions courantes et rétrospectives dans les disciplines et sous-disciplines suivantes :

- langues et littératures germaniques,

- civilisation germanique.

Ces deux pôles ont été choisis par la mission dans la mesure où les institutions qui y participaient bénéficiaient d'une expérience relativement ancienne de la collaboration avec la BNF, ayant signé une convention avec celle-ci dès 1994.

La politique des pôles associés relève d'une conception très restrictive de la notion de partage documentaire. Contrairement à ce qui aurait pu être imaginé, il ne s'agit pas de développer des pôles thématiques d'excellence en régions auxquels la BNF pourrait faire appel mais plus simplement de favoriser l'enrichissement des fonds en régions en complémentarité avec ceux de la BNF. Ainsi, ces institutions ont vocation dans leurs domaines, non pas de se substituer à la BNF, mais à compléter ses collections. En effet, les conventions passées avec les pôles associés ont pour objet de leur permettre d'acquérir des ouvrages à la place de la BNF.

Le souci d'enrichir les fonds locaux, certes louable, ne s'accompagne donc pas d'une redistribution du patrimoine de la BNF. S'il apparaît difficile de déconcentrer les fonds anciens de la BNF, il aurait été toutefois envisageable d'opérer un partage thématique des nouvelles entrées, notamment grâce à une utilisation plus pertinente des ouvrages déposés au titre du dépôt légal afin de faire bénéficier plus systématiquement les bibliothèques de province de cette voie d'enrichissement peu coûteuse. Or, pour l'heure, au-delà des avancées consenties en matière de gestion du dépôt légal imprimeur régional, cette solution n'a pas été véritablement étudiée. Il apparaît en effet, notamment, que s'agissant des bibliothèques universitaires, le nombre d'exemplaires d'ouvrages remis au ministère de l'enseignement supérieur ne permet pas de mettre en place une politique systématique en ce sens.

Par ailleurs, les relations entre la BNF et ses partenaires semblent perfectibles dans le domaine limité qu'elles couvrent. Les membres de la mission ont retiré des entretiens qu'ils ont pu avoir avec les responsables des pôles associés qu'au-delà du versement de l'aide aux acquisitions, la BNF était peu soucieuse d'approfondir les collaborations scientifiques pourtant nécessaires pour donner tout son sens à une politique de mise en réseau.

Les contacts entre le personnels de la BNF et ceux des pôles sont peu fréquents et se réduisent pour l'essentiel à la tenue d'une réunion annuelle ; cela ne favorise pas, à l'évidence, l'approfondissement des relations de coopération que les pôles appellent pourtant de leurs voeux. Ainsi, il apparaît notamment que la gestion des acquisitions pourrait être améliorée grâce à une meilleure prise en compte par la BNF des pôles associés : il pourrait, par exemple, être opportun de leur permettre d'accéder au système informatique de la BNF. Les pôles ne profitent que peu de l'expertise technique de la BNF dont tous pourtant s'accordent à reconnaître l'excellence.

En ce domaine, il apparaît que la BNF, héritière de la BN, n'ait encore que peu pris conscience de ses obligations.

A sa décharge, il convient toutefois de souligner qu'elle ne pourra, à elle seule, conduire une politique de partage documentaire permettant aux bibliothèques en région de tirer parti de la richesse de leurs collections . Une telle politique suppose, au-delà de l'expression de volontés locales et d'un engagement plus net de la BNF, la mise en place d'un véritable schéma national. Son élaboration suppose une réflexion commune au ministère de la culture, à qui appartient la tutelle de la BNF et qui exerce le contrôle scientifique sur les bibliothèques des collectivités locales, et au ministère de l'éducation nationale, qui a en charge le réseau des bibliothèques universitaires.

D'ores et déjà, la politique des pôles associés se heurte au partage des compétences entre ces deux ministères. En effet, si la carte des pôles associés coïncide avec celle des CADIST 22 ( * ) , l'aide aux acquisitions versée par la BNF trouve ses limites dans le fait qu'elle ne s'accompagne pas, de la part du ministère de l'éducation nationale, du soutien en moyens budgétaires et en personnels correspondants. Les pôles se retrouvent donc de ce fait dans la situation paradoxale où ils peuvent acheter des livres mais ne peuvent ni les conserver dans de bonnes conditions ni les cataloguer.

L'exemple de la bibliothèque de Strasbourg est à cet égard éclatant : la BNF aide cette institution à compléter des fonds alors que cette dernière ne dispose ni des crédits d'investissement lui permettant de remédier à des conditions de conservation plus que périlleuses sur le plan du respect des normes élémentaires de sécurité, ni des moyens de fonctionnement nécessaires pour valoriser des collections d'une qualité incontestable.

On touche là à une des limites de la mission de mise en réseau confiée à la BNF par ses statuts.

A l'heure actuelle, le réseau des pôles associés frappe par le déséquilibre qui existe entre la BNF et ses différents correspondants, déséquilibre qui condamne les échanges à ne pouvoir jouer que dans un seul sens, de Paris vers la province.

L'effort consenti par la Nation pour la BNF -aussi important soit-il- ne peut suffire à remédier à l'ensemble des déficits accumulés en ce domaine par la France et notamment pallier aux insuffisances des bibliothèques universitaires. Ces insuffisances, soulignées par le rapport Miquel de 1989 23 ( * ) , demeurent d'actualité même s'il convient de souligner les premiers résultats de l'effort budgétaire réalisé à partir de 1992.

De 1992 à 1997, le budget global des bibliothèques universitaires (personnels et fonctionnement) a crû de 48,9 % et s'est traduit par une nette augmentation des ressources documentaires : les bibliothèques universitaires qui disposaient de 18 millions d'ouvrages en 1981 en conservent désormais 25 millions pour les seules ressources documentaires traditionnelles. Depuis 1990, un effort de créations d'emplois leur a permis de disposer de 1500 postes nouveaux, ce qui a permis d'allonger les horaires moyens d'ouverture, désormais de 54 heures contre 40 heures en 1988.

Cependant, les capacités d'accueil des bibliothèques universitaires se sont dégradées, compte tenu de l'explosion de la population étudiante, et s'avèrent être en deçà des normes en usage dans les autres bibliothèques européennes. Par ailleurs, le renchérissement des ressources documentaires, qu'elles soient ou non numériques, impose aux bibliothèques universitaires un effort d'investissement important.

Au-delà, l'autonomie accordée aux universités par la loi de 1984, si elle a favorisé la création de centres de documentation de proximité, n'a guère permis de prendre en compte les besoins des bibliothèques les plus importantes qui bénéficiaient d'une vocation interuniversitaire.

Comme le note le Conseil supérieur des bibliothèques dans son rapport pour les années 1998-1999, cette situation revient à " accepter l'idée que les rares collections d'un million de volumes et plus qui existent sont d'une taille trop importante pour notre enseignement supérieur et pour la recherche ". Cela serait d'autant plus dommageable que la France ne compte que peu de bibliothèques présentant des fonds dont l'ampleur est comparable à ceux des bibliothèques universitaires allemandes ou anglaises, ou encore américaines. Cette lacune a été au demeurant relevé par M. Emmanuel Le Roy Ladurie qui, devant la mission, a souligné la nécessité d'accroître les fonds des grandes bibliothèques de province afin de pouvoir compter sur un réseau en région d'institutions dotées de collections comptant entre 5 et 6 millions de volumes.

A cet égard, la situation faite à la BNUS ou encore aux bibliothèques de Cujas et de la Sorbonne ne peut qu'obérer les efforts pour mettre en place un véritable réseau documentaire national.

La bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg

Créée en 1871 sous l'occupation allemande, cette bibliothèque était à la fois au service de l'université impériale et à l'usage des particuliers comme bibliothèque du Land.

Bénéficiant de la volonté des Allemands d'en faire une institution exemplaire, la bibliothèque a été dotée de collections très étendues et très riches durant cette période. En 1918, elle figurait à la troisième place des bibliothèques allemandes.

En 1918, elle est devenue établissement public national à caractère administratif et a reçu en 1926 le titre de bibliothèque nationale et universitaire en raison de son histoire et de l'ampleur de ses collections qui comptaient alors plus d'un million de volumes et atteignent à présent 3 millions de volumes. Sa vocation universitaire a alors prédominé. L'expansion de l'enseignement supérieur des années 1960 rendit nécessaire la construction de sections hors du site central et le transfert sur le campus des collections de médecine et de sciences en 1964 et 1968.

En 1992, une nouvelle organisation documentaire a été mise en place, les universités se dotant alors de leurs propres services de documentation. Dans ce nouveau cadre, la BNUS, confirmée dans son rôle de bibliothèque générale encyclopédique et de recherche, contribue à la desserte documentaire des universités strasbourgeoises tout en développant des collections de recherche d'intérêt national et régional comme des domaines d'excellence -aire culturelle germanique et sciences religieuses- en qualité de CADIST et de pôle associé, questions européennes, fonds asiatiques. Elle est également chargée du dépôt légal d'imprimeur.

Le projet d'établissement élaboré dans le cadre de la nouvelle organisation de la BNUS a mis l'accent sur la dimension nationale de la BNUS. Dans la mesure où les universités de Strasbourg sont amenées de plus en plus à prendre directement en charge leurs besoins documentaires dans une politique de proximité.

Parmi les quatre domaines qui doivent être développés dans cette perspective, figurent : les sciences religieuses et la germanistique dotées par l'Etat au titre des CADIST, les fonds asiatiques soutenus par les collectivités alsaciennes et enfin les questions européennes.

Par ailleurs, le projet d'établissement comporte un volet patrimonial important en raison de la richesse des fonds historiques de la BNUS : montée en puissance de l'atelier régional de restauration ; programme de sauvegarde de documents, en particulier dans le domaine de la production éditoriale régionale.

Le projet d'établissement comporte également un volet partenariat, notamment avec la BNF.

Le volet service public du projet d'établissement vise à améliorer les conditions de travail des usagers autant que le permettent des bâtiments qui arrivent à leur seuil de saturation.

Les différents objectifs fixés par le projet d'établissement se heurtent aux limites des bâtiments actuels en terme de stockage des collections et d'accueil des lecteurs.

Les études de préprogrammation ont abouti au constat qu'aucune intervention sur les bâtiments n'était plus possible pour remédier à la saturation des magasins et aux dysfonctionnements actuels, le coût de ces interventions (425 millions de francs) étant disproportionné aux résultats très limités qu'elles procureraient.

La solution réside aujourd'hui dans un un programme de construction .

Une mission de préprogrammation a été mise en place afin de préciser les objectifs à atteindre.

Avec le concours d'un comité de pilotage composé de représentants des collectivités et des universités de Strasbourg ainsi que d'experts, l'étude a défini et hiérarchisé huit objectifs à atteindre pour la nouvelle organisation fonctionnelle et spatiale de la BNUS : introduire le libre-accès, accroissement des capacités de stockage pour accueillir les acquisitions sur 20 ans, accueil des chercheurs, traitement et conservation des collections patrimoniales, développement des actions d'animation culturelle, remédier à l'éclatement des fonctions, amélioration des capacités d'accueil (augmenter de 760 à 500 le nombre de places de lecture, faciliter la flexibilité de l'accueil avec des horaires d'ouverture plus étendus), stockage de fonds rares et anciens provenant des universités.

Compte tenu de ces objectifs, le besoin d'accroissement par rapport à l'existant (16 253 m2) est de 10 000 m 2 .

Le coût des travaux pour une construction neuve s'élèverait à environ 432 millions de francs. Ce coût et la pertinence de l'opération ont été confirmés par une expertise ultérieure réalisée à la demande de la région Alsace.

Ce projet n'a pas été retenu par le contrat de plan en dépit du péril que représente pour les collections l'actuel bâtiment, péril qui a pourtant été souligné par le Conseil supérieur des bibliothèques.

Une mission de l'Inspection générale des bibliothèques et de l'Inspection générale de l'administration du ministère de l'enseignement supérieur a été mandatée pour examiner ces projets de restructuration. Cette mission devrait se poursuivre par une concertation avec les collectivités locales.

La question de l'avenir de la BNUS est aujourd'hui clairement posée. En dépit de l'urgence, la question reste en suspens. Les contrats de plan successifs n'ont pas permis d'apporter une réponse aux difficultés auxquelles se heurte cet établissement en matière de conservation des collections, de sécurité des installations ou de l'utilisation rationnelle des fonds.

La mise en oeuvre du plan de restructuration de la BNUS permettrait de faire figure d'expérience pilote dans la création d'un réseau de bibliothèques de taille intermédiaire.

Poursuivre la politique de numérisation

En dépit des retards accumulés, la politique de numérisation engagée par le BNF semble désormais sur les rails comme le prouve le succès rencontré par le serveur Gallica 2000.

Cette politique conjuguée à la mise en ligne du catalogue BN-Opale Plus, apparaît aujourd'hui comme un enjeu essentiel dans la mesure où la généralisation du recours à internet conduit à la situation où les fonds qui ne figurent pas sur les sites accessibles au public perdent une partie de leur valeur scientifique. A cet égard, on ne peut que se réjouir du souci de la BNF de se situer en ce domaine dans le peloton de tête des grandes institutions internationales.

La conception qui a présidé à la création des collections numérisées était inspirée par la volonté de créer une bibliothèque encyclopédique virtuelle de la culture française qui dans l'ensemble des domaines de la connaissance mettent en valeur la culture française.

Il s'agissait donc de créer de toutes pièces une nouvelle bibliothèque et non pas de dupliquer sous forme numérisée les fonds de la BNF, tâche titanesque lorsque l'on sait que depuis 1990, seuls 50 000 ouvrages ont été numérisés, ce qui ne représente que 0,3 % des collections conservées sur le site de Tolbiac.

Les politiques de numérisation conduites par des institutions comparables à la BNF relèvent du même esprit. Ainsi, la bibliothèque du Congrès américain a choisi de mettre en ligne des fonds retraçant l'histoire des Etats-Unis (programme " American memory ") qui présentent essentiellement des collections peu accessibles et rares.

La politique de numérisation, désormais financée sur le budget courant de l'établissement, bénéficie de crédits de l'ordre de 5 millions de francs par an, contre 10 millions durant la période couverte par l'enveloppe initiale. Ces crédits permettent de numériser chaque année environ 10 000 ouvrages et 20 000 images.

La poursuite de cette politique soulève plusieurs interrogations.

La bibliothèque encyclopédique projetée ne pourra être véritablement aboutie que si celle-ci offre des ressources actualisées et donne accès à des fonds récents, faute de quoi elle risque d'être réduite à un rôle de vitrine patrimoniale dont l'utilité pourrait être remise en cause. Or, la mise en ligne de tels documents se heurte aux limites inhérentes aux obligations pesant sur la BNF au titre des droits d'auteur.

En effet, les ouvrages non libres de droit, c'est-à-dire ceux dont les auteurs sont morts depuis moins de soixante-dix ans, s'ils peuvent être numérisés, ne peuvent être mis en ligne. Cet obstacle a pour conséquence que 40 % des ouvrages numérisés de la BNF sont incommunicables par ce biais et empêche de ce fait de dépasser la vocation essentiellement patrimoniale des collections mises à disposition sur internet.

Si des accords ponctuels sont en négociation avec quelques éditeurs, l'introduction en nombre important de documents non libres de droits suppose que soit élaborée une base juridique claire. A cet égard, il serait souhaitable que la concertation engagée par le ministre de la culture entre les représentants des éditeurs et des bibliothécaires à l'occasion des difficultés soulevées par le droit de prêt puisse permettre d'aboutir à une solution équilibrée permettant d'élargir le champ de la bibliothèque numérique.

A cet égard, il conviendrait d'envisager les conditions d'un accès payant des internautes aux ressources numérisées. Une telle solution ne doit pas être exclue par principe ; il importe d'en explorer les modalités éventuelles.

La question des droits se pose avec acuité pour l'abonnement aux revues électroniques pour lesquelles il n'existe pas de support papier et le choix d'une solution payante semble inévitable. En ce domaine, il serait opportun que la BNF puisse s'associer avec d'autres institutions afin d'obtenir des conditions d'accès plus avantageuses à ces revues. Une telle solution a été mise en oeuvre par des bibliothèques américaines dans le cadre de l'organisation J store initiée par la fondation Mellon à laquelle s'est jointe notamment l'université de Princeton.

En l'absence de possibilités d'exploitation des fonds contemporains, la BNF s'est engagée dans une politique visant à compléter la bibliothèque encyclopédique virtuelle de la culture française, en profitant notamment des opportunités offertes par des événements ou des expositions, ou encore des programmes internationaux ou locaux (fonds des sociétés savantes).

Au delà, la poursuite de la politique de numérisation exige une réflexion sur les missions que peut assurer cette bibliothèque virtuelle.

A cet égard, la mission s'est interrogée sur les conditions dans lesquelles elle peut permettre une meilleure utilisation des collections physiques. La mission s'est étonnée notamment à cet égard que n'ait pas été conduite une numérisation systématique des ouvrages considérés comme " incommunicables " pour des raisons liées à leur état de conservation.

Par ailleurs, une fois la question des droits d'auteur résolue, il conviendrait à terme de s'interroger pour les fonds récents sur l'opportunité de constitution parallèle de collections physiques et de collections numérisées, notamment dans le souci d'assurer une meilleure gestion du site Tolbiac en favorisant la consultation de documents de substitution. La mise en oeuvre d'une telle action suppose l'établissement de critères rigoureux au regard de la vocation de la BNF de bibliothèque de recherche, tous les ouvrages ne méritant pas, de ce point de vue, d'être numérisés.

3. Élaborer une stratégie pour l'établissement

La BNF, en dépit des efforts qui restent à accomplir pour assurer le fonctionnement quotidien des sites de Tolbiac et de Richelieu, ne doit pas limiter ses ambitions à la gestion du quotidien.

S'il n'entre pas dans les intentions de la mission de sous-estimer l'ampleur des obstacles surmontés, elle n'a pu que constater la difficulté des responsables de la BNF comme des experts à conduire une réflexion d'ensemble sur les missions que confèrent les textes à cette institution.

La BNF ne peut se borner à faire figure de BN modernisée et si les satisfecit délivrés par les chercheurs 24 ( * ) sont les bienvenus compte tenu du coût d'ensemble du projet, ils ne constituent pas une fin en eux-mêmes. A cet égard, votre rapporteur regrettera que les querelles passionnées suscitées par le projet n'aient pu nourrir une réflexion prospective sur l'avenir des bibliothèques nationales, notamment face aux évolutions de la production imprimée et au développement exponentiel de la documentation numérique.

Pourtant, les défis sont nombreux et les sujets de débats ne font pas défaut.

La vocation encyclopédique de la BNF devrait sans doute faire l'objet d'une réflexion approfondie. Les ambitions initiales peuvent-elles encore avoir un sens alors que les réductions des crédits d'acquisition dont est victime la BNF comme l'inflation de la production éditoriale impose la constitution de pôles spécialisés dans des domaines très pointus et que l'actualisation de la documentation revêt une importance fondamentale ?

La nécessaire élaboration de règles plus satisfaisantes de partage documentaire exige de la BNF de prendre de nouvelles initiatives en ce domaine et donc de définir des objectifs plus ambitieux.

De même, la conquête de nouveaux publics justifierait une ouverture plus large de la BNF vers l'extérieur et une politique de diffusion culturelle plus audacieuse destinée à faire connaître son patrimoine.

Pour l'heure, de nombreuses questions restent en suspens, et l'impression domine que le souci de parer au plus urgent concentre l'attention des responsables de la BNF sur les problèmes immédiats de fonctionnement du site Tolbiac.

Une stratégie nécessaire pour réaffirmer l'unité de la BNF .

Cette absence de réflexion prospective est d'autant plus regrettable que l'unité de l'établissement et la cohérence de ses missions sont remis en cause par le risque de voir se créer un établissement à deux vitesses, et cela à deux titres.

La présence au sein d'une même institution de salles grand public fréquentées essentiellement par des étudiants et de salles réservées aux chercheurs, si elle correspond à la distinction habituelle dans les grandes bibliothèques universitaires américaines entre la undergraduate library et la graduate library , n'est pas aisée à concilier au sein d'une bibliothèque nationale. Les risques de marginalisation des espaces chercheurs ne sont pas à négliger, compte tenu de l'importance relative du public du haut-de-jardin : les lecteurs du rez-de-jardin représentent seulement 19 % des personnes qui se rendent à la BNF, alors que les lecteurs du haut-de-jardin représentent 56 % de ces derniers ; les lecteurs qui vont un même jour en haut et rez-de-jardin ne représentent que 2 % du public total.

La BNF ne peut se résoudre à apparaître comme l'addition mal ajustée d'une seconde BPI et d'une BN modernisée. Se borner à une gestion au quotidien de ces espaces aboutirait à creuser les différences qui se font jour. A cet égard, la vocation de soutien à la recherche qui incombe à la BNF et son rôle de bibliothèque de dernier recours doivent être clairement réaffirmés. La recherche de nouveaux publics doit tenir compte de la nécessité d'assurer une plus grande complémentarité entre les différents espaces.

La dispersion géographique des collections, désormais définitive, exige également une stratégie mobilisatrice pour surmonter les risques non négligeables d'éclatement des fonds de la BNF. Comme nous l'avons indiqué plus haut, la force d'attraction du nouvel institut national d'histoire de l'art ne doit pas aboutir à un démembrement des fonds qui se traduirait inévitablement par une diminution de la valeur scientifique des collections conservées à Tolbiac : un rattachement physique des collections spécialisées au nouvel institut constituerait une perte irrémédiable dans la mesure où leur informatisation n'est pas engagée. A cet égard, la réaffirmation de la vocation scientifique de l'établissement apparaît comme le moyen de préserver son intégrité.

Dans cette perspective, il apparaît nécessaire que la BNF s'ouvre aux besoins actuels de la recherche, ce qui suppose l'instauration d'un dialogue plus soutenu avec les organismes de recherche et les établissements universitaires.

L'élaboration d'un projet d'établissement et la formalisation des rapports avec la tutelle

L'élaboration d'un projet d'établissement pour les années 2001-2003 devrait sans doute aider la BNF à élaborer sa stratégie pour l'avenir.

Les personnels ont été associés à cette démarche entreprise en novembre 1999 dans le cadre de réunions tenues par la direction avec chacune d'entre elles. Cependant, leurs représentants n'ont fait que peu état de ces travaux lors des auditions auxquelles a procédé la mission, ce qui laisse craindre que ce projet ne soit guère perçu comme très mobilisateur par les personnels.

La BNF a cherché dans le cadre d'un " conseil de projet ", instance consultative, à réunir, d'une part, des personnalités françaises et étrangères du monde des bibliothèques, des représentants de l'université, d'autre part, et les autorités de tutelle et la direction de l'établissement. Par ailleurs, ont été lancés deux " appels à contributions ", l'un en direction des lecteurs, l'autre en direction des professionnels, dont les résultats viendront compléter les informations réunies dans le cadre de l'enquête de satisfaction actuellement en cours de réalisation auprès des lecteurs.

Le projet devrait être présenté au conseil d'administration pour approbation à la fin du mois de septembre 2000.

Sans anticiper sur son contenu, votre rapporteur exprime le souhait que ce projet couvre l'ensemble des missions de la BNF et ne se borne pas à définir en termes généraux les objectifs de l'établissement.

Il importe que la BNF qui, comme la BN, ne se distingue pas par sa culture de l'évaluation, se fixe des objectifs culturels et scientifiques précis afin de pouvoir apprécier de manière pertinente l'opportunité des coûts qu'elle engendre pour la collectivité. Pour l'heure, les indicateurs d'activité font défaut.

Dans cette perspective, parallèlement à l'élaboration du projet d'établissement, il conviendrait de développer des instruments d'évaluation au sein de la BNF comme à l'extérieur, notamment au sein des administrations d'Etat. Ces instruments font encore aujourd'hui défaut. A titre d'exemple, la mission s'est étonnée que l'Inspection générale des bibliothèques n'ait jusqu'au rapport de M. Poirot jamais exercé de contrôle sur l'établissement national.

De même, il apparaîtrait opportun de redynamiser la fonction du conseil scientifique de la BNF afin de faire bénéficier l'établissement plus largement qu'aujourd'hui des compétences des personnalités qui le composent.

Enfin, il importe de renforcer les moyens dont dispose le ministère de la culture pour exercer son pouvoir de tutelle.

La direction du livre et de la lecture du ministère de la culture est apparue à la mission très dépourvue pour exercer un véritable contrôle scientifique sur un établissement de cette taille, aux missions extrêmement diversifiées et à l'autorité difficilement contestable. La direction de l'administration générale, pour sa part, ne dispose pas des éléments lui permettant de s'assurer que les moyens humains et financiers de la BNF soient réellement proportionnés aux besoins de l'établissement et de veiller à une juste répartition des dotations entre les différentes missions de l'établissement.

Dans ces conditions, il est donc difficile de considérer que la tutelle soit exercée dans des conditions satisfaisantes, faute d'une vision d'ensemble des lignes politiques générales qui doivent s'appliquer à l'établissement. Là encore le souci de la gestion quotidienne de l'établissement au mieux des dotations budgétaires disponibles prévaut, ce que l'on ne pourra que regretter.

L'élaboration d'une stratégie pour la BNF doit s'accompagner de la part de l'autorité de tutelle d'une prise de conscience de ses responsabilités. Les objectifs fixés à l'établissement public notamment dans le cadre du projet d'établissement supposent l'attribution des moyens financiers correspondants, faute de quoi il sera à nouveau reproché à la BNF de pécher par ambition.

La mission souhaite que le contrat d'objectifs, qui devrait être élaboré d'ici la fin de l'année, permette d'organiser sur des bases clairement définies les obligations respectives de la BNF et du ministère de la culture. Cette planification pluriannuelle doit définir des objectifs et des priorités qu'il conviendra de quantifier pour la plus grande partie d'entre eux (acquisitions, numérisation, politique de diffusion culturelle, horaires d'ouverture) et d'y associer les coûts correspondants. Ce travail auquel il est indispensable d'associer le ministère de l'économie et des finances ainsi que le ministère de chargé de la recherche est à peine entamé. C'est dans ce cadre que devraient pouvoir être apportées des réponses à des questions décisives pour l'avenir de l'établissement, qu'il s'agisse du montant des dotations aux amortissements ou des effectifs.

*

* *

ANNEXES

LISTE DES ANNEXES

1. Liste des personnalités auditionnées par la mission d'information ;

2. Programme des déplacements effectués dans les pôles associés de Poitiers et de Strasbourg.

3. Décret n° 89-741 du 13 octobre 1989 portant création de l'Etablissement public de la Bibliothèque de France ;

4. Décret n° 94-3 du 3 janvier 1994 portant création de la Bibliothèque nationale de France ;

ANNEXE N° 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Frédéric Scanvic , directeur de l'administration générale du ministère de la culture (le 23 février 2000)

- M. Jean-Sébastien Dupuit , directeur du livre et de la lecture (le 23 février 2000)

- M. Claude Jolly , sous-directeur des bibliothèques et de la documentation au ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (le 1 er mars 2000)

- M. Philippe Bélaval , directeur des archives de France (le 1er mars 2000)

- M. Charles Lantiéri , sous-directeur à la direction du budget (le 1er mars 2000)

- M. Albert Poirot , inspecteur général des bibliothèques, auteur du rapport de synthèse remis à Mme Catherine Trautmann en mars 1999 (14 mars 2000)

- M. Pierre Nora , directeur de la revue Le Débat (le 23 mars 2000)

- M. Dominique Perrault , architecte (le 29 mars 2000)

- M. Emmanuel Le Roy Ladurie , administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1987 à 1994, président du conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France ( le 27 avril 2000)

- M. Jean Favier , président de la Bibliothèque nationale de France de 1994 à 1997 (le 27 avril 2000)

- M. Daniel Renoult , directeur général adjoint, directeur des services et des réseaux de la Bibliothèque nationale de France (le 2 mai 2000)

- M. Jean-Yves Gacon , directeur de l'administration et du personnel de la Bibliothèque nationale de France (le 2 mai 2000)

- M. Thierry Jaccaud , représentant des lecteurs au conseil d'administration de la Bibliothèque nationale de France (le 3 mai 2000)

- Mme Jacqueline Sanson , directeur général adjoint, directeur des collections à la Bibliothèque nationale de France (le 23 mai 2000)

- Mme Thomes , secrétaire de la section CFDT de la Bibliothèque nationale de France (le 30 mai 2000)

- Mme Finance , secrétaire de la section Sud de la Bibliothèque nationale de France (le 30 mai 2000)

- M. Besançon , secrétaire de la section FSU de la Bibliothèque nationale de France (le 30 mai 2000)

- Mme Meyer , secrétaire de la section FNB-FEN de la Bibliothèque nationale de France (le 30 mai 2000)

- M. Lefèvre , secrétaire de la section CGT de la Bibliothèque nationale de France (le 30 mai 2000)

Au cours des visites qu'elle a effectuées le 26 avril sur le site François-Miterrand Tolbiac et le 10 mai sur le site Richelieu, la mission a été accompagnée par :

- M. Jean-Pierre Angrémy , président de la Bibliothèque nationale de France ;

- et M. François Stasse , directeur général.

ANNEXE N° 2

Déplacement à Strasbourg

le 15 juin 2000

9 h 45 - 11 h 30 : Visite de la bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg (administrateur général : M. Georges Littler).

11 heures 30 : Réunion de travail avec M. Marc Debène, recteur et MM. Jean-Yves Merindol, président de l'université Louis Pasteur, Daniel Payot, président de l'université Marc Bloch et Michel Storck, vice-président de l'université Robert Schumann.

Déplacement à Poitiers

le 24 mai 2000

10 heures - 12 heures : Visite du service commun de documentation de l'Université de Poitiers.

Directrice : Mme Fieruz - Abadie.

14 heures - 15 heures 15 : Visite de la bibliothèque médiathèque municipale de Poitiers.

Directeur : M. Compte.

15 heures 30 : Visite du centre d'études supérieures de civilisation médiévale.

Directeur : M. Senac.

ANNEXE n° 3

ANNEXE n° 4

LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE :

UN CHANTIER INACHEVÉ

Soucieuse de faire la part des inévitables problèmes de rodage d'un établissement de cette taille et des handicaps structurels dont il est affligé, la commission des affaires culturelles du Sénat a désigné, le 25 janvier dernier, une mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France.

Loin de vouloir instruire un procès, la mission a souhaité tirer, au-delà des descriptions alarmistes et des propos caricaturaux, un bilan objectif de cet établissement qui, si l'on se réfère à des critères budgétaires, a été le plus important des grands travaux et apparaît aujourd'hui comme la première institution culturelle de France.

Après des débuts extrêmement difficiles, la BNF semble avoir réussi à surmonter beaucoup des dysfonctionnements constatés lors de son ouverture au public.

Si la BNF est condamnée à porter le poids du péché originel et à composer avec les défauts fonctionnels du site de Tolbiac, force est de reconnaître que le service rendu aux lecteurs connaît de très significatives améliorations.

Ces progrès ne permettent pas pour autant d'atteindre l'objectif fixé par le projet présidentiel annoncé en 1988 d'" une très grande bibliothèque d'un type entièrement nouveau ", les aspects les plus innovants du projet ayant été délaissés au profit de ce qui apparaît aujourd'hui comme un plan coûteux de modernisation de la Bibliothèque nationale.

Beaucoup reste à faire pour que la BNF puisse remplir de manière satisfaisante l'ensemble des missions qui lui ont été confiées par les textes. A bien des égards, le chantier de la BNF n'est pas achevé. L'établissement doit à la fois remplir son rôle de gardien vigilant des collections nationales et relever le défi d'un bibliothèque accessible à tous et à distance alors que les mutations qui affectent le secteur de l'édition et les nouveaux modes de transmissions de données lui imposent un effort permanent d'adaptation.

Les travaux de la mission ont pour ambition de contribuer à la réflexion engagée pour doter cette institution d'une stratégie à la hauteur de l'effort budgétaire consenti en sa faveur par la Nation.

* 1 Article 2 du décret n° 89-777 du 13 octobre 1989 portant création de l'établissement public de la Bibliothèque de France.

* 2 Décret n° 94-3 du 3 janvier 1994 portant création de la Bibliothèque nationale de France.

* 3 La Bibliothèque nationale est " chargée de collecter, de cataloguer, de conserver en permanence et d'exploiter les documents soumis au dépôt légal. Elle rassemble les documents soumis au dépôt légal, les documents rares et précieux qui présentent un intérêt national dont elle dresse le catalogue. Elle réunit tous documents spécialisés, y compris les documents audiovisuels, liés au développement des collections. "

* 4 L'Express, 31 décembre 1993.

* 5 Décret n° 89 du 23 octobre 1989 créant l'établissement public de la Bibliothèque de France.

* 6 Rapport public, 1998.

* 7 Rapport remis au ministre de la culture et de la communication le 30 juin 1993.

* 8 Le Monde, 25 juin 1993.

* 9 Philosophie, histoire et sciences de l'homme ; droit, économie, politique ; sciences et techniques ; littérature et art.

* 10 Le Débat, numéro 109, mars-avril 2000, (éditions Gallimard).

* 11 Cf p.....

* 12 Rapport précité

* 13 Rapport d'enquête sur les coûts de fonctionnement de la bibliothèque nationale de France établi par Mme Véronique Hespel, inspecteur général des finances, et M. Christian Pattyn, inspecteur général de l'administration, janvier 1996.

* 14 Cette consultation fut organisée dans le cadre de neuf groupes de travail -dont la synthèse devait être effectuée par un inspecteur général des bibliothèques.

* 15 Le samedi, la communication directe est limitée à 5 volumes.

* 16 La rétroconversion désigne l'informatisation des fichiers manuels tenus sous la forme papier.

* 17 Salle permettant l'accès aux livres rares

* 18 Seules sont accessibles des notices d'autorité sur la base " Mandragore " du centre de recherche sur les manuscrits enluminés.

* 19 La BNF est organisme dépositaire pour les documents imprimés et graphiques de toute sorte, notamment les livres, périodiques, brochures, estampes, gravures, cartes postales, affiches, cartes, plans, globes et atlas géographiques, partitions musicales, chorégraphies ainsi que pour les documents photographiques, les progiciels, bases de données, systèmes experts, les phonogrammes de toutes natures, les vidéogrammes non fixés sur supports vidéo chimiques, les documents multimédias.

* 20 Rapport d'enquête sur les coûts de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France ; Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration du ministère de la culture, janvier 1996.

* 21 Mis à la disposition du public en 1998, ce catalogue contient plus de 3 000 notices descriptives d'établissements (renseignements pratiques, horaires, conditions de prêt...) et 350 notices décrivant en détail les fonds des bibliothèques afin de permettre à terme la recherche thématique de fonds spécialisés.

* 22 Centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique.

* 23 André Miquel, les bibliothèques universitaires : rapport au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 1989.

* 24 Le Débat, numéro 109, mars-avril 2000 (Gallimard) : Bibliothèque nationale de France : suite et fin.

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