B. UNE ADMINISTRATION COMPÉTENTE ET LOYALE, DONT LE MODE DE FONCTIONNEMENT N'EST PAS EXEMPT DE TRAVERS

1. L'administration au service du politique

a) La qualité et la loyauté des services unanimement saluées

Au cours des travaux de la commission d'enquête, vos rapporteurs ont constaté que les personnes auditionnées ont été unanimes pour saluer la qualité et la loyauté des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce sentiment est particulièrement illustré par les propos tenus devant la commission par M. Nicolas SARKOZY : " La première conclusion que j'ai dégagée de ces deux années est la suivante : la qualité de l'administration des finances est sans faille. Je dirais même que l'information donnée au ministre sur la situation financière du pays est fiable, même si elle peut souffrir d'un excès de prudence. Dès mon arrivée à Bercy, j'ai pu tester la qualité de cette administration ". Il a considéré que les fonctionnaires de Bercy étaient " compétents, dévoués, honnêtes ".

De la même façon, M. Dominique STRAUSS-KAHN a notamment déclaré être " plutôt impressionné par la qualité des fonctionnaires et la qualité des procédures qui ont été mises en place sur la gestion de la dette ", tandis que M. Jean ARTHUIS relevait : " j'estime les fonctionnaires avec lesquels j'ai collaboré et j'aime cette administration ".

De qualité, cette administration est également jugée loyale, comme en témoigne l'exemple livré par M. Nicolas SARKOZY : " Huit jours après mon arrivée à Bercy, les services m'informaient que le déficit ne se situait pas aux alentours de 170 milliards, tel que cela avait été voté dans la loi de finances, mais à 341 milliards ... j'ai donc été informé, dans la semaine qui suivait, par des directeurs que je n'avais pas nommés ".

La note de prévision d'exécution adressée au ministre le 26 octobre 1999 par le directeur du budget illustre la manière dont les services peuvent apporter des solutions aux problèmes rencontrés par les ministres. En l'espèce, le cabinet, conscient des difficultés rencontrées par le respect de la norme de progression des dépenses en volume, a souhaité trouver des moyens de ne pas les faire apparaître puisque le directeur du budget indique que, " à la demande du cabinet du ministre, un certain nombre d'ajustements ont été recensés à cet effet. Il s'agit, pour l'ensemble d'entre eux, de reports vers la gestion 2000 de dépenses tendantiellement prévues en gestion 1999 ". Le directeur du budget précise que la " mise en oeuvre [de ces reports] nécessite l'accord express du ministre ".

M. Dominique STRAUSS-KAHN est parvenu à la même conclusion que M. Nicolas SARKOZY : " je vous dirais " oui, le ministre des finances se fait obéir !". Vous allez sans doute trouver que je suis un grand naïf mais je n'ai pas eu le sentiment, à aucun moment, non pas que des fonctionnaires ne se trompaient pas - évidemment ils peuvent se tromper et nous aussi - mais qu'il y avait de la résistance organisée quelque part. .... Je n'ai pas eu de séance d'angoisse sur la façon dont je me faisais obéir ".

Observateurs extérieurs, MM. Jacques BONNET et Philippe NASSE ont également confirmé ce constat de qualité et de loyauté des services : " Nous n'avons eu l'impression ni de documents biaisés, ni de documents de mauvaise qualité ".

b) Le souci constant d'informer le politique et de le faire trancher

M. François LOGEROT, président de la première chambre de la Cour des comptes, a déclaré : " A la connaissance de la Cour le ministre et son cabinet reçoivent une information régulière et abondante sur l'exécution des lois de finances et plus généralement la situation des finances publiques ". M. Jacques BONNET a précisé : " Concernant les recettes nous avons eu l'impression que, d'une part, la sincérité des états donnés ne faisait pas de doute et, d'autre part, que le ministre avait la totalité des renseignements dont l'administration disposait au moment des arbitrages. Il n'y pas de doute ".

Concernant les recettes non fiscales, M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC a indiqué que " la direction du budget informe le ministre en temps réel de la situation de toutes ces marges de manoeuvre possibles ". Evoquant le fonctionnement interne du ministère, M. Pierre GISSEROT, ancien chef du service de l'Inspection générale des finances, a estimé que " la communication avec le ministre n'a je crois jamais posé de problème ".

Les documents auxquels vos rapporteurs ont eu accès illustrent la manière dont les services communiquent avec leur ministre. Outre les nombreux éléments d'information auxquels faisaient allusion MM. François LOGEROT et Jacques BONNET, les directeurs d'administration centrale adressent au ministre des notes sur des sujets ponctuels. Vos rapporteurs en retirent le sentiment que les services ne " forcent pas la main " des ministres. Lorsque des propositions sont formulées, il est précisé par exemple que les actions proposées sont " conformes à la volonté exprimée par le cabinet du ministre " ou ont été identifiées " à la demande du cabinet du ministre " ou que " leur mise en oeuvre nécessite l'accord exprès du ministre ". Lorsque les services n'ont pas reçu de consigne, ils précisent qu'ils attendront l'arbitrage du ministre avant d'agir. Un note conjointe de la direction du trésor et de la direction du budget demande ainsi explicitement au ministre de trancher entre deux orientations possibles.

Il ressort également de la lecture des différents documents que la communication entre un ministre et ses directeurs semble obéir à certains codes. Ainsi, lorsqu'un directeur semble réservé sur l'opportunité d'une mesure, il " attire solennellement l'attention du ministre " sur ses inconvénients. De même, certaines notes du directeur du budget comportent, à la fin du document, des annotations manuscrites rappelant le caractère fondamental de telle ou telle information.

En sens inverse, les notes sont renvoyées aux services après avoir été visées par le ministre ou son directeur de cabinet, qui indiquent de façon manuscrite s'ils souscrivent, ou non, aux propositions des services.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page