2. Un chiffrage des mesures nouvelles guidé par des considérations politiques au mépris de l'information du Parlement

Le chiffrage des mesures nouvelles est assuré par la direction de la législation fiscale mais aussi par le bureau des études fiscales de la direction de la prévision ainsi que par la direction générale des impôts.

Malgré cette conjonction de compétences, il arrive que le chiffrage de certaines mesures soit volontairement faussé.

L'impôt de solidarité sur la fortune : un exemple de chiffrage à " géométrie variable "

Dans une note du 20 août 1998 sur les impôts directs, associée aux budgets économiques d'été, la direction de la prévision fait mention, s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune, des mesures nouvelles annoncées un mois plus tôt, le 22 juillet 1998, à savoir la création d'une tranche marginale d'imposition fixée à 1,8 % et des mesures contre l'évasion fiscale.

Elle indique que le chiffrage annoncé de ces mesures est volontairement erroné : " le montant des mesures annoncées contre l'évasion fiscale est évalué de façon prudente à 500 millions de francs (contre 1,8 milliard annoncés) ". Cette remarque est faite avant même la présentation du projet de loi de finances, au cours de laquelle le gouvernement maintiendra bien évidemment ses évaluations. Lors de la séance publique au Sénat du 19 novembre 1998, le secrétaire d'Etat au budget confirmera ces chiffres en déclarant que " l'impôt de solidarité sur la fortune devrait voir son rendement accru de 30 %. C'est-à-dire qu'il passerait de 11 milliards de francs en 1998 à 14,5 milliards de francs en 1999 ". L'exécution budgétaire montrera que ces chiffres étaient très surévalués.

Dans une note du 9 mars 1999 sur les impôts directs associée aux budgets économiques d'hiver, la direction de la prévision ira même jusqu'à ne plus prendre en compte aucun gain fiscal pour ces mesures de lutte contre l'évasion fiscale : " il n'a pas été tenu compte en revanche des mesures concernant le contrôle fiscal (soit 1,8 milliard de francs en moins par rapport à la LFI 1999) ".

Une note du 9 mars 1999 sur les droits d'enregistrement, de timbre et de bourse précise par ailleurs que la prévision pour 1999 " intègre la mesure de relèvement de 1 % à 4,8 % de la taxe sur les cessions de droits sociaux pour les sociétés à prépondérance immobilière qui devrait rapporter 2 milliards de francs (contre 4,9 milliards de francs évaluée en LFI 99) ". La fiche de la DGI sur la réunion du 6 juillet 1999 confirme que "aucune des directions n'a retenu en juillet le gain du relèvement de 1 % à 4,8 % de la taxation des cessions de locaux professionnels opérés par les sociétés à prépondérance immobilière, chiffré à 4,9 milliards de francs par la direction de la législation fiscale ".

Lors de son audition, M. François Villeroy de Galhau a indiqué que les principales erreurs en matière d'évaluation des recettes avaient été faites sur les impôts directs, notamment l'impôt sur les sociétés (33 milliards de francs entre la prévision de la loi de finances et l'exécution) et l'impôt sur le revenu (12 milliards de francs d'écart). Il a ajouté que l'impôt de solidarité sur la fortune avait fait l'objet d'une erreur en sens inverse puisque la prévision de la loi de finances initiale était de 14,8 milliards de francs et l'exécution de 12,7 milliards de francs, " erreur qui s'explique largement, avec une autre catégorie de raisons ou de difficultés que nous rencontrons, par une surestimation de l'effet des mesures législatives figurant dans le PLF 1999 ". Cependant, il omet de dire que, dès le mois d'août 1998, la direction de la prévision faisait valoir l'écart entre le rendement réel de ces mesures législatives et le rendement affiché.

Il apparaît donc que certaines mesures fiscales peuvent être délibérément chiffrées de manière erronée dans un seul but " d'affichage " en direction du Parlement. L'exemple des dispositions relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune est significatif à cet égard.

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