Séance du 16 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 515, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 73 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du second alinéa de l'article 5-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, les mots "est conclue au plus tard le 31 décembre 1998" sont remplacés par les mots "doit être conclue, au plus tard, deux ans après la date de publication du décret prévu à l'article 27 quater ". »
« II. - Le premier alinéa de l'article 5 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance est abrogé.
« III. - Le même article 5 est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les montants maximum et minimum de la prestation pour chaque niveau de dépendance défini par la grille nationale visée à l'alinéa précédent sont fixés, d'une part pour les personnes hébergées en établissement, d'autre part pour les personnes âgées résidant à leur domicile, par le règlement départemental d'aide sociale.
« Compte tenu des règles de tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées, un décret peut fixer, pour chaque niveau de dépendance, des seuils minima pour les montants de la prestation mentionnés à l'alinéa précédent, par référence à la majoration pour aide constante d'une tierce personne, mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement comprend deux parties.
Le paragraphe I permet de faire en sorte que les conventions qui sont prévues par la loi du 30 juin 1975 et qui doivent être conclues au plus tard le 31 décembre 1998 puissent être reportées deux ans après la date de publication du décret sur la tarification.
Le paragraphe II vise à permettre au Gouvernement de fixer par décret les montants maximaux et minimaux de la prestation spécifique dépendance pour chaque niveau de dépendance.
Comme vous le savez, le Gouvernement est soucieux d'une juste application de la loi du 24 janvier 1997 instituant cette prestation. Sans doute, et je l'ai dit à plusieurs reprises, cette loi est-elle perfectible et, au fur et à mesure des bilans que nous réaliserons, nous verrons comment la perfectionner.
En attendant, elle a constitué une première tentative de mettre en place une aide aux personnes âgées dépendantes et comporte, je l'ai souvent dit, plusieurs avancées par rapport à la situation antérieure.
D'abord la loi rend possible la prise en compte du degré de dépendance de la personne âgée grâce à la grille AGIR, qu'elle met en place.
Ensuite, la loi permet d'évaluer le degré de dépendance en fonction non seulement de l'état de santé de la personne, mais aussi de son environnement, et ce grâce à une équipe spécialisée pluridisciplinaire comprenant, évidemment, une équipe médicale, mais aussi une assistante sociale, qui prend en compte l'environnement réel dans lequel vit la personne âgée.
Enfin, la loi autorise la passation de conventions entre les départements et les caisses primaires d'assurance maladie en vue d'assurer les conditions d'une prise en charge des personne âgées.
Voilà pour les points positifs.
D'autres points ont fait l'objet de critiques et seront réexaminés à l'occasion du bilan qui est prévu dans la loi et qui doit être établi au mois de juin.
A plusieurs reprises - en octobre dernier et, plus récemment, en mars - j'ai déjà été amenée à faire un bilan de l'application de la prestation spécifique dépendance, bilan que le Gouvernement n'a pas jugé satisfaisant, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, un certain nombre de départements n'ont toujours rien fait - ils sont six.
Ensuite, les conventions qui devaient être passées entre les départements et les caisses primaires d'assurance maladie ne le sont pas encore dans un grand nombre de départements.
Enfin, les prestations et les montants des prestations versées varient de manière extrêmement importante d'un département à l'autre, et pas toujours pour de bonnes raisons, c'est-à-dire pas toujours en fonction du coût réel de la journée dans les établissements spécialisés.
Si le Gouvernement souhaite que la loi continue de s'appliquer - en effet, si nous voulons que les personnes âgées dépendantes soient prises en charge dans de bonnes conditions, il faut bien qu'elle s'applique - il souhaite aussi être en mesure de fixer, par décret, des minima par grands groupes de dépendances.
Il est clair que cette prestation spécifique dépendance n'aura son véritable sens que lorsque la réforme de la tarification des établissements aura été mise en place.
En fait, aujourd'hui, dans les prestations versées aux établissements, la partie dépendance n'est pas aisément perceptible : il est très difficile de déterminer ce qui relève de la dépendance, de la maladie, de l'hébergement, dans la prise en charge des personnes âgées.
Ainsi, un certain nombre d'établissements font supporter par la partie dépendance ce qui relève de soin, alors que certains autres donnent l'impression d'être médicalisés alors qu'un médecin libéral passe seulement de temps en temps pour délivrer des ordonnances aux personnes concernées.
Il est donc important de réaliser cette réforme de la tarification, non seulement pour déterminer les financeurs et la part assumée par chacun d'eux, mais aussi pour accroître la transparence dans le fonctionnement des établissements, et afin que soit bien claire pour chaque personne âgée la catégorie dont relève sa prise en charge.
Le Gouvernement a déjà préparé ces décrets de tarification, qui ont fait l'objet d'une concertation au niveau des services et qui, dès cette semaine, doivent donner lieu à une concertation générale afin d'être publiés, assortis de modifications éventuelles, dans les plus brefs délais - j'espère cet été. Ils constitueront la base de calcul du montant de la prestation spécifique dépendance. C'est après avoir dressé un bilan de la réalité de la prestation spécifique dépendance que, s'il en est besoin, le Gouvernement prendra le décret fixant les minima.
J'espère ne pas avoir à intervenir car je souhaite que, lors de l'établissement des conventions avec les établissements, les règles de répartition des frais entre l'assurance maladie et les départements soient appliquées convenablement afin que les personnes âgées dépendantes puissent, d'une part, bénéficier de la prestation spécifique dépendance - qui, aujourd'hui, n'est versée qu'à très peu d'entre elles - et, d'autre part, percevoir cette prestation dans des conditions qui prennent en compte la qualité réelle des établissements dans lesquels elles sont placées.
Tel est l'objet de cet amendement, qui, je le répète, donne au Gouvernement la possibilité de fixer des montants minima en cas de nécessité et qui repousse la date du 31 décembre 1998 - date qui n'est pas du tout réaliste - à deux ans après la publication du décret, ce qui devrait permettre de conventionner les quelque 9 000 établissements qui, aujourd'hui, reçoivent des personnes âgées.
Si ce délai n'était pas allongé, à partir du 31 décembre 1998, un certain nombre d'établissements ne pourraient plus, faute de conventionnement, recevoir des personnes âgées dépendantes.
Au fur et à mesure de l'établissement des bilans, nous aurons l'occasion de discuter des décisions à prendre, à la fois pour améliorer la loi et pour faire en sorte que son application soit le plus favorable possible aux personnes âgées qui sont réellement dépendantes, à la fois physiquement et financièrement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement déposé par le Gouvernement est le résultat d'un compromis entre le Sénat et le Gouvernement.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que le Gouvernement avait fait adopter, en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale, deux articles additionnels au projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Le premier repoussait du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2000 la date d'achèvement de la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Le second prévoyait qu'un décret fixerait des montants maxima et minima de la PSD - la prestation spécifique dépendance - à domicile et en établissement.
A la demande de la commission des affaires sociales, ces deux articles additionnels avaient été supprimés le 27 mai par le Sénat lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi portant DDOEF.
Probablement inquiet des risques d'inconstitutionnalité de la procédure utilisée, le Gouvernement avait finalement décidé de faire supprimer par l'Assemblée nationale ces deux articles lors de la lecture définitive du texte, le 3 juin.
Toutefois, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, avait, à cette occasion, indiqué que ces dispositions seraient reprises dans le projet de loi de lutte contre les exclusions.
Notre commission, par la voix de son président, a alors fait savoir au Gouvernement que le dépôt de dispositions identiques serait inacceptable.
Le texte qui nous est aujourd'hui proposé tient compte des réserves exprimées par le Sénat.
Notre assemblée avait en effet souligné que les dysfonctionnements de la PSD en établissement provenaient avant tout de l'absence de réforme de la tarification, réforme sur laquelle devait précisément reposer la prestation spécifique dépendance en établissement. Dès lors, toute modification législative ou réglementaire du dispositif de la PSD apparaissait prématurée.
Le Gouvernement a compris cette position de principe, qui faisait de la publication des textes porteurs de la réforme de la tarification le préalable à l'éventuelle publication d'un barème de minima nationaux.
L'amendement présenté par le Gouvernement prévoit, tout d'abord, que les conventions tripartites entre les établissements, l'assurance maladie et les départements devront être conclues dans les deux ans suivant la publication du décret porteur de la nouvelle tarification.
Il prévoit également qu'un décret pourra fixer des montants minima de PSD « compte tenu des règles de tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées », c'est-à-dire des règles résultant de la nouvelle tarification.
Ce dispositif législatif est complété par l'exposé des motifs de l'amendement et par les engagements que vient de prendre Mme Martine Aubry lors de la présentation de cet amendement.
Ces éléments permettent d'éclairer les intentions exactes du Gouvernement.
Le bilan annuel prévu par l'article 1er de la loi du 24 janvier 1997 sera réalisé prochainement sur la base des statistiques arrêtées au 30 juin prochain.
Les textes réglementaires porteurs de la nouvelle tarification seront publiés « dans les plus brefs délais », soit au cours de l'été.
Au vu des résultats qui suivront la publication de ces textes, le Gouvernement décidera ou non de prendre le décret fixant des minima nationaux pour la PSD. Il ne prendra un tel décret que si cela s'avère nécessaire. Mme la ministre a bien voulu préciser qu'elle ne souhaitait pas, justement, être conduite à prendre un tel décret.
Dans ces conditions, cet amendement semble tout à fait acceptable, et je vous propose, mes chers collègues, conformément à la décision de la commission, de lui donner un avis favorable.
J'aurai cependant une question à vous poser, madame la ministre.
Le futur troisième alinéa de l'article 5 de la loi du 24 janvier 1997 permet au Gouvernement de fixer des minima de la PSD par décret.
S'applique-t-il uniquement à la PSD en établissement, comme pourrait le laisser croire la référence aux « règles de tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées », ou concerne-t-il également la PSD à domicile, comme peut le laisser supposer la référence aux « montants de la prestation » mentionnés à l'alinéa précédent ?
La rédaction de l'amendement laisse planer une ambiguïté, et j'aimerais que vous nous précisiez, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, si le Gouvernement a été amené à déposer deux amendements de manière un peu rapide, qui a pu choquer certains sur tous les bancs, c'est parce que le bilan relatif à l'application de la loi du 24 janvier 1997, qui nous a été communiqué voilà trois semaines, n'était pas satisfaisant.
Il nous avait alors été conseillé de les présenter lors de l'examen du DDOEF. Finalement, en raison d'un risque d'inconstitutionnalité, comme l'a dit M. le rapporteur, nous avons préféré en insérer les dispositions dans le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions.
Je me réjouis que nous soyons tombés d'accord.
La volonté du Gouvernement était bien de procéder à la réforme de la tarification. Je ne l'aurais pas préparée depuis mon arrivée au ministère, je n'aurais pas déjà procédé à une consultation au niveau des services, si ma volonté n'avait pas été telle.
Il n'y avait donc pas de désaccord sur le fond entre le Sénat et le Gouvernement. Vous avez souhaité que je dise ce que je comptais faire. Je n'ai aucune difficulté à répondre à votre souhait puisque c'était mon intention.
A votre question, monsieur le rapporteur, je répondrai que c'est bien pour la tarification de la PSD en établissement que les seuils minima pourront être définis par décret.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 515.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Je voudrais tout d'abord, madame la ministre, vous remercier d'avoir fait retirer par l'Assemblée nationale les articles additionnels que le Sénat avait rejetés manifestant ainsi votre volonté de dialogue et donnant du temps pour qu'un meilleur texte soit élaboré.
Je voudrais vous remercier également de votre disponibilité.
Acceptez que nous puissions aussi remercier vos collaborateurs, qui ont su faire preuve d'imagination dans cette affaire.
Cet amendement nous semble marquer la reconnaissance de la prestation spécifique dépendance comme procédé de prise en charge de la dépendance dans notre pays.
Pour ma part, je pense que le dispositif de prestation spécifique dépendance, qui peut et qui doit être perfectionné dans un certain nombre de ses modalités, est, dans son principe intéressant et constitue une prestation moderne d'aide sociale.
Cette prestation prend en compte à la fois l'état de dépendance et les revenus de la personne âgée.
Il s'agit d'une prestation individualisée, qui est servie assez largement, puisque les titulaires de revenus moyens peuvent y prétendre.
La PSD est aussi - c'est une autre de ses qualités - une aide en nature. Cela a été ressenti pour ce qui est de la PSD servie à domicile.
Grâce à l'amendement que vous nous présentez, madame la ministre, vous allez pouvoir faire en sorte que la PSD servie en établissement soit également une aide en nature. Je suis presque tenté de dire que cet amendement n° 515 va donner tout son sens à la PSD.
La loi du 24 janvier 1997 avait certes posé des principes, mais, jusqu'à présent, la PSD servie en établissements ne pouvait pas s'appliquer autrement que comme un moyen de solvabilisation complémentaire.
Dès lors qu'interviendra une réforme de la tarification, qui permettra à la personne âgée et à sa famille d'y voir un peu plus clair, de percevoir quelles sont les prestations qui lui sont servies au titre de sa dépendance, nous donnerons tout son sens à la PSD.
C'est la raison de fond qui nous amène à soutenir cet amendement.
Par ailleurs - c'est peut-être accessoire, mais néanmoins important - l'amendement met fin à la querelle des chiffres.
Il est extrêmement difficile de disposer de statistiques sûres dans le domaine social. Je souhaite donc que l'Etat et les collectivités locales - plus spécialement les départements - transmettent régulièrement les chiffres exacts au niveau central, afin qu'un bilan clair de la PSD puisse être établi. Si des améliorations méritent d'être apportées, notamment en ce qui concerne les GIR 3 et 4, ou en ce qui concerne la somme recouvrable sur successions, nous sommes ouverts à toutes les suggestions qui pourraient être faites à la suite de l'examen des différents bilans.
Cela étant posé, la loi doit être appliquée dans son esprit, et nous sommes tout à fait d'accord pour que le Gouvernement prenne les mesures ad hoc : si, après la publication des décrets de tarification, il apparaissait que certaines collectivités ne mettent pas en oeuvre la nouvelle règle à cet égard, il serait normal, voire nécessaire, que le Gouvernement fasse appliquer des minima par décret.
Nous souhaitons donc que l'esprit de dialogue qui a présidé au dépôt de cet amendement vous guide également, madame la ministre, dans l'élaboration des décrets relatifs à la tarification.
Je dirai pour conclure que nous voterons d'autant plus volontiers cet amendement qu'il permet de démontrer le rôle éminemment utile du Sénat.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Voilà plus d'un an, le Parlement adoptait une loi dont l'objectif annoncé était de mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'instauration d'une prestation spécifique dépendance.
Les parlementaires socialistes avaient refusé de voter ce texte, car ils estimaient que la logique dans laquelle s'inscrivait cette nouvelle prestation était en complet décalage avec l'ampleur des enjeux de la prise en charge de la dépendance des personnes des troisième et quatrième âges.
Parce que nous pressentions que cette loi portait en elle les germes des inégalités que chacun constate aujourd'hui, nous avions déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci, prenant acte du positionnement de la PSD dans le champ de l'aide sociale, n'avait pu que rappeler la liberté de manoeuvre des conseils généraux en la matière.
Intervenant au nom du groupe socialiste, j'avais exprimé nos doutes sur la réalité de l'amélioration de la situation des personnes âgées en raison de l'absence d'engagement financier supplémentaire, de l'effet dissuasif de la récupération sur succession sur l'ensemble des légataires - contrairement à ce qu'il en est concernant l'allocation compensatrice pour tierce personne - des risques qu'il y avait à confier au financeur de la PSD l'évaluation des handicaps, ou encore des inéluctables dérives de la contractualisation de gré à gré.
Bref, les personnes âgées et leur famille allaient au-devant de bien des désillusions et de bien des difficultés, ce qui devait correspondre à un progrès ne pouvant que déboucher sur d'immenses drames.
Mes chers collègues, après quelques mois de fonctionnement, nous y sommes.
Les constats dressés par les acteurs de la prise en charge de la dépendance sont édifiants. Chacun de nous a pu prendre connaissance du livre noir de la PSD élaboré par le comité de vigilance, qui illustre, au fil de cas personnels concrets, le bien-fondé de toutes les craintes que nous avions exprimées.
En revanche, s'il est un objectif que la loi de 1997 a parfaitement atteint, c'est bien celui de la maîtrise des dépenses des départements dans ce domaine. L'évaluation de l'ODAS fait état d'une diminution des dépenses liées à l'ACTP de 400 millions de francs et de celles qui ont trait à la PSD de 100 millions de francs.
Madame la ministre, en octobre 1997, vous aviez mis en garde certains conseils généraux contre la persistance d'inégalités trop criantes, mais vous estimiez qu'il était « nécessaire d'attendre au moins la fin de la première année de fonctionnement pour avoir suffisamment de recul avant d'envisager une réforme législative ».
L'amendement que vous nous proposez a tout d'abord pour objet de repousser à l'an 2000 la date butoir pour la signature des conventions tripartites, en raison des délais supplémentaires requis pour la mise en oeuvre de la réforme de la tarification, qui devrait s'articuler autour de l'état de la personne et non plus du statut de la structure d'hébergement.
Il vise ensuite à fournir au Gouvernement un outil lui permettant d'intervenir si des inégalités intolérables persistaient d'un département à l'autre, l'Etat jouant ainsi son rôle de garant de la cohésion nationale.
Madame la ministre, vous liez votre intervention sur les minima à la réforme de la tarification. S'il faut reconnaître le bien-fondé de cette articulation, il faut alors aussi exclure toute précipitation. En effet, et vous vous y êtes engagée, une étroite concertation doit s'engager non seulement avec les financeurs, mais également avec l'ensemble des acteurs de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Dans ces conditions, on peut imaginer qu'un point pourrait être fait à l'automne prochain.
Il reste que, même après l'adoption de cet amendement susceptible de mettre un terme à certaines pratiques abusives, la loi de 1997, qui fut adoptée « en l'attente », ne peut tenir lieu de politique de prise en charge de la dépendance.
La génération actuellement concernée par la PSD est principalement celle qui a été cruellement frappée par les deux guerres mondiales, et les évolutions démographiques de notre pays ne peuvent qu'engendrer des besoins supplémentaires.
Dès lors, comment penser sérieusement que les conseils généraux pourront continuer à assumer une responsabilité de plus en plus lourde, de plus en plus exigeante ?
Je souhaite que le débat que nous amorçons à l'occasion du bilan d'une année de fonctionnement de la PSD soit l'occasion de relancer la réflexion sur de nouvelles orientations dans ce domaine, notamment en termes de financement.
Nous mesurons parfaitement les contraintes liées à ce financement, et nous ne pensons pas qu'il soit réaliste d'imaginer immédiatement la création d'un cinquième risque.
M. le président. Je vous demanderai de bien vouloir conclure, madame.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je conclus, monsieur le président.
Nous suggérons cependant que soit très rapidement mise à l'étude la possibilité de financements associés. Faire intervenir, par exemple, la solidarité intragénérationnelle en complément des financements des conseils généraux nous paraît aujourd'hui envisageable, au moins dans une première étape.
Je crois que les personnes âgées n'y sont pas opposées, tant leurs inquiétudes sont fortes. D'ailleurs, les banques et les assurances ne s'y trompent pas lorsqu'elles multiplient les formules de plan permettant de constituer une épargne en perspective du grand âge.
Madame la ministre, ce chantier-là ne sera pas simple ! Cependant, il s'impose à nous. En attendant de s'y engager avec vous, les sénateurs socialistes voteront votre amendement, qui leur apparaît comme un bon palliatif. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Madame le ministre, votre amendement est plein d'enseignements.
Tout d'abord, il conforte la loi de janvier 1997 instituant la prestation spécifique dépendance, loi qui a pris naissance ici, au Sénat, et qui résulte de nos travaux.
En même temps, il conforte les principes sur lesquels cette loi repose : principe de décentralisation et de responsabilité locale, principe de prestations en nature accordées selon une grille tenant compte de l'état physique des personnes, et cela sans aucune démagogie, dans l'unique souci de bien cerner les situations individuelles et familiales.
J'observe par ailleurs, après avoir entendu Mme Dieulangard, que règne sur ce sujet un certain trouble chez vos amis politiques ou au sein de la base qui vous soutient. En effet, beaucoup demandaient et demandent encore que, à la conception empirique que nous avons fait prévaloir ici, on substitue une conception beaucoup plus systématique, se traduisant par l'institution d'un nouveau risque au sein du système de sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Philippe Marini. Or l'amendement que vous nous soumettez, madame le ministre, montre que vous vous ralliez à nos raisons et à notre analyse, ce dont je ne peux que me réjouir, d'autant que vous le faites après un pas de clerc - je veux parler de l'épisode du DDOEF - et après avoir observé que les réactions de l'Association des présidents de conseils généraux et d'un grand nombre de sénateurs fixaient des limites à ne pas franchir.
Même si ce système doit demeurer décentralisé, il faut néanmoins instituer des garde-fous. Par cet amendement, vous permettez au Gouvernement de les tracer, et je m'en félicite, car la prestation spécifique dépendance que nous avons définie doit être mise en place honnêtement, de manière constante ou aussi constante que possible, et il ne faut pas que quiconque puisse être tenté de traîner les pieds.
Le dispositif arrêté à la suite de la concertation de ces dernières semaines se situe bien dans l'esprit de la loi du 24 janvier 1997.
Compte tenu de tous les efforts qui avaient été réalisés par la commission des affaires sociales, en particulier par son président, pendant un certain nombre d'années pour enclencher ce processus, je ne peux que voter un amendement qui tend à le prolonger.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Vous permettrez à celui qui a été le rapporteur de la proposition de loi résultant de l'initiative prise par le président Jean-Pierre Fourcade et de nombreux membres de la commission des affaires sociales du Sénat, proposition de loi qui est devenue la loi du 24 janvier 1997, de donner son sentiment sur l'amendement qui nous est présenté par le Gouvernement.
Comme mes collègues MM. Michel Mercier et Philippe Marini, je me réjouis de constater que le Gouvernement conforte ainsi l'initiative du Sénat et confirme le bien-fondé de la démarche que nous avions entreprise puisque cet amendement ne remet nullement en cause l'économie générale de la loi de 1997.
Vous allez même plus loin, madame le ministre ; forte du bilan dont vous avez pris connaissance, vous avez en effet considéré qu'il était souhaitable de prendre une nouvelle mesure pour avancer encore dans la mise en oeuvre de la prestation spécifique dépendance.
Il est évident que cette démarche ne peut que nous agréer et nous inciter à voter cet amendement.
Je veux cependant, madame le ministre, appeler votre attention sur la nécessité d'agir le plus rapidement possible en ce qui concerne la réforme de la tarification.
Vous avez pris aujourd'hui - à cet égard - des engagements très clairs, nous assurant que les décrets d'application allaient être très prochainement publiés ; j'espère qu'ils le seront effectivement avant la fin du mois de juin comme cela a été indiqué à la commission des affaires sociales.
Il apparaît clairement que c'est l'absence de réforme de la tarification qui est à l'origine de la position frileuse d'un certain nombre de départements, qui ont préféré adopter un profil bas, attendant que cette réforme soit décidée pour s'engager plus avant dans la mise en oeuvre de la prestation dépendance en établissement. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté à cet égard.
Je note également avec satisfaction que vous manifestez la même détermination que celle dont avait fait preuve votre prédécesseur, M. Barrot,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dommage qu'il n'ait pas fait la réforme !
M. Alain Vasselle. ... qui avait, lui aussi, beaucoup travaillé - certains de ses collaborateurs sont d'ailleurs à vos côtés aujourd'hui - pour engager la réforme de la tarification.
Je remercie notre rapporteur, M. Seillier, d'avoir obtenu de votre part une réponse claire sur la question de savoir si, après la parution des décrets relatifs à la réforme de la tarification, dans l'hypothèse où vous seriez amenée à prendre le décret visant à instituer des minima et des maxima, ceux-ci s'appliqueraient à la fois à domicile et en établissement.
Vous avez précisé que le dispositif ne s'appliquerait qu'en établissement. Il est bien évident qu'il aurait été extrêmement difficile de fixer un minimum à domicile. Les situations étant très variables d'un département à l'autre, d'une personne à l'autre, compte tenu des critères pris en compte pour le montant de la prestation, ç'aurait été un exercice particulièrement hasardeux.
Par conséquent, je ne doute pas que les départements qui pratiquaient des tarifs très bas, de 15 francs, comme le département des Landes, rejoindront très rapidement la moyenne, voire se rapprocheront des départements des Hauts-de-Seine, de l'Oise et de la Savoie, qui pratiquaient un tarif correspondant à ce que vous attendez de la mise en oeuvre de la prestation dépendance en établissement.
Je me réjouis enfin de l'attitude adoptée par le Gouvernement, qui a fait le choix de la concertation, renonçant à la méthode brutale qu'il avait employée lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
La solution proposée par le Gouvernement, qui résulte d'une négociation menée avec la commission des affaires sociales du Sénat et le président Fourcade, va permettre de préserver les principes fondateurs de la PSD et sauvegarder l'avenir de cette prestation. Puisse cela laisser présager une bonne coopération entre le Gouvernement et le Sénat pour faire évoluer à terme la PSD vers la prestation autonomie, tant souhaitée par la majorité, pour ne pas dire la quasi-unanimité, des membres du Parlement, et surtout par M. le Président de la République, qui a instamment invité le Gouvernement à s'engager et le Parlement à faire oeuvre utile sur cette question.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Face, d'une part, au vieillissement de la population - on estime à plus de 700 000 le nombre de personnes de plus de soixante ans souffrant de handicaps - et, d'autre part, à l'inadaptation des dispostifs existants - qu'il s'agisse de l'aide ménagère ou de l'allocation compensatrice pour tierce personne - en 1995, l'unanimité s'était faite sur l'urgence d'une réponse globale à la dépendance.
Or, au lieu d'opter pour une prise en charge de la dépendance des personnes âgées par la solidarité nationale, en concevant cette dépendance comme un cinquième risque, position que ma formation politique soutenait, le gouvernement de M. Chirac a choisi de traiter en assistés des personnes âgées qui, ayant cotisé toute leur vie, ont pourtant largement contribué au développement de la France.
Lors de l'examen de la loi du 24 janvier 1997, instituant la prestation spécifique dépendance, les parlementaires communistes s'étaient opposés à la mise en place, au niveau départemental, de ce dispositif d'aide social rémunérant en nature un service d'assistance pour la personne dépendante, considérant que cette prestation, modulée en fonction de l'incapacité de la personne et de ses ressources, mais à des conditions trop restrictives par rapport à l'ACTP, permettrait seulement de prendre en charge les personnes les plus démunies et les plus dépendantes.
Nous étions alors résolument contre cette prestation dépendance, la jugeant insuffisante et par trop inégalitaire.
Après un an, le bilan de cette réforme, inachevée, de la dépendance est malheureusement négatif à nos yeux. En témoigne le Livre noir de la PSD, conçu par une quinzaine d'associations qui prônent l'abrogation de la loi de 1997 et demandent une véritable prestation d'autonomie.
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez vous-même regretté les graves dysfonctionnements dans l'application de cette loi.
En effet, la direction de l'action sociale constate que, prévue initialement pour toucher, à terme, 300 000 personnes, la PSD ne serait servie qu'à 15 000 personnes âgées, de nombreux bénéficiaires potentiels restant exclus du fait du durcissement des conditions d'octroi et de l'effet dissuasif du recours sur succession.
De plus, lorsque les départements s'engagent pour financer la PSD, de fortes disparités apparaissent, tant selon les modes d'hébergement que d'un département à l'autre, certains allant même jusqu'à ne pas financer cette prestation. Ainsi, en raison des effets pervers de ce système et de sa mauvaise utilisation par les départements et les caisses de retraite, 100 millions de francs seulement auraient été consacrés à la prestation dépendance, une économie de 600 millions de francs étant réalisée pour 1997. Des rapports très objectifs sont nécessaires à cet égard.
Pour remédier à ces inégalités, le Gouvernement, dans le cadre du projet de loi portant DDOEF, avait tenté d'intervenir pour apporter des « correctifs », notamment en proposant de fixer nationalement un montant minimal de PSD, dispositions rejetées par la majorité sénatoriale soucieuse de préserver l'autonomie de ses présidents de conseils généraux. (M. Alain Vasselle proteste.)
Aujourd'hui, madame la ministre, vous introduisez dans le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions une disposition qui prévoit la réforme de la tarification dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, laquelle devra intégrer, à côté de la part faite aux soins et à l'hébergement, la part dépendance. Certes, la loi est là, mais nous aurions souhaité que les partenaires qui oeuvrent dans ce domaine soient davantage associés à ces modifications.
Les établissements auront à nouveau un délai de deux ans à compter de la précédente réforme pour négocier des conventions. Ensuite seulement, un décret pourrait intervenir pour fixer un montant minimal pour chaque niveau de dépendance. Les départements sont donc incités à modifier leurs pratiques ; s'ils n'obtempèrent pas, alors la sanction tombera !
Nous apprécions votre démarche, madame la ministre, qui tend à améliorer concrètement la situation de nombre de nos concitoyens. Pour cette raison, nous voterons votre amendement.
M. Charles Descours. Ah ?
M. Guy Fischer. Toutefois, je tiens à rappeler que, sur le fond, notre position est inchangée : nous rejetons la logique de la loi de 1997.
Nous attirons votre attention sur le fait que votre réforme devrait, nécessairement, s'accompagner non seulement d'une refonte de la grille AGIR, afin de satisfaire, notamment, les malvoyants, mais aussi d'une modification du niveau de recours sur succession.
De plus, nous serons attentifs au bilan qui sera présenté chaque année, soucieux de ne pas voir les établissements « payer les pots cassés » et les familles supporter encore le coût de ces mesures alors que, normalement, c'est un effort de la solidarité nationale, seule à la hauteur des enjeux, qui s'imposait. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. La prise en charge de la dépendance est au coeur de notre réflexion depuis quelques années. Elle a évolué entre la notion de cinquième risque et celle d'aide sociale.
Sans remonter aux calendes grecques, je rappelle simplement que le projet de loi de Mme Codaccioni, dont la discussion fut arrêtée en vol du fait de la formation du deuxième gouvernement Juppé en novembre 1995, prévoyait précisément une prestation autonomie qui faisait jouer la solidarité à la fois nationale, par le biais du Fonds de solidarité vieillesse, et départementale. Or, chacun s'en souvient, au moment même de l'annonce du remaniement ministériel, le Sénat débattait de cette prestation et M. Barrot, qui siégeait au banc du Gouvernement, nous assurait que la discussion serait poursuivie. On sait ce qu'il en est advenu par la suite !
Quelles que soient les critiques que nous devions ensuite formuler sur la proposition de loi sénatoriale, nous étions donc obligés de combler une lacune née de l'absence de prise en charge effective, sauf par l'ACTP, des problèmes de dépendance.
Cela a justifié le dépôt de la proposition de loi de M. Fourcade.
On en connaît les aspects positifs, tels que la prestation en nature, la grille des dépendances... Je n'insiste pas. Les points négatifs, on les connaît aussi, notamment le choix d'une prise en charge exclusivement par l'aide sociale et non plus par la solidarité nationale, les distorsions entre les départements, mais c'était dans la logique du texte, le tout, bien sûr, sur fond de réforme de la tarification.
S'agissant précisément de la réforme de la tarification et du minimum qui serait applicable dans tous les départements et qui serait fixé par décret si les départements n'arrivaient pas à une position raisonnable, je crois que la négociation qui a eu lieu entre le ministère et le président de la commission des affaires sociales a permis d'aboutir à une solution acceptable par tous. Il est difficile de faire mieux dans la situation présente.
Je vois dans ce petit affrontement davantage un problème de communication, d'incompréhension, qu'un problème de fond, les uns et les autres ayant le même souci de parvenir à une prise en charge correcte de la dépendance.
Dans un avenir proche, les départements, qui font aujourd'hui des économies, les verront automatiquement diminuer avec le poids de la démographie et l'alourdissement des handicaps et des prises en charge financièrement coûteuses qui en résulteront.
Nous serons donc, dans un avenir proche, les uns et les autres confrontés à l'obligation de faire une nouvelle lecture de ce problème pour aboutir à une prise en charge de la dépendance, sinon totale, du moins partielle, par la solidarité nationale. Il importera alors d'en revenir à un système de financement croisé pour un risque qui va peser inévitablement de plus en plus lourd.
Vous l'aurez compris, je suis favorable à l'amendement présenté par le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, avant un vote qui, je crois, va rassembler l'ensemble du Sénat, je tiens à vous remercier de votre ouverture d'esprit sur un sujet difficile et contesté : la décentralisation, semble-t-il, n'est toujours pas passée dans les moeurs et un certain nombre de présidents d'associations d'associations ou de présidents d'associations considèrent que, de la Lozère aux Hauts-de-Seine, la France entière doit être traitée selon les mêmes canons et que la diversité territoriale n'existe pas !
Comme vous l'avez rappelé très justement, ainsi que Mme Dieulangard, ce n'est pas quand le total des prélèvements sur le PNB au titre des cotisations sociales atteint 21,6% - chiffre record toutes catégories dans l'Union européenne ! - que l'on peut se permettre, sauf à être complètement irresponsable, de majorer les cotisations sociales et de créer un cinquième risque !
M. Charles Descours. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je remercie Mmes Dieulangard et Dusseau de l'avoir dit : on ne peut pas, à l'évidence, se lancer dans ce genre d'improvisation. Car, alors, quid de l'euro ? Quid du développement économique ? Quid de la lutte contre le chômage ? Bref, cela nous ramène à nos débats favoris.
La PSD ne vaut absolument pas le torrent de critiques qu'elle a pu susciter. Elle ne méritait pas davantage ce fameux Livre noir commis par quelques dirigeants d'associations - ils auraient certainement mieux employé leur temps à autre chose - qui ont oublié que, très souvent, les vraies questions étaient, d'une part, le passage de la prestation en espèces à la prestation en nature, d'autre part, la récupération sur succession, soit deux innovations que nous avons longuement méditées.
Je crois, madame la ministre, que la PSD a deux avantages.
Premièrement, elle comble une lacune de notre législation.
Voilà en effet six ans que la commission propose au Gouvernement de mettre en place un dispositif efficace pour prendre en charge les personnes âgées dépendantes, et ce en s'occupant de chaque personne et non pas d'une catégorie nouvelle de personnes âgées dépendantes. En effet, les unes et les autres ont non seulement des problèmes médicaux, mais aussi des problèmes d'environnement et des problèmes sociaux et doivent donc être suivies de manière globale et non pas fractionnée.
Deuxièmement, le grand intérêt de la loi de 1997 après l'expérimentation des années précédentes, c'est d'avoir imposé une coordination locale autour des personnes âgées.
L'idée de faire travailler ensemble les nombreux intervenants - le conseil général, les organismes de sécurité sociale, quels qu'ils soient, les associations, les collectivités, les mairies - est fondamentale ; il est ainsi démontré qu'on peut mieux dépenser les 15 milliards de francs que représente à l'heure actuelle l'aide aux personnes âgées dépendantes en coordonnant les actions et en réglementant au plan local l'activité des différents acteurs. On doit trouver là un certain nombre d'économies et de modifications possibles.
Le texte que vous nous proposez nous rassure, madame la ministre, sur la sortie prochaine des décrets de tarification.
Nous allons donc vers une tarification à trois niveaux : d'un côté, une aide médicale en fonction de l'état de la personne ; de l'autre, un forfait d'hébergement, qui concerne uniquement des prestations d'hôtellerie ; au milieu, une PSD, qui permet de raccorder les deux autres éléments et qui tient compte de l'état réel de la personne. C'est bien dans cette direction qu'il faut aller, à notre avis.
Nous comprenons parfaitement qu'il faille un certain temps pour passer toutes les conventions. Grâce à ce texte, qui institue une aide non pas monétaire mais effective aux personnes âgées dépendantes, et qui va enfin mettre un terme au grand désordre des établissements d'hébergement - il y en a de toute espèce et de toute nature - on peut penser que, d'ici à un ou deux ans, nous aurons apporté une contribution utile au traitement du problème des personnes âgées dépendantes.
Je tiens donc, au nom de la commission, à vous remercier, madame la ministre, de ce texte revu et corrigé, qui nous donne non pas toute satisfaction - un texte n'est jamais parfait ! - mais qui permet de faire avancer le débat et qui est davantage au service des personnes âgées dépendantes.
Les quelques départements qui, jusqu'a présent, pour des raisons parfois idéologiques, parfois financières - mais les deux motifs ont été mêlés ! - n'avaient pas accepté d'entrer dans le jeu de la PSD vont sans doute y entrer. Je souhaite que les quelques présidents de conseil général qui n'avaient pas vu qu'il était nécessaire de faire quelque chose seront maintenant incités à le faire dans de bonnes conditions.
Comme l'avait dit notre collègue Roland Huguet, président du conseil général du Pas-de-Calais et qui n'appartient pas à la même sensibilité politique que moi, il ne fallait pas, au motif que certains n'avaient pas appliqué le texte, punir l'ensemble des départements et des collectivités.
Vous l'avez parfaitement compris, madame la ministre.
Nous sommes d'accord pour vous donner un instrument de régulation qui permette d'éviter à l'avenir de trop grandes disparités sur le territoire national entre les personnes âgées dépendantes. Elles méritent toutes d'être prises en charge dans des conditions satisfaisantes.
Le cumul de la réforme effective de la tarification des établissements d'hébergement et de la possibilité qui vous est donnée de mettre en place des barèmes minima, avec peut-être, comme l'a dit M. Fischer - il a en effet raison - une modification de la grille AGIR car elle ne tient pas compte de tous les problèmes actuels des personnes âgées, notamment des problèmes de vue comme l'amblyopie, nous permettra de parvenir à des solutions constructives.
Je sais bien que beaucoup militent pour la création d'un cinquième risque. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Charles Descours. Après l'assurance maladie universelle !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Il faut d'abord réduire le poids du prélèvement avant de s'engager dans des actions nouvelles sur le plan national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Joly applaudit également.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite répondre à certaines interventions.
Tout d'abord, je préférerais effectivement que nous puissions mettre en place un cinquième risque, c'est-à-dire que nous ayons la possibilité de faire en sorte que la solidarité nationale puisse aider les personnes dépendantes.
Toutefois, chacun sait - d'ailleurs, M. Fischer l'a lui-même indiqué - que, en raison à la fois de l'état de financement de la sécurité sociale et du problème du financement des retraites, qui doit être notre priorité dans les mois à venir, ce cinquième risque ne peut être financé aujourd'hui par la solidarité nationale.
Si nous devons prendre en charge la réflexion - M. Fischer et Mme Dieulangard nous y ont poussés - autour de la dépendance dans l'avenir, nous devrons progresser dans deux domaines, et c'est peut-être à cet égard qu'il faudra envisager d'améliorer la loi : d'une part, la dépendance physique et une meilleure appréciation - M. le président Fourcade et vous-même, monsieur Fischer, avez cité quelques exemples concernant l'adaptation de la grille AGIR - et, d'autre part, la dépendance financière.
Au fond, la solidarité nationale, aujourd'hui, consiste à dire que l'on doit vous aider non pas dès que vous atteignez par exemple l'âge de soixante-cinq ou de soixante-dix ans, mais dès que vous avez des problèmes de dépendance que nous sommes capables de mesurer, y compris dans votre environnement. Et si vous avez des problèmes financiers, nous devons d'autant plus vous aider ! C'est au croisement de ces deux éléments que nous devrons réfléchir dans les mois à venir, pas seulement d'ailleurs pour les personnes âgées, mais peut-être aussi pour les handicapés, la garde des enfants...
Si l'objectif ne peut être atteint aujourd'hui, nous devrons y réfléchir dans cette double logique : dépendance physique et dépendance financière.
Ensuite, il faut le dire très simplement - M. Fischer, Mme Dieulangard et Mme Dusseau l'ont d'ailleurs indiqué - la loi en vigueur, qui est une loi de transition, est sans doute perfectible sur plusieurs points. Nous devons examiner, par exemple, si le seuil qui a été fixé pour la récupération sur succession n'est pas trop bas. C'est un des points que nous devrons étudier.
Pour ma part, je ne suis pas choquée par le fait que les personnes qui ont des revenus et qui peuvent prendre en charge leur dépendance ne voient pas la solidarité s'exprimer à la même hauteur que les autres. Encore faut-il vérifier que le montant qui a été fixé ne fait pas renoncer aujourd'hui certaines personnes âgées à demander cette prestation spécifique dépendance. Cela fera partie du bilan que nous allons faire, comme vous l'avez souhaité.
Monsieur Fourcade, les réactions face à la loi sur la prestation spécifique dépendance ne me paraissent pas traduire un refus de décentralisation. Je reconnais que les montants de la PSD peuvent et doivent être différents, pour tenir compte de la situation non seulement des régions, mais aussi des établissements, qui offrent des services différents. Nous le verrons avec les décrets de tarification.
M. Marini a cité la situation dans les Landes. Certes, la prestation n'est que de 15 francs mais pour un prix de journée moyen oscillant entre 80 francs et 100 francs, alors qu'il atteint souvent 350 francs à 400 francs dans les Hauts-de-Seine ! Comparons ce qui est comparable !
J'aurais pu citer les Hautes-Alpes, l'Yonne ou la Corrèze. Vous auriez constaté que, chez vos amis, la situation n'est pas toujours plus enviable, alors qu'il s'agit de départements où les prix de journée sont supérieurs. Je voulais éviter ce type de critiques, mais puisqu'on m'interpelle, je réponds !
Personne ne nie la nécessité de la décentralisation. La gauche a fait voter les lois de décentralisation. Donc, nous y croyons. Nous estimons toutefois que la proximité ne doit pas entraîner de rupture de l'égalité. Cela signifie non pas une égalité totale, mais un accès aux droits pour chacun. Or, aujourd'hui, dans notre pays, il n'y a pas accès aux droits en matière de PSD dans tous les départements.
Je veux bien croire que cela est dû, en partie, au fait que la loi n'est en vigueur que depuis un an. Je veux bien croire que cela tient aussi au fait que l'on attend la réforme de la tarification, comme certains l'on dit. Nous verrons lorsque cette réforme de la tarification aura eu lieu.
Je voudrais maintenant répondre à M. Marini... qui a quitté l'hémicycle.
Mme Joëlle Dusseau. Il a eu peur. (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le ton qu'il a employé ce matin m'a paru pourtant plus agréable.
« Vous avez enfin compris, vous avez tiré des enseignements », m'a-t-il dit. J'ai tiré des enseignements d'un bilan qui n'est pas favorable, c'est tout. (M. Michel Mercier fait une moue dubitative.) Vous le savez bien, monsieur Mercier. J'ai parlé de 15 000 bénéficiaires de la PSD. Peut-être en est-on maintenant à 25 000 puisqu'un mois s'est écoulé. Mais même avec 25 000 bénéficiaires en France, contre un million et demi de personnes qui perçoivent une prestation dépendance en Allemagne, on ne peut pas dire que ce soit un franc succès.
C'est précisément parce que ce n'est pas un franc succès, peut-être des raisons que nous avons soulevées, que je souhaite, en effet, faire avancer les choses.
Quant au pas de clerc... J'ai dit que j'avais été désolée face à un bilan qui n'était pas bon d'être obligée, rapidement et sans concertation, de déposer un texte qui, pour des raisons juridiques, et non pour des raisons de fond, a changé finalement de support. Mais, encore une fois, c'est la réalité qui conduit. Et si pas de clerc il y a, je le dis très gentiment à M. Marini, c'est de faire voter une loi, de la défendre et de ne pas l'appliquer ! Pour moi, cela c'est un drame !
Quand on est au gouvernement, on essaie de faire appliquer les lois qui ont été votées. C'est ce que je m'efforce de faire, même si je pense que ces lois sont perfectibles.
Monsieur Vasselle, je ne tire aucune conséquence des premiers bilans que j'ai faits de la loi de 1997.
Je constate que, aujourd'hui, il existe une inégalité sur le territoire en ce qui concerne non seulement les montants, mais aussi l'accès à la PSD pour les personnes âgées. Nous allons déjà faire en sorte que cela fonctionne, et nous ferons un bilan. Nous le ferons en commun. Nous verrons alors ce qui doit être modifié dans la loi de 1997.
Pour ma part, je fais preuve de pragmatisme, je ne confirme en rien le bien-fondé de quoi que ce soit. J'ai vu les avancées de cette loi, je l'ai dit. Je vois aussi ce qui ne fonctionne pas aujourd'hui, les problèmes qui se posent et qui ont été évoqués par certains d'entre vous. Eh bien, quand nous ferons le bilan, nous en tirerons les conséquences, y compris sur le plan législatif si cela est nécessaire.
M. Barrot avait peut-être l'intention de publier le décret de tarification. Il avait beaucoup d'intentions. Mais, moi, je retrouve nombre de dossiers sous les tapis, que je suis obligée de traiter. Le dossier de tarification des établissements en fait partie.
M. Michel Mercier. Il a manqué de temps !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi, je ne suis là que depuis douze mois. Or, le décret est prêt. Il a déjà fait l'objet d'une première concertation. Il donnera lieu à une concertation générale dans les semaines à venir.
S'il en est ainsi, c'est tout simplement parce que je pense qu'il faut le faire si nous souhaitons que les personnes âgées soient mieux accompagnées et qu'il y ait une plus grande transparence.
Je conclurai en disant, comme Mme Dieulangard, que le bilan concernant l'amélioration de la loi s'imposera à la fin de l'année ; il s'agira peut-être de modifier certains points, mais peut-être aussi de trouver d'autres types de solutions.
Pour ma part, je retiens ce que Mme Dieulangard a dit sur la solidarité entre générations : nous devons réfléchir à la façon de faire en sorte que la solidarité à l'égard des personnes âgées dépendantes soit le plus largement possible ouverte dans notre pays. Il faut y réfléchir et y travailler ; nous avons quelques mois devant nous pour le faire.
Je remercie le Sénat d'accepter que le Gouvernement, comme l'a dit le président Fourcade, ait un élément de régulation pour faire appliquer un texte que vous avez voté. Ce que je ne puis accepter, c'est que l'on donne des droits et qu'on ne les fasse pas appliquer.
Tel est l'objectif de ce texte. Nous tirerons tous ensemble les conséquences de cette pratique et nous prévoirons éventuellement d'autres modifications juridiques et législatives si celles-ci s'imposent. Mais nous n'en sommes pas là. Pour l'instant, donnons-nous la possibilité de faire appliquer une loi qui a été votée par le Parlement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Dusseau applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 515, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. Charles Descours. L'unanimité ! Quel succès, madame le ministre !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 73 bis .
Je rappelle que les articles 74 à 78 bis, ainsi que l'amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 78 bis ont été examinés le vendredi 12 juin.

TITRE III

DES INSTITUTIONS SOCIALES

Article 79 A