SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Mongolie (p. 1 ).

3. Réduction du temps de travail. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p. 2 ).

Article 1er (p. 3 )

MM. Joseph Ostermann, Philippe Marini, André Jourdain, Robert Calmejane, Henri de Raincourt, Guy Fischer, Paul Girod.
Amendements n°s 1 de la commission et 38 de M. Fischer. - M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mmes Odette Terrade, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean Chérioux, Pierre Laffitte, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 1 supprimant l'article, l'amendement n° 38 devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 1er (p. 4 )

Amendement n° 36 rectifié de M. Cabanel. - MM. Guy Cabanel, le rapporteur, Mme le ministre, M. le président de la commission, Mme Dinah Derycke, M. Philippe Marini. - Retrait.

Article 2 (p. 5 )

Amendement n° 2 de la commission et sous-amendements n°s 24, 25 de M. Gournac et 39 de M. Fischer ; amendement n° 11 rectifié de M. Marini. - MM. le rapporteur, Alain Gournac, Guy Fischer, Philippe Marini, Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulangard, M. le président de la commission. - Retrait de l'amendement n° 11 rectifié et du sous-amendement n° 25 ; rejet du sous-amendement n° 39 ; adoption du sous-amendement n° 24 et de l'amendement n° 2, modifié, rédigeant l'article.

Articles additionnels après l'article 2 (p. 6 )

Amendement n° 40 de M. Fischer. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 41 de M. Fischer. - Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 42 de M. Fischer. - Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 43 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 44 de M. Fischer. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.

Article 3 (p. 7 )

MM. Guy Fischer, Alain Gournac.
Amendements n°s 12 de M. Marini, 3 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 62 rectifié de M. Cabanel, 14 rectifié de M. Marini, 26 de M. Gournac et 45 de M. Fischer ; amendements n°s 13 de M. Marini, 20 de Mme Bergé-Lavigne, 34 rectifié de Mme Dusseau, 47 à 53 de M. Fischer et 19 rectifié de Mme Dieulangard. - MM. Philippe Marini, le rapporteur, Guy Cabanel, Alain Gournac, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Marie-Madeleine Dieulangard, Joëlle Dusseau, Odette Terrade. M. Guy Fischer, Mme le ministre. - Retrait des amendements n°s 12, 13, 20 et du sous-amendement n° 14 rectifié ; rejet du sous-amendement n° 45 ; adoption des sous-amendements n°s 62 rectifié, 26 et de l'amendement n° 3 rectifié, modifié, rédigeant l'article, les amendements n°s 34 rectifié, 47 à 53 et 19 rectifié devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 3 (p. 8 )

Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke, M. Philippe Marini. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 33 rectifié de M. Arthuis. - MM. Daniel Hoeffel, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 37 rectifié de M. Cabanel. - MM. Guy Cabanel, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 55 de M. Fischer. - Mme Danielle Bidard-Reydet, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 56 de M. Fischer. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.

Article 4 (p. 9 )

M. Guy Fischer.
Amendement n° 57 de M. Fischer. - Mme Hélène Luc, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT

Article 4 bis (p. 11 )

Amendement n° 5 rectifié de la commission et sous-amendements n°s 65 rectifié et 66 de M. Girod ; amendements n°s 32 de M. Valade, 21 rectifié et 22 rectifié de M. Girod. - MM. le rapporteur, Bernard Joly, Mmes Anne Heinis, le ministre, M. Adrien Gouteyron. - Retrait des sous-amendements n°s 65 rectifié et 66 ; adoption de l'amendement n° 5 rectifié rédigeant l'article, les amendements n°s 32, 21 rectifié et 22 rectifié devenant sans objet.

Article 4 ter . - Adoption (p. 12 )

Article 5 (p. 13 )

M. Guy Fischer.
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 5 (p. 14 )

Amendement n° 58 de M. Fischer. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 59 de M. Fischer. - Mme Nicole Borvo, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 60 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.

Article 6 (p. 15 )

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke, Odette Terrade. - Adoption par scrutin public.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 16 )

Amendements n°s 8 rectifié, 63 et 64 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Guy Fischer, Mme Dinah Derycke. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 bis . - Adoption (p. 17 )

Article 8 (p. 18 )

Amendement n° 29 rectifié bis de M. Gournac. - MM. André Jourdain, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 (p. 19 )

Mme Odette Terrade.
Amendement n° 9 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 9 (p. 20 )

Amendement n° 23 rectifié bis de M. Girod. - MM. Bernard Joly, le rapporteur. - Retrait.

Article 10 (p. 21 )

M. Guy Fischer.
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke, M. le président de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 22 )

MM. Guy Fischer, Jean Madelain, André Jourdain, Bernard Seillier, Jacques Habert, Mmes Anne Heinis, Marie-Madeleine Dieulangard, M. le rapporteur.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

4. Transmission de projets de loi (p. 23 ).

5. Dépôt de résolutions (p. 24 ).

6. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 25 ).

7. Dépôt de rapports (p. 26 ).

8. Dépôt de rapports d'information (p. 27 ).

9. Dépôt d'un avis (p. 28 ).

10. Ordre du jour (p. 29 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE MONGOLIE

M. le président. J'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation mongole conduite par M. Bold, président de la commission des investissements étrangers du Grand Khoural de Mongolie. (Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation, accueillie au Sénat par le groupe d'amitié France-Mongolie, que préside M. Durand-Chastel, et accompagnée dans les tribunes par M. Jean-Jacques Robert, est en séjour à Paris dans le cadre d'une importante mission de promotion et d'information sur les échanges et les investissements réciproques entre la France, l'Europe et la Mongolie.
Nous adressons à ses membres nos meilleurs souhaits de bienvenue et nous redisons toute l'amitié et l'intérêt que le Sénat porte à la Mongolie.
Nous leur souhaitons un bon séjour dans notre pays.

3

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 286, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail. [Rapport n° 306 (1997-1998).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons donc à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ Après l'article L. 212-1 du code du travail, il est inséré un article L. 212-1 bis ainsi rédigé :
« Art. L. 212-1 bis . _ Dans les établissements ou les professions mentionnés à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2002. Elle est fixée à trente-cinq heures dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés ainsi que pour les unités économiques et sociales de plus de vingt salariés reconnues par convention ou décidées par le juge, l'effectif étant apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1. »
Sur l'article, la parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 1er est le reflet du caractère le plus critiquable, le plus détestable même de ce projet de loi, en ce qu'il est d'application contraignante et uniforme.
La réduction du temps de travail n'est pas en soi condamnable ; c'est la méthode que vous nous proposez d'adopter qui l'est, madame la ministre.
Pour créer des emplois, nos entreprises ont besoin de liberté et non d'un carcan législatif supplémentaire.
L'attitude de nombre d'entre elles à l'égard de la loi Robien l'atteste. En effet, le nombre d'accords signés dans le cadre souple et négocié de cette loi a littéralement bondi, passant de cent trente-huit en octobre à cent soixante en novembre pour atteindre deux cent quatre-vingt-neuf en décembre.
Votre projet de loi ne fait pas l'unanimité, loin de là, parmi nos chefs d'entreprise, ce qui est compréhensible, notamment de la part des petites entreprises sur lequelles je souhaite centrer mon propos.
Non seulement votre texte n'est pas adapté à leur situation, mais, plus grave encore, il risque de menacer leur santé économique et financière dans un environnement extrêmement concurrentiel.
Tout d'abord, le Gouvernement a récemment annoncé un plan de simplification des formalités administratives. Or, force est de le constater, ces bonnes intentions auront fait long feu : le dispositif d'aide financière proposé va accroître encore la complexité d'une législation du travail qui a pourtant besoin de clarification. Il prévoit, en effet, de nombreux cas de figure que l'Assemblée nationale a encore multipliés. Seules les entreprises dotées de services juridiques seront à même de décoder ce dispositif et donc d'en bénéficier. Or seules les grandes entreprises disposent de tels services, alors qu'elles ne sont plus créatrices d'emplois, contrairement aux petites.
Ainsi ne vous apprendrai-je probablement rien, madame la ministre, en vous rappelant que, entre 1976 et 1995, les entreprises de moins de vingt salariés ont connu une croissance de leurs effectifs de 1,8 % par an, tandis que les entreprises de plus de cinq cents salariés enregistraient une baisse de 3 % par an.
Quand comprendrez-vous, madame la ministre, que les petites entreprises en ont assez de cette superposition successive de mesures prétendument incitatives, mais qui demeurent inappliquées faute de lisibilité ? Elles aspirent, au contraire, à davantage de flexibilité ainsi qu'à moins de charges. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je viens de déposer une proposition de loi visant à exonérer de charges patronales les petites et moyennes entreprises qui s'engagent à embaucher des jeunes.
Votre texte, madame la ministre, est donc inacceptable, sur ce point comme sur d'autres, malheureusement. Il souffre en effet d'un autre défaut majeur : il n'est absolument pas incitatif pour les petites et moyennes entreprises.
Tout d'abord, la date butoir de 2002 pour le passage aux 35 heures des entreprises de moins de vingt salariés, censée faciliter la réorganisation de ces entreprises, leur est, en fait, défavorable, car elles ne bénéficieront plus des aides.
Auront-elles donc intérêt à embaucher ? Rien n'est moins sûr. Elles risquent, au contraire, de voir leur compétitivité diminuer et leurs coûts salariaux augmenter de 11,4 % sans aucune compensation.
Vous avouerez que cette perspective n'est nullement réjouissante dans le contexte actuel de forte concurrence internationale, plus particulièrement dans les régions frontalières comme l'Alsace. La pesante « exception française » risque encore de favoriser les entreprises étrangères.
Il existe également un problème de seuil de déclenchement de l'aide de l'Etat. Il faut que l'entreprise ait au moins dix-sept salariés pour que le taux de 6 % corresponde à un emploi supplémentaire. Là encore, les petites entreprises sont défavorisées par rapport aux grandes.
Le dernier danger sur lequel je souhaite attirer votre attention a trait au fait que les entreprises artisanales, qui sont souvent de très petite taille, ne compenseront certainement pas la réduction du temps de travail par une création d'emploi pour quelques heures seulement. Le travail au noir risque de progresser, ce qui menace également de réduire à néant les efforts entrepris par le gouvernement de M. Juppé pour lutter contre ce fléau.
Vous prouvez une fois encore, madame la ministre, par un texte discutable et inacceptable à leur égard, que les petites entreprises et les artisans ne font nullement partie de vos préoccupations. Vous avez tort.
Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi de vous poser une question simple : les hypothétiques créations d'emplois envisageables dans le cadre contraignant et uniforme de votre projet de loi seront-elles à même de compenser les nombreux effets dévastateurs, eux prévisibles, qu'un tel texte risque d'entraîner ? Je n'en suis nullement convaincu.
C'est pourquoi je ne voterai pas l'article 1er et suivrai la position de la commission, que résument très bien les récents propos du chef de l'Etat sur lesquels, madame la ministre, je vous invite à réfléchir : « Soutenir les PME dans le monde d'aujourd'hui, où la concurrence est terrible, c'est sans cesse veiller à leur compétitivité. C'est leur donner les armes de leur développement et les encourager à explorer de nouveaux marchés. C'est aussi veiller à ce que l'aspiration naturelle à travailler moins soit compatible avec la bonne santé de l'entreprise. La solution est donc dans l'aménagement du temps de travail qui, dans le monde d'aujourd'hui, doit non pas être imposé mais négocié, au cas par cas, au sein des entreprises. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marini. M. Philippe Marini. L'article 1er est, en effet, le noeud gordien de la discussion, l'article qui résume toute la démarche que nous propose le Gouvernement, celle d'une législation contraignante et d'application générale. Ce n'est évidemment pas la philosophie qui anime la majorité du Sénat. Celle-ci se reconnaîtra sans nul doute dans les positions de la commission des affaires sociales, en particulier dans l'amendement de suppression de l'article 1er qu'elle a déposé.
A la suite de notre collègue M. Ostermann, je voudrais insister, madame le ministre, sur le fossé qui ne cesse de s'approfondir parmi les entreprises, entre, d'une part, les grandes entreprises ayant vocation à se développer sur différents territoires nationaux, qui peuvent arbitrer les législations et leur localisation selon leur opportunité, et, d'autre part, la masse, le tissu des petites et moyennes entreprises que vous emprisonnez dans un nouveau réseau de contraintes.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Marini. On peut comprendre que certaines de nos grandes entreprises, habituées à arbitrer entre les législations, puissent, en définitive, ne pas considérer ce texte comme une contrainte insupportable ou insurmontable. A l'inverse, il est bien clair, notamment en ce qui concerne les activités de services, les entreprises naissantes ou en développement et les entreprises petites et moyennes, qu'à l'échéance que vous avez fixée interviendra un changement complet de règles du jeu.
Madame le ministre, comprenez bien que les sénateurs de la majorité sénatoriale ne sont pas du tout des ennemis de la négociation.
M. Alain Gournac. Surtout pas !
M. Raymond Courrière. Ce sont des rétrogrades !
M. Philippe Marini. Ils sont, bien au contraire, très ouverts à tous les développements modernes de cette négociation.
Nous avons conscience de la nécessité de disposer d'une meilleure base sociale, d'une meilleure représentativité pour les partenaires sociaux. Nous savons bien que c'est à partir de la négociation d'entreprise, si elle est bien conçue, si elle est suffisamment globale, que l'on retrouvera des bases larges et plus convaincantes pour une juste représentation des intérêts sociaux. Telle est bien la démarche de la commission des affaires sociales.
Dans notre monde moderne, une meilleure organisation du travail, évenuellement la réduction du temps de travail, la préparation de la retraite, l'évolution des qualifications ou encore l'évolution des salaires, tout cela peut et doit être globalisé à un moment donné dans le cadre d'une négociation raisonnée et raisonnable entre partenaires représentatifs et mandatés pour cela.
Tel est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre. C'était, en particulier, celui qui sous-tendait la proposition de loi que j'avais préparée, voilà quelques années déjà, sur le contrat collectif d'entreprise.
Il est clair également que la loi Robien, même si l'on peut lui faire grief d'avoir été dispendieuse pour les fonds publics, a créé des réflexes, voire des habitudes, de négociation et que cela représente un acquis sur lequel nous pouvons aujourd'hui nous appuyer.
Madame le ministre, en nous proposant de supprimer l'article 1er, la commission des affaires sociales est dans le vrai et sa vision est lucide.
M. Alain Gournac. Bonne !
M. Raymond Courrière. Vision réactionnaire !
M. Philippe Marini. Elle a utilisé à bon escient les éléments d'information réunis par la commission d'enquête que nous avons créée récemment et que présidait, fort bien, notre collègue M. Alain Gournac et que M. Jean Arthuis a rapporté avec beaucoup de talent.
M. Guy Fischer. Ses conclusions étaient écrites d'avance !
M. Philippe Marini. Il en résulte que nous n'avons aucune certitude sur l'efficacité de la recette que vous nous proposez en matière de création d'emploi. Au contraire, nous savons que la souplesse doit être très grande et que la négociation doit s'ajuster, par rapport aux faits, à la nature des entreprises et aux différences très importantes qui existent entre branches et types d'entreprises.
Pour l'ensemble de ces raisons, madame le ministre, je suis profondément hostile,...
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. Philippe Marini. ... je tiens à le redire, à cet article 1er. En effet, il s'agit d'un article de contrainte, qui est vraiment la négation de l'engagement européen que vous prétendez être celui du Gouvernement. A un moment où, nous le savons bien, il faut une règle du jeu commune et où la compétition doit s'exercer à armes égales, vous préparez, pour nos entreprises, de lourds handicaps, sur lesquels, un jour, il nous faudra revenir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'article 1er du présent projet de loi pose le principe de la réduction du temps de travail d'une manière unilatérale et donc arbitraire. En effet, alors que la durée du travail en France est déjà peu élevée, nous sommes le seul pays où l'on décrète les 35 heures de façon autoritaire et étatisée.
Malgré ce diktat , vous voulez nous faire croire, madame le ministre, à l'existence d'un dialogue entre les partenaires sociaux.
M. Alain Gournac. Il n'y a aucun dialogue !
M. André Jourdain. Mais comment la négociation sera-t-elle possible dès lors que l'essentiel du dispositif est déjà décidé et imposé par le Gouvernement ? La question de la compensation des salaires, entre autres sujets, sera négociée sous la contrainte, au mépris des salariés et des employeurs, que cette loi renvoie dos à dos. Quant aux cadres, pour qui les 35 heures sont une hérésie, leurs inquiétudes sont tout à fait légitimes, dans la mesure où ils risquent de travailler autant pour gagner moins !
Le passage aux 35 heures va enfermer le monde du travail dans un carcan uniforme, alors qu'il est composé de situations économiques et sociales très hétérogènes. En outre, les entreprises ne sont pas sur un pied d'égalité face à cette loi. Les plus petites rencontreront en effet davantage de difficultés pour diviser leurs emplois, pour compenser les heures perdues et pour rentabiliser leurs équipements, contrairement aux plus grandes. En effet comment, par exemple, un seul chef d'atelier, quand ce n'est pas le patron, pourra-t-il assumer son rôle dans une petite entreprise qui entend utiliser ses équipements sept jours sur sept ?
Quant aux entreprises qui exercent des activités saisonnières, et tout autant pour celles qui pratiquent une sous-traitance très fluctuante, parfois d'une semaine à l'autre, il est bien évident que seule l'annualisation du temps de travail peut répondre à leur mode de fonctionnement. Or, aucune disposition ne figure dans le texte qui nous est soumis. Il faut de la flexibilité, de la souplesse.
En effet, sans cette souplesse, les entreprises qui ont un fort taux de main-d'oeuvre, comme c'est le cas dans le Jura pour les lunetiers, seront pénalisées par le coût salarial de cette loi, malgré le dispositif institué par l'Assemblée nationale mais qui est si compliqué à utiliser. A cela s'ajoute une concurrence internationale de plus en plus aiguë, et alors, bonjour les délocalisations, l'automatisation à outrance et, par conséquent, les pertes d'emplois !
L'emploi dépend en effet de deux facteurs essentiels : le taux de croissance et le coût du travail. Or, vous ne tenez compte ni de l'un, ni de l'autre. D'ailleurs, pourquoi ne pas chercher d'autres pistes, en autorisant, par exemple, des expérimentations de paiement des cotisations chômage « en nature », c'est-à-dire en créations d'emplois nouveaux pour les entreprises qui ont des perspectives de développement ? Il y aurait alors simultanément croissance et abaissement du coût du travail.
Encore une fois, cette loi est inspirée par l'idéologie malthusienne du rationnement, idéologie selon laquelle le travail serait en voie de disparition. Synonyme de résignation et d'échec, les 35 heures légales visent surtout à partager le chômage, et non l'emploi.
Pour toutes ces raisons, je voterai la suppression de l'article 1er proposée par le rapporteur, M. Louis Souvet, au nom de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne prolongerai pas inutilement le débat, car les arguments politiques ont tous été excellemment développés par mes collègues de la majorité sénatoriale, notamment dans le rapport très élaboré de mon ami Louis Souvet. Néanmoins, je tiens à expliquer les raisons de notre refus du principe même de l'article 1er, car il porte atteinte, de manière irrémédiable, aux PME, qui sont nombreuses dans le département de Seine-Saint-Denis.
Cet article 1er a pour effet de systématiser l'instauration des 35 heures, sans tenir compte des possibilités structurelles et des spécificités des entreprises. Peut-être telle ou telle société peut-elle trouver intérêt à une réduction du temps de travail si sa production le permet. Déjà, la loi Robien avait ouvert, dans le cadre d'accords contractuels, des possibilités en ce domaine. Toutefois, elle prévoyait une aide financière proportionnelle à la masse salariale, ce qui était certes coûteux, mais bien plus incitatif que le présent projet de loi qui, au nom du dogme économico-politique, privilégie la contrainte.
Les 35 heures pour tous, c'est méconnaître les difficultés dans lesquelles se débattent les PME-PMI, dont la visibilité commerciale n'est souvent que de deux à trois mois, qui n'ont pas de trésorerie et qui ont souvent reporté leurs investissements depuis plusieurs années ; il n'est que de constater le nombre de dépôts de bilan au cours de l'année 1997 en Seine-Saint-Denis.
L'obligation d'appliquer au plus tard en 2002 les 35 heures va constituer, pour la plupart d'entre elles, un coût financier important qu'elles ne pourront supporter, engendrant un effet inverse de celui qui est recherché par le Gouvernement. Le risque pour l'emploi est réel. En effet, le système de prime proposé est un leurre, car l'embauche de 6 % de personnels supplémentaires se traduira, compte tenu de la dégressivité des aides, par une augmentation sensible de la masse salariale, charges sociales comprises. Et s'il s'agit d'employés qualifiés, payés très au-dessus du SMIC, le coût sera bien supérieur encore, les primes étant plafonnées à 5 000 francs à partir de 2002.
Mais ce coût salarial n'est pas seul en cause. Les conditions d'activités peuvent induire des charges supplémentaires, comme les véhicules pour le personnel itinérant. De plus, le type d'emploi nouveau sera difficile à définir selon les aptitudes requises, notamment pour les toutes petites entreprises qui auront du mal à compenser efficacement les heures non accomplies par les employés en place.
Une fois de plus, on enferme l'économie dans un carcan idéologique et technocratique, on étouffe les possibilités de développement, et donc d'emploi, qu'offrent les PME pour peu que leur soit assurée la liberté de s'adapter aux conditions du marché et la possibilité d'être performantes et dynamiques.
C'est pourquoi je soutiendrai la suppression de l'article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux à prendre la parole sur cet article 1er. Il s'agit en effet, comme l'a rappelé notre collègue Philippe Marini, du coeur du dispositif du projet de loi.
L'obligation de la réduction du temps de travail est une mesure contestable et néfaste, même si, hier après-midi, lors de la discussion générale, on a essayé, une nouvelle fois, de nous expliquer qu'elle se situait dans la tradition française et que sans mesures législatives visant à forcer le destin on ne serait pas parvenus à s'engager plus avant dans l'aménagement et la réduction du temps de travail.
Comme l'a rappelé le rapporteur M. Souvet, les 35 heures sans perte de salaire constituaient une promesse électorale. Il n'est, hélas ! plus temps de savoir s'il fallait tenir cette promesse ; il est désormais temps de se demander comment éviter qu'elle n'aille à l'encontre de l'objectif que l'on cherche à atteindre.
Nous croyons aux vertus du marché, de la libre initiative porteuse d'idées et d'emplois réels. C'est elle qu'il faut accompagner, c'est elle qu'il faut encourager, et c'est en favorisant l'allégement des charges des entreprises, des contraintes administratives et en évitant que l'Etat n'impose le dialogue social en ayant au préalable arrêté lui-même le terme de la négociation.
Nous sommes des élus de terrain. Nous savons bien que l'application de ce texte handicapera les petites et moyennes entreprises sur la voie de leur développement. Et pourtant, elles représentent la majorité des salariés et sont le vivier de l'emploi.
Quand on sait qu'un Français sur quatre travaille pour l'exportation et que le grand enjeu des années à venir est de gagner des parts de marché sur le plan international, on a tout lieu de regretter la direction prise.
Toutes les personnes de bon sens vous le diront, et le bon sens est une qualité partagée puisque même les économistes d'une sensibilité proche de la vôtre, madame le ministre, le reconnaissent, Thomas Piketty : « Les 35 heures obligatoires sont soit antiéconomiques, soit antisociales. Dans tous les cas, elles diffèrent le moment où se poseront les vraies questions sur le chômage en France et où on lui apportera les vraies solutions. »
M. Bernard Piras. Pas aujourd'hui !
M. Raymond Courrière. En tout cas, vous, vous ne les avez pas apportées !
M. Henri de Raincourt. Les expériences qui ont été menées à l'étranger n'ont pas été probantes. La baisse de la durée du temps de travail décidée en France en 1982 a été une erreur économique, qui a entraîné le blocage de l'évolution de la législation sociale et la perte de compétitivité des entreprises.
M. Bernard Piras. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?
M. Henri de Raincourt. Les leçons du passé, cher monsieur Piras, vous qui appartenez à la petite cohorte de ceux qui interromptent sans cesse les orateurs, n'ont pas été retenues. Cet article 1er est une parfaite illustration de l'inadaptation des méthodes dirigistes au fonctionnement de notre économie. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du RPR.) Ces méthodes sont obsolètes.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. Censé présenter toute la philosophie du projet de loi, cet article 1er révèle bien des contradictions.
D'abord, avec l'intitulé même de ce projet de loi puisque, à l'orientation et à l'incitation, il oppose une réduction obligatoire et autoritaire de la durée du travail.
M. Alain Gournac. Malheureusement oui !
M. Henri de Raincourt. Cet article 1er est également source de nouvelles inégalités entre les salariés d'une même entreprise. Et je ne parle pas du SMIC - M. Jean-Pierre Fourcade a excellement évoqué ce point hier - où tout est, aujourd'hui encore profondément mystérieux.
M. Alain Gournac. Dans un grand flou !
M. Henri de Raincourt. La vie économique et sociale actuelle nécessite souplesse et adaptation.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la réduction du temps de travail, chaque fois qu'elle peut permettre de créer des emplois dans l'entreprise. Nous l'avons prouvé en votant la loi Robien, et je n'ai d'ailleurs pas le souvenir que, dans cette enceinte, elle ait été votée à l'unanimité,...
M. Alain Gournac. Moi non plus !
M. Henri de Raincourt. ... en particulier par ceux qui assument aujourd'hui les responsabilités gouvernementales. Alors, merci pour les leçons !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Henri de Raincourt. C'est cette obligation que nous contestons, cette intervention générale de l'Etat, toutes entreprises confondues, quelles que soient leur taille et leur activité.
Le dialogue social que vous appelez de vos voeux, madame le ministre, ne peut être établi par la contrainte.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Pour nous, la responsabilité des pouvoirs publics consiste à encourager la modernisation de nos relations sociales, de façon que chacun soit acteur de son propre destin.
Je sais qu'il faut du temps et de la persuasion. Mais on ne peut quand même aborder le XXIe siècle avec des méthodes du XIXe siècle.
M. Serge Vinçon. Tout à fait !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Pour nous, généraliser les 35 heures en les décrétant et imaginer obtenir une réduction macroéconomique du chômage par ce moyen est illusoire.
En présentant la semaine de 35 heures comme une solution novatrice au chômage et à la fracture sociale, on fait rêver les Français. Or - cela a été rappelé - cette vision est malthusienne et risque d'être source de bien des désillusions.
Le groupe des Républicains et Indépendants votera - vous l'aurez compris - l'amendement de suppression présenté par la commission des affaires sociales. Il le votera avec d'autant plus de conviction qu'il soutient résolument l'ensemble des dispositions proposées par son rapporteur et son président. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer. M. Guy Fischer. Le 10 octobre dernier, à l'issue de la conférence sur l'emploi, M. Jospin annonce le dépôt d'un projet de loi-cadre pour permettre la mise en oeuvre rapide des 35 heures. Au CNPF, on s'élève alors contre cette méthode autoritaire !
L'effervescence règne rue Pierre-Ier-de-Serbie. M. Seillière, récemment installé, essaie par tous les moyens de faire comprendre au pays, mais surtout aux chefs d'entreprise, que « les 35 heures sont une profonde erreur économique » et qu'il n'entend pas se laisser faire.
Depuis ce « vendredi noir », selon l'expression du président de l'Union patronale de Paris, résolu à en découdre, le patron des patrons n'a eu de cesse de vous défier, madame la ministre.
Toutes les critiques, les attaques, tant du CNPF que de la droite, se sont focalisées sur l'article 1er du présent projet de loi, ...
M. Alain Gournac. Eh oui ! C'est normal !
M. Guy Fischer. ... qui, exprimé très schématiquement, rendait obligatoire le passage aux 35 heures.
Sans toutefois être étonné, je suis désolé qu'un tel raccourci, utilisé pour mobiliser les troupes, ait pu être choisi. J'entends, par mes développements, rétablir un peu de vérité sur le contenu même du dispositif incriminé.
M. Hilaire Flandre. Vous allez avoir du mal !
M. Guy Fischer. L'article 1er abaisse de quatre heures la durée légale hebdomadaire du travail. Il stipule que celle-ci passera à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés, les autres ayant jusqu'à 2002 pour s'adapter à la législation. Sont concernés les entreprises du secteur marchand et les établissements agricoles.
S'il fixe une date butoir, un seuil, cet article posant les conditions générales de mise en oeuvre du projet de loi attend tout de la dynamique des négociations collectives.
Face à l'immobilisme ambiant, au rythme lent auquel les réductions du temps de travail sont négociées et surtout au prix auquel elles le sont, je partage tout à fait cette démarche.
La baisse du temps de travail proposée n'est pas négligeable : c'est au moins une demi-journée par semaine. Seulement, tout le monde n'y aura pas droit ! Sur les 19,8 millions de salariés potentiellement concernés, dans un premier temps, la loi n'en touchera que 9,5 millions. Ainsi, 4 millions de salariés environ, soit 30 % d'entre eux, devront attendre 2002.
Aucune date précise n'avait été fixée pour que la réduction du temps de travail soit applicable à la fonction publique. (Exclamations sur les travées du RPR.) Nous le regrettions, ce qui n'était pas le cas de la majorité sénatoriale. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Le Gouvernement s'est engagé à examiner cette question, ce dont nous prenons acte.
M. Philippe Marini. Il faudrait que vous soyez cohérent avec vous-même !
M. Guy Fischer. Contrairement aux arguments avancés par le CNPF, la réduction du temps de travail est loin d'être générale !
Vous connaissez notre position sur le choix du seuil de vingt salariés, madame la ministre : prévu au départ à dix salariés, il a été porté à vingt salariés ; ce relèvement a quelque peu transformé la présente mesure réservée de fait aux plus grosses structures. Evidemment, il convenait de laisser un peu de marge aux plus petites entreprises et, quoi qu'il en soit, ce processus en deux temps s'imposera.
Il fallait aussi garder à l'esprit les nombreux liens existants entre ces PME et les grands groupes. Je note comme très positif l'amendement adopté à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du groupe communiste et apparenté, qui permet d'inclure dans le champ de la loi sur la réduction du temps de travail les unités économiques et sociales.
Au sujet de cet article 1er, l'attitude de la droite du Palais-Bourbon et celle du Palais du Luxembourg est quasi identique. Des amendements visant à apporter des exceptions à l'application de la nouvelle durée légale, nous sommes passés à des amendements de suppression pure et simple de l'article, vidant ainsi la loi de sa substance.
La droite et le CNPF se sont rassemblés sur ce point ; mais en d'autres temps, lors des discussions autour de la loi Robien, ne s'étaient-ils pas divisés ? N'avaient-ils pas rejeté cette loi qui, pourtant, n'avait qu'un caractère facultatif ?
M. Philippe Marini. C'est nous qui l'avons votée !
M. Guy Fischer. Une première percée a été tentée pour fixer à 35 heures la durée hebdomadaire du travail. Il s'agit maintenant de transformer ce premier pas en abaissant la durée réelle et effective du temps de travail, seule solution pour créer de nombreux emplois.
Selon l'INSEE, la durée réelle de la semaine de travail est supérieure à 41 heures pour les salariés à temps plein. La loi n'oblige en rien l'employeur à réduire le temps de travail ; elle lui impose seulement de rémunérer en heures supplémentaires toutes les heures travaillées au-delà de la trente-sixième heure. L'enjeu est de taille !
La solution est simple. C'est en réduisant le volume de ces heures supplémentaires et en augmentant leur taux de rémunération que nous rendrons effective la réduction du temps de travail.
C'est un point crucial, une revendication forte des syndicats que nous avons largement consultés. Je tenais, à ce stade de la discussion, à rappeler avec force notre position, notre attachement au principe même de la réduction du temps de travail.
De fait, nous sommes en désaccord profond avec la commission des affaires sociales, qui souhaite supprimer l'automaticité de la réduction du temps de travail prévue à l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Madame le ministre, je suis intervenu hier soir dans la discussion générale ; or je crains que nous ne nous soyons pas très bien compris et qu'il n'y ait entre nous une divergence de diagnostic.
J'avais évoqué le cas des artisans, des commerçants et des petites entreprises - mais les grandes entreprises sont parfois confrontées au même problème - qui cherchent désespérément des personnels qualifiés leur permettant de répondre aux offres de service qui leur sont soumises, autrement dit aux débouchés qui leur sont offerts.
Vous m'avez répondu « délocalisation » et « Toyota ». J'ai été quelque peu étonné.
Il est vrai que j'avais souligné que, compte tenu des rigidités excessives du marché du travail dans notre pays, nos jeunes trouvaient peut-être plus facilement du travail en Grande-Bretagne qu'en France, ce phénomène s'accentuant d'ailleurs avec le niveau de formation. (Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Mais le problème n'était pas là. Vous avez parlé d'hémorragie, alors que j'évoquais, pour ma part, une thrombose ! Je crains en effet que l'article 1er, en raison de sa rigidité, n'entraîne de véritables thromboses dans un grand nombre d'entreprises. Si la seconde loi aboutit à un plafonnement du nombre des heures supplémentaires de ceux qui, actuellement, travaillent 39, 40 ou 43 heures alors que leur présence dans l'entreprise pendant cette durée est nécessaire, parce qu'ils ne sont pas remplaçables, c'est toute l'entreprise que l'on arrêtera en même temps ! Madame le ministre, le côté autoritaire général, non raisonné, de l'article 1er aboutit, qu'on le veuille ou non, à cela !
Comment voulez-vous que les entreprises négocient pendant deux ans ou quatre ans selon leur taille avec une épée de Damoclès non définie au-dessus de leur tête ? Cela me semble tout à fait impossible !
Un petit point me séparera de M. de Raincourt, et j'espère qu'il me le pardonnera.
M. Henri de Raincourt. On va voir ! (Sourires.)
M. Paul Girod. Pour ma part, je crois non pas aux vertus du marché, mais à la réalité de ce dernier. Je ne pense pas que le marché soit moral ou immoral.
M. Guy Fischer. Alors, ça...
M. Paul Girod. Mais je sais qu'il est impossible à une entreprise d'assurer du travail à ceux qui collaborent avec elle si elle ne s'inscrit pas dans les réalités du marché.
Je crains que l'article 1er, pour des raisons intellectuelles - j'allais presque dire « charitables », au sens de l'amour général que nous avons les uns pour les autres, de la solidarité - n'introduise des rigidités supplémentaires conduisant les entreprises à ne plus s'inscrire dans les réalités du marché, ce fait étant probable pour le marché interne et certain pour le marché extérieur.
Hier, madame le ministre, vous avez dit - c'est peut-être le plus grave - que la réduction du temps de travail peut être et doit être un élément ou un moyen de lutter contre le chômage, même si ce n'est pas le seul.
M. Philippe Marini. Les premiers bémols !
M. Paul Girod. A partir du moment où l'article 1er est un article absolu dans son inspiration et dans sa rédaction, je crains que vous n'apportiez la preuve que, dans votre esprit, c'est « le » moyen de lutter contre le chômage.
Malheureusement, je crains que ce ne soit le moyen de lutter contre l'efficacité d'un certain nombre d'entreprises et qu'il ne détruise plus d'entreprises qu'il ne créera d'emplois ce qui, à terme, se révélerait catastrophique.
C'est donc avec tristesse que je voterai contre le texte que vous avez présenté. Je suis persuadé de la pureté de vos intentions, mais aussi de la nocivité de leurs effets ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 38, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit la seconde phrase du texte présenté par l'article 1er pour l'article L. 212-1 bis du code du travail :
« Elle est fixée à trente-cinq heures dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés, pour les unités économiques et sociales de plus de vingt salariés reconnues par convention ou décidées par le juge, l'effectif étant apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1 ainsi que pour les entreprises membres d'un groupe de sociétés au sens de l'article 223 A du code général des impôts ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je ne reprendrai évidemment pas le débat d'hier. Le fait que sept orateurs soient intervenus à l'instant sur l'article 1er, qui prévoit l'abaissement de la durée légale du travail, démontre qu'il s'agit là de l'article le plus contesté du projet de loi.
Cet abaissement ne correspond à aucune nécessité dictée par des impératifs de santé publique ou d'amélioration décisive des conditions de travail, comme cela a pu être le cas par le passé.
L'impact d'une telle disposition sur l'emploi est discuté. Pour sa part, votre rapporteur est convaincu qu'il pourrait être négatif dans le prolongement des expériences de 1936 et de 1982.
Si la réduction du temps de travail peut être une bonne chose, la commission considère cependant qu'elle doit être négociée par les partenaires sociaux, notamment comme une contrepartie à des progrès en termes d'organisation du temps de travail.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose de supprimer l'article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour présenter l'amendement n° 38.
Mme Odette Terrade. Cet amendement est, à l'image d'autres propositions que nous développerons dans la suite de la discussion, le produit de la réflexion de notre groupe sur le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Nous avons en effet procédé à une analyse la plus serrée possible de ce texte et nous avons convenu qu'il importait d'apporter une précision, même si elle s'avère mineure, au texte de l'article 1er.
Dans le contexte de la discussion sénatoriale, il en ira cependant autrement, puisque la commission des affaires sociales de notre Haute Assemblée nous propose en effet de procéder à la suppression pure et simple de cet article 1er, qui fixe, pour le moyen terme, les conditions de la réduction généralisée de la durée du travail.
Pour autant, et étant donné que le texte que nous examinons fera l'objet d'une nouvelle navette, il nous paraît utile de définir le plus précisément possible le cadre de la discussion.
Par rapport au texte original, le texte qui a été voté à l'Assemblée nationale a élargi le champ de l'application dès l'an 2000 des 35 heures de travail hebdomadaire aux entreprises faisant partie d'une « unité économique et sociale », cette définition recouvrant, en fait, les petites et moyennes entreprises de moins de vingt salariés implantées dans des zones d'activités pluri-industrielles et dont les salariés rencontrent de façon générale les mêmes problèmes et vivent les mêmes conditions de travail.
Fort de cette précision, le texte du projet de loi doit, à notre sens, intégrer également le cas des entreprises de moins de vingt salariés faisant partie d'un groupe de sociétés au sens fiscal du terme, c'est-à-dire au sens de l'article 223 A du code général des impôts.
On sait, à ce propos, que l'une des évolutions de ces dernières années, dans le secteur marchand, a touché l'organisation juridique des groupes des sociétés, par le biais notamment d'une séparation juridique de fonctions différentes dans le circuit de production.
On sait ainsi que de nombreuses sociétés à vocation industrielle ont créé des filiales de propriété immobilière, ou encore ont « externalisé » sous cette forme le traitement informatique de leur comptabilité ou le suivi de leur activité commerciale.
De même, dans un secteur comme le bâtiment, des sociétés ont souvent procédé à la création d'une filiale d'achat par crédit-bail des matériels utilisés par les équipes de chantier.
Cette réflexion sur les liens que peuvent entretenir entre elles des entreprises membres d'un même groupe nous conduit donc à proposer cet amendement.
Au cas où il ne serait pas adopté, nous favoriserions, même si cela demeure marginal, la non-application de la loi dont nous débattons, par un jeu subtil sur les effets de seuil.
Bien que cet amendement ait peu de chances d'être adopté en l'état ici et maintenant, nous tenions, dans la perspective de la seconde lecture, à apporter cette précision.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 38 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement se situe dans la logique du projet de loi, que rejette la commission. Elle ne peut donc qu'y être défavorable.
Au demeurant, cet amendement deviendra sans objet si l'amendement n° 1 de la commission est adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 38 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons longuement évoqué hier l'objet de l'amendement n° 1.
Je tiens à redire combien le Gouvernement est convaincu que la négociation entreprise par entreprise est la meilleure façon de faire en sorte que la réduction de la durée du travail soit créatrice d'emplois. Convaincus qu'il s'agit d'un outil indispensable, il nous semble important de nous engager avec détermination dans cette voie. C'est pourquoi l'article 1er fixe ce cap des 35 heures.
Qu'il me soit permis de rappeler que, même avant la loi Robien et alors que 3 500 accords sont signés chaque année dans notre pays, seuls 5 % d'entre eux ont entraîné une baisse véritable du temps du travail.
Le fait que la loi Robien ait donné lieu à la signature un peu plus de 2 000 accords - et une accélération se manifeste d'ailleurs, ce qui montre bien que notre projet de loi stimule le processus, ce dont je me réjouis personnellement - prouve que, quand un cap est fixé, les entreprises suivent.
En dépit de cette accélération, il nous faudrait cependant soixante-dix ans pour généraliser le processus de la loi Robien. Alors que 5 millions de personnes sont à la recherche d'un emploi dans notre pays, je crois donc qu'il est nécessaire de recourir à la réduction de la durée du travail.
Quand on fait confiance à la négociation et que l'on est déterminé à agir, on ne peut que souhaiter le maintien de cet article 1er.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai entendu les explications de Mme Terrade sur l'amendement n° 38.
Son argumentaire touche largement l'unité économique et sociale telle qu'elle a été instituée par l'Assemblée nationale. Or nous voulons éviter la création de structures juridiques distinctes susceptibles de détourner la loi, comme cela a été le cas à de multiples reprises, et pas seulement pour les 35 heures.
Je ne suis pas convaincue que nous ayons intérêt à porter la négociation au niveau du groupe, où les entreprises sont des entités distinctes, fonctionnellement indépendantes, avec des ressources humaines et des organisations du travail différentes.
Je suis donc défavorable à cet amendement, tout en considérant que l'amendement voté par l'Assemblée nationale et instituant l'unité économique et sociale répond à une large partie de l'argumentaire développé.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. La différence d'approche que reflète cet amendement entre le Gouvernement et les parlemenaires de gauche, d'une part, la majorité du Sénat, d'autre part, nous renvoie à un débat de fond : la place de la loi, de l'intervention législative et réglementaire par rapport à celle de la négociation collective et du contrat. Cette question a été abondamment traitée hier, mais je souhaiterais y revenir brièvement.
En matière de droit du travail, en Europe, seules la France et la Belgique ont fixé une durée légale du travail. Cette règle n'est, en fait, qu'une mesure, puisqu'il est possible, et même prévu par la loi, que l'on puisse y déroger. Il arrive même que la loi encourage ces dérogations : ce fut le cas lorsque cette dernière est intervenue pour encadrer le temps partiel.
Dans les autres pays, cette question est régie par une durée maximale légale et par des durées conventionnelles négociées par les partenaires sociaux des branches professionnelles. S'il y a des différences - et nous en connaissons tous - elles tiennent davantage à des choix macro-économiques et à des choix de politique sociale opérés par les gouvernements en fonction des rapports de force au sein du monde du travail qu'à l'existence ou non d'une législation précise sur la durée du travail, qui s'impose à tous.
Dès lors, fallait-il une loi pour réduire la durée du travail en France ?
Si l'on fait le choix d'aller vers la réduction du temps de travail, cela passe nécessairement par une impulsion législative, d'où le choix équilibré fait par le Gouvernement de nous présenter un texte qui clarifie l'objectif et fixe une finalité.
Ce projet de loi est un texte d'incitation et d'orientation à destination des partenaires sociaux.
Dans le passé - Mme le ministre vient de l'évoquer et nous devons le reconnaître - la négociation collective n'a obtenu que peu de résultats, particulièrement en matière de durée du travail. Elle a permis le développement du temps partiel, de la flexibilité, mais la réduction du temps de travail s'est diluée. Pensons, notamment, au peu de résultats de l'accord interprofessionnel de 1995 !
Vous parlez vous-même, monsieur le rapporteur, d'une dynamique lente et de longue haleine. C'est un euphémisme ! Cela exprime bien la déception que nous avons tous éprouvée.
Il est donc nécessaire de revenir aux enjeux fondamentaux que sont la réduction du temps de travail et la création d'emplois, nul ne contestant plus le rapport entre les deux, même si ce rapport n'est pas exclusif.
Il importe de donner cette nouvelle impulsion, non seulement en matière de temps de travail, d'emploi et d'organisatin du travail, mais également pour la négociation elle-même si l'on veut pousser cette logique à son terme.
Il est clair que nous n'obtiendrons rien de déterminant sans impulsion législative. La loi Robien a, certes, permis la conclusion de 1 700 accords, mais que pèsent ces accords, qui ne concernent finalement que 1 % des salariés, et aussi satisfaisants et exemplaires soient-ils, au regard de l'ensemble de notre tissu économique, au regard surtout de l'ampleur du chômage ?
Ce projet de loi n'est pas, comme certains l'ont décrit abusivement, un texte autoritaire. C'est d'abord, comme son titre l'indique - et c'est ainsi qu'il faut le comprendre - un texte d'incitation et d'orientation qui fixe un objectif fort : une durée légale de 35 heures. Cela représente une norme ; ce qui compte ensuite, c'est l'action sur cette norme. Elle est du ressort des partenaires sociaux, et elle offre un dispositif de soutien important.
Renoncer à tenir cet objectif, c'est renoncer à mobiliser l'ensemble du pays, l'ensemble des acteurs, dans la lutte pour l'emploi.
C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement de la commission des affaires sociales, et nous demandons sur ce point un scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout a été dit, et bien dit, sur cet article 1er.
Le Gouvernement nous propose d'établir à 35 heures la durée obligatoire du travail. Permettez-moi à ce sujet de vous faire part d'une inquiétude sur un point particulier, qui concerne le champ d'application de ce texte. En effet, s'il était adopté, il s'appliquerait non seulement aux entreprises, mais également à tous les établissements du secteur associatif qui travaillent dans les domaines hospitalier, social et médico-social, ce qui représente pas loin de 400 000 salariés : 120 000 dans le secteur sanitaire, 180 000 dans le secteur médico-social et 60 000 dans le secteur social. C'est donc très important ! Je sais, madame la ministre, pour vous avoir interpellée en commission sur ce point, que vous nous objectez la forte pratique du travail à temps partiel dans ce secteur. En fait, 71 % de ces salariés sont employés à temps plein.
Puis-je vous renvoyer, mes chers collègues - même si c'est peut-être un peu prétentieux de ma part - au rapport pour avis que je vous ai présenté à l'occasion de l'examen du budget des affaires sociales ?
A l'évidence, nous assistons à une dérive des dépenses sociales, notamment à travers le secteur associatif. Nous connaissons déjà une dérive structurelle, de l'ordre de 2 % par an, due au contenu actuel des conventions collectives. Or le présent projet de loi ne pourra pas générer des résultats très positifs en termes de réorganisation interne et de gains de productivité. En conséquence, une réduction autoritaire de la durée du travail à 35 heures se traduira nécessairement par une augmentation du coût du travail de l'ordre d'au moins 10 %.
Qui paiera, sinon la collectivité publique, l'Etat et, surtout, les collectivités territoriales et la sécurité sociale, et donc encore les contribuables ? Ce serait déraisonnable et, de surcroît, extrêmement dangereux.
J'ajoute qu'il existe une très grande porosité entre le secteur associatif qui relève du secteur privé et le secteur public. Au demeurant, chaque fois que des mesures ont été prises dans le secteur public, elles ont été étendues, par de simples arrêtés ministériels, au secteur associatif. Je pense notamment aux accord Durieux-Durafour.
A l'évidence, madame la ministre, si vous étiez amenée à faire voter ce texte très rapidement et que, demain, vous deviez engager des discussions avec les fonctionnaires du secteur public, notamment du secteur public hospitalier, dans quelle situation vous retrouveriez-vous ? Vous seriez le dos au mur, parce que vous ne pourriez pas refuser au secteur public ce qui aurait été donné aux salariés du secteur associatif.
Je considère qu'une décision de ce genre est extrêmement dangeureuse, et cela renforce mon désir de voter l'amendement de suppression présenté par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je m'exprime ici au nom de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen : nous sommes défavorables à l'article 1er et favorables à l'amendement n° 1 de la commission.
Si nous ne sommes pas contre la réduction du temps de travail, nous sommes contre le caractère autoritaire et obligatoire de cette réduction. Nous pensons en effet que passer de 39 heures à 35 heures de façon obligatoire, compte tenu des augmentations de productivité que nous connaîtrons d'ici à quelques années, ne conduira absolument pas, malheureusement, à une augmentation massive du nombre des emplois.
Nous considérons, au contraire, qu'il y a d'autres méthodes, qui ont d'ailleurs déjà fait leurs preuves : je pense en particulier à la semaine de quatre jours, déjà largement plébiscitée par une grande partie des salariés et expérimentée par un certain nombre de patrons dans des structures qui, tout en conservant la masse salariale, permettent un accroissement de l'ordre de 10 % à 15 % du nombre des emplois.
Nous voterons donc l'amendement de la commission, et nous présenterons un amendement complémentaire signé par MM. Barnier et Cabanel.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes, bien entendu, partisans du maintien de l'article 1er, et donc défavorables à l'amendement. Je m'en suis longuement expliqué dans mon intervention, il y a quelques instants.
Dans la lutte contre le chômage, qui est la préoccupation majeure des Françaises et des Français, la réduction du temps de travail, que nous appelons de nos voeux pour permettre la création de nombreux emplois, répond à une attente manifeste de nos concitoyens.
Ce vote marquera donc un moment important dans la législation du travail. Il aura notamment un caractère historique dans la définition d'une nouvelle durée légale.
M. Alain Gournac. Il ne faut tout de même pas pousser !
M. Guy Fischer. Mais si, il faut pousser !
Ce n'est pas parce que vous avez préétabli, relayé par la commission, que c'était une mauvaise loi que nous devons l'admettre !
M. Alain Gournac. Je l'ai prouvé !
M. Guy Fischer. Aujourd'hui, oui, il faut pousser. Il faut voter cette loi, et, en l'instant, le groupe communiste républicain et citoyen s'opposera donc à la suppression de l'article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous avons beaucoup discuté, hier, de ce sujet. En l'instant, je veux rappeler les trois raisons fondamentales pour lesquelles la commission propose la suppression de l'article 1er.
La première raison, c'est que le projet de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale confond la réduction effective de la durée du travail, capable de créer des emplois supplémentaires, et la réduction de la durée légale du travail, qui, nous le savons bien, non seulement en est incapable en soi, mais qui, au contraire, est génératrice d'une majoration du coût du travail.
Je n'ai pas eu, hier, pendant tout le débat, d'indication précise sur l'évolution du salaire minimum. Si le fait de passer de 39 heures à 35 heures se traduit par une majoration du salaire minimum de croissance de 11,4 %, il y aura destruction d'emplois et, par conséquent, nous serons passés à côté de l'objectif.
La deuxième raison, c'est que nous croyons au développement de la négociation. Depuis la loi de 1993, les partenaires sociaux peuvent, par la négociation, réduire et réguler la durée du travail, que cette durée soit hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Si, aujourd'hui, dans le cadre d'un accord d'entreprise ou d'un accord collectif, on veut travailler effectivement 32 heures, on le peut.
M. Pierre Laffitte. C'est exact !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Simplement, il faut un accord avec l'ensemble des partenaires.
En 1993, dans la loi-cadre, nous avons voté cette disposition à titre expérimental ; il y a eu quelques essais, quelques tentatives. En 1996 sont intervenues des modifications, et nous avons aujourd'hui des accords de réduction de la durée effective du travail qui portent celle-ci soit de 39 heures à 35 heures, soit de 39 heures à 32 heures, voire de 39 heures à moins de 30 heures, accords qui se sont traduits soit par des préservations, soit par des augmentations d'emplois.
Le fait pour le Gouvernement d'utiliser comme arme la réduction de la durée légale du travail va, comme on l'avait fait en 1982 - M. Mauroy l'a rappelé en termes très généreux mais, hélas ! strictement littéraires et pas du tout économiques - bloquer le processus de cette nécessaire réduction.
Enfin, troisième raison, comme l'a très bien dit tout à l'heure notre excellente collègue Mme Dieulangard - même si c'était dans un sens différent du mien - peu nombreux sont les pays de l'Union européenne à disposer d'une législation fixant la durée hebdomadaire du travail. Dans la plupart des cas, en effet, il existe un plafond de la durée hebdomadaire du travail, qui constitue une protection des salariés, après quoi on laisse aux partenaires sociaux le soin d'organiser librement le fonctionnement de l'entreprise, que ce soit sur le plan hebdomadaire, mensuel, saisonnier ou annuel, et ce dans le cadre d'un accord collectif.
C'est vers ce système que nous devons aller pour que la compétition entre nos différentes entreprises à l'intérieur de l'Union européenne soit la plus fructueuse possible et permette d'enregistrer le maximum de créations d'emplois. En recourant, au contraire, à la réduction autoritaire de la durée légale du travail, nos nous mettons à l'écart de l'ensemble du mouvement de nos partenaires européens.
Telles sont, mes chers collègues, les trois raisons pour lesquelles le texte du Gouvernement nous paraît mauvais et pour lesquelles la commission vous demande de rejeter l'article 1er. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 219
Contre 97

M. Alain Gournac. Il a bien fait !
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé et l'amendement n° 38 n'a plus d'objet.

Article additionnel après l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 36 rectifié, MM. Cabanel et Barnier proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé ;
« Il est inséré dans le code du travail un article L. 212-1 bis ainsi rédigé :
« Art. L. 212-1 bis . - Dans les établissements ou les professions mentionnées à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 39 heures par semaine. La durée moyenne du travail peut être abaissée jusqu'à 32 heures hebdomadaires par accords d'entreprises ou conventions collectives. »
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. L'article 1er a donc disparu. Est-ce un bien, comme le pense la majorité sénatoriale ? Et que va-t-il se passer après ? C'est la grande question. La réduction du temps de travail sera-t-elle pour autant définitivement arrêtée ? Je ne le crois pas ; le mouvement de l'histoire ne s'arrêtera pas. La réduction du temps de travail se fera, le message délivré par le Sénat étant qu'elle doit se faire dans d'autres conditions, conditions auxquelles il nous faudra réfléchir.
Pour ma part, j'aurais préféré que l'article 1er, qui est au fond l'élément décisif de la loi, soit réservé pour être examiné à la fin du texte. Peut-être les réflexions auraient-elles été différentes. Quoi qu'il en soit, la situation est ce qu'elle est.
Dans ces conditions, prévoyant quelle serait la décision de la majorité sénatoriale, je me suis efforcé, avec mon collègue Michel Barnier, à titre tout à fait personnel, de reconstituer un article L. 212-1 bis du code du travail qui se lirait ainsi : « Dans les établissements ou les professions mentionnées à l'article L. 200-1 ainsi que dans les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 39 heures par semaine. » C'est le chiffre que nous devons retenir compte tenu de la décision de suppression de l'article 1er. Et d'ajouter : « La durée moyenne du travail peut être abaissée jusqu'à 32 heures hebdomadaires par accords d'entreprises ou conventions collectives. »
On pourra peut-être nous reprocher d'entériner un état de fait puisque telle est bien la situation qui prévaut actuellement : des négociations peuvent être ouvertes, dans le cadre de la loi quinquennale de 1995 et, surtout, de la loi Robien de 1996, qui permettent d'aller dans cette voie.
Mais, au moment où le Sénat rejette l'idée de dates butoirs, qui peuvent avoir leur importance pour les travailleurs, car on peut se poser la question de savoir quand cette réduction du temps de travail interviendra si l'on attend les effets lents et progressifs de la loi Robien, par exemple, il me paraît tout de même nécessaire de dire dans quelle voie nous souhaitons nous engager.
A nos yeux, la réduction du temps de travail à 32 heures est certainement la plus efficace. Elle répond à la bonne définition d'une rupture en matière de diminution du temps de travail qui est créatrice d'emplois. Elle répond aussi à une possibilité d'organisation sociale sur quatre jours.
Cette voie mérite donc d'être explorée. Nous souhaitons que soit consacrée cette possibilité au moment où s'est refermée la porte des dates butoirs en matière de réduction du temps de travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. M. le président Fourcade a par avance excellemment répondu à cette question en disant, il y a quelques instants, ce que je pouvais dire moi-même.
M. Cabanel est trop bien informé, il connaît trop le code du travail - aussi bien, me semble-t-il, que le rapporteur - pour ne pas savoir que rien, dans ce qu'il propose, n'est normatif.
Il est dit dans l'amendement que : « Dans les établissements... la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 39 heures. » Mais c'est déjà le cas actuellement. Par ailleurs, rien n'interdit de descendre à 32 heures, voire 31 heures ou 29 heures.
M. Cabanel s'est inquiété de savoir ce qui allait se passer. L'amendement n° 2 - je ne doute pas qu'il l'a lu - qui tend à réécrire l'article 2, répond à sa question.
A titre personnel, puisque la commission n'a pas eu à en connaître, j'estime que l'amendement est intéressant, mais je m'interroge : est-il nécessaire, compte tenu du fait que 39 heures est la durée légale et que rien n'interdit de descendre en dessous de ce seuil, par accords d'entreprises, en particulier ?
Je ne peux pas être défavorable à l'amendement dans la mesure où il ne fait que sanctionner ce qui se passe, mais il me paraît être redondant et, dès lors, ne pas avoir sa place dans la loi.
M. le président. Faut-il en conclure que vous êtes défavorable à cet amendement, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini. C'est un amendement superfétatoire !
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, je préférerais, compte tenu de ce qui a été dit, que M. Cabanel accepte de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme l'a excellemment dit M. le rapporteur, je crois que cet amendement n'apporte rien sur le plan juridique, même s'il traduit une volonté de s'orienter vers les 32 heures hebdomadaires.
Le Gouvernement partage ce souci puisqu'il a prévu, en faveur des entreprises adoptant les 32 heures, des modalités d'incitation qui sont proportionnellement plus importantes que celles qui s'appliquent aux entreprises adoptant les 35 heures ; en effet, dès la première année, il est prévu pour ces dernières une valorisation de 4 000 francs de l'aide qui est apportée par salarié.
En outre, cet amendement dénie la durée légale du temps de travail à 35 heures au 1er janvier 2000. Je ne peux donc l'accepter.
Cela dit, je salue le souci de M. Cabanel d'aller vers les 32 heures partout où c'est possible, soutenu en cela, d'ailleurs, par les aides du Gouvernement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Cabanel ?
M. Guy Cabanel. Je serais tenté de retirer mon amendement, mais cela me pose un problème d'ordre moral. En effet, la majorité sénatoriale a adopté tout à l'heure un amendement de suppression de l'article 1er, qui peut être interprété comme une porte fermée à la réduction du temps de travail.
Pour ma part, même s'il est redondant, je considère que cet amendement est un amendement d'espoir qui traduit notre volonté sur ces travées de ne pas nous opposer à la réduction du temps de travail. En effet, ne nous y trompons pas : la réduction du temps de travail poursuivra son évolution historique ! Personne ne l'arrêtera, ni le vote de telle ou telle commission ni le vote du Sénat tout entier.
En conséquence, même s'il est superfétatoire, je pense que cet amendement représente un espoir, un encouragement adressé à ceux qui attendent que le travail législatif soit achevé et qu'un accord soit trouvé - on aurait pu souhaiter, espérer, imaginer, rêver un accord ! - à ceux qui souhaitent réduire le temps de travail par la négociation dans les branches, dans les entreprises, entre les salariés et les directions.
En conséquence, même si je dois être battu, je maintiens cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je comprends très bien le souci de M. Cabanel. Je me permets toutefois de lui signaler que le texte que présente la commission comprend d'autres articles que l'article 1er.
J'invite M. Cabanel à lire l'article 2 tel que le propose la commission et qui dispose que les partenaires sociaux sont appelés à négocier les modalités d'une organisation du temps de travail, pour le réduire ou pour le moduler soit sur la totalité, soit sur une partie de l'année.
Si les entreprises s'y prêtent, elles peuvent bénéficier du dispositif d'incitation prévu à l'article 3 qui synthétise les propositions de la loi Robien et celles du Gouvernement.
En conséquence, le fait d'avoir rejeté l'article 1er ne ferme pas du tout la porte à une réduction de la durée du travail.
Dans la mesure où le code du travail prévoit par ailleurs une possibilité de négociation, je ne saisis vraiment pas l'opportunité de cet amendement.
Dans quelques instants, nous allons aborder l'examen des articles 2 et 3. L'article 2, c'est l'appel à la négociation pour essayer d'accélérer le processus. Quant à l'article 3, c'est l'incitation donnée sur fonds publics pour créer de nouveaux emplois avec deux hypothèses : l'hypothèse d'une réduction de la durée du travail de 10 % qui correspond aux 35 heures, l'hypothèse de la réduction de la durée du travail de 15 % qui correspond aux 32 heures.
Par conséquent, étant donné que l'article 3 relatif aux incitations prévoit les deux hypothèses - 10 % de réduction de la durée du travail avec 6 % de créations d'emplois supplémentaires, 15 % de réduction de la durée du travail avec 9 % de créations d'emplois supplémentaires - nous ne fermons absolument pas la porte.
Nous éclairons la démarche en faisant appel à la négociation et en précisant quelles modalités d'assistance nous pouvons offrir aux entreprises pour leur permettre de conclure des accords, soit avec une réduction de quelques heures, soit avec une réduction plus importante de la durée du travail.
Pour tenir compte de votre préoccupation, que je comprends bien sur le plan politique, peut-être pouvons-nous ajouter à l'article 2 un élément auquel nous allons réfléchir pour bien montrer que cet appel que nous lançons en faveur de la négociation correspond effectivement à notre souci de favoriser le dialogue social. Pour autant, reprendre dans ce texte une disposition qui existe déjà depuis 1993 ne me paraît pas nécessaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 36 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Le groupe socialiste votera contre cet amendement pour une raison de fond : il acte le refus du passage aux 35 heures généralisées en l'an 2000 ou en l'an 2002, selon la taille des entreprises.
Or, pour nous, cette orientation est essentielle pour assurer le succès de la réduction du temps de travail en termes de création d'emplois. Je n'y reviendrai pas puisque nous en avons déjà débattu hier et que nous venons d'en débattre de nouveau tout à l'heure sur l'article 1er.
Je rappelle toutefois que, selon le projet de loi, durant la période transitoire, la durée légale du travail reste fixée à 39 heures et que le passage à 35 heures pendant cette période se fera par accords d'entreprise ou de branche dans certains secteurs. Pendant cette période transitoire, il n'y a donc rien d'obligatoire et c'est ce qui semble encore difficile à appréhender par certains de nos collègues.
Le texte que nous propose le Gouvernement - faut-il encore le répéter ? - est un texte d'orientation et d'incitation qui respecte le dialogue social, qui a aussi la volonté de le promouvoir partout où il fait défaut.
Par ailleurs, s'agissant du passage aux 32 heures, rien dans le projet de loi n'interdit ni aujourd'hui ni demain d'aller dans cette direction. Bien au contraire, le Gouvernement l'encourage - Mme la ministre vient de le rappeler - en proposant des aides majorées aux entreprises qui le souhaiteront.
Par conséquent, cet amendement nous paraît, dans sa rédaction, redondant avec le texte du projet de loi. En réalité, il s'oppose à une véritable réduction du temps de travail créatrice massivement d'emplois. En effet, ne pas afficher clairement que la durée légale du travail sera, aux termes de la loi, abaissée à 35 heures limiterait automatiquement les effects de tout dispositif incitatif.
Quelle que soit la conviction des auteurs de cet amendement en faveur de la réduction du temps de travail créatrice d'emplois - nous en prenons acte, bien entendu - dès lors que l'initiative politique fait défaut, la réduction du temps de travail et la création d'emplois n'atteindront pas les dimensions nécessaires pour répondre aux besoins.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je vais certes exprimer un vote identique à celui de Mme Derycke, mais peut-être pas à la suite du même cheminement intellectuel.
Je suis juridiquement et politiquement contre cet amendement : juridiquement, parce que le rôle de la loi est non pas d'exprimer des encouragements ou de proférer des incantations, mais d'édicter des normes ; politiquement, parce qu'il s'agit là, me semble-t-il, d'une démarche visant à diffuser de nouvelles illusions et, avec des illusions de cette nature, je crains - je le dis avec tout le respect et l'amitié que je porte à M. Cabanel - que l'on ne fasse l'unanimité de la droite et de la gauche contre ce type de démarche incertaine.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Devant ce tir croisé de la droite et de la gauche, je crains le pire ! (Sourires.)
Je suis vraiment navré, car la connotation de ce début de débat est tout à fait attristante. L'article 1er a disparu, les 35 heures sont parties, et nous nous trouvons devant un schéma tout à fait différent...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Claude Estier. Elles vont revenir !
M. Guy Cabanel. Oui, mais le débat d'aujourd'hui doit avoir une logique et une cohérence, et l'amendement que j'ai présenté tient compte de la suppression de l'article 1er. D'ailleurs, si je l'ai rectifié pour le transformer en un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 1er, c'est bien parce que je savais que l'article 1er allait être supprimé.
Cependant, compte tenu de ce qu'a dit M. Fourcade, je retire mon amendement. Toutefois, je vous dis du fond du coeur qu'il n'est pas souhaitable de s'opposer à la réduction du temps de travail. Il faut tout de même envisager des mesures de nature à s'orienter vers une réduction de la durée du travail, et ce en organisant un véritable dialogue social au sein des entreprises.
M. Guy Allouche. Très bien !
M. Guy Cabanel. Un effort considérable doit être accompli, et ce n'est pas en refusant tout qu'on résoudra les problèmes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. _ Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier les modalités d'une organisation du temps de travail assorties d'une réduction de la durée hebdomadaire du travail calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année.
« Les entreprises ou établissements qui concluent un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail avant le 1er janvier 2000 ou, pour les entreprises de moins de cinquante salariés et les associations bénéficiant de concours publics dont la liste est fixée par décret, avant le 1er janvier 2002 et qui, en contrepartie, procèdent à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide financière dans les conditions prévues à l'article 3. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 24, présenté par M. Gournac, vise, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, à remplacer le mot : « appelés » par le mot : « invités ».
Le sous-amendement n° 39, déposé par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend :
I. A la fin du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, après les mots : « réduction hebdomadaire du travail » à supprimer les mots : « calculée en moyenne sur tout ou partie de l'année ».
II. Dans le second alinéa du même texte, à remplacer les mots : « cinquante salariés » par les mots : « vingt salariés ».
Le sous-amendement n° 25, présenté par M. Gournac, a pour objet de compléter in fine le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 par les mots : « ainsi que les éventuelles contreparties salariales ».
Par amendement n° 11 rectifié, M. Marini propose, dans cet article, de supprimer les mots : « des branches et ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission propose une nouvelle rédaction de l'article 2, ce qui répond d'ailleurs au souci de M. Cabanel, en ouvrant à nouveau la porte que ce dernier avait cru fermée.
En effet, nous invitons les partenaires sociaux à négocier les modalités de la réduction effective de la durée du travail avant que ne tombe le couperet des échéances fixées à l'article 1er, soit le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et le 1er janvier 2002 pour les autres.
La commission vous propose de réécrire l'article 2 pour supprimer toute référence à l'article 1er, dont elle vous a demandé la suppression.
Dans un second temps, elle vous propose d'inviter les partenaires sociaux à négocier sur la réduction du temps de travail et également sur les modalités de l'organisation du temps de travail sur tout ou partie de l'année afin que réduction du temps de travail et modulation, notamment par le biais de l'annualisation, puissent constituer les termes d'un accord équilibré, volontairement négocié, dans l'intérêt des salariés et de l'entreprise.
Les partenaires sociaux peuvent, pour cela, recourir au dispositif de modulation des horaires de travail, notamment à la modulation dite de type 3, créée par la loi quinquennale.
La commission propose également de préciser que la signature d'un accord d'aménagement - réduction du temps de travail avant le 1er janvier 2000 pourra donner droit à une aide financière qui reprend le dispositif de la loi Robien, mais en le reprofilant, à l'article 3.
Les entreprises de moins de cinquante salariés et certaines associations bénéficiant d'aides publiques, notamment dans le secteur sanitaire et social, pourront, quant à elles, bénéficier de l'aide pour les accords signés avant le 1er janvier 2002. Il s'agit là d'une disposition défendue par M. Chérioux.
Je reviendrai plus longuement sur le dispositif que nous proposons pour l'article 3.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 24.
M. Alain Gournac. La réduction du temps de travail doit être nécessairement adaptée à chaque entreprise dans l'intérêt, j'y insiste, des salariés et de la compétitivité des entreprises. Elle doit surtout être discutée et choisie.
Je réaffirme que nous sommes non pas contre la réduction du temps de travail, mais bien contre le caractère général et autoritaire du dispositif.
C'est cette idée qu'il m'apparaît important de souligner dans la loi en employant non pas le mot « appelés » - appelés au service militaire ; nous avons supprimé les contraintes en repoussant l'article 1er - mais en utilisant le mot « invités ».
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre le sous-amendement n° 39.
M. Guy Fischer. L'un des objectifs généraux de ce projet de loi est de faciliter la relance de la négociation collective dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle a connu ces dernières années quelques aléas notoires.
Tirant parti de la diversité du paysage syndical des salariés, le patronat français, même s'il est lui-même soumis à des pressions pour le moins contradictoires, a, ces derniers temps, fait valoir pour une part ses positions de fond dans le cadre de cette négociation collective.
L'un des meilleurs exemples en est l'évolution imprimée au système d'indemnisation du chômage, qui est victime, de notre point de vue, de la chimère de l'activation des dépenses passives, alors même que le dispositif existant tend aujourd'hui à exclure une majorité de personnes sans emploi qui devraient, en théorie, être soutenues par l'assurance chômage.
La relance de la négociation est donc l'un des objectifs visés à travers ce projet de loi, objectif dont nous avons pu souligner, au cours de la discussion générale, qu'il ne pourrait être atteint qu'au moyen d'une mobilisation des salariés, rien n'étant, si l'on peut dire, écrit s'agissant des résultats de cette négociation.
L'aspiration à travailler moins est réelle, chacun des salariés de ce pays sentant qu'il est possible de viser cet objectif - on accomplit plus vite aujourd'hui que hier certaines tâches - et que, de surcroît, il est socialement nécessaire, au regard du nombre très élevé de chômeurs et de salariés intermittents et précaires, de réduire le temps de travail.
C'est parce que cette aspiration est forte et réelle que même le patronat doit désormais en tenir compte.
En effet, au-delà d'effets de tribune qui ne visent en fait qu'à rendre plus acceptables les véritables objectifs du CNPF, on compte en réalité faire de la négociation collective un jeu en quelque sorte « pipé », un marchandage entre réduction du temps de travail et acceptation de la flexibilité.
Dans ces conditions, la proposition que nous fait la commission des affaires sociales par le biais de son amendement n° 2 ne doit pas beaucoup nous étonner.
Il s'agit ni plus ni moins, en réécrivant l'article, de tenter de fixer à la négociation collective un point de départ le plus favorable possible selon nous au patronat, en gageant la réduction du temps de travail sur l'acceptation du principe de l'annualisation des horaires de travail.
Cette attitude soulève plusieurs remarques.
Elle est directement inspirée des plus anciennes « lubies », si je puis dire, du CNPF. L'idée de l'annualisation a dû germer à l'époque où M. Ceyrac était encore le président de l'organisation patronale, et il a passé le relais à M. Gattaz.
Cette attitude a constitué l'une des réponses fondamentales du patronat aux enjeux de la crise économique dans les années soixante-dix.
Mais comment faire accepter aux salariés une remise en cause de leur vie familiale et, parfois, de leur pouvoir d'achat, l'annualisation banalisant les heures supplémentaires ou mettant en cause les jours fériés chômés, avec, pour une seule fin, le maintien et, si possible, l'accroissement de la rentabilité du capital et de l'investissement ?
Avec l'annualisation des horaires, on affirme la primauté du résultat économique mesurable financièrement sur le respect des conditions de vie des salariés, sur le développement et l'épanouissement de l'individu dans le travail.
Nous sommes désolés de le dire brutalement, mais c'est bel et bien la vérité : de nos jours, l'aliénation de l'homme au travail devient plus sophistiquée, plus « scientifique », et ce uniquement parce qu'elle se justifie économiquement.
Nous n'osons pas imaginer quelle pourrait être la vie d'une famille où les parents travailleraient dans deux secteurs d'activité différents et obéissant à des rythmes de production différenciés.
Permettez-moi de m'étonner, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, du hiatus entre votre attachement, sinon votre acharnement, à défendre les vertus de la famille et votre volonté, dans les faits, de remettre en cause l'équilibre de la cellule familiale !
Le travail des salariés, ce n'est pas, nous en sommes désolés pour vous, une sorte de stock de matière première.
Je pense donc que le choix biaisé que nous propose la commission des affaires sociales à travers cet amendement n° 2 ne peut qu'être corrigé, et c'est le sens du sous-amendement n° 39 que nous invitons le Sénat à adopter.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre le sous-amendement n° 25.
M. Alain Gournac. La politique engagée par le Gouvernement risque d'aboutir à un gel, sinon à une baisse des salaires. Or, si certains Français se disent séduits - c'est bien normal - par la semaine de 35 heures, ils tiennent en majorité à conserver intact leur niveau de vie.
De plus, concernant le salaire minimum, vous avez successivement assuré, madame le ministre, que le salarié payé au SMIC, dont l'horaire hebdomadaire passe de 39 à 35 heures, doit garder intact son salaire dans un premier temps, puisqu'il n'apparaissait pas opportun que la rémunération d'un salaire restant à 39 heures et payé au SMIC s'accroisse mécaniquement de 11,4 %, auxquels s'ajoute la rémunération des heures supplémentaires.
Vous avez alors inventé la mystérieuse « rémunération mensuelle minimale » dont on ne voit pas vraiment en quoi elle évite aux entreprises de voir leurs coûts salariaux augmenter de 11,4 %. A cet égard, je dois dire que je vous ai écoutée attentivement en commission, madame le ministre, mais que vos réponses à vos questions posées ne nous ont pas du tout éclairés.
Enfin, de nombreuses distorsions vont apparaître, s'agissant des rémunérations, entre les salariés payés au SMIC qui travaillent 35 heures et ceux qui travaillent 39 heures, les salariés à temps partiel et les salariés à temps plein.
Il me paraît donc indispensable que, dès l'ouverture des négociations, il soit discuté du problème de la contrepartie salariale à la réduction du temps de travail.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° 11 rectifié.
M. Philippe Marini. Cet amendement visait à braquer le projecteur sur l'enjeu de la négociation au niveau de l'entreprise ; mais il s'appliquait au projet de loi tel qu'il nous a été transmis par l'Assemblée nationale.
Ayant pris connaissance de l'amendement n° 2 de la commission des affaires sociales, je constate qu'il est satisfait, ce qui n'est pas surprenant, et je le retire.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 24, 39 et 25 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Le terme « invités » est naturellement plus convivial que le terme « appelés », qui rappelle quelque peu le service militaire, et la commission est favorable au sous-amendement n° 24.
Par ailleurs, la commission ayant souhaité faire référence à la modulation sur tout ou partie de l'année et au seuil de cinquante salariés qui est déjà retenu dans le code du travail, elle a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 39.
Le sous-amendement n° 25, présenté par M. Gournac, ajoute une condition qui ne figure pas dans la loi Robien, que nous reprenons en la reprofilant. Cette absence de référence au salaire est le résultat d'un compromis difficilement acquis en 1996 entre les deux assemblées. La commission n'a évidemment pas souhaité revenir sur ces difficultés. C'est la raison pour laquelle elle est défavorable à ce sous-amendement, et espère que son auteur voudra bien le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2, ainsi que sur les sous-amendements n°s 24, 39 et 25 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 2, que, d'ailleurs, je ne comprends pas totalement, parce que ce texte prévoit un aménagement de la durée du travail avec une modulation annuelle obligatoire alors que toutes les entreprises ne sont pas obligées d'aller vers cette modulation annuelle, certaines pouvant préférer d'autres formes de souplesse.
Par ailleurs, cette modulation entraîne la fixation d'un seuil, y compris pour une démarche non volontariste, et exclut donc 45 % des salariés.
Quant au sous-amendement n° 24, il traduit - pour une fois, allais-je dire - le caractère sympathique de M. Gournac ! (Sourires et exclamations.)
M. Guy Fischer. Il ne faut pas se fier aux apparences !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je reconnais, en tout cas, que le terme « invités » traduit une bonne intention à l'égard des partenaires sociaux.
Si la négociation collective est non pas obligatoire mais volontaire, dans le code du travail, il est écrit que les partenaires sociaux sont « appelés » à négocier.
En revanche, si la négociation est obligatoire, il est inscrit que les partenaires sociaux sont « tenus d'engager ».
Je préfère m'en tenir au langage juridique même si, bien évidemment, il s'agit en l'occurrence d'une invitation à la négociation et non pas d'une obligation.
S'agissant du sous-amendement n° 39, si j'en approuve le fond, car il tend à revenir au texte proposé par le Gouvernement, je ne peux y être favorable dans la mesure où je suis opposée à l'amendement n° 2.
J'ajoute d'ailleurs, dans le même esprit, monsieur le rapporteur, que je ne peux pas être favorable au sous-amendement n° 25, car les salaires relèvent des partenaires sociaux et des chefs d'entreprise, à l'exception du SMIC. Il ne convient donc pas d'insérer dans le code du travail des dispositions qui pourraient laisser penser que tel ne serait pas le cas.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 24, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Gournac, maintenez-vous le sous-amendement n° 25 ?
M. Alain Gournac. Monsieur le président, les explications données par notre excellent rapporteur me permettent de le retirer.
M. le président. Le sous-amendement n° 25 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cette explication de vote sur l'amendement n° 2 nous donne l'occasion de faire observer à notre rapporteur - et à la commission - qu'il existe une contradiction certaine dans son raisonnement et dans son propos.
En effet, nous ne cessons d'entendre, depuis que ce projet de loi est déposé, que la réduction du temps de travail doit être négociée librement et de façon décentralisée. Vous souhaitez laisser toute latitude aux partenaires sociaux dans l'entreprise et l'établissement pour négocier comme ils l'entendent, et selon les modalités les plus appropriées, une nouvelle organisation du temps de travail assortie d'une réduction de ce dernier.
Nous sommes d'ailleurs en accord au moins sur ce point : réduction et nouvelle organisation du temps de travail iront presque toujours de pair.
L'un des points les plus intéressants de ce projet de loi, même si l'on ne le relève pas assez, c'est de conduire les entreprises qui ne l'auraient pas déjà fait à moderniser leur organisation pour une meilleure productivité, une plus forte réactivité et de meilleures conditions de vie et de travail des salariés. Il leur appartiendra de le faire valoir.
Toutefois, monsieur le rapporteur, si vous faites confiance aux partenaires sociaux, pourquoi vous arrêter au milieu du gué ? Pour leur imposer un mode de calcul annualisé du temps de travail, par exemple ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le projet de loi, tel qu'il est rédigé, laisse la place à un calcul du temps de travail sur le mois, sur le trimestre ou même sur l'année. Mais il préserve les bornes - notamment les règles de la négociation - que fixe aujourd'hui le code du travail. La réussite de la réduction et de la réorganisation du temps de travail implique que l'éventuelle modulation des horaires se fasse dans le respect des garanties de chacun.
Il n'est donc pas souhaitable d'imposer un mode de calcul a priori et de façon unilatérale. S'il doit y avoir modification sur ce point, elle doit être laissée à l'initiative des négociateurs dans l'entreprise. Le texte de loi doit être un point d'appui, un guide pour les deux parties à la négociation, de façon équilibrée. Il ne doit pas contraindre l'une au bénéfice de l'autre.
J'ajouterai enfin, sur le choix du seuil de 50 salariés par votre amendement, que nous défendons pour notre part le seuil de 20 salariés, et cela pour deux raisons.
D'abord, l'essentiel du potentiel de création d'emplois dans notre pays se trouvant dans les petites entreprises, il est donc nécessaire que les petites puissent bénéficier pleinement du dispositif.
M. Philippe Marini. Bénéficier !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ensuite, puisqu'il s'agit d'un seuil transitoire lié au dispositif d'aide au passage aux 35 heures, il est préférable qu'il soit déconnecté des seuils permanents de 10 et de 50 salariés du code du travail.
Pour ces raisons, nous voterons contre l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. L'amendement n° 2 de la commission contient trois éléments : d'abord, une « invitation » à la négociation - pour reprendre le terme de M. Gournac - ensuite, un calendrie - 2000 pour les entreprises importantes, 2002 pour les entreprises moins importantes - et, enfin, une indication, à savoir que, pendant cette période, des incitations financières sont prévues - c'est l'article 3 - pour accélérer la négociation.
En effet, un appel à la négociation sans incitation risquerait, Mme la ministre l'a dit hier, de ne pas avoir d'effets très précis. Nous indiquons donc très clairement qu'il y aura des incitations si des accords sont conclus entre la date de promulgation de la loi et soit 2000 pour les entreprises importantes, soit 2002 pour les autres.
Il est un autre point sur lequel je me sépare de Mme Dieulangard et de M. Fischer, c'est celui du seuil. Tous ceux qui, depuis vingt ans, ont étudié notre législation du travail le savent : la création d'emplois en France est freinée par l'existence des seuils de dix et de cinquante salariés.
Quand nous avons auditionné les représentants de l'Union professionnelle artisanale, ceux de l'Union des professions libérales et ceux de la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles, tous nous l'ont bien dit : ces deux seuils constituent des obstacles majeurs au développement des entreprises, au point que beaucoup restent à neuf ou à 49 salariés. L'idée d'ajouter un troisième seuil fixé à 20 salariés pour cette négociation sur le temps de travail est donc tout à fait dangereuse.
M. Alain Gournac. Mauvaise.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Au départ, le Gouvernement avait opté pour le seuil de 10. Puis il a changé d'avis pour monter à 20. Mais ce seuil de 20 ne correspond à rien, ni du côté des artisans, ni du côté des commerçants, ni du côté des professions libérales, qui emploient tout de même plus d'un million de salariés ! C'est pourquoi nous pensons qu'il faut garder le seuil de 50, qui détermine la constitution d'un comité d'entreprise.
Ainsi, toutes les entreprises en France qui disposent d'un comité d'entreprise sont invitées à une négociation entre la date de la promulgation de la loi et fin 1999. Les entreprises qui n'en disposent pas bénéficient d'un délai supplémentaire de deux ans. La commission attache beaucoup d'importance à ne pas créer un troisième seuil, mais à s'aligner sur le seuil le plus élevé existant.
Alors que, depuis vingt ans, d'innombrables rapports écrits par toute une série d'experts dénoncent notre système de seuils, nous sommes pratiquement le dernier pays d'Europe à avoir toujours un système qui bloque le développement naturel des entreprises ! Il faut vraiment repousser catégoriquement l'idée d'avoir un troisième seuil.
Je tiens beaucoup, pour ma part, au seuil de cinquante salariés, qui doit s'imposer dans le cadre de cette négociation.
M. Alain Gournac. Très bien ! Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite répondre au président Fourcade sur ce point.
J'ai beaucoup entendu parler des problèmes de seuils depuis 1975, date à laquelle je suis entrée dans ce ministère du travail, et j'ai lu tous les rapports qui ont été publiés sur ce sujet.
Ce qui est reproché aujourd'hui à la réglementation française, ce n'est pas d'avoir des seuils, c'est d'en avoir trop peu et, surtout, d'avoir trop d'obligations pour un même seuil ! En effet, au-delà du seuil de dix salariés, l'entreprise est brusquement assujettie à un certain nombre de taxes : logement, formation professionnelle, délégués du personnel, etc.
C'est l'une des raisons qui nous a amenés à créer un autre seuil, car plus vous avez de seuils et moins vous aurez d'effets de seuils ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est spécieux !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est en tout cas ce que j'ai retenu de tous les rapports que j'ai lus depuis vingt-ans ! Je pense, monsieur Fourcade, que nous avons lu les mêmes rapports, mais peut-être n'en avons-nous pas tiré les mêmes conclusions !
Enfin, je vous signale que le code du travail contient une quinzaine de seuils et non pas seulement deux. Nous n'avons donc pas intérêt à conforter ces deux seuils si nous voulons éviter les effets de seuil. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. C'est lumineux !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Articles additionnels après l'article 2



M. le président.
Par amendement n° 40, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pour assurer le suivi d'un accord d'entreprise ou d'une convention de branche conclu en application de l'article 2 de la loi n° du d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, les parties prenantes à l'accord peuvent décider de la constitution d'une structure paritaire.»
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement de notre groupe, consacré au suivi et au contrôle d'exécution des accords portant sur la réduction et l'aménagement du temps de travail, est particulièrement important.
J'observe d'ailleurs que la proposition de la commission des affaires sociales, qui tend à réécrire le texte de l'article 3 en procédant à un reprofilage des dispositifs issus de la loi quinquennale et de la loi Robien, fait un peu rapidement, à notre sens, l'impasse sur cette question essentielle de l'évaluation de l'analyse du « coût efficacité » des dispositifs dits incitatifs.
Nous en reparlerons le moment venu, mais vous conviendrez que cela ne manque pas de produire quelque équivoque sur les intentions réelles de la commission des affaires sociales.
Il nous apparaît donc nécessaire d'envisager, dans le cadre de la négociation collective, que soient créées les conditions d'une analyse a posteriori des effets et de l'application des accords passés en vertu des dispositions de l'article 2 de la présente loi.
Nous pensons en effet que, si l'on peut partager le souci de motiver une relance de la négociation collective, il importe aussi que soient créées les conditions de son plein succès.
Il nous semble, en particulier, que les enjeux des accords de branche, comme des accords d'entreprise, sur l'aménagement et la réduction du temps de travail dépassent bien souvent le seul cadre des entreprises ou des branches. Les parties prenantes de chacun des accords conclus sont en effet redevables, devant la collectivité tout entière de la réussite, en termes de création d'emplois, de l'incitation à la réduction du temps de travail proposée dans le présent projet de loi.
Il importe donc que le projet de loi prévoie expressément l'application d'un contrôle de l'efficacité. Tel est le sens de cet amendement, que je vous invite à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement est le premier d'une série qui vise à mettre à en place un droit spécifique de la négociation dès lors qu'elle porte sur le temps de travail.
Cela ne me semble pas être justifié. En effet, rien, absolument rien, n'empêche les partenaires sociaux de décider la constitution d'une structure paritaire de suivi des accords.
Dans ces conditions, la commission a donné un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements n°s 40 à 44, qui sont tous construits de la même manière et qui ont à peu près le même objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'esprit de cet amendement, qui vise à créer un dispositif de suivi paritaire des accords de branche ou d'entreprise ouvrant droit à l'aide à la réduction du temps de travail.
La raison en est simple : nous éviterons ainsi les difficultés, notamment sur la mesure des créations d'emplois. D'ailleurs, la plupart des accord signés dans le cadre de la loi Robien ont créé cette commission de suivi.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a accepté, lors des débats à l'Assemblée nationale, un amendement qui est quasiment identique, mais qui a été placé à l'alinéa II de l'article 3, c'est-à-dire au moment important de la définition du contenu de l'accord, place plus adaptée qu'après l'article 2, qui est une invitation à la négociation.
Aussi, si Mme Terrade et le groupe communiste républicain et citoyen en sont d'accord, je souhaite que cet amendement soit retiré au bénéfice de celui qui a d'ores et déjà été adopté à l'Assemblée nationale.
M. le président. Madame Terrade, avez-vous entendu l'appel du Gouvernement ?
Mme Odette Terrade. Oui, mais je maintiens l'amendement, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 41, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les accords collectifs d'entreprise ou d'établissement conclus en vertu des dispositions de l'article 2 de la présente loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail ne peuvent comporter des dispositions moins favorables aux salariés que les accords conclus dans la branche à laquelle sont rattachés l'entreprise ou l'établissement. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. La relance de la négociation collective est l'un des éléments principaux de ce projet de loi. Elle porte d'ailleurs sur une matière, la réduction du temps de travail, qui appelle un certain effort d'imagination de la part des partenaires sociaux. Pour autant, elle doit, à notre sens, s'inscrire dans un cadre relativement précis.
Deux objectifs fondamentaux sont liés dans la réussite de cette négociation collective : d'une part, l'amélioration des conditions de vie et de travail des salariés, en limitant autant que faire se peut, par exemple, le recours aux heures supplémentaires ou plus précisément à la différenciation « saisonnière » des horaires de travail, et d'autre part, la création massive d'emplois nouveaux pour l'ensemble de ceux, jeunes ou chômeurs de longue durée, qui sont aujourd'hui privés d'emploi.
Si ces deux objectifs ne sont pas atteints, on peut craindre que la perception même de la négociation collective par les salariés eux-mêmes ne soit quelque peu brouillée.
Le cadre de la négociation collective, nous l'avons vu, est double, qu'il s'agisse du texte du projet de loi ou de l'article 2 tel qu'il est proposé par le Sénat : cette négociation peut, en effet, être menée dans l'entreprise comme dans la branche d'activité de l'entreprise.
Il importe donc, à notre sens, que la négociation conduite dans l'entreprise, par nature plus empirique, ne puisse pas conduire à une forme de balkanisation du droit du travail, plaçant, en fait, la question de la durée du travail dans le cadre étroit de la seule entreprise, alors même que cette question interpelle l'ensemble des entreprises, des salariés et des employeurs.
Nous tenons donc à ce que le texte du projet de loi prévoie expressément que la négociation d'entreprise ne pourra attribuer aux salariés moins de garanties que celle qui est menée dans la branche d'activité de l'entreprise elle-même.
Tel est le sens de cet amendement qui tend à éviter la multiplication d'accords dérogatoires dans les entreprises appartenant à une même branche d'activités.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que précédemment.
De plus, à ce niveau de négociation - je rappelle qu'il s'agit de comparer un accord de branche et un accord d'entreprise - il sera souvent difficile de dire ce qui est plus ou moins favorable, car chaque entreprise a bien évidemment sa spécificité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, parce qu'il reprend un article général du code du travail, l'article L. 132-23, qui précise très clairement que les accords d'entreprise ou d'établissement ne peuvent comporter que des clauses plus favorables aux salariés par rapport à celles des accords de branche applicables dans l'entreprise.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 42, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les accords d'aménagement et de réduction du temps de travail conclus en vertu des dispositions de l'article 2 de la présente loi peuvent également être négociés localement par les représentants d'organisations syndicales représentatives au sens de l'article L. 133-2 du code du travail et les organisations syndicales ou tout autre groupement d'employeurs. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. La relance de la négociation collective multiforme est incontestablement l'un des enjeux principaux de ce projet de loi, et conditionne d'ailleurs sa mise en oeuvre.
Il en sera de même du second projet de loi qui, dans deux ans, tirera les conclusions de l'expérience menée pour faciliter la mise en oeuvre généralisée de la réduction du temps de travail.
Le projet de loi initial et les modifications intervenues à l'Assemblée nationale visent à faciliter la mise en place d'un cadre de négociation polyvalent partant à la fois de l'entreprise et concernant également la branche.
Nous avons souligné ici la nécessité de définir avec la plus grande précision le texte dont nous discutons. Notre amendement précédent portait sur le principe de primauté des accords de branche sur les accords d'entreprise. La réponse de Mme le ministre qui, dans un premier temps, a pu apparaître suffisante, est en fait assez incomplète, le critère de la clause moins favorable ne pouvant de notre point de vue être invoqué.
Nous sommes convaincus que l'accord de branche doit, dans les faits, constituer le socle commun à l'ensemble des négociations menées dans les entreprises. Il ne doit pas aboutir à une fragmentation de la législation rejetant toute évolution bénéfique aux salariés particuliers.
Dès lors, le rôle que doivent assumer les accords conclus au niveau de l'entreprise est de faciliter l'engagement de la négociation de branche si celle-ci s'avère bloquée dans un premier temps.
Pour autant, nous sommes bien obligés de tenir compte des situations plus spécifiques où c'est l'action des instances locales des organisations syndicales de salariés qui sera le moteur de la négociation.
Dans les entreprises dotées de sections syndicales organisées, où la négociation a déjà un long passé, nul doute que la question de la réduction du temps de travail sera prise à bras le corps et fera assez rapidement l'objet de débat.
Dans d'autres entreprises, les plus nombreuses, celles qui comptent de vingt à cinquante salariés, par exemple, on se doit de réfléchir aux moyens d'ouvrir effectivement la négociation.
Dans le projet de loi initial, il est proposé de solliciter éventuellement la présence de mandataires des salariés investis par les organisations syndicales représentatives et organisées localement, pour pallier l'absence de délégués syndicaux.
Nous estimons que, si cette solution peut répondre ponctuellement à certaines des situations, on ne peut cependant exclure le recours à l'intervention des instances locales des organisations syndicales représentatives des salariés.
Il s'agit donc, dans les faits, de permettre que la négociation, notamment lorsqu'elle souffre de l'absence de représentation syndicale dans les entreprises, soit menée par les représentants locaux des organisations syndicales représentatives, afin de permettre la conclusion du nombre le plus élevé possible d'accords.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable, toujours pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mme Bidard-Reydet est revenue sur l'argumentaire de l'amendement n° 41 concernant l'articulation des accords. Je répéterai que le code du travail précise très clairement qu'il y a une hiérarchie entre la loi et la négociation et entre le niveau des accords, entre accords interprofessionnels, accords de branche et d'entreprise.
S'agissant de l'amendement n° 42, le Gouvernement partage le souci de ses auteurs qui est de développer la négociation au niveau local. A l'Assemblée nationale, Mme Boisseau a déposé un amendement de même nature et je me suis engagée - nous sommes en train de mener des consultations avec les organisations syndicales et patronales - à proposer en deuxième lecture une rédaction qui permettrait, en faisant référence à l'article L. 132-30, de négocier la durée du travail à l'échelon des commissions locales paritaires.
Par conséquent, je vous demande, madame le sénateur, d'attendre la deuxième lecture et de nous permettre de rédiger un texte qui « tienne la route », car il n'est pas très facile d'organiser une négociation à l'échelon des commissions paritaires locales.
M. le président. Acceptez-vous de retirer l'amendement n° 42, madame Bidart-Reydet ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 42 est retiré.
Par amendement n° 43, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 132-30 du code du travail, il est inséré la phrase suivante : "pour la mise en oeuvre de dispositions d'ordre législatif ou réglementaire ayant trait à la réduction ou à l'aménagement du temps de travail, les représentants du personnel sont désignés par les organisations syndicales représentatives". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le débat sur notre proposition pourrait, bien entendu, avoir lieu à propos de l'article 3 que nous nous apprêtons à examiner et qui traite des conditions de la négociation.
Mais l'attitude de la majorité sénatoriale, qui, par son refus de débattre du projet de loi, bride l'échange pluraliste, nous amène à anticiper, en proposant, avant l'examen de l'article 4, de poser différemment les règles de cette négociation.
Nous ne souhaitons pas, madame la ministre, que ce texte entérine la loi du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective, loi qui avait marqué un recul significatif de la législation du travail, au détriment du droit syndical.
L'article 3 du projet de loi s'inscrit en effet totalement dans le dispositif du mandatement, qui concrétise la mise à l'écart du syndicalisme au profit du paternalisme patronal.
Notre première proposition vise, par le biais de cet amendement n° 43, à compléter les dispositions du code du travail relatives au site et à la représentation des salariés dans cette optique. Nous souhaitons que soit précisé qu'il sera procédé à la désignation, par les organisations syndicales représentatives sur le site, de véritables représentants du personnel et non pas de simples mandataires. Cette désignation se ferait pour étudier la mise en oeuvre de dispositions d'ordre législatif ou réglementaire ayant trait à la réduction ou à l'aménagement du temps de travail.
Je vous rappelle que les sites permettent d'organiser, de manière certes encore insuffisante, la représentation des salariés, le regroupement sur le plan local ou départemental, professionnel ou interprofessionnel, des entreprises occupant moins de onze salariés, ainsi que de celles qui occupent moins de cinquante salariés.
Des conventions collectives permettent dans ce cadre de prévoir les modalités particulières de représentation du personnel des entreprises précitées.
Nous proposons donc que soient précisées dans le corps de cet article L. 132-30 du code du travail les conditions de désignation des représentants syndicaux pour la mise en oeuvre de la législation ayant trait à la réduction et à l'aménagement du temps de travail.
Certes, on nous répondra que la loi ne concerne que les entreprises de plus de vingt salariés. Mais cette disposition n'est pas impérative. Nous souhaitons que de nombreuses entreprises de moins de vingt salariés puissent avancer vers les 35 heures le plus rapidement possible.
Nous proposons donc d'apporter des garanties aux salariés en battant en brèche la loi véritablement anti-syndicale de 1996.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission n'est pas certaine qu'il soit opportun de mettre en oeuvre des dispositions concernant la négociation dans les petites entreprises pour les seules négociations d'accord d'aménagement du temps de travail. C'est la raison pour laquelle elle a donné un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Même avis, monsieur le président, d'autant que pour le mandatement nous avons précisé explicitement que les salariés devaient être désignés par les organisations syndicales représentatives.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 44, M. Fischer et Mme Borvo, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pour la mise en oeuvre de la présente loi dans les entreprises et organismes visés par l'article L. 421-1 du code du travail, les syndicats représentatifs peuvent désigner, en application de l'article L. 412-11 du code du travail, le délégué du personnel comme délégué syndical. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Notre amendement n° 44 se situe dans la même logique que le précédent, mais il introduit, par un autre biais, pour des catégories différentes d'entreprises, des assurances en matière de respect du droit syndical.
Nous proposons que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs puissent désigner, en application de l'article L. 412-11 du code du travail, des délégués du personnel comme délégués syndicaux afin de participer à la mise en oeuvre de la présente loi.
Je ne rappellerai pas ici les difficultés rencontrées par le syndicalisme ouvrier pour obtenir cet acquis fondamental que représente la délégation syndicale dans l'entreprise.
La victoire des accords de Grenelle de 1968, à la suite des événements de mai, a permis l'entrée des délégués syndicaux dans l'entreprise.
Depuis lors, le patronat, la droite n'ont cessé de vouloir remettre en cause ce principe.
La loi sur la négociation collective de 1996, rejetée par l'ensemble des groupes de gauche, marquait un recul significatif par rapport aux législations de 1968, 1982 ou 1985.
Nous souhaitons, par notre amendement, réaffirmer la nécessité de l'intervention syndicale dans le cadre de négociations aussi importantes que celle qui est relative à la réduction du temps de travail.
Nous espérons que le Gouvernement de la gauche plurielle permettra de nouvelles avancées dans le domaine des droits des salariés et de leurs organisations représentatives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il me semble que cette disposition figure déjà dans le code du travail, à l'article L. 412-11, auquel les auteurs de l'amendement ont d'ailleurs fait référence. Je ne crois pas nécessaire de la mentionner de nouveau. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avis défavorable, parce que, effectivement, cette disposition figure déjà dans le code du travail, à l'article L. 412-11.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. _ Les entreprises ou établissements qui réduisent la durée du travail avant le 1er janvier 2000 ou pour les entreprises de vingt salariés ou moins avant le 1er janvier 2002 en application d'un accord collectif et qui procèdent en contrepartie à des embauches ou préservent des emplois peuvent bénéficier d'une aide dans les conditions définies ci-après.
« I. _ Peuvent bénéficier de cette aide les entreprises, y compris celles dont l'effectif est inférieur ou égal à vingt salariés, relevant des catégories mentionnées à l'article L. 212-1 bis du code du travail issu de l'article 1er de la présente loi, ainsi que les sociétés ou organismes de droit privé, les sociétés d'économie mixte et établissements publics industriels et commerciaux locaux de transport public urbain de voyageurs. Toutefois, ne peuvent bénéficier de cette aide, eu égard au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes publics dépendant de l'Etat, dont la liste est fixée par décret. Pour ces organismes, les modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec l'Etat.
« La réduction du temps de travail doit être d'au moins 10 % de la durée initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau de la durée légale fixée par l'article L. 212-1 bis du code du travail. L'ampleur de la réduction est appréciée à partir d'un mode constant de décompte des éléments de l'horaire collectif.
« II. _ La réduction du temps de travail doit être organisée par un accord d'entreprise ou d'établissement. Elle peut être également organisée en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu, soit, dans les entreprises de cinquante salariés ou plus, sous réserve d'un accord complémentaire d'entreprise, soit, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, selon des modalités de mise en oeuvre prévues par la convention ou l'accord de branche.
« Outre les dispositions prévues au IV et au V du présent article, l'accord collectif détermine les échéances de la réduction du temps de travail applicables dans la ou les entreprises intéressées en référence à la durée initiale du travail, ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, y compris celles relatives aux personnels d'encadrement lorsque ces modalités sont spécifiques, et les modalités et délais selon lesquels les salariés doivent être prévenus en cas de modification de l'horaire. Il détermine aussi, sans préjudice de l'application des dispositions du livre IV du code du travail organisant la consultation des représentants du personnel, les dispositions relatives au suivi de sa mise en oeuvre au sein de l'entreprise et, le cas échéant, de la branche. Ce suivi peut être assuré par une instance paritaire spécifiquement créée à cet effet. L'accord prévoit les conséquences susceptibles d'être tirées de la réduction du temps de travail sur les contrats de travail à temps partiel ainsi que sur la situation des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives et selon un cycle continu, mentionnés à l'article 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés. Il peut également prévoir les conditions particulières selon lesquelles la réduction s'applique aux personnels d'encadrement ainsi que des modalités spécifiques de décompte de leur temps de travail tenant compte des exigences propres à leur activité.
« Cet accord est déposé à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, remis aux représentants du personnel et affiché dans l'entreprise.
« Une organisation syndicale ou son représentant dans l'entreprise peut saisir l'autorité administrative en cas de difficultés d'application d'un accord d'entreprise signé dans le cadre du présent dispositif.
« III. _ Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, à défaut d'un accord de branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective, un accord collectif peut être conclu par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
« Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut, à tout moment, mettre fin au mandat. Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié de l'entreprise choisi par lui. L'accord prévoit les modalités selon lesquelles les salariés de l'entreprise et l'organisation syndicale mandante sont informés des conditions de sa mise en oeuvre et de son application. Cet accord est communiqué au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
« Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi qu'aux réunions nécessaires pour son suivi est payé comme temps de travail.
« Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant six mois après la signature de l'accord ou, à défaut, la fin du mandat ou la fin de la négociation.
« IV. _ Dans le cas où l'entreprise s'engage à procéder à des embauches en conséquence de la réduction du temps de travail, l'accord détermine leur nombre par catégories professionnelles ainsi que le calendrier prévisionnel des embauches.
« L'entreprise doit s'engager à ce que ces embauches correspondent à 6 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
« La majoration bénéficie également aux entreprises qui, après avoir bénéficié de l'aide octroyée pour une réduction du temps de travail de 10 %, réduisent une nouvelle fois le temps de travail avant le 1er janvier 2003, pour porter l'ampleur totale de la réduction à au moins 15 % de l'horaire initial. Elles devront alors avoir procédé à des embauches correspondant à au moins 9 % de l'effectif concerné par la première étape de réduction du temps de travail.
« L'entreprise doit s'engager à maintenir l'effectif augmenté des nouvelles embauches de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction, pour une durée fixée par l'accord et qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de la dernière des embauches effectuées en application du premier alinéa du présent paragraphe. Ces embauches devront être réalisées dans les entreprises ou les établissements où s'applique la réduction du temps de travail dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de travail.
« Le chef d'entreprise doit fournir au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, les informations sur les embauches réalisées en application du présent paragraphe.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour une durée de cinq ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord, après vérification de la conformité de l'accord collectif aux dispositions légales.
« V. - Dans le cas où la réduction du temps de travail permet d'éviter des licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement pour motif économique, l'accord d'entreprise ou d'établissement détermine le nombre d'emplois que la réduction du temps de travail permet de préserver. Ce dernier doit être équivalent à 6 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail. Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail, et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalent à 9 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
« L'accord d'entreprise ou d'établissement précise également la période pendant laquelle l'employeur s'engage à maintenir l'effectif de l'entreprise ou du ou des établissements concernés par cette réduction. Sa durée est au minimum de deux ans.
« L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat après vérification de la conformité de l'accord d'entreprise aux dispositions légales et compte tenu de l'équilibre économique du projet et des mesures de prévention et d'accompagnement des licenciements.
« L'aide est attribuée pour une durée initiale de trois ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail prévue par l'accord. Elle peut être prolongée pour deux ans par avenant à la convention conclue entre l'Etat et l'entreprise, au vu de l'état de l'emploi dans l'entreprise et de la situation économique de celle-ci.
« VI. - L'aide est attribuée pour chacun des salariés auxquels s'applique la réduction du temps de travail, ainsi que pour ceux embauchés dans le cadre du dispositif prévu au IV du présent article. Elle vient en déduction du montant global des cotisations à la charge de l'employeur pour la période considérée au titre des assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles et allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
« Le montant de l'aide peut être majoré si l'entreprise prend des engagements en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, en particulier s'il s'agit d'une petite entreprise, ou si l'entreprise procède à la totalité des embauches prévues en application du IV du présent article dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée. Il peut être aussi majoré si l'entreprise prend des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes reconnues handicapées en application de l'article L. 323-10 du code du travail ou de publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, en particulier les chômeurs de longue durée.
« Des majorations spécifiques peuvent être accordées, dans des conditions fixées par décret, aux entreprises dont l'effectif est constitué d'une proportion importante d'ouvriers au sens des conventions collectives et de salariés dont les rémunérations sont proches du salaire minimum de croissance.
« Son bénéfice ne peut être cumulé avec celui d'une exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, ou avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ainsi que des aides prévues aux articles L. 322-4-2 et L. 832-2 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de contrôle de l'exécution de la convention avec l'Etat et les conditions de dénonciation et de suspension de la convention, assorties le cas échéant d'un remboursement de l'aide, dans le cas où l'entreprise n'a pas mis en oeuvre ses engagements en matière d'emploi et de réduction du temps de travail.
« Un décret détermine les autres conditions d'application du présent article, notamment les montants de l'aide, ainsi que les dispositions relatives aux majorations.
« VI bis . - Les branches ou les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, qui engagent une démarche de réduction du temps de travail et de réorganisation pourront bénéficier d'un dispositif d'appui et d'accompagnement auquel les régions pourront, le cas échéant, participer. Celui-ci permettra la prise en charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études préalables à la réduction du temps de travail.
« VII. _ Les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail sont abrogés. Les articles 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont abrogés. Toutefois, ces derniers, ainsi que les dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale applicables avant l'entrée en vigueur de la présente loi, demeurent applicables aux conventions conclues avant la date de publication de celle-ci.
« VIII. _ A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, les mots : "par les articles 7, 39 et 39-1" sont remplacés par les mots : "par l'article 7". »
Sur l'article la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'objectif principal du projet de loi étant de favoriser l'emploi, l'article 3, coeur du système, prévoit un dispositif d'incitation financière proprose à accompagner les entreprises qui s'engagent sur cette voie.
A la grande différence des dispositifs d'aides publiques à l'emploi conçus et utilisés précédemment, celui qui nous est proposé ne se contente pas de distribuer sans contrôle ; il explicite et encadre l'accord collectif, préalable à l'octroi de l'aide.
Dans cet article, référence est faite tout d'abord aux bénéficiaires de l'aide et, à ce sujet, je tiens à préciser que, sur l'initiative des députés communistes et apparentés, l'entreprise peut être concernée alors même qu'elle compte moins de 20 salariés.
Référence est faite également aux conditions à remplir en termes de réduction du temps de travail et en termes d'embauches correspondantes. Vous connaissez tous assez bien le dispositif pour que je n'entre pas dans les détails. Toutefois, je ferai remarquer qu'il n'y a pas de stricte équivalence entre les 10 % de réduction du temps de travail et les 6 % de créations d'emplois. Je regrette que l'obligation d'embauches soit aussi faible ; elle entraîne obligatoirement des gains de productivité, sans pour autant conduire forcément à une amélioration des conditions de travail.
Cet article conditionne l'accès à l'aide à la négociation d'un accord collectif dont il prend soin de préciser le contenu : ampleur et rythme des réductions d'horaires, modalités de décompte et d'organisation du temps de travail, créations d'emplois associées, sort des cadres et des salariés à temps plein.
La place centrale étant donnée aux négociations, les mesures relatives au mandatement nous semblent devoir être précisées.
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, nous apprécions que le mandaté puisse bénéficier d'une protection sur le modèle de celle qui est dévolue au délégué syndical, ces négociations devant être un prélude à la création de structures syndicales. Un de nos amendements vise, dans ce sens, à protéger effectivement la personne qui a négocié au moins six mois après la signature de l'accord.
Nous apprécions également comme très positif l'ensemble des avancées obtenues à l'Assemblée nationale par notre groupe concernant l'accompagnement du mandataire et les moyens qui lui sont donnés.
Nous pensons toutefois qu'il est impératif d'aller encore vers plus de suivi des accords et plus de contrôle dans l'utilisation des aides. Sur ce point, nous sommes satisfaits que l'aide puisse être remboursée lorsque l'employeur n'honore pas ses engagements, et lui appliquer la répétition de l'indu est juste.
Cependant, pour que ce dispositif puisse donner des résultats, il est primordial que, outre la possibilité de constitution d'une instance paritaire de suivi, il soit permis au CODEF, le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, d'intervenir tant pour donner son avis sur l'attribution des aides que pour en assurer le contrôle effectif. Tel est l'objet d'un de nos amendements.
Pourquoi ne pas penser aux comités locaux pour l'emploi pour dénoncer les chasseurs de prime ?
La commission des affaires sociales, en proposant une réécriture de l'article 3, fait abstraction de ce volet que nous jugeons nécessaire. C'est l'une des raisons qui nous conduiront à rejeter sa démarche.
S'agissant de l'aide accordée, autre point essentiel de cet article, le Gouvernement a voulu qu'elle soit forfaitaire et dégressive. Lorsqu'elle permet, en contrepartie de la diminution du temps de travail, de créer de nouveaux emplois à l'issue des cinq ans, elle sera pérennisée, alors même qu'aucune garantie n'est apportée quant aux créations d'emplois.
Dans diverses situations, lorsque l'accord contient une clause innovante, par exemple en allant au-delà des 35 heures ou en embauchant des jeunes en difficulté, les aides sont majorées.
Plus discutable, une majoration supplémentaire est prévue au bénéfice des entreprises de main-d'oeuvre à bas salaire. Je sais que ce point a suscité un débat à l'Assemblée nationale.
Force est malheureusement de constater que ce dispositif ne se dégage pas franchement de la logique de la baisse des charges salariales, logique que nous dénonçons, doutant de son efficacité. C'est pourquoi nous proposerons d'insérer, après l'article 3, un article additionnel promouvant d'autres formes d'aide.
Au-delà du problème de la forme de l'aide à l'emploi et à la réduction du temps de travail, nous sommes convaincus qu'en ciblant mieux les aides sur les entreprises, les PME qui en ont réellement besoin, l'efficacité de ces aides s'en trouverait renforcée.
J'évoquerai enfin le volet défensif de ce projet de loi, qui permet non pas des créations d'emplois mais la préservation d'un certain nombre d'emplois existants.
Madame la ministre, vous avez vous-même constaté les effets pervers de ce dispositif. Nous en avions proposé la suppression et nous formulons de nouveau aujourd'hui notre proposition par voie d'amendement. Mais surtout, nous entendons assurer une stricte corrélation entre la durée de l'octroi des exonérations de charges et l'obligation de maintien des effectifs.
Il est temps de mener une politique de l'emploi cohérente et, pour cela, la question de la prévention des licenciements économiques devra être discutée.
Encore une fois, et la suite des débats le confirmera, nos propositions n'ont rien à voir avec celles de la commission des affaires sociales, qui, pour contrer le projet, « ressort » et « rafraîchit » la loi Robien, dont nous avons dénoncé les dangers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. L'article 3 que vous nous proposez d'adopter, madame le ministre, résume parfaitement votre projet de loi, qui est étatiste, complexe et coûteux.
Votre texte est étatiste en ce qu'il impose de façon autoritaire une nouvelle organisation du travail aux salariés et aux entreprises.
Il est aussi complexe parce que, suivant les cas, les dates d'application varient entre le 1er janvier 2000, le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2003.
Pas moins d'une trentaine de curseurs peuvent changer : les taux de réduction du temps de travail varient de 10 % à 15 %, les taux d'embauche de 6 % à 9 % ; il existe des primes diverses : prime « jeunes », prime « entreprises de main-d'oeuvre ».
En outre, ainsi que je l'ai rappelé lors de la discussion générale, votre texte introduit dans notre économie des distorsions de concurrence particulièrement injustes envers les petites entreprises, qui seront moins aidées ou qui ne le seront pas du tout. En revanche, vous créez des effets d'aubaine au bénéfice de certaines entreprises plus grandes qui devaient de toute façon embaucher.
Votre texte est coûteux, car il ignore totalement les charges supplémentaires induites par l'embauche d'un nouveau salarié en termes de locaux, d'équipements ou de sécurité.
Les incitations financières que vous souhaitez mettre en place vont être extrêmement lourdes à supporter pour le contribuable et le budget de la sécurité sociale. A cet égard, vous n'avez pas jugé nécessaire de respecter la loi du 25 juillet 1994, qui prévoit la compensation des nouvelles exonérations de charges sociales par l'Etat.
Pour toutes ces raisons, votre texte est inapplicable. Il l'est, au demeurant, pour bien d'autres raisons encore, qui concernent le mandatement, le caractère forfaitaire de l'aide, la situation des cadres, la cohabitation au sein d'une même entreprise de salariés auxquels s'appliquent les 35 heures, alors que d'autres n'y sont pas soumis ; ce sera le cas des entreprises de propreté - leur syndicat vient de me transmettre un message qui ne s'accordait pas avec ce que vous avez dit hier de cette profession - où les salariés sont transférés en même temps que les marchés.
Je voterai donc l'amendement de notre collègue Louis Souvet, qui propose de reprofiler la loi quinquennale sur l'emploi de 1993, modifiée par la loi Robien.
Cela permettra de laisser aller à son terme la démarche incitative ouverte par ces lois, de dresser un bilan exact des emplois créés et sauvegardés. Il n'est pas bon de modifier en permanence les dispositifs législatifs, car cela empêche les entreprises d'avoir une vision à long terme.
Laissez les entreprises et les salariés décider ce qu'ils souhaitent ! Ne leur imposez rien contre leur volonté, au risque de compromettre définitivement le dialogue social et le développement de notre économie !
M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi de quatorze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Par amendement n° 12, M. Marini propose de supprimer l'article 3.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Ce qui m'a conduit à déposer cet amendement de suppression pure et simple de l'article 3 s'apparente tout à fait aux préoccupation qui viennent d'être excellement exprimées par notre collègue Alain Gournac.
Deux raisons essentielles motivent le rejet fondamental de votre projet, madame le ministre.
La première, c'est son coût pour les finances publiques et les finances sociales. A cet égard, il serait utile que vous nous rappeliez les estimations que vous avez faites quant aux effets de ces dispositions sur les budgets sociaux à venir ; c'est là un élément essentiel du contexte de cette discussion.
Sans doute allons-nous disposer de quelques marges de manoeuvre supplémentaires du fait de la relative embellie que connaît notre économie, mais il reste que vous vous proposez de handicaper celle-ci en la grevant de charges récurrentes, représentant des dizaines de milliards de francs : aux emplois-jeunes, vous ajoutez les mesures d'aide aux entreprises que vous nous soumettez ici.
Il serait tout de même utile que l'on parle un peu chiffres, même si ce sujet ne semble pas, madame le ministre, retenir votre attention immédiate ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Par ailleurs, la démarche que vous nous suggérez d'adopter est une démarche d'assistance. Or les aides ont toujours des effets pervers. De ce point de vue, je me rallie d'ailleurs bien volontiers à une partie de l'argumentation de notre collègue M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Tiens !
M. Philippe Marini. Car il est bien évident qu'il y aura des chasseurs de primes. Il est bien clair que certaines entreprises vont se couler dans le moule de la loi simplement parce qu'elle existe et parce qu'il y a des aides.
Ces aides relèvent d'une démarche que, malheureusement, bien des gouvernements successifs, il faut le reconnaître, ont suivie ces dernières années. Cependant, il me semble nécessaire de rompre un jour avec cette démarche et de choisir un autre système, passant par moins de charges sur le travail, par plus d'incitations à travailler et plus d'incitations à embaucher. En d'autres termes, il s'agit de promouvoir une conception différente de l'ensemble des prestations qui s'appliquent aux personnes privées d'emploi ou aux personnes en difficulté sociale et actuellement mises à l'écart du marché de l'emploi.
Si vous en êtes réduite, madame le ministre, à la suite de vos prédécesseurs, à proposer des « carottes », à faire de l'assistanat vis-à-vis des entreprises, comme vous faites de l'assistanat vis-à-vis de toutes sortes de catégories sociales,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis sans doute une infirmière !
M. Philippe Marini. ...c'est certainement parce que le niveau des prélèvements obligatoires est trop élevé et que le système qui est aujourd'hui à l'oeuvre nuit gravement au dynamisme de l'économie. Vous en faites une merveilleuse démonstration avec le dispositif d'aides prévu à l'article 3 de votre projet de loi.
Cela dit, il est évident, mes chers collègues, que mon amendement avait été rédigé avant que je n'aie connaissance des propositions de notre commission des affaires sociales. (Sourires et exclamations.)
Celle-ci nous présente en effet un projet d'une inspiration différente, de caractère incitatif, en « reprofilant » la loi Robien. Grâce à la suppression de l'article 1er, il évite les aspects de contrainte et d'obligation générale qui nous semblent si critiquables.
Si je reste réservé à l'égard du principe des aides, j'estime que la rédaction que va nous soumettre dans quelques instants M. Louis Souvet, étant donné la législation existante, me paraît plus acceptable, car elle se situe dans la continuité de ce qui a été accepté avec la loi Robien.
C'est la raison pour laquelle, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Par amendement n° 3 rectifié, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 3 :
« I. - Le paragraphe II de l'article 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est ainsi modifié :
« 1° La première phrase est complétée par les mots : "dans la limite d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale."
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Son montant est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années. »
« 3° Dans la cinquième phrase, les mots : "sept ans" sont remplacés par les mots : "cinq ans" et les mots : "10 %" sont remplacés par les mots : "6 %".
« 4° La sixième phrase est ainsi rédigée :
« Le montant de l'allégement est porté à 40 % des cotisations la première année, à 30 % les deuxième et troisième années et à 20 % les années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est de 15 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 9 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné. »
« II. - Le deuxième alinéa de l'article 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase, après les mots : "l'accord mentionné ci-dessus", sont insérés les mots : "dans la limite d'une fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale."
« 2° La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Le montant de l'allégement est égal à 30 % des cotisations la première année, à 20 % les deuxième et troisième années et à 10 % les quatrième et cinquième années. »
« 3° La troisième phrase est ainsi rédigée :
« Il est porté à 40 % la première année, à 30 % les deuxième et troisième années et à 20 % les années suivantes lorsque la réduction de l'horaire de travail est au moins égale à 15 % de l'horaire collectif antérieur. »
Cet amendement est assorti de quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 62 rectifié, déposé par MM. Cabanel et Barnier, tend :
A. - A compléter le second alinéa du 4° du I du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 3 par une phrase ainsi rédigée : « Il est porté à 50 % des cotisations la première année, à 40 % les deuxième et troisième années et à 30 % les deux années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif prévu au I est au moins égal à 18 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à 12 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement concerné. »
B. - En conséquence, à rédiger comme suit le premier alinéa du 4° du I du texte proposé par l'amendement n° 3 rectifié pour l'article 3 :
« La sixième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : »
Le sous-amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Marini, vise à compléter le texte proposé par l'amendement n° 3 rectifié par un paragraphe III ainsi rédigé :
« III. - L'accord d'entreprise doit spécifier le nombre des emplois créés et évaluer les conséquences de la réduction du temps de travail sur l'évolution des salaires et des coûts salariaux. »
Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Gournac, a pour objet de compléter in fine le texte proposé pour l'article 3 par l'amendement n° 3 rectifié par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... Un décret précisera les conditions dans lesquelles les petites et moyennes entreprises pourront bénéficier d'une aide financière spécifique à l'ingénierie dans le cadre de l'application du présent article.
« ... Les charges résultant de l'application du paragraphe précédent sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
Enfin, le sous-amendement n° 45, déposé par M. Fishcer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, vise à compléter in fine l'amendement n° 3 rectifié par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les aides prévues aux articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ne peuvent être attribuées qu'après avis conforme du CODEF ou du CODEFI, sur la base d'un rapport de l'inspecteur du travail. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a refusé, pour les raisons qu'elle a longuement exposées, toute diminution autoritaire de la durée du travail. Dans ces conditions, il ne lui a pas paru nécessaire ni même utile de supprimer la loi Robien, dont on a vu qu'elle donnait d'excellents résultats. Je rappelle que 1 500 accords ont déjà été signés.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et même 2 000 !
M. Louis Souvet, rapporteur. Merci de cette précision, madame le ministre ; vous aviez d'ailleurs indiqué ce chiffre hier.
Déjà 2 000, ce n'est pas rien ! Et nous ne pouvons que progresser.
C'est la raison pour laquelle la commission a souhaité reprendre, en le réaménageant, le dispositif de la loi Robien, beaucoup plus simple que celui du projet de loi et bien connu des entreprises comme des salariés.
La commission a retenu cinq orientations pour ce « reprofilage » de la loi Robien.
Tout d'abord, l'exonération est proportionnelle, mais dans la limite d'un salaire plafonné à une fois le plafond de la sécurité sociale, c'est-à-dire 14 090 francs.
Ensuite, cette exonération est lissée quant à ses taux pour faciliter la sortie du dispositif et en alléger le coût ; l'exonération est ramenée à 30 % la première année, 20 % les deuxième et troisième années, 10 % les quatrième et cinquième années pour une réduction du temps de travail de 10 %.
De plus, l'exonération est ramenée à cinq ans, au lieu de sept ans dans le dispositif initial de la loi Robien.
En outre, elle est plus incitative puisque les partenaires sociaux disposent d'une fenêtre pour bénéficier de l'aide : avant le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de cinquante salariés, avant le 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de cinquante salariés : c'est la conséquence de notre amendement à l'article 2.
Enfin, l'exonération est plus facilement accessible quant aux exigences en matière d'embauche : le dispositif initial de la loi Robien était en effet très sélectif puisqu'il exigeait 10 % ou 15 % d'embauches selon l'ampleur de la réduction du temps de travail. Nous avons repris, sur ce point, les exigences du projet de loi, en l'espèce 6 % et 9 %.
Nous avons réalisé un certain nombre de simulations permettant de comparer notre dispositif à celui du projet de loi et au dispositif actuel de la loi Robien. Ces simulations reprennent, en les adaptant, celles que nous avions faites il y a deux ans lors de l'examen de la loi Robien.
Dans l'hypothèse d'une entreprise de cent personnes avec un salaire moyen de 10 000 francs et un salaire, pour les nouveaux embauchés, de 7 000 francs, nous finançons grâce à l'aide, sur les cinq ans, 5,79 emplois pour la création de 6 emplois exigée, ce qui veut dire que ces 6 emplois créés bénéficient d'un taux de couverture, c'est-à-dire d'un financement, de 96,45 %. Le dispositif du projet de loi affiche un taux de couverture de 104 % jusqu'à 127 % et au-delà dans certains cas, madame le ministre.
Cela revient à dire que, dans notre dispositif, l'aide permet de financer presque 100 % des créations d'emplois - mais pas davantage - et que les gains de productivité attendus de l'accord d'aménagement-réduction du temps de travail peuvent être affectés à la compensation de la réduction du volume global horaire de travail, aux augmentations de salaires et à la compétitivité.
Le dispositif que nous proposons nous semble donc équilibré, plus équilibré que le dispositif initial de la loi Robien et que le présent projet de loi.
En outre, la commission ne reprend pas, dans la rédaction de l'article 3, le dispositif du mandatement. Elle préfère s'en tenir au mandatement tel qu'il avait été prévu par l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996, qui prévoit une validation des accords signés par les salariés mandatés par la branche.
La commission considère, en effet, que les accords sur la réduction du temps de travail sont très techniques et demandent une bonne formation et une expérience. La validation par la branche est une garantie pour la bonne application de l'accord.
Pour toutes ces raisons, la commission vous propose d'adopter son amendement tendant à une nouvelle rédaction de l'article 3.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Cabanel, pour défendre le sous-amendement n° 62 rectifié.
M. Guy Cabanel. Ce sous-amendement est issu de l'amendement n° 62, que nous avons amputé, après contact avec le président et le rapporteur de la commission des affaires sociales, de son paragraphe I, qui prévoyait, outre le délai de cinq ans, un délai de sept ans pour les entreprises appliquant le système de la réduction du temps de travail à 32 heures.
En revanche, le paragraphe II, qui subsiste dans ce sous-amendement n° 62 rectifié, tend à compléter le texte proposé par l'amendement n° 3 rectifié par une énumération des différents pourcentages d'allègements consentis pendant cinq ans.
Je souhaite que la commission des affaires sociales accepte l'introduction de ce sous-amendement tendant à compléter son dispositif car je serais alors rassuré sur la clarté du système de réduction du temps de travail à 32 heures.
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre le sous-amendement n° 14 rectifié.
M. Philippe Marini. Il s'agit en substance d'ajouter un alinéa au texte proposé par la commission, de telle sorte que des comptes rendus précis sur les créations d'emplois et sur l'incidence des accords en matière de niveaux de salaires puissent être fournis selon certaines modalités. Nous disposerons ainsi des données nécessaires pour juger des effets de tels accords en termes tant d'évolution des rémunérations que de création d'emplois.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter le sous-amendement n° 26.
M. Alain Gournac. Ce sous-amendement, très explicite, vise à aider les PME à s'assurer les services d'un conseil extérieur en ingénierie dans la perspective de leur réorganisation. En effet, ce travail doit être fait par un professionnel.
Les grandes entreprises - c'est toujours la même différence entre les grandes et les petites entreprises - pourront confier cette mission à un membre de leur personnel, un directeur des ressources humaines, par exemple. Mais quid pour les petites entreprises ? Ce sous-amendement vise à leur faciliter la tâche.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour présenter le sous-amendement n° 45.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Par ce sous-amendement, nous voulons nous assurer que les aides attribuées dans le cadre du dispositif « remodelé » par la commission des affaires sociales serviront effectivement à la création d'emplois.
Lors de notre intervention sur l'article 3, dans sa rédaction initiale, nous avons insisté sur l'un de ses points positifs, à savoir les mécanismes de contrôle et de suivi des aides. C'est un aspect très important, mais qui est complètement occulté dans le dispositif Robien bis , quasiment automatique.
Il nous semble cependant indispensable de savoir si les aides proportionnelles prévues seront accordées moyennant une contrepartie, la création d'emplois.
Dans sa globalité, la dépense totale relative à l'emploi représente plus de 4 % de notre produit intérieur brut. Elle est équivalente à ce que rapporte à l'Etat l'impôt sur le revenu. Or les bilans dressés témoignent souvent plus des effets d'aubaine que d'un impact certain sur le niveau de chômage !
Nous proposons donc que le comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi intervienne, réunissant un ensemble de partenaires, administrations, élus locaux et partenaires sociaux. Cette structure est tout à fait à même de moraliser l'octroi et l'utilisation des aides. La présence de l'inspecteur du travail, qui est habitué aux contrôles et qui connaît bien la situation des entreprises, complète utilement ce dispositif.
C'est pourquoi je vous demande d'adopter ce sous-amendement, qui vise à faire en sorte que les aides attribuées dans le cadre du présent projet de loi contribuent effectivement à la création d'emplois.
M. le président. Par amendement n° 13, M. Marini propose, dans le premier alinéa de l'article 3, de remplacer les mots : « accord collectif » par les mots : « accord d'entreprise ».
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement est satisfait par celui de la commission. Je le retire donc.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
Par amendement n° 18, MM. Habert, Durand-Chastel et Darniche proposent de compléter in fine le premier alinéa du paragraphe III de l'article 3 par les mots : « , ou par les représentants élus du personnel. ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 20, Mme Bergé-Lavigne et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du paragraphe III de l'article 3 :
« Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail à compter du moment où l'employeur aura eu connaissance de leur désignation. La procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant la durée de validité de l'accord. »
Cet amendement est-il maintenu, madame Dieulangard ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
Par amendement n° 46, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « six mois après la signature de l'accord », de supprimer la fin du cinquième alinéa du paragraphe III de l'article 3.
Cet amendement est-il maintenu, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 46 est retiré.
Par amendement n° 34 rectifié, Mme Dusseau propose de rédiger ainsi la seconde phrase du deuxième alinéa du IV de l'article 3 : « Si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail et s'engage à procéder à des embauches correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la réduction du temps de travail, ou si elle s'engage à recruter des jeunes, ou si les modalités de la réduction du temps de travail sont jugées particulièrement innovantes par le directeur départemental du travail, elle bénéficie d'une aide majorée. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je profite de la présentation de cet amendement, qui, hélas ne sera pas adopté ! (Sourires.), pour attirer votre attention, mes chers collègues, sur l'extension de l'aide majorée aux entreprises.
En effet, alors que le texte réserve cette majoration aux entreprises qui réduisent de 15 % la durée du temps de travail et qui procèdent à une augmentation de leurs effectifs de 9 %, je propose d'étendre l'attribution de cette aide majorée aux entreprises qui emploient des jeunes.
Je voudrais, sur ce point, rappeler que, lorsque le Parlement a débattu à l'automne de la création des emplois-jeunes, il ne s'agissait que d'un premier volet, concernant des emplois publics et associatifs. Le Gouvernement, comme le confirmait alors Mme la ministre, prévoyait un deuxième volet. J'avoue que je suis tout à fait attachée à ce deuxième volet, et je souhaiterais que l'on ne l'oublie pas.
M. Guy Fischer. Nous aussi !
Mme Joëlle Dusseau. D'abord, parce que le chômage des jeunes est très important dans notre pays, supérieur à celui que l'on constate en moyenne dans les pays développés, malgré une durée d'études plus longue en France. Ensuite, parce que ce taux de chômage de longue durée que connaissent les jeunes de notre pays qui, systématiquement, ne trouvent que des contrats emploi-solidarité, de petits stages, de petits boulots puis, parfois, plus rien, amène à la désespérance. C'est pourquoi il serait bon de saisir l'opportunité offerte par ce texte pour que la préférence accordée à des emplois-jeunes figure expressément dans la loi.
Je propose également de retenir pour l'aide majorée les entreprises dont les modalités de réduction du travail sont spécialement innovantes.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 47 tend à supprimer le paragraphe V de l'article 3.
L'amendement n° 48 vise, à la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du paragraphe V de l'article 3, à remplacer les mots : « deux ans » par les mots : « trois ans ».
L'amendement n° 49 a pour objet, dans le troisième alinéa du paragraphe V de l'article 3, après le mot : « prévention », de supprimer les mots : « et d'accompagnement ».
La parole est à Mme Terrade, pour présenter ces trois amendements.
Mme Odette Terrade. Intervenant sur l'article 3, mon ami M. Guy Fischer a précisé la position du groupe communiste républicain et citoyen sur le volet défensif prévu au paragraphe V de l'article 3.
Les amendements n°s 47, 48 et 49 s'inscrivent tous dans la même logique : faire en sorte que les aides publiques à l'emploi et à la réduction du temps de travail ne soient pas détournées et qu'elles ne puissent aucunement inciter les entreprises à annoncer des plans sociaux, voire à « gonfler » ceux qui sont prévus. C'est l'analyse de la loi Robien et de ses effets pervers qui nous conduit à avoir autant de réticences !
Ainsi, en nous opposant à ce système, nous en demandons la suppression ou tout au moins nous essayons de l'encadrer.
Nous tentons tout d'abord, d'assurer un minimum de cohérence entre la durée durant laquelle l'employeur perçoit effectivement l'aide - trois ans - et celle pendant laquelle il a obligation de maintenir l'emploi préservé.
Ensuite, nous pointons indirectement le doigt, d'une part, sur les plans sociaux, dont la qualité est loin d'être toujours suffisante, et, d'autre part, sur le coût exorbitant supporté par l'Etat.
Ces amendements sont, pour nous, l'occasion de préciser combien il est indispensable de s'assurer et de la destination et de la qualité de l'utilisation de l'argent public.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également déposés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 50 tend :
I. - Après le premier alinéa du paragraphe VI de l'article 3, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Durant toute la durée de l'application des exonérations de charges prévues à l'article 3, l'Etat s'engage à compenser intégralement le manque à gagner aux régimes de sécurité sociale. »
II. - Pour compenser l'accroissement des charges résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus, à insérer, après le VI de l'article 3, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les charges résultant pour l'Etat de la compensation intégrale au profit des régimes de sécurité sociale, des exonérations de charges prévues en application de l'article 3 sont compensées, à due concurrence, par un relèvement du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
L'amendement n° 53 a pour objet, dans le quatrième alinéa du paragraphe VI de ce même article, de supprimer les mots : « à l'exception de la réduction prévue à l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code de la sécurité sociale ».
La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre ces deux amendements.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Ces deux amendements s'inscrivent pleinement dans la logique de celui qui tendait à insérer un article additionnel après l'article 3 en prévoyant un autre type d'aide à la réduction du temps de travail.
Nous pensons, en effet, que les exonérations de cotisations sociales consenties à l'employeur véhiculent, dans l'opinion publique française, l'idée que le travail a un coût beaucoup trop important et que les entreprises croulent sous les charges.
Ces exonérations concourent ainsi à affaiblir notre système de protection sociale.
Le manque à gagner en cotisations contribue au déséquilibre des comptes de la sécurité sociale, et prolonge la politique de restriction des dépenses.
Juste mesure, nos amendements n°s 50 et 53, conformément à la loi Veil de 1994, tendent à assurer la compensation intégrale par l'Etat de cette nouvelle exonération.
S'il convient de poser le principe de neutralité de ces aides par rapport à la sécurité sociale, il est tout aussi important de poser le principe de non-cumul de ces aides avec d'autres abattements ou exonérations de charges consentis à divers titres. Je précise que, au total, ces dispositifs coûtent déjà 40 milliards de francs à notre budget, madame la ministre !
Nous vous proposons ici un moyen de nous prémunir contre les employeurs qui tenteraient de bénéficier des dispositifs sans pour autant créer des emplois.
M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 51 a pour objet, au début de la seconde phrase du second alinéa du paragraphe VI de l'article 3, après les mots : « Il peut être », d'insérer les mots : « , sous forme d'une imputation sur la cotisation due en vertu des dispositions de l'article 235 ter ZA du code général des impôts, ».
L'amendement n° 52 tend, dans le troisième alinéa du paragraphe VI de l'article 3, à remplacer les mots : « dans des conditions fixées par décret, » par les mots : « , par imputation forfaitaire sur la cotisation due au titre de l'article 235 ter ZA du code général des impôts, ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre ces deux amendements.
M. Guy Fischer. Pour des raisons de similitude assez évidentes, je procéderai à une défense commune des amendements n°s 51 et 52, qui portent sur la nature de l'aide majorée accordée aux entreprises mettant en oeuvre une réduction négociée de la durée du travail.
On pourra nous objecter qu'il y a évidemment peu de chance que notre proposition figure dans le texte voté par notre assemblée, celle-ci ayant le regard rivé, si je puis dire, sur la ligne bleue des Vosges que constitue la réduction des cotisations sociales dues par les entreprises.
Le débat à l'Assemblée nationale a mis en évidence deux critères de majoration éventuelle de l'aide définie à l'article 3 du projet de loi.
Le premier critère consiste à valoriser l'embauche de personnes privées d'emploi qui rencontrent des difficultés particulières d'insertion, qu'il s'agisse des chômeurs de longue de durée, des jeunes demandeurs d'un premier emploi ou des salariés souffrant d'un handicap.
Nous constatons toutefois - et c'est une observation fondamentale - que l'ensemble de ces publics ciblés bénéficie déjà aujourd'hui, dans la pratique, de mesures incitatives à l'embauche assez largement inspirées de celle qui est préconisée par l'article 3. Il risque donc d'y avoir un chevauchement de dispositifs.
Le second critère de majoration porte sur les salariés de secteurs d'activité qui emploient une part importante d'ouvriers et où les salaires sont relativement plus faibles que dans la moyenne nationale. On pense, par exemple, au secteur du bâtiment et des travaux publics.
Aussi, nous préconisons une orientation légèrement différente, même si elle modifie quelque peu l'économie générale du projet de loi.
En l'occurrence, il s'agit d'imputer la majoration d'aide sur ce que la loi de finances rectificative pour 1995 a instauré, à savoir la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés, majoration qui frappe l'ensemble des entreprises assujetties et qui est d'ailleurs, dans sa définition, exclusive de toute disposition correctrice de l'impôt sur les sociétés « normal », notamment le report en arrière des déficits ou les crédits d'impôt.
Je me permets d'ailleurs de faire observer qu'un dispositif relativement analogue a été instauré lors de la discussion de la loi de finances pour 1998 : il s'agit de l'article 81, codifiant un article 220 octies du code général des impôts.
Nous n'avons donc pas la primeur, si je puis dire, de la proposition.
Elle s'explique, en fin de compte, par le fait que l'ensemble des entreprises est effectivement redevable de cette majoration, y compris, soit dit en passant, celles qui n'ont pas, au terme de l'année civile, de cotisation à payer au titre de l'article 219 du code général des impôts.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les amendements n°s 51 et 52.
M. le président. Par amendement n° 19 rectifié, Mmes Dieulangard et Derycke, MM. Mauroy, Percheron, Weber, Estier et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le paragraphe VI bis de l'article 3, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les organisations syndicales reconnues représentatives au plan national pourront bénéficier d'une aide de l'Etat destinée à soutenir les actions de formation des salariés qu'elles mandatent pour la négociation des accords visés au paragraphe II. »
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet amendement vise à permettre aux salariés mandatés de disposer, s'ils le souhaitent, d'une formation de base à leur fonction. En effet, la négociation dont il s'agit en l'espèce porte sur un thème primordial mais aussi bien complexe pour les salariés, je veux parler de la réduction du temps de travail.
Elle ne manquera pas d'emporter des conséquences en matière de modulation du temps de travail et des rémunérations, qui sont, pour une majorité de salariés, le fondement même de leur activité professionnelle.
Il est également proposé que les accords signés dans les entreprises prévoient les modalités de suivi, sans doute à travers la mise en place d'un comité de suivi dont les salariés signataires seront à l'évidence membres.
Dans ces conditions, il nous paraît essentiel non seulement que ces salariés soient mandatés par une organisation syndicale représentative qui leur apportera son soutien, mais aussi que cette organisation soit en mesure de leur apporter une formation de base, dans des conditions satisfaisantes.
Cette formation devra pouvoir concerner aussi bien la période qui précédera immédiatement la négociation et la signature de l'accord d'entreprise que la période, sans doute encore plus cruciale, de sa mise en place.
En outre, ce dispositif implique que l'aide de l'Etat aux organisations syndicales pour assurer la formation des salariés prenne pleinement en compte les nouvelles responsabilités qui leur sont dévolues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements, à l'exception de l'amendement n° 3 rectifié qu'elle a elle-même présenté ?
M. Louis Souvet, rapporteur. En ce qui concerne le sous-amendement n° 62 rectifié, M. Cabanel comprendra que je m'exprime à titre personnel. En effet, depuis, ce sous-amendement a été rectifié, et la commission n'a pas eu l'occasion de l'examiner.
Le dispositif devrait favoriser la baisse de la durée du travail jusqu'à 32 heures pour les entreprises qui pratiquent actuellement les 39 heures. L'effet sur l'emploi devrait être intéressant. Toutefois, je ne sais si de nombreuses entreprises seront en mesure de mettre en oeuvre ce dispositif. Pour ce qui me concerne, j'émets un avis favorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 14 rectifié est satisfait par la rédaction de la commission, qui reprend le texte de la loi Robien, et par l'article 9 du projet de loi, qui prévoit un rapport établissant le bilan global du dispositif.
En effet, un accord Robien, et la convention qui l'accompagne puisque la commission se situe bien dans le dispositif de la loi Robien, prévoit nécessairement le nombre d'emplois créés, tandis que l'évolution des salaires et des coûts salariaux est un objet de la négociation, du « donnant-donnant ». En revanche, il est intéressant de connaître globalement, pour l'ensemble des accords, ce que prévoit l'article 9 du projet de loi, que nous n'avons pas encore examiné. Aussi, je demande à M. Marini de bien vouloir retirer ce sous-amendement.
S'agissant du sous-amendement n° 26, l'aide à la négociation dans les petites entreprises et à la réorganisation de l'entreprise est particulièrement souhaitable ; elle est d'ailleurs prévue par le paragraphe VI bis de l'article 3. En l'occurrence, il s'agit d'octroyer aux entreprises une aide financière spécifique à l'ingénierie dans le cadre de l'application de cet article. La commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 45 vise à s'assurer que les aides attribuées dans le cadre du volet de la présente loi contribuent effectivement à la création d'emplois. Ces procédures de consultation alourdissent le dispositif et sont sans utilité particulière, l'Etat exerçant déjà un contrôle lors de la signature de la convention. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.
L'amendement n° 34 rectifié s'applique à l'article 3. Or, la commission propose de réécrire cet article. Par conséquent, si cette nouvelle rédaction est adoptée, cet amendement n'aura plus d'objet. De plus, le dispositif prévu est un peu compliqué et se transforme en un dispositif d'insertion. Il y a là un mélange des genres, nous nous en sommes déjà expliqués. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 47 est formellement satisfait par l'amendement n° 3 rectifié. Comme nous conservons le volet défensif de la loi Robien, nous ne pouvons émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement, qui n'aura plus d'objet si l'amendement de la commission est adopté.
Cette remarque vaut aussi pour l'amendement n° 48. On peut en effet s'interroger sur la durée pendant laquelle les emplois doivent être maintenus. Une durée de deux ans a été prévue. Les auteurs de cet amendement la portent à trois ans. Compte tenu de la durée d'exonération, cela n'est pas anormal.
La commission est défavorable à l'amendement n° 49 par coordination avec l'avis émis sur l'amendement n° 47. Elle est également défavorable à l'amendement n° 50, puisque l'amendement de la commission vise à réécrire l'article 3. Cependant, les auteurs de cet amendement auront satisfaction avec l'amendement n° 4 de la commission, qui répond au même souci de préservation des comptes des organismes de protection sociale. M. Fischer comme Mme Borvo en sont d'ailleurs bien informés.
L'amendement n° 51 prévoit un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices. La commission émet un avis défavorable, par coordination. De plus, cet amendement favoriserait uniquement les entreprises qui font des bénéfices.
Pour les mêmes raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 52. Par coordination, elle est également défavorable à l'amendement n° 53. De plus, les aides répondent à des objectifs différents.
S'agissant de l'amendement n° 19 rectifié, nous comprenons bien votre position, madame Dieulangard, et vous le savez. Toutefois, cette position est difficile pour vous, plus que pour nous, puisque vous auriez dû accepter notre amendement pour que nous puissions accepter le vôtre, sous la forme d'un sous-amendement, votre amendement (Sourires sur les travées socialistes.) dans sa rédaction actuelle étant contraire à la position de la commission, laquelle a réécrit l'article 3. Je le répète : nous comprenons bien le souci des auteurs de l'amendement, dont la mise en oeuvre ne sera d'ailleurs pas aisée. En effet, il sera difficile de faire en sorte que l'on puisse accorder une formation aux salariés mandatés pour négocier les accords. Personnellement, je considère qu'une telle formation n'est pas inutile. Cela étant dit, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite insister quelque peu sur l'amendement n° 3 rectifié puisqu'il vise à réécrire l'ensemble du mécanisme incitatif en partant du mécanisme Robien et en lui apportant des modifications. Je suis d'ailleurs heureuse de constater, monsieur le rapporteur, que vous partagez un certain nombre de critiques que nous avions formulées par rapport à la loi Robien du 11 juin 1996, en modifiant un certain nombre de points de cette loi.
Le dispositif qui est proposé par la commission rencontre en partie notre préoccupation. Ainsi en est-il de la nécessité d'une dégressivité de l'aide permettant à l'entreprise de se préparer à la réorganisation, ce qui n'était pas le cas dans la loi Robien. Ainsi en est-il encore des obligations d'embauche ou de maintien d'emplois, les seuils retenus par la commission étant identiques à ceux qui figurent dans le projet de loi. Enfin, nous sommes également d'accord sur la durée de l'aide, à savoir cinq ans, au lieu des sept ans prévus dans la loi Robien.
En revanche, nous avons d'importants désaccords de fond sur d'autres aspects du dispositif proposé. Le plus important tient à la forme même de l'aide. En effet, le projet de loi prévoit une aide forfaitaire pour bénéficier principalement aux petites et moyennes entreprises et aux bas salaires, alors que la commission souhaite maintenir une aide proportionnelle au salaire, même si elle limite cette aide en proposant un plafond.
Je remarque d'ailleurs que la version rectifiée de cet amendement est très différente de votre première version. En effet, elle entraîne un surcoût pour les entreprises dans lesquelles les salaires sont peu élevés. Ainsi, en ce qui concerne le SMIC, le montant de l'aide proposé par la commission ne représente en moyenne sur cinq ans que 62 % du montant de l'aide prévue par le Gouvernement : 4 300 francs contre 7 000 francs. La dernière année, il se réduit à moins de la moitié : 2 431 francs contre 5 000 francs.
Pour notre part, nous avons souhaité réduire le coût du travail pour les bas salaires car nous pensons - nombre d'orateurs l'ont dit ici - que les PME, les entreprises soumises à la concurrence internationale ont effectivement besoin d'une aide particulière.
En outre - et c'est peut-être le plus important dans le dispositif qu'elle propose - la commission ne reprend pas certains éléments fondamentaux du dispositif prévu par le Gouvernement.
Ainsi en va-t-il de la négociation dans les petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux, ce qui reviendrait en fait à empêcher la négociation dans 90 % des entreprises françaises. De même, disparaissent les dispositions touchant au contenu de l'accord et aux conditions du suivi paritaire de son application, qui me paraissent pourtant très importantes puisqu'il s'agit de donner de l'argent public en contrepartie d'emplois.
Enfin - et j'avoue ma perplexité à cet égard - le projet de la commission ne permettrait pas de moduler l'aide pour tenir compte de la situation des entreprises de main-d'oeuvre. J'avais pourtant cru comprendre que, en ce qui concerne l'emploi, le projet de l'opposition dans notre pays consistait aujourd'hui essentiellement à réduire le coût du travail pour les bas salaires et pour les entreprises de main-d'oeuvre.
Or, non seulement l'aide générale que vous proposez est moins favorable aux bas salaires, mais aussi vous supprimez l'aide que nous avons mise en place en faveur des entreprises qui sont soumises à la concurrence internationale et qui versent aujourd'hui des bas salaires. J'ai du mal à comprendre la cohérence de ce système, et je ne peux donc qu'y être défavorable.
M. Marini m'a posé une question. Je suis extrêmement étonnée que, d'une part, il puisse dire qu'il s'oppose à toute aide, qu'il compare à une espèce d'aumône faite aux entreprises et qu'il qualifie de subventions, alors qu'il s'agit d'exonérations des charges sociales, et que, d'autre part, il retire son amendement en se ralliant au dispositif de la commission, qui est pourtant moins favorable que le nôtre aux entreprises qu'il disait soutenir en défendant son amendement.
J'aurais souhaité que M. Marini défende avec la même force la cause des deniers publics lors de la mise en place de la ristourne progressive, qui coûte aujourd'hui 40 milliards de francs, sans aucune contrepartie en matière d'emplois (Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen), alors que les aides que nous proposons ont des contreparties et s'accompagnent d'un suivi paritaire qui permettra de vérifier que tout argent de l'Etat est effectivement consacré à la création d'emplois.
J'en viens au sous-amendement n° 62 rectifié. Je suis extrêmement sensible au fait que M. Cabanel souhaite apporter une aide complémentaire aux entreprises qui réduisent à moins de 35 heures la durée du travail, allant jusqu'à 32 heures. C'est d'ailleurs ce que fait le projet gouvernemental, qui porte, sur cinq ans, de 35 000 francs à 55 000 francs l'aide à la réduction de la durée du travail pour les entreprises qui vont jusqu'à 32 heures. C'est donc une aide plus forte en proportion de la réduction de la durée du travail, ce qui montre bien notre volonté d'inciter à ce mécanisme.
Mais M. Cabanel comprendra que je ne peux pas accepter ce rattachement à un dispositif que je conteste, même si je partage totalement l'esprit de sa proposition.
Je suis défavorable au sous-amendement n° 14 rectifié, qui vise à empêcher un système défensif en imposant qu'il y ait des créations d'emplois et non des sauvegardes d'emplois.
Je suis aussi défavorable au sous-amendement n° 26, qui présente pourtant une disposition avec laquelle je suis d'accord, puisque j'ai accepté un amendement identique à l'Assemblée nationale et que cette mesure figure donc dans le projet de loi.
Mais ce sous-amendement se rattachant à l'amendement de la commission, auquel je suis opposée, je ne peux pas émettre un avis favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 45, nous partageons l'avis du groupe communiste républicain et citoyen selon lequel les aides de l'Etat doivent donner lieu à un suivi. C'est pourquoi nous souhaitons qu'un comité de suivi paritaire soit prévu dans les accords. Le CODEF sera saisi de l'ensemble des accords, ce qui signifie que l'ensemble des organisations seront informées des accords.
En revanche, je ne crois pas souhaitable de demander un avis préalable au CODEF ; une telle procédure entraînerait en effet des retards dans la mesure où le CODEF est une structure lourde ne se réunissant qu'une ou deux fois par an. Mais je crois important qu'il soit saisi de tous les accords pour que l'ensemble des organisations syndicales puissent procéder une fois par an à un bilan sur l'ensemble des aides apportées par l'Etat et des contreparties en matière d'emplois.
Je suis favorable à l'esprit des dispositions présentées par l'amendement n° 34 rectifié ; mais ce dernier me semble satisfait par le texte adopté par l'Assemblée nationale dans la mesure où ce dernier est ainsi rédigé : « Le montant de l'aide peut être majoré si l'entreprise prend des engagements en termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, en particulier s'il s'agit d'une petite entreprise... Il peut être aussi majoré si l'entreprise prend des engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes reconnues handicapées... ou de publics rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, en particulier les chômeurs de longue durée. »
J'invite, par conséquent, Mme Dusseau à retirer l'amendement n° 34 rectifié.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 47 qui, lui aussi, tend à supprimer le dispositif défensif.
De même, je suis défavorable à l'amendement n° 48, qui tend à porter de deux ans à trois ans le maintien de l'emploi. En effet, il me paraît très difficile, aujourd'hui, de contrôler au-delà d'une période de deux ans le maintien des effectifs. Toutefois, à la demande d'ailleurs du groupe communiste, nous avons renforcé le contrôle et les sanctions et prévu la possibilité de reversement des sommes s'il s'avérait que l'entreprise, au bout de cette période de deux ans, pour des raisons volontaires et non en raison de la disparition d'un marché, devait ne pas maintenir ses effectifs.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 49, tout en en comprenant l'esprit. En effet, cet amendement, qui tend à ce que la réduction du temps de travail évite l'intégralité des licenciements, empêcherait par exemple, lors d'un licenciement important, des reclassements externes qu'une entreprise pourrait prévoir.
J'en arrive à l'amendement n° 50 relatif à la sécurité sociale. Cela me permettra de répondre aussi à M. Descours, puisque j'avais omis de le faire hier sur ce point.
Comme je l'ai dit hier, nous savons - cela n'est contesté par personne - que la réduction de la durée du travail, qui entraîne la création d'emplois, est neutre pour les finances publiques dans leur ensemble si l'aide équivaut à 5 000 francs par an et par salarié. C'est pourquoi nous avons fixé l'aide structurelle à 5 000 francs. Ces 5 000 francs sont répartis entre des entrées fiscales dans le budget de l'Etat, des entrées à l'UNEDIC et des entrées à la sécurité sociale.
Le ministre de la sécurité sociale que je suis ne tient pas à ce que l'on fasse supporter par la protection sociale des sommes probables ou improbables qui entreraient dans les caisses de l'Etat.
C'est la raison pour laquelle, s'agissant, par exemple, de la ristourne dégressive, qui ne comporte aucune contrepartie mesurable, je souhaite que l'Etat puisse rembourser effectivement ces sommes à la sécurité sociale, comme cela est prévu dans la loi de 1994.
En revanche, dans notre système, nous pouvons contrôler au franc près non seulement le nombre de salariés embauchés, mais également leurs salaires et les entrées effectives de cotisations dans les caisses de la sécurité sociale.
Aussi, même si, en 1998, le Gouvernement a décidé de financer la totalité, je souhaite que, pendant cette année, nous puissions nous rapprocher - nous avons commencé à le faire - de nos partenaires de la caisse nationale d'assurance maladie afin de mettre en place non pas un système confus, improbable, mais un système de contrôle effectif des entrées de cotisations sociales liées à ces embauches. Ce sont seulement ces sommes-là qui ne seront pas remboursées. Nous sommes donc loin de systèmes généraux qui ont par le passé, j'en suis d'accord, creusé le trou de la sécurité sociale.
Je suis par ailleurs défavorable aux amendements n°s 51 et 52 pour une raison simple : si nous mettons ces aides en réduction de l'impôt sur les sociétés, nous n'en faisons pas bénéficier les entreprises ne payant pas d'impôt sur les sociétés ou fiscalement déficitaires.
Enfin, je suis favorable à l'amendement n° 19 rectifié et je regrette que la commission, tout en reconnaissant son intérêt, ne l'intègre pas dans son dispositif. Il me paraît en effet important que les salariés mandatés par les organisations syndicales soient formés à la négociation. C'est une garantie pour les salariés eux-mêmes et pour la qualité de la négociation. Le Gouvernement a d'ailleurs proposé aux organisations syndicales de financer cette formation qui sera dispensée aux salariés mandatés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Vous nous indiquez, madame le ministre, que votre dispositif, contrairement à celui de la commission, est favorable aux bas salaires, à l'emploi peu qualifié et aux entreprises de main-d'oeuvre.
Sans engager une bataille de chiffres, je vous indiquerai néanmoins que la commission des affaires sociales a réalisé différentes simulations : sur votre projet de loi, sur la loi Robien, ainsi que sur un reprofilage de la loi Robien selon cinq dispositions différentes.
Avec le mécanisme que vous soutenez, une année d'emploi revient à 123 627 francs, contre 144 412 francs pour ce que nous avons appelé le « reprofilé numéro 2 Robien » ; le dispositif que vous soutenez est susceptible de financer 6,25 emplois, alors que le nôtre en finance 5,79 ; le taux de couverture de votre dispositif de 104,19 %, et de 127,48 % s'il s'agit d'une entreprise de main-d'oeuvre, alors que le nôtre est de 96,45 %.
Je souhaiterais donc que le Gouvernement et la commission se rapprochent afin d'examiner où pèche l'une ou l'autre de nos simulations.
De fait, je pense que le projet du Gouvernement opère une confusion entre trois notions : la réduction de la durée légale du travail, la réduction de la durée effective du travail et l'allégement des charges pesant sur l'emploi peu qualifié. Or, la réduction de la durée légale du travail a pour premier effet de poser la question du SMIC et d'entraîner inéluctablement - nous en prenons le pari - une revalorisation du SMIC de 11,4 %, sous une forme ou sous une autre. Vous avez indiqué hier, madame le ministre, qu'il n'était pas souhaitable que la réduction du temps de travail se distingue également par une réduction des salaires.
La réduction de la durée légale du travail aura pour premier effet d'alourdir le coût du travail des emplois peu qualifiés et donc de réduire les recours à ce type d'emploi.
Le projet de loi tente de compenser cet effet par une exonération des charges forfaitaires doublée de surcroît d'une majoration pour les entreprises de main-d'oeuvre. Cette exonération est d'ailleurs très dégressive puisqu'elle est ramenée à 13 000 francs la première année et à 6 000 francs la quatrième année.
Le système proposé par la commission, qui est fondé non pas sur la durée légale mais sur la réduction de la durée effective du travail librement négociée, n'emporte pas les mêmes conséquences que le projet de loi et ne justifie donc pas, évidemment, le recours aux mêmes remèdes.
La réduction librement négociée du temps de travail peut être un facteur de souplesse et de compétitivité qui ne doit pas pénaliser les emplois qualifiés dont nos entreprises ont besoin pour affronter la concurrence mondiale.
En revanche, qu'un allégement structurel du coût du travail peu qualifié soit nécessaire est une évidence. On se demande dès lors pourquoi le Gouvernement a choisi de rogner sur les effets de la ristourne dégressive. Mais le dispositif du projet de loi, qui lie réduction de la durée légale du travail et allégement des charges pesant sur les emplois peu qualifiés, vise deux objectifs contradictoires qui s'annulent.
MM. Alain Gournac et Philippe Marini. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de solidarité. Nous n'allons pas nous lancer maintenant dans une bataille de chiffres, mais je crois effectivement important que la commission et le Gouvernement puissent se rapprocher pour examiner les simulations. Je persiste en effet à penser que, même dans la configuration de base, notre dispositif est plus favorable que le vôtre aux salariés payés au SMIC ou percevant des bas salaires. Et je ne compte pas l'aide majorée que le Gouvernement souhaite mettre en place en faveur des entreprises de main-d'oeuvre et que la commission, pour sa part, supprime.
Le mieux serait donc que nous parvenions à nous rapprocher, pour être au moins d'accord sur nos désaccords !
M. Louis Souvet, rapporteur. Oui, parce que les chiffres ne disent pas cela !
M. Emmanuel Hamel. Pour arriver enfin à un accord !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Marini le sous-amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. La commission estimant que ce sous-amendement est satisfait, je le retire.
M. le président. Le sous-amendement n° 14 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 26, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Jugées par la majorité de la commission des affaires sociales préjudiciables aux entreprises à l'emploi, coûteuses pour les finances publiques et incompatibles avec le passage programmé à l'euro, les dispositions du présent projet de loi font l'unanimité contre elles.
Arguant de l'ampleur effarante de l'investissement initial, du caractère contraignant du dispositif, on délaisse la démarche volontariste choisie par le Gouvernement pour mener la réduction du temps de travail la plus créatrice d'emplois possible, préférant réformer la loi Robien.
L'amendement de la commission des affaires sociales que nous venons d'examiner tend à apporter des modifications aux articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale et vise à la suppression de la référence à l'expérimentation.
Ces modifications ne sont guère substantielles. L'économie générale de ce texte, que nous avions combattu avec force tant en 1993 qu'en 1996, reste inchangée.
Les aides accordées le sont en contrepartie de créations ou de préservation d'emplois, mais sans pour autant préciser quel type d'emplois. S'agit-il d'emplois précaires, rémunérés faiblement, ou d'emplois stables, qualifiés, permettant de prétendre à une rémunération décente ? Nous connaissons vos penchants pour le temps partiel, pour la flexibilité dans l'organisation du travail.
Vos propositions d'amendement sur l'ensemble du texte prouvent, s'il en était encore besoin, que votre priorité n'est ni la réduction du temps de travail en tant que telle ni l'emploi, mais la recherche absolue de la souplesse des horaires de travail sur la semaine, voire sur l'année.
La modulation de type III, qui permet de négocier l'annualisation du temps de travail sans en fixer le volume, est votre outil préféré pour aménager le temps de travail.
En somme, vous voulez restaurer le flux tendu de la main-d'oeuvre, faire travailler seulement quand il y a du travail !
Vous voulez que le Sénat s'engage dans un processus d'aménagement d'un dispositif qui a déjà montré ses faiblesses, ses limites, ses dangers et son coût.
J'ai à l'esprit un exemple très révélateur : le plan social de Moulinex.
Mme Hélène Luc. Oui ! Très bien !
M. Guy Fischer. Si, à l'époque, l'entreprise était « malade », le volet défensif de la loi Robien lui a été appliqué. Pour quel bilan aujourd'hui ? Le temps de travail a été réduit, je vous l'accorde, mais la proportion d'emplois sauvegardés est-elle significative au regard des 80 millions de francs par an de fonds publics distribués ?
Je crois savoir que non seulement la trésorerie a été restaurée - les dividendes l'ont été par voie de conséquence - mais que l'entreprise dispose d'un volant de plusieurs centaines d'intérimaires.
En définitive, l'argent public aura financé la restructuration de l'entreprise sans que les actionnaires n'en pâtissent, alors que les salariés ont trinqué. Et l'emploi ? Les intérimaires sont venus renforcer les équipes.
Mme Hélène Luc. Très bon exemple !
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen entend s'opposer résolument au retour en force d'un dispositif coûteux et inefficace. C'est le sens de notre vote contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.) Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. M. le rapporteur exprime, depuis le début de ce débat, l'opinion que, si l'on retire de ce projet de loi l'article 1er qui fixe un objectif chiffré et une date pour y parvenir, le reste du texte, tel qu'il est issu du conseil des ministres, n'est pas très différent de la loi Robien.
La majorité de la commission en déduit qu'il est donc préférable de « reprofiler » cette loi Robien, afin d'en limiter le coût.
Ce faisant, vous nous donnez, sans doute involontairement et a posteriori, raison. En effet, nous avions particulièrement critiqué, lors de la discussion de ce texe, un coût très élevé par rapport au nombre d'emplois susceptibles d'être créés. L'expérience, comme cet amendement, montre que nous n'avions finalement pas tort, malgré l'intérêt de la démarche entreprise.
Mais la véritable question - et c'est ici que nous divergeons plus fondamentalement - reste celle des objectifs que nous visons les uns et les autres.
Vous nous proposez, en fait, une modification essentielle de la loi Robien, sans toucher à son défaut majeur : l'aide est attribuée en pourcentage du salaire, ce qui favorise de façon non négligeable les effets d'aubaine.
Vous dites que cette méthode est préférable parce qu'elle favorise l'embauche de personnels qualifiés. Précisément, ces personnels ne sont pas ceux qui sont le plus touchés par le chômage : même après un certain délai, ils trouvent en général un emploi, dans une économie qui manque dans certains secteurs de personnels compétents.
En d'autres termes, nous faisons financer par la collectivité nationale, par le contribuable, l'embauche de demandeurs d'emploi qui auraient de toute façon trouvé un emploi.
Avec la loi Robien, quel qu'en soit le profil, nous soutenons les entreprises bien davantage que nous ne facilitons la création d'emplois. C'est un choix qui a sa logique propre : favoriser les employeurs et la rémunération du capital plutôt que celle du travail.
M. Emmanuel Hamel. C'est un jugement inéquitable !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le chômage touche principalement les personnels les moins qualifiés, avec le cortège de difficultés matérielles que nous connaissons et qui se répercutent sur l'ensemble de la vie des familles. Nous aurons bientôt l'occasion d'y revenir.
La nation a donc le devoir non seulement de réparer les effets dévastateurs de l'exclusion, mais aussi de les prévenir loin en amont. Notre effort doit porter sur l'entrée et le retour dans l'emploi de ces catégories, dans un objectif tout à fait impératif et urgent de cohésion sociale.
Cela implique la réduction du temps de travail, mais aussi que les aides pour y parvenir soient forfaitaires, afin de ne pas laisser à nouveau sur le bord du chemin, à l'écart de la croissance, ces catégories sociales.
Cette option est renforcée par les majorations en faveur des entreprises de main-d'oeuvre et de celles qui offriront des emplois stables en contrats à durée indéterminée.
S'y ajoute la moralisation du temps partiel qui, dans ses aspects les plus pénalisants, frappe surtout les salariés, les femmes, les moins qualifiés. Là aussi, vous êtes très restrictif par rapport aux mesures que nous proposons.
Le projet de loi prévoit donc une cohérence d'ensemble différente de la vôtre. La situation de l'emploi exige des mesures plus énergiques que le simple reprofilage de la loi Robien. Notre choix est de faciliter la création d'emplois stables, avec des conditions de travail acceptables, pour des salariés aujourd'hui menacés.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 3 rectifié. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. A l'article 1er, la majorité sénatoriale a suivi la commission des affaires sociales et elle a supprimé le passage obligatoire aux 35 heures au 1er janvier 2000 ou au 1er janvier 2002 selon la taille de l'entreprise.
A l'article 2, la majorité sénatoriale a également suivi la commission des affaires sociales et elle a voté l'annualisation, en faisant comme si, en 1982, en 1987 et en 1993, elle n'avait pas déjà adopté des textes relatifs à l'annualisation. Elle a donc effacé, d'une certaine manière, les effets de lois qui, si elles mettaient en place une nécessaire souplesse pour les entreprises, instituaient aussi des garanties minimales pour les salariés en prévoyant les horaires maximaux susceptibles d'être effectués dans la journée ou dans la semaine.
M. Jean Chérioux. Oh !
Mme Joëlle Dusseau. Oui, et vous avez voté cette disposition en sachant ce que cela peut signifier pour les salariés dans la situation actuelle, avec le taux de chômage que l'on connaît.
M. Philippe Marini. Nous voulons le réduire ! Cela nécessite de la souplesse.
M. Jean Chérioux. C'est cela !
Mme Joëlle Dusseau. Oui, c'est tout à fait cela !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! La parole est à Mme Dusseau, et à elle seule.
Mme Joëlle Dusseau. Merci, monsieur le président.
A l'article 3, que nous examinons maintenant, la commission des affaires sociales propose, et vous allez la suivre, le maintien de la loi Robien.
Certes, elle prévoit une limitation des avantages de la loi en instaurant un plafond, en limitant l'aide et en installant un dispositif de sortie. Mais enfin, mes chers collègues, vous faites perdurer un système à propos duquel on dispose d'un bilan - cela fait plus de dix-huit mois qu'il est appliqué - faisant apparaître un coût élevé, des avantages importants pour les entreprises et des résultats faibles en termes de création d'emplois.
M. Philippe Marini. M. Jospin en dit pourtant grand bien !
Mme Joëlle Dusseau. En tout cas, moi, je n'en dis pas grand bien (Exclamations ironiques sur les travées du RPR) parce que, en novembre 1997, on a pu constater que seuls 18 000 à 20 000 emplois avaient été soit créés soit maintenus. De plus, alors que, à l'origine, il était prévu deux tiers de conventions dites offensives et un tiers de conventions dites défensives, la réalité a montré que ces conventions se sont réparties pour moitié dans les deux catégories. Ainsi, sur plus d'un an, seuls 10 000 emplois ont été effectivement créés. La belle affaire !
M. Philippe Marini. Et les emplois sauvegardés, cela ne compte pas ?
Mme Joëlle Dusseau. Et même si, aujourd'hui, autour de 30 000 emplois ont été concernés, cela fait au maximum 15 000 créations.
M. Philippe Marini. Voilà qui prouve que la réduction du temps de travail n'est pas très efficace et coûte cher !
M. Jean Chérioux. Oui ! C'est une preuve !
Mme Joëlle Dusseau. Je crois effectivement que la loi Robien a montré et montre quotidiennement à la fois son intérêt, mais aussi son coût et, en tout cas, ses limites.
M. Philippe Marini. Cela devrait vous inviter à plus de modestie !
M. Jean Chérioux. Nous proposons de réduire ce coût !
Mme Joëlle Dusseau. Comme cette loi a montré son intérêt, son coût et ses limites, prenons-là pour ce qu'elle est, une expérimentation coûteuse, pas inintéressante, mais dont il faut tirer les conséquences.
M. Philippe Marini. Donc, il ne faut pas réduire le temps de travail !
Mme Joëlle Dusseau. C'est vrai que j'aurais préféré, pour ma part - je l'ai dit à la tribune - une baisse plus résolue, plus forte, plus ample de travail.
M. Philippe Marini. Zéro heure !
Mme Joëlle Dusseau. J'aurais préféré, pour ma part - je l'ai dit à la tribune - que l'on aille plus résolument vers la négociation.
M. Philippe Marini. Bonne idée !
Mme Joëlle Dusseau. Mais, sur ce point, il faut constater un échec, qui est lié à la fois à la tradition de notre pays, à sa culture, mais aussi à un refus du patronat de prendre le taureau par les cornes.
Quand on constate un échec, il faut prendre d'autres types de mesures. Il faut passer effectivement de l'incitation, dont on a vu les limites, à la loi, qui facilite la négociation par des aides tout en mettant en place une date butoir. Il faut effectivement passer à l'acte.
M. Jean Chérioux. Solution magique garantie !
Mme Joëlle Dusseau. Certes, elle est étatique.
M. Alain Gournac. Très étatique !
Mme Joëlle Dusseau. Je ne sais pas si elle sera magique, mais, actuellement, mes chers collègues, nous ne pouvons pas rester dans la situation où nous sommes.
M. Jean Chérioux. Non, il ne faut pas en rester là !
M. Christian de La Malène. Il faut faire autre chose ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Sans Maastricht, tout irait mieux !
Mme Joëlle Dusseau. Nous avons fait, les uns après les autres, gouvernement après gouvernement, gauche puis droite, puis droite et à nouveau gauche,...
M. Hilaire Flandre. Ce n'est jamais arrivé chez les radicaux. C'est dommage ! (Nouveaux sourires.)
Mme Joëlle Dusseau. ... le même constat. Tous, depuis quinze ans, nous avons mis en place des politiques...
M. le président. Madame Dusseau, je vous prie de conclure.
Mme Joëlle Dusseau. Tout cela prouve clairement que nos politiques antérieures, quel que soit le jugement que l'on porte sur elles, ont été inefficaces et que nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle compte tenu des conséquences sociales dramatiques qu'elle entraîne.
Il faut donc passer à quelque chose de plus ambitieux.
M. Emmanuel Hamel. Retrouvons notre liberté d'action, libérons-nous de Maastricht !
Mme Joëlle Dusseau. Or, cette loi me paraît être quelque chose de plus ambitieux, et c'est pourquoi je voterai contre l'amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je tiens d'abord à relever que Mme Dusseau m'a prêté des propos que je n'ai jamais tenus.
M. Alain Gournac. Cela lui arrive souvent !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je l'invite donc à bien relire ce que j'ai écrit et à rectifier. Mais tout cela, ce n'est pas grave !
S'agissant des principes, l'allégement du coût du travail peu qualifié repose sur le mécanisme de la ristourne dégressive, que vous remettez actuellement en cause, madame le ministre. Il ne faut pas tout mélanger : les 35 heures, c'est une chose, et les bas salaires, c'en est une autre. Les mécanismes sont, à l'évidence, différents.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n°s 34 rectifié, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53 et 19 rectifié n'ont plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 3



M. le président.
Par amendement n° 4, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Conformément à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, les exonérations de cotisations de sécurité sociale prévues à l'article 3 donnent lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'exposé des motifs du projet de loi ainsi que l'étude d'impact jointe comportent l'annonce d'une compensation qui ne serait que partielle des exonérations de cotisations prévues par l'article 3. Il est donc proposé de réaffirmer le principe de la compensation intégrale prévu par l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994.
Mme le ministre a beaucoup insisté sur le fait qu'il n'y aurait pas de difficulté. Si cela va sans dire, cela va peut-être mieux encore en l'écrivant. Et si c'est redondant, on pourra toujours amender.
Une telle réaffirmation serait d'autant plus nécessaire que l'Assemblée nationale refuserait de suivre le Sénat dans sa démarche de sagesse.
En effet, la loi Aubry risque fort de détruire de nombreux emplois en faisant supporter de trop lourdes charges aux entreprises ; c'est en tout cas ce que nous craignons.
Dès lors, le raisonnement consistant à dire que les emplois créés, en apportant de nouvelles recettes, compenseront une large part des exonérations, nous semble spécieux, car il ne tient pas compte des pertes de recettes occasionnées par les emplois détruits.
Aussi la sagesse conseille-t-elle de compenser intégralement, au franc le franc, l'intégralité des exonérations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai déjà répondu à cette argumentation lors de la discussion d'un amendement précédent.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Il est vrai que nous nous étions tous émus, ici, dans un premier temps, de voir que la compensation n'était que partiellement prévue dans le texte. Nous avions rappelé que certaines dispositions avaient effectivement été revues en 1994 afin que, en cas d'allégement de charges, il y ait automatiquement compensation totale de l'Etat.
Nous avons donc interrogé Mme Aubry à plusieurs reprises, tant en commission que dans l'hémicycle, cet après-midi même. Les explications qu'elle nous a données nous semblent satisfaisantes.
Ce que vise le projet de loi du Gouvernement - tel ne serait sans doute pas le cas avec le texte issu des travaux du Sénat -, c'est une création forte d'emplois. A terme, tous les comptes publics s'en porteront mieux, puisque nous savons tous - nous l'avons suffisamment dit lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale - que la cause essentielle du déficit de la sécurité sociale, c'est l'insuffisance des recettes, due elle-même à la situation de l'emploi dans notre pays.
Il y avait donc allégement des charges sans que l'on puisse vérifier s'il y avait ou non création d'emplois. On a d'ailleurs plutôt vérifié, jusqu'à présent, qu'il n'y avait pas de corrélation directe, qu'il n'y avait pas forte création d'emplois.
A partir du moment, où l'on peut effectivement vérifier le nombre d'emplois créés, et donc compenser très précisément le manque à gagner, le différentiel, le texte du Gouvernement devient tout à fait acceptable. Nous voterons donc contre l'amendement.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement me paraît être un amendement de bon sens. Il est conforme à la législation que nous avons précédemment votée et, s'il y a lieu de faire un toilettage du texte à l'occasion de la navette, il ne sera pas difficile d'y procéder.
L'intention que reflète cet amendement semble imparable. Il s'agit bien d'acter le principe de compensation intégrale au bénéfice des régimes concernés. Il est préférable que les choses soient dites clairement et nettement, car, même si vous avez donné tout à l'heure, madame le ministre, des explications qui vont dans ce sens, cela vaut moins qu'un texte voté par une assemblée parlementaire.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Par amendement n° 33 rectifié, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - a) Dans la première phrase du II de l'article 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, après les mots : "de l'employeur" sont insérés les mots : "ou, par délégation, des caisses des congés payés mentionnées à l'article L. 731-9 du code du travail".
« b) Dans la troisième phrase du même paragraphe, après les mots : "l'employeur" sont insérés les mots : "ou la caisse mentionnée ci-dessus".
« II. - a) Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 39-1 de la même loi, après les mots : "de l'employeur" sont insérés les mots : "ou, par délégation, des caisses des congés payés mentionnées à l'article L. 731-9 du code du travail".
« b) Dans la quatrième phrase du même alinéa, après les mots : "de l'employeur" sont insérés les mots : "ou de la caisse mentionnée ci-dessus". »
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Cet amendement vise à faire bénéficier les caisses de congés payés, et donc indirectement les entreprises qui y cotisent, des aides de la loi Robien.
Cela se justifie par un souci d'équité. En effet, toute entreprise bénéficie de l'exonération sur l'ensemble des salaires versés, y compris pour les congés payés. Seules n'en bénéficient pas les entreprises qui délèguent, pour des raisons spécifiques, le versement des congés payés à une caisse de congés payés, comme dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Certes, il ne peut y avoir, en l'occurrence, de création d'emplois puisque les caisses ne sont pas employeurs. Mais, par ricochet, ces créations d'emplois se feront dans les entreprises, puisque ces dernières bénéficieront d'un allègement de cotisations au titre des congés payés.
Le dispositif ne devrait donc concerner que les entreprises qui ont signé des accords dits « Robien ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission ne minimise pas la complexité du dispositif. Elle émet cependant un avis défavorable, en espérant que Mme le ministre nous donnera quelques explications rassurantes.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Eh bien, ça alors ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne sais pas sur quoi je dois rassurer M. le rapporteur !
Je ne suis pas favorable à la rédaction de l'article 3 que propose la commission. C'est la raison pour laquelle je suis conduite à rejeter le mécanisme proposé, qui ajoute un mode de décompte particulier pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics. D'ailleurs, sur le fond, cette question ne se pose pas dans le dispositif du Gouvernement.
M. Louis Souvet, rapporteur. Si !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, car notre aide n'est pas calculée en pourcentage par rapport aux cotisations versées. Elle représente une somme forfaitaire qui s'impute sur la masse des cotisations versées par l'entreprise, quel que soit le montant.
Je veux bien m'exprimer sur un amendement qui s'insère dans le dispositif proposé par la commission, mais nous, dans notre dispositif, nous avons déjà réglé le problème.
Si vous souhaitez, monsieur le rapporteur, reprendre le dispositif du Gouvernement, je ne peux que dire à l'auteur de cet amendement que le problème est déjà résolu.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Hoeffel ?
M. Daniel Hoeffel. Cet amendement avait pour objet de connaître la position de Mme la ministre. Faut-il, dans ces conditions, le maintenir ou non ? Je m'en remets, sur ce point, à l'avis de la commission. (Rires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a donné un avis favorable sur l'amendement, qui constitue un apport intéressant dans son dispositif. Elle conseille donc à son auteur de le maintenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Par amendement n° 37 rectifié, MM. Cabanel et Barnier proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la cinquième phrase du paragraphe II de l'article 39 et dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, après les mots : "avec l'Etat " sont insérés les mots : ", en concertation avec l'UNEDIC". »
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. S'agissant du dispositif d'aide à la réduction du temps de travail, on a souvent parlé de la mise en jeu éventuelle de l'UNEDIC, qui est tout de même bénéficiaire des effets de la réduction du chômage.
La concertation avec l'UNEDIC nous paraît importante. Il y a peut-être là un gisement important de moyens de financement ; il y a peut-être là un moyen de rembourser intégralement les exonérations de cotisations que l'on sera amené à décider par ailleurs.
Madame le ministre, on en parle à voix basse ; autant avoir un dispositif qui permet d'ouvrir cette concertation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'activation des dépenses passives de l'assurance chômage est déjà mise en oeuvre, notamment avec l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, et les conventions de coopération.
Impliquer l'UNEDIC dans la réduction du temps de travail risque d'être particulièrement compliqué. L'UNEDIC pourra-t-elle intervenir dans chaque convention ? Ce sera extrêmement complexe.
En outre, si la réduction du temps de travail suscite la création d'emplois, cela permettra aux partenaires sociaux de diminuer les cotisations d'assurance chômage des entreprises. En ce sens, en tout cas, l'amendement est déjà satisfait.
C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. A mon sens, on ne pourra pas demander l'avis de l'UNEDIC pour chaque accord.
En revanche - je l'ai dit tout à l'heure - chaque création d'emploi liée à la réduction de la durée du travail fait rentrer 5 000 francs dans les caisses publiques, et donc une partie de cet argent dans les caisses de l'UNEDIC.
Le Gouvernement ne verrait qu'avec satisfaction que les partenaires de l'UNEDIC acceptent de participer au financement de cette réduction de la durée du travail.
Ce n'est pas à l'ordre du jour d'aujourd'hui, mais nous pourrons effectivement en discuter avec le patronat et les syndicats dans les mois qui viennent.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que les rentrées de l'UNEDIC permettraient de réduire les cotisations des employeurs. Je dirai qu'elles pourraient permettre aussi de mieux indemniser, notamment les jeunes et les salariés précaires, exclus du champ de l'UNEDIC depuis des années.
Par conséquent, c'est dans le cadre d'une discussion générale avec l'UNEDIC que ce type de problèmes pourront être réglés. J'attends avec impatience de voir si les partenaires de l'UNEDIC accepteront d'entrer dans votre logique.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 37 rectifié.
M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Cabanel ?
M. Guy Cabanel. Non, monsieur le président, je le retire car je suis extrêmement satisfait des propos tenus par Mme la ministre.
En effet, ce n'est peut-être pas le jour de déposer un amendement sur ce texte, qui est déjà modifié, mais ne pas faire entrer l'UNEDIC dans ce grand débat serait, à mon avis, rater une réflexion profonde sur le financement à la fois de la stimulation de l'emploi et de la lutte contre le chômage.
Vos propos me donnent donc entière satisfaction, madame la ministre, même si je suis navré que vous soyez obligée de vous prononcer contre mon amendement qui se rattachait à un dispositif que vous n'approuvez pas.
Cela dit, ce débat d'aujourd'hui, qui figurera au Journal officiel, est, je crois, important pour la réflexion à venir.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.
Par amendement n° 55, M. Fischer et Mme Borvo, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... . - L'aide définie aux articles 39 et 39-1 peut prendre la forme d'une bonification de nouveaux crédits à moyen et long termes accordée à l'entreprise permettant d'en rabaisser le taux en dessous de celui du marché, en fonction du nombre d'emplois créés ou maintenus en liaison avec la réduction du temps de travail.
« Cette bonification tend à réduire d'autant plus le taux d'intérêt de ces crédits que les investissements nouveaux ainsi financés seront associés à un objectif plus élevé de création d'emplois en liaison avec la réduction du temps de travail. »
« II. - Pour compenser les charges résultant de l'application des dispositions du I ci-dessus, le taux, prévu au premier alinéa du 9° du paragraphe III de l'article 125 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Générant des gains de productivité considérables, le progrès des sciences et des techniques permet, aujourd'hui, d'envisager de nouvelles perspectives en matière de réduction du temps de travail, afin de créer un maximum d'emplois.
Notre groupe n'est pas totalement opposé au fait que l'Etat soutienne financièrement les entreprises qui s'engagent sur la voie de la réduction du temps de travail.
Nous constatons seulement qu'un doute existe quant à l'utilité des aides publiques à l'emploi sous leurs formes actuelles. Nous proposons simplement une alternative afin de démontrer que la baisse des charges sociales n'est pas l'unique solution.
Toutes sensibilités confondues, on s'accorde à penser que les aides publiques à l'emploi ont un coût exorbitant, des effets pervers indéniables. La discussion sur leur efficacité est donc ouverte.
En amendant l'article 3, la droite a réactualisé la loi Robien. Conjuguant réduction du temps de travail et annualisation, le système proposé ne peut pas nous satisfaire. Sans contrôle véritable, on nous propose, une fois de plus, d'aider les entreprises en les exonérant de cotisations sociales.
Dans son rapport, l'instance d'évaluation de la loi quinquennale pour l'emploi notait que cet abaissement du coût du travail pour les salariés les moins qualifiés ne résoudrait pas durablement leurs difficultés.
Pour notre part, nous pensons que cette logique d'exonération de cotisations sociales en induit une autre, celle de la baisse générale des coûts salariaux. Elle ne règle en rien l'insuffisance de qualification. Nous savons tous aujourd'hui que les titulaires d'un bac + 2 occupent ces emplois faiblement rémunérés, laissant ainsi hors marché du travail les personnes peu qualifiées.
De plus, vis-à-vis de notre système de protection sociale, les exonérations consenties ne sont pas neutres. Nous avons déjà développé ce thème précédemment. Est-ce vraiment le rôle de la sécurité sociale de financer l'emploi ? C'est une véritable question.
Notre amendement vise donc à introduire une seconde modalité d'aide de l'Etat en abaissant les charges financières des crédits nouveaux pour les entreprises qui s'engageraient à réduire le temps de travail en créant, corrélativement, des emplois.
Toutes les entreprises pourraient être intéressées par cette bonification de crédits, les PME, les PMI supportant des conditions de crédit très lourdes se trouveraient ainsi avantagées.
C'est pour toutes ces raisons que je vous présente cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission remarque qu'il s'agit d'un amendement sur la loi quinquennale. Le système proposé est astucieux, mais il posera des problèmes techniques considérables. Il relève d'une philosophie autre que celle de la commission, qui, elle, recherche au maximum la simplicité.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a donné un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est défavorable. Ce système aurait des effets qui ne seraient pas substantiellement différents de l'aide proposée par le Gouvernement, mais il nous apparaît beaucoup trop complexe.
M. Emmanuel Hamel. Il y a convergence avec la commission !
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 56, M. Fischer et Mme Borvo, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 141-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En aucune circonstance, une mesure de réduction ou d'aménagement du temps de travail ne peut modifier le niveau de prescription du salaire minimum interprofessionnel de croissance défini au premier alinéa. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Intimement lié à la réduction du temps de travail, la question des salaires, de la rémunération minimale doit être traitée avec prudence et considération.
Comment vouloir créer des emplois si la réduction du temps de travail se solde par une réduction des salaires ? L'équation entre consommation, production et emploi est pourtant claire.
De tout temps, la question salariale a été un point fort de conflit entre salariés et patronat.
Conçu pour réduire les inégalités salariales, le SMIC, de par son mécanisme d'indexation sur la croissance en valeur, permet une évolution des bas salaires. Il est source de garanties pour les travailleurs rémunérés au SMIC, mais aussi pour l'ensemble des salariés.
Nous sommes tous conscients que le voeu le plus cher du patronat est de réussir à faire sauter cette garantie pour y substituer un revenu mensuel garanti, le RMG, remettant de fait en cause tout notre système de protection sociale.
En février 1996, au cours des débats sur la loi Robien, le rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales, proposait, par amendement, de rétablir « une disposition qui était au centre des débats de 1993 sur la loi quinquennale : l'exigence de réduction de salaire ».
La boucle se trouvait ainsi refermée. On conjuguait alors allégrement réduction du temps de travail et réduction des salaires. Dans les faits, les accords Robien n'en sont ni plus ni moins qu'une adaptation. Les bilans dressés sont peu encourageants.
Les propositions présentées aujourd'hui par la majorité du Sénat, alors que nous discutons de la réduction du temps de travail, ont peu varié. L'objectif est toujours le même : il s'agit de minimiser la progression - que dis-je ? - de faire reculer encore la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Dans le présent projet de loi, seul l'exposé des motifs fait référence aux salaires. La mention « progression maîtrisée » de ceux-ci ne peut nous satisfaire.
Si le projet de loi ne traite pas expressément de la question de la rémunération minimale pour compenser la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, le problème de la revalorisation du SMIC horaire demeure posé.
L'objet de notre amendement est simple. Il attire l'attention sur le fait que la revalorisation du SMIC horaire devra prendre en compte le passage aux 35 heures afin de garantir à chaque salarié le maintien, au moins, de son pouvoir d'achat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Hélène Luc. Le rapporteur est d'accord !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je vais être d'accord, madame Luc, mais dans les même termes que, tout à l'heure, Mme la ministre. (Sourires.)
L'amendement n° 56 soulève un réel problème, à savoir celui de la multiplicité des SMIC dans le dispositif proposé par le Gouvernement. Ce problème ne se pose pas dans le dispositif que nous vous proposons de lui substituer.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme Hélène Luc. Dommage !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je le répète, le dispositif que préconise le Gouvernement devra faire l'objet d'un projet de loi, et sera donc soumis au Parlement.
Ce dispositif ne vise pas à créer deux SMIC. Le SMIC, tel qu'il existe aujourd'hui, s'agissant de son niveau et de son mode d'évolution, ne sera pas modifié aux termes de la proposition que nous soumettons actuellement aux organisations patronales et syndicales.
Nous souhaitons instaurer un revenu mensuel garanti qui permet effectivement d'éviter, comme vous le souhaitez, madame le sénateur, que les salariés payés au SMIC voient diminuer leur rémunération du fait de la réduction de la durée du travail.
J'ai indiqué qu'il subsistait des problèmes qui sont actuellement en discussion avec les partenaires sociaux. Ainsi, comment va-t-on payer les heures supplémentaires entre 35 et 39 heures ? Comment seront traités les travailleurs à temps partiel ? Comment va évoluer ce revenu minimum garanti ?
Ces questions sont actuellement en discussion. Elles donneront lieu à un débat, comme la loi le prévoit, devant la commission nationale de la négociation collective et à un texte de loi, puisque cette mesure est d'ordre législatif.
Je le confirme, les salariés payés au SMIC ne verront pas leur rémunération réduite du fait de la réduction de la durée du travail. Aussi souhaiterais-je, madame Terrade que vous retiriez votre amendement en attendant ce futur texte qui est aujourd'hui soumis à concertation et qui ne serait en tout état de cause pas applicable maintenant, puisque la durée légale du travail passera à 35 heures au 1er janvier 2000.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Nous entendons l'invitation de Mme la ministre, et nous le retirons.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. _ Une réduction du temps de travail en deçà de trente-neuf heures hebdomadaires peut être organisée en tout ou partie sous forme de jours de repos par accord d'entreprise ou d'établissement ou en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu. L'accord collectif détermine alors les modalités de prise de ces repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'employeur, et, dans la limite de l'année, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris ainsi que les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos.
« L'accord collectif peut en outre prévoir qu'une partie de ces repos alimente un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1 du code du travail et précisées par décret. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Pour une raison que chacun comprendra ici aisément, puisque, depuis le début de ce débat, elle s'est fait l'écho des préoccupations des entreprises - ou plutôt du patronat - la commission ne nous propose pas de modifier l'article 4 du présent projet de loi.
Je ne cacherai pas ici plus longtemps à notre Haute Assemblée que cet article 4, d'apparence anodine, pose toutefois un certain nombre de questions essentielles qui ne peuvent que nous amener, ainsi que nous le défendrons dans le cadre de nos amendements, à proposer un certain nombre de modifications.
En l'état actuel des choses, le texte de cet article nous invite en effet à faire autre chose de la réduction du temps de travail qu'une amélioration significative de la situation personnelle et collective des salariés d'une entreprise donnée.
Nous avons en effet eu l'occasion de souligner déjà, dans le cadre tant de la discussion générale que de celle des premiers articles du projet de loi, que le monde du travail était confronté à deux problèmes fondamentaux.
Le premier de ces problèmes est celui de l'accroissement de la productivité apparente du travail, induite par le relèvement de la compétence technique des salariés et qui a conduit à une modification assez sensible du circuit même de la production, générant de notre point de vue un nouveau type de pénibilité du travail, qui tend en particulier à substituer un stress nerveux à la fatigue physique traditionnelle dans un mode tayloriste de production.
Le second problème fondamental est celui qui est posé par l'inadéquation croissante entre niveau de compétence technique et technologique des salariés et niveau de rémunération.
Cette exigence d'être moins fatigué dans son travail mais aussi d'être mieux rémunéré est suffisamment forte pour que le patronat ait tenté, depuis quelques années, et en fait depuis plus longtemps, même si, dans le passé, les formes en furent différentes, de détourner ces aspirations et d'en définir des modes de résolution convenant à ses propres objectifs.
Nous reparlerons un peu plus tard de la question des heures supplémentaires qui, dans un contexte de médiocre reconnaissance salariale des qualifications et des compétences, sont utilisées bien souvent comme un palliatif par le patronat pour accrocher les salariés à ses objectifs de rentabilité.
S'agissant des repos compensateurs, on est là aussi plus ou moins dans une situation identique.
Il s'agit en fait de placer les salariés dans le faux choix des congés payés contre l'augmentation de la rémunération.
Dans le même temps, le fait que les salariés soient mis en situation de se trouver en congé permet d'alourdir la charge de travail dans la période où ils sont à la disposition pleine et entière de l'employeur.
Avec l'article 4, il s'agit donc de transformer éventuellement la réduction du temps de travail en accumulation de jours de congé.
Dans l'absolu d'ailleurs, les salariés pourraient fort bien se retrouver, sur une année, avec un cumul de plus de 200 heures complémentaires ouvrant droit à un repos compensateur, ce qui équivaut à peu près au doublement de la durée normale des congés payés légaux.
Devons-nous favoriser par ce biais un développement de telles pratiques qui, je le répète, se traduisent le plus souvent par le fait que le travail n'est plus considéré que comme un stock de matière première - je répugne à employer cette expression - dans lequel on « puise » en fonction des aléas de la production, sans que les heures supplémentaires effectuées ainsi gratuitement n'améliorent le pouvoir d'achat effectif des salariés ?
De plus, on peut craindre d'un tel dispositif qu'il ne conduise à minorer le niveau des créations d'emploi découlant d'une réduction conventionnelle de la durée du travail, ce qui ne permettrait pas de répondre à l'objectif essentiel de cette loi : la restauration du droit au travail pour ceux qui en sont aujourd'hui privés et pour ceux qui souffrent du chômage et de la précarité.
Un dernier mot sur la question du compte épargne-temps qui est, à y bien regarder, une sorte de pis-aller pour combler quelques-unes des insatisfactions auxquelles est confronté le salarié dans sa vie professionnelle.
Force est en effet de constater que la mise en place de ce dispositif correspond aux freins dont souffre aujourd'hui le droit à la formation permanente des salariés et qu'il a aussi comme particularité, lorsque le salarié en congé sabbatique s'engage dans une structure associative, par exemple, de mettre en évidence les limites encore posées à l'exercice de la citoyenneté dans l'entreprise.
Que n'aurions-nous besoin des congés sabbatiques si le droit à la formation et le droit d'expression des salariés étaient partout respectés !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 57, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, proposent de rédiger comme suit le premier alinéa de l'article 4 :
« Une réduction du temps de travail en deçà de 35 heures hebdomadaires peut être organisée en partie sous forme de jours de repos, en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu. L'accord collectif détermine alors les modalités de prise de ces repos dans la limite de douze semaines, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris ainsi que les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Par cet amendement n° 57, nous proposons une rédaction alternative de l'article 4 du présent projet de loi, en limitant la mise en oeuvre des dispositions relatives au repos compensateur aux entreprises dans lesquelles des accords collectifs mettent en place une réduction d'horaires allant plus loin que celle qui est prévue dans le projet de loi.
Sont concernées très concrètement les entreprises où les accords collectifs pourront conduire à mettre en oeuvre des horaires hebdomadaires de 30, 32 ou 34 heures en moyenne et qui mettront en place les repos compensateurs.
Il s'agit d'une incitation nouvelle accordée à ces entreprises, d'une sorte de prime à l'innovation sociale, le principe des 35 heures hebdomadaires étant conservé.
Dès lors, libre aux parties prenantes à la négociation de fixer les conditions d'application des repos compensateurs, notamment de leur application à l'ensemble des personnels exerçant des activités d'encadrement, de conception, d'organisation ou de contrôle et de suivi des activités de l'entreprise.
C'est donc en bonne intelligence entre partenaires sociaux que nous devons aborder cette proposition de mise en oeuvre des repos compensateurs. Nous évitons ainsi que le principe retenu dans l'article 4 initial ne conduise, éventuellement, à minorer le nombre des créations effectives d'emplois ou à solliciter un recours trop important au travail à temps partiel ou au travail intérimaire.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour la commission, ce dispositif est trop restrictif, car il ne joue qu'en deçà des 35 heures. Or, la commission a approuvé tel quel l'article 4, qui prévoit d'appliquer cette possibilité dès 39 heures, ce qui constitue le seul véritable élément de souplesse du projet de loi.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, parce que cette modalité s'applique en dessous des 35 heures et, surtout, parce que, pour un certain nombre de catégories, dans certaines fonctions, notamment pour les cadres commerciaux, ce sera peut-être la seule façon de réduire la durée du travail.
Il lui paraît souhaitable de maintenir cette possibilité qui est subordonnée à un accord des partenaires sociaux. Il faut en effet leur faire confiance, dans l'entreprise comme dans la branche.
M. Emmanuel Hamel. Nouvelle convergence avec le Gouvernement !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Légère !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux : nous les reprendrons à vingt et une heures trente,
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Michel Dreyfus-Schmidt.)



présidence
de M. Michel Dreyfus-Schmidt,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.
Dans la discussion des articles, le Sénat en est parvenu à l'article 4 bis.

Article 4 bis



M. le président.
« Art. 4 bis . _ L'article L. 212-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5 rectifié, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Avant le premier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements présentés par MM. Paul Girod et Bernard Joly.
Le sous-amendement n° 65 rectifié vise, au début du texte proposé par l'amendement n° 5 rectifié pour compléter l'article L. 212-4 du code du travail, à ajouter les mots suivants : « Sans préjudice de l'alinéa suivant, ».
Le sous-amendement n° 66 a pour objet de compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 5 rectifié pour compléter l'article L. 212-4 du code du travail par les mots suivants : « sur le lieu de travail ».
Par amendement n° 32, MM. Valade, Revol, Mme Heinis, MM. Descours, Faure et Le Grand proposent de rédiger comme suit l'article 4 bis :
« Avant le premier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions. »
Par amendement n° 15, M. Marini propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 4 bis pour compléter l'article L. 212-4 du code du travail :
« Est temps de travail effectif toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de ses activités ou de ses fonctions. »
Par amendement n° 21 rectifié, MM. Paul Girod et Bernard Joly proposent, au début du texte présenté par l'article 4 bis pour compléter l'article L. 212-4 du code de travail, d'ajouter les mots suivants :
« Sans préjudice de l'alinéa précédent ».
Par amendement n° 22 rectifié, MM. Paul Girod et Bernard Joly proposent de compléter le texte présenté par l'article 4 bis pour compléter l'article L. 212-4 du code du travail par les mots suivants : « sur le lieu de travail ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur. En défendant cet amendement n°s 5 rectifié, je m'exprimerai également sur les amendements n°s 15 et 32, l'amendement de la commission étant la synthèse des deux autres.
Tous ces amendements visent à transposer la directive européenne du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail plus complètement que ne l'a fait l'Assemblée nationale en adoptant cet article 4 bis nouveau.
Il s'agit en même temps de fixer la jurisprudence de la Cour de cassation, qui évolue régulièrement sur cette question de la définition du temps de travail effectif.
La définition de la directive est reprise intégralement par l'amendement n° 15 de M. Marini, qui complète la fin de l'article L. 212-4 du code du travail organisant cette notion sous l'angle du seul travail productif.
Or, il semble préférable, comme le fait M. Valade et ses collègues avec l'amendement n° 32, de placer la définition générale, celle de la directive, en début d'article, le texte de l'article L. 212-4 du code du travail qui règle, notamment, la question du temps d'habillage n'étant une illustration que sur quelques points précis. D'où l'amendement n° 5 rectifié, qui regroupe les différents textes.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre les sous-amendements n°s 65 rectifié et 66.
M. Bernard Joly. S'agissant du sous-amendement n° 65 rectifié, le projet de loi complète la définition de la durée du temps de travail effectif en ajoutant au texte actuel l'indication selon laquelle il s'agit du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur.
Il est donc impératif de l'articuler avec la disposition qui en devient l'alinéa 1er, sinon cette disposition qui prévoit l'exclusion des temps de pause, d'habillage et de casse-croûte du décompte du travail effectif risquerait en effet de se voir privée de portée par une interprétation littérale du nouveau texte.
Quant au sous-amendement n° 66, le code du travail dispose que : « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur ».
Cette disposition, qui comprend certains temps consacrés à l'habillage, au casse-croûte et aux pauses, est faite en termes si généraux qu'ils sont susceptibles d'englober des périodes pendant lesquelles le salarié ne travaille pas, mais doit être en mesure de pouvoir être joint par l'employeur pour répondre à une éventuelle demande d'intervention.
Ces périodes, souvent appelées d'astreinte à domicile, font l'objet de modalités spéciales d'application et de rémunération définies par les accords collectifs, mais ne constituent pas un temps de travail effectif tant qu'aucune intervention n'est demandée au salarié.
Pour éviter toute ambiguïté, il convient donc de préciser que le temps visé par le texte est celui pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur dans les locaux de l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 65 rectifié et 66 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Le sous-amendement n° 65 rectifié est satisfait par l'amendement n° 5 rectifié, qui fait du texte actuel de l'article L. 212-4 du code du travail une illustration du principe général.
Le sous-amendement n° 66 est partiellement satisfait par l'amendement n° 5 rectifié, mais est beaucoup trop restrictif. Que va-t-il se passer, par exemple, lorsqu'un cadre signera un contrat à l'étranger ?
Dans ces conditions, je souhaite que ces deux sous-amendements soient retirés. Dans le cas contraire, la commission y serait défavorable.
M. le président. Monsieur Joly, maintenez-vous ces deux sous-amendements ?
M. Bernard Joly. Le sous-amendement n° 66 n'est qu'en partie satisfait.
Néanmoins, je retire ces deux sous-amendements. Dans mon intervention générale, j'avais dit en effet que je suivrais l'avis de la commission.
M. le président. Les sous-amendements n°s 65 rectifié et 66 sont retirés.
La parole est à Mme Heinis, pour défendre l'amendement n° 32.
Mme Anne Heinis. Nous l'avons vu : cet article introduit par l'Assemblée nationale tend à redéfinir la notion de temps de travail pour, selon l'exposé des motifs des auteurs de l'amendement, tenir compte du droit communautaire et de l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Cette nouvelle définition risque de poser de sérieux problèmes à un certain nombre de professions, particulièrement dans le secteur nucléaire, où les entreprises ont une activité de service, de maintenance ou de chantier nécessitant des temps d'habillage et de déshabillage, d'attente et d'astreinte sur site et de déplacements entre les lieux de travail ou sites clients. Elle conduirait à considérer comme travail effectif tous les temps de présence et donc à augmenter le nombre d'heures supplémentaires, pénalisant ainsi les entreprises du secteur.
En outre, il apparaît que le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui complète, sans l'abroger, l'article L. 212-4 du code du travail, est contradictoire avec les dispositions actuelles de cet article qui subsistent, puisque le même article, simultanément, reconnaît la possibilité de « périodes d'inaction », notamment liées à l'habillement et aux casse-croûte, tout en définissant le travail effectif comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur.
Nous aimerions savoir, madame le ministre, comment ces nouvelles dispositions vont s'articuler avec les pratiques actuellement en vigueur dans les branches où des conventions collectives ou accords de travail existent. Ces temps qui ne sont pas du travail effectif pourront-ils continuer à être rémunérés sur la base des accords déjà conclus ?
Ainsi, dans le secteur nucléaire, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et votre ministère admettent la possibilité de décompter une heure par jour de « temps d'inaction », essentiellement le temps d'habillage et de déshabillage et d'attente, pour les personnels d'intervention. Ces périodes sont notées sur des feuilles d'attachement remises à vos services qui en vérifient ainsi la nature et la durée. Que deviendront ces pratiques ?
En outre, la nouvelle rédaction de l'article L. 212-4 du code du travail ne risque-t-elle pas d'aboutir à un important contentieux en conduisant les salariés à demander au juge d'interpréter cet article ?
Pour limiter ce risque, nous vous proposons donc un amendement tendant, d'une part, à revenir au strict texte de la directive en en faisant le principe de base, figurant au premier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail et, d'autre part, à faire figurer, dans le second alinéa de ce même article, les dispositions précisant les modalités de prise en compte du temps de présence dans l'entreprise dans la définition du temps de travail.
M. le président. L'amendement n° 15 est-il soutenu ?...
Les amendements n°s 21 rectifié et 22 rectifié n'ont plus d'objet, leurs auteurs ayant retiré les sous-amendements n°s 65 rectifié et 66 dont le texte était similaire.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 5 rectifié et 32 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avec le temps de travail effectif, nous abordons l'un des éléments majeurs du code du travail qui a donné lieu, comme cela a été indiqué, à une large jurisprudence. Elle est d'ailleurs saine puisqu'elle prend en compte les conditions de vie particulières, l'état réel des astreintes et des contraintes qui pèsent sur les salariés dans chaque cas.
Ainsi, madame le sénateur, lorsque des salariés du bâtiment sont obligés de passer sur leur lieu de travail avant de se rendre sur un chantier, la jurisprudence considère ce temps de trajet comme du temps de travail. Mais si ce n'est qu'une possibilité qui leur est offerte et qu'ils peuvent se rendre directement sur le chantier, ce temps de transport n'équivaut pas à du temps de travail.
La jurisprudence a pris en compte les situations concrètes et la réelle dépendance ou non du salarié.
L'Assemblée nationale souhaitait intégrer cette jurisprudence et aller de l'avant par rapport à une rédaction ancienne de notre code du travail. Certains pensent que cela pourrait poser des problèmes d'interprétation, mais pas par rapport aux conventions collectives et à la situation dans les secteurs de la chimie ou du nucléaire que vous évoquez. Cette dernière est bien connue ; elle permet, lors d'astreintes de nuit en cas d'accident, d'obtenir une prime prévue dans la convention collective, sachant que ce n'est pas réellement un risque parce que les cadres ou les techniciens qui sont d'astreinte savent qu'ils ont peu de chance d'être appelés et que la convention collective prévoit des modes de rémunération.
Je suis perplexe s'agissant des débats ouverts par la rédaction à l'Assemblée nationale qui me semblait conforme à la jurisprudence actuelle. Aussi, à ce stade de la discussion et en attendant le résultat des travaux juridiques que nous sommes en train de faire et des propositions de divers juristes, je m'en remets à la sagesse de l'assemblée, considérant que la transposition de la directive, par définition, ne peut être qu'une bonne chose. Chacun a d'ailleurs considéré qu'elle constituait une avancée par rapport au texte antérieur.
Je me réserve, si vous le permettez, d'ici à la deuxième lecture, de vérifier qu'il n'existe pas de cas prévus par la jurisprudence qui vont au-delà de la rédaction de la directive et qui nécessiteraient, par conséquent, un aménagement de la rédaction.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, j'ai bien entendu ce que vous venez de nous dire et il m'a semblé relever dans vos propos un certain embarras, en tout cas une incertitude ; vous l'avez quasiment avoué.
Cet embarras et cette incertitude sont une raison largement suffisante pour voter l'amendement de la commission, car s'il est un domaine dans lequel on ne peut accepter une telle situation, c'est bien celui-là.
Je voudrais, moi aussi, vous poser une question, madame la ministre.
Vous avez fait état de la situation des entreprises du bâtiment en prenant le cas des salariés qui passent par le siège de l'entreprise pour aller sur leur lieu de travail. Mais qu'en est-il des sociétés de construction, par exemple, dont les salariés sont parfois astreints à de longs déplacements ? Il s'en trouve une dans mon département. Que se passe-t-il à ce moment-là ? Les temps de trajet, notamment les longs trajets de début et de fin de semaine, doivent-ils être inclus dans le temps de travail ? S'il en était ainsi, ce serait redoutable pour l'entreprise, mais aussi pour les salariés, qui y perdraient beaucoup. En effet, les temps de trajet sont rémunérés à des tarifs variables, certes, mais ils sont rémunérés.
Madame la ministre, dans ces conditions, pour que les choses soient très claires, je crois qu'il est sage que notre assemblée vote dès à présent l'amendement de la commission. Cela ne vous empêchera pas de procéder aux recherches dont vous avez parlé, mais c'est le moyen d'affirmer une position forte pour éviter des dérives qui seraient extrêmement dangereuses.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce qui m'embarasse, ce n'est pas le texte voté par l'Assemblée nationale, c'est le texte que vous vous proposez d'adopter ce soir.
Monsieur le sénateur, nous sommes tous d'accord pour reconnaître, dans un texte, les avancées de la jurisprudence qui prennent en compte la réalité de l'entreprise. Personne ne souhaite remettre en cause les conventions collectives, les pratiques parfois ancestrales qui fixent des règles particulières pour certaines professions. Je pense au bâtiment, par exemple, où des primes sont octroyées lorsque les déplacements dépassent dix kilomètres. On considère en effet que, même s'il ne s'agit pas totalement d'un travail effectif, une partie du temps doit être rémunérée par l'employeur. Aussi, nous souhaitons tous trouver une rédaction qui aille au-delà de la rédaction actuelle du code du travail, laquelle est en deça de la jurisprudence, rédaction qui permettrait de tenir compte de l'état du droit actuel défini par la jurisprudence et par les conventions collectives.
Nous sommes donc engagés dans une recherche qui n'est pas facile. En effet, on ne peut pas tout traiter dans la loi. Mais je crois, je le répète, que le texte de la directive est un progrès par rapport au code du travail actuel.
Je veux simplement vérifier qu'il ne se situe pas en deça d'une partie de la jurisprudence. C'est ce que nous sommes en train de faire. Je crois, pour ma part, qu'il n'y a sur le fond aucun désaccord entre la commission, les sénateurs qui ont pu s'exprimer ce soir et le Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° 32 n'a plus d'objet.

Article 4 ter



M. le président.
« Art. 4 ter . _ Avant le chapitre 1er du titre II du livre II du code du travail, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« Chapitre préliminaire

« Repos quotidien

« Art. L. 220-1 . _ Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
« Une convention ou un accord collectif étendu peut déroger aux dispositions de l'alinéa précédent, dans des conditions fixées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées.
« Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du premier alinéa à défaut de convention ou d'accord collectif étendu, et en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou d'une menace d'accident ou de surcroît exceptionnel d'activité.
« Art. L. 220-2 . _ Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes, sauf dispositions conventionnelles plus favorables fixant un temps de pause supérieur. » - (Adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. _ I. _ Le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce seuil est fixé à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999. »
« I bis. _ Il est inséré, après le quatrième alinéa du même article, un alinéa ainsi rédigé :
« Le repos compensateur doit obligatoirement être pris dans un délai maximum de deux mois suivant l'ouverture du droit sous réserve des cas de report définis par décret. L'absence de demande de prise du repos par le salarié ne peut entraîner la perte de son droit au repos. Dans ce cas, l'employeur est tenu de lui demander de prendre effectivement ses repos dans un délai maximal d'un an. »
« I ter. _ Le huitième alinéa du même article est supprimé.
« II. _ Le deuxième alinéa de l'article 993 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce seuil est fixé à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999. »
« III. _ Après la première phrase du quatrième alinéa du même article, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Cette moyenne est fixée à quarante et une heures à compter du 1er janvier 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 5 du projet de loi modifie certaines dispositions relatives aux heures supplémentaires.
Dans la législation actuelle, le niveau des heures supplémentaires autorisées est en effet fixé à 130 heures annuelles et ouvre droit à un repos compensateur égal à la moitié du temps de travail effectué en complément, dès lors que sont dépassées les quarante-deux heures de travail sur une semaine donnée.
Le présent article nous invite à procéder à une réduction de ce seuil de déclenchement du repos compensateur en le réduisant d'une heure, ce qui le ramène à quarante et une heures.
Bien entendu, la majorité de la commission des affaires sociales nous propose de supprimer cet article, ce qui ne peut nous surprendre, étant donné sa grande réceptivité aux préoccupations de l'entreprise, telles qu'elles sont en tout cas traduites, on le sait, par les représentants du CNPF.
Cette question des heures supplémentaires est fondamentale dans le débat sur la durée du temps de travail.
On prétend en effet que l'exercice du droit aux heures supplémentaires est, d'une certaine façon, pleinement profitable aux salariés, puisqu'il se paie sous forme d'une majoration de la rémunération. Mais, dans la conception actuelle de la direction d'entreprise, ce système est surtout profitable à l'entreprise.
Combien d'entreprises, en effet, ont tiré parti du contingent annuel - qui n'est pas loin de constituer un véritable treizième mois de travail - pour organiser la production au plus près des flux de marchandises et de vente des produits qu'elles fabriquent ?
On arrive d'ailleurs à cette situation assez paradoxale d'une activité professionnelle des salariés de plus en plus cyclique, particulièrement perturbante pour la vie personnelle des salariés eux-mêmes, activité qui cumule à la fois des périodes de surchauffe, avec heures supplémentaires, y compris le dimanche ou les jours fériés, et des périodes de refroidissement -, pour garder la même image - avec repos compensateur mais, plus souvent, chômage technique.
Le développement de cette conception diachronique du travail n'a pas, nous l'avons vu, remis en question la progression de la productivité du travail, bien au contraire.
En revanche, il a contribué, d'une certaine façon, à accroître la pression sur les salariés en activité et a surtout ralenti le mouvement réel de création d'emplois dans notre pays. Je faisais allusion tout à l'heure à l'exemple de Moulinex.
N'est-ce pas M. le président de la commission des affaires sociales et M. le rapporteur qui indiquaient, la semaine dernière, lors de leur conférence de presse, que la croissance de notre économie en 1997, assez proche des 3 % en volume et supérieure à 4 points en valeur, n'avait pourtant conduit qu'à créer 1 % d'emplois supplémentaires dans le secteur marchand, ces emplois étant d'ailleurs, de notre point de vue, à considérer avec la plus grande attention, une bonne part bénéficiant des effets d'aubaine de la politique de l'emploi ?
Les heures supplémentaires sont donc, de manière incontestable, un puissant obstacle à la création effective d'emplois dans notre pays. Leur existence révèle l'une des contradictions fondamentales de notre système social, celle qui tend à opposer ceux qui travaillent mais sont manifestement insuffisamment payés de leurs efforts et ceux qui ne travaillent pas.
Des centaines de milliers d'emplois peuvent procéder d'une réduction sensible du niveau des heures supplémentaires ; un certain nombre d'entre eux peut donc découler de l'abaissement de seuil que nous propose cet article 5. Il va sans dire que, puisqu'il va dans le bon sens, nous l'aurions voté sans hésitation.
Nous nous opposerons donc sans équivoque à sa suppression.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 16 est déposé par M. Marini.
Tous deux tendent à supprimer l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Louis Souvet, rapporteur. Avant de présenter cet amendement, je tiens à dire à M. Fischer - cela ne le surprendra pas - que le rapporteur n'est ni à l'écoute ni aux ordres de qui que ce soit.
Il devrait en prendre acte car il me connaît suffisamment pour le savoir.
M. Guy Fischer. J'ai dû mal m'exprimer, monsieur le rapporteur !
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 5 vise à abaisser le seuil de déclenchement du repos compensateur de la 42e heure à la 41e heure de travail hebdomadaire, pour les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du contingent annuel réglementaire de 130 heures.
En abaissant d'une heure le seuil du déclenchement du repos compensateur et en prévoyant un délai maximum pour son exercice, cet article revient à durcir la réglemention du travail sur les heures supplémentaires. Il participe de l'esprit général du texte qui vise à se substituer aux partenaires sociaux dans la définition de l'organisation du travail.
La commission propose en conséquence un amendement de suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 16 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est opposé à cet amendement qui, comme je l'ai dit dans la discussion générale, est très important dans la mesure où il montre aux entreprises dans quel sens nous souhaitons que la négociation aille.
Personne ne peut comprendre aujourd'hui qu'il y ait encore entre 200 millions et 400 millions d'heures supplémentaires dans notre pays, ce qui équivaut à un nombre d'emplois à temps plein situé entre 100 000 et 230 000.
Autant il est tout à fait normal que les entreprises aient recours aux heures supplémentaires de manière momentanée, pour faire face à une commande importante, pour installer un nouvel équipement, autant il paraît extrêmement difficile que des entreprises continuent, de manière permanente, à faire travailler des salariés 43 heures par semaine. Or aujourd'hui, 12 % des salariés travaillent 43 heures par semaine, alors que 3 millions de personnes sont inscrites à l'ANPE et que 5 millions sont à la recherche d'un emploi dans notre pays.
Par conséquent, nous souhaitons faire en sorte que les heures supplémentaires permanentes effectuées par les salariés diminuent. Tel est le signe qui est donné dans la loi et qui montre dans quel sens nous souhaitons que les négociations continuent de progresser.
Par ailleurs, la plupart des accords qui ont été signés fixent en matière d'heures supplémentaires des contraintes qui engagent les entreprises à se conformer à une durée du travail qui, normalement, doit avoisiner la durée légale, sous réserve, je le répète, d'un surcroît temporaire d'activité, ce qui est tout à fait normal, cas qui est pris en compte par la fixation du contingent de 130 heures supplémentaires.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous sommes tout à fait opposés à cet amendement qui vise à supprimer une disposition pourtant équilibrée du projet de loi. Il s'agit en effet de ramener le seuil de déclenchement du repos compensateur de 42 à 41 heures hebdomadaires dans le cadre de la législation actuelle.
On nous présente cet amendement comme l'effet de la volonté de laisser les partenaires sociaux négocier librement l'organisation du travail. S'il est un point sur lequel les partenaires sociaux dans l'entreprise ne sont jamais consultés, c'est précisément l'organisation des heures supplémentaires.
Dans nombre d'entreprises, ces heures sont imposées dans des proportions importantes, alors même que les partenaires sociaux demandent l'ouverture des négociations pour limiter l'usage abusif des heures supplémentaires et permettre en lieu et place l'embauche de jeunes et de demandeurs d'emploi.
J'ajoute que ces heures supplémentaires, souvent concentrées sur des périodes courtes, portent préjudice aux conditions de vie et à la santé des salariés. L'argument avancé ne correspond pas à la réalité que nous connaissons dans les entreprises, réalité que vous ne pouvez manquer de connaître vous aussi, mes chers collègues.
D'autre part, comme nous, vous disposez des données chiffrées sur les heures supplémentaires, Mme la ministre vient de nous les rappeler. Depuis plusieurs années, nous savons que leur limitation permettrait de créer plusieurs centaines de milliers d'emplois - 232 000 à temps plein - le chiffre variant selon qu'il s'agit d'emplois à temps plein ou à temps partiel, bien sûr.
En toute hypothèse, il est clair que le développement anarchique des heures supplémentaires est un obstacle majeur à l'emploi. Il convient donc d'en limiter l'usage au strict nécessaire.
Dans cette perspective, une mesure d'abaissement du seuil de déclenchement du repos compensateur est un premier pas. Dans les entreprises de moins de dix salariés, le déclenchement n'intervient que lorsque le contingent annuel est épuisé. Dans les entreprises de plus de dix salariés, le repos compensateur est limité à 50 % du temps de travail accompli lorsque l'on se situe dans le cadre du contingent annuel. La mesure que nous propose le Gouvernement n'est donc pas violemment coercitive et ne mettra pas l'organisation du travail dans les entreprises en péril.
En revanche, que pouvons-nous penser d'une entreprise qui réalise tant d'heures supplémentaires qu'elle atteint souvent le seuil de déclenchement ? Il est à craindre que son organisation interne ne soit pas optimale, mais soit plutôt marquée par l'archaïsme. Elle aura en réalité beaucoup à gagner à modifier cette organisation pour assurer plus de souplesse, des conditions de travail plus motivantes pour les salariés et, au total, une gestion plus efficace et productive.
Il est de l'intérêt de tous que soit améliorée l'organisation du travail. Cela passe par une limitation progressive mais résolue des heures supplémentaires comme nous le propose le Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.

Articles additionnels après l'article 5



M. le président.
Par amendement n° 58, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il prend en compte les incidences d'une réduction conventionnelle ou généralisée de la durée hebdomadaire du travail. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Nous connaissons le souci du Gouvernement de limiter autant que faire se peut le recours aux heures supplémentaires, et nous sommes par ailleurs conscients des enjeux particuliers de la réduction du temps de travail en cette matière.
A s'en tenir à la stricte logique, on peut même s'étonner que ce débat sur la réduction de la durée hebdomadaire du travail ne soit pas accompagné d'une réflexion ou de propositions sur la question des heures supplémentaires, c'est-à-dire sur ce qui, dans les faits, remet en cause la durée de travail de chaque salarié de ce pays.
On peut s'attendre - c'est en tout cas, pour nous, un espoir - à ce que la réduction du temps de travail que l'on nous propose en quelque sorte d'expérimenter sur deux ans conduise à repenser la question des heures supplémentaires et des dérogations accordées de façon générale à la durée normale du travail.
L'appréciation de la durée effective du travail est d'ailleurs un problème de plus en plus complexe, notamment du fait des conditions actuelles d'accomplissement de nombreuses activités professionnelles.
Pour autant - nous avons abordé cette question à l'occasion de l'examen de l'article 4 bis - le problème des heures supplémentaires dans un contexte de réduction de la durée du travail demeure posé.
Le contingent annuel autorisé d'heures supplémentaires, qui ne peut être appliqué qu'après avis de l'inspecteur du travail et sollicitation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, est actuellement fixé par décret à 130 heures. Dans l'absolu, cela représente près d'un mois de travail en plus et constitue donc une pression assez forte sur la situation des salariés, notamment sur leur vie personnelle en dehors de l'entreprise.
On peut, on doit donc envisager - c'est le sens de cet amendement - que le décret fixant le contingent d'heures autorisé soit modifié en vue de tenir compte de l'évolution de la durée du travail que l'on est en droit d'attendre de ce texte.
Plutôt que de fixer arbitrairement un seuil d'heures donné, il nous a paru préférable de procéder à une modification de la lettre de l'article L. 212-6 du code du travail afin de poser le principe d'une sorte de lien automatique entre réduction de la durée du travail et plafond d'heures supplémentaires autorisé.
Il s'agirait aussi, selon nous, de favoriser, plutôt que le recours aux heures supplémentaires, la création d'emplois, si le besoin s'en fait sentir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ne voulant pas changer les règles actuelles en matière de contingent d'heures supplémentaires, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
J'ajouterai qu'on ne peut régler ces affaires-là d'une manière mathématique, avec une calculette. En effet, ce n'est pas parce que, dans une entreprise, des heures supplémentaires sont effectuées que ladite entreprise recèle des possibilités d'embauche.
Soit une entreprise de quatre personnes, comme il en existe des dizaines de milliers en France, où chacune d'entre elles effectue chaque semaine quatre heures supplémentaires : cela ne représente jamais que seize heures par semaine !
Or, dans une petite entreprise, un patron n'embauchera pas un salarié à temps complet pour seize heures de travail !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Seize heures, c'est presque un mi-temps !
M. Louis Souvet, rapporteur. Il faut appréhender ces questions à partir des réalités du terrain, et non mathématiquement, depuis un bureau !
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis du Gouvernement ne peut être favorable sur cet amendement, qui vise à tirer les conséquences, en matière de contingent annuel d'heures supplémentaires, de la réduction de la durée du travail.
Je fais observer que des conventions collectives ont déjà réduit le contingent d'heures supplémentaires. Nous pensons que nous devrons traiter ces points dans la deuxième loi, notamment à la lumière des négociations.
Il est bien évident, monsieur le rapporteur, que dans une entreprise de quatre salariés, on ne va pas embaucher quelqu'un à temps plein. Cependant, à supposer que ces quatre personnes accomplissent le même travail ou des tâches compatibles, il reste possible d'embaucher une personne à temps partiel.
J'ai reçu les représentants de l'Union professionnelle et artisanale ; un certain nombre de secteurs de l'artisanat souhaitent négocier dès maintenant et recherchent avec nous les moyens de donner la possibilité à des salariés d'être embauchés plus facilement que dans les groupements d'employeurs, en bénéficiant d'un temps plein par l'adjonction d'emplois chez deux ou trois artisans installés à proximité les uns des autres.
C'est aussi de cette manière que l'on créera de l'emploi dans notre pays !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 59, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-5 du code du travail sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« - 25 % pour les quatre premières heures ;
« - 50 % à compter de la cinquième heure ;
« - 100 % au-delà de la huitième heure. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement s'inscrit dans la logique de l'analyse qu'a exposée notre collègue Guy Fischer sur le recours aux heures supplémentaires.
Dès lors qu'on aborde la question de la durée du travail, le problème des heures supplémentaires est nécessairement posé.
Chacun sait que, dans notre pays, il est fait largement recours aux heures supplémentaires. Tout à l'heure, on a parlé de treizième mois de travail : c'est une réalité.
La saisonnalité des activités conduit finalement à un processus d'annualisation des horaires de travail. Nombre de salariés sont soumis aujourd'hui à des périodes de chômage technique, suivies de périodes où ils n'ont plus guère de repos. C'est notamment le cas dans la distribution, où le poids des heures supplémentaires a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses luttes. Dans ce secteur, on peut observer une très grande amplitude que, malheureusement, la loi le permet.
Il va sans dire que les majorations de rémunération associées à l'accomplissement d'heures supplémentaires pousse de nombreux salariés à les accepter plus facilement, voire à les solliciter, d'autant plus que, contrairement à ce qu'on entend trop souvent, les salaires sont, en France, relativement faibles. Ainsi, dans notre pays, le salaire horaire moyen est inférieur de 15 p. 100 à la moyenne des pays de l'Union européenne, alors que, au regard de leur qualification, les salariés français n'ont pas à rougir de la comparaison avec leurs homologues de ces mêmes pays.
Au demeurant, les salariés n'ont généralement pas le choix : les heures supplémentaires leur sont imposées par l'employeur.
En fin de compte, ce sont donc bien les patrons qui profitent de ce recours généralisé aux heures supplémentaires.
Il s'agit, par cet amendement, de dissuader l'employeur de recourir aux heures supplémentaires grâce à une majoration des taux de rémunération de ces heures.
Cela permettrait de substituer des créations d'emplois à la mise en oeuvre d'heures supplémentaires. Il ne faut pas oublier que les horaires prolongés de ceux qui travaillent aujourd'hui augmentent aussi l'attente de ceux qui n'ont pas droit au travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen connaissent la philosophie de la commission : pour celle-ci, il n'est évidemment pas question d'augmenter le coût du travail, et je ne pense pas qu'il n'en soit plus question pour le Gouvernement puisqu'il agit par ailleurs pour rendre ce coût aussi faible que possible.
En ce qui nous concerne, nous préférons l'incitation et les embauches spontanées. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, ces points devront être abordés lors de l'examen du deuxième projet de loi, à la fin de 1999. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 60, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A. - A la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail, les mots : "quarante-six heures" sont remplacés par les mots : "quarante et une heures".
« B. - A la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du même article, les mots : "quarante-huit heures" sont remplacés par les mots : "quarante-deux heures".
« II. - A. - Dans le troisième alinéa du même article, les mots : "quarante-six heures" sont remplacés par les mots : "quarante et une heures".
« B. - Dans le quatrième alinéa du même article, les mots : "quarante-huit heures" sont remplacés par les mots : "quarante-deux heures".
« III. - Dans le quatrième alinéa du même article, les mots : "soixante heures" sont remplacés par les mots : "cinquante-quatre heures". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Sans doute, avec cette série de trois amendements, anticipons-nous sur un débat qui se déroulera dans deux ans. Il n'en demeure pas moins que ces amendements sont le reflet de préoccupations tout à fait actuelles des salariés.
Ce troisième amendement est relatif aux amplitudes horaires autorisées.
Il s'agit encore de faciliter l'embauche de nouveaux salariés, dans le contexte de la réduction du temps de travail, en vue de permettre un plus grand nombre de créations d'emplois.
Actuellement, les amplitudes horaires demeurent relativement élevées, la situation économique de certaines branches pouvant conduire à des durées hebdomadaires de travail de 60 heures ; c'est le cas, par exemple, dans bien des entreprises de la distribution, particulièrement en fin d'année.
L'une des difficultés qu'il y a à maîtriser le recours à des horaires alourdis tient à la diversité des situations des entreprises comme des salariés. J'ajoute que, bien souvent, ces dérives sont observées dans des entreprises privées de toute représentation syndicale.
Nous proposons d'adapter les amplitudes horaires autorisées par l'ordonnance du 16 janvier 1982, modifiée par la loi quinquennale sur l'emploi, à la tendance de réduction du temps de travail.
Si l'on décide d'une réduction des horaires d'environ 11 %, il convient de procéder à une réduction équivalente en ce qui concerne les amplitudes horaires.
C'est pourquoi nous proposons de ramener les seuils de 46 heures, 48 heures et 60 heures à, respectivement, 41 heures, 42 heures et 54 heures.
Notre objectif est simple : il s'agit de limiter autant que faire se peut le recours aux heures supplémentaires afin que soit enfin accordée la primauté à la création d'emplois à un moment où le nombre des personnes privées d'emploi est particulièrement élevé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, pour les raisons qui l'ont déjà conduite à demander le rejet des amendements précédents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6



M. le président.
« Art. 6. _ I, - A. _ Après les mots : "contrats transformés", la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 322-12 du code du travail est supprimée.
« I. _ Le troisième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Pour ouvrir le bénéfice de cet abattement, le contrat doit prévoir une durée hebdomadaire du travail qui peut être calculée, le cas échéant, sur le mois, comprise entre dix-huit heures, heures complémentaires non comprises et trente-deux heures, heures complémentaires ou supplémentaires comprises. »
« II. _ Le quatrième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il n'est toutefois ouvert, dans ce cas, que lorsque le temps partiel calculé sur une base annuelle résulte de l'application dans l'entreprise d'un accord collectif définissant les modalités et les garanties suivant lesquelles le travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié. »
« III. _ Dans la première phrase de l'antépénultième alinéa du même article, les mots : "trente jours" sont remplacés par les mots : "soixante jours".
« III bis. _ Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "six mois" sont remplacés par les mots : "douze mois".
« IV. _ L'abattement prévu à l'article L. 322-12 du code du travail s'applique ou est maintenu, dans des conditions identiques à celles prévues par cet article, dans une entreprise qui a réduit conventionnellement la durée collective du travail pour les salariés employés sous contrat de travail à durée indéterminée, dont la durée du travail fixée au contrat est comprise entre les quatre cinquièmes de la nouvelle durée collective du travail et trente-deux heures, toutes heures travaillées comprises, et sous condition que les garanties prévues aux articles L. 212-4-2 et L. 212-4-3 leur soient appliquées.
« V. _ Par dérogation aux I et II du présent article, l'abattement continue à s'appliquer aux salariés dont le contrat de travail en a ouvert le bénéfice en application des dispositions en vigueur avant la date de publication de la présente loi. »
Par amendement n° 7, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer les paragraphes I A, I, II, III bis et V de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 6 modifie l'article L. 322-12 du code du travail, relatif à l'abattement de charges sociales dont bénéficie, sous certaines conditions, le temps partiel, sur deux points essentiels : il cherche à éviter certains abus dans l'utilisation du temps partiel annualisé ; il prévoit la survie du dispositif d'abattement de charges sociales pour le temps partiel lorsque l'entreprise a conclu un accord d'abaissement du temps de travail.
Cet article durcit les conditions d'attribution de l'abattement sur les cotisations patronales accordé lors de l'embauche de salariés à durée indéterminée à temps partiel ou lors de la transformation d'un emploi à temps plein en un emploi à temps partiel.
En conséquence, la commission propose de supprimer les dispositions qui constituent des obstacles au développement du travail à temps partiel pour ne conserver que les paragraphes III et IV.
De façon pragmatique, le paragraphe III de cet article allonge de trente à soixante jours le délai ouvert pour déclarer une embauche à temps partiel à l'autorité administrative et pour bénéficier de l'abattement sur les cotisations sociales du temps partiel.
Le paragraphe IV vise, lui, à maintenir le bénéfice de l'abattement pour les horaires à temps partiel qui, à la suite de la réduction du temps de travail, basculeraient en dehors du champ de la définition du temps partiel.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, un amendement de suppression des paragraphes I A, I, II, III bis et V.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je m'en suis longuement expliquée hier, il nous semble que, si nous souhaitons le développer en France, le travail à temps partiel doit être, dans la mesure du possible, choisi et ne pas se traduire par des pressions qui seraient exercées sur les salariés ou par une détérioration de leurs conditions de vie.
Cet amendement tendant à ôter du dispositif les trois conditions restrictives qui permettent de « moraliser », comme certains l'ont dit, le travail à temps partiel, je ne peux que lui être défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole, contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Mme la ministre vient de le dire, cet amendement tend à supprimer la quasi-totalité des dispositions visant à la moralisation du temps partiel contenues dans le projet de loi. La majorité sénatoriale propose, en effet, de supprimer la limitation à l'octroi de l'abattement de 30 % des charges patronales en cas de passage de contrats à temps plein à contrats à temps partiel pour un même volume horaire lorsqu'il n'y a pas de créations nettes d'emplois. C'est pourtant une mesure intéressante pour les deniers publics qui se trouvent, en l'espèce, utilisés pour financer le développement de la flexibilité et non pas le développement de l'emploi.
La commission propose de supprimer également le relèvement du seuil minimum de 16 heures à 18 heures pour donner droit à l'abattement de charges patronales. Je ferai la même observation. Seize heures de travail hebdomadaires, selon la législation actuelle, représentent une durée inférieure à un travail à mi-temps, et ne permettent pas, nous en sommes bien loin, d'assurer un revenu simplement acceptable. Je l'ai qualifié hier de « revenu proche de l'assistanat ». Seize heures par semaine, c'est un temps partiel subi, et il est alors paradoxal de voir le salarié, qui est d'ailleurs, dans 85 % des cas, une salariée, réduit à cette condition, alors que son employeur bénéficie, pour ce travail à temps partiel, du soutien des finances publiques. Là aussi, le relèvement du seuil minimum à 18 heures, qui constituera dans les prochaines années la mesure d'un mi-temps, est une mesure indispensable de moralisation et d'équité.
La commission propose de supprimer la disposition aux termes de laquelle l'abattement n'est ouvert en cas d'annualisation - et nous parlons ici de temps partiel annualisé - que lorsque celle-ci résulte d'un accord collectif d'entreprise. On ne saurait mieux exprimer la différence qui nous oppose entre le temps partiel choisi, que nous acceptons, et le temps partiel subi, que vous défendez de facto par votre amendement.
Or le dispositif proposé par le Gouvernement est l'exemple même d'une mesure de moralisation, d'une mesure qui prône le respect des personnes, de leur vie familiale - à laquelle j'avais cru comprendre que la majorité sénatoriale était tout aussi attachée que l'opposition sénatoriale - plutôt que la contrainte à l'égard des salariés considérés comme de la simple main-d'oeuvre.
La commission propose enfin de supprimer la mesure adoptée par l'Assemblée nationale qui étend de six à douze mois le délai pendant lequel une entreprise qui a licencié des salariés à temps plein doit demander l'autorisation de l'administration avant d'embaucher à temps partiel et de bénéficier ainsi de l'abattement.
En quoi pourtant cette mesure vient-elle heurter le développement du travail à temps partiel choisi que vous souhaitez ? C'est une simple mesure de précaution à l'encontre des abus constatés et de prudence à l'égard de l'usage des aides financières de l'Etat.
En réalité, vous entendez accélérer le développement du recours au travail à temps partiel, le plus souvent subi, si l'on en juge par les conditions que vous définissez, et au bénéfice exclusif des employeurs, sans tenir compte des exigences d'une vie normale pour les salariés.
Il est vrai que le développement du travail à temps partiel offre un avantage considérable en termes statistiques : il met en avant des créations d'emplois en nombre, mais ne dévoile ni la nature et la qualité de ces emplois ni le montant des revenus qui y sont attachés.
Nous ne faisons pas ce choix. Les emplois dont nous entendons favoriser la création doivent être de vrais emplois, encadrés par des règles justes et acceptables par tous. Les emplois à temps partiel, dans cette perspective, doivent bénéficier d'une attention particulière. Ils sont, en général, exercés par des personnes faiblement qualifiées, et notre devoir est de leur assurer une protection particulière, compte tenu de la situation de nécessité dans laquelle elles se trouvent le plus souvent.
Nous voterons donc contre cet amendement, néfaste à la fois pour les finances publiques et pour les conditions de vie et de travail des salariés. Nous avons demandé au Sénat de se prononcer par scrutin public, considérant que cette partie de la loi était essentielle, car ce sont aujourd'hui plus de 3,5 millions de salariés de notre pays qui sont concernés.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. La commission des affaires sociales, en tout cas sa majorité, est apparemment particulièrement attachée au travail à temps partiel, dont le véritable nom est d'ailleurs plutôt « travail à rémunération partielle ».
On nous présente, en effet, le travail à temps partiel comme un moyen de création d'emplois, procédant d'ailleurs d'une vision quelque peu idéaliste de la relation entre le salarié et l'employeur, et qui ferait d'une sorte de « libre échange » entre les deux parties le fait générateur du recours à ce type d'aménagement du temps de travail.
Le débat est assez ancien maintenant pour que l'on sache si le recours au travail à temps partiel est librement consenti par le salarié ou s'il peut lui être imposé par la stricte application de règles d'un marché du travail pour le moins déstructuré.
C'est tellement vrai que, malgré les aménagements accordés pour le recours au travail à temps partiel dans le cadre de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 1993, il demeure toujours dans notre code du travail des dispositions de requalification des emplois à temps partiel, dès lors qu'il y a accumulation d'heures complémentaires qui révèlent, en général, la véritable nature du travail à temps partiel, c'est-à-dire un moyen comme un autre de comprimer le coût du travail et de peser sur les salaires.
Le travail à temps partiel est, dans les faits, rarement choisi.
Il procède bien souvent d'une nécessité pour le salarié soit de ralentir son activité professionnelle, pour des raisons familiales ou autres, soit d'une orientation pure et simple de l'entreprise, qui tend alors à considérer le travail comme une matière première dont il faut user avec circonspection.
Les motivations du recours au temps partiel sont assez largement connues ; il s'agit, par exemple, d'assumer des charges d'éducation d'un enfant en bas âge, par défaut de mode garde collective accessible, ou encore de mettre en oeuvre un parcours de formation personnel que l'entreprise n'a pas souhaité prendre en charge.
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que les salariés qui utilisent le plus le travail à temps partiel sont des femmes.
Le problème est que, sur le fond, la place des femmes dans le monde du travail n'est pas encore tout à fait respectée, comme on le constate à l'examen, par exemple, des données sur le niveau des rémunérations à qualification égale avec les hommes.
On ne peut également oublier que nombre des créations d'emplois intervenues dans la dernière période l'ont été sous ce régime, puisque les chiffres sont respectivement de 215 000 embauches en 1994 et 216 000 en 1995.
A la fin de 1995, selon les éléments à notre disposition, pour ces emplois à temps partiel qui sont aidés, dans le cadre du dispositif corrigé par l'article 6, ce sont 2,3 milliards de francs que l'Etat a mobilisés au titre de la dépense budgétaire.
Et je ne parle pas des effets de seuil, qui procèdent de l'application de la ristourne dégressive sur les bas salaires, ou des effets induits par la modicité des rémunérations nettes sur le niveau de la consommation et du pouvoir d'achat de ces salariés.
En revanche, rien ne vient remettre en cause un autre aspect fondamental de la situation dans la démarche de la commission, à savoir la constatation que l'accroissement du nombre d'emplois à temps partiel ne constitue pas, loin de là, un obstacle à la progression de la productivité apparente du travail et qu'il faut bien voir, dans ces phénomènes, l'une des raisons de la réduction tendancielle de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
On ne peut enfin oublier que le temps partiel est bien souvent une forme déguisée d'annualisation, le recours à ce type d'emplois assez souvent rémunérés autour du SMIC horaire d'ailleurs, étant en particulier fort pratiqué dans les entreprises du commerce ou de la grande distribution. Et cela pour le plus grand bien des comptes de groupes comme Auchan, Carrefour ou Pinault - Printemps - La Redoute, qui disposent ensuite - on l'a vu lors de la tentative d'offre publique d'achat sur Casino - de véritables trésors de guerre.
Nous voterons donc sans équivoque contre l'amendement n° 7 de la commission, dont nous demandons le rejet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 96

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article additionnel avant l'article 7

M. le président. Par amendement n° 35, Mme Joëlle Dusseau propose d'insérer, avant l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, le nombre : "sept", est remplacé par le nombre : "dix". »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 7



M. le président.
« Art. 7. _ I. _ Au sixième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, les mots : "ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement" sont supprimés.
« I bis. _ Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives, l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel ou annuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué. »
« I ter. _ Dans le dernier alinéa du même article, les mots : ", ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement" sont supprimés.
« II. _ Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures, que si une convention ou un accord collectif de branche étendu le prévoit soit expressément, soit en définissant les plages horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée. »
« III. _ Les dispositions du II du présent article sont applicables à compter du 1er janvier 1999.
« IV. _ Un décret en Conseil d'Etat fixe les sanctions dont sont assorties les infractions aux articles L. 212-4-2 à L. 212-4-7 du code du travail. »
Par amendement n° 8 rectifié, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer les paragraphes I, I bis et I ter de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 7, par une modification de l'article L. 212-4-3 du code du travail, vise à davantage encadrer le temps partiel, d'une part, en limitant ou en rigidifiant le recours aux heures complémentaires, d'autre part, en limitant la flexibilité que peut rapporter le recours à ce type de contrat.
Cet article durcissant systématiquement le régime du travail à temps partiel, alors qu'il semble opportun de le développer, la commission vous propose de supprimer ces dispositions, à l'exception des paragraphes II et III.
Le paragraphe II exclut la possibilité d'une interruption supérieure à deux heures, sauf si un accord de branche prévoit des interruptions plus longues. Cette disposition a le mérite de favoriser le dialogue social au sein de l'entreprise.
Quant au paragraphe III, il fixe la date d'application du paragraphe II au 30 juin 1999, au lieu du 1er janvier, date prévue par le texte actuel, afin de faciliter les négociations.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, plusieurs amendements en ce sens. Vous l'aurez compris, mes explications valent donc également pour les amendements n°s 63 et 64.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est aujourd'hui nécessaire, notamment pour ce qui concerne les heures complémentaires, de fixer des règles qui soient plus protectrices pour les salariés. Je rappelle qu'aujourd'hui 45 % des salariés employés à temps partiel dans le secteur privé déclarent souhaiter travailler davantage, à condition, bien évidemment, que cela soit prévu au contrat et qu'ils puissent en être prévenus à l'avance, ce qui n'est pas la pratique actuelle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 8 rectifié et j'indique par avance qu'il en sera de même sur les amendements n°s 63 et 64.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Dans le droit-fil de sa position sur la rédaction de l'article 6 du présent projet de loi, la commission des affaires sociales nous propose de procéder à la rectification - je serais tenté de dire à la mutilation - des dispositions de l'article 7.
Cette position illustre d'ailleurs la conception même que la majorité sénatoriale se fait de la négociation collective.
Manifestement, elle préfère la négociation menée au niveau de l'entreprise et, en tout cas sur ces domaines, en vue sans doute, au nom d'une adaptabilité des pratiques aux situations micro-économiques, de faire en sorte que le droit du travail applicable en matière de travail à temps partiel soit littéralement réduit à néant.
Elle n'ose pas pencher totalement pour des accords dérogatoires signés par des organisations syndicales qui, parfois, n'en sont pas vraiment, mais il y a là un pas que d'autres n'hésitent en aucun cas à franchir.
Tout au plus laisse-t-elle dans le texte de l'article 7 les dispositions relatives aux interruptions de service, de loin les mesures qui perturbent le plus les salariés et qui illustrent, en fait, la réalité de ce que recouvre bien souvent le travail à temps partiel, c'est-à-dire le recours à des horaires décalés.
Elle n'en propose pas moins d'en repousser la mise en oeuvre.
Vous comprendrez aisément que, dans ce contexte, nous ne souhaitions pas une telle modification du texte du projet de loi.
Nous ne sommes pas étonnés de la position de la commission des affaires sociales.
S'opposer à toute mesure qui modifie la règle du jeu en matière de travail à temps partiel procède de cette orientation fondamentale et quasi lancinante de la recherche de toujours plus de profits en pressant toujours plus sur les salaires.
Nous ne voterons donc pas cet amendement.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Dans la droite ligne de notre position précédente, nous ne voterons pas cet amendement n° 8 rectifié ; il en ira de même des amendements n°s 63 et 64.
Je ne reviendrai pas sur la situation scandaleuse, que nous connaissons tous, en matière de temps partiel dans certaines branches, dont les femmes sont d'ailleurs particulièrement victimes. Je songe, dans ma région, à ces salariées du secteur du commerce embauchées à mi-temps, voire moins, alors que rien ne le justifie dans l'organisation du travail. Souvent d'ailleurs, l'employeur choisit les jeunes femmes concernées dans des communes assez éloignées du lieu de travail, de façon qu'elles soient encore plus fragilisées.
Je ne reviendrai pas non plus sur certaines entreprises de vente par correspondance qui embauchent des personnes pour travailler quelques semaines chaque année. Cela dure pendant dix ou quinze ans ; si la personne concernée refuse une seule fois de se libérer pour les vingt, trente ou quarante heures qu'elle doit accomplir chaque année, elle est alors rayée définitivement de la liste.
De telles situations scandaleuses, nous en connaissons tous ; elles sont vécues quotidiennement par des millions de femmes, qui ne sont pas considérées comme étant au chômage puisqu'elles travaillent à temps partiel quelques heures.
Il est regrettable que vous proposiez de reporter de six mois l'application de la mesure. Il est en effet urgent de permettre à ces salariés d'avoir une vie normale et d'imposer - en l'occurrence, le terme est pleinement justifié - aux employeurs le respect de conditions de travail correctes.
Par ailleurs, nous ne voyons pas ce qui justifierait que le temps de travail des salariés à temps partiel ne soit pas mesuré selon les mêmes critères que celui des salariés qui travaillent à temps plein. Il doit y avoir égalité de traitement en la matière. Lorsque le temps de travail d'un salarié dépasse pendant une durée de douze semaines, soit trois mois, la durée indiquée au contrat, cette durée est à l'évidence inexacte : le contrat doit donc être requalifié. Nous savons combien l'inexactitude en ce domaine peut générer de fraudes qui sont préjudiciables aux finances publiques et aux ressources des organismes sociaux.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons donc contre les amendements n°s 8 rectifié, 63 et 64.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il est des propos que je ne peux laisser passer. La majorité sénatoriale préfère la négociation au niveau de l'entreprise, avez-vous dit, monsieur Fischer. A deux reprises au cours de cet après-midi, j'ai précisé, au contraire, que je préférais la négociation au niveau des branches. Vous ne l'avez pas relevé. Ce n'est pas très convenable car vous savez bien que ce que vous dites n'est pas vrai. Alors pourquoi le dites-vous ?
Par ailleurs, je veux préciser à Mme Derycke qu'il y aura toujours des personnes qui abuseront dans un sens ou dans un autre. Mais il existe tout de même une organisation du travail. Quelle que soit l'entreprise, il y a des représentants du personnel, des délégués du personnel et, à la périphérie, des inspecteurs du travail. Certaines personnes peuvent effectivement tricher mais on peut toujours les ramener dans le droit chemin. Faut-il le prévoir dans la loi ou faut-il en laisser l'initiative au niveau du secteur dans lequel on travaille, c'est-à-dire au niveau où doivent effectivement jouer les responsabilités ? En un mot, doit-on bloquer les choses au niveau de la loi ou doit-on les laisser se dérouler normalement ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Toujours sur l'article 7, je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par MM. Gournac et Courtois.
L'amendement n° 27 tend à supprimer le paragraphe II de l'article 7.
L'amendement n° 28 a pour objet, dans le texte proposé par le paragraphe II de l'article 7, après les mots : « de branche étendu », d'insérer les mots : « ou un accord d'entreprise ».
Ces amendements sont-ils soutenus ?...
Je suis maintenant saisi de deux amendements, présentés par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 63 a pour objet, dans le paragraphe III de l'article 7, de remplacer les mots : « 1er janvier » par les mots : « 30 juin ».
L'amendement n° 64 tend à supprimer le paragraphe IV de l'article 7.
Ces amendements ont déjà été défendus et le Gouvernement leur a donné un avis défavorable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 bis



M. le président.
« Art. 7 bis . _ Après la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 212-4-5 du code du travail, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il communique également le nombre d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées par les salariés à temps partiel. » - (Adopté.)

Article 8



M. le président.
« Art. 8. _ I. _ Le VIII de l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 précitée est abrogé.
« II. _ Il est inséré, après l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, un article L. 241-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3-1 . _ Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, en cas de passage avec l'accord du salarié d'un régime de travail à temps complet à un régime de travail à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail, l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse peut être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son activité exercée à temps plein. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération au sens de l'article L. 242-1. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'exercice de cette disposition par les employeurs. L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut seulement dans le cas d'une activité à temps partiel exercée à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans ces conditions.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de ces cotisations. »
« III. _ L'article 63 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture est abrogé.
« IV. _ Il est inséré, dans le code rural, un article 1031-3 ainsi rédigé :
« Art. 1031-3 . _ Par dérogation aux dispositions de l'article 1031, en cas de passage avec l'accord du salarié d'un régime de travail à temps complet à un régime de travail à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail, l'assiette des cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse peut être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son activité exercée à temps plein. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de mise en oeuvre de cette disposition par les employeurs.
« L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut seulement dans le cas d'une activité à temps partiel exercée à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans ces conditions.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de ces cotisations. »
Par amendement n° 29 rectifié, MM. Gournac, de Rohan, Oudin et les membres du groupe du rassemblement pour la République proposent de compléter in fine cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
« ...- Il est inséré dans le code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, après l'article L. 50, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 50 du présent code, lorsque le contrat de travail à temps partiel résulte de la transformation, avec l'accord du salarié, d'un emploi à temps complet en emploi à temps partiel, l'assiette des cotisations et contributions à la caisse de retraite des marins peut être maintenue à la hauteur du salaire forfaitaire correspondant à une activité à temps complet. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération au sens des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
« L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut seulement dans le cas d'une activité à temps partiel exercée à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans ces conditions.
« La période d'exécution du contrat de travail effectuée dans ces conditions est prise en compte pour la totalité de sa durée, tant pour la constitution du droit à pension que pour la liquidation des pensions prévues par le présent code.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'exercice de ces dispositions par les employeurs ainsi que le taux de ces cotisations. »
« ... - Le paragraphe III de l'article 88 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social est abrogé.
« ... - Les charges résultant de l'application des deux paragraphes ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Un dispositif créé pour cinq ans par la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 1993 permet à un salarié qui passe à temps partiel de continuer à cotiser sur une base forfaitaire correspondant à un temps plein.
Cette mesure lui offre donc la possibilité de s'assurer, notamment, une retraite à taux plein.
Ce dispositif existe également en faveur des marins depuis la loi du 4 février 1995, mais toujours de manière temporaire.
Or, si l'article 8 du présent projet de loi prévoit la pérennisation de cette mesure pour les salariés concernés par le code de la sécurité sociale, et je m'en réjouis, il semble en revanche regrettable qu'il ne procède pas de même pour les marins.
L'amendement que MM. Josselin de Rohan, Jacques Oudin, les membres du groupe du RPR et moi-même proposons vise donc à inscrire dans le code des pensions de retraite des marins français cette possibilité de continuer à cotiser à taux plein. Il s'agit d'une simple mesure d'équité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est favorable à l'article 8. Elle considère que les marins doivent bénéficier également de la pérennisation de ce dispositif.
M. Jean Chérioux. Et les mariniers !
M. Louis Souvet, rapporteur. Aussi, émet-elle un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à cet amendement car, comme l'a dit M. Jourdain, l'Assemblée nationale a effectivement omis de citer, après le régime général et le régime agricole, le régime de sécurité sociale des marins, pour permettre de pérenniser le système du passage à temps partiel qui permet en effet de continuer à cotiser au titre d'une activité à temps complet pour obtenir une retraite à taux plein.
Toutefois, l'amendement ne peut être adopté en l'état pour deux raisons.
D'abord, le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour fixer le taux des cotisations n'est pas utile. En effet, le taux de celles-ci est fixé pour l'ensemble des ressortissants du régime.
Ensuite, l'amendement prévoit la création d'une recette supplémentaire pour financer le dispositif de cotisations sur une base temps plein. Cette disposition n'est pas nécessaire dans la mesure où elle n'entraîne pas une dépense pour les finances de l'Etat.
Aussi, je suggère aux auteurs de cet amendement de supprimer, dans la dernière phrase du premier paragraphe, les mots « ainsi que les taux de ces cotisations », puisque cela n'est pas utile, et de supprimer le troisième paragraphe, c'est-à-dire le gage. Sous ces réserves, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Jourdain, acceptez-vous la suggestion de Mme la ministre ?
M. André Jourdain. Oui, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. La commission remercie le Gouvernement.
M. Henri de Raincourt. Les marins et le Sénat aussi !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 29 rectifié bis , présenté par MM. Gournac, de Rohan, Oudin et les membres du groupe du rassemblement pour la République, et tendant à compléter in fine l'article 8 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... - Il est inséré dans le code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, après l'article L. 50, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 50 du présent code, lorsque le contrat de travail à temps partiel résulte de la transformation, avec l'accord du salarié, d'un emploi à temps complet en emploi à temps partiel, l'assiette des cotisations et contributions à la caisse de retraite des marins peut être maintenue à la hauteur du salaire forfaitaire correspondant à une activité à temps complet. La part salariale correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable, en cas de prise en charge par l'employeur, à une rémunération au sens des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
« L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut seulement dans le cas d'une activité à temps partiel exercée à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans ces conditions.
« La période d'exécution du contrat de travail effectuée dans ces conditions est prise en compte pour la totalité de sa durée, tant pour la constitution du droit à pension que pour la liquidation des pensions prévues par le présent code.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'exercice de ces dispositions par les employeurs. »
« ... - Le III de l'article 88 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social est abrogé. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié bis , accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9



M. le président.
« Art. 9. _ Au plus tard le 30 septembre 1999, et après concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan de l'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et sur l'organisation des entreprises.
« Le rapport présentera les enseignements et orientations à tirer de ce bilan pour la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail prévue à l'article 1er, en ce qui concerne notamment le régime des heures supplémentaires, les règles relatives à l'organisation et à la modulation du travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi et les modalités particulières applicables au personnel d'encadrement.
« Ce rapport précisera également les conditions et les effets de la réduction du temps de travail compte tenu de la taille des entreprises. Il analysera plus particulièrement les moyens de développer l'emploi dans les petites et moyennes entreprises et les incidences des relations entre les entreprises donneurs d'ordre et les entreprises sous-traitantes. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Le présent projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail en appelle naturellement un autre, qui en tirera le fruit et les conséquences, à travers une analyse la plus fine possible et la mise en oeuvre devenue législative de la réduction de la durée hebdomadaire du travail.
Il appelle donc une analyse d'efficacité systémique, portant sur l'ensemble des caractères principaux de la situation.
Nous pouvons de manière liminaire rappeler que nous aurions été favorables a priori à une accélération du processus de réduction légale de la durée hebdomadaire du travail, multipliant de fait les conséquences que l'on est en droit d'en attendre sur le plan de l'emploi.
Nous avons souligné, au cours du débat, notre attachement à voir la réduction du temps de travail participer pleinement à la lutte contre le chômage.
De ce point de vue, nous pourrions presque dire que nous préférons un, deux ou trois points de moins en excédent brut de nos entreprises si, dans le même temps, nous constatons une baisse proportionnelle du taux de chômage dans notre pays.
En fin de compte, on est, en effet, bien obligé de se demander à quoi cela peut-il servir d'avoir une industrie forte et compétitive si l'homme ne peut plus y trouver sa place, si le nombre des exclus ne cesse de croître et si rien ne vient fondalement corriger cette situation.
Dans un premier temps, le rapport prévu à l'article 9 dans sa rédaction actuelle a pour objet de tirer le bilan de la relance de la négociation collective qui conduira à l'expérimentation concrète, branche par branche et entreprise par entreprise, de la réduction de la durée du travail.
Cette négociation devra sans doute, dans un certain nombre de secteurs, s'accompagner d'une mobilisation accrue des salariés eux-mêmes, certains syndicats ou organisations patronaux réfléchissant déjà à la possibilité de détourner le présent texte de ses objectifs fondamentaux.
Bien entendu, ainsi que le précise le texte de l'article, on est en droit de se demander quelles conséquences directes la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail aura sur l'emploi et ce qu'elle pourra changer en termes d'organisation du travail.
Je ne reviendrai pas ici sur le débat qui a pu avoir lieu, notamment dans le cadre de la commission d'enquête Arthuis, que le Sénat a cru bon de mettre en place pour justifier par avance son opposition strictement idéologique à toute réduction généralisée de la durée du travail, s'agissant de l'estimation effective de créations d'emplois résultant de la réduction du temps de travail.
Dans l'absolu, elle pourrait être de l'ordre de 500 000 à 600 000 emplois directs, sans négliger les conséquences que l'accroissement du nombre d'actifs employés pourra d'ailleurs entraîner comme créations d'emplois induites, par élévation du niveau de la consommation ou du revenu des ménages.
Dans la mesure où on dénombre plus de trois millions de sans-emploi, ce n'est pas tout à fait négligeable. Cela nécessite donc que nous accordions toute l'attention qui convient à la mise en oeuvre de cette réduction de la durée du travail.
Je suis d'ailleurs enclin à penser que, s'agissant de l'équilibre des comptes publics, cette question, sans être déterminante, ne peut être tout à fait ignorée.
Dans l'esprit de notre commission des affaires sociales, il s'agirait plus ou moins d'opposer dans les faits la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et des engagements européens plus importants, comme un pacte de stabilité budgétaire indispensable à la poursuite de la politique d'euro fort que l'on nous promet.
En clair, on voudrait accréditer l'idée selon laquelle une réduction de la durée du travail risquerait de faire dériver nos déficits. Or, nous estimons, pour notre part, que ces déficits résultent de la persistance d'un taux de chômage et d'une précarité du travail particulièrement importants, qui génèrent des dépenses d'action sociale considérables et tarissent le niveau des recettes publiques.
Nous pensons même dans les faits que la réduction de la durée du travail peut et doit conduire à une amélioration de la situation des comptes publics et que nous avons, de ce point de vue, plus à gagner qu'à perdre.
Alors que nous allons examiner cet article 9, nous nous opposerons donc sans équivoque aux propositions de la commission.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 9, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 9 :
« Au plus tard le 31 décembre 2000, et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan d'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et l'organisation des entreprises ainsi que sur l'équilibre des comptes publics. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Le sous-amendement n° 30, présenté par M. Gournac, vise, dans la seconde phrase du texte proposé par l'amendement n° 9, après les mots : « effective au travail », à insérer les mots : « , le montant des rémunérations des salariés concernés ».
Le sous-amendement n° 31, déposé par M. Gournac, tend à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 9 par les mots : « et notamment celui des comptes sociaux ».
Par amendement n° 17, M. Marini propose de compléter l'article 9 par un alinéa ainsi rédigé :
« Un rapport annuel sera présenté par le Gouvernement au Parlement pour évaluer le coût annuel de cette mesure pour les finances publiques au regard des avantages tirés de la création d'emplois. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Louis Souvet, rapporteur. Monsieur le président, la commission souhaite rectifier cet amendement pour y intégrer le sous-amendement n° 30 de notre collègue M. Gournac, qui prévoit que le bilan portera aussi sur les rémunérations versées.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 9, rectifié, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, et tendant à rédiger comme suit l'article 9 :
« Au plus tard le 31 décembre 2000, et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan d'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail, le montant des rémunérations des salariés concernés et l'impact des dispositions de l'article 3 sur le développement de l'emploi et l'organisation des entreprises ainsi que sur l'équilibre des comptes publics. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 9 vise à prévoir un bilan de l'application de la présente loi.
La commission vous propose, par coordination avec la suppression de l'abaissement autoritaire de la durée légale hebdomadaire à 35 heures, un amendement visant à prévoir un bilan de la loi Robien « reprofilée » par l'article 3. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations, sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et sur l'impact du nouveau dispositif de la loi Robien sur le développement de l'emploi, l'organisation des entreprises et l'équilibre des comptes publics.
M. le président. Le sous-amendement n° 30 est-il soutenu ?...
Le sous-amendement n° 31 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 17 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont la rédaction traduit le désaccord de fond que nous avons sur le contenu même du projet de loi.
Nous considérons qu'il est important que le Parlement soit saisi d'un rapport avant le 30 septembre 1999, puisque nous souhaitons déposer un second projet de loi sur les conditions du passage à 35 heures au 1er janvier 2000.
Bien évidemment, les conséquences de l'aide à la réduction du temps de travail seront traitées dans ce rapport, ce qui répond au souhait de M. le rapporteur. Je précise d'ailleurs que nous aurons également l'occasion à plusieurs reprises, lors de la discussion aussi bien du projet de loi de financement de la sécurité sociale que du projet de loi de finances pour 1999, de faire le bilan et d'évoquer l'effet sur les finances publiques du dispositif mis en place.
M. le président. Je vais metre aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous serons logique avec nous-mêmes et nous ne voterons pas cet amendement puisqu'il s'agit d'évaluer un dispositif que nous n'approuvons pas. M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 9



M. le président.
Par amendement n° 23 rectifié bis, MM. Paul Girod et Joly proposent d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions des conventions ou accords collectifs relatifs à la réduction et à l'aménagement du temps de travail, conclus en application de la présente loi, demeureront en vigueur après la promulgation de la loi fixant les modalités de mise en oeuvre et d'accompagnement de la baisse de la durée légale au 1er janvier 2000. »
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. L'article 9 prévoit qu'au plus tard le 30 septembre 1999 le Gouvernement présentera au Parlement un bilan qui tirera les enseignements des accords conclus en application de ce texte. Ces enseignements serviront ensuite à orienter les mesures qui devront être adoptées.
Si ces accords doivent servir de base pour modifier la réglementation et l'adapter au nouveau contexte, il est indispensable que le présent projet de loi prévoie expressément leur non-remise en cause.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement est en contradiction avec la position de la commission, qui a supprimé l'abaissement de la durée légale et, donc, l'article 1er.
Dans ces conditions, il nous semble que cet amendement n'a plus d'objet et il serait bon que son auteur le retire.
M. le président. Monsieur Joly, entendez-vous l'appel de M. le rapporteur ?
M. Bernard Joly. Oui, monsieur le président, et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié bis est retiré.

Article 10



M. le président.
« Art. 10. _ Dans les douze mois suivant la publication de la présente loi, et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique.
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le texte initial du projet de loi dont nous venons de débattre - et j'ose espérer que la seconde lecture à l'Assemblée nationale servira à le remettre sur ses pieds, mais je n'en doute pas - portait sur la question de l'incitation à la réduction de la durée du travail dans l'ensemble des entreprises du secteur marchand.
Un débat s'est déroulé à l'Assemblée nationale pour adjoindre à ce texte un chapitre consacré à la réduction du temps de travail dans la fonction publique, qu'il s'agisse de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique hospitalière ou territoriale.
La durée légale d'activité dans de nombreux secteurs de cette fonction publique est aujourd'hui de 37 heures et 30 minutes, même si un certain nombre de fonctionnaires connaissent d'ores et déjà des semaines de travail de 35 heures, notamment dans les collectivités territoriales, principal gisement d'emplois publics dans le courant des années quatre-vingt du fait de la mise en oeuvre pleine et entière des principes de la décentralisation, notamment en matière de transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités locales.
On se souvient aussi qu'en application de la loi n° 82-40 relative à la mise en oeuvre des contrats de solidarité, de nombreuses collectivités locales ont mis en place une importante réduction de la durée du travail, accompagnée de la création d'emplois publics nouveaux, dans un cadre de développement du service rendu à la population et de rajeunissement des effectifs salariés dans le secteur.
La fonction publique d'Etat connaît, pour sa part, une évolution légèrement différente, puisque le mouvement de création d'emplois y a été plus erratique, notamment durant la période 1993-1997, où les gains de productivité réalisés par nos administrations se sont bien souvent transformés en suppressions d'emplois budgétaires et en réduction du pouvoir d'achat.
Le secteur public n'a pas, de notre point de vue, vocation à rester en dehors du champ de la réduction du temps de travail, et il importe là encore de se demander selon quels critères il peut apporter sa contribution à la réduction du niveau du chômage.
Il ne s'agit pas, selon nous, de favoriser pour se faire plaisir, en quelque sorte, une progression du nombre des emplois publics, mais plutôt de mettre en oeuvre les conditions d'un rajeunissement des effectifs du secteur public, notamment dans le cadre d'une démarche concertée d'intégration des jeunes employés aujourd'hui sous contrats emplois-jeunes.
L'outil de la réduction du temps de travail peut en effet servir à offrir une telle perspective à ces jeunes.
Mais il doit aussi permettre de réfléchir plus concrètement à la nécessité d'un nouveau développement de la présence des services publics sur l'ensemble du territoire de notre pays, cette présence devenue trop fragmentaire dans certains cas nuisant, en fait, à l'efficacité même du service rendu ; cela, vous ne pouvez pas le contester.
On ne peut donc traiter isolément la question de la réduction du temps de travail dans le secteur public sans réfléchir sur l'évolution de ses missions, la mise en oeuvre des moyens nécessaires à leur accomplissement et les conséquences que la présence des services publics peut avoir sur la cohésion sociale ou l'aménagement du territoire.
Le rapport Sueur sur la politique de la ville, récemment publié, ne met-il pas en exergue que nos quartiers dits sensibles, où des dizaines de millions de Français vivent, souffrent bien souvent d'une carence des services publics - essentiellement ceux de l'Etat, d'ailleurs - particulièrement manifeste, ce qui nuit à la relation qu'entretiennent les habitants avec l'autorité publique ?
Cette carence est, de notre point de vue, un obstacle majeur au développement de la vie sociale dans son ensemble et à la citoyenneté en particulier.
Que la commission des affaires sociales aborde le sujet avec un certain point de vue en proposant que le rapport porte sur la durée effective du temps de travail dans le secteur public ne peut nous surprendre.
M. le président. Monsieur Fischer, veuillez conclure : vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Guy Fischer. Vous aurez compris que les exemples que nous avons cités, notamment celui des quartiers en difficulté, illustrent la situation à laquelle nous devons faire face.
Alors, évitons les faux procès et mettons en oeuvre, à partir des éléments que nous fournira le rapport prévu à l'article 10 de ce projet de loi, une réduction concertée de la durée du travail dans le secteur public.
M. le président. Par amendement n° 10, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 10 :
« Au plus tard le 30 juin 1999, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant un bilan du temps de travail effectif dans l'ensemble de la fonction publique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 10 prévoit que, dans les douze mois suivant la publication de la présente loi et après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique. La commission s'interroge sur le coût d'une telle extension à l'ensemble des fonctions publiques.
La commission ayant proposé de supprimer l'article 1er, cette extension n'a plus de raison d'être. Toutefois, il demeurerait intéressant de connaître le bilan du temps de travail effectif dans l'ensemble des fonctions publiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien entendu, le Gouvernement souhaite communiquer les éléments demandés, mais ceux-ci seront, à l'évidence, fournis par la mission spécifique qui a été confiée à M. Jacques Roche, personnalité reconnue, pour faire le point du temps de travail effectif aujourd'hui dans l'ensemble des fonctions publiques nationale, territoriale et hospitalière.
Le Gouvernement s'est engagé à consulter le Conseil supérieur des trois fonctions publiques sur cet audit pour faire des propositions en vue de la réduction de la durée du travail.
Bien sûr, nous sommes favorables à une totale transparence sur ces données - et ce sera le cas - mais nous souhaitons aussi que la formulation retenue étende la réduction du temps de travail dans le secteur public.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 10.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Cet amendement aurait pu être intéressant s'il s'était appliqué à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.
Il est en effet nécessaire, avant toute initiative dans le domaine de l'aménagement et de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, de disposer d'un état des lieux qui prenne en compte l'extrême variété des métiers des trois fonctions publiques et les différences qui en résultent.
Le Gouvernement - Mme la ministre vient de le rappeler - a fort judicieusement décidé de confier cette expertise préalable à un haut magistrat, M. Jacques Roche, qui remettra prochainement ses conclusions. Il est sage d'attendre ces conclusions avant de faire des propositions aux fonctionnaires et aux partenaires sociaux. Il est sage, surtout, d'éviter les propos définitifs et dépourvus de fondement que l'on peut entendre ici ou là sur le temps de travail dans la fonction publique.
L'amendement de la commission manque, cependant, de la dimension essentielle qu'est la perspective de la réduction du temps de travail. Aucune raison ne justifie que la fonction publique ne bénéficie pas de ce mouvement historique et reste à la traîne des autres secteurs de l'économie. Ce serait, en quelque sorte, un autre aspect de la société duale dont nous voulons éviter qu'elle se constitue définitivement : d'une part, des fonctionnaires qui devraient continuer à travailler 39 heures, par exemple, en bénéficiant de la sécurité de l'emploi ; d'autre part, des salariés du secteur privé et des contractuels de la fonction publique dont le temps de travail diminuerait, mais qui ne bénéficieraient d'aucune garantie d'emploi. Un tel système ne serait pas durablement viable.
Nous devons donc, dès à présent, offrir à l'ensemble des salariés, sans discrimination, la perspective de bénéficier de la réduction du temps de travail, et nous devons, pour la fonction publique, inscrire cette perspective dans l'amélioration du service public et des services rendus à la population. En la matière, le champ des possibilités est donc vaste.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Ce que je viens d'entendre, madame la ministre, mes chers collègues, montre bien la dérive du texte à laquelle nous assistons.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Quel est l'objet du projet dont nous débattons depuis hier ? Inciter les entreprises à négocier pour réduire la durée du travail, en aménager le rythme et ainsi créer des emplois nouveaux.
Et quel est le point sur lequel nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen et ceux du groupe socialiste se rejoignent ? La volonté de faire bénéficier la fonction publique, où l'emploi est garanti, de cet aménagement du temps de travail.
Nous sommes à cent coudées de ce qui se pratique dans l'Union européenne. Nous savons tous que, des Quinze, c'est la France qui compte le plus d'emplois publics dans les trois fonctions publiques : le taux d'emplois publics y est de 24 % de la population active, alors que la moyenne européenne est de 18 % et que nos principaux partenaires sont à 15 %.
Eh bien ! on continue, comme si de rien n'était, à augmenter les effectifs de la fonction publique sous prétexte qu'ils bénéficient, eux aussi, de la réduction du temps de travail ! Cela montre bien la dérive dans laquelle nous sommes.
Ou bien nous pensons que les entreprises du secteur marchand sont capables de se réorganiser, de créer des emplois en gardant leur capacité concurrentielle - c'est le thème général qui nous réunit depuis hier ; ou bien nous voulons faire bénéficier un certain nombre de fonctionnaires et d'agents des fonctions publiques territoriales ou autres d'une réduction du temps de travail. Mais dans ce cas, est-ce que ce sera 35 heures payées 39 heures ? Est-ce que ce sera 35 heures payées 35 heures ? C'est toujours le même problème.
Autrement dit, on va majorer les coûts de fonctionnement de l'ensemble des fonctions publiques de notre pays, moyennant, sans doute, quelques perspectives de création d'emplois, alors que nous nous distinguons déjà de l'ensemble de nos voisins européens par l'importance de nos emplois publics. C'est la dérive classique.
Finalement, on élabore un texte qui sera réservé aux fonctionnaires, comme en témoignent les interventions tant de M. Fischer que de Mme Derycke.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Au terme de ces deux jours de débat argumenté et précis sur la réduction du temps de travail, permettez-moi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, de tirer quelques conclusions de nos échanges.
La commission des affaires sociales nous a proposé de procéder à une modification profonde du texte, au travers d'une pérennisation des dispositifs issus de la loi quinquennale et de la loi Robien.
Peut-être le CNPF a-t-il tiré parti de la rencontre qu'il a eue la veille du débat avec le président de notre Haute Assemblée.
Pour le coup, permettez-moi de souligner que cette initiative est pour le moins surprenante. Mais les initiatives du président du CNPF ne peuvent que nous surprendre, comme il vient encore de le prouver à cette ocasion, d'autant que, devant la commission des affaires sociales, il avait affirmé que ce texte ne pouvait pas être amendé !
Revenons-en à la position de la commission.
On connaît les termes du marché : parce que la commission ne peut ignorer l'aspiration forte des salariés à travailler moins, elle ne souhaite pas faire obstacle à toute expérimentation de la réduction du temps de travail.
Mais, dans son analyse, la prise en compte de cette aspiration est détournée de son objet par la nature des négociations envisagées : primauté évidente à la négociation d'entreprise, même si le rapporteur a affirmé tout à l'heure qu'il était plus nuancé ; pas de recours aux organisations syndicales représentatives, nous l'avons vu, et ce sur des bases incluant un recours massif à l'annualisation, à la modération salariale - elle va même jusqu'à la baisse des rémunérations - et à la désorganisation des rythmes de tavail au seul profit du patronat.
En fait, c'est un marché de dupes que nous propose la commission des affaires sociales, marché de dupes uniquement guidé par une prétendue modernité des relations sociales dans l'entreprise, qui fait la part belle aux seuls intérêts des employeurs et des actionnaires aux dépens du plus grand nombre, les salariés.
Bien entendu, parce que la commission des affaires sociales a beaucoup d'imagination, cela peut paraître incitatif.
Comme si, d'ailleurs, le fameux coût du travail était le principal poste de dépenses à faire varier dans la comptabilité de nos entreprises !
La force de la compétitivité de nos entreprises réside - que les choses soient dites une fois pour toutes - non pas dans un allégement permanent et obsessionnel du coût du travail, mais dans la diversité des compétences, donc dans la qualification des personnels et la créativité des salariés.
Ce sont ces potentiels qu'il convient, à notre avis, de développer, aujourd'hui, pour permettre à l'individu de trouver toute sa place dans l'entreprise, et donc dans la société, plutôt que de continuer à faire porter la pression sur les salaires, pression qui brime les capacités de croissance, et donc de création d'emplois.
Lorsque le Sénat s'est livré, en décembre dernier, à cette opération politicienne de constitution d'une pseudo-commission d'enquête sur les conséquences de la réduction du temps de travail, ma collègue Nicole Borvo avait eu l'occasion de rappeler qu'en 1996 les coûts salariaux en France étaient inférieurs à ce qu'ils étaient en 1970.
Pis même pour ce discours ambiant, une étude de la délégation aux investissements internationaux du ministère de l'économie et des finances - nous venons de recevoir une plaquette - souligne que les coûts salariaux dans l'industrie sont, dans notre pays, inférieurs de 15 % à la moyenne de l'Union européenne, tandis que la productivité du travail est aujourd'hui placée, dans le même secteur, en première position en Europe, loin même devant les Etats-Unis.
Nous avions, pour notre part, une série de positions de principe dans ce débat : faire en sorte que soient créées les conditions d'une application effective des 35 heures par élargissement du champ des entreprises concernées ; aboutir à ce que les accords collectifs signés permettent effectivement de répondre aux attentes fortes de la société, notamment à l'attente de tous ceux - ils sont 7 millions - qui sont privés du droit au travail ; inscrire durablement la réduction du temps de travail dans une réflexion plus large sur l'ensemble des questions d'organisation du travail, de la répartition de la richesse produite.
Pour notre groupe, il s'agissait de participer à la réflexion engagée dans le cadre des débats à l'Assemblée nationale, de faire connaître l'ensemble des problèmes posés par la réduction du temps de travail, ce que nous avons, naturellement, traduit dans notre stratégie d'amendements.
Certaines réponses qui ont été apportées aux questions que nous avons soulevées laissent augurer une amélioration du texte lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Pour autant, tout ne nous semble pas réglé, notamment quand on garde à l'esprit que, au-delà de nos débats, c'est dans la vie des salariés de ce pays qu'il faudra faire vivre les 35 heures.
C'est pourquoi le reprofilage de la loi Robien que nous propose la commission des affaires sociales est un profil plutôt bas, qui consiste, en fait, à limiter aux seules entreprises tout le bénéfice de la mesure.
On comprendra, par conséquent, que nous votions sans la moindre hésitation contre ce projet de loi amendé par la commission et la majorité sénatoriale.
M. le président. La parole est à M. Madelain.
M. Jean Madelain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré les divergences qui nous séparent, le débat auquel a donné lieu l'examen de ce texte important s'est déroulé dans un climat de courtoisie et de sérieux bien dans la tradition du Sénat.
Nous devons féliciter et remercier le président de la commission et son rapporteur, notre collègue Louis Souvet, dont la tâche était lourde et difficile. Une fois de plus, il a fait la preuve de sa grande compétence en matière de législation du travail.
Lors de la discussion générale, les intervenants du groupe de l'Union centriste ont exprimé leur accord global sur les propositions de la commission. Celles-ci ayant été adoptées, nous avons le sentiment d'avoir élaboré un texte équilibré et réaliste. C'est pourquoi notre groupe lui apportera un soutien unanime. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Vous nous avez présenté, madame la ministre, un projet de loi de réduction autoritaire du temps de travail complexe et étatiste, en avançant des études orientées promettant 200 000, 700 000, un million d'emplois créés, suivant les hypothèses retenues.
Mais vous vous êtes bien gardée de mettre en évidence le coût pour le contribuable, en termes de prélèvements supplémentaires, pour le salarié, en termes de perte de pouvoir d'achat, et pour l'entreprise, en termes de compétitivité.
Il s'agissait tout simplement de tenir une promesse électorale, construite à la hâte, sans véritable réflexion préalable.
Le groupe du RPR ne peut donc vous suivre dans cette démarche qui ne résolvera en rien les difficultés qui touchent plus de trois millions de nos concitoyens.
Nous pensons que la solution est ailleurs, que la réduction du temps de travail n'est qu'un outil parmi d'autres, qui ne doit pas nous mener à négliger les autres, tels que la réduction des charges sur les bas salaires, et qui ne peut se concevoir que librement négociée et choisie.
C'est pour ces raisons que notre groupe votera le texte proposé par la commission des affaires sociales, modifié par plusieurs amendements présentés par nos collègues, et qui me paraît constituer une solution équilibrée.
Librement négociée et associée à une souplesse indispensable à la compétitivité de l'économie, la réduction du temps de travail pourrait sans doute créer des emplois, ou du moins en préserver.
De même, votre dispositif est accompagné de plusieurs mesures défavorables à la pratique des heures supplémentaires et au travail à temps partiel. La majorité sénatoriale a donc décidé de supprimer ces dispositions.
En effet, il nous semblait regrettable d'entraver le recours aux heures supplémentaires, qui correspond souvent à une demande du salarié, désireux d'améliorer son niveau de revenu, et des entreprises, qui souhaitent mieux répondre aux fluctuations de leurs activités.
Quant au recours au temps partiel, il répond dans de nombreux cas au besoin d'un salarié de concilier vie professionnelle et vie familiale, ou d'organiser un départ à la retraite progressif, ou encore à un moyen de se réinsérer dans le monde du travail.
Il était donc important que le Sénat revienne sur ces dispositions pénalisantes, même si nous sommes tout à fait favorables à une moralisation dans le domaine de la pratique du travail à temps partiel.
En conclusion, je tiens à remercier notre rapporteur pour son excellent rapport qui a montré, par une analyse détaillée, les enjeux et les effets de la réduction autoritaire du temps de travail en en dévoilant systématiquement les incertitudes et le manque de réalisme. Cette étude nous a permis d'avoir un débat riche et ouvert et d'aboutir à un texte satisfaisant.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera le projet de loi ainsi réécrit par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, je souhaiterais remercier, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, la commission, son président, M. Jean-Pierre Fourcade, et son rapporteur, M. Louis Souvet, pour le travail accompli.
Je ne veux pas omettre non plus l'importante investigation préalable réalisée par la commission d'enquête, son rapporteur, M. Jean Arthuis, et son président, M. Alain Gournac.
Le texte qui résulte des travaux du Sénat, à la suite de ceux de la commission, nous ont permis d'adopter une position équilibrée et d'atteindre l'objectif auquel nous sommes très attachés : laisser aux entreprises, c'est-à-dire aux partenaires sociaux, l'intitiative des négociations les concernant, particulièrement quand il s'agit des modalités de l'organisation du travail à l'intérieur de l'entreprise.
S'agissant par ailleurs de la durée du travail, la problématique d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celle qui prévalait à une époque où il convenait de protéger les salariés contre les excès des durées inhumaines du travail.
Si une loi historique prévoit la diminution du temps de travail, pourquoi craindre qu'elle ne soit devenue inopérante ? Nous avons considéré qu'il n'y avait pas lieu de recourir à des méthodes dirigistes alors qu'un sage pragmatisme pourrait se révéler plus efficace et qu'il suffisait de perfectionner la loi Robien.
Cette loi a déjà porté ses premiers fruits - vous l'avez vous-même rappelé, madame le ministre - et 2 000 accords ont été conclus.
Au cours de la discussion générale et de la discussion des articles, nous avons suffisamment pu exposer nos arguments et nos divergences quant à la méthode. La méthode choisie par votre Gouvernement, madame le ministre, a eu pour premier effet de durcir la position des représentants du patronat. C'était tout à fait prévisible. Vous êtes ainsi engagée dans une dynamique bien connue de rivalité mimétique. Mais je suis certain que vous saurez en refroidir les enchaînements.
Un changement de méhtode viendra inévitablement, tout comme en 1983, quand le Gouvernement d'alors avait radicalement changé son approche de l'économie d'entreprise. Il fera vraisemblablement l'objet de la deuxième loi que vous avez annoncée, madame le ministre.
Je suis personnellement convaincu que cela se passera ainsi parce que vous n'êtes pas favorable à la recherche d'une crise. Au contraire !
Après avoir été contrainte de sacrifier à un rituel hautement symbolique de lutte, nous retrouverons, avec le deuxième texte, le scénario de l'apaisement pour les chefs d'entreprise.
M. Strauss-Kahn n'a-t-il pas souligné devant la commission des affaires sociales le caractère maximum du taux de rémunération à 25 % des heures supplémentaires ? De son côté, la direction de la prévision intègre dans ses hypothèses une fluctuation de ce taux en dessous des 25 %.
Le projet sénatorial permet, lui, de gagner du temps par rapport à la méthode du Gouvernement pour obtenir les créations d'emplois que peut apporter une réduction de la durée légale du travail. De plus, il éviterait ce psychodrame anachronique suscité non pas, selon moi, par un calcul machiavélique, mais par une simple maladresse dans les négociations conduites avec M. Gandois.
Notre contre-projet s'inscrit donc dans la filiation de la loi Robien : il encourage le dialogue social et garde le souci de l'équilibre des finances publiques ; il essaie de réaliser tout à la fois une réduction progressive du temps de travail effectif et une amélioration durable de l'emploi.
En fixant le seuil d'application du texte à cinquante salariés, nous apportons, nous semble-t-il, une réponse de nature à rassurer les petites et moyennes entreprises. C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants votera sans réserve ce texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Madame le ministre, dans votre propos liminaire lors de la discussion générale, en évoquant la loi Robien, vous avez dit en substance : nous sommes tous d'accord sur le fond, mais en désaccord sur la méthode. Il est évident que cette phrase résume bien la situation.
Oui, nous sommes tous d'accord sur le fond : il faut absolument qu'ensemble nous réussissions à mettre en place tous les éléments d'une véritable lutte contre le chômage, en même temps qu'une politique qui permette des créations d'emplois.
Cependant, les méthodes varient et les moyens que nous proposons sont loin d'être les mêmes, bien évidemment, on l'a vu dans le débat.
Les sénateurs de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe estiment que la commission des affaires sociales a accompli un excellent travail et nous en remercions son président, M. Fourcade, et son rapporteur, M. Souvet. Par ailleurs, nous prenons acte que nous sommes les uns et les autres tous d'accord sur l'essentiel et que nos différences devraient, à terme, être gommées. En tout cas, nous voterons ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le chômage est la grande plaie de cette fin de siècle. Il s'agit d'un problème qui décourage jusqu'au désespoir ceux qui veulent vraiment travailler et cherchent un emploi.
En revanche, il encourage ceux qui s'accommodent de l'assistance et en exploitent les possibilités.
Ces deux attitudes coexistent, nous le savons tous, même s'il n'est pas politiquement correct de le dire. Il ne faut pourtant pas se voiler la face.
Cela dit, si la réduction du temps de travail à 35 heures ou moins afin de créer des emplois peut être facilitée et encouragée pour les entreprises qui le souhaitent et peuvent le faire, j'y suis tout à fait favorable.
On ne peut négliger aucune piste, comme vous l'avez à juste titre répété, madame le ministre, mais il faut réunir deux conditions formelles : que cette réduction ne soit pas obligatoire et générale, et que les 35 heures ne deviennent pas la durée légale du temps de travail, avec toutes les conséquences néfastes que cela peut entraîner.
Au cours de la discussion générale, de nombreux orateurs ont relaté les taux historiques de la baisse du temps de travail au cours du siècle écoulé. Ils ont même insisté sur ce point. C'est en effet une constatation.
S'agit-il pour autant d'une loi pérenne ? Je n'en suis pas sûre ! Il semble que l'on puisse encore penser que cela va durer. Tant mieux d'ailleurs, si c'est un souhait. Mais est-ce bien sûr ? Je m'interroge.
En effet, on sait bien que, poussés à l'extrême, tous les phénomènes dynamiques changent de nature à un moment donné. De linéaires, ils peuvent devenir exponentiels. Tout le problème est de savoir quand se produit le changement.
Par ailleurs, la globalisation et la mondialisation vers lesquelles nous allons à grands pas vont certainement faire évoluer de façon considérable les conditions économiques du travail.
Dans quel sens ces bouleversements vont-ils exercer une influence sur la durée du temps de travail, ne serait-ce qu'en France et dans les autres pays européens ? Nul ne le sait ! Mais ces bouleversements ne manqueront pas d'avoir une influence.
Par ailleurs, si nous bloquons dès maintenant la durée légale du travail à 35 heures et que, pour des raisons concurrentielles, nous sommes un jour obligés de travailler plus, ce qui n'est pas exclu, le réveil sera dur, la déception immense et de grands risques de bouleversements de société se profileront. C'est la raison majeure, même s'il en existe d'autres, pour laquelle je suis résolument hostile au fait de fixer à 35 heures la durée légale du travail.
Ce sont, bien sûr, ces considérations qui m'ont conduite à voter la suppression de l'article 1er et à adopter les propositions de la commission des affaires sociales, que je remercie d'ailleurs pour le travail immense qu'elle a accompli.
Madame le ministre, maintenant, je veux vous parler de la trente-sixième heure.
Hier soir, j'ai écouté les débats avec une grande attention et, le temps passant, je me sentais de plus en plus le coeur serré non pas que les discussions fussent de mauvaise qualité, bien au contraire, chacun y défendait ses choix selon la règle démocratique, certains apportèrent même d'excellentes précisions techniques et d'autres des arguments d'une grande élévation morale comme notre collègue M. Seillier, vous l'avez noté vous-même, madame le ministre.
Mais, si les 35 heures représentent le temps de la nécessité en matière de temps de travail, que reste-t-il pour le goût du travail bien fait, qui ne s'arrête pas au coup de marteau, comme chez le commissaire-priseur ?
Que reste-t-il pour l'imagination, pour la réflexion collective, pour la prospective, pour l'audace de la prise de risque qu'il faut estimer, pour le dynamisme dont on risque de casser les jambes, comme lorsqu'on entrave trop court un animal sauvage ?
Où est le temps du combat pour gagner, le temps pour écouter les autres, le temps pour créer la vie, la vie économique comme la vie sociale ?
C'est cela, madame le ministre, le temps de la trente-sixième heure - et de celles qui suivent, bien sûr - c'est le temps de la création de la vie de demain.
Aujourd'hui même, on m'a parlé d'une entreprise qui aurait été condamnée à des amendes parce que ses cadres tenaient des réunions hors du temps légal. C'est comme si l'on signait des arrêts de mort de l'entreprise : mort de l'enthousiasme, mort de l'innovation, mort du sens de la responsabilité, et ce n'est pas ce que vous souhaitez.
Va-t-on persévérer dans cette voie, meurtrière à terme de par la stérilité qu'elle engendre ? Prenons garde à ce risque, madame le ministre, il existe.
Vous-même - permettez-moi de vous le demander -, n'avez-vous travaillé que 35 heures par semaine pour arriver aux hautes fonctions que vous exercez ? Si vous répondez oui, je ne le croirais pas ! Travaillerez-vous désormais 35 heures seulement ? Je ne le crois pas non plus.
Si travailler plus de 35 heures sans amende est réservé à une petite classe de privilégiés, dont nous faisons tous partie dans cet hémicycle, ou aux étudiants qui passent des examens, si travailler seulement 35 heures sans amende devient un privilège, pourquoi nous l'octroyons-nous et ne voulons-nous pas l'accorder aux autres ? N'y a-t-il pas là une injustice énorme ?
Madame le ministre, les Français, notre jeunesse plus particulièrement, ont besoin, avant tout, de retrouver l'espoir.
M. le président. Vous dépassez votre temps de parole, madame Heinis.
Mme Anne Heinis. Certes, monsieur le président, mais je vous demanderai de faire preuve d'indulgence à mon égard : je suis peu intervenue dans la discussion.
M. le président. Je suis chargé de la réduction du temps de parole ! (Sourires.)
Mme Anne Heinis. Notre jeunesse a besoin de croire qu'en travaillant dur elle pourra façonner son avenir : elle a besoin de grandes causes pour lesquelles se battre ; elle a besoin de dépenser sans compter, ni sa peine, ni son temps.
Pardonnez-moi de le dire, mais ce sont les vieux qui s'épargnent, ce ne sont pas les jeunes. Pourtant, nous n'avons pas eu un mot pour notre jeunesse sur ce point, et cela m'a fait mal.
Nous croyons tous que le travail est une valeur fondamentale de notre société. Puisqu'il en est ainsi, valorisons-le, défendons-le et ne le présentons pas comme un os à ronger sur lequel on fait des calculs de boutiquiers pour des quarts d'heure dépassés. Ce n'est pas cela l'avenir du travail !
Je sais bien qu'ici personne ne voit le travail sous cette forme. Mais croyez-moi, en écoutant nos débats, hier soir, c'est l'horrible sentiment que j'ai eu, et c'est pour cela que j'avais le coeur serré, et d'autres l'auront peut-être aussi.
Ne croyez surtout pas que je méprise notre travail de législateur. Comme nous tous, j'y suis passionnément attachée : c'est notre mission. Mais la situation est difficile, nous sommes bien obligés de poser des règles pour limiter les excès et pour baliser notre société. Il faudra toujours le faire, mais en pensant sans cesse à libérer les énergies, notamment dans le domaine économique...
M. le président. J'en suis navré, madame Heinis, mais je vous demande de conclure.
Mme Anne Heinis. Je conclus, monsieur le président. Ce qui trouble le déroulement des modèles macro-économiques, c'est l'action de l'homme - au sens ancien du terme, c'est-à-dire - l'homme et la femme - qui perturbe la belle ordonnance de ces modèles ; l'homme seul a le pouvoir de faire vivre ou de faire sombrer une situation.
Madame le ministre, par nos lois, rouvrons partout, des espaces de liberté ; de confiance dans le travail de l'homme quand il croit à ce qu'il fait, d'audace créatrice à tous les niveaux ! C'est ce dont nous avons besoin pour la France.
Si nous allons dans ce cens, madame le ministre, vos voeux et les nôtres seront exaucés : la France au travail repartira pour une reconquête et ce sera le fruit de la trente-sixième heure. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Madame Heinis, vous avez utilisé presque le double du temps de parole que le règlement vous donne.
Mme Anne Heinis. Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.
Mmes Nicole Boivo et Marie-Madeleine Dieulangard. Pour ce qu'on a entendu !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste va devoir voter contre le projet de loi tel qu'il résulte de nos discussions.
C'est un texte sur lequel nous aurions pourtant dû trouver un accord, car nous tous, ici, parlementaires de gauche et de droite, sommes préoccupés par le problème du chômage. Mais nos approches concernant les moyens de le résoudre divergent et sont même - nous avons dû le constater - assez opposés. Ils entraîneront, en tout cas, des votes différents.
En adoptant la suppression de son premier article, la majorité de cette assemblée a souhaité amputer le projet de loi de sa dimension essentielle : l'abaissement de la durée légale hebdomadaire à 35 heures alors que, tout au long de ce débat, vous avez reconnu que la réduction du temps de travail était efficace en termes de créations d'emplois et vous vous êtes félicités des résultats déjà enregistrés par la loi Robien, en reconnaissant toutefois qu'ils étaient largement insuffisants.
Or, quand il s'agit de voter une loi permettant d'amplifier ce mouvement timidement amorcé, vous déclarez, monsieur le rapporteur, que la réduction du temps de travail doit être utilisée sur « le long terme » et qu'il s'agit d'une voie qu'il convient d'explorer « sans précipitation ».
Vous avez tenté de nous convaincre durant ce débat que vous étiez disposés à encourager la poursuite de l'expérience de la loi Robien jusqu'en 2000, ou 2002 pour les entreprises de moins de cinquante salariés, tout en la « reprofilant » selon votre expression.
Au-delà de la diminution des allégements consentis, que vous avez revus à la baisse au cours de ce débat, vous avez adopté parallèlement des amendements qui diminueront l'impact de ce nouveau dispositif.
S'agissant de la distinction selon le seuil de cinquante salariés, je ne reprendrai pas les propos de M. le président de la commission des affaires sociales qui, ici, en a reconnu cependant l'effet restrictif en termes de création d'emplois.
Enfin, vous avez refusé d'attribuer une majoration supplémentaire au profit des entreprises de main-d'oeuvre, celles qui recruteraient certaines catégories de public en difficulté.
Vous étayez votre position en affirmant ne pas vouloir court-circuiter les partenaires sociaux. Devons-nous en conclure que vous jugez les bilans de la loi quinquennale et de la loi Robien suffisant - 1 % des 13 millions de salariés, je vous le rappelle ?
Or, le projet que nous propose le Gouvernement doit justement permettre de lancer une dynamique de négociation globale, à l'échelon national. Il dote les partenaires sociaux de moyens financiers, techniques pour aborder cette négociation.
En matière de travail à temps partiel, vous faites disparaître les garanties importantes apportées par le Gouvernement afin de prémunir les salariés des abus enregistrés dans la gestion de ce temps partiel et, selon vous, de limiter les contraintes entourant l'usage du temps partiel et d'enrichir, toujours selon vous, la croissance en emplois.
C'est le discours trop souvent entendu en provenance de certains pays que nous refusons d'ériger en modèle, au moins sur ce point.

Il ne faudrait pas qu'au nom d'une équation apparamment de bon sens : « un temps partiel vaut mieux que le chômage » le législateur laisse se développer une main-d'oeuvre servable et corvéable à merci, et vous savez bien, les uns et les autres, que cette expression n'a rien d'excessif !
Le projet du Gouvernement est un texte d'incitation et d'orientation. Des bilans seront faits, des enseignements seront tirés et, d'ici vingt mois, nous nous retrouverons pour mieux cerner un certain nombre de dispositifs sur lesquels il nous faudra légiférer, à la lumière précisément de ces enseignements.
Pour ce qui concerne notre groupe, nous ne prendrons pas la responsabilité de ne pas lancer une mécanique dont on sait bien qu'elle peut, qu'elle doit produire ce que tout le monde attend tellement : de l'emploi.
Nous serons vigilants, très attentifs à ce que cette machine avance sans déraper. Mais, ce soir, nous ne voterons pas le texte, je le rappelle, tel qu'il est sorti de nos discussions. Ce texte, nous ne le voterons pas, pleinement responsables, conscients de l'attente des Français concernant le travail, conscients aussi qu'il nous faut de toute urgence trouver du sens ailleurs que dans le travail. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je souhaite répondre brièvement aux propos de Mme Dieulangard.
« Vous avez tenté tout au long du débat de nous convaincre », avez-vous dit, madame. Non ! Je suis rapporteur et j'ai exposé, fidèlement je l'espère, ce qu'a retenu la commission. Je n'ai pas tenté de vous convaincre et, au demeurant, si j'avais quelqu'un à convaincre, je pense vraiment que je n'aurais pu le faire en ce qui vous concerne, en tout cas.
Vous avez vos idées, j'ai les miennes. Je n'ai pas cette possibilité et je n'ai pas autant d'espoir. Non, je crois vraiment que je n'aurais pas essayé de vous convaincre.
L'objectif est le même pour les uns et pour les autres.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je l'ai dit !
M. Louis Souvet, rapporteur. Nos voies divergent, nos chemins ne sont pas les mêmes. Est-ce une raison suffisante pour se jeter des invectives à la figure ? Il faut rester convenables et nous l'avons fait.
Dans ces conditions, restons-en là. Je ne pense pas que l'on puisse aller plus loin dans ce domaine.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 220
Contre 96

4

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 324, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural.

Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 332, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.5

DÉPÔT DE RÉSOLUTIONS

M. le président. J'ai reçu, en application de l'article 73 bis, alinéa 8, du règlement, une résolution, adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane et la recommandation de décision du Conseil autorisant la Commission à négocier un accord avec les pays ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes pour la répartition des contingents tarifaires et de la quantité ACP traditionnelle (n° E-1004).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 325 et distribuée.
J'ai reçu, en application de l'article 73 bis, alinéa 8, du règlement, une résolution, adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil établissant de nouvelles règles pour les aides à la construction navale (n° E-936).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 326 et distribuée.

6

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement CEE n° 295/91 établissant des règles communes relatives à un système de compensation pour refus d'embarquement dans les transports aériens réguliers.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1027 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 76/116/CEE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux engrais au sujet de la commercialisation en Autriche, en Finlande et en Suède d'engrais contenant du cadmium.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-1028 et distribuée.

7

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. André Boyer un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 230, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 328 et distribué.
J'ai reçu de M. André Boyer un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 232, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 329 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Faure un rapport, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (n° 304, 1997-1998).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 330 et distribué.

8

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Jean Huchon et Louis Minetti un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur les relations franco-espagnoles dans le secteur des fruits et légumes à la suite d'un déplacement en Espagne du 1er au 6 février 1998.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 323 et distribué.
J'ai reçu de M. René Trégouët un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur les conséquences des nouvelles technologies sur la société française à l'aube du XXIe siècle.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 331 et distribué.

9

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Paul Amoudry un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, instituant une commission consultative du secret de la défense nationale (n° 297, 1997-1998).
L'avis sera imprimé sous le numéro 327 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 5 mars 1998 :
A neuf heures trente :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 257 rectifié, 1997-1998) de M. Jacques Bimbenet, fait au nom de la commission des affaires sociales :
- sur la proposition de loi (n° 43, 1996-1997) de MM. Michel Moreigne, William Chervy, Germain Authié, Marcel Bony, Jean Besson, Roland Courteau, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme JosetteDurrieu, MM. Bernard Dussaut, Aubert Garcia, Claude Haut, Roland Huguet, Jean-Pierre Masseret, Gérard Miquel, Jean-Marc Pastor, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Paul Raoult, René Régnault, Gérard Roujas, AndréRouvière, Fernand Tardy, Marcel Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés visant à étendre aux centres de santé gérés par la Mutualité sociale agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale ;
- et sur la proposition de loi (n° 377, 1996-1997) de MM. Georges Mouly, Nicolas About, Michel Alloncle, Louis Althapé, Alphonse Arzel, José Balarello, Bernard Barraux, Bernard Barbier, Henri Belcour, Jean Besson, Jacques Bimbenet, Christian Bonnet, James Bordas, André Boyer, Jean Boyer, Louis Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Guy Cabanel, Jean-Claude Carle, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel-Pierre Cléach, Jean Delaneau, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emorine, François Gerbaud, Paul Girod, Daniel Goulet, Emmanuel Hamel, Claude Huriet, Roger Husson, Pierre Jeambrun, Bernard Joly, André Jourdain, Alain Joyandet, Jean-François Le Grand, Edouard Le Jeune, François Lesein, Roland du Luart, Serge Mathieu, Louis Mercier, Philippe Nachbar, Jacques Oudin, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Régis Ploton, Alain Pluchet, Henri de Raincourt, Roger Rigaudière, Guy Robert, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca-Serra, Maurice Schumann, Bernard Seillier, Raymond Soucaret, Louis Souvet et Alain Vasselle visant à étendre aux centres de soins infirmiers gérés par la Mutualité sociale agricole la subvention prévue à l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 303, 1997-1998) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 250, 1997-1998) de MM. Jean Delaneau, Nicolas About, José Balarello, Bernard Barbier, Mme JanineBardou, MM. Christian Bonnet, James Bordas, Philippe de Bourgoing, Louis Boyer, Jean-Claude Carle, Marcel-Pierre Cléach, Jean Clouet, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Hubert Falco, Jean-Pierre Fourcade, Mme Anne Heinis, MM. Charles Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Roland du Luart, Serge Mathieu, Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Guy Poirieux, Jean Puech, Henri de Raincourt, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Bernard Seillier, Henri Torre et François Trucy visant à élargir les possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures :
3. Questions d'actualité au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Restauration du château de Vincennes

206. - 27 février 1998. - M. Jean Clouet rappelle à que le château de Vincennes est un ensemble domanial classé au titre des monuments historiques et est occupé conjointement par des services dépendant du ministère de la culture et de la communication et du ministère de la défense (services historiques notamment). Cette particularité a conduit, en 1988, à la création d'une commission interministérielle - sous la présidence de M. Jean-Philippe Lecat - chargée d'assurer la gestion du site, de conduire les indispensables travaux de restauration, de favoriser son animation et sa mise en valeur. Depuis 1988, près de 100 millions de francs (provenant pour 2/3 de la culture et pour 1/3 de la défense) ont été mis en oeuvre pour aller en ce sens mais ce sont plus de 300 millions de francs qu'il faudrait encore y consacrer, selon les dernières estimations de l'architecte en chef des monuments historiques. Le donjon a été fermé en septembre 1996 et son accès au public serait interdit au moins pour cinq années encore, si les travaux se déroulaient au rythme actuel et sans mauvaise surprise. Il observe d'ailleurs que, dans l'hypothèse d'une simple reconduction de la dotation annuelle actuelle, il faudra plus de trente ans pour voir la fin des travaux, sans tenir compte du passage du temps qui imposera de nouvelles interventions sur certaines parties du monument. Ainsi que l'écrivait Jean-Philippe Lecat en 1993 : « Croit-on que si le Royaume-Uni, la Russie ou l'Allemagne possédaient, aux portes de leur capitale, un ensemble monumental témoin de leur histoire nationale et de la naissance de l'Etat qui fonda leur rang parmi les nations, ils hésiteraient à faire de sa renaissance le grand projet de la décennie à venir ? » Est-il raisonnable de se résigner à ce que le château de Vincennes, présent dans l'imaginaire de chaque Français en raison, notamment, du souvenir qui l'associe à Saint-Louis, reste indéfiniment délaissé, masqué par d'éternels échafaudages et soustrait à la fréquentation du public ? Il persiste à croire le contraire et c'est pourquoi il lui demande si cet admirable ensemble monumental qu'est le château de Vincennes ne pourrait pas se voir affecter une dotation budgétaire abondée en vue d'une accélération des travaux ou, mieux encore, faire l'objet d'un « grand projet » doté d'un financement approprié, aux bases éventuellement élargie.

Parution des textes d'application des lois sur l'environnement

207. - 2 mars 1998. - M. Jacques Oudin demande à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement s'il lui apparaît normal de devoir attendre plusieurs années pour que les textes d'application d'une loi paraissent malgré la volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre de voir les dispositions d'une loi mises en oeuvre le plus rapidement possible. Il lui demande s'il est possible de justifier, par exemple, la non-parution du décret en Conseil d'Etat, prévu par l'article 22 de la loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, relatif à la composition de la commission départementale des sites, perspectives et paysages. Il en est de même pour la non-parution du décret en Conseil d'Etat exigé par l'article 9 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, concernant la composition du conseil départemental de l'environnement. Enfin, est-il encore possible de demander en quelle année paraîtra le premier rapport annuel prévu par l'article 41 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ? Il lui rappelle que, depuis quelques années, ces interrogations ont fait l'objet de multiples questions écrites qui sont soit restées sans réponse, soit ont reçu des réponses évasives, mais qui, dans tous les cas, n'ont jamais été suivies d'effets. Aussi, il souhaite que lui soient précisées les intentions du Gouvernement afin que les droits du Parlement et les dispositions législatives soient enfin respectées.

Participation de l'Etat au financement
de l'Ecole supérieure de l'image

208. - 4 mars 1998. - M. Philippe Arnaud rappelle à Mme le ministre de la culture et de la communication que le Journal officiel du 17 janvier dernier comportait un arrêté portant annulation de crédits en vue de financer le Fonds d'urgence sociale d'un milliard de francs en faveur des chômeurs annoncée par le Premier ministre. Parmi des annulations de crédits figurent 60 millions de francs de crédits de paiement au titre du ministère de la culture dont 21 150 000 francs pour les interventions culturelles déconcentrées. Parmi les actions conduites en partenariat avec les collectivités territoriales figurent notamment l'Ecole européenne supérieure des arts et technologies de l'image en Poitou-Charentes (Poitiers et Angoulême) inscrite au contrat de plan Etat-région. Une convention a été signée avec le ministre de la culture en date du 5 mai 1995. Cette convention prévoit l'augmentation de la dotation Etat pour la prise en charge du corps enseignant de l'école qui vient, avec l'accord de l'inspection générale du ministère, de se doter d'enseignants spécialistes des nouvelles technologies de l'image. C'est donc un crédit de 8 074 000 de francs qui est attendu de l'Etat en 1998, inférieur à ce que prévoyait la convention, mais en augmentation d'un million de francs par rapport à 1997. Le directeur régional des affaires culturelles a été chargé de préparer l'avenant 98 à la convention. Il la remercie donc de bien vouloir lui préciser si la DRAC Poitou-Charentes disposera des moyens financiers nécessaires pour satisfaire les engagements de l'Etat, car, si tel n'était pas le cas, outre le fait qu'un désengagement remettrait en cause l'Ecole supérieure de l'image inscrite de façon cohérente dans le développement de Poitou-Charentes, les enseignants qui viennent d'être recrutés ne pourraient être payés.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 4 mars 1998


SCRUTIN (n° 79)



sur l'amendement n° 1, présenté par M. Louis Souvet au nom de la commission des affaires sociales, tendant à supprimer l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (réduction à 35 heures de la durée légale hebdomadaire du travail effectif des salariés).

Nombre de votants : 316
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 218
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 15.
Contre : 6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstention : 1. - M. Guy Cabanel.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 93.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Gérard Larcher, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :

Pour : 56.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Pour : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Lylian Payet.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent


Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstention


M. Guy Cabanel.

N'a pas pris part au vote


M. Lylian Payet.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 316
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour l'adoption : 219
Contre : 97

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 80)



sur l'amendement n° 7, présenté par M. Louis Souvet au nom de la commission des affaires sociales, tendant à supprimer les paragraphes I A, I, II, III bis et V de l'article 6 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (modification du régime de l'abattement de cotisations sociales patronales applicable au travail à temps partiel - art. L. 322-12 du code du travail).

Nombre de votants : 316
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 220
Contre : 96

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 16.
Contre : 6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 94.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :

Pour : 56.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Pour : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Lylian Payet.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët


François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent

Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

N'a pas pris part au vote


M. Lylian Payet.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 81)



sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.



Nombre de votants : 316
Nombre de suffrages exprimés : 316
Pour : 220
Contre : 96

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 16.
Contre : 6. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 94.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 74.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (57) :

Pour : 56.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 45.


Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour : 9.
N'a pas pris part au vote : 1. - M. Lylian Payet.


Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua


Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch



Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret



Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent


Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

N'a pas pris part au vote


M. Lylian Payet.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Michel Dreyfus-Schmidt, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.