Service des Affaires européennes

décembre 2004

TITRE VI. LA VIE DÉMOCRATIQUE DE L'UNION

Article I-45: Principe d'égalité démocratique

Dans toutes ses activités, l'Union respecte le principe de l'égalité de ses citoyens, qui bénéficient d'une égale attention de ses institutions, organes et organismes.

Commentaire

Cet article est formellement nouveau. Il pose tout d'abord le principe de l'égalité en droit de tous les citoyens européens. Ce principe figure également à l'article II-80. Actuellement, il fait partie des principes généraux communs aux États membres que la Cour de justice a reconnus comme principes généraux du droit communautaire ; le principe d'égalité entre les citoyens a ainsi été reconnu, notamment par les arrêts du 13 novembre 1984 (283/83), 17 avril 1997 (15/95) et 13 avril 2000 (292/97).

L'article I-45 pose également le principe de l'« égale attention » envers les citoyens, quels que soient le poids et la position géographique de l'État membre dont ils sont ressortissants.

Article I-46: Principe de la démocratie représentative

1. Le fonctionnement de l'Union est fondé sur la démocratie représentative.

2. Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l'Union, au Parlement européen.

Les États membres sont représentés au Conseil européen par leur chef d'État ou de gouvernement et au Conseil par leurs gouvernements, eux-mêmes démocratiquement responsables, soit devant leurs parlements nationaux, soit devant leurs citoyens.

3. Tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l'Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens.

4. Les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union.

Commentaire

Cet article, nouveau d'un point de vue formel, reprend en large part des principes actuellement en vigueur, que l'on retrouve d'ailleurs souvent dans une rédaction différente à d'autres articles de la Constitution.

Le paragraphe 1 reprend ainsi, sous une forme différente, une disposition de l'article 6, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne. Il est toutefois à noter que l'article I-46 mentionne la « démocratie représentative », alors que l'article 6 du TUE mentionne seulement la « démocratie ». Le recours par l'Union aux méthodes de démocratie directe est donc exclu, même si l'article I-47 (voir ci-dessous) fait une certaine place à la notion d'initiative citoyenne.

Le paragraphe 2 pose à nouveau le principe de la double légitimité de l'Union, union de citoyens et union d'États, déjà affirmé à l'article I-1.

Le paragraphe 3 énonce le droit de participer à la vie politique de l'Union, également garanti, en ce qui concerne les diverses formes possibles de cette participation (élections, initiatives citoyennes, pétitions) aux articles I-10, I-47, II-99 et II-104, lesquels succèdent aux articles 19 et 21 du traité instituant la Communauté européenne.

Le paragraphe 3 reprend en outre les principes d'ouverture et de proximité applicables au processus décisionnel, déjà affirmés plus haut (Préambule, article I-11), et déjà présents dans le droit actuel (Préambule du TUE, articles 5 et 255 du TCE).

Le paragraphe 4 reprend, dans une rédaction différente, les dispositions de l'article 191 (premier alinéa) du TCE.

Article I-47: Principe de la démocratie participative

1. Les institutions donnent, par les voies appropriées, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d'échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d'action de l'Union.

2. Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile.

3. En vue d'assurer la cohérence et la transparence des actions de l'Union, la Commission procède à de larges consultations des parties concernées.

4. Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres, peuvent prendre l'initiative d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution. La loi européenne arrête les dispositions relatives aux procédures et conditions requises pour la présentation d'une telle initiative citoyenne, y compris le nombre minimum d'États membres dont les citoyens qui la présentent doivent provenir.

Commentaire

Cet article, relatif à démocratie participative, est nouveau.

Les trois premiers paragraphes posent, dans ses différents aspects, le principe que les institutions européennes doivent dialoguer avec les associations représentatives et, plus généralement, la « société civile ».

Le paragraphe 4 est relatif à l'initiative citoyenne. Il permet à au moins un million de citoyens de l'Union, provenant d'un nombre minimum d'États membres fixé par une loi européenne, d'inviter la Commission à présenter une proposition, sous réserve qu'elle entre dans le cadre de ses attributions et qu'elle ait pour but de réaliser un objectif constitutionnel.

En substance, ce paragraphe donne à un million de citoyens européens le droit dont bénéficient déjà aujourd'hui le Parlement et le Conseil (articles 192 et 208 du traité instituant la Communauté européenne) de suggérer à la Commission de présenter une proposition.

Article I-48: Les partenaires sociaux et le dialogue social autonome

L'Union reconnaît et promeut le rôle des partenaires sociaux à son niveau, en prenant en compte la diversité des systèmes nationaux. Elle facilite le dialogue entre eux, dans le respect de leur autonomie.

Le sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi contribue au dialogue social.

Commentaire

Cet article est nouveau. Il inscrit dans la première partie de la Constitution le rôle des partenaires sociaux dans le dialogue social. Dans les traités actuels, les partenaires sociaux sont uniquement mentionnés dans les articles relatifs à l'emploi et à la politique sociale, ce qui correspond à la troisième partie de la Constitution consacrée aux politiques. (Le principe de l'encouragement au dialogue entre les partenaires sociaux à l'échelon de l'Union figure actuellement au premier alinéa de l'article 138 du traité instituant la Communauté européenne).

L'article I-48 inscrit également dans la Constitution le « sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi », qui a été créé par une décision du Conseil du 6 mars 2003 et qui réunit, une fois par an, avant le Conseil européen de printemps consacré aux questions économiques, le président en exercice du Conseil, les deux présidences suivantes, la Commission européenne et les partenaires sociaux répartis entre représentants des employeurs et des travailleurs.

Article I-49: Le médiateur européen

Un médiateur européen, élu par le Parlement européen, reçoit les plaintes relatives à des cas de mauvaise administration dans l'action des institutions, organes ou organismes de l'Union, dans les conditions prévues par la Constitution. Il instruit ces plaintes et fait rapport à leur sujet. Le médiateur européen exerce ses fonctions en toute indépendance.

Commentaire

Cet article, nouveau d'un point de vue formel, reprend, sans modification notable, les dispositions de base concernant le médiateur européen qui figurent aux trois premiers alinéas de l'article 195 du traité instituant la Communauté européenne.

Article I-50: Transparence des travaux des institutions, organes et organismes de l'Union

1. Afin de promouvoir une bonne gouvernance, et d'assurer la participation de la société civile, les institutions, organes et organismes de l'Union oeuvrent dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture.

2. Le Parlement européen siège en public, ainsi que le Conseil lorsqu'il délibère et vote sur un projet d'acte législatif.

3. Tout citoyen de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre dispose, dans les conditions prévues par la partie III, d'un droit d'accès aux documents des institutions, organes et organismes de l'Union, quel que soit leur support.

La loi européenne fixe les principes généraux et limites qui, pour des raisons d'intérêt public ou privé, régissent l'exercice du droit d'accès à de tels documents.

4. Chaque institution, organe ou organisme arrête dans son règlement intérieur des dispositions particulières concernant l'accès à ses documents, en conformité avec la loi européenne visée au paragraphe 3.

Commentaire

Cet article, nouveau d'un point de vue formel, pose des principes qui, le plus souvent, sont présents dans d'autres dispositions de la Constitution et sont déjà reconnus dans le droit actuel.

Ainsi, au paragraphe 1, si la notion de « bonne gouvernance » apparaît nouvelle, en revanche les principes de participation et d'ouverture sont déjà évoqués à l'article I-46 et ne constituent pas des innovations (voir à cet article).

De même, le principe de publicité des travaux législatifs du Conseil est déjà posé à l'article I-24 (voir à cet article).

Les paragraphes 3 et 4 reprennent, sous réserve de modifications rédactionnelles, les dispositions de l'article 255 du traité instituant la Communauté européenne.

Article I-51: Protection des données à caractère personnel

1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.

2. La loi ou loi-cadre européenne fixe les règles relatives à la protection des personnes physiques s'agissant du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l'Union, ainsi que par les États membres dans l'exercice d'activités qui relèvent du champ d'application du droit de l'Union, et à la libre circulation de ces données. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d'autorités indépendantes.

Commentaire

Cet article reprend, tout d'abord, les principes énoncés par la Charte des droits fondamentaux en la matière, qui figurent à l'article II-68 de la Constitution.

Il reprend également les dispositions de l'article 286 du traité instituant la Communauté européenne en précisant que les règles européennes relatives à la protection des personnes physiques, s'agissant du traitement des données à caractère personnel, sont applicables, non seulement aux institutions et organes de l'Union, mais aussi aux États membres dans l'exercice d'activités qui relèvent du champ d'application du droit de l'Union. En cela, l'article I-51 reprend des principes fixés par le droit communautaire dérivé. En effet, en dépit de l'absence d'une base juridique explicite dans les traités, la Communauté européenne a déjà légiféré dans ce domaine sur le fondement de l'article 95 du TCE. En particulier, la directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données a fixé les principes généraux en la matière. Toutefois, cette directive s'adressait aux États membres et ne s'appliquait pas, en tant que telle, aux institutions et aux organes communautaires. L'article 286 du TCE, tel que modifié par le traité d'Amsterdam, a donc fait obligation aux institutions et organes communautaires d'instaurer de telles garanties et notamment de créer un organe indépendant de contrôle. Sur cette base, la Communauté a adopté un règlement du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes de la Communauté et un contrôleur européen de la protection des données a été institué.

L'article I-51 offrira donc une base juridique plus spécifique pour permettre à l'Union de légiférer dans ce domaine, selon la procédure législative ordinaire, où le Conseil statue à la majorité qualifiée en codécision avec le Parlement européen sur proposition de la Commission.

En outre, en raison de la disparition de la construction en « piliers », ces dispositions pourront s'appliquer dorénavant aux matières qui relèvent actuellement du « deuxième » et du « troisième » piliers, qui sont actuellement régis par des règles spécifiques en matière de protection des données à caractère personnel.

Toutefois, la déclaration n° 10 annexée à la Constitution prévoit que, chaque fois que doivent être adoptées, sur la base de l'article I-51, des règles relatives à la protection des données à caractère personnel qui pourraient avoir une incidence directe sur la sécurité nationale, il devra en être dûment tenu compte. Elle rappelle également que la législation actuellement applicable, en particulier la directive de 1995, prévoit des dérogations spécifiques à cet égard.

Article I-52: Statut des églises et des organisations non confessionnelles

1. L'Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres.

2. L'Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles.

3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l'Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations.

Commentaire

Cet article est nouveau. Les deux premiers paragraphes reprennent exactement le texte d'une déclaration annexée au traité d'Amsterdam, donnant ainsi valeur normative à ce texte qui, actuellement, n'est pas contraignant.

Le troisième alinéa introduit une mention particulière pour le dialogue avec les églises ainsi qu'avec les organisations philosophiques et non confessionnelles ; il explicite ainsi un des aspects du dialogue avec la « société civile » évoqué à l'article I-47.

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