Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 63 tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (n° 262, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette question préalable, qui a pour objet le rejet du projet de loi, porte tant sur les mesures qui nous sont proposées que sur le contexte dans lequel elles sont prises.

L'utilisation de l'article 38 - je reviendrai sur ses modalités de mise en oeuvre - est un moyen, pour le Gouvernement, de se substituer au législateur. C'est une atteinte aux principes républicains, au premier rang desquels figure la séparation des pouvoirs.

Cet article 38, les parlementaires communistes l'ont toujours dénoncé, quels que soient les gouvernements qui l'ont mis en oeuvre. Que ceux qui en doutent relisent le Journal officiel !

Cette constance dans notre attitude mérite d'être soulignée, tant l'attitude changeante de certains est surprenante et même choquante sur le plan éthique.

Je rappelle les termes du premier alinéa de l'article 38 : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. » Aujourd'hui, on recourt à cet article, alors même que nous assistons à une dévalorisation du débat démocratique au sein du Parlement.

Nous éprouvons, depuis des mois maintenant, la méthode du gouvernement de M. Raffarin. Elle procède, il est vrai, d'une entreprise de communication très professionnelle. Les effets d'annonce sur les projets gouvernementaux donnent l'illusion de débats avant que les parlementaires aient été informés et, bien entendu, avant même qu'ils aient confronté leurs opinions.

Une fois les projets soumis aux parlementaires, on constate que, en réalité, le débat est réduit à la portion congrue. Depuis le mois de juillet dernier, Gouvernement et majorité ont combiné procédure d'urgence et vote conforme sans retenue, et sur des sujets particulièrement lourds : la justice, la sécurité, la décentralisation, les modes de scrutin ! L'urgence est encore prévue sur la Corse !

Du fait de la cadence imposée aux parlementaires, l'Assemblée nationale et le Sénat, loin d'être des lieux d'élaboration de la loi, sont cantonnés dans un rôle de chambre d'enregistrement des projets de loi.

Les commissions, les parlementaires disposent-ils réellement de temps pour prendre le pouls de notre pays sur tel ou tel projet ? De toute évidence, non !

Le retour de l'article 49-3, alinéa 3, son utilisation mouvementée par M. Raffarin, à l'occasion du vote d'un texte qui, par principe, aurait dû y échapper, puisqu'il s'agissait d'une réforme électorale, marqua de manière encore plus nette la volonté du Gouvernement d'imposer coûte que coûte son point de vue aux assemblées.

Article 49-3, urgence, vote conforme, cadence renforcée et précipitation, le bilan de dix mois de débats législatifs est particulièrement négatif en termes de respect des droits du Parlement.

Ces propos, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, ne relèvent pas de l'affabulation d'opposants systématiques et partisans. Des membres éminents de l'UMP, à commencer par le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, ont émis le souhait d'un allégement de l'ordre du jour et d'une meilleure considération du Parlement.

Or, avec ce projet de loi dont nous entamons la discussion, le Gouvernement répond de manière bien curieuse à M. Debré et à tous ceux qui s'inquiètent des mauvaises conditions du débat parlementaire. En effet, le Gouvernement allège le travail des assemblées... en leur retirant leur compétence législative sur un nombre particulièrement élevé de questions.

Ne l'oublions pas, lorsque le Parlement autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances, il s'automutile !

Ce débat constitutionnel n'est pas technique. Les habitants de notre pays doivent être informés du fonctionnement des institutions.

La Constitution de 1958 a été, à juste titre, dénoncée comme une constitution autoritaire qui concentre beaucoup trop de pouvoirs dans les mains de l'exécutif.

La restriction du domaine législatif au profit du domaine réglementaire par la répartition effectuée entre les articles 34 et 37 de la Constitution manifeste cette volonté, tout comme les articles 49, alinéa 3, ou 44, alinéa 3, qui permettent au Gouvernement de couper court aux discussions ou de les corseter.

L'article 38, dont l'utilisation devrait être exceptionnelle, vient parfaire l'arsenal dont dispose le pouvoir exécutif.

Il est indéniable que le caractère autoritaire de la Constitution de 1958 a participé de manière importante au sentiment, fondé, de l'éloignement des centres de décision. Le Parlement, qui est censé être le moyen d'expression permanent de la démocratie, est écrasé par le couple Président de la République - Gouvernement : il ne dispose plus réellement des moyens d'assurer la fonction de représentation démocratique.

Je l'évoquais à l'instant, les critiques formulées à l'encontre du recours à l'article 38 sont venues de toutes les travées, bien entendu, plus ou moins sévères selon la période politique.

Ainsi, le 25 octobre 2000 venait en débat un projet de loi d'habilitation autorisant le Gouvernement à transposer cinquante et un textes européens. Notre groupe, qui avait également déposé à l'époque une question préalable, n'avait pas été le seul à s'éléver contre l'abaissement des pouvoirs du Parlement.

M. Hoeffel, alors rapporteur de la commission des lois, n'y avait pas été par quatre chemins. Il s'interrogeait : « Au fond, n'est-ce pas la démocratie qui est en cause ? » Il expliquait plus loin : « La multiplication des habilitations est périlleuse, car il existe un risque que les ordonnances ne soient jamais ratifiées par le Parlement. » Il concluait, dans son rapport écrit, à « une banalisation périlleuse du recours aux ordonnances. »

M. Hoeffel avait été suivi, à l'époque, par l'ensemble de la majorité sénatoriale, à commencer par les rapporteurs pour avis. M. Richert avait rappelé les réserves de la commission des affaires culturelles sur le recours aux ordonnances et M. Poniatowski avait même évoqué « l'escamotage du débat ».

M. Haenel, enfin, dont nous connaissons et saluons l'engagement parlementaire, avait déclaré : « Même si le recours aux ordonnances est une procédure constitutionnelle, nous ne devons pas sous-estimer l'ampleur de l'atteinte qui est portée aux droits du Parlement. »

Ces critiques, sévères et nombreuses, se sont évaporées avec le changement de gouvernement.

M. Saugey, rapporteur de la commission des lois, se contente de noter que « l'habilitation demandée s'avère particulièrement importante ». C'est bien le moins qui puisse être fait, alors que trente lois doivent être édictées dans le cadre de cette habilitation, et quinze codes modifiés et créés.

M. Plagnol, lui-même, avait d'ailleurs reconnu que « cette loi était d'une ampleur sans précédent sous la Ve République ».

M. Pascal Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, avait tout de même émis une critique un peu plus forte, considérant, en effet, que « la méthode retenue pouvait susciter des interrogations et des inquiétudes, l'habilitation législative demandée revêtant une ampleur sans précédent ».

Nous sommes pourtant bien loin des critiques de l'année 2000.

Comment apprécier cette évolution radicale de l'opinion de la majorité sénatoriale ? S'agit-il de la mise au placard d'arguments politiciens de circonstance ? C'est possible.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Non !

M. Roland Muzeau. Je crois, cependant, que cette attitude dénote le phénomène plus grave que M. Haenel avait, à sa manière, dénoncé en 2000. Ce sont les droits du Parlement qui sont en cause, et la majorité d'aujourd'hui accepte cette attaque contre l'institution parlementaire, car elle prend place dans un remodelage d'ensemble des institutions nationales au sein du cadre européen.

Comment ne pas s'interroger sur la place du Parlement national dans la nouvelle « organisation décentralisée de la République », chère à M. Raffarin ?

Quel sera le futur cadre d'expression collective de la démocratie dans une France écartelée entre les décisions européennes et les potentats locaux ?

La nouvelle gouvernance prônée par le Premier ministre s'apparente de plus en plus à un émiettement de la démocratie.

Certains s'inquiètent d'une société postdémocratique, où régneraient l'apparence de débat et la manipulation médiatique et où triompherait l'intérêt particulier au détriment de l'intérêt général. Ils ont raison !

La restauration des pouvoirs du Parlement constitue un enjeu démocratique considérable.

L'utilisation massive de l'article 38 prévue par le Gouvernement se révèle très dangereuse, utilisation massive puisque, au-delà du présent texte, le Gouvernement annonce un second projet d'habilitation pour l'automne, également très vaste, qui concernerait la modernisation du droit administratif et comporterait un volet social important.

Par ailleurs, au moins une loi d'habilitation serait présentée chaque année.

Nous assistons, sans nul doute, à un dévoiement de la Constitution, qui donnait un caractère exceptionnel à l'utilisation des ordonnances.

L'intégration, dans le projet de loi, sur l'initiative de MM. Madelin et Novelli, d'un article 1er A instituant un « conseil de surveillance » chargé, en quelque sorte, d'accompagner la réforme de l'Etat, dans le cadre des ordonnances, en bonne et due place du Parlement lui-même, nous inquiète tout particulièrement et révèle les intentions du Gouvernement : il s'agit bien, à l'origine, d'une de vos suggestions, monsieur le secrétaire d'Etat.

Vous l'aurez constaté, ma question préalable tend au rejet d'un texte qui s'inscrit dans un mouvement plus général de mise en cause du droit du Parlement et, par là même, de redéfinition de l'architecture institutionnelle de notre pays.

Mon amie Josiane Mathon a détaillé, dans la discussion générale, les différents points du projet de loi qui auraient nécessité une discussion approfondie au sein du Parlement : nouvelle réglementation des marchés publics, réforme hospitalière, seuils d'effectifs dans l'entreprise, droit du licenciement et, bien entendu, réforme de l'Etat, ne peuvent pas, d'un point de vue démocratique, ne pas être soumis au débat parlementaire.

On nous promet des débats a posteriori sur les projets de loi de ratification, mais c'est l'Arlésienne ! Les projets de loi de ratification, on en parle beaucoup, mais on ne les voit jamais !

De plus, comme l'indiquait M. Hoeffel il y a deux ans, la multiplication des habilitations entraînera, de fait, la raréfaction des ratifications. En effet, si ces dizaines de lois étaient ratifiées, l'ordre du jour serait tout autant encombré.

Monsieur le président, mes chers collègues, si nous signions un blanc-seing au Gouvernement l'autorisant à légiférer par ordonnances sur ce que bon lui semble, aujourd'hui comme demain, nous prendrions une lourde responsabilité quant au devenir de l'institution parlementaire.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen prennent, eux, leurs responsabilités : ils vous proposent le rejet de cette loi par le vote de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Monsieur le président, comme certains d'entre nous sont vraisemblablement en état d'hypoglycémie, je vais essayer d'être bref ! (Sourires.)

Je rappellerai simplement que la commission des lois souscrit pleinement à la démarche du Gouvernement et aux objectifs du projet de loi. Je ne peux d'ailleurs que m'étonner de voir nos collègues tenter d'opposer au texte cette motion. On pourrait penser qu'ils sont peut-être hostiles à la simplification de notre droit : sûrement pas ! On pourrait penser qu'ils sont contre une plus grande lisibilité de notre droit : sûrement pas ! On pourrait aussi penser qu'ils sont défavorables à l'amélioration des rapports entre les usagers et leur administration, mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ?

Non, vraiment, loin d'être inutile ou prématurée, la simplification de notre droit constitue, à notre avis, un impératif et, sur ce point, les gouvernements qui se sont succédé n'ont que trop tardé pour agir.

Aujourd'hui, le Gouvernement choisit de s'engager résolument dans la voie de la simplification administrative. Je crois qu'il convient de le soutenir pleinement dans cette vaste tâche.

La commission est donc défavorable à l'adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. L'argumentation de M. Muzeau recèle quelques contradictions majeures.

Première contradiction : adopter la question préalable revient à décider qu'il n'y a pas lieu de légiférer.

Or ressortent précisément de l'argumentation de M. Muzeau les enjeux du texte, ce qui ne l'empêche pas d'accuser le Gouvernement de vouloir aller trop loin ! Comment, dans ces conditions, prétendre sérieusement que la question préalable est fondée ?

Deuxième contradiction : M. Muzeau reproche au Gouvernement d'escamoter le débat, de court-circuiter le Parlement, de porter atteinte aux droits sociaux. Or, monsieur Muzeau, si votre motion était adoptée, le débat que vous souhaitez n'aurait pas lieu ! C'est justement à un débat article par article que le Gouvernement entend se livrer.

Enfin, troisième contradiction : vous avez, non sans une certaine honnêteté, reconnu que votre parti s'était toujours opposé à l'esprit que le général de Gaulle avait voulu insuffler dans la Constitution. Or, dans cet esprit, et selon le partage opéré par les articles 34 et 37, la loi ne devrait définir que des principes fondamentaux.

Le Gouvernement entend, dans ce texte et dans ceux qui lui feront suite - car l'entreprise de simplification ne s'arrêtera pas là - restaurer une certaine pratique des insititutions et revenir à l'esprit de la Constitution de 1958.

Vous avez fait mine, monsieur Muzeau, de craindre un éparpillement démocratique, voire l'avènement d'une société postdémocratique, et le démantèlement du Parlement de la nation. Mais c'est probablement quand le Gouvernement et le Parlement débattent, à loisir et à longueur de temps, de sujets mineurs que l'autorité de la loi comme l'image de la représentation nationale sont affaiblies !

M. Jean-Pierre Sueur. Le code électoral, c'est mineur !

Le débat politique au sein de la représentation nationale doit se recentrer sur l'essentiel pour retrouver sa noblesse.

La statue de Portalis est là pour nous rappeler que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires,...

M. Jean-Pierre Sueur. Les marchés publics, c'est mineur !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... mais il y a là une divergence fondamentale entre nous.

Par ailleurs, je me réjouis de constater que le parti communiste s'est finalement converti aux bienfaits de la démocratie parlementaire « bourgeoise » et qu'il défend aujourd'hui ces droits formels qu'il méprisait naguère. La démocratie parlementaire n'a cependant jamais eu pour vocation, dans l'esprit de ses initiateurs et de ses concepteurs, de se cantonner à des sujets secondaires !

M. Jean-Pierre Sueur. Comme les marchés publics ou les PME !

M. Guy Fischer. Ou comme la réforme hospitalière !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement demande au Parlement de lui fixer sa feuille de route et de lui faire confiance : ce sera l'objet du débat que nous aurons si la question préalable est rejetée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela est donc très secondaire !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 63, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

151313306154105201 Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

NOMINATION D'UN MEMBRE

D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que le groupe de l'Union centriste a proposé une candidature pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Christian Gaudin membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

11

SIMPLIFICATION DU DROIT

Suite de la discussion d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

La discussion générale a été close.

Nous passons donc à la discussion des articles.

Chapitre Ier

Mesures de simplification de portée générale

Article 1er A

M. le président. « Art. 1er A. - Un Conseil d'orientation de la simplification administrative formule toute proposition pour simplifier la législation et la réglementation ainsi que les procédures, les structures et le langage administratifs.

« Il est composé de trois députés, de trois sénateurs, d'un conseiller régional, d'un conseiller général, d'un maire ainsi que de deux membres du Conseil économique et social et de quatre personnalités qualifiées.

« En cas de besoin, les dispositions du présent article sont précisées par décret. »

Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 99 est présenté par M. Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 144, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : "ainsi que", supprimer les mots : "de deux membres du Conseil économique et social et". »

L'amendement n° 4, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer le mot : "quatre" par le mot : "six". »

L'amendement n° 5, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa de cet article. »

La parole est Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 86.

Mme Josiane Mathon. L'article 1er A, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de M. Madelin, vise à instaurer un conseil d'orientation de la simplification administrative.

En déposant son amendement, M. Madelin avait en vue la création d'une structure d'accompagnement du Gouvernement sur ce qui sera, en fait, une longue route, à savoir la préparation des ordonnances. Il jugeait en effet nécessaire d'établir une liaison permanente entre les élus, en particulier les parlementaires, et les services du ministère. Le conseil dont la création est proposée remplacerait l'actuelle COSA, la commission pour les simplifications administratives, instituée par un décret en date du 3 décembre 1998.

Vous avez approuvé cet amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, en soulignant qu'il était éminemment souhaitable que les parlementaires soient associés à chaque étape du processus de simplification. De telles déclarations sont pour le moins surprenantes puisque, dans le même temps, il nous est suggéré de nous dessaisir de nos prérogatives.

Si vous voulez vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, associer les parlementaires à l'élaboration, à l'évolution et à la simplification des règles de droit, commencez donc par renoncer à ce projet de loi, qui a pour objet de permettre au Gouvernement de contourner le débat parlementaire dans des domaines essentiels pour la vie des Français et l'avenir du pays ! Cessez de recourir à l'article 49-3 de la Constitution, de déclarer l'urgence pour les textes que nous avons à examiner, comme l'a fait le Gouvernement dans la plupart des cas depuis juin dernier.

La démocratie exige que les députés et les sénateurs puissent jouer leur rôle. Nous avons des responsabilités envers nos concitoyens, et ce ne sont pas quelques sièges au sein d'un conseil restreint qui nous permettront de les assumer. C'est là un véritable marché de dupes.

Les sénatrices et les sénateurs de mon groupe refusent de se dessaisir de leurs prérogatives. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article 1er A.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 99.

M. Jean-Pierre Sueur. Je regrette que M. le secrétaire d'Etat n'ait pas répondu aux questions que nous avons posées tout à l'heure, lors de la discussion générale. Nous lui avions alors demandé pour quelles raisons il ne pensait pas possible de saisir le Parlement d'un projet de loi ordinaire s'agissant, d'une part, des réformes électorales et, d'autre part, des marchés publics. Nous n'avons obtenu aucune réponse !

Le présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à recourir à des ordonnances. Or celui-ci a lui-même indiqué qu'il avait besoin d'un délai de douze à dix-huit mois : il est clair que cela laisse le temps d'élaborer un projet de loi relatif aux marchés publics - sujet essentiel - et un autre sur les questions électorales. Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué des « sujets mineurs ». Mais ni le code électoral ni les marchés publics ne sont des sujets mineurs ! Par conséquent, quels arguments le Gouvernement peut-il avancer pour justifier le recours à des ordonnances sur ces deux thèmes précis ?

S'agissant maintenant de l'amendement n° 99, j'ai déjà souligné, lors de la discussion générale, qu'il était pour le moins paradoxal et presque humiliant de dire aux parlementaires que, la législation et la réglementation étant trop complexes et les commissions trop nombreuses, on va créer un conseil d'orientation de la simplification administrative qui comprendra trois sénateurs et trois députés,...

M. Robert Bret. Choisis au sein de l'UMP !

M. Jean-Pierre Sueur. ... que l'on voudra bien consulter sur les textes. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi vous trouvez opportun de prévoir que le Parlement soit consulté par le biais de ses représentants au sein d'un conseil supplémentaire, alors qu'il pourrait tout à fait jouer son rôle en débattant des projets de loi que vous pourriez lui soumettre. Cela nous ramène à la question précédente : nous ne comprenons pas pourquoi vous choisissez de recourir à des ordonnances sur des sujets essentiels, alors que la procédure parlementaire normale pourrait être suivie.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je serais très heureux d'entendre vos réponses.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 144.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Avant d'exposer cet amendement portant sur la composition du conseil d'orientation de la simplification administrative, je voudrais répondre brièvement aux interpellations des orateurs de l'opposition.

Vous avez dit, monsieur Sueur, que vous ressentiez comme humiliant, pour les parlementaires, le fait d'être consultés par le biais d'un conseil restreint sur la simplification administrative.

M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit de lois !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je vous ai écouté tout à l'heure sans vous interrompre, monsieur Sueur ; laissez-moi maintenant vous répondre : notre échange porte bien sur l'article tendant à créer le conseil d'orientation de la simplification administrative.

Le gouvernement précédent, que vous souteniez, a été à l'origine de la création de la COSA, qui constituait une première étape. La proposition qui vous est faite aujourd'hui vise à instaurer un conseil dans lequel les parlementaires seront majoritaires et qui sera probablement présidé, s'il en décide ainsi, par un parlementaire. Il s'agit d'une innovation majeure. Ce conseil aura vocation à être une instance de proposition, indépendante et permanente, en vue de toute simplification, non seulement dans le domaine législatif, mais d'abord et surtout dans le domaine réglementaire.

En effet, très souvent - et ce point suscite des plaintes sur toutes les travées à l'occasion de chaque débat parlementaire -, la complexité réside dans les textes réglementaires : on dénombre un peu plus de 8 000 lois, contre quelque 100 000 décrets, auxquels s'ajoutent chaque année, je le rappelle, plusieurs milliers de circulaires ! Il faut donc travailler sans relâche à résoudre ce problème.

A cet égard, le Gouvernement ne fait à mon sens nullement montre d'indifférence à l'égard des parlementaires en permettant pour la première fois qu'une instance indépendante joue, dans ce vaste domaine, un rôle permanent de proposition. Ce conseil, j'en suis sûr, aidera grandement l'exécutif, au-delà d'ailleurs des clivages partisans, à s'atteler à cet immense chantier.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 144, qui vise précisément la composition du nouveau conseil. Le Gouvernement souhaitant que les élus y soient majoritaires, nous suggérons que le nombre des personnalités qualifiées représentant en son sein le monde économique et les professionnels du droit soit limité à six. La commission des lois du Sénat désirant porter de quatre à six l'effectif des personnalités extérieures qui seront nommées, nous proposons de supprimer la représentation du Conseil économique et social, afin de préserver l'équilibre de la composition d'une instance qui devra être, je n'hésite pas à employer cette expression, une « commission de la hache », dont la mission sera de formuler des propositions visant à restreindre l'inflation des textes réglementaires et législatifs. C'est là, je le répète, une innovation majeure.

M. Roland du Luart. Enfin ! Vous avez raison !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 4 et 5, ainsi que pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 86, 99 et 144.

M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 4 est lié au précédent, comme vient de l'indiquer M. le secrétaire d'Etat. Afin d'assurer une large concertation entre les élus et les personnalités qualifiées siégeant au sein du conseil d'orientation de la simplification administrative, il convient de porter de quatre à six le nombre de ces dernières.

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Quant à l'amendement n° 5, il a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l'article 1er A. En effet, il est inutile de mentionner que les dispositions du présent article seront précisées en tant que de besoin par décret, puisque le Gouvernement est toujours compétent pour prendre les décrets d'application qui s'imposent, même lorsque le législateur ne l'y invite pas expressément.

S'agissant des amendements identiques n°s 86 et 99, la création d'une instance d'orientation, d'impulsion et de surveillance des travaux de simplification administrative, sur les plans tant législatif que réglementaire, se justifie pleinement à nos yeux. Certes, monsieur Sueur, cela fera une commission de plus, mais le présent projet de loi permettra la suppression de plusieurs dizaines, voire d'une centaine d'autres !

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il ne s'agit nullement de masquer un quelconque dessaisissement du Parlement. En conséquence, la commission est défavorable aux amendements n°s 86 et 99.

L'amendement n° 144 a été déposé assez tardivement et n'a donc pu être examiné par la commission des lois. Cependant, à titre personnel, je ne vois pas d'objection à la suppression de la représentation du Conseil économique et social. Des membres de ce dernier pourraient d'ailleurs être nommés en qualité de personnalités qualifiées au sein du conseil d'orientation de la simplification administrative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 86, 99, 4 et 5 ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 86 et 99. En outre, il est favorable aux amendements n°s 4 et 5.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 86 et 99.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 144.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes opposés à l'amendement n° 144, ainsi qu'aux amendements suivants et mon explication de vote vaudra aussi pour ceux-ci.

Tout d'abord, je tiens à le souligner, M. le secrétaire d'Etat n'a toujours pas répondu à la question que je lui ai posée et que je réitère. Je ne comprends pas en vertu de quel argument le Gouvernement considère qu'il est justifié de refuser de proposer une loi ordinaire s'agissant, d'une part, des marchés publics et, d'autre part, des élections. Puisque aucun argument ne nous est opposé et dans la mesure où je refuse, comme vous tous sans doute, le principe d'autorité, j'essaie de comprendre. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous persistez dans votre mutisme à cet égard. Aussi, j'espère que vous voudrez bien nous gratifier d'une explication. Si tel n'est pas le cas, il faut supprimer l'article 4 et les articles relatifs aux dispositions électorales.

Par ailleurs, nous sommes opposés à ces amendements car, en prévoyant la présence de six personnalités dites qualifiées et en supprimant au passage les représentants du Conseil économique et social, il s'agit, si j'ai bien compris, de rafistoler un dispositif dont le principe est choquant. En effet, cet organisme statuera non seulement sur des simplifications administratives, mais également dans le domaine législatif. Venir dire aux parlementaires : « Ne vous plaignez pas car, dans le cadre d'un conseil au sein duquel siégeront trois sénateurs et trois députés, vous serez consultés, auditionnés, on voudra bien vous entendre », alors qu'il s'agit de lois, c'est, à nos yeux, inacceptable. On pourrait l'admettre s'agissant de sujets mineurs. Mais puisque ce projet de loi d'habilitation porte également sur des sujets essentiels, nous ne l'acceptons pas, d'autant que le Gouvernement n'a pas répondu à nos questions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas accréditer l'idée selon laquelle le Gouvernement ne veut pas répondre à M. Sueur.

Monsieur le sénateur, je vous ai déjà répondu lors de la discussion générale. S'agissant des deux sujets, quasi obsessionnels, qui sont les vôtres, à savoir les dispositions à caractère électoral et la modification de la législation relative aux marchés publics, nous examinerons deux articles spécifiques, sur lesquels nous aurons sans doute un débat nourri et conséquent, ce qui est d'ailleurs légitime. A ce moment-là, bien entendu, je vous répondrai, comme je l'ai déjà fait.

Je reviens d'un mot sur l'instance dont le Sénat va voter la création et sur sa composition.

Monsieur Sueur, je ne comprends toujours pas vos objections. A l'heure actuelle, deux commissions fort importantes, dont l'une a été mise en place par le gouvernement précédent, traitent de simplification, y compris, bien sûr, dans le domaine législatif. Il s'agit, d'une part, de la commission de la codification, au sein de laquelle siègent des parlementaires, des représentants du Sénat - et non des moindres - et des représentants de l'Assemblée nationale. Il s'agit, d'autre part, de la commission pour les simplifications administratives, la COSA.

Les parlementaires qui siègent dans ces commissions font un travail extrêmement utile et précieux, et nous allons d'ailleurs ratifier leur travail dans un instant. Ils soulignent tous que des aménagements techniques à droit constant sont nécessaires et qu'il faut mettre en place une instance indépendante, dominée par des parlementaires, pour faire des propositions permanentes de simplification, d'allégement du droit dans le domaine législatif et dans le domaine réglementaire.

Le dispositif proposé constitue une innovation audacieuse, qu'aucun gouvernement précédent n'avait acceptée. Il s'agit, je le rappelle, d'une initiative parlementaire, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale. S'il est une mesure emblématique de la volonté du Gouvernement non seulement d'associer les parlementaires, mais aussi, en amont, de leur permettre de faire part de leurs propositions, car ils sont l'émanation du suffrage universel, c'est bien la création de ce conseil d'orientation, qui est loin d'être un alibi ou un détail. Dans l'esprit du Gouvernement, il devra jouer un rôle essentiel, puisque le chantier de la simplification s'inscrit dans la durée, à savoir la présente législature.

M. Michel Bécot. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.

(L'article 1er A est adopté.)