B. LES CHANGEMENTS DE MÉTHODES COMPTABLES AUX FINS DE REPORTS

1. D'importantes modifications comptables fin 1998

a) Les modifications comptables ont touché de nombreux impôts

Comme cela a été vu, d'importants reports de recettes fiscales ont eu lieu en 1998. Ces reports ont été rendus possibles par d'importantes modifications comptables qui ont gravement altéré la signification des résultats en recettes fiscales de l'année 1998, mais aussi des années ultérieures.

Les principales modifications comptables en 1998

(1) Concernant la TVA , le 9 mars 1999, la direction de la prévision réévalue à la hausse sa progression, simplement pour tenir compte de l'impact sur la TVA des modifications comptables effectuées fin 1998. La direction de la prévision cite deux facteurs d'évolution contraires : " d'une part, une révision à la baisse de la croissance des emplois taxables en 1999 d'un point en valeur et, d'autre part une minoration de la TVA nette 1998 de près de 8 milliards de francs (engendrée par des reports de recettes de 1997 à 1998, une accélération du rythme des remboursements fin 1998, une modification exceptionnelle des règles comptables sur les produits pétroliers 1998) autorisant une majoration de près de 7 milliards de francs de la TVA en 1999 ".

Plus loin, la note confirme les modifications comptables : " aux différentes perturbations constatées fin 1997 et début 1998 viennent s'ajouter, d'une part, les effets du changement de comptabilisation sur les produits pétroliers (0,8 milliard de francs), d'autre part, une accélération exceptionnelle en décembre du rythme des remboursements ".

Des mesures qualifiées d'exceptionnelles (modification des règles comptables sur les produits pétroliers, accélération des remboursements) ont donc été prises par le gouvernement.

Ainsi, la même note indique en annexe que " concernant les produits pétroliers, au titre du mois de décembre, il n'a pas été tenu compte de la dernière décade intégrée exceptionnellement au résultat de l'année suivante. La TVA afférente n'ayant pas été collectée, le manque à gagner est estimé à 750 millions de francs sur l'année 1998 ". S'agissant des remboursements, les " autres facteurs " sont estimés à 13,5 milliards de francs dont 11,3 milliards de francs pour les " phénomènes administratifs " et pour 2,25 milliards de francs d'un surcroît de remboursement en 1998 lié à la TVA versée par Réseau ferré de France (RFF) à la Société nationale des chemins de fers français (SNCF) en 1997.

(2) Concernant la TIPP , la note de la direction de la prévision du 9 mars 1999 note : " la moins-value dégagée sur décembre 1998 (-3,2 milliards de francs) par rapport à l'arbitrage de juillet, provient d'une modification de la comptabilisation de la TIPP. Ainsi, pour 1998, la dernière décade de décembre est comptabilisée sur janvier de l'année suivante ".

(3) S'agissant des droits d'enregistrement, de timbre et de bourse , la note de la direction de la prévision du 20 août 1998 associée aux budgets économiques d'été 1998 mentionne également des irrégularités comptables. " L'essentiel de la révision 1998 tient à la correction de la base des droits de succession 1997 (-2,6 milliards de francs) qui était artificiellement gonflée par des régularisations de recettes non imputées ". Ces recettes sont des recettes d'acomptes sur des successions en cours de liquidation imputées dans des comptes d'attente.

(4) Concernant les autres impôts indirects , la note de la direction de la prévision du 9 mars 1999 indique que la baisse des droits sur les tabacs (-4,2 milliards de francs) " est imputable à un nouveau mode de comptabilisation des droits qui se traduit par un report de recettes de 1998 sur 1999 à hauteur de 4,5 milliards de francs ".

Pour la TIPP comme pour les droits sur les tabacs, la direction de la prévision " fait l'hypothèse d'une nouvelle modification en fin d'année du mode de comptabilisation des droits " engendrant une augmentation des recettes de 3,1 milliards de francs environ pour la TIPP et 4,5 milliards de francs pour les droits sur les tabacs.

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes mentionnait des changements de méthode comptable : " Pour des raisons tenant aux délais de liquidation et de paiement, sont rattachés à un mois donné les recettes des dix derniers jours du mois précédent et des 20 premiers du mois en cours sauf, depuis 1994, en janvier et en décembre où étaient imputés respectivement les 20 premiers jours de janvier et la totalité du mois de décembre. Ces changements avaient sans doute amélioré le résultat d'exercice de 1994. En 1998, on est revenu à l'orthodoxie comptable, ce qui a pour effet de diminuer les recettes ".

Cependant, toutes les remarques de la direction de la prévision, et notamment l'hypothèse selon laquelle les modes de comptabilisation des droits seraient modifiés deux années de suite en sens inverse, confirment l'utilisation des règles comptables à des fins de pure opportunité politique, et non pour des raisons d'orthodoxie budgétaire.

b) Des modifications non mentionnées par la DGCP

Avant même de prendre connaissance des notes de la direction de la prévision, votre commission avait interrogé la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) sur d'éventuelles modifications de méthodes comptables .

Dans le questionnaire qu'elle lui avait adressé, elle avait posé les questions suivantes : " la comptabilisation des recettes et dépenses de l'Etat a-t-elle été affectée par des changements ces dernières années ? Lesquels ? Quelles ont été les conséquences de ces changements ? " et, " la DGCP a-t-elle compétence pour proposer des modifications d'enregistrement comptable en recettes en cours d'année ".

Concernant la première question, la DGCP a fait état d'une accélération des centralisations et d'une amélioration des délais de reddition des comptes de l'Etat, témoignages de réformes destinées seulement à " accélérer et enrichir l'information comptable ". Au titre de l'année 1998, elle a seulement fait mention d'une réforme de la comptabilisation des impôts directs avec un double objectif : accélérer l'imputation budgétaire des recouvrements et ventiler les recouvrements en six catégories d'impôts.

La DGCP n'a pas fait allusion, en réponse au questionnaire de la commission, aux importantes modifications comptables de la fin de l'exercice 1998, alors que celles-ci ont eu un impact significatif sur le résultat fiscal de 1998.

Par ailleurs, la DGCP a indiqué, en réponse à la seconde question de la commission, " qu'elle ne propose pas de modification des méthodes d'enregistrement comptable en cours d'année, conformément au principe de permanence des méthodes. De telles modifications seraient d'ailleurs très lourdes à gérer techniquement ". Elle a fait seulement état, en recettes, de " modifications intervenues pour un exercice complet " citant, au titre de 1998, l'impôt sur les sociétés sur rôles.

Le principe de permanence des méthodes énoncé par la direction générale de la comptabilité publique ne se retrouve pas dans les notes de la direction de la prévision qui fait, à deux reprises, l'hypothèse de modifications comptables d'opportunité.

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