3. La régulation de la dépense

Faute de réformes structurelles à même de faire reculer le poids des dépenses publiques dans notre pays, le gouvernement se voit contraint de procéder à une régulation des dépenses en cours d'exécution, afin de limiter au maximum leur progression.

Il s'agit, selon le gouvernement, non plus de réaliser des gels de crédits, comme par le passé, mais de constituer des réserves de crédits, appelées contrats de gestion, qui feraient l'objet d'une négociation avec les ministères " dépensiers ". Par ailleurs, il apparaît que les contrôleurs financiers, à défaut de recevoir des instructions explicites, soient invités à réguler le rythme des dépenses.

a) Les contrats de gestion, version " politiquement correcte " du gel de crédits

La direction du budget a indiqué à votre commission que " le choix des moyens [pour maîtriser les dépenses en cours d'année] relève de l'autorité politique. Par le passé, étaient mis en oeuvre des dispositifs de " régulation " des crédits : gels forfaitaires d'une fraction des crédits, suivis en cours d'année d'annulations. Depuis 1999, le gouvernement a mis en oeuvre un nouveau dispositif de suivi des dépenses dans un cadre concerté avec les ministères qui aboutit à la conclusion de contrats de gestion ".

Les contrats de gestion constitueraient donc un procédé nouveau de maîtrise de la dépense en cours d'exécution. Il convient toutefois de nuancer très sérieusement cette affirmation.

En effet, à une question écrite de votre commission relative aux contrats de gestion, la direction du budget a répondu que " les contrats de gestion ont été mis en place en 1999 afin d'assurer le respect de l'engagement de loi de finances initiale relatif à la progression en volume et à structure constante des dépenses. Le quantum de crédits mis en réserve dans le cadre de ces contrats de gestion a fait l'objet de négociations avec les gestionnaires dans le cadre de la procédure budgétaire. A la demande du secrétaire d'Etat au budget, la direction du budget a procédé à la notification aux contrôleurs financiers du contenu des contrats de gestion afin de suivre les engagements pris par les ministères lors des négociations ".

Il apparaît que la notion de contrats de gestion ne s'éloigne guère, en réalité, des procédés antérieurs de régulation des dépenses, à la différence toutefois qu'ils interviennent dans un contexte de conjoncture économique favorable, propice à la réalisation d'économies de constatation.

Il serait pour le moins erroné de considérer, comme le laisse pourtant penser leur intitulé, que les contrats de gestion sont des instruments conventionnels permettant à Bercy, en coopération étroite avec les ministères " dépensiers ", de dégager des économies au terme d'un examen approfondi de l'efficience des dépenses et de la pertinence de la budgétisation initiale.

Ce n'est pas, en effet, dans cet esprit que les contrats de gestion ont été conçus.

En fait, le ministère des finances pilote seul cet exercice dont les conditions sont fixées dès le début de l'année, soit bien avant que ne soient dégagés des enseignements qui pourraient être pris en compte par les contrats de gestion, comme le confirme une note du 14 janvier 1999, adressée par le directeur du budget au ministre, dont l'objet porte sur les premiers éléments de réflexion sur l'adaptation de la loi de finances initiale 1999 à l'évolution du contexte économique et budgétaire, et qui constitue l'acte de naissance des contrats de gestion.

Constatant, dès le début du mois de janvier, soit quelques jours après sa promulgation, que " l'environnement économique différera de celui qui était affiché lors du bouclage de la loi de finances ", le directeur du budget proposait au ministre de revoir les conditions de l'exécution du budget de 1999.

Il écrivait notamment : " compte tenu de la révision probable de l'hypothèse d'inflation (0,5 % contre 1,3 % prévu en LFI), la progression des dépenses en termes réels de la LFI 1999 par rapport à la LFI 1998 atteindrait 1,8 point pour un objectif de 1 point ". Le directeur du budget poursuivait : " l'effort à réaliser pour nous conformer strictement à l'objectif de 1 % en volume conduit à prévoir une mise en réserve de 13 milliards de francs des crédits de la LFI ". Enfin, plus loin, il notait : " au total, le respect du cadrage du PLF supposerait d'afficher rapidement une réserve de crédits, sans intégrer dans cette réserve les économies de constatation sur la dette. Les besoins propres à l'exécution supposeraient également de prévoir des crédits à annuler en vue des prochains décrets d'avances ou d'un collectif. Compte tenu des incertitudes liées, à cette date, à la gestion 1999, un objectif de 15 milliards de francs de crédits réservés me semble donc justifié sur le plan budgétaire ".

Les contrats de gestion ont donc bien été conçus comme un moyen de réguler les dépenses de l'Etat, afin d'être en mesure d'afficher un respect des engagements pris, ceux-ci ayant été proclamés avant même que n'aient été envisagés les moyens d'y souscrire.

C'est sans doute M. Dominique STRAUSS-KAHN qui a le mieux laissé entendre ce qu'il fallait penser des contrats de gestion : " dans certains gouvernements, on a mis en place des gels ou on a essayé de mettre en place un système un peu plus sophistiqué que le gel avec les contrats de gestion ".

b) Le contrôle financier : régularité ou régulation de la dépense ?

Les contrôleurs financiers sont des fonctionnaires du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie placés auprès de chacun des départements ministériels, et chargés de veiller à la bonne utilisation par ces derniers des dotations budgétaires qui leur sont allouées.

Un décret du 16 juillet 1996 a procédé, dans le cadre de la réforme de l'Etat, à une réforme du contrôle financier, dans la mesure où il pose le principe de son application à tous les actes de nature à engager financièrement l'Etat au niveau déconcentré, quel que soit leur cadre budgétaire et comptable ou leur nature.

Le contrôle financier, qu'il soit exercé au niveau central ou au niveau déconcentré, prend essentiellement la forme d'une procédure de visa préalable , qui suppose une capacité de blocage de la part du contrôleur financier.

La présentation du contrôle financier par le ministère de l'économie

A une question de votre commission portant sur les relations entre la direction du budget et les contrôleurs financiers centraux, la première a présenté le rôle des seconds de façon relativement formelle, précisant que les contrôleurs financiers centraux sont amenés à donner leur avis financier sur un dispositif en projet, assistent aux conférences budgétaires ainsi qu'aux différentes réunions techniques de préparation du projet de loi de finances. Ils reçoivent également copie de l'ensemble des circulaires de préparation des projets de loi de finances et des différents courriers adressés par la direction du budget au ministère près lequel ils sont affectés.

Le contrôle financier, central comme déconcentré, doit consister exclusivement en un contrôle de régularité de la dépense , dans toutes ses composantes - imputation budgétaire, disponibilité des crédits, exactitude de l'évaluation, comme l'a d'ailleurs rappelé devant votre commission le directeur général de la comptabilité publique : " les contrôles que nous effectuons dans le cadre de la dépense sont encadrés par le décret de 1962 et exclusivement guidés par des soucis de régularité et non pas de régulation budgétaire ou financière ".

Toutefois, votre commission s'est interrogée sur le fait de savoir si, au-delà des dispositions législatives ou réglementaires formelles, le contrôle financier n'allait pas plus loin qu'un simple contrôle de régularité, intervenant également sur le rythme de paiement des dépenses de manière à influer sur leur progression globale.

Or, votre commission l'ayant interrogé sur d'éventuelles instructions dont les contrôleurs financiers seraient destinataires, n'a pas reçu de réponse claire de la direction du budget. Cette dernière lui a toutefois indiqué que " lorsque des dispositifs de régulation de la dépense budgétaire ont été décidés par le gouvernement, ils ont toujours reçu copie des différents courriers adressés aux ministres et ont été systématiquement associés à leur mise en place ".

Le directeur général de la comptabilité publique a estimé, quant à lui, que " cette tâche [la régulation des engagements des ordonnateurs] , si elle existe, incombe aux contrôleurs financiers centraux placés auprès des ministres ". Cette direction, interrogée sur le même sujet s'agissant des contrôleurs financiers déconcentrés, a toutefois apporté une réponse relativement nuancée : " il n'en reste pas moins que le contrôle peut également porter sur les conséquences que les mesures proposées peuvent entraîner pour le budget de l'Etat, et que certaines modalités de contrôle, notamment celles relatives au budget de fonctionnement courant, qui peuvent être adossées à des outils de contrôle de gestion des ordonnateurs, doivent permettre de faire du contrôle financier un levier de modernisation et d'amélioration de la gestion des services ".

Les contrôleurs financiers centraux sont associés à la mise en place des dispositifs de régulation de la dépense, tandis que leurs collègues en région peuvent apprécier les conséquences d'une mesure sur le budget de l'Etat : il est donc fort probable que, à défaut d'affirmations explicites en ce sens, le contrôle financier ait également pour fonction de réguler le rythme d'exécution des dépenses de l'Etat.

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