Séance du 28 mai 1998







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Comme je l'indiquais lors de mon intervention générale, dans la question du dopage puisse notre pays faire oeuvre de novateur en manifestant sa volonté de régler un problème qui vient ternir la performance des athlètes.
Les nombreux amendements apportés au texte par la commission, dont l'objet visait essentiellement à améliorer la rédaction initiale, illustrent l'intérêt de notre Haute Assemblée pour des problèmes qui touchent à la fois à la santé publique, mais aussi à l'éthique et au respect de la loyauté.
De nombreux acteurs du monde sportif, entraîneurs, médecins, bénévoles, les sportifs eux-mêmes attendent de notre législation des réponses adaptées à cette délicate question du dopage.
Je pense que nous avons contribué à cette tâche, la richesse de notre débat en témoigne. A cet égard, je tiens à remercier M. le président de la commission et M. le rapporteur.
Les jalons posés nous permettront, à n'en pas douter, d'aller plus loin encore, notamment auprès de nos partenaires européens ; la richesse des manifestations sportives prévues dans notre pays doit nous y aider.
Notre groupe, quant à lui, s'est attaché à introduire dans le texte initial des précisions pour tout ce qui relève de son volet préventif et du développement de la recherche fondamentale.
Je pense que ces questions reviendront très vite sur le devant de la scène, le dopage souffrant, selon nous, moins d'un excès de science que de l'inverse.
Notre volonté de lutter contre la dérive antinaturelle du sport ne nous empêche pas d'apprécier les performances et les exploits. Nous les avons fêtés lors des derniers jeux Olympiques et, tout dernièrement encore, au Sénat, en présence de M. Jean Faure, président du groupe des sports, et en votre présence, madame la ministre, quand nous avons reçu une cinquantaine de sportifs de haut niveau, dont Stéphane Diagana, Marie-Claire Restoux et Patrice Martin.
Madame la ministre, afin de soutenir l'action qui est la vôtre, afin de vous soutenir dans votre combat contre les multiples fléaux qui viennent ternir l'image du sport et dans l'attente d'une grande réforme de la loi de 1984, dans l'attente aussi d'un bon budget pour la jeunesse et les sports, notre groupe apportera ses suffrages au texte qui nous est proposé.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je salue à mon tour ce texte, parce qu'il lance un signe au pays, à ce pays qui, les sondages l'ont montré, aspire à un sport propre qui soit, en même temps, un modèle à suivre pour les autres.
Ne sous-estimons pas l'influence que peuvent avoir ces textes qui, fruit du travail collectif d'un gouvernement et d'un parlement, prennent valeur de référence et incitent d'autres gouvernements et d'autres parlements à faire de même, au risque, s'il ne le font pas, de trahir leur appartenance au camp des fraudeurs.
Il ne faut jamais sous-estimer non plus la capacité de l'homme d'acquérir en fin de compte des comportements normaux, je veux dire dignes de l'humanité, comportements que l'on qualifie trop souvent d'éthiques, à tort, car le mot a un autre sens.
Il faut savoir persévérer même dans les situations sombres, fort de la conviction que l'homme a vocation à devenir de plus en plus maître de lui-même et donc de la société dans laquelle il se meut.
Mais enfin, le dopant le plus grave, c'est l'argent, ce sont ces sommes que l'on met à la disposition des sportifs et qui deviennent d'autant plus nécessaires que nous nous enfonçons dans une économie ultra-libérale fondée sur une course à la richesse et au pouvoir. Et c'est ainsi que, paraît-il, trois cent cinquante-huit personnes parmi les plus riches du monde jouissent de l'équivalent d'un an de salaire de 2,6 milliards de pauvres ! Nous vivons donc dans une société de plus en plus déséquilibrée où l'on cherche par tous les moyens à gagner de l'argent ; les médias jouent, eux aussi, un rôle très négatif en la matière.
Voilà pourquoi il était bon que ce texte intervienne, qui apporte une sorte de souffle de pureté dans un air, il est vrai, quelquefois bien pestilentiel.
Cela étant, je regrette que mes amendements et mon sous-amendement sur les fins thérapeutiques n'aient pas été retenus, car ils avaient à mes yeux une grande importance. Ce n'est évidemment pas une raison suffisante pour ne pas voter ce projet de loi, mais je relève ici une certaine contradiction avec l'ambition affichée de réduire certaines tentations : l'argument thérapeutique pouvait éviter bien des risques.
Quant au nombre de laboratoires, j'estime sans doute nécessaire une possibilité de contre-expertise, mais je crains aussi que la nécessité d'équiper deux laboratoires et non pas un seul ne nous condamne à travailler dans la moyenne et non dans l'excellence. D'autant que l'on peut imaginer des relations avec des laboratoires étrangers, puisque le CIO en reconnaît vingt-cinq, ce qui permettrait de diminuer les risques de modification ou de substitution des prélèvements - les urines, en l'occurrence - pendant leur transfert.
Pour arriver à des résultats indiscutables, mais d'autant plus difficiles à justifier que l'on prend souvent trop en considération les critiques dont ils font l'objet, il faut sûrement disposer d'un laboratoire d'analyses qui atteigne un niveau d'excellence tel que ses méthodes ne puissent pas être mises en cause.
C'est pourquoi la recherche doit se poursuivre et aboutir à des solutions qui donneront toute sa valeur à ce texte.
Bien évidemment, le groupe socialiste votera ce projet de loi tel qu'il ressort de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, tous, ici, nous souhaitons que la lutte contre le dopage soit renforcée. Le projet de loi que nous venons d'examiner a l'ambition de traduire cette volonté unanime.
Cependant, si l'objectif affiché est bon, le texte lui-même comporte quelques faiblesses.
Plus déclaratives que normatives, les dispositions relatives à la surveillance médicale avaient besoin d'être simplifiées et clarifiées. Je félicite et remercie M. le rapporteur pour le travail qu'il a effectué dans ce sens.
De même, si la création du conseil de prévention et de lutte contre le dopage, autorité administrative indépendante, semble être une solution efficace pour animer la politique de prévention, tout d'abord, et de répression, ensuite, de ces manoeuvres frauduleuses, on peut regretter que ses missions apparaissent limitées. Il est indispensable qu'elles soient élargies encore afin de lui permettre, notamment, de jouer un rôle renforcé d'impulsion et de coordination dans la recherche médicale sur le dopage.
Nous sommes en effet encore relativement ignorants sur de multiples implications médicales, ce qui interdit que les procédures disciplinaires se déroulent dans un climat serein et ce qui empêche que les sanctions qui en découlent soient incontestées. Mes chers collègues, la biologie n'est pas une science mathématique !
Dans ce domaine encore, la commission des affaires culturelles a proposé de sensibles améliorations par rapport au texte initial.
Madame le ministre, je vous encourage vivement à poursuivre les négociations internationales en vue d'une généralisation de ces mesures, car il serait difficile d'admettre que, dans des compétitions internationales, nos concurrents puissent bénéficier d'un certain laxisme en la matière.
On peut, il est vrai, regretter les implications financières du sport de haut niveau. Cependant, permettez-moi de réagir - oh ! amicalement - aux propos qu'a tenus M. Sérusclat : mon cher collègue, le dopage n'est pas le fruit direct du libéralisme. Il n'y a pas si longtemps, on a mis en évidence, à l'Est, un phénomène de dopage pratiqué par certaines nations pour affirmer leur présence sur la scène internationale, ce qui a, du reste, relativisé quelque peu leurs performances.
Pour toutes ces raisons, pour le travail accompli par la commission et par notre assemblée, le groupe du RPR votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs non inscrits tiennent à s'affirmer clairement dans la ligne d'une politique efficace de santé publique et de lutte énergique de tous contre le dopage, par la mobilisation des pouvoirs publics, des mouvements sportifs, des pratiquants et des licenciés, politique qui connaît une triple forme : prévention systématique, d'abord ; contrôle efficace, ensuite ; répression forte, tant à l'égard de l'usager que des pourvoyeurs de produits dopants, enfin.
Un constat s'impose, en effet : le dopage - cette nouvelle « toxicomanie de l'effort », comme on la surnomme souvent - suscite d'autant plus l'inquiétude et la réprobation qu'elle mine, jour après jour, l'éthique même du sport qui reste, tant en France qu'à l'étranger, l'un des bons instruments d'intégration sociale et de formation quotidienne au civisme.
Bien évidemment, nous regrettons que le dispositif de régulation et de sanction instauré par la loi du 28 juin 1989 « relative à la prévention et à la répression de l'usage de produits dopants à l'occasion des compétitions et manifestations sportives » se soit révélé insuffisant. L'échec de la commission nationale de lutte contre le dopage en est la preuve. On a également noté que près d'une infraction sur deux constatées chaque année ne faisait jamais l'objet d'aucune sanction.
Ce n'est pas une raison pour se décourager et baisser les bras. Le dopage est un sujet trop sérieux pour être abandonné et surtout banalisé. Les stéroïdes et la dopamine ne doivent pas être confondus avec la pilule Viagra...
Nos efforts doivent en conséquence - et plus que jamais - être poursuivis en termes tant d'information, d'éducation et de formation des pratiquants ou des formateurs que de recherche scientifique et de surveillance médicale accrue des sportifs de haut niveau. Tel est le sens du texte du Gouvernement, que nous approuvons, et des travaux de la commission des affaires culturelles. Nous en remercions son président, M. Gouteyron, et son rapporteur, M. Lesein, dont nous avons apprécié la clarté des analyses et la justesse des propositions.
Convaincus que ce texte permettra une meilleure prévention, une lutte plus efficace contre le dopage et un plus grand suivi médical non seulement des pratiquants occasionnels, mais aussi et surtout des sportifs de haut niveau, c'est de manière unanime que les sénateurs non inscrits voteront ce texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le rappporteur.
M. François Lesein, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, j'ai eu grand plaisir à rapporter ce texte devant notre assemblée, d'abord parce que je suis un habitué, en tant que rapporteur pour avis du budget de la jeunesse et des sports, ensuite parce que nous travaillons toujours, au sein de notre commission, dans la sympathie et le souci de la conciliation.
La raison en est simple. Le sport ne peut être rattaché à aucun mouvement politique. Vouloir un sport pur et de qualité, vouloir l'épanouissement de la jeunesse par le sport, ce n'est ni de gauche, ni de droite, ni du centre. Cela relève de notre responsabilité à tous. C'est sans doute la raison pour laquelle on éprouve un réel plaisir à traiter ces dossiers.
Comme nous avons pu l'entendre, la création d'une autorité administrative indépendante tient du pari, mais ce pari peut être gagné pour peu que nous le voulions tous, nous et les instances responsables des différents ministères intéressés, car il y a là une action transversale importante à considérer.
Ce pari sera d'autant mieux gagné si nous arrivons à éradiquer l'argent sale dans le sport.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. François Lesein, rapporteur. C'est là que le bât blesse le plus. Pour faire plaisir à mon excellent collègue M. Franck Sérusclat, je dirai que la meilleure thérapeutique pour avoir un sport pur, digne et de bon niveau moral, avant qu'il soit de haut niveau, c'est en effet l'éradication de l'argent sale.
Les membres du Rassemblement démocratique et social européen, auquel j'appartiens, voteront à l'unanimité ce projet de loi, non pas parce qu'il a été rapporté par l'un d'entre eux, mais parce qu'ils croient beaucoup à la vertu du sport et en la jeunesse de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR. - MM. Trucy et Habert applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

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