PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire des séances suivantes :

« Mardi 13 mai, le matin, l'après-midi et le soir :

« Projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations, adopté par l'Assemblée nationale ;

« Projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification du statut particulier de la collectivité territoriale.

« Mercredi 14 mai, l'après-midi et le soir :

« Suite de l'ordre du jour de la veille.

« Jeudi 15 mai, le matin, l'après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement et le soir :

« Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille ;

« Deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : Jean-François Copé »

Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour des mardi 13 mai, mercredi 14 mai et jeudi 15 mai sera ainsi modifié.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements au projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse au mardi 13 mai, à dix-sept heures.

Les inscriptions de parole sur ce projet de loi devront être effectuées avant le lundi 12 mai, à dix-sept heures.

Compte tenu du report du 13 au 15 mai de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques, le délai limite pour le dépôt des amendements, qui avait été fixé par la conférence des présidents à la veille de la discussion, le lundi 12 mai, à dix-sept heures, se trouve reporté donc au mercredi 14 mai, à dix-sept heures.

De même, les inscriptions de parole sur ce projet de loi devront être effectuées avant le mercredi 14 mai, à dix-sept heures.

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DÉPÔT DES CONCLUSIONS

D'UN COMITÉ D'ENQUÊTE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le premier président de la Cour des comptes, président du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, les conclusions de ce comité sur « les aides à la mobilité des agents de l'Etat dans l'intérêt du service ».

Acte est donné du dépôt de ces conclusions.

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CANDIDATURE À UN OFFICE PARLEMENTAIRE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination d'un membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. Jean-Paul Alduy.

Le groupe de l'Union centriste propose la candidature de M. Christian Gaudin.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.

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RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mes chers collègues, le 9 avril dernier, M. Claude Estier, président du groupe socialiste, est intervenu au sujet de la constitution d'un groupe de travail chargé de réfléchir aux voies et moyens d'une réforme de la fonction publique territoriale. Notre collègue s'interrogeait sur l'existence d'un groupe de travail constitué uniquement de membres des groupes de l'UMP et de l'Union centriste, à l'exclusion de sénateurs des groupes de gauche.

M. Christian Poncelet, président du Sénat, lui avait alors répondu qu'il s'agissait d'un groupe de travail constitué au sein de groupes politiques. Jusque-là, rien à dire ! Toutefois, la réponse ne nous avait pas tout à fait convaincus, et nous avions raison. Car, s'il s'agit d'un groupe de travail constitué au sein de la majorité sénatoriale, ce qui semble être le cas, le président du Sénat n'a pas à être impliqué et le Sénat n'a pas à y consacrer de moyens. Or j'ai sous les yeux un courrier à entête du président du Sénat où j'apprends que ce groupe de travail a désigné un conseiller technique - son numéro de téléphone est même indiqué -, que la composition en est très partiale et le choix des interlocuteurs très sélectif dans la mesure où tous les organismes et établissements liés à la fonction publique territoriale n'y sont pas représentés. Ce groupe de travail est tout de même assez officiel, puisque le président du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, a participé à sa constitution, ainsi que M. Patrick Devedjian et M. Jean-Paul Delevoye, ici présent.

En conséquence, nous demandons, au nom du groupe socialiste, qu'il soit mis fin à cette situation. Ou bien il s'agit d'un groupe de travail au sein d'un groupe politique et, dans ce cas, vous avez le droit de réfléchir, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais les moyens du Sénat n'ont pas à être mis à votre disposition ; ou bien il s'agit d'un groupe de travail sénatorial, comme le laisse penser son appellation, et il doit, dès lors, être ouvert à tous les groupes politiques.

Il faut donc mettre un terme à cette situation anormale et, bien entendu, le faire savoir à l'extérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)

M. le président. Je prends acte de votre rappel au règlement que je transmettrai à M. le président du Sénat, mon cher collègue.

Mme Annie David. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement.

Je tiens à rappeler que les personnels de l'éducation nationale manifestent aujourd'hui, pour la quatrième fois depuis la rentrée, sans compter la manifestation nationale, plus large, du 8 décembre et les différents mouvements locaux qui ont lieu dans de nombreux établissements.

Ce rappel au règlement vise à souligner que le groupe communiste républicain et citoyen soutient cette grève et les manifestations de ce 6 mai, comme il partage les craintes de ces personnels face à la décentralisation, leur indignation face au budget insuffisant et à la suppression programmée des maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE.

Les mécontentements prennent de la force partout, d'autant que la concertation n'est pas réalisée. De plus, le livre des ministres diffusé sur tout le territoire a amplifié ce mécontentement : dialoguer n'est pas monologuer ! D'ailleurs, certains enseignants ont décidé de le retourner à l'envoyeur.

Le budget insuffisant, la décentralisation brutale, la suppression programmée des MI-SE, mais aussi les retraites dévaluées, l'avenir incertain des conseillers d'orientation psychologues, les COPSY, des assistantes sociales, des médecins scolaires, des ouvriers, des techniciens et divers agents, sont autant de sujets préoccupants.

Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas éviter le débat réclamé sur l'éducation nationale : il nous a été promis pour le mois de juin ; il doit être maintenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)

M. Robert Bret. Les sénateurs de l'UMP sont sans doute à la manifestation !

M. Gérard Braun. Non, ils vous écoutent !

M. le président. Ils ne peuvent pas être en même temps à la manifestation et au groupe de travail ! (Sourires.)

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame David.

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SIMPLIFICATION DU DROIT

Discussion d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 262, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. [Rapport n° 266 (2002-2003) ; avis n°s 267, 268 et 269 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre à votre examen le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Je tiens à souligner, à titre liminaire, que ce texte, dont le contenu est souvent assez technique, est animé par un esprit général, celui de la réforme de l'Etat, tâche à laquelle nous sommes très attachés, Henri Plagnol et moi-même.

A ce stade, je tiens à remercier pour leur contribution très riche les différentes commissions du Sénat et à saluer MM. les rapporteurs pour l'excellence de leur travail.

Ce projet répond à une aspiration forte et partagée par tous : simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens, alléger le carcan administratif et réglementaire qui pèse sur eux et libérer ainsi l'initiative individuelle et collective, freinée bien trop souvent par des procédures trop complexes et trop pesantes.

Il nous faut changer de culture et tourner résolument le dos à nos logiques de méfiance qui privilégient le contrôle, pouvant aller jusqu'à interdire, voire stériliser toute initiative et toute action.

Il faut tourner le dos aussi à ces analyses qui consistent à faire croire que les associations, les entreprises sont incapables de mener leur propre vie sans être guidées par l'intervention tutélaire de l'Etat.

Nous avons, au contraire, à instituer dans notre pays un contrat de confiance, un contrat de coresponsabilité, une « administration de service », selon la formule de M. le Premier ministre, une administration fondée sur des principes de proximité, de confiance, de cohérence, de performance.

La proximité résultera bien évidemment de la mise en oeuvre des lois de décentralisation ; elle sera renforcée par la déconcentration, c'est-à-dire la réorganisation, sur le plan territorial, de l'administration de l'Etat.

Notre projet cherche à favoriser tant l'identification d'interlocuteurs uniques que la notion de proximité, qui signifie l'accessibilité, la traçabilité, pour savoir qui est responsable de quoi, où se trouve un dossier, dans quels délais il sera traité.

La confiance vise à poser pour règle la bonne foi de l'usager, et non pas sa condamnation a priori. Il s'agit de substituer des contrôles ponctuels a posteriori aux vérifications formalistes. Evidemment, s'il faut des sanctions, celles-ci ne seront pas nécessairement pénales, mais pourraient être civiles ou administratives et, dans tous les cas, proportionnées aux fautes commises.

J'en viens à la cohérence. Notre administration s'est constituée au fil de réformes successives qui se sont empilées les unes sur les autres sans que l'on puisse aujourd'hui retrouver une vision d'ensemble qui aiderait le citoyen à s'orienter dans le maquis des services et des établissements publics.

Enfin, la recherche de la performance se trouve au coeur de la réforme budgétaire, qui doit également inspirer notre action. C'est pourquoi il faut amener les administrations à s'engager, à l'égard des usagers, sur leurs résultats. Nous voulons donner une base législative aux démarches de qualité qui sont de plus en plus répandues dans les services. L'évaluation et la contractualisation par rapport à des objectifs est le contrepoids de la responsabilisation et du respect.

Ces principes doivent donc profiter à l'ensemble des Françaises et des Français : à l'usager, qui doit savoir à quelle administration s'adresser, en particulier pour les populations les plus fragiles ; aux entreprises, et tout particulièrement aux petites et moyennes, aux commerçants et aux artisans, mais aussi aux créateurs ; à toutes celles et à tous ceux qui doivent consacrer l'épanouissement, la mise en oeuvre de leur compétence et de leur intelligence au profit de ce qu'ils savent faire et non pas en perte de temps précieux dans un magma de procédures souvent illisibles, indéchiffrables et incompréhensibles.

Cela contribuera à renforcer l'attractivité internationale de notre pays dans la mesure où, nous en sommes convaincus, l'efficience administrative et juridique d'une nation est un facteur clé de compétitivité internationale.

Ce projet de loi a aussi pour objet de contribuer à simplifier le travail de celles et ceux qui ont pour mission de défendre l'intérêt général.

Les fonctionnaires de la République auront tout à gagner de cette réforme parce qu'ils sont, en effet, les premières victimes de la complexité de notre droit, complexité qui les détourne de leurs tâches essentielles quand elle ne les oblige pas à devenir les exégètes ou les interprètes de la règle de droit !

J'observe que l'exaspération de nos concitoyens se reporte naturellement sur les fonctionnaires, alors même que ces derniers ne font qu'appliquer des mesures parfois incompréhensibles ou, pire, inapplicables !

Les fonctionnaires ne doivent pas avoir peur de la réforme. La défense du service public passe par la simplification des tâches.

J'ajoute que cet exercice de simplification auquel contribuent les très nombreux ministères qui ont inspiré et alimenté ce projet de loi constitue une excellente source de nouvelles maîtrises de la dépense publique, car, comme partout, ce qui est plus simple est moins coûteux et fait gagner du temps.

Entendons-nous bien : que l'on ne me fasse pas le procès de vouloir masquer des réductions d'effectifs derrière l'idée de simplification. On ne simplifie pas pour réduire les effectifs, on simplifie pour supprimer le temps perdu, les missions inutiles, les procédures interminables.

Le temps est souvent gâché dans des réunions où le paraître est plus important que le faire. N'accusons pas les fonctionnaires des lenteurs, ce sont les procédures qui sont en cause.

Nous devons répondre aussi - et peut-être surtout - aux nouvelles exigences qui se dessinent derrière l'idée d'une administration moderne centrée sur les besoins des usagers, des citoyens et des contribuables.

La simplification renforce et garantit l'attractivité des missions des fonctionnaires.

Le projet de loi contient également un ambitieux programme de codification. Nous appliquons ainsi les choix stratégiques que le commissariat à la réforme de l'Etat a proposés dès 1995 et que le gouvernement précédent avait eu la sagesse de conserver. Mais, simplifier la loi, ce n'est pas se borner à mettre en oeuvre une démarche de codification : il s'agit aussi plus largement, à l'occasion de la simplification, de revenir à une saine conception de la loi.

Nous allons bientôt célébrer le bicentenaire du code civil, qui constitue l'exemple le plus achevé d'une tradition juridique française universellement reconnue.

L'un de ses rédacteurs, Portalis, estimait - comme Montesquieu d'ailleurs - : « Il ne faut point de lois inutiles. Elles affaiblissent les lois nécessaires. »

Selon Portalis, la loi doit être claire, intelligible, stable et cohérente. Or, la complexité de notre droit et des procédures administratives qui y sont attachées est aujourd'hui une évidence. Il nous faut réagir : il nous faut inverser le processus et mettre un terme à cette lente et inexorable dérive.

Simplifier, c'est aussi réhabiliter la force de la règle de droit, car « nul n'est censé ignorer la loi ».

La loi est l'expression du peuple souverain, qui la connaît, non pour la subir, mais parce que, par la voix démocratique de ses représentants, il en est l'auteur. Pourtant, aujourd'hui, la loi n'est plus une évidence à la portée de la compréhension : trop de lenteurs, trop de textes atteignent la force de la loi et finissent même par la tuer.

En simplifiant nos dispositifs administratifs, en poursuivant et en systématisant le travail de codification de notre droit, le Gouvernement entend donc contribuer à rétablir l'autorité de la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances pour mettre en oeuvre ce programme. Il doit maintenant vous dire pourquoi.

La trentaine d'articles qui vous est proposée va déboucher sur autant d'ordonnances et certainement sur plusieurs centaines d'articles... Une telle charge de travail est incompatible avec le calendrier de travail des assemblées. Or, sans être confronté à une situation d'urgence critique, le Gouvernement a besoin d'aller vite - et il en a la volonté - car les réformes nécessaires sont attendues.

Trop souvent, nous le savons tous, les entreprises de simplification du droit et des procédures administratives menées dans le passé se sont heurtées à des débats sans fin qui ont fait la part belle aux corporatismes et à des résistances au changement de toutes sortes. La portée des réformes s'en est trouvée appauvrie.

Pour autant, le projet de loi d'habilitation que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen ne peut aucunement s'apparenter, comme je l'ai entendu dire, à un blanc-seing laissé à l'administration.

L'habilitation n'est pas une dépossession. Le Parlement ne sera pas exclu de l'élaboration des ordonnances. Tout au contraire, j'ai proposé à l'Assemblée nationale un véritable contrat de confiance, en invitant ceux qui doutent de l'efficacité du recours aux ordonnances à devenir les acteurs de la réforme.

Répondant à votre demande, un suivi parlementaire sera mis en place au sein d'un conseil d'orientation associant élus nationaux et locaux à des personnalités qualifiées.

Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Pascal Clément, va susciter, en accord avec le président de l'Assemblée nationale, une mission d'information sur les ordonnances. Il ne serait pas inintéressant qu'une coordination entre les deux assemblées s'instaure.

Enfin, le Gouvernement souhaite procéder dès que possible - sans doute à l'automne - à un débat de ratification explicite des ordonnances. Ce débat, qui n'est pas imposé par la jurisprudence parlementaire, me semble relever d'une saine relation entre l'exécutif et le législatif.

Par ailleurs, je tiens à souligner que j'ai demandé à ce que l'on veille à la précision des termes de l'habilitation. Cette précision est grande et va bien au-delà des exigences du Conseil constitutionnel. Elle vous permet de juger du caractère technique de la plupart des réformes envisagées.

J'ai la conviction que cette conception du travail législatif permet de revenir à l'esprit de l'article 34 de la Constitution : celui-ci visait - dans la lignée des réflexions des grandes figures de la IVe République - à recentrer le Parlement sur des débats stratégiques, en identifiant les objectifs politiques, ainsi que sur le contrôle, à l'occasion de la ratification des ordonnances.

Loin de dénaturer le travail parlementaire, le débat extrêmement riche qui a eu lieu à l'Assemblée nationale a démontré le souci de coopération du Gouvernement, et de nombreux amendements ont été adoptés au cours de la discussion. Compte tenu de la qualité des travaux des commissions du Sénat, je suis convaincu que l'apport de la Haute Assemblée sera tout aussi enrichissant.

J'espère que nos initiatives trouveront grâce à vos yeux et permettront aux plus sceptiques d'être rassurés. Par expérience, je sais pouvoir compter sur votre assemblée pour enrichir à nouveau ce texte et aider ainsi le Gouvernement dans sa tâche simplificatrice.

Je tiens ici à saluer le travail d'Henri Plagnol, qui, chargé de coordonner la préparation du texte, a su allier le bon sens, l'efficacité, l'écoute et l'adaptation. La façon dont cette préparation s'est déroulée illustre parfaitement la qualité de l'action menée en interministériel : je rends hommage à tous les ministères qui ont alimenté le projet avec des propositions qui, demain, changeront la vie des Français, et en particulier à mes collègues Nicolas Sarkozy, Francis Mer, François Fillon, Jean-François Mattei, Alain Lambert et Renaud Dutreil.

Le projet de loi, qui est aussi le fruit de l'intense travail d'écoute des élus et des fonctionnaires de terrain mené par Henri Plagnol, tient compte des observations de ces derniers, ainsi que de celles des parlementaires, dont certaines des nombreuses suggestions figureront également dans les prochaines lois d'habilitation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne devez cesser d'apporter au débat sur les nécessaires simplifications votre lecture du terrain et vos réflexions.

Le premier train d'ordonnances permettra d'engager un vaste mouvement de simplification selon cinq axes majeurs.

Premier axe : moderniser les relations entre l'administration et les Français, en abrégeant les délais de réponse des administrations et en réduisant le nombre des commissions administratives, qui sont aujourd'hui 221 à l'échelon départemental.

A un moment où le monde nous impose d'être de plus en plus réactifs, l'allongement du délai entre la prise de décision et l'action est préjudiciable à l'intérêt général.

Nous devons mutualiser les informations entre les administrations, faire confiance aux Français en les responsabilisant et moderniser les règles d'entrée en vigueur des lois.

Deuxième axe : simplifier les démarches administratives de la vie quotidienne en assouplissant le vote par procuration, en simplifiant le régime des élections professionnelles, et notamment les élections prud'homales, en créant une présomption de nationalité française pour nos compatriotes nés à l'étranger, en créant un guichet unique pour le permis de chasser, en unifiant dans une allocation unique le minimum vieillesse grâce à la réduction des éléments de calcul, aujourd'hui au nombre de neuf, organisés en deux étages.

Troisième axe : simplifier la vie des entreprises en expérimentant la création d'un titre unique emploi simplifié et d'un guichet unique pour certaines professions, en harmonisant et en réduisant les cas d'exonération de cotisations sociales.

Quatrième axe : simplifier l'organisation et le fonctionnement du système de santé en facilitant la mise en oeuvre du plan « Hôpital 2007 », en simplifiant les procédures d'investissement, en allégeant la planification hospitalière et en rendant la coopération sanitaire plus large et plus efficace.

Cinquième axe : moderniser l'équipement public en adaptant la commande publique grâce au renouveau du partenariat entre les secteurs public et privé, en simplifiant le code des marchés publics et en favorisant le recours au partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

Le mouvement ne va pas s'arrêter là : un deuxième projet de loi d'habilitation sera présenté à l'automne. Il comprendra notamment un volet juridique relatif à la sécurité juridique, un volet social sur les déclarations de ressources, ainsi qu'un volet technique portant sur l'agriculture, l'équipement et l'écologie.

Par la suite, la volonté du Gouvernement de maintenir un rythme constant et soutenu de simplification devrait se traduire par le vote, chaque année au minimum, d'une loi d'habilitation qui couvrira de nouveaux thèmes.

Le Gouvernement sollicite par ailleurs l'autorisation de rédiger quatre nouveaux codes selon la technique du droit constant : code du patrimoine, code de la recherche, code du tourisme et code de l'organisation judiciaire.

Le projet de loi prévoit en outre la rédaction de trois nouveaux codes à droit non constant, c'est-à-dire en intégrant aussi la simplification du fond de la matière. Il s'agit du code des propriétés publiques, préparé par M. Francis Mer, du code de l'artisanat, préparé par M. Renaud Dutreil, du code de la défense, préparé par Mme Michèle Alliot-Marie. S'y ajoute la révision du code monétaire et financier.

Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, simplifier n'aurait guère de sens si nous ne prenions pas pour l'avenir les mesures indispensables afin de prévenir la renaissance des dérives que nous combattons aujourd'hui.

C'est pourquoi il nous faut réfléchir tous ensemble à définir et à mettre en oeuvre les principes d'une « meilleure régulation et d'une meilleure gouvernance ».

Si l'on veut écarter toute menace inhérente à la complexité dans notre législation - parce que les démocraties sont en soi complexes -, il nous faudra aborder des questions fondamentales.

Quelle est et quelle doit être la place du droit dans notre société ? Quelle est la place de la loi dans le corps des règles de droit ? Comment faire la loi ? Comment mieux associer la société civile à l'élaboration de la loi ? Quelles sont les alternatives à la loi ? Comment assurer efficacement son application ? Quelles peuvent être les sanctions, pénales et non pénales ? Comment tenir compte des multiples spécificités de notre société, notamment des réalités territoriales ?

Permettez-moi de vous faire part des pistes de réflexion que nous avons suivies : il nous faut recourir plus largement aux expertises indépendantes, associer les services d'exécution et les représentants des usagers à la production des textes, envisager d'évaluer les textes un an après leur entrée en vigueur et veiller à ce que les décrets soient pris dans des délais raisonnables.

C'est à ce prix que nous pourrons prévenir, demain, la prolifération normative qui est devenue un mal français. En combattant le mal à sa source nous parviendrons à mieux légiférer pour mieux gouverner.

Le Premier ministre, vous le savez, est attaché à l'idée « d'une meilleure régulation et d'une meilleure gouvernance ». Les administrations et les parlementaires doivent, avant d'élaborer de nouveaux textes, imaginer une nouvelle méthode de travail et se poser les questions suivantes : la norme proposée est elle vraiment utile ? N'existe-t-il pas des alternatives ? L'application de cette norme sera-t-elle rapide et peu coûteuse ?

L'évaluation et le contrôle doivent devenir les fils directeurs de l'action publique. Il nous faut envisager d'évaluer les textes un an après leur entrée en vigueur et faire en sorte que le Gouvernement ne s'attribue point une sorte de droit de veto inconstitutionnel sur les délibérations parlementaires.

Je précise que la réforme de l'Etat ne doit plus être pour nos concitoyens une notion abstraite : chacun doit pouvoir la définir et en connaître les contours. Seuls des objectifs communs à l'Etat, aux usagers, aux fonctionnaires et aux entreprises en garantiront l'efficacité.

Sensibilisons nos concitoyens en répondant à leurs attentes. Ne négligeons pas la simplification des démarches administratives, qui, je le rappelle, est selon les Français l'axe prioritaire de la réforme l'Etat.

Grâce à la mobilisation des parlementaires, des représentants de l'Etat, des citoyens et des fonctionnaires, la réforme de l'Etat n'est plus un slogan. Elle s'appuie sur le bons sens.

Cette loi ne nous appartient pas, elle vous appartient, à vous qui avez été nombreux à apporter vos contributions. Grâce à vos réflexions, la réforme est amorcée, elle est en marche et doit nous guider vers l'objectif que nous nous sommes fixé, au sein du Gouvernement : simplifier la vie de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si notre République est fière de sa belle devise - « Liberté, Egalité, Fraternité » -, elle en possède une autre, tout aussi réelle : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »

Au début du siècle dernier, Joffre, excédé, disait déjà : « La paperasse, balayez-moi tout ça ! »

L'un de nos éminents collègues de la commission des lois conseillait au secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, M. Henri Plagnol, de monter à l'assaut des prés carrés au sabre d'abordage ! En effet, il est urgent de réformer.

Le Gouvernement est donc bien inspiré de nous présenter ce projet de loi sur la simplification administrative.

Il est urgent de simplifier : sans être désespérée, la situation n'en est pas moins grave. Nous voulons tous moins de guichets, moins de dossiers, moins de tracasseries. La société change et l'Etat doit donc se réformer. Le service public n'est plus toujours bien adapté aux besoins des usagers. Les nouvelles technologies nous ont envahis en quelques années et nous devons également en tenir compte. Bref, le chantier est immense et les ouvriers très nombreux.

De nombreux ministères sont concernés. Il faut vaincre la pesanteur des habitudes : c'est souvent plus facile à dire qu'à faire, d'autant que la rigueur n'est pas dans l'excès de formalisme !

J'en donnerai un exemple : il existe aujourd'hui environ 8 000 lois, 100 000 décrets et plusieurs centaines de milliers de textes réglementaires. Il est donc impossible de dire sérieusement que « nul n'est censé ignorer la loi ».

Dans les préfectures, pas moins de 350 commissions administratives ont été dénombrées. Heureusement que nombre d'entre elles ne se réunissent jamais, ou alors seulement sur le papier ! (Sourires.)

La belle loi de Jules Ferry sur la scolarisation des jeunes Français est toujours en vigueur. Vous en connaissez l'article 1er, qui dispose que les enfants doivent apprendre à lire, écrire et compter. Mais en connaissez-vous l'article 2 ? « Les garçons feront des exercices militaires et les filles des travaux d'aiguille. » Manifestement, il nous faut toiletter !

Chaque fois que nous adoptons une loi, nous avons le sentiment d'avoir fait « de la belle ouvrage ». Mais nous oublions d'ôter des textes législatifs des dispositions qui ne devraient plus s'y trouver, d'où des allongements de délais dus à la complexité des procédures.

Notre droit est devenu trop complexe. Le Conseil d'Etat, dans un rapport vieux de treize ans, dénonçait déjà cet état de fait, mais le combat n'a sans aucun doute pas été mené avec la détermination nécessaire depuis !

Il y a quelques mois, dans son discours de politique générale, le Premier ministre le soulignait fortement : « La vie des Français est devenue compliquée. » Force est de reconnaître que l'Etat n'a pas contribué à la simplifier. Avec des lois trop nombreuses, une intervention trop fréquente, des procédures qui nuisent aux énergies individuelles et collectives, il a accru la complexité.

« La première mission de mon Gouvernement », disait Jean-Pierre Raffarin, « sera donc de simplifier la vie des Français. »

C'est une mission essentielle qui nous est confiée aujourd'hui, car nous avons atteint les limites du supportable en procédant comme nous allons le faire, nous allons restaurer l'autorité de la loi.

Le combat à mener doit d'abord être psychologique, car la complexité démotive tous ceux qui se heurtent aux multiples contraintes de la réglementation.

Les enjeux sont aussi économiques, car la complexité coûte cher et entraîne des délais trop longs. Elle s'accompagne d'une inflation des structures administratives, alors que nous avons besoin de moyens pour répondre aux priorités nouvelles.

Dans le passé, les tentatives de simplification du droit et des procédures administratives ont provoqué des débats sans fin, et les corporatismes ont trop souvent gagné. Il ne faut plus que la montagne accouche d'une souris.

Le Gouvernement a donc choisi la voie des ordonnances. La majorité qui est devenue l'opposition d'aujourd'hui avait choisi la formule des ordonnances avant nous. Le présent projet de loi a cependant - bien entendu - une autre envergure puisque plusieurs dizaines de textes de valeur législative ainsi que plusieurs codes feront l'objet de la simplification par voie d'ordonnance.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Gouvernement demande au Parlement de prendre, dans le cadre d'un programme précis et d'une durée limitée, des mesures qui relèvent du domaine de la loi. Les ordonnances seront ensuite soumises à la ratification du Parlement, contrôle final de leur conformité aux objectifs de la loi d'habilitation.

En amont, nous examinons la liste des sujets concernés par l'habilitation. En aval, nous amendons ou ratifions les mesures prises. Le Parlement conserve donc son rôle et son importance.

J'espère vous avoir convaincus, mes chers collègues, qu'il faut s'attaquer avec détermination à ce grand chantier qui consiste à nettoyer les écuries d'Augias, mais il convient aussi de développer l'accès au droit par la codification.

Celle-ci favorise la connaissance de la loi et la rend compréhensible. Grâce à elle, les usagers ont une meilleure conscience de leurs droits et de leurs devoirs. La méthode consiste à codifier « à droit constant » en rassemblant par thèmes des dispositions éparses et en les actualisant.

Depuis près de quinze ans, il y a eu des avancées non négligeables, mais il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite.

C'est aussi un objectif majeur de la réforme de l'Etat. Nous devons, bien sûr, assurer la sécurité juridique, mais, en même temps, nous devons permettre aux Français d'accéder plus simplement aux règles en vigueur.

Le projet de loi prévoit la ratification de quatre codes adoptés en 2000 et la rédaction de quatre nouveaux codes à droit constant : patrimoine, recherche, tourisme et organisation judiciaire.

Pour entrer dans le détail des principales mesures qui permettront de se rendre compte que les choses changent vraiment, je mettrai l'accent sur quelques points.

La première mesure que je souhaiterais évoquer concerne les délais de réponse. Lorsqu'un particulier, une entreprise, ou une association, écrira ou enverra un e-mail à un service public, il recevra un accusé de réception lui précisant le délai dans lequel sera traitée sa demande. La règle juridique du « silence vaut rejet » après deux mois sera conservée afin de préserver le droit de recours du demandeur, mais chaque service s'engagera sur un délai de réponse qui pourra être bien inférieur à deux mois s'il s'agit d'une démarche simple.

La deuxième mesure favorisera la confiance et la responsabilité. Sera appliqué le principe de confiance, et, autant que possible, des déclarations sur l'honneur se substitueront aux pièces justificatives. Les services mettront en place des contrôles ponctuels qui donneront lieu, lorsque des abus seront constatés, à des sanctions proportionnées aux irrégularités constatées.

La troisième mesure permettra l'échange d'informations entre les administrations, bien entendu dans le respect de la loi « informatique et libertés ». L'an prochain, un Français qui changera d'adresse n'aura qu'une seule démarche d'information des administrations à effectuer, alors qu'aujourd'hui il en a entre cinq et dix à faire ! Sachez que 5 millions de Français déménagent chaque année. Chaque fois, il faut prévenir les allocations familiales, la caisse primaire d'assurance maladie, la mairie, le Trésor public, etc., ce qui représente plus de 25 millions de démarches. Demain, l'usager qui le souhaite communiquera sa nouvelle adresse à un interlocuteur unique.

La quatrième mesure - j'en parlais au début de ce propos - concerne la réduction du nombre de commissions administratives.

Certaines sont redondantes ; d'autres ne se réunissent jamais, d'où des risques d'incohérence ou de manque de transparence. Il vaut mieux avoir un nombre limité de commissions aux compétences élargies et mieux adaptées aux enjeux locaux.

Grâce à la cinquième mesure, pourrait être facilité le vote par procuration.

Sur toutes les travées de cette assemblée, nous nous plaignons de l'abstention, mais nous connaissons tous des gens qui voulaient voter et qui n'ont pas pu le faire à cause d'exigences de justifications tatillonnes. Il faut adapter ces formalités aux modes de vie d'aujourd'hui, aux congés, aux week-ends, aux obligations familiales ou professionnelles. Désormais, en application du principe de confiance, une simple déclaration sur l'honneur devrait suffire pour voter par procuration, ce qui devrait supprimer quelques cas d'abstention.

La sixième mesure concerne les élections professionnelles. Ainsi, les maires des petites communes demandent tous la réforme des élections paritaires des baux ruraux. Parfois, moins de dix personnes viennent voter et il faut pourtant tenir une permanence de huit heures à dix-huit heures. Désormais, cela pourra s'effectuer dans les chambres d'agriculture.

La septième mesure concerne nos compatriotes nés hors de l'Hexagone qui doivent prouver de nouveau leur nationalité française. Nous avons tous, là aussi, des exemples en tête : tel rapatrié d'Afrique du Nord obligé, à la fin de sa vie, de renouveler un passeport ou une carte d'identité et qui doit faire la preuve de sa nationalité française.

La huitième mesure consiste en la création d'un guichet unique pour le permis de chasse. Aujourd'hui, trois démarches sont à effectuer pour valider ce permis : auprès de la fédération, du Trésor public, de la préfecture. Demain, il n'y aura plus qu'une seule démarche.

Je ne m'étendrai pas sur les mesures qui concernent les entreprises, car nous aurons certainement l'occasion de reparler en détail du guichet unique pour les artisans et les commerçants et du titre emploi simplifié. Toutes ces mesures devraient permettre de faciliter l'emploi dans les petites entreprises et d'éviter aux commerçants et artisans des tracasseries inutiles. En prime, il est envisagé de simplifier les bulletins de paie. Qui s'en plaindrait ?

Un autre volet du projet de loi concerne la simplification du système de santé. La mise en oeuvre du plan « hospital 2007 » sera facilitée par la simplification des procédures d'appel d'offres des marchés publics. Le Gouvernement pourra engager les crédits plus rapidement et accélérer ainsi les délais de réalisation. N'oubliez pas qu'il faut en France pratiquement dix ans pour construire un hôpital !

Quant à la simplification de l'organisation du système de santé, M. Gérard Dériot vous en parlera plus en détail dans quelques instants.

Enfin, le dernier volet du projet de loi a pour objet la commande publique. Elle représente 110 milliards d'euros, soit presque 10 % du produit intérieur brut, ce qui est loin d'être négligeable. La transformation des règles de 2001 multiplie les contraintes tatillonnes au niveau national sans pour autant permettre leur alignement sur les directives communautaires. Quand il y a deux obstacles au lieu d'un, la course devient encore plus difficile. La simplification et l'harmonisation des procédures seront donc mises en oeuvre.

Dernière innovation : la possibilité de faire appel à un partenariat public-privé sera très largement élargie.

Vous avez peut-être l'impression d'un inventaire à la Prévert, mais tous ces points font de ce projet de loi la clé de voûte de la réforme. Il faut absolument expliquer la démarche entreprise afin de venir à bout des scepticismes et des résistances.

Comme le disait le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, M. Henri Plagnol, lors d'une audition en commission, cela permettra de faire bonne chère avec moins d'argent. Vous prenez aussi le contrepied de vos prédécesseurs, qui d'ordinaire ajoutent quelques lois lors de leur passage. Vous allez en supprimer. Bravo !

En conclusion, nous avons été et nous sommes toujours les champions du monde de la « paperasse ». Maintenant, nous allons essayer de faire le contraire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

MM. Henri de Raincourt et Patrice Gélard. Bravo ! Excellent rapport !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, rapporteur pour avis.

M. Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans son discours de politique générale du 3 juillet 2002, le Premier ministre a indiqué qu'il demanderait au Parlement « l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations dans un certain nombre de domaines qui ne toucheront pas aux équilibres fondamentaux de notre République, mais qui concernent la paperasse » - le mot est exact -, « qui concernent tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs sociaux, économiques sont transformés en bureaucrates alors que nous attendons qu'on puisse libérer leur énergie ».

Moins d'un an après cette déclaration, le Gouvernement est à même d'engager un premier train de mesures de simplification dans tous les champs de la vie administrative, économique et sociale de notre pays. L'étendue même de ce champ, tout comme la nature et le nombre des procédures qu'il est envisagé de réformer justifient pleinement le recours aux ordonnances pour plusieurs raisons conjuguées, qui ont été remarquablement exposées à l'instant par Bernard Saugey. Je n'y reviens donc pas.

Le champ du présent projet de loi couvre, je l'ai dit, l'ensemble des domaines de l'activité administrative, économique et sociale de notre pays. Aussi, s'agissant des dispositions habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, aurait-il été possible à la commission des affaires économiques de se saisir pour avis d'un nombre très important des articles du texte. Il est vrai que la plupart d'entre eux concernent des législations intéressant, directement ou non, ses domaines de compétence, et singulièrement les entreprises.

Toutefois, par accord entre la commission des lois, saisie au fond de l'ensemble du projet de loi, et les trois commissions saisies pour avis, il a été décidé de limiter les examens pour avis afin d'éviter un alourdissement de la discussion du texte qui aurait nui à son déroulement sans apporter aux débats et à l'adoption du projet un intérêt majeur. Dans cette perspective, chaque commission s'est saisie, pour l'essentiel, d'articles dont la matière relevait principalement de son domaine de compétence. Les commissions « pour avis » sont dès lors chargées, à quelques exceptions près, de les examiner « au fond », par délégation accordée par la commission des lois.

C'est ainsi que, dans ce cadre, la commission des affaires économiques est saisie de l'ensemble de l'article 9, relatif au droit de la chasse.

La même démarche de rationalité et d'efficacité a été retenue pour l'examen des articles du chapitre VI, qui concernent la ratification d'ordonnances et l'habilitation du Gouvernement à procéder à l'adoption et à la rectification de la partie législative de différents codes. Au regard des législations concernées par ces codes, la commission des affaires économiques est saisie des articles 23 à 27.

Avant de vous présenter, avec M. Gérard César, qui interviendra sur les dispositions concernant le code rural, les travaux et propositions d'amendements de la commission des affaires économiques, je souhaite évoquer, comme me l'ont unanimement demandé mes collègues, l'article 4, dont la commission ne s'est pas saisie pour avis pour les raisons de principe exposées ci-dessus. Cette position a suscité les regrets de certains, qui s'en sont ouvert lors de notre réunion de commission de la semaine dernière.

L'article 4 vise à instituer de nouveaux contrats de coopération entre personnes de droit public et personnes de droit privé dans le cadre de partenariats publics-privés. Ces « PPP » seraient un nouvel instrument juridique devant permettre à l'administration de mieux gérer, et, surtout, plus rapidement, la construction, l'exploitation ou la maintenance de grands projets de travaux publics. Il s'agirait toutefois d'éviter les lacunes et les dérives qu'on a pu connaître dans le passé avec les marchés d'entreprises de travaux publics.

Si les objectifs du Gouvernement me paraissent sages, encore faut-il s'assurer que la mise en oeuvre de ces partenariats publics-privés ne portera pas atteinte à l'activité des PME, des PMI et des entreprises artisanales, qui constituent le tissu de notre économie locale. On doit rappeler que le poids économique de la commande publique représente aujourd'hui plus de 10 % du produit intérieur brut. Il ne serait donc pas concevable qu'une partie importante des marchés publics de l'Etat et des collectivités locales soit, en quelque sorte, juridiquement réservée aux seules grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics. Tous mes collègues de la commission des affaires économiques s'étant vivement inquiétés des risques d'exclusion des marchés publics de nos petites et moyennes entreprises et de nos artisans, nous sommes donc convenus que j'exprimerai publiquement cette inquiétude, à cette tribune et en leur nom.

Afin qu'elle ne reste pas sans réponse, il m'a en outre semblé opportun de déposer un amendement à titre personnel puisque nous n'étions plus en mesure de réunir à nouveau la commission pour l'avaliser. Cet amendement vise à encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 4 pour créer des partenariats publics-privés, afin de s'assurer que les intérêts économiques des PME, des PMI et des entreprises artisanales seront bien pris en compte dans le cadre de la réforme. J'ai eu plaisir à constater que mon collègue Bernard Saugey a, au nom de la commission des lois, adopté la même démarche et, naturellement, je m'y rallierai le moment venu.

J'en viens maintenant aux articles examinés par la commission des affaires économiques.

L'article 9 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à simplifier la procédure de validation annuelle du permis de chasser, déjà évoquée, qui pourrait être qualifiée actuellement de « parcours du combattant ». L'habilitation ainsi donnée permettra, notamment, de créer un guichet unique pour les chasseurs auprès des fédérations départementales des chasseurs volontaires. Il s'agit d'une mesure qui avait déjà été envisagée lors de l'examen de la loi de juillet 2000 relative à la chasse et qui reste très attendue. Par ailleurs, cet article permettra également de simplifier le régime des adjudications du droit de chasse en forêt domaniale en harmonisant les règles de priorité reconnues aux titulaires d'une licence ou d'une location sur un lot de chasse. Là encore, il s'agit d'une évolution que la commission des affaires économiques a approuvée.

L'article 23, dont il ne reste après le vote de l'Assemblée nationale que le paragraphe II, vise à ratifier l'ordonnance du 11 avril 2001 relative à la transposition de dispositions communautaires dans le domaine de l'environnement. Cette ordonnance a été prise en application d'une loi d'habilitation votée en janvier 2001 pour procéder à la transposition de cinquante et une directives communautaires et d'une quinzaine d'autres textes. Ce texte avait donné lieu à une saisine pour avis de la commission des affaires économiques, qui avait examiné en détail les très nombreuses dispositions communautaires relevant de sa compétence et portant sur l'environnement, mais aussi sur l'agriculture, le droit de la consommation, l'industrie, les télécommunications ou encore les infrastructures routières.

En matière d'environnement, l'ordonnance du 11 avril 2001 qu'il vous est proposé de ratifier transpose différentes directives, dispositions ou règlements portant sur le contrôle des substances appauvrissant la couche d'ozone, le réseau Natura 2000 ou encore la liberté d'accès à l'information en matière environnementale.

En ce qui concerne plus particulièrement le titre III de cette ordonnance, relatif à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, il convient de relever, c'est important, que, dans sa décision du 19 mars 2003, le Conseil d'Etat, statuant sur un recours conjoint de l'Association nationale des élus de la montagne et de la coordination Natura 2000, a considéré que l'ensemble des dispositions de ce titre avait fait l'objet d'une ratification implicite, le législateur faisant expressément référence aux sites et aux contrats Natura 2000 dans l'article 1er de la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt. Il ne s'agit donc aujourd'hui que de confirmer cette ratification implicite.

L'article 24 vise notamment à ratifier l'ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement, en tenant compte d'un certain nombre de corrections rédactionnelles qui vous sont proposées au paragraphe III. A ce sujet, je vous renvoie à mon rapport écrit qui rappelle les avatars subis par le projet de code de l'environnement, dont l'initiative, ancienne, remonte à 1992 et où sont exposées en détail les modifications proposées, qui respectent le principe de la codificaton à droit constant.

Votre commission des affaires économiques vous proposera de compléter la série de corrections qui figurent à l'article 24, notamment pour inscrire dans le code de l'environnement des dispositions législatives récentes qui ont vocation à s'insérer dans ce code pour en assurer une meilleure lisibilité. Il s'agit notamment de la loi du 19 février 2001 relative à la lutte contre l'effet de serre, et de la disposition concernant les éoliennes, qui est intégrée dans la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

L'article 25 habilite en particulier le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions nécessaires pour compléter le code de l'environnement, afin d'intégrer les dispositions législatives nouvelles qui n'ont pas été codifiées par le législateur. Compte tenu des amendements proposés par la commission des affaires économiques à l'article 24, cette habilitation pourra être supprimée.

L'article 26 autorise le Gouvernement à procéder à l'adoption du code de la recherche et du code du tourisme. La création de ces deux codes, à droit constant, figurait déjà au programme général de codification 1996-2000, adopté par la commission supérieure de codification en décembre 1995. Cet objectif répond aux prescriptions du législateur qui, par l'article 2 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, a exigé que les autorités administratives organisent un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent.

La codification, qui permet de mettre à la disposition de tous un instrument clair et maniable, se présente à l'évidence comme une technique essentielle à cette perspective. En outre, elle permet de renforcer les relations réunissant l'ensemble des acteurs et des secteurs concernés par les politiques menées en matière de recherche, d'une part, et de tourisme, d'autre part. Enfin - et ce n'est pas le moindre de ses atouts - la création de ces deux codes permettra de mieux identifier les secteurs intéressés aux plans juridique et institutionnel.

Ainsi, même si, matériellement, ces codes se présenteront vraisemblablement comme de « petits » codes, en particulier en ce qui concerne le nombre de leurs articles relevant du domaine de la loi, la nécessité de leur élaboration ne fait aucun doute, tant pour faciliter l'accès à une norme aujourd'hui dispersée que pour assurer la reconnaissance d'activités dont le poids économique et social, déjà très important, ne cesse de croître et de concerner toujours plus d'acteurs.

Il faut cependant observer que l'un et l'autre de ces codes comprendront de très nombreux « articles suiveurs » - on entend par cette formule la reprise à l'identique d'articles figurant dans d'autres codes, dits « pilotes ». S'agissant par exemple du code du tourisme, les divisions relatives aux stations classées seront constituées d'articles figurant également dans le code général des collectivités territoriales, et l'ensemble de la fiscalité liée au tourisme, telle la taxe de séjour, est déjà codifié au code général des impôts et au code général des collectivités territoriales.

Si cette méthode présente quelques avantages pour la cohérence de la lecture d'un « code suiveur », l'abondance des dispositions suiveuses et la multiplicité des codes pilotes de référence font peser quelques menaces sur l'évolution du code du tourisme et du code de la recherche, car elles accroissent les risques d'erreurs et d'omission lorsqu'il sera légiféré à l'avenir. C'est pourquoi tant les ministères intéressés que le Parlement devront être extrêmement vigilants et penser à modifier les dispositions législatives concernées dans le « code pilote » comme dans le « code suiveur » afin de garantir la cohérence et l'intelligibilité du droit positif.

Par l'article 27, le Gouvernement demande au Parlement de l'habiliter, chose inhabituelle, à codifier « à droit non constant », c'est-à-dire à modifier la législation en même temps qu'il est procédé à sa codification. Une telle innovation n'est pas neutre et présente, techniquement, quelques difficultés pratiques qu'il conviendra de ne pas sous-estimer. En effet, elle rend a priori impossible la procédure traditionnelle de contrôle méthodologique exercé par la commission supérieure de codification qui, depuis un décret du 16 juin 2000, ne peut plus examiner que des projets de codification à droit constant.

Au-delà de cette observation, qui contraindra probablement le Gouvernement à imaginer un nouveau scénario, l'article 27 pose un problème de fond. En effet, pour ce qui concerne le secteur des métiers et de l'artisanat, qui a fait l'objet d'un examen par la commission des affaires économiques, l'habilitation envisagée est extrêmement large et la rédaction du deuxième alinéa de l'article expose, en raison de son imprécision, à des risques non négligeables de censure par le Conseil constitutionnel.

Celui-ci s'est toujours attaché à ce que les principes constitutionnels encadrant la technique de la législation déléguée soient rigoureusement suivis, pour que soient respectées les prérogatives du Parlement en matière législative. Ainsi, le Gouvernement doit indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances, ainsi que leur domaine d'intervention.

Or la rédaction de l'alinéa ne respecte pas ces prescriptions, notamment parce qu'elle permet « d'adapter à l'évolution des métiers », sans plus de précision, les dispositions particulières à ce secteur dans les domaines de la fiscalité, du crédit, des aides aux entreprises, du droit du travail et de la protection sociale.

Certes, on comprend ce que le Gouvernement souhaite entreprendre. Le secteur des métiers et de l'artisanat est aujourd'hui régi, il est vrai, par un code datant de 1952, dont plus de 60 % des dispositions ont été supprimées, les autres étant souvent caduques ou d'ordre réglementaire. L'essentiel de la législation et de la réglementation est aujourd'hui éparpillé dans 700 à 800 textes différents, dont beaucoup contiennent des dispositions totalement obsolètes. Il n'existe aucune cohérence et, à l'heure actuelle, il est difficile de dire ce qui, au moment de la codification, devra être maintenu en l'état, faire l'objet d'une nouvelle rédaction pour adapter le droit à la réalité des faits ou être tout simplement supprimé.

Il n'est donc matériellement pas possible au Gouvernement de préciser exactement, au moment où il présente sa demande d'habilitation, quel type de modifications il sera susceptible d'entreprendre.

Cependant, la commission des affaires économiques a relevé que plusieurs articles du présent projet de loi autorisent le Gouvernement à procéder à de nombreuses simplifications dans le secteur des métiers et de l'artisanat dans les domaines législatifs mentionnés au 1° de l'article 27.

C'est pourquoi, afin de s'assurer qu'aucune censure du Conseil constitutionnel ne viendra contrarier l'ambitieux projet du Gouvernement de créer un nouveau code des métiers et de l'artisanat, que tous les professionnels du secteur, notamment, attendent, la commission des affaires économiques proposera au Sénat d'adopter un amendement visant à définir plus précisément le champ exact de l'habilitation accordée par le Parlement au Gouvernement, sans pour autant entraver l'action de celui-ci.

Sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai évoqués et de ceux que va maintenant présenter Gérard César, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des six articles qu'elle a examinés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les articles du texte que je vais vous présenter ont un caractère essentiellement technique : ils visent à parfaire la codification du code rural, dont certaines parties n'avaient pas encore reçu de valeur législative.

L'idée d'élaborer un code rural est fort ancienne, puisqu'elle remonte à l'Ancien Régime. Sans cesse reportée au xixe siècle, sa véritable concrétisation n'intervient qu'après-guerre, avec l'adoption en 1955 de deux décrets constituant le premier code rural français.

Apparaissant très vite dépassé et trop étroit, ce premier code va faire l'objet de plusieurs révisions par décrets pris en Conseil d'Etat au cours des années quatre-vingt : quatre livres sont alors refondus, dont trois font l'objet d'une validation législative.

A la suite de la relance du processus de codification à la fin des années quatre-vingt, quatre nouveaux livres sont adoptés par le Parlement au cours des années quatre-vingt-dix.

A cet instant, je voudrais rappeler l'excellent travail accompli par M. Alain Pluchet, qui avait apporté sa pierre à l'édifice de la modification du code rural, je tenais à lui rendre aujourd'hui hommage à la tribune.

Il restait donc au législateur à réviser et à adopter deux des neuf livres que comporte le code rural pour en achever la refonte complète. C'est ce qu'a fait le Gouvernement en prenant, sur habilitation du Parlement, deux ordonnances, les 15 juin et 18 septembre 2000.

La première ordonnance vise ainsi à réviser et à adopter les deux derniers livres du code rural qui ne l'avaient pas été, à savoir les livres VII et IX concernant respectivement les « dispositions sociales » et la « santé publique vétérinaire et la protection des végétaux ». Elle vise également à mettre à jour les parties législatives des livres Ier, III et IV du code rural, ainsi qu'à préciser des dispositions spécifiques aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et à l'outre-mer.

La seconde ordonnance, relative à la partie législative du code de l'environnement, tend quant à elle à transférer le livre IX du code rural au livre II du même code, qui s'est trouvé libéré du fait de la réalisation du code de l'environnement.

Les articles 24 et 25 du présent projet de loi ont pour objet, notamment, de ratifier ces deux ordonnances, dont les dispositions n'avaient jusqu'alors qu'une valeur réglementaire. Je me félicite que le Gouvernement permette ainsi au Parlement de conférer valeur de loi à ceux des livres du code rural qui n'avaient pas encore été validés par le législateur.

Cette procédure permet en effet d'achever la refonte complète du code rural entamée au début des années quatre-vingt. Elle prévient par ailleurs tout recours contentieux contre les dispositions ainsi codifiées, supprimant une source de confusion et d'instabilité dans l'application du droit.

Je me propose maintenant d'examiner les parties de ces articles dont a été saisie la commission des affaires économiques.

A l'article 24, le 3° du paragraphe I vise, compte tenu des modifications de pure forme apportées par l'Assemblée nationale en première lecture, à ratifier les deux ordonnances précédemment évoquées. Cette ratification, que je ne peux qu'approuver pour les raisons déjà exposées, intervient toutefois un peu tard : un projet de loi avait été déposé à cette fin dès juillet 2000 sur le bureau du Sénat, mais n'avait jamais été examiné.

Le paragraphe II de l'article 24 tend à rectifier plusieurs dispositions du code rural couvertes par l'ordonnance du 15 juin 2000, afin de tenir compte des nombreuses modifications qui, depuis sa publication, y ont été apportées par des dispositions législatives nouvelles.

A cet égard, reprenant les remarques qu'avait formulées notre collègue Jean-Paul Emorine lorsqu'il avait rapporté, en 2000, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural, je tiens à souligner combien il est regrettable que le processus législatif et les travaux de recodification n'aient pas été mieux coordonnés.

A ce paragraphe II, la commission des affaires économiques proposera au Sénat d'adopter cinq amendements formels ou rédactionnels ayant pour objet de préciser certaines dispositions du code rural codifiées, ainsi que d'améliorer la rédaction des rectifications y étant apportées par ce même paragraphe.

Enfin, le paragraphe IV de l'article 24, tel que modifié par l'Assemblée nationale, vise à étendre à certaines collectivités d'outre-mer les modifications apportées par ledit article à des dispositions leur étant applicables.

Quant à l'article 25, il a pour objet d'habiliter le Gouvernement à corriger et à compléter les parties législatives du code rural et du code de l'environnement par ordonnances prises selon la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution. L'article 28 du projet de loi dispose qu'elles devront intervenir dans un délai de six mois suivant la publication de la loi.

Une telle habilitation ne peut naturellement avoir pour objet que d'autoriser le Gouvernement à procéder aux seules corrections formelles et mises à jour strictement nécessaires. En aucun cas il ne devra s'agir de modifier sur le fond les dispositions examinées.

Pour résumer ce texte, et plus particulièrement les articles sur lesquels a porté l'avis que j'ai présenté, il s'agit donc de parfaire, provisoirement du moins, et de valider la révision du code rural amorcée voilà plus de vingt ans.

Sous réserve des quelques amendements formels que j'ai évoqués, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cette partie du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a naturellement souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi d'habilitation, qui comporte un substantiel volet social.

Il est vrai que notre droit social se caractérise par une singulière complexité. Certes, un certain degré de complexité est inhérent à sa nature, puisqu'il a pour vocation de régir les rapports sociaux, qui ne peuvent être, par définition, que multiples et complexes dans nos sociétés développées.

Le droit social n'est d'ailleurs sans doute pas la branche la plus complexe de notre droit, le droit fiscal, par exemple, atteignant en la matière des sommets... Je suis sûr que le rapporteur pour avis de la commission des finances en conviendra !

Il reste que notre droit social tend, d'année en année, à se complexifier plus encore. Pour ma part, j'y vois trois causes principales.

Il s'agit d'abord de l'inflation des mesures, née d'un empilement de textes successifs dont l'articulation est parfois pour le moins incertaine. Ainsi, pour s'en tenir au seul code du travail, le volume de celui-ci a augmenté de 700 pages depuis 1980, pour atteindre aujourd'hui 2 200 pages... De même, on estime généralement que les caisses d'allocations familiales doivent appliquer quelque 15 000 règles de droit et que la réglementation de base en matière d'assurance vieillesse comporte 30 000 textes.

Il s'agit ensuite de l'instabilité des règles, car, comme l'observait fort justement un spécialiste avisé de notre droit du travail, mais « les règles sont condamnées à une naissance trop tardive et à un vieillissement prématuré ».

Il s'agit enfin de la « technicisation croissante » du droit, notamment de la loi, qui devient d'année en année plus voire trop précise, alors même que notre Constitution dispose pourtant qu'elle ne doit déterminer que « les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale ».

La conjonction de ces trois facteurs fait que notre droit social, au-delà de sa complexité, apparaît en définitive peu lisible pour les usagers, notamment pour les plus fragiles d'entre eux, au risque de restreindre leur accès effectif aux droits, difficilement applicable pour les acteurs sociaux et source d'insécurité juridique tant pour les entreprises que pour les salariés.

Cette situation n'est, à l'évidence, pas satisfaisante. Dans ce contexte, la commission des affaires sociales considère que ce projet de loi d'habilitation est particulièrement bienvenu.

Il convient toutefois de ne pas se méprendre ici sur la portée du volet social de ce texte : il ne s'agit en aucun cas d'autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures modifiant l'architecture de notre système social, comme cela avait pu être par exemple le cas pour les lois d'habilitation de 1982 et de 1986. La loi de 1982 avait ainsi permis au gouvernement de légiférer par ordonnances pour ramener la durée du travail à trente-neuf heures, pour instituer une cinquième semaine de congés payés ou pour abaisser l'âge de la retraite à soixante ans.

M. René-Pierre Signé. Ce n'était pas si mal !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Ce n'était peut-être pas mal, monsieur Signé, mais l'on voit bien où cela nous a menés ! Les gouvernements de l'époque, que vous souteniez, chers collègues de l'opposition, s'en sont donné à coeur joie avec les ordonnances !

M. René-Pierre Signé. Personne ne s'en est plaint !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. La loi d'habilitation de 1986 avait, quant à elle, servi de fondement à la création de nouveaux contrats d'insertion en alternance, à la réforme du régime des contrats de travail « atypiques » ou à la refonte de notre système de participation.

Tel n'est pas l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui. La démarche est plus pragmatique puisque, pour l'essentiel, il s'agit de simplifier notre droit social, principalement en assouplissant certaines procédures lourdes ou désuètes et en facilitant la gestion de nos dispositifs au profit des acteurs sociaux, à savoir les assurés sociaux, les entreprises et les organismes gestionnaires.

Toutefois, cette démarche n'en est pas moins ambitieuse : elle vise à prolonger, à amplifier et à systématiser l'effort entrepris, depuis quelques années, en matière de droit social, de façon souvent efficace mais parfois désordonnée. Certaines de ces simplifications récentes ont constitué de réelles améliorations tant pour les usagers que pour les organismes sociaux. Je pense notamment ici à l'inscription des demandeurs d'emploi aux ASSEDIC en 1997 ou à l'unification des règles régissant les divers régimes de l'ARRCO, l'association des régimes de retraites complémentaires, en 1999.

Pour autant, l'exigence de simplification ne doit pas nous exonérer d'une adaptation plus en profondeur de notre droit social.

Ainsi, en matière de droit du travail, il semble aujourd'hui nécessaire de mieux prendre en compte les évolutions de l'emploi et d'assouplir le fonctionnement du marché du travail afin d'encourager la création d'emplois tout en répondant aux besoins de souplesse des entreprises et à ceux de sécurité des salariés.

J'observe d'ailleurs que, sur ce sujet, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé une démarche de fond.

En effet, le 18 mars dernier, M. François Fillon a annoncé la création d'une commission composée de personnalités et d'experts, chargée de « faire des propositions à la Commission nationale de la négociation collective de nature à développer la place du droit conventionnel et à lutter contre l'insécurité juridique engendrée par la complexité législative, réglementaire et jurisprudentielle. »

Cela montre bien que le présent projet de loi est loin de répondre complètement à l'impératif de simplification. Dès lors que la simplification passe par une adaptation de fond de notre droit allant au-delà des seules questions de procédure, il était naturel que ces évolutions sortent du champ de la présente habilitation et fassent l'objet d'un traitement spécifique.

J'en viens maintenant au contenu des six articles qui constituent le volet social de ce texte. Ils concernent d'ailleurs tous les domaines de notre droit social, qu'il s'agisse de la protection sociale, de l'action sociale, de la politique de santé ou du droit du travail.

L'article 10 du projet de loi vise à simplifier les relations entre les employeurs particuliers - principalement les utilisateurs du chèque emploi-service - et les salariés, en permettant aux employeurs d'adresser leurs déclarations via Internet tout en unifiant le traitement du recouvrement, compétence aujourd'hui éclatée entre plusieurs organismes.

L'article 11 tend à simplifier et à harmoniser les procédures de versement et la gestion de plusieurs prestations sociales. Les mesures envisagées sont très diverses puisqu'elles concernent à la fois des prestations « maladies », des prestations « accidents du travail » et des prestations « vieillesse ». L'objectif visé est d'abord d'alléger un certain nombre de procédures imposées aux usagers et de lever certaines contraintes existantes, afin de rendre plus aisé l'accès à ces prestations, mais il est aussi de faciliter la gestion des organismes délivrant ces prestations, en harmonisant un certain nombre de procédures voisines mais non identiques et en allégeant certaines formalités devenues désuètes.

L'article 15 vise à simplifier les procédures de consultation et d'autorisation préalables à la création d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux. Il s'inscrit, à cet égard, dans la continuité de la politique de modernisation de ce secteur engagée par le biais de la loi du 2 janvier 2002. Il me semble que l'habilitation devrait également permettre une simplification des procédures d'agrément des associations gestionnaires de services d'aide à domicile, lesquelles doivent actuellement obtenir deux agréments, délivrés l'un par le préfet de région et l'autre par le préfet du département. A ce titre, le Gouvernement pourrait s'inspirer de la proposition de loi portant sur ce sujet déposée le 29 janvier dernier par notre collègue Georges Mouly.

L'article 16 comporte plusieurs mesures de simplification de l'organisation administrative et du fonctionnement de notre système de santé. Ces dispositions constitueront un volet important de la mise en oeuvre du plan « Hôpital 2007 ». Ce plan, destiné à redonner ambition et espoir au monde hospitalier, repose principalement sur une relance volontariste de l'investissement, afin de moderniser les établissements de santé et d'accompagner la recomposition de l'offre hospitalière. Les ordonnances qui seront prises en application de l'article 16 du projet de loi permettront alors les aménagements législatifs indispensables à la réalisation des objectifs fixés par le ministre.

L'article 19 tend à permettre la simplification de la gestion des formalités sociales afférentes à l'emploi. Dans cette perspective, il est, par exemple, prévu de créer un « titre emploi simplifié entreprise », le TESE, dédié à l'embauche occasionnelle et de courte durée. Il est également prévu de réduire le nombre des dispositifs d'allégement des cotisations sociales et de les harmoniser. La commission des affaires sociales ne peut que s'en réjouir, puisqu'elle avait, dès le mois de mai 2000, alerté le précédent gouvernement sur l'extraordinaire complexité de ces dispositifs. A cet égard, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir si cette habilitation pourrait servir de support à la fusion annoncée par le Gouvernement des contrats emploi-solidarité - les CES - et des contrats emplois consolidés - les CEC - en un contrat unique d'accompagnement dans l'emploi pour le secteur non marchand.

L'article 19 contient, en outre, le principe de création d'un guichet social unique, dans la forme que souhaite lui donner le Gouvernement, à savoir un « interlocuteur unique ».

Lors de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi pour l'initiative économique, les députés avaient adopté un amendement prévoyant un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales des commerçants et artisans. Cette adoption avait suscité de nombreuses critiques, tant sur la forme que sur le fond. Le Sénat avait alors choisi de renvoyer la décision sur cette question à la discussion du présent projet de loi.

Le Premier ministre, de son côté, avait immédiatement demandé à différentes inspections de mener un travail conjoint et de lui rendre leurs conclusions dès la fin du mois de mars. Ce rapport, encore provisoire, met en garde le législateur contre les fausses simplifications et contre les dangers qui résulteraient d'une unification brutale de la compétence du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs non salariés.

Les différents scénarios proposés ont chacun leurs forces et leurs faiblesses. Il appartiendra bien évidemment au Gouvernement de négocier avec l'ensemble des organismes concernés une formule permettant de faire de cette simplification un progrès à la fois pour les caisses et pour l'usager.

L'article 20, enfin, concerne la simplification du droit du travail. Les mesures envisagées à cet égard sont très variées mais restent, pour l'essentiel, cantonnées à de simples ajustements, rendus nécessaires par certaines incohérences qui se sont progressivement glissées dans notre législation sociale au fur et à mesure des différentes étapes de son élaboration.

La commission des affaires sociales, si elle approuve très largement l'esprit de ces mesures de simplification, n'en mésestime pas moins les difficultés pratiques d'une telle démarche, car rien n'est plus compliqué que de vouloir simplifier. (Sourires.) Et c'est sans doute particulièrement le cas en matière sociale. Le rapport annuel de l'IGAS de 2001 observait ainsi : « La législation sociale se prête mal à une rationalisation a priori , quelles que soient les attentes des observateurs et des gestionnaires en ce domaine. Les voies de progrès sont donc étroites en la matière. »

La commission des affaires sociales se félicite donc que le Gouvernement se soit, d'ores et déjà, clairement engagé à mener une concertation approfondie avec les partenaires et les organismes sociaux sur les mesures envisagées avant la publication des futures ordonnances. Elle voit là une démarche adaptée, permettant de garantir en pratique la pertinence des ajustements qui seront réalisés.

Dans ces conditions, notre commission a tenu à accompagner pleinement la démarche de simplification engagée par le Gouvernement. Aussi a-t-elle souhaité présenter une quinzaine d'amendements tendant à conforter la mise en oeuvre du programme de simplification prévu par le présent projet de loi.

Ces amendements s'articulent autour d'une triple logique.

Ils visent d'abord à préciser le champ de l'habilitation, compte tenu notamment des textes législatifs en instance et de la place respective de la loi et de la négociation collective.

Ainsi, à l'article 16, la commission des affaires sociales vous proposera de revenir sur les nouveaux transferts de compétences prévus par le projet de loi en faveur du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation. Je considère en effet que ce sujet nécessite un véritable débat parlementaire ; celui-ci pourra avoir lieu lors de l'examen du projet de loi relatif à la santé publique qui sera discuté à la fin du mois de juin à l'Assemblée nationale.

De même, notre commission a considéré que l'autorisation accordée aux établissements publics de santé de participer au capital d'une société d'économie mixte constituait un risque, notamment financier, que les établissements ne sont pas à même d'assumer.

A l'article 20, il nous a par ailleurs semblé que la disposition relative au financement du comité d'entreprise risquait d'empiéter par trop sur le champ traditionnel du dialogue social.

Ces amendements tendent ensuite, et pour l'essentiel, à garantir l'effectivité des mesures de simplification envisagées afin que les objectifs visés puissent être pleinement atteints.

Ainsi, à l'article 19, la commission des affaires sociales présentera un amendement visant à laisser au Gouvernement une marge de manoeuvre suffisante, dans sa négociation avec les organismes concernés, pour la mise en oeuvre de l'interlocuteur unique.

Nos amendements ont enfin pour objet d'étendre le champ des mesures de simplification proposées afin de remédier à quelques autres sources de complexité qui nécessitent des ajustements urgents, notamment en matière de droit du travail et de prestations d'accidents du travail.

S'agissant des accidents du travail, il nous a paru possible d'aller plus loin dans l'amélioration du service de ces prestations : d'une part, en étendant le dispositif SESAM-Vitale à cette branche et, d'autre part, en simplifiant le régime extraordinairement lourd à gérer des accidents du travail successifs.

Pour ce qui est du droit du travail, nous vous proposerons notamment d'adapter la législation applicable au travail en temps partagé, les textes actuels comportant encore trop d'obstacles au développement de la pluriactivité, ce qui n'est satisfaisant ni pour les salariés ni pour les employeurs.

Sous réserve de ces observations et de l'adoption de ces amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le volet social du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Braun, rapporteur pour avis.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui avait été annoncé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002. En effet, le Gouvernement devait demander au Parlement le droit de « légiférer par ordonnances pour simplifier nos législations ».

Selon l'exposé des motifs, cette habilitation constitue « un effort vigoureux de simplification coordonnée à l'échelon gouvernemental ». Par ailleurs, elle permet de mettre en oeuvre « un programme de codification ambitieux ». La codification constitue un aspect de la simplification puisqu'elle facilite l'accès au droit.

Mes chers collègues, je suis convaincu qu'il faut se réjouir de telles propositions. En effet, dans le rapport spécial sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003, j'avais dressé un tableau nuancé du chemin accompli en matière de simplifications.

Ainsi, les simplifications opérées par le passé, pour significatives qu'eussent été certaines d'entre elles - je pense, par exemple, à la suppression de la certification conforme ou à celle de la fiche d'état civil -, n'ont pas été, dans leur ensemble, à la hauteur des ambitions qui avaient été affichées. Car, il ne suffit pas de décider de simplifier : il faut d'abord simplifier la simplification. (Sourires.)

Aussi le Gouvernement a-t-il résolu de procéder par ordonnances, ce qui constitue évidemment un gage de rapidité. Pourtant, on ne peut guère concevoir sans quelque regret - voire sans une certaine appréhension - le dessaisissement, même provisoire et circonscrit, du Parlement : les ordonnances ont pu être qualifiées de « législation de chefs de bureau » !

Il faut pourtant bien admettre que les simplifications requises présentent généralement un caractère technique marqué, face auquel le Gouvernement est sans doute mieux armé. En effet, les simplifications administratives requièrent l'expertise continue de l'ensemble des administrations concernées.

Par ailleurs, toute codification constitue une entreprise urgente. Selon les termes du Conseil constitutionnel, la codification « répond à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ». Il importe donc de ne pas en différer la réalisation. La technique de l'habilitation doit permettre de pallier l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le ministre, sans porter de préjudice notable à la qualité de la codification, compte tenu, notamment, de l'excellence du travail de la Commission supérieure de codification.

En outre, vous avez dit appeler de vos voeux, monsieur le secrétaire d'Etat, un véritable débat sur le contenu des ordonnances lors du vote de leur ratification. Une ratification explicite des ordonnances par le Parlement est en effet nécessaire pour que son dessaisissement soit acceptable. Vous avez ajouté que vous souhaitiez également la mise en place d'une association spécifique des parlementaires pour élaborer les ordonnances. Ce dernier voeu est en passe d'être réalisé puisque l'Assemblée nationale a adopté un amendement instituant un conseil d'orientation de la simplification administrative, qui comprendrait notamment trois députés et trois sénateurs. Par conséquent, les préventions qui pouvaient subsister n'ont plus lieu d'être.

La commission des finances a entendu se saisir pour avis de l'article 18, des 4° et 5° de l'article 21 ainsi que du 4° de l'article 27 du présent projet de loi. La commission des lois a bien voulu déléguer à la commission des finances l'examen de l'article 5 et du 10° de l'article 21, qui semble en effet requérir des compétences globalement de son ressort.

A l'article 5, l'habilitation concerne la simplification des relations entre les usagers et l'administration fiscale, ainsi que la rationalisation des modalités d'option pour certains régimes fiscaux. Cet article, qui vise des difficultés bien répertoriées, mérite un accueil favorable, sous réserve qu'il soit mieux circonscrit. C'est l'objet de deux amendements que nous avons déposés.

D'une part, il ne semble pas nécessaire de prévoir un complément d'habilitation destiné à assurer le respect de la présomption d'innocence, qui est déjà établi en matière fiscale. D'ailleurs, ce dispositif a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur de la commission des lois.

D'autre part, il semble utile de préciser que l'habilitation de l'article 5 ne pourra donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles.

J'ajoute, mes chers collègues, que les mesures qui seront prises dans le cadre de cet article ne dispenseront pas d'une refonte ultérieure du code général des impôts, entreprise qu'appelle d'urgence la réalisation de « l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ».

A l'article 18, le Gouvernement est habilité à prendre diverses mesures relatives à la réalisation et à l'utilisation des enquêtes statistiques obligatoires concernant les professionnels ; il doit en résulter un accès facilité à ces enquêtes et, surtout, des économies d'échelle qui seront particulièrement bienvenues.

Au 4° et au 5° de l'article 21, il est prévu d'habiliter le Gouvernement à prendre diverses mesures de rationalisation du droit des valeurs mobilières et du régime des SARL, dont le contenu, très attendu, est susceptible de s'inspirer largement des propositions déjà formulées par le rapporteur général de la commission des finances. Cette dernière s'interroge toutefois sur les conséquences d'une succession trop rapide de textes concernant le droit des sociétés, qu'il s'agisse de la loi pour l'initiative économique, du présent projet de loi ou d'un texte à venir concernant une nouvelle fois l'initiative économique, susceptible d'engendrer une instabilité du droit préjudiciable aux acteurs économiques.

Au 10° de ce même article, l'habilitation concerne l'instauration d'un « seuil de sensibilité » pour les affaires qui sont du ressort du Conseil de la concurrence et le relèvement du seuil de contrôle des concentrations, mesures qui apparaissent opportunes et correspondent à des souhaits déjà exprimés par notre commission des finances.

Au 4° de l'article 27, le Gouvernement est habilité à prendre les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter le code monétaire et financier. Il convient de saluer la reprise du processus de codification dans les matières bancaire et financière. Dans ce cadre, la commission des finances a estimé qu'il serait utile aux praticiens d'amender le dispositif en prévoyant la publication au Journal officiel d'une table de concordance.

Il y a lieu de noter que la durée de l'habilitation est fixée à dix-huit mois pour cette dernière habilitation et à douze mois pour les autres. Ces délais d'habilitation sont relativement longs au regard de la pratique habituelle, mais ils apparaissent finalement raisonnables compte tenu des ambitions du texte.

En conclusion, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai évoqués, la commission des finances vous propose d'adopter les dispositions du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit dont elle a été saisie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 52 minutes ;

Groupe socialiste : 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste : 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Mathon. (M. le ministre s'apprête à quitter l'hémicycle.)

M. Robert Bret. Vous n'êtes pas très galant, monsieur le ministre ! (M. le ministre se rassied.)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Vous le voyez, je tiens à être poli ! (Sourires.)

Mme Josiane Mathon. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'autant que mon discours vous changera un peu de ce que vous avez entendu jusqu'à présent. (Nouveaux sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nul ne conteste la nécessité de procéder à des codifications du droit ou de simplifier les relations de nos concitoyennes et concitoyens avec l'administration ainsi que le fonctionnement de nos institutions. Les démarches que les uns et les autres doivent effectuer dans bien des domaines sont devenues trop complexes et trop longues, au point que, nous le savons tous, certains en arrivent à baisser les bras, renonçant à faire valoir leurs propres droits. Surtout, ils ne trouvent pas toujours l'aide nécessaire, car les personnels formés sont en nombre insuffisant dans les services publics.

Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, va bien au-delà de ces mesures et touche à des secteurs essentiels de la vie du pays, comme l'emploi, la santé et les marchés publics. Vous nous confirmez que d'autres textes de même nature seront examinés dès l'automne prochain.

Ainsi, légiférer par ordonnances deviendrait un mode de gouvernement courant. Ce n'est ni l'esprit de notre Constitution ni celui des lois d'habilitation votées depuis son adoption.

En fait, monsieur le ministre, le Gouvernement nous demande de lui permettre de prendre seul des décisions, en se passant du débat parlementaire sur le fond. Accepter cela reviendrait à accepter de nous dessaisir des responsabilités qui sont les nôtres envers ceux qui nous ont élus. C'est pourquoi, à l'instar des députés communistes, les sénatrices et sénateurs de notre groupe voteront contre ce texte.

Nous y sommes d'autant plus opposés que la nature des dispositions qui seront prises en vertu des ordonnances reste nébuleuse alors même qu'elles seront extrêmement importantes dans plusieurs domaines. Notre inquiétude est renforcée par le fait que nous n'avons pas obtenu de réponses précises à nos interrogations.

Ce n'est d'ailleurs pas aux seuls parlementaires que le Gouvernement veut confisquer le débat. C'est aussi aux professionnels - et, parmi eux, les fonctionnaires -, aux usagers, aux citoyens dans leur ensemble. A cet égard, les conditions de l'adoption de la loi constitutionnelle sur la décentralisation et de sa mise en oeuvre à marche forcée sont éclairantes. S'agissant du présent texte, l'ordre des architectes, par exemple, dénonce « l'absence totale de dialogue préalable et de transparence » !

Le Gouvernement sent bien que sa politique devient de jour en jour plus impopulaire ; c'est pourquoi il fuit le débat et cherche à se donner les moyens de décider sans entrave sur certains sujets, ce qui aura des conséquences extrêmement importantes.

M. Ladislas Poniatowski. Votre politesse n'est guère récompensée, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Mme Josiane Mathon. Au-delà de la politesse, il est toujours salutaire d'entendre un autre discours.

Comme le Gouvernement l'a souligné par la voix de plusieurs de ses membres, ce projet de loi n'est pas un simple outil de simplification et de codification. Il est aussi, selon vos propres termes, monsieur le ministre, « un élément important de l'édifice de la réforme que le Gouvernement a entrepris de construire autour de quatre chantiers : la décentralisation, la réforme budgétaire et la gestion publique, la gestion des ressources humaines de l'administration et, enfin, la simplification de nos procédures administratives ».

Ce texte est donc un élément structurant de la politique ultralibérale du Gouvernement, une politique qui va à l'encontre des intérêts de l'énorme majorité de nos concitoyens et qui façonne une société d'où la cohésion nationale et l'égalité seront bannies.

N'avez-vous pas vous-même affirmé, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agissait d'un « texte consistant, qui lève les facteurs de blocage les plus urgents » ?

Mais quels sont donc ces facteurs de blocage ?

S'agit-il de ceux qui tiendraient à l'existence d'un service public important dans notre pays, à un nombre des fonctionnaires que M. Raffarin veut réduire considérablement, à une dépense publique qu'il est décidé à diminuer pour entrer dans les critères européens ?

S'agit-il des facteurs qui tiendraient aux « rigidités » du droit du travail, vécues comme des entraves, ou à une protection sociale solidaire ?

L'adoption du texte qui nous est proposé permettrait en effet au Gouvernement de procéder à des dérégulations accrues dans ces deux domaines essentiels pour la vie de nos concitoyens. J'observerai d'ailleurs que la commission des affaires sociales s'est inquiétée des dispositions concernant les transferts de compétences vers les directeurs d'agences régionales d'hospitalisation et qu'elle n'a pas jugé opportune l'intervention des sociétés d'économie mixte dans la création et la gestion des équipements et services sanitaires.

S'agit-il des « blocages » qui seraient dus à la législation actuelle sur les marchés publics ? Les dispositions du texte relatif à ces marchés, au « nouveau partenariat public-privé », en concentrant les investissements entre leurs mains, sont en effet destinées à favoriser les grandes entreprises du bâtiment, au mépris des architectes et des PME, et au détriment de la qualité des réalisations, voire de toute création.

Décidément, ce texte est bien d'inspiration libérale !

Alors que le chômage s'aggrave, que les fermetures d'entreprise et les restructurations sont toujours plus nombreuses - libre cours étant désormais laissé aux entrerises sur ce point -, alors que les difficultés des gens s'accroissent, l'urgence n'est-elle pas de renforcer l'accès de nos concitoyens à tous ces droits dont ils sont privés ? Les demandeurs d'emploi actuels et futurs vont-ils mieux vivre leur situation ? Pourront-ils accomplir plus facilement leurs démarches ?

La mesure la plus urgente ne devrait-elle pas consister à développer les moyens publics d'intervention, au lieu de les réduire à l'état de lambeaux ? Mais cela suppose une politique audacieuse de développement, une modernisation des services publics, à l'opposé de votre conception résiduelle du public et de votre volonté d'élargir au maximum la part du privé.

Quand les fonctionnaires exigent que soit évoqué le contenu de leur mission, comme ils le font actuellement à propos des transferts de personnels aux régions et aux départements, ils se voient opposer une fin de non-recevoir. Ils sont accusés de favoriser le gâchis, taxés de conservatisme, d'archaïsme, d'égoïsme catégoriel. Ils sont pourtant les mieux à même de dire comment améliorer leurs missions, les rendre plus efficaces pour les usagers. Il faut les entendre comme des partenaires.

Par ailleurs, où est la simplification quand la décentralisation fera que les citoyens n'auront plus les mêmes droits d'une région à l'autre, d'un département à l'autre ? On va compliquer à l'extrême, rendre de moins en moins lisibles les droits de chacun et, les compétences respectives des collectivités.

Et comment parler de simplification, de lisibilité, de sécurité juridique quand, depuis juin dernier, le Gouvernement n'a de cesse de faire adopter, dans l'urgence, et en exigeant le vote conforme, des modifications en profondeur de la législation dans des matières à la fois très nombreuses et essentielles ?

Il existe un besoin réel de simplification de démarches dans divers domaines. Mais, je l'ai dit, nous ne pouvons accepter la méthode qui consiste à légiférer par ordonnances.

De plus, l'esprit et le contenu de l'ensemble du texte montrent bien que quelques mesures de réelle simplification ne représentent en réalité qu'un affichage, pour mieux faire passer tout un ensemble de dispositions négatives.

Certes, il faut faire reculer l'inertie interne, l'anonymat et l'opacité, mais il faut aussi faire reculer la main mise du privé et de ses logiques de management sur l'Etat, et la confiscation des choix par les « experts ». Vous proposez l'inverse, puisque la culture de la performance, largement inspirée du privé, devrait devenir la règle.

Pour notre part, nous sommes convaincus que la seule garantie d'un bon fonctionnement de l'administration, c'est de faire entrer la démocratie au sein de celle-ci. Les citoyens doivent être associés à la prise de décision et une parfaite transparence des processus des motivations des choix, ainsi que de l'évaluation et de la mise en oeuvre, doit être assurée du citoyen au Parlement. Or ce projet de loi n'accorde aucun pouvoir nouveau aux citoyens et aux salariés en ce sens, alors qu'il y a pourtant là une question essentielle.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Madame Josiane Mathon, vous avez dit que vous ne pouviez tolérer la méthode consistant à légiférer par voie d'ordonnances. Or je vous rappelle aimablement que lorsque vous apparteniez à la majorité, celle-ci a procédé ainsi et vous l'avez soutenue.

M. Roland Muzeau. Vous avez mal lu !

M. Robert Bret. On l'a dénoncé ! Il s'agissait de directives européennes !

M. Ladislas Poniatowski. Ici même, dans une circonstance bien particulière, en tant que rapporteur d'un texte important, j'ai même appuyé le Gouvernement que vous souteniez dans cette méthode : il s'agissait d'un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnances, cinquante-quatre directives. J'avais, au nom de la commission, émis un avis favorable sur cinquante et une d'entre elles, pour rattraper un retard et mettre fin à une situation quelque peu honteuse pour notre pays. Vous aviez voté ce projet de loi d'habilitation.

M. Robert Bret. Non ! On avait dénoncé la méthode !

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Ils ont la mémoire courte !

M. Robert Bret. Absolument pas ! Relisez le Journal officiel !

M. Ladislas Poniatowski. Donc, ce que vous n'acceptez pas aujourd'hui, vous l'avez quand même fait dans un passé pas très lointain. Je tenais à faire cette petite mise au point préalable.

S'agissant du présent projet de loi, dont le volume est considérable, je limiterai mon intervention à deux dispositions concernant le domaine de la chasse.

Vous l'avez compris, j'interviens, certes, en tant que parlementaire de l'UMP, mais surtout en tant que président du groupe d'étude chasse-pêche du Sénat. Je souhaite simplement être l'avocat du monde de la chasse. En effet, les chasseurs ont été malmenés et brimés pendant plusieurs années : ils l'ont d'ailleurs exprimé assez brutalement à l'occasion des dernières élections législatives. Depuis, ils sont impatients et attendent des changements. Or ces changements tardent à venir. En effet, les quelques mesures qui ont été prises par voie réglementaire sont loin de leur avoir donné satisfaction, certaines d'entre elles ayant même été annulées par le Conseil d'Etat.

C'est pourquoi ce texte constitue, enfin, une première étape qui répond à leurs attentes. Les dispositions de ce projet de loi relatives au domaine de la chasse forment ce que j'appellerai le premier étage d'une fusée qui en comporte trois.

La première de ces dispositions, c'est l'article 9, qui a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances pour simplifier les procédures de validation du permis de chasser et pour moderniser la procédure d'adjudication des droits de chasse dans les forêts domaniales.

S'agissant de la validation annuelle du permis de chasser, on ne peut que se féliciter de cette mesure qui s'inscrit dans un objectif général de simplification annoncé par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, lors du débat sur la chasse qui s'est tenu à l'Assemblée nationale le 11 février dernier.

Comme l'a très justement souligné M. Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, la procédure de validation annuelle s'apparente actuellement à un véritable parcours du combattant pour les chasseurs parce qu'elle s'accompagne d'une série de contrôles divers et variés, effectués par l'autorité administrative, notamment le paiement de la cotisation fédérale obligatoire, la présentation de l'attestation de l'assurance obligatoire, ou encore la présentation du formulaire de validation dûment rempli et signé.

La simplification prévue par le projet de loi va donc consister à conditionner l'obtention de la validation annuelle du permis de chasser uniquement au paiement des redevances cynégétiques.

En outre, le projet d'ordonnance va permettre aux fédérations départementales des chasseurs, qui sont volontaires, de valider les permis de chasser et ainsi de mettre en place un guichet unique. Je signale que les fédérations de chasse tiennent, en ce moment, leurs assemblées générales auxquelles certains d'entre vous, mes chers collègues, ont assisté. Toutes, et quasiment à l'unanimité, votent dans le même sens : elles souhaitent être ce guichet unique.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Ladislas Poniatowski. Pour cela, un régisseur de recettes de l'Etat, compétent pour encaisser les cotisations et redevances, sera placé auprès d'elles.

Quant à la rénovation de la procédure d'adjudication des droits de chasse en forêt domaniale, elle vise à faciliter sa mise en oeuvre et, notamment, à changer le mode d'exploitation des lots de chasse. Ceux-ci peuvent être, en effet, attribués par adjudication en vue d'une location pour une durée de douze ans, ou par concession de licence d'une durée de douze mois. Mais le titulaire de cette licence ne bénéficiera d'aucune priorité si l'Office national des forêts décide d'attribuer ce lot par adjudication, et ce même s'il est en place depuis de nombreuses années du fait du renouvellement de sa licence.

En revanche, je tiens à rappeler que depuis 1989, et grâce à la demande du groupe d'étude chasse-pêche du Sénat, les locataires d'un lot de chasse obtenu par adjudication bénéficient d'une priorité s'ils justifient d'une ancienneté de six ans et d'une gestion cynégétique correcte de leur lot de chasse.

Pour faciliter le changement entre deux modes d'exploitation, il est donc tout à fait judicieux d'attribuer des règles de priorité identiques au titulaire d'une licence.

La seconde disposition que je veux évoquer, c'est le paragraphe III de l'article 24, qui comporte une quinzaine de propositions de modification du code de l'environnement visant à remédier à des erreurs ou à des anomalies dues au travail du codificateur. Mais la correction qu'il prévoit de faire au 9° ne me semble pas pouvoir être assimilée à une simple rectification à droit constant.

Cette disposition corrige, en effet, la liste des agents autorisés à requérir des chasseurs l'ouverture de leurs sacs et de leurs poches à gibier. Des législations successives ont confié à diverses catégories d'agents la mission de constater et de poursuivre certaines infractions à la législation de la chasse.

La modification proposée vise notamment à tenir compte de la réforme des gardes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Mais dans la rédaction proposée cependant, ne sont plus mentionnées les gardes des fédérations des chasseurs. Or cette disposition présente un caractère essentiel pour les fédérations qui emploient des agents de développement ou des gardes, afin qu'elles puissent remplir leur mission de prévention du braconnage, ou encore veiller à la mise en oeuvre des dispositifs de prélèvements maximum autorisés, les fameux PMA, arrêtés dans le cadre d'un schéma départemental de gestion cynégétique. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, je présenterai, sur ce point, un amendement sur lequel vous émettrez, je l'espère, un avis favorable.

Mes chers collègues, au-delà de ce projet de loi, et pour conclure, je voudrais évoquer les prochaines étapes législatives qui vont permettre de réformer en profondeur le droit de la chasse.

J'ai commencé mon intervention en disant que le volet « chasse » de ce projet de loi était le premier étage d'une fusée qui en comporte trois. Le deuxième étage de cette fusée sera le projet de loi relatif à la chasse, qui nous sera soumis les 10 et 11 juin prochains et que l'Assemblée nationale examinera les 13 et 14 mai. Ce texte va préciser les statuts des fédérations de chasse et les contrôles auxquels celles-ci sont soumises ; surtout, il va permettre de modifier, dans un sens qui, je l'espère, sera acceptable pour le monde de la chasse, la mesure emblématique introduite par la loi du 26 juillet 2000, à savoir le jour de non-chasse. En tout cas, nous y veillerons tout particulièrement au Sénat.

Le troisième étage de cette fusée « chasse » sera constitué, à l'automne prochain, par le projet de loi sur les affaires rurales. Un titre entier sera réservé à la chasse, et nous aurons, dans ce cadre, à réformer l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et à inscrire l'exercice de la chasse dans une perspective de développement durable de nos territoires ruraux.

Vous l'aurez compris, il manque un étage à cette fusée : les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Ce domaine, dans lequel le monde de la chasse attend beaucoup, relève non pas de la compétence du Parlement français, mais de Bruxelles. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous adresse un message à cette occasion. Je reste persuadé que la discussion peut avoir lieu avec Bruxelles. En effet, elle n'a jamais commencé. Pendant cinq ans, s'agissant des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, la France a toujours refusé de négocier, contrairement à tous nos voisins européens, qui ont obtenu des dérogations. Je souhaite que nous changions de comportement. Nos partenaires, notamment la Commission européenne, sont tout à fait disposés à faire évoluer la directive « oiseaux sauvages ». Encore faut-il commencer par discuter. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, discutons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. )

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans son excellent rapport, notre collègue Bernard Saugey estime que la masse des normes juridiques, dont chaque citoyen est censé connaître l'existence et le contenu, peut être évaluée à quelque 8 000 lois et 400 000 décrets, ce qui rend pertinente la remarque selon laquelle nous légiférons trop. Comment, compte tenu de ce foisonnement normatif, nos concitoyens peuvent-ils respecter le principe selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez aujourd'hui de simplifier le droit et de poursuivre l'oeuvre de codification. Bien entendu, le groupe de l'Union centriste vous soutient et vous accompagne dans cette démarche.

L'Etat doit se moderniser, et il y parviendra, en particulier, au moyen de la simplification. De surcroît, l'amélioration des relations entre les administrés et l'administration en dépend.

Je suis parfaitement conscient de cette réalité, ayant été rapporteur de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. A cette occasion, nous avions pris de nombreuses mesures, parmi lesquelles l'obligation faite à une autorité publique de transmettre à l'autorité compétente les documents reçus à tort, ou encore l'obligation d'accuser réception de toute demande dès lors qu'elle ne présente pas un caractère abusif.

Aujourd'hui, il faut aller beaucoup plus loin. Ainsi, par voie d'ordonnances, le Gouvernement s'engage-t-il à réorganiser la procédure de transmission des documents, à diminuer le nombre de pièces justificatives demandées aux usagers et à réduire les délais de traitement des dossiers.

D'autres mesures de simplification prévues dans ce projet de loi sont à saluer. Ainsi, nous accueillons très favorablement les dispositions relatives au droit de la chasse, commentées voilà quelques instants de manière experte par notre collègue Ladislas Poniatowski, comme la simplification de la procédure de vote par procuration.

Nous nous félicitons également que soit entreprise la modernisation du droit des associations syndicales de propriétaires, droit qui reste fondé sur une loi de 1865, dont l'archaïsme handicape aujourd'hui gravement le fonctionnement et l'essor de ces structures qui, sur nombre de territoires, remplissent une fonction essentielle.

Enfin, pour souligner une autre avancée significative, je tiens à faire part du soutien du groupe de l'Union centriste à l'amélioration des modes de fonctionnement des commissions administratives et des instances consultatives, dont le nombre croît considérablement, ce qui nuit à la qualité et à la rapidité des décisions.

Pour sa part, l'Assemblée nationale a ajouté un certain nombre de dispositions auxquelles mon groupe est très attaché : la simplification du bulletin de paie, ainsi que la possibilité offerte aux différentes catégories de travailleurs non salariés agricoles de choisir l'organisme qui sera chargé de créer un guichet unique pour l'ensemble des formalités et paiements de cotisations et contributions sociales.

Le groupe de l'Union centriste proposera également d'ajouter deux autres objectifs de simplification dans le domaine des cotisations sociales. Il s'agit d'harmoniser les règles de calcul des taxations d'office entre les différentes caisses de non-salariés, de rapprocher les montants des taxations d'office des revenus réels des cotisants et d'harmoniser les motifs justifiant la remise des majorations de retard en reprenant ceux qui ont été définis pour le régime vieillesse.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi embrasse quantité de thèmes d'une extrême diversité, ce qui, à certains égards, peut être pénalisant pour la lisibilité de la réforme.

Mais nous voulons surtout retenir que votre objectif de simplification et d'efficacité est louable, même si certains sujets auraient pu faire l'objet d'un projet de loi examiné selon les procédures législatives classiques, prévues par l'article 34 de notre Constitution, tant certaines réserves s'imposent.

Il s'agit principalement, et vous l'avez sans doute compris, de l'article 4 du projet de loi, qui vise à créer une nouvelle forme de contrat de partenariat public-privé. Plus précisément, ce texte prévoit d'étendre à toutes les infrastructures publiques le modèle de contrat global institué par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure pour les commissariats et les prisons. Ces contrats permettent de confier à un opérateur privé unique la conception, le financement, la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un ouvrage public.

Or ce type de contrat constitue, par sa nature même, une lourde menace pour l'ensemble des entreprises artisanales, qui seront incapables de rivaliser avec les importants groupes de travaux publics, seuls susceptibles de proposer de tels contrats. Alors que les artisans du bâtiment représentent près de 45 % des marchés publics du bâtiment, il nous semble important d'avoir une réflexion et un débat approfondis sur cette question.

En effet, il y va de la pérennité de milliers d'entreprises qui constituent, nous en sommes tous conscients, un tissu économique et social indispensable à l'équilibre de notre société. Car, au-delà de ce qu'elles apportent en termes de ressources et d'emplois, ces entreprises assurent aussi un précieux service aux personnes - je pense en particulier aux personnes les plus faibles -, auprès desquelles l'artisanat remplit une véritable mission de service public.

Prendre le risque de fragiliser l'artisanat serait extrêmement dangereux et lourd de conséquences, au moment même où cette branche d'activités rencontre de grandes difficultés de recrutement et de formation de sa main-d'oeuvre. Je pourrais citer de nombreux exemples pour illustrer cette situation.

Par ailleurs, il nous semble que le recours aux marchés globaux peut remettre en question l'application des principes qui gouvernent les procédures de dévolution des marchés publics : d'une part, la transparence et, d'autre part, l'égalité des chances et la libre concurrence. Si nous sommes, bien entendu, favorables à un assouplissement des procédures de contrat public, nous sommes, en revanche, attachés au respect de ces principes, et en particulier à celui qui garantit l'égalité d'accès à la commande publique pour toutes les entreprises.

Enfin, nous craignons que ces contrats globaux ne nuisent à la qualité des prestations, puisque l'intervention d'un maître d'oeuvre responsable n'est plus requise. On peut dès lors penser que le choix se fera moins sur la qualité architecturale et favorisera le retour à des bâtiments standardisés ne prenant guère en compte les contraintes spécifiques locales et les besoins des utilisateurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste proposera deux amendements, l'un visant à supprimer l'article 4, l'autre tendant à prévoir que le recours à ces contrats de partenariat public-privé doit rester limité à des opérations d'une telle ampleur qu'elles rendent nécessaire l'intervention d'un partenaire unique.

Voilà, en quelques mots, la position de notre groupe. Si, donc, nous adhérons à la démarche de simplification pour la plupart des domaines traités par ce projet de loi, nous regrettons que le Parlement soit privé d'un débat de fond sur le contrat de partenariat public-privé.

C'est pourquoi, lors de l'examen à venir du projet de loi de ratification, nous serons particulièrement vigilants et attachés au respect des objectifs que j'ai rappelés.

Pour le reste, nous soutenons le Gouvernement, attachés que nous sommes à l'oeuvre entreprise de simplification, qui doit être conduite dans un souci d'efficacité, pour le bien du pays.

Nous félicitons nos excellents rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, et espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que nos attentes et propositions seront entendues. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons assisté dernièrement à un retour de l'article 49-3 dont nous avions perdu l'habitude... (Sourires.) Puis, il y a eu l'usage à notre avis excessif du vote conforme. Enfin, voilà le retour des ordonnances !

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, vise à dessaisir le Parlement. Vous demandez en quelque sorte que l'on vous signe un chèque en blanc !

Vous nous objecterez, comme l'a déjà fait M. Delevoye, qu'il existe des précédents. En effet ! Mais ils trouvaient souvent leur justification dans l'urgence et la nécessité, pour parler des récentes lois d'habilitation, d'appliquer à l'outre-mer des dispositions législatives valant pour la métropole ou de traduire en droit interne des directives européennes.

Pour autant, je n'ai pas le souvenir d'une loi d'habilitation ayant eu une telle ampleur en matière de dessaisissement du Parlement : quinze codes et trente lois au moins sont concernés !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Il y a beaucoup de choses à faire !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit touche à tous les sujets - code électoral, droit du travail, procédures de licenciement, santé, affaires sociales, tourisme, marchés publics, code des impôts, fiscalité, et bien d'autres domaines encore -, à tel point que nous sommes fondés à nous demander, vu l'ampleur du champ concerné, ce qui n'est pas visé par ce texte ! Vous savez d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une habilitation aussi ample pose un véritable problème de constitutionnalité. Il serait donc très intéressant que le Conseil constitutionnel fût interrogé et amené à statuer à cet égard.

De surcroît, le discours du Gouvernement comporte de grandes contradictions. En effet, vous nous assurez que ces ordonnances seront publiées dans un délai de douze à dix-huit mois. Or ce délai suffit largement pour faire une loi ! Et encore a-t-on pu déjà constater, y compris récemment, votre très grande capacité à élaborer des lois beaucoup plus rapidement ! Il est des lois qui ne vous ont pas demandé douze ou dix-huit mois ! En effet, il est arrivé que quelques jours à peine séparent la décision de déposer un projet de loi du vote du rapport. Le rapport était à peine publié que le projet de loi était examiné en séance publique, tout allant très vite.

Je m'étonne donc de cette défiance à l'égard du Parlement. S'il ne s'agissait que de sujets mineurs, d'adaptations, d'assouplissements, cela n'aurait pas d'importance ; mais, comme l'ont déjà dit les orateurs précédents, il s'agit de sujets majeurs. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi cette méfiance, cette défiance à l'égard du Parlement alors que vous avez une majorité tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ? Vous êtes dans une situation qui vous permet de jouer pleinement le jeu de nos institutions, qui donnent au Parlement le soin de légiférer.

Par ailleurs, M. Jean-Paul Delevoye a indiqué que, dès l'automne 2003, un deuxième projet de loi d'habilitation, avec une nouvelle série d'ordonnances, serait déposé, suivi d'au moins un texte d'habilitation chaque année. Autrement dit, c'est l'habilitation permanente, c'est l'ordonnance constante et c'est, bien entendu, un détournement total de nos institutions !

J'ajoute que, sur nombre de sujets concernés par ce projet de loi d'habilitation - mais ce point a été évoqué à l'Assemblée nationale -, vous avez également annoncé la discussion de projets de loi au cours des prochains mois. Comprenez notre étonnement !

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous dites qu'il faut simplifier l'administration de notre pays. C'est un discours très ancien, mais aussi très actuel, que nous partageons. Simplifions, simplifions ! Mais le Parlement serait-il par essence inapte à la simplification ? Y aurait-il deux entités : d'un côté, le Gouvernement, qui serait pour la simplification, et, de l'autre, le Parlement, qui serait pour la complexité ? N'est-ce pas avoir une pensée quelque peu désobligeante à l'égard du Parlement que de considérer celui-ci comme incapable de simplifier les choses ?

En outre, les propositions contenues dans le projet de loi ont quelquefois un caractère légèrement ubuesque - il faut rendre hommage aux grandes oeuvres de la littérature ! -, et il en est ainsi notamment de l'admirable article 1er A. Alors qu'on nous explique qu'il existe beaucoup trop de commissions - 200, 250, 300, 350, je ne sais plus -, la première phrase du projet de loi débute ainsi : « Un conseil d'orientation de la simplification administrative formule toute proposition... ». La première chose que vous faites pour remédier à cette pléthore de commissions consiste donc à créer une commission chargée de la suppression des commissions ! Il y a là - vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat - quelque chose d'un peu redondant, d'un peu contradictoire et d'un peu paradoxal !

Nous sommes d'ailleurs très sensibles aux intentions du Gouvernement. M. le ministre nous a dit tout à l'heure de ne pas nous inquiéter, que nous serions associés, consultés, que l'on nous demanderait notre avis. Le Gouvernement veut donc nous rassurer, nous qui sommes chargés de faire la loi : il nous demandera de temps en temps notre avis, et, si nous le voulons bien, nous pourrons travailler au sein de la 351e commission - en attendant qu'il y ait moins de commissions ! -, puisque trois députés, trois sénateurs et un certain nombre d'autres personnalités tout à fait éminentes y siégeront. En quelque sorte, nous qui avons pour habitude, au sein des commissions parlementaires, d'auditionner les membres du Gouvernement serons cette fois-ci - du moins pour les sénateurs et les députés qui accepteront de siéger au sein de ce conseil d'orientation - auditionnés afin de donner notre sentiment sur la loi de la République française que le Gouvernement écrira par voie de nombreuses ordonnances !

Sachez-le : nous désapprouvons ce système, et ce pour des raisons de bon sens que chacun peut comprendre - je les expose en effet avec la plus grande simplicité possible -, voire partager.

Je tiens à revenir sur trois points parmi ceux, nombreux, qui sont traités, avant que nous nous exprimions sur l'ensemble lors de l'examen des articles : les questions électorales, les questions relatives aux marchés publics et les nouvelles dispositions qui permettront de construire des équipements publics.

S'agissant du code électoral, nous considérons que toute simplification en la matière doit relever d'une loi votée par le Parlement. Monsieur le secrétaire d'Etat, jusqu'à présent, aucun argument justifiant un changement du code électoral par voie d'ordonnance n'a été avancé. Les élections - tout le monde le comprend - sont quand même le coeur de la démocratie. Nous avons l'habitude de discuter longuement, avec passion et raison, des lois électorales. Nous avons ainsi beaucoup parlé des élections régionales et européennes, voilà peu.

Monsieur le secrétaire d'Etat, par quel argument pouvez-vous soutenir qu'en matière électorale il est impossible de présenter un projet de loi dans les douze ou dix-huit mois qui viennent ?

J'évoquerai deux points précis.

Tout d'abord, la question des procurations doit certes être revue, comme nombre de nos concitoyens, attentifs à ce point, nous l'ont demandé, après avoir remarqué que les autorités chargées de statuer sur le sujet n'avaient pas toujours retenu les mêmes critères. Il s'agit là effectivement d'un vrai problème qu'il faut revoir, afin de limiter l'abstention. Mais nous sommes totalement défavorables, compte tenu de la complexité du sujet, à ce que cela se fasse par ordonnances. De surcroît, nombre d'élus, de droite comme de gauche, ont fait observer, lors des débats en commission, que, dès lors que la même autorité - la mairie - serait chargée de mettre en oeuvre ce vote par procuration et qu'elle est directement impliquée par un certain nombre d'élections, elle se trouverait alors juge et partie. On ne peut pas nier ce problème.

Il serait donc à notre avis justifié de travailler sur ce sujet, de réfléchir, comme nous le faisons dans nos commissions, aux différentes solutions de manière à retenir la meilleure. Et je n'en préjuge pas. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi le Parlement serait-il dans l'incapacité de traiter cette question ? J'aimerais avoir une réponse sur ce point.

J'en viens au second point concernant les questions électorales : le financement des campagnes électorales, qui est un sujet très important. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat, des difficultés que le monde politique dans son entier a connues dans le passé à ce sujet. Nous ne devons donc y toucher qu'avec beaucoup de précautions et de rigueur. Or, pensez-vous vraiment que le fait de permettre l'engagement et le versement de dons après la clôture du scrutin soit une bonne disposition ?

Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Etienne Blanc, indique, dans son rapport écrit, que l'attestation demandée au moment du versement des fonds, jusqu'au moment où l'élection est acquise, ne rend pas compte de la réalité des dons reçus par un candidat « qui s'est aperçu pendant le scrutin que son budget ne pourra pas être financé dans sa totalité ». Il conclut qu'il serait peut-être bon de « mettre en accord le droit avec les faits ».

Vous vous rendez donc bien compte, monsieur le secrétaire d'Etat, du caractère imprécis et critiquable de ces dispositions, et des nombreuses dérives auxquelles elles pourront donner lieu !

Ne serait-il pas plus clair de prévoir la possibilité de verser des dons aux candidats jusqu'à la date de l'élection, mais non après, c'est-à-dire lorsque le résultat de l'élection est connu, ce qui change naturellement toute la situation ?

En tout cas, pourriez-vous nous expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi le Sénat et l'Assemblée nationale seraient dans l'incapacité de traiter de cette question dans les douze ou dans les dix-huit mois à venir ?

J'en viens enfin aux articles 3 et 4 du projet de loi, qui, comme beaucoup d'orateurs l'ont dit, posent un véritable problème.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les choses seraient à mon avis très différentes si vous acceptiez de retirer les articles concernant le code électoral et la fiscalité, car nous verrons bientôt - nous y reviendrons lors de la discussion des articles - les contraintes qu'engendreront ces dispositions relatives à la fiscalité, y compris par rapport au vote de la loi de finances. En effet, je rappelle que l'autorisation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, notamment en matière fiscale, peut aboutir, en vertu de la Constitution, à ôter toute validité aux amendements déposés, y compris lors du vote de la loi de finances, qui seraient contraires à l'habilitation votée par le Parlement.

Les articles 3 et 4 visent à l'extension à l'ensemble des équipements publics des dispositions déjà adoptées pour les gendarmeries, pour les commissariats de police et pour les maisons d'arrêt.

Aux termes de l'article 4, le Gouvernement serait autorisé à « créer de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public. » Je ne sais pas si l'on simplifie : ce mélange indistinct, mal défini, entre le public et le privé est en effet d'une réelle complexité !

L'objet de cette mission est la « conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics ». Dans ces conditions, qui devra-t-on juger et choisir ? L'architecte, l'entreprise, ceux qui assureront la maintenance et le banquier ? Dans la commission d'appel d'offres, vous ne pourrez pas faire prévaloir tel choix architectural parce qu'il faudra choisir en même temps, par le même vote et de la même manière, l'entreprise et le banquier, ce qui nous semble totalement déraisonnable.

Je poursuis ma lecture : l'article 4 prévoit que la mission de service public concerne également « la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions. » Ainsi, par le même vote, on pourra choisir la même entreprise qui sera chargée de la conception, de la réalisation, mais aussi de la gestion, du financement, de la maintenance. Est-ce raisonnable ? Non, tout le monde voit bien que c'est totalement déraisonnable ! (Mme Hélène Luc approuve.)

De plus, il s'agit d'en revenir massivement aux METP, les marchés d'entreprise de travaux publics, malheureusement bien connus. Souvenez-vous de ce qui s'est passé dans la région d'Ile-de-France et de toutes les dérives qui ont été observées. Ces dernières ont-elles été bonnes pour notre démocratie ? Est-il raisonnable de créer aujourd'hui les conditions d'un renouveau de ces dérives alors que nous savons très bien ce que cela a donné ? Nous pensons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que cet article 4 doit être retiré. Pour ma part, je vous le dis avec toute la force de ma conviction - et cela dépasse à mon avis les clivages politiques -, il ne faut plus mettre les élus devant la situation de faire des choix dans de telles conditions.

D'ailleurs, M. Bernard Saugey, à la page 83 de son rapport que je vous invite tous à lire - mais je ne doute pas que tout le monde l'ait lu -, écrit ceci : « Ces nouveaux contrats dérogeraient à certains principes essentiels » - telle est la position juste du rapporteur -, « parmi lesquels la séparation des missions de maître d'oeuvre et d'entrepreneurs ainsi que le principe selon lequel le maître d'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit. »

Ce seul paragraphe de votre rapport, monsieur Saugey, devrait inciter le Gouvernement à renoncer à cet article 4. En effet, et vous le savez bien, mes chers collègues, cela supprimera l'indépendance et la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre qui travaillera désormais au service d'un groupe privé attributaire du marché et privera le maître d'ouvrage d'un maître d'oeuvre indépendant, susceptible de défendre ses intérêts. M. Yves Dauge s'exprimera tout à l'heure au sujet des architectes.

Quant aux petites et moyennes entreprises, elles sont complètement bafouées par ce texte, et nous devons le leur dire clairement de cette tribune : ou bien elles n'auront pas la taille nécessaire, par rapport aux grandes entreprises, pour répondre à ces marchés - il en sera ainsi dans la plupart des cas -, ou bien il leur faudra en passer par les fourches caudines - les critères, les contraintes - des grands groupes qui auront la possibilité de concourir.

Il est évident que ces dispositions sont totalement contraires aux intérêts des petites et moyennes entreprises de travaux publics et du bâtiment de nos départements. Celles-ci en sont conscientes ; elles nous l'ont fait savoir.

De même, s'agissant des architectes, nous ne pourrons plus procéder comme nous l'avons fait souvent : nous commençions par choisir l'architecte, puis nous lancions une deuxième mise en concurrence pour choisir l'entreprise qui devait construire. Comme nombre d'entre vous, je pense, mes chers collègues, je me suis trouvé dans la situation de devoir choisir un candidat pour la conception et la réalisation. Mais on ne sait jamais si l'on choisit l'architecte ou l'entreprise puisque l'on doit choisir les deux. On est souvent d'ailleurs conduit à renoncer à tel bon architecte parce qu'il n'est pas dans le bon groupement.

En définitive, c'est la grande entreprise qui choisit l'architecte. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que nous recevions de nombreuses lettres d'architectes qui nous font part de leur inquiétude.

M. le rapporteur a déposé un amendement, que nous examinerons sans doute ce soir, qui vise à compléter in fine l'article 4 du projet de loi par une phrase ainsi rédigée : « Elles prévoient les conditions d'un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article. » Très bien ! Mais à partir du moment où tout le système est façonné pour revenir aux METP, les PME et PMI pourront toujours présenter leur candidature, elles n'auront aucune chance ou très peu de chances d'être retenues. Ou alors il faut renoncer au système des METP et prévoir un autre dispositif. Alors, monsieur le ministre, je vous en supplie, retirez l'article 4, qui va engendrer d'énormes problèmes !

Enfin, il ne me semble pas anodin qu'au moment même où ce texte nous est présenté par le Gouvernement paru un projet de décret du ministère de l'économie et des finances ait été rendu public. Ce projet de décret nous a tous étonnés. Nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas une erreur lorsque nous avons lu dans la presse qu'il était question de fixer le seuil à partir duquel un donneur d'ordre public est obligé de publier un appel d'offres à 6,2 millions d'euros. Je ne sais pas si vous concevez les conséquences d'une telle disposition.

M. Eric Doligé. C'est la règle européenne !

M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur Doligé. La commission a fixé à 5 millions d'euros le seuil au-dessus duquel un donneur d'ordre doit lancer un appel d'offres européen. Mais les dispositions européennes ne nous empêchent absolument pas de fixer un autre seuil à partir duquel la mise en concurrence des entreprises sera obligatoire dans notre pays. Or, le seuil qui est proposé entraînera dans la plupart des cas une absence de mise en concurrence.

Si, enfin, vous lisez l'intégralité du projet de décret, vous constaterez que les maîtres d'ouvrage pourront désormais ne fixer qu'un seul critère d'attribution.

Cela signifie que le prix pourra ne pas être un critère d'attribution même au-dessus de 6,2 millions d'euros et que l'attribution pourra dépendre d'autres critères.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte du caractère complètement aberrant de ces propositions.

Mes chers collègues, je pense avoir été assez clair. Au-delà de mesures de simplification administrative tout à fait légitimes, le Gouvernement envisage de prendre des dispositions très importantes dont les conséquences seront néfastes et qui, pour le moins, justifieraient le dépôt de projets de loi devant le Parlement. Pour notre part, nous nous opposons au dessaisissement du Parlement sur des sujets aussi essentiels. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, simplification du droit, simplification administrative, voilà des mots symboles d'une bien belle tâche à laquelle notre gouvernement s'attelle courageusement ! Car si nul n'est censé ignorer la loi, seule une réelle simplification peut rapprocher les Français de leurs lois.

Comment peut-on réellement appréhender et maîtriser une législation dont on évalue difficilement le nombre des éléments puisque les chiffres vont de 300 000 à 400 000 décrets et de 7 000 à 9 000 lois en vigueur ?

L'administré se retrouve ainsi devant un embrouillamini inextricable qui a pour conséquence de rompre l'égalité du citoyen devant la loi. C'est ainsi que seuls les plus avertis - parfois les plus retors - peuvent utiliser à leur avantage tous les textes et, une fois encore, les plus humbles en font les frais.

Bien sûr, certains textes - parfois abscons mais précis - demeurent indispensables et il n'est pas dans votre intention, j'imagine, monsieur le secrétaire d'Etat, de les annuler.

Mais combien de textes poussiéreux, désuets ou obsolètes n'ont pour seul effet que de brider, voire d'empêcher la nécessaire dynamique économique qui seule pourra redonner une croissance positive à la France !

Pour qu'il pousse harmonieusement et donne de beaux fruits, un arbre doit être régulièrement taillé. Il en va de même de notre système juridico-administratif, dont tant de lois et de décrets inutiles, tant de contraintes et de tracasseries forment le bois mort qui étouffe le dynamisme de notre pays. A ne pas y prendre garde, on risque d'asphyxier purement et simplement l'essor économique de la France.

Il faut en effet libérer l'esprit d'entreprise, car moins d'administration c'est plus de développement, donc plus de richesse et plus d'emplois.

Aussi, j'applaudis le texte que le gouvernement nous présente aujourd'hui et qui va précisément dépoussiérer les vieux codes. Nous avons entendu les esprits chagrins objecter qu'il s'agit là d'une loi anti-démocratique qui dessaisit le Parlement de son rôle primordial.

J'y vois au contraire la volonté délibérée du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de tenir les engagements pris voilà un an devant les Français et de mettre en oeuvre une procédure rapide de simplification jamais égalée jusqu'à aujourd'hui.

C'est à ce prix que nous redonnerons la confiance aux Français et les ferons croire de nouveau à la politique.

Il est dès lors tout naturel que le Gouvernement utilise des moyens exceptionnels qui lui sont offerts par la Constitution, en l'occurrence la possibilité de légiférer par ordonnance.

Je voudrais en cet instant évoquer un amendement, voté à l'Assemblée nationale, qui prévoit la constitution d'un conseil d'orientation composé d'élus, mais aussi de représentants de collectivités territoriales. Il s'agit, me semble-t-il, d'un bon moyen pour obtenir une bonne rédaction des textes et éviter certaines erreurs.

Dans le domaine économique, je prendrai l'exemple des artisans et des commerçants, qui sont trop souvent débordés par la masse de documents à traiter, qu'il s'agisse des bulletins de salaires ou des multiples formulaires. Dans ce domaine, un nombre indispensable de facilités doivent être apportées à ces acteurs économiques.

Une autre amélioration est à relever : en matière d'impôt le contribuable ne sera plus tenu de produire au fisc une multitude de justificatifs au moment de sa déclaration de revenus. Il passera ainsi du statut de fraudeur présumé, qui est un peu la situation que nous vivons actuellement, à celui de présumé innocent, ce qui est en droit français une notion de base.

La déclaration sur l'honneur, qui prévaudra aussi dans de nombreuses démarches, est un élément capital de cette confiance que vous allez redonner à tous les Français.

Toutefois, cette confiance doit impérativement être assortie d'un contrôle efficace, qui permettra de débusquer les escrocs et les malhonnêtes. Pour qu'une déclaration sur l'honneur prenne toute sa valeur, il faut que tout mensonge, toute fausse déclaration soit sanctionnée, et ce très durement.

Quant au fameux vote par procuration, c'est une véritable révolution que le Gouvernement nous propose dans ce domaine ! Enfin, chaque Français pourra voter sans s'astreindre à un parcours du combattant même s'il est absent de son domicile le jour du scrutin.

Mais, là aussi, il faudra être très attentif pour éviter toute fraude. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, dont je suis issu, on a eu à déplorer, voilà quelques années, des fraudes massives. Il ne faudrait pas que de telles fraudes puissent se reproduire à la faveur de ce système. Il faut donc être très vigilant et fraire preuve d'une très grande rigueur.

Deux autres aspects méritent d'être relevés.

Tout d'abord, vous envisagez de modifier le code des marchés publics : contrairement à l'orateur précédent, je ne peux que souscrire à cette démarche, car l'extraordinaire complexité de ce code a pour conséquence d'augmenter les délais de réalisation et d'obtenir des résultats inverses de ceux qui sont recherchés en termes de transparence et de coûts.

Ensuite, vous entendez vous atteler à la réforme des procédures d'enquête publique. Une telle réforme est, en effet, indispensable. Trop souvent, des projets vitaux pour le plus grand nombre sont bloqués durant de nombreuses années par certains groupuscules qui ne représentent en définitive qu'eux-mêmes. Il vous faudra alors du courage et de la persévérance, car la route sera longue et difficile pour modifier les habitudes.

Le Gouvernement fait aussi le pari de l'efficacité lorsqu'il propose de diminuer le délai de réponse des administrations aux demandes des usagers.

Il allège également considérablement le système en proposant la mise en commun des informations qu'il faut fournir à différentes administrations. Là encore, efficacité et gain de temps constituent les priorités.

Je n'ai mentionné que quelques exemples glanés dans un texte fondateur du renouveau législatif.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement nous propose enfin de mettre un point final au harcèlement textuel que nous subissons depuis de trop longues années.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'applaudis avec enthousiasme à une telle démarche et je soutiendrai le Gouvernement dans ses choix courageux, modernes et salvateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le secrétaire d'Etat, je concentrerai mon intervention sur l'article 4, dont il a déjà été question.

Je ferai tout d'abord une réflexion sur la méthode. Tout à l'heure, M. Delevoye a insisté sur le dialogue qui se serait instauré entre les différents ministères et les professionnels. Or, après m'être renseigné auprès de certains professionnels, les architectes, qui me tiennent plus particulièrement à coeur - je suis entré en contact avec le président de l'ordre des architectes, avec le président de l'Union nationale des syndicats français d'architectes, l'UNSFA, et le président du syndicat des architectes -, je me suis aperçu que la concertation avait été pratiquement nulle. C'est dommage !

On parle beaucoup des PME et des artisans, un amendement est même déposé par la commission à leur intention ; très bien ! Mais il n'a guère été question de ceux qui sont en charge de la conception. C'est très regrettable et je dois dire que les intéressés sont très inquiets.

Je souhaite donc qu'on les rencontre, qu'on travaille avec eux et que l'on étudie comment rétablir une position que nous devons tous considérer comme centrale dans la construction, notamment dans celle des bâtiments publics.

Je tiens à rappeler que, depuis trois ou quatre décennies, tous les gouvernements ont accompli dans ce pays un énorme effort en matière de commande publique, singulièrement dans le secteur de l'éducation nationale, effort relayé par les régions, dans la construction des lycées, notamment.

La commande publique, c'est d'abord la définition de programmes. Et c'est tout un métier la programmation ! Cela requiert du temps, de la réflexion, une relation très forte avec les concepteurs et les architectes. La France a pris une bonne position par rapport à d'autres pays. Il est incontestable que nous avons fait des progrès considérables dans le domaine de la qualité architecturale.

Or, dans cet article 4, s'il est question de délais, de coûts, il n'est pas dit un mot sur la qualité, sur la conception, sur l'architecture. Il y a pourtant un tel besoin de qualité dans notre pays ! On parle de maîtrise d'ouvrage, mais on pourrait également parler de maîtrise d'usage. C'est toute la relation avec les utilisateurs qui est en cause. J'attire votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, et je suis sûr que tous mes collègues sont d'accord avec moi.

Il faut absolument que nous affirmions haut et fort notre soutien au monde des concepteurs.

Les architectes vivent mal. L'exercice de leur profession exige de gros investissements. Leur formation dure sept ans, puis ils cherchent du travail : ils sont au chômage la plupart du temps, ou bien ils sont mal traités, mal rémunérés. Dans l'établissement du dispositif des nouveaux contrats, je vous demande d'être très attentif à cela, monsieur le secrétaire d'Etat.

Déjà, avec le système des METP, ce n'était pas très brillant ; mais j'ai peur que le nouveau contrat qui nous est proposé ne provoque l'écrasement de cette profession. Les architectes ne seront plus là qu'en tant qu'alibi.

J'ai reçu tout à l'heure un fax reprenant l'argumentaire qu'un grand groupe est en train de diffuser en faveur du nouveau dispositif. Il s'agit d'ailleurs d'un groupe compétent, car un grand groupe n'est pas nécessairement un mauvais professionnel. Nous avons de belles et grandes entreprises en France !

Cet argumentaire vantait donc le dispositif dit des « 3 p », c'est-à-dire le partenariat public-privé, qui devait permettre des délais plus courts - certes, il faut aller vite, mais il faut aussi prendre le temps de l'intelligence -, l'établissement du bail emphytéotique - en l'occurrence, vous le savez, les mesures de publication et de concurrence ne sont pas applicables : pas de publication, pas de concurrence -, des montages déjà éprouvés, une grande sécurité juridique - on en reparlera, parce que je ne suis pas sûr que tout soit aussi simple que cela -, des économies sur le prix de revient global du projet...

A ce propos, savez-vous comment on fait pour réaliser des économies sur le prix de revient global d'un projet ? Un objet qui vaut 100 est négocié à 110, par sécurité. Mais, en droit commun, si le projet vaut 100, il est négocié 90, et on accuse ensuite les architectes d'avoir dérapé : c'est facile à faire !

J'ai pratiqué la maîtrise d'ouvrage sur de grands projets, et je sais de quoi je parle. Je vous dis tout cela franchement en tant que professionnel !

M. Guy Fischer. Vous êtes un des plus compétents en la matière !

M. Yves Dauge. Et l'on va proposer cela aux collectivités locales ! Malheureusement, nombre d'entre elles vont suivre, comme elles ont suivi l'Etat dans sa politique de commandes publiques, notamment les régions qui, je l'ai dit, ont relayé de façon intéressante l'effort de l'Etat en matière de qualité.

Selon cet argumentaire, cela permettra de réaliser des économies sur le prix de revient global d'un projet - le maître d'ouvrage pourra mieux maîtriser le coût technique de l'opération - et sur les concours d'architectes.

Désormais, il n'y aura en effet plus de concours d'architectes. Bravo pour la profession ! Bravo pour les jeunes !

Et leurs honoraires seront moins élevés. Comme ce n'est déjà pas brillant pour eux, ils seront donc laminés.

En plus, les PME vont être écrasées. Pour tenir un prix, le responsable calculera sa marge, puis il fera appel aux petits artisans, aux commerçants qui ne pourront qu'accepter. Mais, malgré l'excellent amendement qui a été déposé et qui sera bien sûr voté, ceux qui seront soumis à ces dispositifs seront écrasés.

C'est clair et net : les candidats doivent pouvoir concourir en toute indépendance. Pourtant - et cela me stupéfie - les précautions d'usage sont écartées. Ni au cours de la construction ni pendant le bail la collectivité ne doit jouer aucun rôle de maître d'ouvrage. C'est pourtant bien la collectivité qui paye, d'une manière ou d'une autre, mais, par précaution, parce qu'il y a un risque de requalification des marchés publics, il lui est interdit de jouer au maître d'ouvrage ! Elle doit disparaître !

M. Guy Fischer. C'est le libéralisme !

M. Yves Dauge. Franchement, cela me désole, monsieur le secrétaire d'Etat, parce que je ne pense pas que ce soit votre objectif.

Mais quelle est l'inspiration qui sous-tend ce raisonnement ? D'où vient-elle ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été en rapport avec le ministère de l'équipement et le ministère de la culture, et je peux vous dire que ces deux ministères sont plus que réservés !

M. Delevoye a certes indiqué qu'il avait beaucoup travaillé avec les ministères. Avec le ministère de l'intérieur, sûrement ! Avec le ministère des finances, certainement ! Avec le ministère de la justice, aussi, car il était pressé de construire les prisons ! Mais le ministère de la culture et le ministère de l'équipement n'étaient pas pressés du tout.

Les responsables de ces deux ministères sont très soucieux, non seulement les fonctionnaires, mais également les ministres et leurs cabinets. Si tel n'est pas le cas, qu'ils disent clairement qu'ils sont favorables à ces dispositions !

Après avoir cité le ministère des finances, je ne peux qu'évoquer le projet de réforme des marchés publics, qui découle de ce projet de loi.

Je suis bien d'accord pour simplifier le code des marchés. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Mais je suis défavorable à certaines dispositions.

Aux termes du code des marchés publics : « L'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins. » Il s'agit là de l'exercice de programmation que j'ai évoqué. Ce qui est capital, c'est la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et la mise en concurrence, ainsi que la choix de l'offre économiquement la plus avantageuse.

C'est le texte actuel. On pourrait le modifier. Mais non ! On le supprime.

C'est trop facile ! On ne ferait plus référence au respect des obligations de publicité, de mise en concurrence, ainsi qu'au choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. C'est invraisemblable ! Au nom de la simplification, une phrase essentielle est supprimée.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avec cet article, on est passé du registre de la simplification à un autre ; celui de la destruction de métiers, de professions.

Vous êtes un politique, vous avez le sens des responsabilités, comme nous. Je vous demande donc de ne pas vous laisser entraîner par des technocrates dont on ne sait d'où ils viennent ou des libéraux dont je crois connaître un peu mieux l'origine !... Dans cette affaire, il faut absolument raison garder.

Le comble - et c'est vraiment mauvais sur le plan de la communication - c'est qu'au moment même où l'on veut libéraliser et relever le seuil des marchés sans appels d'offres à six millions d'euros, nous apprenons que le Gouvernement engage un assouplissement des règles pénales en matière de délit de favoritisme.

Ce n'est vraiment pas le jour pour l'annoncer ! En effet, si l'on veut ouvrir le champ d'action des uns et des autres, ce que je trouve dangereux, il ne faut pas, dans le même temps, simplifier les règles pénales en matière de délit de favoritisme. C'est invraisemblable ! C'est vraiment tendre le fouet pour se faire battre !...

Comme mes collègues, MM. Sueur et Amoudry, je vous incite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, à plaider en faveur du retrait des dispositions relatives aux marchés publics de ces mesures de simplification et de codification du droit. Si l'on veut faire évoluer les choses, il faut que le Parlement en discute sérieusement.

Sauvons les professions qui touchent à cet acte essentiel qu'est la conception des bâtiments, qu'ils soient publics ou privés, car loin de moi l'idée de protéger les uns et pas les autres. Il faut accorder une reconnaissance aux architectes et aux artisans.

Avec ces nouvelles dispositions, ces professions vont disparaître. Aucun gouvernement responsable, soucieux de l'intérêt des citoyens, de la beauté architecturale de notre pays, d'un respect minimum de la démocratie ne saurait soutenir un tel dispositif.

Je suis convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous entendrez l'appel que, les uns et les autres, nous vous adressons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est point utile de s'arrêter en cet instant sur l'état des lieux, des milliers de lois, de décrets, ou de circulaires résultant de ce qui est imposé par le droit communautaire et du souci louable de protection de l'individu vers le risque zéro : feuille de paye, reflet de la législation sociale, etc.

La nécessité de simplification fut affirmée maintes fois et j'ai le souvenir, notamment, d'un ministère « des simplifications administratives ».

Aujourd'hui, au sein du Gouvernement, un ministre et un secrétaire d'Etat sont chargés de la réforme de l'Etat, volet - et non des moindres - de la décentralisation dont le Premier ministre disait à Rouen qu'elle est un levier pour la réforme de l'Etat.

Décentralisation, réforme de l'Etat, politique au plus près des citoyens, illustration est faite de cette politique au plus près des citoyens dans une partie - et non des moindres - de la réforme proposée : entre l'administration et les usagers, établissement du principe de confiance, place faite aux déclarations sur l'honneur. Le citoyen passe d'abord.

Divers organismes et institutions sont concernés : les compagnies consulaires et les prud'hommes. Les forces vives de l'économie sont concernées également avec la simplification des formalités visant les entreprises. Il est bien d'autres exemples.

La démarche d'ensemble est bienvenue à mes yeux même si - et ce n'est pas mineur, monsieur le secrétaire d'Etat - telle ou telle mesure proposée suscite pour le moins des réserves.

C'est ainsi que, sur l'article 4, je partage entièrement les sentiments exprimés et les propositions qui seront faites par notre collègue M. Amoudry. Réserves, remarques, incitations à aller plus loin, autant de pistes possibles pour des amendements.

Je veux m'arrêter sur le volet social - m'empressant de dire, dès l'abord, combien j'approuve l'excellent rapport de M. Gérard Dériot - et me livrer, plus précisément, à deux réflexions.

La première concerne le renforcement des pouvoirs détenus par le directeur de l'ARH, l'Agence régionale de l'hospitalisation, interlocuteur incontournable de l'ensemble des acteurs régionaux. Je souscris de ce point de vue à la proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales d'un véritable débat parlementaire sur ce sujet.

Loin de moi, bien évidemment, quelque mise en cause que ce soit des qualités des intéressés, des directeurs de l'ARH. Mais alors que les lois de décentralisation projettent de conférer aux départements les politiques de solidarité, n'est-il pas quelque peu paradoxal d'envisager le transfert de certaines compétences de l'échelon départemental ? En décembre 2002, constatant une fois encore, à propos d'un problème précis, le hiatus fâcheux entre ARH et préfet du département, j'adressais aux ministres concernés une lettre en ce sens.

Ma seconde réflexion concerne les procédures d'agréments délivrés aux entreprises et aux associations de services aux particuliers.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, j'ai déposé une proposition de loi, fruit d'un constat de terrain. Les procédures d'agrément, lourdes et lentes, sont des facteurs de retard d'autant plus regrettables que nous sommes là, monsieur le secrétaire d'Etat, au coeur même de la politique sociale : services aux particuliers, mais aussi garde d'enfants, aide à domicile aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Les conditions d'agrément sont plus sévères et en constante augmentation. Or ces services s'adressent notamment aux personnes âgées, dont le sort ne laisse personne indifférent.

Mettre fin à la nécessité d'obtenir deux agréments successifs, alléger le rôle du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale, le CROSS, renvoyer au pouvoir réglementaire les conditions de délivrance d'agréments sont autant de simplifications au bénéfice tout à la fois de ces personnes fragiles et des emplois de proximité qui sont difficiles à pourvoir bien qu'ils soient des plus recherchés.

Je sais gré au rapporteur d'intéger cette démarche et d'en proposer la mise en oeuvre dans le 2° de l'article 15 de ce projet de loi.

Bien au-delà de ces considérations ponctuelles, certes, mais sur lesquelles j'ai tenu à m'arrêter, je veux vous dire mon espoir, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le succès de cette entreprise courageuse de simplification.

Le Gouvernement saura vaincre les résistances qui ne manqueront pas de se manifester et mener son projet à terme grâce à la concertation et aux débats, toujours souhaitables, et souvent nécessaires, qui s'engageront lors de l'examen des articles.

Au demeurant, j'ai bien noté que, pour M. Delevoye, recourir aux ordonnances n'est pas abuser d'un blanc-seing. Tel est notre souhait. En tout état de cause, rendez-vous est pris avec le Gouvernement pour le projet de loi de de ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, mon intervention portera sur la portée de l'article 4 de ce projet de loi.

Les mesures qui sont envisagées vont profondément bouleverser les règles d'attribution des marchés publics, les relations contractuelles entre la maîtrise d'ouvrage et l'équipe de concepteurs, les relations d'indépendance actuelle des concepteurs à l'égard des entreprises et l'accessibilité aux marchés de construction pour les petites et moyennes entreprises, notamment pour les artisans.

En étendant les dispositions prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 et en les adaptant à d'autres besoins ainsi qu'à d'autres personnes publiques, le Gouvernement souhaite en fait généraliser les procédures de conception-réalisation.

Il n'est pas question pour moi de remettre en cause la nécessité absolue de simplification administrative dans le domaine de la commande publique, car, chacun le sait et le vit aussi au quotidien, l'aboutissement d'un projet est aujourd'hui extrêmement complexe. Il relève de procédures successives, coûteuses, souvent inadaptées aux exigences de délais, voire de financement ou de gestion des ouvrages.

Mais a-t-on bien mesuré les conséquences du recours global à des prestataires privés en regroupant la conception et la construction d'une opération publique, voire son financement et sa gestion, dans un même marché ?

En premier lieu, l'intégration de l'équipe d'ingénierie dans un groupement conception-construction remet en cause le rôle de conseil et d'assistance au maître d'ouvrage du concepteur qui, jusqu'à aujourd'hui, est le garant de la qualité de l'opération en toute indépendance vis-à-vis des entreprises.

C'est précisément cette indépendance indispensable à la défense des intérêts du maître d'ouvrage qui peut disparaître dans un marché « conception-réalisation » et placer l'équipe d'ingénierie sous la tutelle de l'entreprise dont il devra néanmoins être solidaire. Pour l'Etat, pour la collectivité ou pour l'établissement public, il y a donc un vrai risque, qui ne se limite pas à l'absence d'un soutien efficace en amont du projet et pendant sa phase de réalisation. Ce sont aussi la qualité architecturale, la qualité technique et la tenue dans le temps de l'ouvrage qui sont en jeu.

Nous avons tous en mémoire les tristes références des lycées Pailleron ou encore les fameuses piscines Caneton - un programme de mille piscines qui a donné lieu à quelque 250 contentieux - qui ont été construites grâce à des procédés techniques spécifiques par la voie d'un marché unique, sans maîtrise d'oeuvre indépendante.

Cette nouvelle orientation, si elle n'est pas parfaitement encadrée, fera donc apparaître des produits standardisés, qui ne tiennent pas compte des contraintes spécifiques locales ni de la qualité architecturale nécessaire à laquelle de nombreux collègues se sont référés.

La création architecturale, qui est une de nos richesses culturelles fortes, laissera alors la place à des produits banalisés, qui conduiront inévitablement au retour de la politique des modèles, dont on a bien vu les limites dans le temps, ainsi que les dérives.

En deuxième lieu, le concepteur dépendant d'un marché « conception-réalisation » sera solidaire de son groupement et du mandataire, qui, par définition, sera l'entreprise générale cocontractante.

Ce nouveau lien contractuel aura pour effet de placer l'ingénierie au service non plus du projet, mais des intérêts économiques de l'entreprise.

Cette situation aura des incidences sur les choix techniques, sur les modes de construction qui répondront aux exigences de rentabilité avant celles de la qualité du projet.

Or c'est bien de l'équilibre entre ces deux notions que dépend la réussite d'une opération sur le long terme.

De la même façon, en cas de modification des prestations en cours de programme - ce qui n'est pas rare - l'entreprise aura - seule - la maîtrise des choix soumis au maître d'ouvrage sans expertise impartiale du maître d'oeuvre. Il y a, là aussi, un risque de dérive, au mépris de la maîtrise des coûts et des performances techniques des équipements publics.

Enfin, en troisième lieu, cette procédure « conception-construction » va, si elle n'est pas suffisamment encadrée, mettre les opérations dans les mains de quelques groupes du BTP au détriment des PME et des artisans locaux.

En effet, la disparition des appels d'offres par lot aura pour conséquence immédiate, outre l'absence de transparence, l'impossibilité d'accès direct à la commande publique pour ces PME, sauf en rang de sous-traitant, dont on connaît les dérives.

Nous le savons bien : les appels d'offres par lot auront bien lieu, mais dans un second temps, et seront organisés par l'entreprise générale sans contrôle du maître d'ouvrage, à l'exception de l'agrément des sous-traitants.

Toutefois, cet agrément ne constitue pas une garantie d'un juste prix pour la réalisation d'une prestation de qualité, ce qui ne va pas dans le sens des nouvelles notions de mieux-disant préconisées par le code des marchés publics.

Cet agrément ne constitue pas non plus une garantie de paiement pour le sous-traitant si le paiement direct n'a pas été prévu.

Aussi, ces nouvelles formules de marché devront s'accompagner d'une protection renforcée de la notion de sous-traitance pour éviter les risques de déséquilibre économique à l'encontre des petites entreprises et des artisans. Elles devront aussi laisser aux PME et aux artisans un accès équitable à la commande publique.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la procédure « conception-réalisation » répond, certes, à une nécessité de simplification des procédures pour faciliter la réalisation des projets, mais elle doit être fortement encadrée pour éviter des dérives dont les maîtres d'ouvrage, les concepteurs et les petites entreprises pourraient être victimes.

Les expériences similaires au Royaume-Uni, en Belgique ou encore aux Etats-Unis ont mis en évidence les difficultés que je viens d'évoquer et plusieurs rapports autorisés y font référence.

Financement, conception, réalisation, maintenance reposent sur des métiers différents. Créer des liens entre eux dans un contrat unique peut répondre à la nécessaire simplification des procédures et à une meilleure efficacité dans la conduite d'une opération. Mais ce lien nouveau doit être nové autour du maître d'ouvrage en garantissant l'indépendance des prestataires vis-à-vis de l'entreprise générale. C'est de cette nécessaire indépendance que dépendra la qualité des projets.

La commission des lois, par la voix de son rapporteur M. Bernard Saugey, que je remercie pour la qualité de son écoute, a bien entendu les légitimes inquiétudes non seulement des concepteurs, mais aussi des petites et moyennes entreprises.

L'ajout, sur son initiative, par le biais de l'amendement n° 142, de la formule « elles prévoient les conditions d'un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article », devrait permettre d'atténuer les craintes dans ces secteurs d'activité.

Cependant, avec mes collègues Jean-Jacques Hyest, Pierre Fauchon, Philippe Nachbar et Jean-Paul Alduy, je vous proposerai de sous-amender ledit amendement à l'article 4 afin de faire bénéficier de cette équité les architectes.

Par ailleurs, je vous soumettrai un amendement tendant à permettre au maître d'ouvrage de bénéficier d'un lien direct avec un ou plusieurs cocontractants dont les métiers sont bien différents.

Ces intervenants dans l'opération constituent un conseil précieux pour le maître d'ouvrage public dans les choix architecturaux, techniques et financiers, avant et pendant la construction. C'est pourquoi, il peut être utile d'identifier les modalités de leur prestation par la voie de la cotraitance, dans l'intérêt même du projet et du maître d'ouvrage.

C'est le cas non seulement des concepteurs, notamment des architectes, mais aussi parfois des financeurs ou des gestionnaires futurs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les architectes, les bureaux d'étude, les paysagistes qui représentent plus de 200 000 personnes dans notre pays, mais aussi les PME et les artisans, qui sont aujourd'hui très inquiets, attendent de vous des clarifications et l'encadrement nécessaires à ces nouvelles procédures « conception-réalisation » dans les prochaines ordonnances.

C'est pourquoi les réponses que vous voudrez bien apporter à ces interrogations et votre soutien à ces amendements seront un gage fort de compréhension à l'égard de ces acteurs locaux qui ont fait les preuves de leurs compétences et de leur utilité dans l'acte de bâtir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de me réjouir, au nom du Gouvernement, de l'excellente qualité de la discussion générale qui vient d'avoir lieu.

Je veux aussi remercier le rapporteur, M. Saugey, de l'excellence et de la précision de son rapport. Vous avez notamment souligné, monsieur le rapporteur, que, dans le passé, il a beaucoup été question de simplification. Des rapports fleuves ont été élaborés, mais sans jamais être suivis d'effet. Trop souvent, la montagne a accouché d'une souris.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes et d'engager une entreprise de simplification sans précédent pour laquelle il demande à la majorité de lui faire confiance et de l'habiliter à légiférer par ordonnances.

Je tiens également à souligner la contribution très importante des rapports pour avis des commissions des affaires économiques, des affaires sociales, et des finances, dans lesquels je vois une illustration de la sagesse de la Haute Assemblée : à l'Assemblée nationale, seule la commission des lois a été saisie du texte. Les observations des rapporteurs pour avis seront incontestablement très utiles au Gouvernement.

Je salue notamment les observations du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Fouché, relatives aux bienfaits qu'il attend de la codification, et je le remercie de l'hommage qu'il a bien voulu rendre au projet de loi ; car celui-ci vise à relancer une entreprise que tout le monde s'accorde à reconnaître nécessaire pour faciliter l'accès de nos concitoyens au droit.

Je remercie également M. César d'avoir rappelé que la refonte du code rural a été engagée il y a vingt ans.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Ce projet de loi permettra enfin de la mener à son terme, et vous vous en êtes réjoui.

Je remercie M. Dériot de son excellente contribution portant sur le volet social. Il a rappelé la voie moyenne que s'efforce de suivre le Gouvernement dans un domaine où, naturellement, la complexité est impossible à réduire en raison de la matière même, d'une part, et, d'autre part, de la nécessité d'un dialogue entre les partenaires sociaux et du respect des droits.

En revanche, il est ô combien utile, indispensable et urgent de mettre fin à un excès de législation qui conduit à une complexité telle - vous avez à cet égard cité des chiffres très préoccupants - que l'objectif même de la réglementation ne peut plus être atteint, les populations les plus fragiles n'étant plus en mesure de connaître leurs droits et, par conséquent, de les faire valoir.

Tel est l'esprit même de la réforme qui vous est proposée : essayer de simplifier le droit sans pour autant remettre en cause les droits auxquels sont légitimement attachés nos concitoyens.

Je remercie M. Braun d'avoir fait le lien entre cette entreprise de simplification et la réforme de l'Etat, dont elle est, aux yeux du Gouvernement, un levier essentiel. Il s'agit aussi pour le Gouvernement, je veux le rappeler, de libérer les énergies des fonctionnaires de terrain et de faire confiance à leurs capacités d'initiative. Ce sont actuellement les premiers otages de la complexité des procédures, et on leur fait trop souvent un procès qui est injuste, car ils sont, bien entendu, tenus d'appliquer la loi et les règlements.

En ce qui concerne les aspects de nature plus politique du débat, je soulignerai tout d'abord les points de convergence qui sont apparus au-delà des clivages partisans traditionnels : les orateurs qui se sont succédé ont tous constaté la même nécessité absolue de lutter contre la prolifération réglementaire, qui est malheureusement devenue l'une des caractéristiques de ce que l'on appelle le « mal français ». Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous rappelé, avec des accents divers, qu'il était temps de restaurer la tradition législative qui a longtemps fait notre gloire et notre réputation et de revenir à une langue claire et concise, la loi ne devant poser que des principes fondamentaux - conformément, d'ailleurs, à l'article 34 de la Constitution.

Vous avez également tous insisté sur l'audace du projet de loi, les uns pour s'en réjouir et inviter le Gouvernement à aller plus loin, les autres pour la déplorer et s'inquiéter de l'utilisation qui peut être faite des ordonnances. Il y a là, je crois, un clivage de fond qu'il ne faut pas chercher à dissimuler : on trouve d'un côté un choix dirigiste (Protestations sur les travées du groupe CRC) ...

M. Guy Fischer. Non ! Démocratique !

M. Roland Muzeau. C'est la République !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... qui traduit la volonté d'étendre toujours davantage l'empire de la loi et des règlements,...

M. Jean-Pierre Sueur. Caricatural !

M. Guy Fischer. Vous les mettez au service des grandes entreprises !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... et, de l'autre, la détermination du Gouvernement de réduire l'emprise de la loi et des règlements, non pas pour des raisons idéologiques, mais parce qu'il a choisi de miser sur la confiance et sur la responsabilité.

M. Gérard Braun. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Madame Mathon, je vous ai écoutée avec la plus grande attention, et je sais que je ne parviendrai pas à vous convaincre que la simplification est effectivement un choix structurant de la politique d'ensemble que le Gouvernement s'efforce de mener. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, l'a d'ailleurs placée au premier rang de ses priorités, lors de sa déclaration de politique générale, car la vie des Français est devenue beaucoup trop compliquée du fait de la prolifération des textes. Vous vous inquiétez de ce choix, nous l'assumons.

Vous avez également marqué vos craintes au sujet de la cohésion sociale et nationale. Le Gouvernement est au contraire convaincu, madame, que c'est en rendant les textes de loi plus lisibles, plus concrets et plus simples que nous contribuerons à réconcilier nos concitoyens avec les institutions de la République et à redonner toutes ses lettres de noblesse au service public, dont l'image souffre trop souvent de cette complexité et de cette opacité.

Je m'efforcerai aussi, car j'ai été très sensible à son intervention et à son talent, de rassurer M. Jean-Pierre Sueur sur la question du recours aux ordonnances, que les orateurs ont été nombreux à évoquer. Il ne s'agit en aucun cas pour le Gouvernement d'obtenir un blanc-seing, encore moins de se défier des parlementaires. Je rappelle que le texte de l'article 38 de la Constitution donne au Parlement la possibilité d'habiliter le Gouvernement, dans des termes précis et pour une durée limitée, à procéder par ordonnances dans les matières législatives, « pour l'exécution de son programme ». Tel est très exactement le cadre dans lequel nous sommes, et la constitutionnalité du projet de loi ne fait aucun doute, je m'empresse de le souligner. Au demeurant, vous n'avez pas développé beaucoup d'arguments à ce sujet !

Il ne s'agit donc pas - loin s'en faut ! - d'un acte de défiance à l'égard du Parlement. J'y insiste, car vous avez fait mine de vous en étonner, monsieur Sueur, en demandant pourquoi nous recourrions aux ordonnances alors que nous disposons d'une très large majorité, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. C'est précisément parce que nous disposons de cette majorité que nous pouvons lui demander de nous faire confiance pour procéder par ordonnances à partir des objectifs que nous allons définir au cours de la discussion des articles. Car la loi d'habilitation fixe la « feuille de route », et les termes doivent en être suffisamment précis.

Est ici en question la conception même que nous avons d'un Parlement moderne. En effet, on ne peut pas, d'un côté, faire le constat - auquel vous avez souscrit - de la prolifération nocive des textes réglementaires et législatifs et, de l'autre, ne jamais rechercher de remèdes. Comme en matière de dépenses publiques, le temps n'est plus où l'efficacité du Gouvernement ou du Parlement se mesurait à une production croissante de textes, eux-mêmes à l'origine de dépenses publiques en constante augmentation. L'heure est au contraire venue d'évaluer l'efficacité des politiques publiques et notre capacité à clarifier la législation et à diminuer la dépense publique.

Les besoins de notre pays sont aujourd'hui tels que notre premier souci doit être de rendre la dépense publique plus efficace et nos lois plus lisibles. Tel est en tout cas le choix du Gouvernement, et il en assume la responsabilité politique.

Je tiens à remercier M. Poniatowski de son apport à propos de la chasse et de la mise en place du guichet unique, et c'est pour moi l'occasion de saluer la contribution de Mme Roselyne Bachelot-Narquin au projet de loi. Dans ce domaine comme dans d'autres, le Gouvernement souhaite faciliter la vie de nos concitoyens, qui ne comprennent pas le parcours du combattant qu'ils doivent suivre pour effectuer des démarches de la vie quotidienne.

Je souhaite enfin répondre aux inquiétudes légitimes qu'ont exprimées plusieurs orateurs, notamment M. Dauge, mais aussi MM. Amoudry, Mouly et Jarlier, sur l'enjeu de la simplification du code des marchés publics et sur la mise en place du partenariat entre public et privé.

Le Gouvernement entend d'abord corriger la situation actuelle de la législation, dont l'extrême complexité, encore aggravée par la nomenclature et par la récente révision du code des marchés publics, provoque l'insatisfaction et même l'impatience de tous les élus locaux, indépendamment des clivages partisans.

On ne peut pas accepter que les délais de réalisation des ouvrages publics ne cessent de s'allonger du fait de procédures toujours plus complexes. Je rappelle que malheureusement, aujourd'hui, une fois la décision prise sur le plan politique, il faut en moyenne dix ans pour qu'un ouvrage voie le jour, qu'il s'agisse d'une prison, d'un commissariat de police, d'une école, d'une université, d'un pont, d'un viaduc ou de n'importe quel équipement public. Je suis persuadé que cela contribue très fortement à décrédibiliser la parole publique aux yeux de nos concitoyens, qui ne comprennent pas que les annonces ne soient pas suivies d'effet et qui ne se résignent pas à voir les chantiers publics subir des retards toujours plus importants. La réduction des délais est donc tout à fait essentielle.

J'en viens au fond, dont nous aurons de nouveau l'occasion de discuter lors de l'examen des articles. Dans l'esprit du Gouvernement, la simplification du code des marchés publics et l'instauration du partenariat entre public et privé, qui sont d'ailleurs deux sujets de nature différente, ne doivent en aucun cas se traduire par le mépris des professions du bâtiment, des architectes, et encore moins - pour reprendre des formules chocs que certains d'entre vous se sont plu à employer - conduire à « écraser les petites et moyennes entreprises ».

Le Gouvernement a entendu les inquiétudes qui se sont exprimées au sujet des architectes, des artisans, des petites entreprises ou de la maîtrise d'oeuvre. Des amendements portant sur ce point ont été déposés et acceptés par la commission, et il en tiendra compte.

La simplification du code des marchés publics donnera au maître d'ouvrage, qui en conservera l'entier contrôle, la faculté de passer un marché global allant de la conception à la maintenance, au lieu, comme l'exige aujourd'hui ce même code, d'avoir au minimum trois marchés : un premier pour la prestation intellectuelle, un deuxième pour la réalisation des travaux publics et du bâtiment proprement dite, un troisième pour la maintenance ; à quoi s'ajoute d'ailleurs très souvent, en amont, un premier marché pour la programmation, certains l'ont évoqué. Le Gouvernement considère que, loin de diminuer la qualité des bâtiments et des équipements publics, qui, naturellement, doit être l'un des critères majeurs, une telle démarche peut au contraire - je voudrais essayer d'en convaincre ceux d'entre vous qui, légitimement, s'en sont inquiétés - favoriser une appréhension globale en partant des besoins de l'usager : l'école est évidemment destinée d'abord aux élèves et aux enseignants ; quand on construit une prison, on doit se préoccuper des problèmes concrets que posent la surveillance des détenus et leur vie quotidienne ainsi que celle des gardiens...

L'exigence de qualité impose donc de cesser de séparer artificiellement ce qui relève de la maintenance, c'est-à-dire de l'usage quotidien, de ce qui relève de la conception, et nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Quoi qu'il en soit, croyez bien que le Gouvernement prendra le temps de la concertation avec les professions concernées et veillera naturellement à ce que les architectes, les artisans, les petites entreprises et les professions de la maîtrise d'oeuvre aient un accès équitable à ces marchés, dans le respect des règles de la concurrence.

Je remercie l'ensemble des orateurs de la majorité - notamment M. Demuynck, que je n'ai pas encore cité - de leur adhésion à ce projet de loi et de la confiance qu'ils témoignent au Gouvernement dans cette entreprise de simplification, qui, il est vrai, est d'une audace sans précédent.

Le projet de loi vise essentiellement, vous l'avez compris, à rétablir la confiance des usagers et la responsabilité des services publics en modifiant en profondeur les relations entre les uns et les autres. Vous avez insisté à juste titre sur deux innovations majeures : d'une part, l'introduction d'un délai maximal que le service public s'engagera auprès de nos concitoyens à respecter ; d'autre part, l'obligation d'échange et de mutualisation des informations à laquelle seront désormais soumises les administrations. Par ailleurs, la substitution, chaque fois qu'elle sera possible, d'une déclaration sur l'honneur engageant la responsabilité de celui qui la signe aux demandes de pièces justificatives représente un renversement copernicien. L'ensemble de ces mesures sera de nature, me semble-t-il, à transformer réellement l'administration.

M. Jacques Blanc. Eh oui !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Les conséquences de la simplification en matière d'élections et de vote par procuration ont suscité un débat, et c'est bien légitime. S'il existe un sujet auquel les élus de la représentation nationale doivent être sensibles, c'est bien celui des mesures qui pourraient contribuer à la lutte contre l'abstention.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi il faut un projet de loi !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, nous avons tous entendu, sur les marchés, des électeurs nous expliquer qu'ils souhaitaient voter par procuration et que, ne pouvant être présents le jour du scrutin, ils avaient renoncé à le faire en raison de la complexité des justificatifs qui étaient demandés.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il est profondément choquant, et vous l'avez vous-mêmes relevé, que les jurisprudences varient d'un tribunal d'instance à l'autre, d'un commissariat à l'autre, d'une gendarmerie à l'autre.

Enfin, je ne peux pas laisser dire que le maire sera désormais juge et partie.

M. Bernard Frimat. Mais si !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai dit « pourrait être » !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Pour notre part, nous faisons confiance aux élus locaux...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Eh oui !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... et cela constitue peut-être un clivage fondamental entre nous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

En outre, le juge électoral, bien entendu, assumera toujours sa mission de contrôle. Enfin, le ministère de l'intérieur - et je salue ici l'apport de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, à ce projet de loi -, prendra, dans le cadre de l'ordonnance, toutes les dispositions nécessaires pour éviter les fraudes organisées.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ne pas saisir le Parlement d'un projet de loi ? Répondez-nous !

M. Jacques Blanc. Il a répondu !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a fait un choix fondamental, un choix philosophique, entre ceux qui font le pari de la confiance et de la responsabilité - avec, en effet, le problème du contrôle et de la sanction, qui doit être sévère en cas de manquement -, et ceux qui, comme vous, diffusent l'idée d'une société du soupçon. Ce n'est pas parce qu'il y a des tricheurs et des fraudeurs qu'il faut enfermer a priori tous nos concitoyens dans un corset de règles paralysantes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Tel est le choix, fondamental, du Gouvernement.

Ce projet de simplification a vocation à être une extraordinaire libération des énergies : libération des énergies de nos concitoyens, qui ont mieux à faire que perdre leur temps dans des formalités administratives toujours plus empoisonnantes ; libération des énergies des fonctionnaires, aussi, notamment de ceux qui sont au contact du public et auxquels il faut rendre hommage.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Les fonctionnaires, eux aussi libérés de la complexité des procédures et débarrassés de ce que leur mission a de plus ingrat et de plus répétitif, pourront alors développer l'aspect plus enrichissant de leur métier et, notamment, se mettre à l'heure de la révolution numérique pour épouser leur temps, comme ils y aspirent. En effet, sans la simplification en amont des procédures, la numérisation ne peut produire tous ses effets, car elle ne concerne que ce qui est reproductible.

Enfin, je ne saurais terminer sans évoquer la libération des énergies des territoires et des acteurs de terrain. Il faut faire le pari que notre pays est riche de réserves d'initiatives et d'énergies, et qu'il suffit de les mobiliser, de les laisser s'exprimer pour que, enfin, nos concitoyens retrouvent confiance dans les institutions de la République, que nous avons tous reçues en partage. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.