COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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DÉCLARATION DE L'URGENCE

D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 5 mai 2003.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse, déposé sur le bureau du Sénat le 30 avril 2003.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

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ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein :

- du Conseil supérieur de l'Etablissement national des invalides de la marine ;

- du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques à présenter ces candidatures.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

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QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

MISE EN PLACE DES RÉSEAUX DE SURVEILLANCE

DES RISQUES ZOOSANITAIRES

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, auteur de la question n° 237, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 octobre 2000, je fus rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural. Ce projet de loi est devenu la loi du 4 janvier 2001.

L'article 4 de cette loi, qui complète le dernier alinéa de l'article 214-1-A du code rural, autorise le ministre de l'agriculture à constituer des réseaux de surveillance des risques zoosanitaires. Il assure la transposition en droit français de l'article 14 de la directive du 26 juin 1964.

Ainsi, monsieur le ministre, vous êtes habilité à instituer des réseaux sanitaires bovins. Ces réseaux, auxquels les propriétaires et les détenteurs d'animaux seront contraints d'adhérer, mettront en oeuvre des mesures visant à garantir la qualité sanitaire de leur exploitation. Les organismes à vocation sanitaire du réseau bovin devraient être constitués par les groupements de défense sanitaire.

Dans le cadre de ces réseaux, des missions de surveillance peuvent être déléguées par le ministre à deux catégories de partenaires : des organismes à vocation sanitaire ou des organisations vétérinaires à vocation technique, agréés par l'autorité administrative ; des vétérinaires investis d'un mandat sanitaire mentionné à l'article 215-8 du code rural.

La catégorie des organismes à vocation sanitaire vise pour partie des structures qui existent déjà. Les organismes à vocation sanitaire du réseau bovin devraient ainsi être constitués par les groupements de défense sanitaire, les GDS, qui réunissent dans chaque département la plupart des éleveurs bovins et leurs partenaires. Mis en place dans les années cinquante et agréés par le ministre chargé de l'agriculture, les GDS avaient traditionnellement pour mission de relayer l'action des services vétérinaires départementaux en matière de prophylaxie contre les grandes maladies contagieuses, telles que la tuberculose et la brucellose, en informant et en assistant techniquement les éleveurs. Visés implicitement à l'article 214-1 B du code rural, qui fait également référence à des organismes à vocation sanitaire, les GDS voient ainsi consacrée leur collaboration efficace au dispositif public de protection de la santé animale.

Dans le cas du réseau bovin, les GDS devraient agir en étroite collaboration avec les groupements techniques vétérinaires, les GTV, structures départementales de formation des vétérinaires, qui sont visés par cet article 4 sous les termes d'« organisations vétérinaires à vocation technique ».

Regroupant 60 % à 70 % des éleveurs des filières ovine et caprine, les GDS pourraient également jouer le rôle de structures gestionnaires des réseaux de surveillance ovin et caprin.

L'instauration de ce dispositif de surveillance des risques zoosanitaires est novateur à deux titres.

D'une part, il met l'accent sur la surveillance et la prévention, alors que s'opère parallèlement un allégement du système de dépistage automatique de certaines maladies contagieuses qui, telles la brucellose et la tuberculose, ont quasi disparu du territoire national. Ainsi, dans les départements indemnes de ces maladies, les structures gestionnaires des réseaux devraient notamment être chargées de collecter des informations sur la situation zoosanitaire générale au profit des services vétérinaires départementaux, et de sensibiliser les éleveurs à la maîtrise des risques sur leurs élevages.

D'autre part, le champ d'action de ce dispositif de surveillance est défini de manière large. L'expression : « risques zoosanitaires » renverrait non seulement aux traditionnelles maladies réglementées, mais également à de « nouveaux risques ».

Par ailleurs, la loi du 4 janvier 2001 précise que le ministre de l'agriculture peut octroyer des subventions en vue du financement de ces réseaux de surveillance. Elle renforce les pouvoirs de l'autorité administrative en matière sanitaire, en lui permettant d'imposer des mesures particulières de contrôle lorsque des risques sanitaires ont été identifiés par ces réseaux, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat.

La loi précise enfin que, si la gestion des réseaux de surveillance constitués peut être déléguée à des partenaires privés, elle reste, bien entendu, sous l'autorité du ministre de l'agriculture.

J'ai approuvé la mise en place de ces réseaux de surveillance des maladies animales, qui est en parfaite cohérence avec le changement de politique zoosanitaire. Ces dispositions vont, en effet, dans le sens d'une responsabilisation accrue des éleveurs, ce qui est un gage de confiance et une reconnaissance de leur implication dans le dispositif public de santé animale.

Cependant - et c'est l'objet de cette question, monsieur le ministre -, il s'avère que ce dispositif n'est toujours pas opérationnel à ce jour, ce qui est particulièrement regrettable.

En conséquence, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez m'en préciser les raisons et m'indiquer quels sont les délais requis pour la mise en place de ces réseaux.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui témoigne de votre intérêt constant pour tout ce qui a trait à la situation de l'élevage dans notre pays, et je saisis cette occasion pour saluer à nouveau la qualité du travail que vous avez conduit, avec votre collègue Gérard Bailly, dans le cadre du rapport que la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat a consacré à l'avenir de l'élevage.

Vous avez rappelé dans le détail la situation actuelle des réseaux de surveillance des risques zoosanitaires.

L'évolution épidémiologique des principales maladies infectieuses des bovins que sont la tuberculose, la brucellose et la leucose permet aujourd'hui la mise en oeuvre d'un système alternatif par rapport aux prophylaxies collectives classiques. Le projet de réseau sanitaire bovin, dont les fondements ont été posés à l'article L. 222-1 du code rural par la loi du 4 janvier 2001, dont vous avez rappelé les termes, introduit cette nouvelle approche où la surveillance globale des cheptels prend le pas sur l'acte de dépistage réalisé sur chaque bovin.

Le projet de réseau sanitaire bovin institue deux régimes de lutte contre les maladies animales. Le premier dispositif, dit d'« éradication », correspond aux mesures classiques de prophylaxie ; le second, dit de « prévention », fondé à la fois sur des critères épidémiologiques et sur la structuration des organismes départementaux - groupements de défense sanitaire et groupements techniques vétérinaires -, permet de soumettre les cheptels à des mesures particulières de surveillance et d'alléger les dépistages systématiques.

Il n'en demeure pas moins que, en matière de risques zoosanitaires, l'Etat doit s'assurer du maintien d'un système de surveillance acceptable du cheptel français ainsi - et ce n'est pas toujours facile - que d'un maillage vétérinaire suffisant pour faire face à d'éventuelles épizooties.

Les divergences d'approche des différents acteurs professionnels - éleveurs et vétérinaires - sur les modalités concrètes de cette surveillance sanitaire et, plus particulièrement, l'opposition des représentants des éleveurs à l'instauration de visites d'évaluation sanitaires selon un rythme quadriennal, ont conduit mon prédécesseur, en mars 2002, à ajourner ce projet.

Lorsque j'ai pris mes fonctions, il y a maintenant un an, j'ai immédiatement souhaité que les échanges entre professionnels et administration reprennent afin de pouvoir mettre en place ces réseaux de surveillance.

Comme vous le savez, à l'issue des concertations qui ont commencé à l'automne 2002 et se sont déroulées pendant l'hiver, mon objectif est que nous puissions aboutir, dans les toutes prochaines semaines, à un accord sur le dispositif afin de permettre la mise en place de l'architecture réglementaire nécessaire pour la prochaine campagne de prophylaxie qui débutera au mois d'octobre 2003. Je puis vous annoncer aujourd'hui, monsieur le sénateur, que la signature du décret instituant le réseau national sanitaire bovin, approuvé en juillet dernier par le Conseil d'Etat, en constituera la première étape.

Monsieur le sénateur, sur ce sujet évidemment majeur, que votre question a parfaitement mis en lumière, un certain nombre d'incompréhensions sont survenues immédiatement après l'adoption de la loi du 4 janvier 2001. Aujourd'hui, ces réticences ou incompréhensions sont, pour l'essentiel, levées. Pour ma part, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que le dispositif se mette en place le plus rapidement possible, en tout état de cause, avant l'automne prochain.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information que je voulais vous apporter sur ce très important dossier.

M. Jean-Paul Emorine. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

SITUATION DES ARTISANS DU BÂTIMENT

M. le président. La parole est M. Claude Biwer, auteur de la question n° 135, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la diversité des marchés de l'artisanat du bâtiment suppose de la part des pouvoirs publics des règles simples, compréhensibles par tous, facilitant son adaptation aux évolutions de la demande et aux nouvelles opportunités.

« Lorsque le bâtiment va, tout va ! » Cette maxime est sans doute moins d'actualité qu'au cours des décennies précédentes, mais l'activité du bâtiment - la construction ou la réhabilitation de logements - demeure, aujourd'hui encore, un élément essentiel de la croissance et de l'emploi.

De ce point de vue, je ne peux que féliciter le Gouvernement d'avoir bien voulu pérenniser en 2003 l'application du taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien et d'amélioration des logements : cette mesure a eu des conséquences très bénéfiques puisque près de 6 milliards d'euros de travaux supplémentaires ont été répertoriés en deux ans et que 60 000 emplois nouveaux ont été créés dans ce secteur d'activité. Cette mesure a très certainement permis de réduire considérablement le travail clandestin et d'augmenter les rentrées fiscales et sociales.

Mais, monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il après 2003 ?

M. Renaud Dutreil nous a un peu rassurés récemment lors de sa venue en Lorraine. J'ose donc espérer que cette mesure sera reconduite ; dans le cas contraire, non seulement l'activité des artisans du bâtiment en pâtirait, mais nous risquerions également de retomber dans les errements anciens, ce qui n'est manifestement pas souhaitable.

Pour faciliter l'accès aux marchés privés des artisans du bâtiment, il conviendrait également d'imaginer et de mettre en oeuvre une politique du logement qui accorde les mêmes aides publiques à l'habitat existant qu'à la construction neuve : les besoins en entretien et en rénovation des logements anciens sont considérables, mais les bailleurs hésitent à se lancer dans des opérations de réhabilitation, non seulement parce qu'ils sont insuffisamment aidés par les pouvoirs publics, mais également parce que la fiscalité de l'investissement immobilier est excessive en comparaison, par exemple, de celle qui frappe les placements en valeurs mobilières.

Plusieurs mesures pourraient pallier ces difficultés : ouvrir plus largement le prêt à taux zéro à l'accession dans l'ancien, appliquer les incitations fiscales en vigueur pour les logements neufs à l'immobilier ancien, alléger la fiscalité sur les revenus locatifs, élargir la notion de logement social en ouvrant le parc privé au logement social tout en garantissant au bailleur une rentabilité suffisante à son investissement.

Enfin, les procédures et les contrôles liés à l'obtention des crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, pourraient être simplifiés et assouplis.

S'agissant des marchés publics, il conviendrait d'assurer aux entreprises artisanales du bâtiment l'accès le plus large possible. Trois pistes mériteraient d'être explorées : la systématisation de la dévolution des marchés publics par lots séparés, l'instauration de missions de maîtrise d'oeuvre comportant obligatoirement des études d'exécution, la clarification et la simplification de la notion de mieux-disant, l'exonération de la retenue de garantie pour les entreprises artisanales.

Tout cela peut paraître quelque peu abstrait mais, instruits par l'expérience, les élus locaux savent bien qu'ils sont souvent mieux servis par les artisans locaux que par des entreprises extérieures souvent lointaines. Ainsi l'un de mes collègues du département de la Meuse, maire de la commune de Varennes-en-Argonne, vient-il de se plaindre auprès de l'administration et de moi-même au sujet de travaux réalisés sur la toiture de la salle polyvalente de sa commune. En effet, ces derniers ont été interrompus au cours de la période de Noël et un simple coup de vent a suffi à tout emporter. Les bases de cette entreprise étant situées hors du département, personne n'a pu intervenir à temps.

Mon collègue avait bien entendu scrupuleusement respecté les prescriptions du code des marchés publics, ce qui avait considérablement compliqué et retardé son dossier.

Sa réaction fut la suivante, je le cite : « Tout est trop réglementé, trop compliqué, si j'avais eu toute latitude, j'aurais traité avec mes artisans locaux, sans problème et probablement avec économie. »

Ce témoignage démontre, s'il en était besoin, combien il est important de faciliter l'accès des artisans aux marchés publics locaux. Je suis persuadé que le Gouvernement sera sensible aux arguments que je viens de développer et oeuvrera dans ce sens, comme il semble d'ailleurs s'y être déjà engagé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la longue liste des problèmes que vous énumérez concernant l'investissement et le travail des artisans est en soi la preuve qu'il est urgent d'entreprendre des actions en ce domaine.

Toutefois, comme vous le savez, puisque vous êtes un orfèvre en la matière, cette question est complexe et c'est pour cette raison que nous ne pouvons pas proposer des solutions immédiates aux innombrables problèmes que posent les marchés publics aux entreprises françaises.

Par ailleurs, vous avez fait état du taux réduit de TVA. Le Gouvernement bien évidemment conscient du bien-fondé de cette mesure et de la nécessité de la pérenniser.

J'espère donc que nous pourrons la reconduire.

Vous avez également fait état des différents aspects de la fiscalité immobilière. Là encore, les services compétents travaillent à l'élargissement des différents dispositifs possibles et Gilles de Robien a annoncé récemment les premières mesures.

Enfin, vous avez soulevé la question des dispositions visant à faciliter l'accès aux marchés publics des artisans du bâtiment.

Après avoir demandé un premier bilan d'application du code des marchés publics, le Gouvernement a souhaité entreprendre une réforme qui aura pour objet d'alléger les contraintes qui pèsent sur les acteurs de la commande publique.

Sans annoncer de résultats, je peux d'ores et déjà vous indiquer les thèmes sur lesquels nous travaillons.

Il s'agit d'abord de fixer un seuil de 6,2 millions d'euros en dessous duquel les acheteurs publics détermineront eux-mêmes les modalités de la procédure à mettre en oeuvre. Je souligne le niveau très élevé de ce seuil.

Par ailleurs, il est envisagé de compléter l'article 27 du code des marchés publics, notamment pour ce qui concerne les marchés comportant des lots. Les personnes responsables pourraient ainsi passer des marchés sans formalités préalables pour les lots inférieurs à 80 000 euros hors taxe pour les marchés de fournitures et de services et à un million d'euros hors taxe pour les marchés de travaux, pour autant que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur de l'ensemble du marché.

En outre, il est envisagé d'alléger le dossier de candidature, de supprimer le cautionnement demandé aux entreprises candidates et d'introduire une possibilité de régulariser le contenu de la première enveloppe en matière d'appel d'offres. Ces mesures devraient faciliter et améliorer les conditions d'accès aux marchés publics des artisans.

Enfin, l'acheteur public fixerait dans le marché le montant des avances facultatives qui pourraient être accordées au titulaire du marché. Le plafond de ces avances facultatives, qui est actuellement limité à 20 % du montant initial du marché, devrait être sensiblement relevé.

Vous voyez que le Gouvernement recherche des mesures concrètes visant à rendre plus humaine l'application du code des marchés publics et plus efficace le travail des collectivités locales et celui des artisans au regard des investissements nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. J'apprécie le relèvement considérable des seuils qui seront prochainement établis, ce qui permettra aux élus locaux de déterminer la bonne direction à prendre. Nous pouvons craindre, alors qu'il est trop souvent reproché aux élus locaux de « comploter » pour contourner la loi, que l'on n'aboutisse parfois, si celle-ci n'est pas suffisamment précise, à des opérations pouvant être interprétées d'une manière tout à fait désobligeante pour les élus, qui, pourtant, s'efforcent toujours de faire au mieux pour leurs collectivités.

Je crois beaucoup, monsieur le ministre, aux mesures dont vous avez parlé et qui permettront à chacun d'y voir plus clair.

RISQUES DE DÉSTABILISATION DES ENTREPRISES

FRANÇAISES DES SECTEURS STRATÉGIQUES

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier, auteur de la question n° 229, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Yves Autexier. Monsieur le ministre, ma question porte sur les mesures qu'envisage le Gouvernement pour faire face aux risques de déstabilisation qui pèsent sur certaines entreprises françaises du secteur stratégique.

Ma question est d'actualité au lendemain de la guerre d'Irak et de l'intervention des Etats-Unis. L'administration américaine, par la voix de la conseillère pour la sécurité, Mme Condolezza Rice, ou par celle du secrétaire d'Etat, Colin Powell, a fait état de sanctions possibles.

Toutefois, avant même la guerre d'Irak, nous avions été préoccupés par certains agissements. Ainsi, la société Altran Technologies avait été l'objet d'une campagne d'information erronée, on le saura par la suite, menée par la firme de courtage Merrill Lynch et faisant état d'engagements financiers hors bilan, campagne qui a abouti à une baisse de 70 % du cours de l'action d'Altran permettant son rachat à prix bradé.

Le groupe Gemplus, célèbre pour la fabrication et la commercialisation des cartes à puce, mais aussi fournisseur de Giat-Industries, d'Arianespace, de EADS, a également fait l'objet d'une tentative de déstabilisation de son conseil d'administration, menée sur l'initiative du fonds d'investissement Texas Pacific Group, appuyé par le groupe familial Quandt. Elle a abouti à la nomination d'un directeur général américain dont on s'apercevra par la suite qu'il avait occupé des fonctions importantes à In-Q-Tel, fonds de capital-risque financé par la CIA. Les risques sont considérables.

La stratégie de prise de contrôle est toujours la même : déstabiliser les équipes dirigeantes pour conserver les compétences et les ingénieurs.

L'administration Clinton avait développé un programme national de sécurité industrielle qui comportait une partie défensive dont nous serions avisés de nous inspirer et une partie offensive que nous ne devons pas ignorer et qui pouvait aller jusqu'à la dépénalisation de l'acquisition illégale d'informations.

Quelles réponses entend y apporter le Gouvernement ? Aux Etats-Unis, par exemple, toute entreprise travaillant pour les industriels de défense doit publier les prises de participation égales à au moins 5 % du capital par une société étrangère.

Des mesures de ce type sont-elles envisagées et, plus généralement, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre face à cette situation nouvelle ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je suppose que vous ne nous donnez pas en modèle l'expérience américaine, mais que vous interrogez plutôt le Gouvernement sur ses réactions par rapport aux effets que risque d'avoir cette politique sournoise pour notre pays.

Vous m'avez d'abord interrogé, monsieur le sénateur, sur la situation particulière de deux entreprises françaises connues pour leur avance technologique et, plus généralement, sur celle des entreprises dont l'activité relève de secteurs stratégiques.

J'observerai que les entreprises que vous avez citées sont des sociétés privées cotées en bourse, dans la vie desquelles le Gouvernement n'a pas vocation à interférer. Vous souhaitez savoir si elles ont subi des manoeuvres de déstabilisation. En réponse, je vous ferai remarquer que ces entreprises ou certains de leurs actionnaires ont saisi les autorités judiciaires ou de régulation, en l'espèce la Commission des opérations de bourse, un tribunal de commerce et le parquet. De ce point de vue, les entreprises disposent donc d'outils juridiques puissants, qu'il leur appartient d'utiliser si elles estiment être l'objet, de la part de leurs concurrents, de manoeuvres de déstabilisation.

S'agissant de secteurs sensibles mettant en jeu des technologies de souveraineté pouvant induire des dépendances stratégiques pour tout ou partie de notre économie, soyez assuré que les pouvoirs publics ne se désintéressent nullement de la question et restent très attentifs à la protection de notre patrimoine scientifique et technique.

Le Gouvernement a d'ailleurs plusieurs outils à sa disposition. La loi du 14 février 1996 relative aux relations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France prévoit que si ceux-ci sont de nature à mettre en cause l'ordre public, la sécurité publique ou encore la santé publique, ils doivent faire l'objet d'une autorisation préalable de la direction du Trésor. Toutefois, il est apparu que ces dispositions méritaient d'être complétées pour s'appliquer plus explicitement à la défense nationale, dans le souci de mieux protéger nos technologies de souveraineté. Un amendement allant dans ce sens a été déposé dans le cadre de l'examen du projet de loi de sécurité financière.

Enfin, le Premier ministre est parfaitement attentif à ce sujet puisqu'il a confié en janvier dernier une mission sur l'intelligence économique à M. Bernard Carayon, député du Tarn. Ce dernier remettra son rapport en juin prochain. Je ne doute pas que la maîtrise des technologies de souveraineté et la réduction des dépendances stratégiques de notre pays seront au coeur de ses propositions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier.

M. Jean-Yves Autexier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Le parlementaire que vous avez cité est parfaitement informé des réalités et des défis auxquels nous sommes confrontés. Compte tenu de l'urgence, je souhaite que les propositions qu'il formulera soient suivies d'effets.

A cet égard, j'évoquerai un autre exemple, celui de France Télécom, qui s'apprête à vendre les 23 % du capital d'Eutelsat qu'elle détient. Les sociétés américaines sont naturellement tout à fait intéressées : on voit bien quelle marge de manoeuvre leur offrirait une position d'actionnaire dominant s'agissant d'Arianespace ou du système Galileo. L'enjeu est considérable, et notre vigilance en matière d'intelligence économique doit être absolument constante et concerner tous les secteurs de la vie économique nationale.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué. Les questions orales n'ont pas pour objet l'examen dans le détail des dossiers particuliers, mais, en ce qui concerne Eutelsat, je puis vous indiquer, monsieur le sénateur, qu'il existe aussi des acheteurs potentiels français et européens, notamment italiens. Bien évidemment, nous suivons ce dossier avec la plus grande attention.

LEVÉE DU SECRET PROFESSIONNEL

LIANT LES COMMISSAIRES AUX COMPTES

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 203, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jacques Oudin. La transparence et le contrôle des comptes publics sont des fondements de la démocratie.

Dans cette longue marche que freinent de nombreux obstacles, un grand pas a été effectué avec la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, dont l'article 57 dispose que « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis », les destinataires ici visés étant les présidents, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des commissions des finances des deux assemblées.

Cela étant dit, cette disposition n'était pas nouvelle. En effet, l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2000 du 31 juillet 2000, qui modifiait l'ordonnance du 30 décembre 1958, avait déjà précisé que « les agents des services financiers, les commissaires aux comptes - j'y insiste -, ainsi que les représentants des autorités publiques de contrôle et de régulation, sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres du Parlement chargés de suivre et de contrôler, au nom de la commission compétente, les entreprises et organismes visés au quatrième alinéa ci-dessus, un organisme gérant un système légalement obligatoire de sécurité sociale, les recettes de l'Etat ou le budget d'un département ministériel. » Cela ne présente aucune ambiguïté !

Or, monsieur le ministre, les commissaires aux comptes des entreprises publiques que j'ai été amené à contacter à l'occasion de contrôles que j'effectuais en tant que rapporteur spécial du budget des transports terrestres se sont refusés à me communiquer un certain nombre de renseignements, au motif que la compagnie nationale des commissaires aux comptes n'avait pas pris position sur la levée du secret professionnel tel que défini aux articles L. 225-240 et L. 225-241 du code de commerce.

A cet égard, j'ai en ma possession une lettre tout à fait étonnante de la société Deloitte-Touche-Tohmatsu, dont je vais vous lire un extrait :

« Notre confrère Ernst & Young a, pour le compte du collège que nous formions avec lui (...) saisi la compagnie nationale des commissaires aux comptes le 25 juillet 2002 au titre de l'interprétation à donner à l'article 57 de la loi organique, et nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse de la commission juridique. Cette dernière a encore récemment été relancée par notre confrère. Nous regrettons que ce contexte nous ait conduits à ne pouvoir répondre à ce stade qu'en partie à vos questions et reviendrons vers vous dès que la situation sera débloquée. »

Nous avons évoqué ce problème, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de sécurité financière. La position de la compagnie nationale des commissaires aux comptes est inacceptable au regard tant de la loi que du respect du Parlement. Le garde des sceaux nous avait indiqué que bon ordre serait mis à cette situation et que les instructions nécessaires seraient données aux commissaires aux comptes, en liaison avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour que les rapporteurs des commissions des finances puissent obtenir communication des informations qu'ils demandent.

Dans cette optique, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelle action le Gouvernement a engagée en vue d'une régularisation de la situation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, nous allons essayer d'éclaircir cette affaire, elle aussi stratégique.

L'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances fait obligation au Gouvernement de transmettre « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif (...) réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical » demandés par les rapporteurs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances dans le cadre de leurs missions de contrôle de l'exécution des lois de finances et d'évaluation de toute question relative aux finances publiques.

Le législateur organique a souhaité établir un régime très large de communicabilité des documents financiers et administratifs, sans pour autant porter atteinte au monopole que détient, en application des articles 39 et 47 de la Constitution, le Gouvernement pour préparer un projet de loi de finances, qui ne permet pas la communication de documents préparatoires afférents à un projet de loi de finances qui n'a pas encore été déposé.

Il résulte de l'article 57 de la loi organique que, a priori, les documents relatifs à une mission d'audit sont, dans leur ensemble, communicables aux rapporteurs des commissions des finances, sous réserve que soient satisfaites trois conditions.

Premièrement, la communication de ces documents doit être destinée à permettre l'accomplissement de la mission confiée aux commissions des finances par l'article 57 précité.

Deuxièmement, la communication de ces documents ne doit pas porter atteinte au secret qui protège certains sujets, tel le secret-défense, ou à la parution de certains marchés publics.

Troisièmement, la communication doit respecter le droit de propriété que pourrait détenir une personne privée sur les documents concernés.

M. le président. Tout est très clair ! (Sourires.)

La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Monsieur le président, votre perspicacité est extraordinaire ! Quant à moi, honnêtement, je n'ai pas compris, monsieur le ministre ! Vous me dites que l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances s'applique sous réserve que soient satisfaites trois conditions. Or, en l'espèce, tel était bien le cas.

M. le président. Tout est clair ! (Sourires.)

La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Monsieur le président, votre perspicacité est extraordinaire ! Quant à moi, honnêtement, je n'ai pas compris, monsieur le ministre ! Vous me dites que l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances s'applique sous réserve que soient satisfaites trois conditions. Or, en l'espèce, tel était bien le cas.

Quoi qu'il en soit, si l'on doit apporter des modifications au texte ou préciser l'interprétation qui doit en être faite, je souhaite que le Gouvernement clarifie les choses en prenant une circulaire, un décret ou un arrêté.

Voilà un mois, j'ai de nouveau adressé un questionnaire à une société nationale, laquelle se refuse à transmettre les documents demandés, en l'occurrence les procès-verbaux des conseils d'administration. Je trouve cette situation inacceptable, alors même que nous proclamons que la transparence des comptes publics est un préalable à leur redressement.

Monsieur le ministre, la discussion sur ce sujet n'est donc pas achevée. Nous la reprendrons en d'autres occasions.

FERMETURE DES HOUILLÈRES DU BASSIN LORRAIN

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, auteur de la question n° 214, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

M. Jean-Pierre Masseret. Ma question s'inscrit dans le prolongement de celle que j'ai posée la semaine passée et qui portait sur la sidérurgie en Moselle. Aujourd'hui, monsieur le ministre, j'évoquerai les houillères du bassin lorrain, dont l'exploitation cessera en juillet 2004, soit un peu plus tôt que prévu.

Cette situation n'est pas sans conséquences.

Sur le plan juridique, tout d'abord, l'actuel établissement public industriel et commercial deviendra un établissement public administratif. Cependant, les problèmes vont subsister. A cet égard, monsieur le ministre, je tiens à vous rendre attentif à la nécessité d'entretenir d'excellentes relations sociales avec les personnels d'ici à la fin de l'exploitation, de façon que cette période quelque peu délicate se passe dans les meilleures conditions possibles.

Par ailleurs, les collectivités territoriales vont perdre, avec la disparition de cette activité, des ressources qui leur permettaient jusqu'alors de faire face à leurs obligations et à leurs besoins en matière d'investissements et de fonctionnement. Il faut que l'Etat mette en oeuvre un système de compensation différent de celui qui existe actuellement.

En outre, des bâtiments vont devenir vacants et des sites devront être dépollués. Existe-t-il une véritable volonté politique, de la part des pouvoirs publics, de procéder à cette dépollution ? Qui l'assurera dès lors que les houillères du bassin lorrain auront cessé leur activité ?

Enfin, je ne saurais passer sous silence les conséquences sur l'activité économique de la fermeture des houillères. Des emplois vont disparaître, sans que la recomposition du tissu industriel puisse compenser ces pertes massives. Le bassin lorrain bénéficiera-t-il de moyens financiers spécifiques plus importants qu'actuellement ? Je n'évoquerai pas le statut des mineurs, qui devra être conservé, ni le régime particulier de la sécurité sociale minière.

Sur tous ces plans, monsieur le ministre, quelle est la réelle volonté politique du Gouvernement ? Le passage d'un établissement public industriel et commercial à un établissement public administratif permettra-t-il de répondre à l'ensemble des préoccupations que j'ai exprimées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a bien évidemment la volonté politique d'agir et d'être attentif à l'ensemble des problèmes résultant de la fermeture des houillères du bassin de Lorraine.

Nous partageons vos préoccupations quant à la situation du bassin charbonnier lorrain et accordons une attention particulière aux conditions de l'arrêt d'activité des houillères du bassin lorrain, en particulier sur le plan social.

S'agissant des aspects sociaux, comme vous le savez, la décision d'anticiper la date d'arrêt de l'extraction, en Lorraine comme en Provence, a été dictée par l'absolue nécessité d'assurer la sécurité de l'exploitation dans un contexte de fonte rapide des effectifs. L'entreprise a conclu avec les partenaires sociaux un protocole d'accord le 11 février dernier ; ce protocole, approuvé par une majorité de mineurs, complète les mesures du pacte charbonnier par l'introduction d'une dispense préalable d'activité. Cela permettra aux houillères du bassin lorrain d'adapter les effectifs à l'arrêt anticipé de leur activité.

Je vous confirme par ailleurs que les pouvoirs publics poursuivent actuellement avec les organisations syndicales la concertation sur les modalités permettant de garantir les droits sociaux des mineurs de toutes substances après la disparition des exploitants. Le Gouvernement accueille favorablement, dans ce contexte, les propositions de loi récemment présentées par MM. les députés Mallié et Sordi.

S'agissant de la gestion de l'« après-mine », le Gouvernement a demandé au Conseil général des mines et à l'inspection générale des finances de faire des propositions sur l'organisation à mettre en place, après la disparition des charbonnages ou des mines de potasse d'Alsace, pour gérer la mise en oeuvre des différentes mesures afférentes à la sécurité des anciens sites miniers.

Sur le plan économique, je vous confirme que le Gouvernement prête la plus grande attention à la reconversion économique des bassins et s'attachera à ce que les actions conduites en ce sens soient poursuivies. Bien évidemment, les pouvoirs publics resteront également attentifs à l'évolution de la situation de l'emploi.

Conscient enfin des conséquences négatives de l'arrêt de l'extraction pour l'équilibre des finances locales, le Gouvernement s'est attaché à ce que les pertes de recettes liées aux redevances minières soient prises en compte dans les mécanismes de compensation financés par le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, ce qui est le cas depuis l'année dernière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.

M. Jean-Pierre Masseret. J'ai bien entendu vos bonnes paroles, monsieur le ministre. Cela étant, il faut être attentif à deux éléments très importants.

S'agissant tout d'abord des dégâts miniers, le Conseil général des mines devra se montrer très vigilant, car des effondrements de terrain se produiront, et il sera nécessaire de procéder à des réhabilitations et à des reconstructions. Sur ce point, les mineurs ne doivent pas être victimes d'une lacune juridique ou d'un flou en matière de responsabilité. De gros problèmes se posent à cet égard sur le site des mines de fer de Lorraine, monsieur le ministre, et si la même situation devait se présenter dans le bassin houiller, nous ne serions pas « sortis de l'auberge », si vous me permettez cette expression !

S'agissant ensuite des ressources des collectivités territoriales, un mécanisme de compensation existe certes, mais j'estime qu'il faudrait réfléchir à un autre système, plus performant.

Par ailleurs, je voudrais vous adresser, monsieur le ministre, un message personnel : je ne pourrai être présent demain à vos côtés en Moselle, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser.

M. Jacques Oudin. Oh !

M. Jean-François Le Grand. Ce n'est pas bien ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Masseret. Cette absence n'est nullement liée à la réponse décevante que vous venez de me donner, n'en doutez pas ! Je suis retenu à Paris par une réunion de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué. J'aimerais que M. Masseret ne doute pas de la qualité de ma réponse. En effet, sur la plupart des points soulevés, le Gouvernement prend tout de même des engagements tout à fait réels. Cela étant, je vous remercie de me prévenir de votre absence demain, monsieur le sénateur. J'irai néanmoins en Lorraine, puisque c'est pour une noble cause ! (Sourires.)

CONDITIONS DE RÉALISATION D'UN RÉSEAU

À HAUT DÉBIT DE FIBRES OPTIQUES

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand, auteur de la question n° 226, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

M. Jean-François Le Grand. Monsieur le ministre, vous avez reçu le texte de ma question, que je me bornerai ici à expliquer, eu égard à la complexité du langage technique employé.

L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales que tend à insérer l'article 1er A du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique autorisera les collectivités locales à devenir, selon certaines modalités, opératrices dans le domaine des télécommunications. Le département de la Manche, qui s'est engagé, comme beaucoup d'autres, dans une politique de réduction de la fracture numérique, a décidé de ne pas faire ce choix. Nous pensons en effet que cela ne relève pas des missions des collectivités territoriales.

Néanmoins, nous souhaitons investir sur ce marché, suffisamment pour qu'il puisse ensuite se développer de façon autonome. Nous nous inscrivons là dans une démarche d'aménagement du territoire : intervenir pour permettre le jeu de l'économie libérale tout en faisant en sorte qu'aucune zone ne soit définitivement écartée.

Or le principe de neutralité technologique, qui vaut toujours, vient contrarier quelque peu cette démarche. En effet, à la limite, l'application de ce principe sous sa forme actuelle nous conduirait à devenir opérateurs plutôt que d'investir pour que le marché s'exerce librement, dans la mesure où nous serions ainsi beaucoup plus sûrs d'aboutir.

Le principe de neutralité a certes des vertus. Il a notamment permis d'éviter de « préchoisir » un opérateur en retenant une technologie qu'il était le seul à utiliser. Toutefois, le paysage des télécommunications ayant profondément évolué, ce principe est aujourd'hui un peu obsolète et il convient de le toiletter afin de le rendre plus opérationnel. C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous disiez que les collectivités sont autorisées à choisir des offres de services à haut débit en se fondant sur des critères d'aménagement du territoire ou de développement économique, et non plus sur le seul principe de neutralité technologique. Cette précision, sans remettre en question le code des marchés publics, faciliterait grandement la vie des collectivités et leur permettrait de mener une véritable politique d'aménagement du territoire, à laquelle on nous invite à chaque instant.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur et président d'un conseil général, la commande publique est effectivement un des outils dont disposent les collectivités territoriales pour stimuler le développement du haut débit sur leur territoire, dans les limites permises par le code des marchés publics.

A cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l'article 5 de ce code, les marchés conclus par les personnes publiques doivent avoir pour objet exclusif de répondre à leurs besoins.

Les besoins des personnes publiques peuvent être variés. Comme le rappelle l'instruction ministérielle du 21 août 2001 prise pour l'application du code, ces besoins peuvent concerner non seulement le fonctionnement propre de la collectivité, mais aussi ses activités d'intérêt général qui la conduisent à fournir des prestations à des tiers.

En matière de télécommunications à haut débit, les besoins des collectivités territoriales peuvent donc concerner les communications internes des collectivités mais aussi leurs communications externes avec des partenaires prédéfinis ou non, usagers de leurs services d'intérêt général.

Dans ce cadre, il appartient aux collectivités territoriales de définir les critères de choix des offres et leur pondération en fonction de leurs missions et de leurs priorités. Elles pourront ainsi mettre l'accent, par exemple, sur le coût du marché ou sur ses effets sur le développement économique et l'aménagement du territoire, sachant que les critères doivent être le reflet des besoins fonctionnels et économiques des collectivités ainsi que des exigences de réalisation - par exemple des délais -, et non pas de solutions techniques. C'est donc l'aménagement du territoire hors de la contrainte de la neutralité technologique.

Un document d'orientation pour l'achat public de services de télécommunications est disponible sur le site Internet du ministère délégué à l'industrie. Les collectivités territoriales peuvent utilement s'y référer pour la conception de leurs appels d'offres dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. Je remercie M. le ministre d'avoir apporté une réponse aussi précieuse dans le cadre des marchés publics et aussi pertinente. En effet, ce qui est octroyé aux collectivités - c'est très clair - c'est non pas la liberté de tout faire, mais la possibilité d'apprécier une offre par rapport aux enjeux qui sont les leurs.

Monsieur le ministre, je vous remercie donc très sincèrement, au nom du département de la Manche, que j'ai l'honneur de présider, et, j'en suis persuadé, au nom de l'ensemble des collectivités qui sont confrontées à ce problème.

CONDITIONS D'IMMATRICULATION DES AÉRONEFS

M. le président. La parole est à M. Ernest Cartigny, auteur de la question n° 236, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Ernest Cartigny. Monsieur le secrétaire d'Etat, un courrier, daté du 13 février 2003, émanant du service de la formation aéronautique et du contrôle technique, qui est une administration centrale de la direction générale de l'aviation civile, la DGAC, a été adressé à l'ensemble des services déconcentrés de cette administration pour leur demander d'effectuer un recensement des aéronefs immatriculés dans un territoire étranger et résidant plus de 183 jours sur notre territoire.

Ce courrier, auquel est annexé un questionnaire destiné aux propriétaires de ces aéronefs, précise l'intention de la DGAC d'imposer l'immatriculation française à tout aéronef étranger basé plus de 183 jours sur notre territoire. Cette volonté affichée par la DGAC inquiète nombre de propriétaires privés et d'associations qui, pour des raisons multiples et justifiées, ne souhaitent pas immatriculer en France leur aéronef. Parmi ces raisons, on peut citer les nombreuses tracasseries administratives auxquelles sont soumis les propriétaires qui importent leur aéronef. Certains propriétaires se voient ainsi imposer des déposes d'équipements sous prétexte que l'homologation de ces équipements ne serait pas reconnue en France, bien que leur conformité aux exigences internationales ait été attestée par l'Etat d'immatriculation.

Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir préciser les conditions dans lesquelles l'administration compte imposer une immatriculation française aux aéronefs étrangers. Cette exigence semble contraire aux dispositions de libre circulation prévues au titre de la convention de Chicago, et, dans le cas des aéronefs immatriculés dans un Etat membre de la Communauté européenne, contraire au traité de Rome.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. La direction générale de l'aviation civile a été alertée durant l'été 2002 par la présence permanente sur notre territoire d'aéronefs de construction russe, immatriculés dans des pays de l'Est et qui étaient en contravention avec la réglementation française et la réglementation de leur pays d'immatriculation. Face à cet état de fait, deux mesures ont été prises.

La première concerne la sécurité. Des restrictions d'utilisation ont été adoptées à l'égard des aéronefs en infraction.

La seconde vise à recenser de façon précise l'ampleur et l'état de la flotte des aéronefs immatriculés à l'étranger qui restent présents sur notre territoire pendant de longues périodes. Ce recensement a pour objet de mieux comprendre les raisons qui conduisent certains propriétaires à immatriculer leur aéronef à l'étranger, et de faire en sorte que l'ensemble des aéronefs qui sont en pratique basés en France soient traités de façon égale.

A la suite de cette enquête, les organisations représentatives seront conviées à un large débat sur les motivations des propriétaires. Ce débat devra permettre à l'administration de proposer les mesures nécessaires pour garantir l'égalité de traitement que je viens d'évoquer : les mesures relatives à la sécurité que doit prendre le ministre des transports, conformément au code de l'aviation civile, doivent pouvoir être respectées par tous. Cela est conforme à l'exercice de la souveraineté nationale, et parfaitement compatible avec nos engagements internationaux au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale ou de la Communauté européenne.

M. le président. La parole est à M. Ernest Cartigny.

M. Ernest Cartigny. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué la présence d'avions russes, qui, en effet, ne satisfont pas techniquement à la réglementation française. Or ma question ne portait pas sur ces avions. Je l'avais signalé à vos services afin qu'il n'y ait pas de confusion.

Aujourd'hui, je constate de nouveau que, à partir d'un cas exceptionnel, on tente de créer une réglementation générale.

Je serai amené à reposer cette question de façon encore plus précise que si besoin est. D'ores et déjà, je précise les appareils que nous avons évoqués répondent, pour leur majorité, à toutes les exigences techniques des pays signataires de la convention de Chicago et du traité de Rome.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX ENTREPRENEURS

DE SPECTACLE

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, auteur de la question n° 232, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Gilbert Barbier. Ma question porte sur l'application aux collectivités locales de la réglementation relative à la licence d'entrepreneur de spectacles.

La loi n° 99-198 du 18 mars 1999, réformant l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, définit et réglemente la profession d'entrepreneur de spectacles.

Ainsi, tout entrepreneur de spectacles vivants doit, sous réserve de dérogation exceptionnelle, être titulaire d'une autorisation d'exercer la profession, délivrée par la préfecture. Par ailleurs, est considérée comme un entrepreneur de spectacles toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacle, de production ou de diffusion de spectacles, seule ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entreprises de spectacles vivants quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités. Enfin, la licence d'entrepreneur de spectacles est personnelle et incessible.

Selon cette réglementation, les communes qui gèrent des salles accueillant des spectacles et organisent régulièrement des concerts ou des galas, dans le cadre du comité des fêtes ou de l'école de musique, sont entrepreneurs de spectacles et, à ce titre, doivent demander une licence, qui est délivrée au représentant légal de la commune. Or, pour obtenir cette licence, il faut remplir les conditions fixées par le décret n° 2000-609 du 29 juin 2000 ; les pièces justificatives qu'exigent les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, ne sont pas toutes très adaptées au statut d'un tel demandeur. J'ai, moi-même, pu le constater récemment, lorsque, en ma qualité de maire de Dole, j'ai demandé une licence.

Que le maire doive fournir un extrait de casier judiciaire, un relevé de propriété des lieux de spectacle concernés par la licence ou justifier de la capacité juridique d'exercer une activité commerciale, d'un diplôme d'enseignement supérieur ou de deux années d'expérience professionnelle dans le domaine du spectacle me paraît à la limite de l'ubuesque.

Certaines DRAC se montrent particulièrement tatillonnes sur la fourniture de ces pièces. Ainsi, en Franche-Comté, la DRAC a tout simplement menacé de suspendre les subventions accordées à la ville de Dole si le dossier de demande de licence d'entrepreneur de spectacles n'était pas complet.

Un document distinct adapté au statut des collectivités locales avait été annoncé, mais il ne semble toujours pas avoir vu le jour. Par ailleurs, le fait que la licence soit établie au nom propre du maire soulève un autre problème - je ne sais pas comment cela se passe à Marseille, monsieur le président - car, dans l'hypothèse où celui-ci quitte ses fonctions de façon inopinée alors qu'une programmation est en cours, la commune se trouve de facto dans l'illégalité.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures pour mettre fin à ces situations disparates et très difficiles pour les maires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser M. Jean-Jacques Aillagon, qui est retenu à Bruxelles pour un Conseil des ministres européens de la culture.

La loi du 18 mars 1999 modifiant l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles a, tout en étendant son champ d'application aux personnes publiques, prévu des dispositions spécifiques pour les collectivités territoriales.

Ainsi, l'ordonnance modifiée précise que : « pour les salles de spectacles exploitées en régie directe par les collectivités publiques, la licence est accordée à la personne physique désignée par l'autorité compétente ».

Les critères requis sont suffisamment ouverts pour prendre en compte des candidatures diverses.

Je précise également que la capacité juridique à exercer une activité commerciale n'est opposable qu'aux commerçants. Pour les salles exploitées en régie directe, une attestation sur l'honneur du candidat à la licence est suffisante.

Quant au problème que vous évoquez d'un éventuel départ inopiné du porteur de licence, la loi y apporte également une solution : les droits attachés à la licence sont transférés à la personne désignée par l'autorité compétente ou l'organe délibérant, pour une durée pouvant atteindre six mois.

Les dispositions ainsi précisées n'apparaissent pas comme un obstacle à la sollicitation, par les représentants des collectivités territoriales, de la licence d'entrepreneur de spectacles.

Le ministre de la culture et de la communication a par ailleurs, sur l'ensemble du dispositif de licence d'entrepreneur de spectacles, engagé récemment une évaluation dont il ne manquera pas de rendre publiques les conclusions dès qu'elles seront connues. De nouvelles simplifications pourront alors, le cas échéant, être apportées à ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse me paraît nettement insuffisante. En effet, il est très délicat, s'agissant d'une commune, de désigner une personne physique qui sera personnellement responsable. Si ce n'est pas le maire qui prend cette responsabilité, ce sera un adjoint ou un membre du personnel administratif.

De surcroît, cela pose des problèmes au regard de l'administration fiscale. En effet, la personne physique qui sera considérée en tant que telle comme organisateur de spectacles devra faire les déclarations fiscales afférentes. Les responsables auront un nouveau métier à exercer, celui d'entrepreneur de spectacles !

Avec le système de la régie directe, c'est la collectivité locale qui organise ces spectacles, et non pas le maire à titre personnel. Il faut absolument trouver une solution adaptée aux collectivités publiques, car leur statut est fondamentalement différent de celui des entrepreneurs privés.

SITUATION INQUIÉTANTE DE LA RECHERCHE EN FRANCE

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, auteur de la question n° 221, adressée à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, l'état de la recherche publique suscite de nombreuses interrogations et craintes que n'a pas levé l'annonce de l'annulation du gel de 30 % des crédits de fonctionnement des organismes publics.

Même si je me félicite de cette décision, qui est à mettre à l'actif de la mobilisation de la communauté scientifique, le dégel ne fait pas forcément le printemps, loin s'en faut.

La recherche française va mal, de nombreux indicateurs l'attestent. De nombreux chercheurs, de nombreux laboratoires en témoignent et s'en inquiètent.

Je prendrai trois exemples.

Premièrement, l'impact des publications scientifiques françaises se dégrade et perd du terrain par rapport aux principaux pays européens.

Deuxièmement, le nombre de brevets déposés diminue, et cela concerne principalement le secteur privé. Nous représentons en effet 6,3 % de la totalité des brevets déposés dans le monde, contre 8,8 % en 1985.

Troisièmement, le déficit en postes et emplois scientifiques s'accentue. De tous les pays développés, mis à part l'Italie, la France est celui où le rapport entre le nombre de chercheurs et la population active a le moins augmenté ces dernières années. Avec le budget de 2003, ce sont 1 000 emplois scientifiques en moins dans l'ensemble du secteur public, dont 150 postes de chercheurs pour les établissements publics à caractère scientifique.

L'exil des jeunes chercheurs ne s'explique pas seulement par des considérations financières. Le marché de l'emploi, la précarité et le peu d'attractivité des carrières ainsi que l'insuffisance des crédits en sont bien les causes principales. Par exemple, 39 % des jeunes docteurs formés à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, INSERM, sont sans emploi.

Ces chiffres inquiétants, associés à la crise de vocation que l'on constate dès l'université, sont lourds de menaces pour demain pour la compétitivité de la recherche française.

Les dix prochaines années doivent voir le renouvellement de près de la moitié des effectifs des organismes de recherche et des universités. N'est-ce pas là, monsieur le ministre, dans le contexte actuel, l'un des enjeux majeurs auquel nous sommes confrontés et qui appelle des moyens et des décisions sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu'à présent ?

Car c'est à l'investissement dans la matière grise que l'on mesure la grandeur et la puissance d'une nation.

Or, dans ce domaine, les retards pris par rapport aux principaux pays développés, en particulier les Etats-Unis, s'accentuent. La part de la recherche dans le PIB est de 2,1 % en France, contre 2,5 % en Allemagne, 2,7 % aux Etats-Unis et 3 % au Japon. Nous sommes loin, très loin de l'ambition proclamée l'an dernier par le Président de la République de consacrer 3 % du PIB à la recherche.

Depuis des années, la recherche française vit sans financement minimal. Et alors que nos principaux concurrents accentuent leurs efforts, nous diminuons les nôtres, comme en témoigne le budget de 2003.

A périmètre égal, le financement du secteur public de la recherche civile est l'un des plus bas d'Europe.

Les chercheurs français ont déjà prouvé leurs grandes capacités par le nombre et la qualité de leurs travaux. Mais comment faire mieux avec les moyens qui leur sont alloués ? Comment redresser la situation sans s'appuyer sur un secteur public fort, diversifié et modernisé, celui-là même qui a fait la notoriété internationale de la recherche française.

Je veux vous dire ma crainte, monsieur le ministre, devant ces désengagements, devant cette volonté sous-tendue de substituer aux financements d'Etat des financements régionaux et privés. Je ne m'oppose par principe ni aux uns ni aux autres, toutes ces coopérations étant nécessaires.

Mais peut-on croire qu'une véritable politique nationale en faveur de la recherche, équilibrée sur tout le territoire, puisse exister sans une responsabilité publique nationale ?

Quelles dispositions précises le Gouvernement compte-t-il prendre, quels moyens compte-t-il débloquer pour renforcer le potentiel de la recherche publique française et par là même notre place et notre présence dans le monde ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé cette question qui permettra de mettre un terme à la circulation de certaines informations reproduites parfois de bonne foi mais, fort heureusement, erronées.

Vous avez évoqué, comme nombre de chercheurs, un risque de réduction de 30 % des moyens des laboratoires de recherche. Beaucoup ont même mentionné un niveau de récession jusqu'alors inconnu au sein de la recherche publique française.

Ces informations, diffusées par la presse et colportées par certains leaders syndicaux, sont fort heureusement fausses, comme Mme Claudie Haigneré l'a d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises, notamment le 9 avril dernier, devant la représentation nationale, ces erreurs étant en outre attestées par un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration.

Il est vrai que, par un arrêté du 14 mars 2003, le Gouvernement a été contraint, au vu des déficits publics constatés, de procéder à une annulation de 9,3 % des crédits des organismes de recherche hors rémunérations. C'est le tribut total de la recherche pour la maîtrise des dépenses publiques en 2003. Mais vous conviendrez avec moi, du moins je l'espère, que 9,3 % ne sont pas 30 % ! M. le Premier ministre a en effet indiqué qu'il n'y aurait plus aucune annulation en 2003 et que l'ensemble des gels, comme vous avez d'ailleurs eu le fair-play de le souligner, monsieur le sénateur, étaient levés.

Je rappelle malgré tout que l'annulation dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, porte en 2003 sur 53 millions d'euros, soit exactement, au centime près, la somme annulée en 2002. Ce montant est en outre inférieur aux annulations effectuées par le gouvernement précédent en 2001 - j'ai bien évidemment fait vérifier les chiffres par les services du ministère ce matin même -, soit plus de 60 millions d'euros.

Avec 2,2 % du PIB, notre pays figure au quatrième rang mondial pour ses dépenses de recherche : ce n'est tout de même pas rien, même si, nous le reconnaissons, c'est insuffisant. Notre ambition - nous nous y sommes d'ailleurs engagés avec nos partenaires de l'Union européenne -, est que, en 2010, 3 % du PIB soient consacrés à la recherche et développement, dont un tiers pour la part publique et deux tiers pour la part privée.

Des mesures ont déjà été prises en ce sens, en particulier le plan innovation ; d'autres vont suivre très prochainement, sur l'initiative de Mme Haigneré qui va ouvrir les « chantiers de la science » pour dynamiser notre potentiel avec tous les acteurs concernés.

La recherche reste donc, monsieur le sénateur, une priorité statégique pour le Gouvernement, lequel y consacre un très fort investissement en termes de moyens.

Toutefois, le véritable problème, comme souvent d'ailleurs, tient non pas tant aux moyens, même si, j'en conviens avec vous, nous devons poursuivre notre effort, qu'à la crise très profonde des vocations dans les sciences dures, la physique et la biologie notamment : nous avons assisté en France - mais ce phénomène est enregistré un peu partout en Europe, notamment en Allemagne, ainsi qu'au Canada - à une baisse de 10 % à 20 % des vocations scientifiques dans les premiers cycles universitaires. C'est là une situation très préoccupante dont il nous faut comprendre les causes et à laquelle nous devons chercher à remédier. Mme Claudie Haigneré et moi-même proposerons donc à cette fin un plan de revalorisation de la science, dès l'école primaire, mais aussi au collège et au lycée, prévoyant la visite de laboratoires par tous les professeurs de biologie, accompagnés de leurs élèves, ainsi que bien d'autres mesures à mon avis énergiques et efficaces que nous annoncerons très prochainement. C'est en effet au stade de l'école primaire et de l'enseignement secondaire qu'il faut lutter contre cette crise des vocations scientifiques, qui est notre principale inquiétude.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Même si M. le ministre de l'éducation nationale ne m'a pas donné entière satisfaction, par sa réponse, je le remercie d'avoir eu le fair-play de reconnaître un certain nombre des difficultés auxquelles se trouve confrontée la recherche.

Vous me permettrez, au-delà du débat sur les chiffres, de formuler quelques remarques.

Je crois qu'on ne rappellera jamais assez que la recherche est un élément primordial dans le développement d'un pays ou d'une région. Ses résultats influent directement sur la production des services, dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la culture, et ses effets indirects ont également une importance capitale à long terme.

Il est nécessaire d'opérer une plus grande mise en cohérence du pôle de la recherche publique, fondée sur des missions de service public intégrant à la fois le long terme et la recherche fondamentale, et les besoins les plus immédiats de développement technologique et de recherche appliquée. Les universités devraient pouvoir jouer un autre rôle en collaboration avec les organismes et les grandes écoles.

Je partage votre point de vue, monsieur le ministre, sur la nécessité de revaloriser les enseignements scientifiques pour répondre en partie à la crise des vocations. En effet, pour être à la hauteur des enjeux et répondre aux besoins, il faut que l'emploi scientifique soit, dans notre pays, non seulement plus développé, mais aussi plus attractif. Le Gouvernement ferait bien, selon moi, de se pencher sur cet aspect de la question.

Enfin, il conviendrait à mon avis d'engager un débat et une consultation nationale sur la recherche. (M. le ministre acquiesce.) Nous avons en effet tout à gagner à associer la société, la collectivité publique, les citoyens à une discussion sur les enjeux que nous venons d'évoquer trop rapidement.

DÉSENCLAVEMENT DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 225, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux appeler avec insistance l'attention du Gouvernement sur les mesures qui doivent être prises pour achever le nécessaire désenclavement du département de la Loire.

Ma question prend un relief tout particulier avec la récente annonce de restructuration du GIAT-Industries. Je pense aussi à l'adaptation à venir de l'implantation de la Banque de France, qui obère, il faut bien le dire, l'avenir de la succursale de Roanne. Je crains en effet que la population de la Loire ne se sente la grande oubliée de la République, car l'histoire économique et industrielle de notre pays ne l'a pas épargnée au cours des dernières décennies.

Les entrepreneurs, les forces vives et les élus locaux sont très inquiets du devenir de notre département qui, depuis plus de vingt ans, a été le parent pauvre de la politique d'aménagement du territoire.

Situé à l'ouest de la région Rhône-Alpes, le département de la Loire n'a pas, il est vrai, une situation géographique favorable. L'ouverture sur le Massif central étant barré par des frontières naturelles, il faut donc raccorder la Loire à l'axe rhodanien, seul vecteur de développement possible.

Je crains que les inquiétudes des ligériens ne soient malheureusement justifiées. Si je veux bien entendre les propos rassurants de M. de Robien affirmant que l'audit sur les transports à l'horizon 2020 ne vaut pas engagement politique, je déplore toutefois l'analyse de ce même audit s'agissant de la construction de l'autoroute A 45. Cette liaison reste en effet vitale pour l'agglomération stéphanoise. La repousser, c'est commettre une erreur dramatique. Le retard que l'on doit à l'ancienne majorité, qui avait dogmatiquement gelé le projet, devrait au contraire être rattrapé, sauf à courir vers l'asphyxie. L'actuelle autoroute A 47 est saturée et les conditions de sécurité ne sont plus assurées. Je demande donc solennellement au Gouvernement de prendre toute la mesure du problème.

S'agissant du rail, malgré une politique de modernisation des matériels roulants menée grâce aux collectivités, la liaison Saint-Etienne - Lyon nécessite toujours au minimum près d'une heure.

Enfin, le devenir de la navette aérienne avec Paris, hier désertée par les opérateurs publics, semble bien fragile.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que la Loire et ses habitants aient besoin de retrouver la certitude que leurs préoccupations sont retenues au plus haut niveau. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir me rassurer et m'indiquer que le Gouvernement est tout à fait conscient de la situation spécifique du département de la Loire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Fournier, vous avez plaidé la cause, avec le talent que l'on vous connaît, d'un département qui vous est cher et qui connaît actuellement un moment difficile.

L'Etat doit, en même temps, favoriser le développement économique de notre pays au sein de l'espace européen et assurer l'égalité des chances de développement de nos départements en corrigeant les inégalités territoriales.

C'est la raison pour laquelle M. le Premier ministre a manifesté son intention de rester particulièrement attentif à la situation difficile que traverse aujourd'hui le département de la Loire que vous représentez.

GIAT-Industries, à la demande du Gouvernement, s'est engagé à créer 5 000 emplois nouveaux en trois ans sur les bassins concernés. Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sera extrêmement attentive au respect de cet engagement.

Le Premier ministre a d'ailleurs confirmé que l'Etat prendrait toute sa place dans la conduite des actions de développement économique qui se feront sur les bassins de Saint-Chamond et de Roanne. Ainsi, les actions de l'Etat et des collectivités locales devraient particulièrement viser l'appui aux entreprises créatrices d'emplois et l'accueil de nouvelles activités dans un souci de diversification aujourd'hui nécessaire à votre département.

Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, l'adaptation de l'implantation territoriale de la Banque de France. Cette adaptation, nécessaire en raison de l'évolution des missions de la Banque de France, devrait avoir un impact limité pour votre département. Nous avons en effet pris l'engagement, dans le contrat de service public, que les services rendus aux collectivités locales et aux entreprises soient garantis, et le plan présenté par M. Trichet, gouverneur de la Banque de France, prévoit le maintien de la succursale de Saint-Etienne et la transformation de la succursale de Roanne en une antenne économique. Le gouverneur de la Banque de France s'est engagé à ce qu'il n'y ait aucun licenciement et à la garantie du maintien des services actuellement rendus.

J'en viens aux transports. Plusieurs études ont été réalisées à cet égard.

L'audit effectué par le Conseil général des ponts et chaussées et l'inspection générale des finances constitue un document de base pour la préparation d'un débat qui concernera le Parlement, la question de fond étant la suivante : de quelles infrastructures la France doit-elle se doter pour relever le défi de l'économie logistique du xxie siècle ?

Au-delà des infrastructures, il s'agit aussi, bien évidemment, de la politique des services : à un moment où la mondialisation est en train de répartir la valeur ajoutée sur l'ensemble du globe, va faire exploser les flux de transferts de marchandises, d'hommes et d'idées, il est absolument nécessaire que nous considérions les infrastructures en termes non pas d'affichage, mais de levier économique aux effets particulièrement importants pour que la France, seul pays européen à disposer d'un espace, puisse occuper toute sa place dans cette nouvelle économie tertiaire du xxie siècle.

C'est toute la signification de l'étude prospective de la DATAR, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, qui évalue les enjeux européens suivants : comment réduire la dépendance du taux de croissance de notre économie par rapport au taux de croissance américain et assurer un développement endogène grâce à l'accroissement du marché européen et du développement des infrastructures ? Comment faire en sorte que la France puisse tirer tout le profit de l'évolution de la logistique et que, à l'intérieur de notre pays, chaque territoire puisse enclencher une mécanique de développement en fonction de trois facteurs : une métropole régionale de dimension attractive importante, une main-d'oeuvre qualifiée et des infrastructures de qualité ?

Nous disposons donc de ces deux approches complémentaires, ainsi que des rapports parlementaires de MM. Gerbaud et Haenel sur le fret ferroviaire et de M. de Richemont sur le cabotage maritime. Faudra-t-il des lignes dédiées au fret de marchandises en vue d'une reconquête de ce dernier ? Faudra-t-il au contraire mettre en place un cabotage maritime pour détourner un certain nombre de flux ? L'apport parlementaire est tout à fait important en la matière. En effet, au-delà de l'offre des infrastructures, il constituera, j'en suis convaincu, un enrichissement quant aux financements entre les usagers, les contribuables, et quant au choix des modes de transport, en fonction de critères environnementaux notamment. Votre contribution, monsieur le sénateur, dans un département concerné par des infrastructures lourdes de déplacement, qu'il s'agisse du réseau autoroutier, du transport ferroviaire ou aérien, trouvera toute sa place dans un programme de décision que nous arrêterons d'ici à la fin de l'année.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir apporté des précisions et d'avoir pris en compte les grandes inquiétudes ressenties par les élus de la Loire. J'ai noté que le Gouvernement avait obtenu l'engagement du GIAT de créer 5 000 emplois sur les sites concernés, notamment ceux de Roanne et de Saint-Chamond. Nous serons donc, nous aussi, particulièrement vigilants sur ces engagements.

En ce qui concerne les problèmes autoroutiers, croyez bien, monsieur le ministre, que, dans les mois qui viennent, nous saurons à nouveau tirer la sonnette d'alarme, car il en va - je le répète une fois encore - de l'avenir de notre département.

FICHIER NATIONAL DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly, auteur de la question n° 210, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Fernand Demilly. Ma question s'adresse à M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

Le département de la Somme a malheureusement connu récemment trois crimes odieux de jeunes femmes, des crimes à caractère sexuel.

Nous sommes donc particulièrement sensibilisés à la mise en place du fichier national automatisé des empreintes génétiques, créé par la loi relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, promulguée voilà quatre ans.

Certains désaccords entre le ministère de la justice et la Commission nationale de l'informatique et des libertés avaient retardé la mise en place de ce fichier, alors que le précédent garde des sceaux avait assuré qu'il serait totalement opérationnel dès le début de l'année 2002.

Parallèlement, l'aménagement des locaux de conservation des scellés contenant les prélèvements biologiques devait s'achever mi-2002.

La loi d'orientation et de programmation pour sur la sécurité intérieure du 29 août 2002 a élargi ce fichier des empreintes génétiques ; mais, pour permettre à la police et à la justice d'être plus efficaces dans l'identification et l'arrestation des criminels sexuels, évitant par là-même, peut-être, certains crimes en série, il est particulièrement urgent de rendre ce fichier opérationnel.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si ce fichier, outil indispensable de la politice scientifique, est totalement opérationnel ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. le garde des sceaux, qui préside ce matin la conférence des premiers présidents de cour d'appel.

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, est opérationnel. Il comporte 2 527 profils génétiques de personnes condamnées et 149 traces correspondant à des personnes non identifiées. Il est régulièrement consulté par les magistrats puisque les profils de 1 246 suspects ont été comparés à ceux qui sont déjà enregistrés dans la base de données.

Créé par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ce fichier était limité à l'enregistrement d'empreintes génétiques issues de traces ou de condamnés définitifs pour des infractions à caractère sexuel. Il a, depuis la loi du 15 novembre 2001, été étendu aux crimes d'atteinte aux biens et aux personnes.

Les aspects techniques nécessaires à la mise en oeuvre effective de ce fichier ont été pris en compte par les directions compétentes des ministères de la justice, de l'intérieur et de la défense.

La loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 constitue une nouvelle étape pour accroître l'efficacité du FNAEG. Ce texte étend le fichier aux procédures de recherche des causes de la mort et disparitions inquiétantes et augmente le nombre d'infractions, notamment délictuelles, pouvant donner lieu à enregistrement.

Il prévoit, pour ces infractions, l'enregistrement de l'empreinte génétique des suspects et permet pour tout crime ou délit la comparaison de l'empreinte génétique d'une personne gardée à vue avec la base de données. Afin de préserver les libertés individuelles, il crée une procédure de mise à jour du fichier.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, est nécessaire pour l'application de ces nouvelles dispositions, qui traduisent l'intérêt que le Gouvernement porte au FNAEG.

Pour faire face à cette extension, le service central de préservation des prélèvements biologiques, qui fonctionne aujourd'hui dans des locaux de l'institut de recherches criminelles de la gendarmerie à Rosny-sous-Bois, sera transféré, dans le courant de l'année 2005, dans des locaux plus vastes situés à Pontoise.

Les projets relatifs à l'aménagement et à l'équipement de ceux-ci sont d'ores et déjà en cours.

L'efficacité du fichier national automatisé des empreintes génétiques est à la mesure du nombre de profils enregistrés dans la base de données. Je peux donc vous assurer que tout est mis en oeuvre pour que l'alimentation du FNAEG intervienne dans les meilleures conditions.

Les évolutions constatées dans d'autres pays de l'Union européenne mettent en évidence que plusieurs années sont nécessaires avant qu'un tel fichier n'atteigne sa pleine capacité opérationnelle.

Le FNAEG a déjà toutefois permis de faire progresser plusieurs affaires, dont l'une de viol qui avait fait l'objet d'un non-lieu.

Le Gouvernement et le garde des sceaux, en particulier, veillent donc attentivement à ce qu'il remplisse toujours mieux sa mission.

Les crimes commis dans le département que vous représentez, monsieur le sénateur, sont particulièrement douloureux pour les familles des victimes, qui souhaitent que justice leur soit rendue et qui ne comprendraient pas que les progrès de la science ne soient pas mis à profit pour emprunter le chemin de la vérité.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement met tout en oeuvre pour que le FNAEG, en faisant bénéficier la preuve pénale des apports de la science, soit un outil déterminant pour l'orientation des enquêtes.

M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.

M. Fernand Demilly. Je voudrais tout simplement remercier M. le ministre des informations qu'il nous a transmises.

La création de ce fichier est assurément un moyen efficace pour lutter contre le crime et confondre les assassins, comme cela a été prouvé récemment avec l'interpellation par la police de Tours d'un homme dont l'ADN correspondait à celui du violeur d'une adolescentes assassinée le 27 novembre dernier.

Je souhaite qu'il permette également de confondre le ou les assassins des adolescentes de la Somme.

SITUATION DES CONSEILLERS TERRITORIAUX

DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 222, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai voulu attirer votre attention, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur la situation des conseillers territoriaux des activités physiques et sportives, les CTAPS.

Depuis la création, en 1992, de la filière sportive de la fonction publique territoriale, les CTAPS restent en marge des diverses évolutions des régimes indemnitaires et bonifications indiciaires de la fonction publique territoriale.

Bien que s'agissant de cadres de catégorie A investis de missions de responsabilité et d'encadrement, ils ne peuvent prétendre aux mêmes primes et bonifications que la plupart des ressortissants des autres cadres d'emplois.

Ainsi, la nouvelle bonification indiciaire dite « d'encadrement », instituée à la suite des accords Durafour par le décret n° 91-711 du 24 juillet 1991, qui permet l'attribution de 25 points d'indices supplémentaires aux cadres en position de responsabilité encadrant plus de 20 agents, est réservée aux seuls titulaires du cadre d'emploi des attachés territoriaux de la filière administrative.

L'indemnité d'exercice des missions de préfecture, instituée par le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997, a été transposée à de nombreux cadres de la fonction publique territoriale, de la filière administrative pour les catégories C, B et A, de la filière sportive pour les catégories C et B, mais pas aux CTAPS.

Les indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires des services déconcentrées instituées par le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 et transposables à la fonction publique territoriale apportent de nouvelles possibilités d'évolution importante du régime indemnitaire applicable à de nombreux cadres d'emploi, mais une fois de plus pas aux CTAPS.

Finalement, les CTAPS ne sont éligibles qu'à la seule indemnité de sujétions spéciales, par transposition au régime des conseillers d'éducation populaire et de jeunesse relevant du ministère de la jeunesse et des sports. Or cette indemnité est potentiellement beaucoup plus faible que l'enveloppe indemnitaire potentielle des personnels de la filière administrative de catégories B et A, mais également des éducateurs de catégorie B de la filière sportive.

Dès lors, le total des primes potentielles que peuvent escompter les CTAPS de catégorie A est deux fois moindre que celui des ressortissants des catégories B qui sont sous leur responsabilité.

Cette situation paraît injuste au regard des responsabilités des CTAPS, le plus souvent à la tête des services des sports ou des équipements sportifs des collectivités locales.

En conséquence, je vous demande, monsieur le ministre, si vous envisagez de modifier la réglementation afin de rétablir une équité de traitement et de permettre aux élus locaux employant des CTAPS de disposer des moyens nécessaires à la reconnaissance de la spécificité des missions qui leur incombent et de l'importante disponibilité nécessaire à l'accomplissement de leur travail.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, l'article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale pose le principe que les régimes indemnitaires des fonctionnaires territoriaux sont fixés par les organes délibérants des collectivités territoriales dans la limite de ceux qui sont applicables aux fonctionnaires des services de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes.

En application de ce principe de parité, les fonctionnaires territoriaux bénéficient d'un régime indemnitaire établi par équivalence avec leur corps de référence à l'Etat.

C'est ainsi que les conseillers territoriaux des activités physiques et sportives, dont le régime indemnitaire a été établi par référence à celui des conseillers d'éducation populaire et de jeunesse, peuvent bénéficier de l'indemnité de sujétions spéciales des conseillers d'éducation populaire et de jeunesse créée par le décret n° 88-98 du 26 janvier 1988.

Cette équivalence n'ayant pas été contestée à l'origine, une amélioration du régime indemnitaire des conseillers territoriaux des activités physiques et sportives ne pourrait être apportée que par une modification du régime indemnitaire de ce corps de référence à l'Etat.

En tout état de cause, une réforme du régime indemnitaire des agents de la filière sportive ne saurait être envisagée indépendamment des6050 réflexions, actuellement en cours, sur l'évolution de leur statut.

Enfin, la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 énonce que « la nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret ».

Le décret n° 91-711 du 24 juillet 1991 modifié portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale a défini la liste des bénéficiaires tout au long du calendrier de mise en oeuvre du protocole d'accord du 9 février 1990 sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques, après concertation avec les organisations syndicales et les associations d'élus.

Des ajustements ou des redéploiements ne pourraient être envisagés au bénéfice des conseillers territoriaux des activités physiques et sportives que dans le cadre d'une révision des mécanismes d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire.

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES HANDICAPÉES ÂGÉES

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 137, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une proportion croissante de la population handicapée atteint aujourd'hui l'âge de soixante ans. Ainsi, parmi la population accueillie en établissement, un tiers a moins de trente ans, un tiers a entre trente et quarante ans et environ un tiers a plus de quarante ans. Ce vieillissement des personnes handicapées se caractérise par sa précocité et par des pathologies surajoutées qui demandent une prise en charge spéciale.

Or les concepteurs de la loi de 1975 n'avaient pas envisagé que ces personnes, comme le reste de la population, bénéficieraient, dans une telle proportion, de l'allongement de l'espérance de vie. Par conséquent, cet aspect n'a pas été pris en compte et peu d'établissements offrent des services adaptés à ce problème particulier.

Dans un avis rendu au mois de novembre 2002 par le Haut Conseil de la population et de la famille, ce dernier a mis en évidence que le vieillissement des personnes souffrant d'un handicap physique ou mental pose effectivement de très nombreux problèmes.

Cet avis met tout d'abord en lumière le fait que le système public d'information ne permet pas d'avoir une juste appréciation des problèmes médicaux et paramédicaux que pose le vieillissement des personnes handicapées.

Il ajoute qu'il convient notamment de s'attaquer aux effets négatifs du changement des dispositifs d'aide à l'âge de soixante ans.

En effet, cet âge entraîne pour les personnes handicapées un profond bouleversement dû à un changement total de leur cadre de vie, au niveau tant du travail que de l'hébergement ; parfois, elles retournent dans leurs familles, lesquelles ne sont pas préparées à les accueillir.

Le développement de sections spécialisées au sein des établissements existants garantirait pourtant une prise en charge adaptée au handicap et la stabilité à la fois matérielle et affective des personnes accueillies.

Toutefois, les moyens consacrés jusqu'ici au traitement de ce problème - 6,9 millions d'euros dans le cadre du plan triennal 2001-2003 - sont insuffisants.

En tant qu'élue, je me dois de rappeler que les places en établissements sont rares et que, lorsqu'elles existent, les structures ne sont pas toujours adaptées aux différents handicaps.

Un problème de ressources financières se pose également aux adultes handicapés puisque, à soixante ans, les personnes handicapées ne perçoivent plus l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, elles ne perçoivent plus, le cas échéant, qu'une pension de vieillesse, éventuellement complétée par l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, dont les critères d'attribution sont très différents de ceux de l'AAH.

Pour toutes ces raisons, le Haut Conseil de la famille et de la population a formulé les recommandations suivantes.

Afin de favoriser la continuité de vie d'un handicapé, il conviendrait : de développer l'aide et les soins à domicile ; d'avoir le souci de ne pas provoquer de rupture brutale dans le mode d'hébergement ; de s'interroger sur la pertinence de la retraite automatique à soixante ans ; de veiller à l'égalité des modes de prise en charge et au maintien du soutien financier ; enfin d'éviter toute rupture ou réduction des ressources d'un handicapé en supprimant les effets pervers liés à la variabilité des critères d'attribution de l'APA et de l'AAH.

Le Président de la République a précisé, le 14 juillet dernier, que le dossier des personnes handicapées constituerait l'une des priorités de son quinquennat : cette déclaration de principe est très importante et mérite d'être saluée.

Je fais confiance au Gouvernement - particulièrement à vous-même, madame la secrétaire d'Etat - pour traiter les différents problèmes liés au vieillissement des personnes handicapées avec la plus grande humanité et, dans l'attente de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975, je souhaiterais connaître les mesures que vous envisagez de prendre pour répondre aux attentes des personnes handicapées âgées.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, dans son avis de novembre 2002, le Haut Conseil de la population et de la famille a en effet formulé un certain nombre de recommandations pour répondre au vieillissement des personnes handicapées, phénomène relativement récent lié à l'accroissement très sensible de l'espérance de vie.

La première observation que l'on peut faire porte sur l'insuffisance des données statistiques qui font défaut pour déterminer les axes d'une véritable politique.

Depuis le mois d'octobre 2002 sont connus les premiers résultats de l'enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » de l'INSEE, qui évalue à 635 000 le nombre de personnes handicapées vieillissantes. Il est indispensable d'affiner cette information de manière à connaître les besoins spécifiques de cette population et à mieux accompagner les politiques qui, pour une part, relèvent de la compétence des départements.

Le Gouvernement, qui a bien conscience de ce phénomène, souhaite que l'accueil en établissement puisse être diversifié et personnalisé après soixante ans.

Plusieurs solutions sont envisageables : l'ouverture d'établissements spécialisés pour personnes handicapées vieillissantes ; l'aménagement d'une partie des établissements existants ; enfin, le développement de l'accueil de jour et de la pratique des soins à domicile.

Ces solutions doivent s'inscrire dans le souci de limiter, voire d'éviter les ruptures et de permettre aux personnes handicapées de ne pas quitter la structure qui leur est familière quand elles le souhaitent et quand le niveau de leur handicap l'autorise. Les différents plans de création de places et le développement des dispositifs de soutien à domicile doivent conduire, en liaison avec les collectivités territoriales, à développer des solutions adaptées à chaque personne. La création, d'ici à la fin de l'année 2003, de 5 000 postes d'auxiliaires de vie, qui concerne aussi les personnes handicapées vieillissantes, constitue un élément de réponse parmi d'autres.

Enfin, dans la perspective de la révision de la loi d'orientation du 30 juin 1975, le Gouvernement étudiera les modifications susceptibles d'éviter les effets négatifs induits par les différences de prise en charge liées à l'âge de soixante ans sans que soient retenues d'autres considérations.

Rappelons que, dès maintenant, en matière d'allocation aux adultes handicapés, les bénéficiaires dont le taux d'incapacité est au moins égal à 80 % peuvent, après liquidation des avantages vieillesse, continuer à percevoir une allocation aux adultes handicapés différentielle pour compenser une éventuelle diminution de leurs prestations.

De même, s'agissant de l'allocation compensatrice pour tierce personne, les intéressés ont le choix, après soixante ans, soit de continuer à en bénéficier, soit de solliciter l'allocation personnalisée d'autonomie, APA, en percevant, le cas échéant, une allocation différentielle leur garantissant un montant de prestation équivalent.

Si l'ensemble de ces mesures concourt à l'amélioration de la situation des personnes handicapées vieillissantes, le Gouvernement a conscience de la nécessité de clarifier totalement un dispositif trop complexe ; il a pour objectif d'assurer à la personne handicapée une continuité dans ses ressources, dans l'hégergement et dans les soins, autant de dispositions qui vous seront proposées lors de la réforme de la loi de 1975.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de la réponse très détaillée et très complète que vous venez d'apporter à ma question.

M. René-Pierre Signé. Ils sont toujours contents !

BESOINS DE PLACES DANS LE SERVICE

D'ÉDUCATION SPÉCIALE ET DE SOINS À DOMICILE

DE LA CORRÈZE

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 238, transmise à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, les services d'éducation spécialisée et de soins à domicile sont une réalité déjà ancienne. La loi du 11 juillet 1975 sur l'enseignement envisageait que des « spécialistes » - telle était l'expression employée à l'époque - puissent réaliser des interventions en milieu scolaire.

Les circulaires de 1982 et de 1983 relatives à l'intégration scolaire ont invité les institutions spécialisées à favoriser cette intégration par, entre autres, leurs services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, les SESSAD, qui sont aujourd'hui parmi les partenaires incontournables des projets d'intégration des enfants et des adolescents handicapés en milieu scolaire ordinaire.

Depuis quelques années déjà, les services de mon département ont dû faire face à une demande croissante de prise en charge sans que les agréments accordés évoluent en proportion des besoins. Cette situation a généré des listes d'attente et des fonctionnements dérogatoires, ce qui ne manque pas d'induire des déficits budgétaires pour les services.

Alors que le Gouvernement a affiché clairement sa volonté d'accentuer les efforts pour favoriser l'intégration scolaire en milieu ordinaire, notamment avec les classes d'intégration scolaire, les CLIS, les unités pédagogiques d'intégration, les UPI, et les classes expérimentales, il paraît essentiel de ne pas mettre en danger les processus d'intégration par manque d'accompagnement éducatif à la vie sociale ou médicosocial.

L'intégration scolaire en milieu ordinaire est une étape importante dans le processus d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées. Il est donc nécessaire de lui donner tous les moyens pour atteindre les objectifs du projet pédagogique, éducatif et thérapeutique des enfants handicapés.

Dans mon département, le besoin de places en SESSAD est récurrent et cette tendance ne s'inversera pas avec le développement prévisible des unités pédagogiques d'intégration dans les collèges du département, même si je me réjouis de cette décision récente.

La création de places complémentaires pour satisfaire les besoins recensés par la commission départementale de l'éducation spéciale, la CDES, a été validée par le schéma départemental de l'enfance handicapée et inadaptée pour 2001-2006, élaboré par les services de la DDASS et de l'inspection académique de la Corrèze, et adopté récemment par les partenaires.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, je me permets de vous demander si vous pourriez envisager d'attribuer à mon département une dotation complémentaire permettant la création de places supplémentaires enSESSAD.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, l'intégration scolaire des enfants handicapés est une priorité absolue du Gouvernement et sera l'une des lignes de force de la réforme de la loi de 1975.

L'intégration en milieu scolaire ordinaire sera privilégiée ; il ne s'agit pas pour autant de nier les besoins particuliers de ces enfants, qui doivent être reconnus et satisfaits.

Vous avez cité les CLIS, les UPI et les classes expérimentales. Il convient d'ajouter les auxiliaires de vie scolaire.

C'est ce besoin d'accompagnement qui justifie la création de 5 000 postes d'auxiliaires de vie scolaire supplémentaires, ayant le statut d'assistant d'éducation et venant compléter les 1 000 à 1 200 postes déjà disponibles au ministère de l'éducation nationale.

Il existe également un besoin d'accompagnement médico-éducatif qui justifie l'intervention de services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, financés par l'assurance maladie.

S'agissant du nombre de places en SESSAD, je ne peux vous donner qu'un ordre de grandeur, car je n'ose vous dire que le dernier chiffre disponible, 18 000 places, date le 1998.

Pour ce qui est plus particulièrement de la Corrèze, le plan triennal 2001-2003 permet l'extension de deux services SESSAD. Le SESSAD de Tulle, géré par l'Agence nationale pour le développement de l'éducation permanente, l'ADEP, bénéficie d'une augmentation du budget de 96 885 euros pour financer huit places supplémentaires. Quant au SESSAD de Brive, il voit son budget augmenter de 120 000 euros afin de financer dix places supplémentaires.

Ainsi, la Corrèze a pleinement bénéficié de l'enveloppe financière dédiée aux SESSAD au cours des trois dernières années, alors que le taux d'équipement est supérieur au taux régional, qui est lui-même supérieur au taux national.

Ces éléments ne sont pas contradictoires avec votre question, monsieur le sénateur, dans la mesure où des besoins existent encore qui ne sont pas satisfaits à ce jour.

M. René-Pierre Signé. C'est un département privilégié !

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Mais, vous le savez, la Corrèze n'est pas mal lotie par rapport à d'autres départements français.

Au total, les moyens accordés pour 2003 vont permettre la création d'une dizaine de places supplémentaires de SESSAD.

M. le président. Monsieur Mouly, vous avez entendu M. Signé dire que la Corrèze était un département privilégié. (M. René-Pierre Signé s'exclame.) Mais, la Nièvre ne l'était-elle pas jadis ? (Sourires.)

M. Georges Mouly. Ce département est privilégié aussi parce qu'il a vu naître M. Signé !

M. René-Pierre Signé. A Chirac ! (Nouveaux sourires.)

M. Georges Mouly. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie pour votre réponse.

Vous êtes très sollicitée parce que vous avez un secteur de publics fragiles, mais je sais que vous comprenez nos exigences.

J'en ai manifesté une ce matin. Cela dit, je me félicite des dix-huit places supplémentaires qui sont d'ores et déjà acquises.

Je salue la volonté du Gouvernement, qui se traduit réellement sur le terrain, d'intégrer des handicapés en milieu scolaire. Je crois pouvoir tenir ces propos parce que je sais qu'un effort important est fait dans mon département dans ce domaine.

Merci donc, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse. Merci également pour les autres mesures que vous nous avez annoncées, en particulier la création de places de CAT qui viennent en complément d'un atelier protégé.

Merci encore et tous mes encouragements pour l'effort que vous ne manquez pas de consentir, mais que vous aurez toujours à déployer, compte tenu de l'intérêt que nous portons les uns et les autres à ces personnes fragiles.

RECONNAISSANCE DE LA PROFESSION D'AIDE-SOIGNANT

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 224, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. René-Pierre Signé. Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur la crise que traverse actuellement la profession d'aide-soignant.

Maillon essentiel dans la chaîne des soins en milieu hospitalier, cette profession souffre d'un manque de reconnaissance indéniable d'autant plus mal ressenti que les responsabilités ne cessent de croître, notamment dans le contexte actuel de pénurie d'infirmières.

La non-valorisation de la relation privilégiée que les aides-soignants entretiennent avec leurs patients nourrit un fort sentiment de malaise qui est accentué par le flou du statut de la fonction. Le diplôme professionnel créé en 1996 a remplacé le certificat d'aptitude à la fonction d'aide-soignant, mais il n'a pas pour autant apporté de reconnaissance statutaire à la profession.

De plus, le coût de la formation, qui dure un an, ne cesse d'augmenter ; il varie selon les centres formateurs, et peut aller au-delà de 6 000 euros pour certains.

En conséquence, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour faire évoluer le statut d'aide-soignant afin de garantir des soins de qualité et de reconnaître cette digne profession ? Je souhaiterais plus particulièrement savoir si le Gouvernement envisage la création d'un diplôme d'Etat, qui est la condition essentielle de la reconnaissance de cette profession.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Jean-François Mattei, qui est retenu par une séance de questions orales à l'assemblée nationale.

Vous avez appelé son attention sur la condition des aides-soignants.

Diverses mesures ont étés prises ces dernières années pour tenir compte du rôle important que ces derniers occupent au sein du système de soins, notamment auprès des personnes âgées.

Ainsi, la formation est désormais sanctionnée par un diplôme professionnel et le nombre d'aides-soignants en formation a été porté, l'année passée, de 13 000 à 20 000.

Actuellement, une concertation est en cours et, avant le 1er juillet 2003, un groupe de travail comprenant l'ensemble des représentants de la profession sera réuni afin d'examiner en particulier l'élaboration du « référentiel-métier » qui pourrait constituer une première approche vers une reconnaissance professionnelle, en particulier dans la perspective de la validation des acquis et de l'expérience.

Par ailleurs, il est exact que la formation initiale se déroule dans des conditions qui peuvent être difficiles.

Cette formation d'une durée d'une année est payante, contrairement à celle qui conduit au diplôme d'Etat en soins infirmiers. Son coût peut varier de 2 135 euros à 3 050 euros pour les écoles adossées aux instituts de formation en soins infirmiers.

Cependant, des aides financières sont possibles. Ainsi, le traitement perçu au titre de la promotion professionnelle est maintenu. Cette mesure concerne environ un quart des élèves agents de la fonction publique. Des bourses d'études du ministère de la santé sont également attribuées, sur critères de ressources, par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales à un peu plus d'un tiers des élèves, ce qui est une proportion relativement importante.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Aussi longtemps que le diplôme d'Etat ne sera pas mis en place, la profession d'aide-soignant ne sera pas répertoriée au registre des professions paramédicales. Or il est choquant de ne pas reconnaître les aides-soignants, de leur refuser un diplôme d'Etat alors qu'ils accomplissent un travail qui incombe normalement aux infirmiers.

Même s'il existe en effet, comme vous l'avez indiqué, des aides et des bourses, la formation n'est pas gratuite - contrairement à celle des infirmiers et infirmières - et elle ne le sera évidemment pas tant qu'il n'y aura pas reconnaissance d'un statut professionnel. Cette disparité est d'autant plus inquiétante que la pénurie d'infirmières ne faisant que croître, le rôle les aides-soignants devient prépondérant dans le fonctionnement des hôpitaux, surtout pour le confort qu'ils apportent aux malades.

SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'HÉBERGEMENT

POUR LES PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, auteur de la question n° 243, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

M. Adrien Gouteyron. Ma question n'étonnera pas M. le secrétaire d'Etat. En effet, c'est un sujet dont il a la charge et qui le préoccupe beaucoup, comme nous tous d'ailleurs, ainsi qu'en témoignent les débats particulièrement intéressants et passionnés qui se sont déroulés dans cette enceinte sur ce thème.

J'ai ciblé ma question sur un problème très particulier, mais je commencerai par rappeler que la situation des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes est souvent très difficile.

Je citerai quelques chiffres pour situer mon département dans le contexte national. La Haute-Loire compte 9,6 % de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, contre 7,5 % à l'échelon national. Cette proportion devrait passer à 10 % en 2010 et à 14 % en 2030 : autant dire que c'est pour nous un vrai sujet de préoccupation.

Depuis 2001, les établissements se sont engagés dans une démarche de conventionnement avec l'Etat et les départements afin d'appliquer la loi et d'améliorer la situation des personnes âgées dépendantes.

En 2002, 1 400 conventions tripartites ont été signées.

En 2003, 1 800 nouvelles conventions devaient être signées, mais cela n'a pas pu être fait, faute de crédits. Pour tenir compte du retard qui était en train d'être pris, le Parlement a reporté la date butoir à 2006.

Dans ces conditions, je veux très précisément appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situtation particulièrement délicate des établissements qui ne sont pas encore conventionnés.

En effet, le personnel est peu motivé, les directions sont découragées et les membres des conseils d'administration, bénévoles et élus, sont inquiets.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, assouplir le dispositif qui concerne la limitation, dans cette période transitoire, du « clapet anti-retour », c'est-à-dire de ce dispositif qui permet, lorsque l'on passe d'un système à l'autre, de ne pas enregistrer une baisse des crédits affectés aux soins ?

Les établissements qui n'ont pas encore signé la convention tripartite se voient imposer de provisionner des sommes relativement importantes. J'ai en tête l'exemple dans mon canton, d'un établissement de soixante-deux résidents qui aurait besoin de recruter les aides soignantes et, éventuellement, des infirmières. Mais la direction de l'établissement se trouve obligée de provisionner une somme de quelque 45 000 euros, qui reste bloquée et qui serait pourtant bien utile pour faire face au manque de personnel.

Dans une circulaire, il est indiqué que « l'utilisation du "clapet anti-retour" est, pendant la période transitoire, strictement fléchée. Aucune mesure ne saurait être autorisée tant que l'établissement n'a pas signé la convention tripartite ».

La situation est paradoxale. Les établissements veulent signer la convention tripartite. Il leur est répondu : « On n'a pas l'argent qui permettrait de le faire, donc on ne peut pas. » Une règle extrêmement drastique et douloureuse leur est néanmoins imposée.

Ne pourrait-on pas, monsieur le secrétaire d'Etat, envisager un dispositif assouplissant un peu les règles actuelles et la rigueur des circulaires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, votre question illustre parfaitement le malaise actuel dû au vieillissement de la population. Vous avez cité les chiffres qui concernent la démographie dans votre département. Dans quinze ans, on comptera plus de deux millions de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans.

Actuellement, plus de un million de personnes âgées dépendantes sont accueillies dans dix mille établissements publics et privés. Et, en 2000, des conventions tripartites ont effectivement été prévues, afin d'améliorer la démarche qualité dans chacun de ces établissements, qui en ont bien besoin : vingt mille lits sont encore totalement inadaptés dans notre pays et 5 % d'établissements devraient être fermés ; ce sont des professionnels qui le disent, pas des politiques !

Par conséquent, l'Etat et les collectivités doivent consentir un effort important dans ce domaine. Il s'agit, reconnaissez-le, monsieur le sénateur, d'un sujet à la fois complexe et tabou. On veut bien vieillir, mais il ne faut pas en parler. Ce n'est pas une question à la mode, mais le problème s'accroîtra dans les années à venir.

Les ministres qui m'ont précédé ont mis en place ces conventions. Ainsi, 323 conventions ont été signées de 2000 à 2001. J'ai été nommé secrétaire d'Etat aux personnes âgées en juin 2002 et le Gouvernement a signé 1 400 conventions à la fin de l'année 2002, dont 700 de juin à décembre.

Certes, monsieur le sénateur, la loi prévoit que 1 800 conventions devront être signées au cours de l'année 2003. Mais vous connaissez les difficultés qui sont les nôtres aujourd'hui - la croissance n'est pas au rendez-vous, c'est même la plus mauvaise croissance de ces vingt dernières années - et les problèmes budgétaires que nous rencontrons. Toutefois, nous ferons face à nos engagements et nous signerons en 2003 quasiment autant de conventions qu'en 2002. Actuellement, nous dégageons une marge de manoeuvre sur les crédits de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM ce qui nous permettra de signer 1 200 conventions en 2003. Grâce à un décret pris par mes prédécesseurs, nous pourrons même signer en 2003 des conventions dont le financement ne sera assuré qu'au début de l'année 2004.

Monsieur le sénateur, vous m'avez également interrogé sur le « clapet anti-retour ». Vous avez raison de le souligner, la signature de ces conventions est très complexe : deux cofinanceurs - l'Etat et le département - et trois signataires. Nous cherchons des solutions qui nous permettront de simplifier les choses, notamment dans le cadre du grand débat sur la décentralisation - cela nous conduira d'ailleurs à nous revoir dans cet hémicycle -, tout en rendant le même service aux personnes âgées.

Monsieur le sénateur, le droit à la dignité des personnes âgées est essentiel. C'est un droit absolu, constitutionnel, que le Gouvernement entend préserver.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, de la qualité de votre réponse : vous avez situé ma question dans le contexte national et dans les perspectives d'évolution de cette population, à laquelle nous devons à la fois le respect et les soins.

J'ai relevé, avec beaucoup d'intérêt, l'indication que vous venez de donner : 1 200 conventions pourront être signées en 2003. Il s'agit, en effet, d'un nombre significatif. Un certain nombre de situations difficiles devraient ainsi pouvoir être réglées.

J'avais terminé ma question en évoquant un point très précis : le « clapet anti-retour ». Je reste persuadé que, dans les établissements où aucune convention ne pourra être signée, des mesures d'assouplissement seront mises en place dans l'attente d'un dispositif définitif de conventionnement.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire des séances suivantes :

« Mardi 13 mai, le matin, l'après-midi et le soir :

« Projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations, adopté par l'Assemblée nationale ;

« Projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification du statut particulier de la collectivité territoriale.

« Mercredi 14 mai, l'après-midi et le soir :

« Suite de l'ordre du jour de la veille.

« Jeudi 15 mai, le matin, l'après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement et le soir :

« Suite éventuelle de l'ordre du jour de la veille ;

« Deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : Jean-François Copé »

Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour des mardi 13 mai, mercredi 14 mai et jeudi 15 mai sera ainsi modifié.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements au projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse au mardi 13 mai, à dix-sept heures.

Les inscriptions de parole sur ce projet de loi devront être effectuées avant le lundi 12 mai, à dix-sept heures.

Compte tenu du report du 13 au 15 mai de la discussion en deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques, le délai limite pour le dépôt des amendements, qui avait été fixé par la conférence des présidents à la veille de la discussion, le lundi 12 mai, à dix-sept heures, se trouve reporté donc au mercredi 14 mai, à dix-sept heures.

De même, les inscriptions de parole sur ce projet de loi devront être effectuées avant le mercredi 14 mai, à dix-sept heures.

6

DÉPÔT DES CONCLUSIONS

D'UN COMITÉ D'ENQUÊTE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le premier président de la Cour des comptes, président du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, les conclusions de ce comité sur « les aides à la mobilité des agents de l'Etat dans l'intérêt du service ».

Acte est donné du dépôt de ces conclusions.

7

CANDIDATURE À UN OFFICE PARLEMENTAIRE

M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination d'un membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. Jean-Paul Alduy.

Le groupe de l'Union centriste propose la candidature de M. Christian Gaudin.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.

8

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mes chers collègues, le 9 avril dernier, M. Claude Estier, président du groupe socialiste, est intervenu au sujet de la constitution d'un groupe de travail chargé de réfléchir aux voies et moyens d'une réforme de la fonction publique territoriale. Notre collègue s'interrogeait sur l'existence d'un groupe de travail constitué uniquement de membres des groupes de l'UMP et de l'Union centriste, à l'exclusion de sénateurs des groupes de gauche.

M. Christian Poncelet, président du Sénat, lui avait alors répondu qu'il s'agissait d'un groupe de travail constitué au sein de groupes politiques. Jusque-là, rien à dire ! Toutefois, la réponse ne nous avait pas tout à fait convaincus, et nous avions raison. Car, s'il s'agit d'un groupe de travail constitué au sein de la majorité sénatoriale, ce qui semble être le cas, le président du Sénat n'a pas à être impliqué et le Sénat n'a pas à y consacrer de moyens. Or j'ai sous les yeux un courrier à entête du président du Sénat où j'apprends que ce groupe de travail a désigné un conseiller technique - son numéro de téléphone est même indiqué -, que la composition en est très partiale et le choix des interlocuteurs très sélectif dans la mesure où tous les organismes et établissements liés à la fonction publique territoriale n'y sont pas représentés. Ce groupe de travail est tout de même assez officiel, puisque le président du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, a participé à sa constitution, ainsi que M. Patrick Devedjian et M. Jean-Paul Delevoye, ici présent.

En conséquence, nous demandons, au nom du groupe socialiste, qu'il soit mis fin à cette situation. Ou bien il s'agit d'un groupe de travail au sein d'un groupe politique et, dans ce cas, vous avez le droit de réfléchir, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais les moyens du Sénat n'ont pas à être mis à votre disposition ; ou bien il s'agit d'un groupe de travail sénatorial, comme le laisse penser son appellation, et il doit, dès lors, être ouvert à tous les groupes politiques.

Il faut donc mettre un terme à cette situation anormale et, bien entendu, le faire savoir à l'extérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe CRC.)

M. le président. Je prends acte de votre rappel au règlement que je transmettrai à M. le président du Sénat, mon cher collègue.

Mme Annie David. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement.

Je tiens à rappeler que les personnels de l'éducation nationale manifestent aujourd'hui, pour la quatrième fois depuis la rentrée, sans compter la manifestation nationale, plus large, du 8 décembre et les différents mouvements locaux qui ont lieu dans de nombreux établissements.

Ce rappel au règlement vise à souligner que le groupe communiste républicain et citoyen soutient cette grève et les manifestations de ce 6 mai, comme il partage les craintes de ces personnels face à la décentralisation, leur indignation face au budget insuffisant et à la suppression programmée des maîtres d'internat et surveillants d'externat, les MI-SE.

Les mécontentements prennent de la force partout, d'autant que la concertation n'est pas réalisée. De plus, le livre des ministres diffusé sur tout le territoire a amplifié ce mécontentement : dialoguer n'est pas monologuer ! D'ailleurs, certains enseignants ont décidé de le retourner à l'envoyeur.

Le budget insuffisant, la décentralisation brutale, la suppression programmée des MI-SE, mais aussi les retraites dévaluées, l'avenir incertain des conseillers d'orientation psychologues, les COPSY, des assistantes sociales, des médecins scolaires, des ouvriers, des techniciens et divers agents, sont autant de sujets préoccupants.

Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas éviter le débat réclamé sur l'éducation nationale : il nous a été promis pour le mois de juin ; il doit être maintenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.)

M. Robert Bret. Les sénateurs de l'UMP sont sans doute à la manifestation !

M. Gérard Braun. Non, ils vous écoutent !

M. le président. Ils ne peuvent pas être en même temps à la manifestation et au groupe de travail ! (Sourires.)

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame David.

9

SIMPLIFICATION DU DROIT

Discussion d'un projet de loi d'habilitation

 
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Question préalable (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 262, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. [Rapport n° 266 (2002-2003) ; avis n°s 267, 268 et 269 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre à votre examen le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Je tiens à souligner, à titre liminaire, que ce texte, dont le contenu est souvent assez technique, est animé par un esprit général, celui de la réforme de l'Etat, tâche à laquelle nous sommes très attachés, Henri Plagnol et moi-même.

A ce stade, je tiens à remercier pour leur contribution très riche les différentes commissions du Sénat et à saluer MM. les rapporteurs pour l'excellence de leur travail.

Ce projet répond à une aspiration forte et partagée par tous : simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens, alléger le carcan administratif et réglementaire qui pèse sur eux et libérer ainsi l'initiative individuelle et collective, freinée bien trop souvent par des procédures trop complexes et trop pesantes.

Il nous faut changer de culture et tourner résolument le dos à nos logiques de méfiance qui privilégient le contrôle, pouvant aller jusqu'à interdire, voire stériliser toute initiative et toute action.

Il faut tourner le dos aussi à ces analyses qui consistent à faire croire que les associations, les entreprises sont incapables de mener leur propre vie sans être guidées par l'intervention tutélaire de l'Etat.

Nous avons, au contraire, à instituer dans notre pays un contrat de confiance, un contrat de coresponsabilité, une « administration de service », selon la formule de M. le Premier ministre, une administration fondée sur des principes de proximité, de confiance, de cohérence, de performance.

La proximité résultera bien évidemment de la mise en oeuvre des lois de décentralisation ; elle sera renforcée par la déconcentration, c'est-à-dire la réorganisation, sur le plan territorial, de l'administration de l'Etat.

Notre projet cherche à favoriser tant l'identification d'interlocuteurs uniques que la notion de proximité, qui signifie l'accessibilité, la traçabilité, pour savoir qui est responsable de quoi, où se trouve un dossier, dans quels délais il sera traité.

La confiance vise à poser pour règle la bonne foi de l'usager, et non pas sa condamnation a priori. Il s'agit de substituer des contrôles ponctuels a posteriori aux vérifications formalistes. Evidemment, s'il faut des sanctions, celles-ci ne seront pas nécessairement pénales, mais pourraient être civiles ou administratives et, dans tous les cas, proportionnées aux fautes commises.

J'en viens à la cohérence. Notre administration s'est constituée au fil de réformes successives qui se sont empilées les unes sur les autres sans que l'on puisse aujourd'hui retrouver une vision d'ensemble qui aiderait le citoyen à s'orienter dans le maquis des services et des établissements publics.

Enfin, la recherche de la performance se trouve au coeur de la réforme budgétaire, qui doit également inspirer notre action. C'est pourquoi il faut amener les administrations à s'engager, à l'égard des usagers, sur leurs résultats. Nous voulons donner une base législative aux démarches de qualité qui sont de plus en plus répandues dans les services. L'évaluation et la contractualisation par rapport à des objectifs est le contrepoids de la responsabilisation et du respect.

Ces principes doivent donc profiter à l'ensemble des Françaises et des Français : à l'usager, qui doit savoir à quelle administration s'adresser, en particulier pour les populations les plus fragiles ; aux entreprises, et tout particulièrement aux petites et moyennes, aux commerçants et aux artisans, mais aussi aux créateurs ; à toutes celles et à tous ceux qui doivent consacrer l'épanouissement, la mise en oeuvre de leur compétence et de leur intelligence au profit de ce qu'ils savent faire et non pas en perte de temps précieux dans un magma de procédures souvent illisibles, indéchiffrables et incompréhensibles.

Cela contribuera à renforcer l'attractivité internationale de notre pays dans la mesure où, nous en sommes convaincus, l'efficience administrative et juridique d'une nation est un facteur clé de compétitivité internationale.

Ce projet de loi a aussi pour objet de contribuer à simplifier le travail de celles et ceux qui ont pour mission de défendre l'intérêt général.

Les fonctionnaires de la République auront tout à gagner de cette réforme parce qu'ils sont, en effet, les premières victimes de la complexité de notre droit, complexité qui les détourne de leurs tâches essentielles quand elle ne les oblige pas à devenir les exégètes ou les interprètes de la règle de droit !

J'observe que l'exaspération de nos concitoyens se reporte naturellement sur les fonctionnaires, alors même que ces derniers ne font qu'appliquer des mesures parfois incompréhensibles ou, pire, inapplicables !

Les fonctionnaires ne doivent pas avoir peur de la réforme. La défense du service public passe par la simplification des tâches.

J'ajoute que cet exercice de simplification auquel contribuent les très nombreux ministères qui ont inspiré et alimenté ce projet de loi constitue une excellente source de nouvelles maîtrises de la dépense publique, car, comme partout, ce qui est plus simple est moins coûteux et fait gagner du temps.

Entendons-nous bien : que l'on ne me fasse pas le procès de vouloir masquer des réductions d'effectifs derrière l'idée de simplification. On ne simplifie pas pour réduire les effectifs, on simplifie pour supprimer le temps perdu, les missions inutiles, les procédures interminables.

Le temps est souvent gâché dans des réunions où le paraître est plus important que le faire. N'accusons pas les fonctionnaires des lenteurs, ce sont les procédures qui sont en cause.

Nous devons répondre aussi - et peut-être surtout - aux nouvelles exigences qui se dessinent derrière l'idée d'une administration moderne centrée sur les besoins des usagers, des citoyens et des contribuables.

La simplification renforce et garantit l'attractivité des missions des fonctionnaires.

Le projet de loi contient également un ambitieux programme de codification. Nous appliquons ainsi les choix stratégiques que le commissariat à la réforme de l'Etat a proposés dès 1995 et que le gouvernement précédent avait eu la sagesse de conserver. Mais, simplifier la loi, ce n'est pas se borner à mettre en oeuvre une démarche de codification : il s'agit aussi plus largement, à l'occasion de la simplification, de revenir à une saine conception de la loi.

Nous allons bientôt célébrer le bicentenaire du code civil, qui constitue l'exemple le plus achevé d'une tradition juridique française universellement reconnue.

L'un de ses rédacteurs, Portalis, estimait - comme Montesquieu d'ailleurs - : « Il ne faut point de lois inutiles. Elles affaiblissent les lois nécessaires. »

Selon Portalis, la loi doit être claire, intelligible, stable et cohérente. Or, la complexité de notre droit et des procédures administratives qui y sont attachées est aujourd'hui une évidence. Il nous faut réagir : il nous faut inverser le processus et mettre un terme à cette lente et inexorable dérive.

Simplifier, c'est aussi réhabiliter la force de la règle de droit, car « nul n'est censé ignorer la loi ».

La loi est l'expression du peuple souverain, qui la connaît, non pour la subir, mais parce que, par la voix démocratique de ses représentants, il en est l'auteur. Pourtant, aujourd'hui, la loi n'est plus une évidence à la portée de la compréhension : trop de lenteurs, trop de textes atteignent la force de la loi et finissent même par la tuer.

En simplifiant nos dispositifs administratifs, en poursuivant et en systématisant le travail de codification de notre droit, le Gouvernement entend donc contribuer à rétablir l'autorité de la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances pour mettre en oeuvre ce programme. Il doit maintenant vous dire pourquoi.

La trentaine d'articles qui vous est proposée va déboucher sur autant d'ordonnances et certainement sur plusieurs centaines d'articles... Une telle charge de travail est incompatible avec le calendrier de travail des assemblées. Or, sans être confronté à une situation d'urgence critique, le Gouvernement a besoin d'aller vite - et il en a la volonté - car les réformes nécessaires sont attendues.

Trop souvent, nous le savons tous, les entreprises de simplification du droit et des procédures administratives menées dans le passé se sont heurtées à des débats sans fin qui ont fait la part belle aux corporatismes et à des résistances au changement de toutes sortes. La portée des réformes s'en est trouvée appauvrie.

Pour autant, le projet de loi d'habilitation que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen ne peut aucunement s'apparenter, comme je l'ai entendu dire, à un blanc-seing laissé à l'administration.

L'habilitation n'est pas une dépossession. Le Parlement ne sera pas exclu de l'élaboration des ordonnances. Tout au contraire, j'ai proposé à l'Assemblée nationale un véritable contrat de confiance, en invitant ceux qui doutent de l'efficacité du recours aux ordonnances à devenir les acteurs de la réforme.

Répondant à votre demande, un suivi parlementaire sera mis en place au sein d'un conseil d'orientation associant élus nationaux et locaux à des personnalités qualifiées.

Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Pascal Clément, va susciter, en accord avec le président de l'Assemblée nationale, une mission d'information sur les ordonnances. Il ne serait pas inintéressant qu'une coordination entre les deux assemblées s'instaure.

Enfin, le Gouvernement souhaite procéder dès que possible - sans doute à l'automne - à un débat de ratification explicite des ordonnances. Ce débat, qui n'est pas imposé par la jurisprudence parlementaire, me semble relever d'une saine relation entre l'exécutif et le législatif.

Par ailleurs, je tiens à souligner que j'ai demandé à ce que l'on veille à la précision des termes de l'habilitation. Cette précision est grande et va bien au-delà des exigences du Conseil constitutionnel. Elle vous permet de juger du caractère technique de la plupart des réformes envisagées.

J'ai la conviction que cette conception du travail législatif permet de revenir à l'esprit de l'article 34 de la Constitution : celui-ci visait - dans la lignée des réflexions des grandes figures de la IVe République - à recentrer le Parlement sur des débats stratégiques, en identifiant les objectifs politiques, ainsi que sur le contrôle, à l'occasion de la ratification des ordonnances.

Loin de dénaturer le travail parlementaire, le débat extrêmement riche qui a eu lieu à l'Assemblée nationale a démontré le souci de coopération du Gouvernement, et de nombreux amendements ont été adoptés au cours de la discussion. Compte tenu de la qualité des travaux des commissions du Sénat, je suis convaincu que l'apport de la Haute Assemblée sera tout aussi enrichissant.

J'espère que nos initiatives trouveront grâce à vos yeux et permettront aux plus sceptiques d'être rassurés. Par expérience, je sais pouvoir compter sur votre assemblée pour enrichir à nouveau ce texte et aider ainsi le Gouvernement dans sa tâche simplificatrice.

Je tiens ici à saluer le travail d'Henri Plagnol, qui, chargé de coordonner la préparation du texte, a su allier le bon sens, l'efficacité, l'écoute et l'adaptation. La façon dont cette préparation s'est déroulée illustre parfaitement la qualité de l'action menée en interministériel : je rends hommage à tous les ministères qui ont alimenté le projet avec des propositions qui, demain, changeront la vie des Français, et en particulier à mes collègues Nicolas Sarkozy, Francis Mer, François Fillon, Jean-François Mattei, Alain Lambert et Renaud Dutreil.

Le projet de loi, qui est aussi le fruit de l'intense travail d'écoute des élus et des fonctionnaires de terrain mené par Henri Plagnol, tient compte des observations de ces derniers, ainsi que de celles des parlementaires, dont certaines des nombreuses suggestions figureront également dans les prochaines lois d'habilitation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne devez cesser d'apporter au débat sur les nécessaires simplifications votre lecture du terrain et vos réflexions.

Le premier train d'ordonnances permettra d'engager un vaste mouvement de simplification selon cinq axes majeurs.

Premier axe : moderniser les relations entre l'administration et les Français, en abrégeant les délais de réponse des administrations et en réduisant le nombre des commissions administratives, qui sont aujourd'hui 221 à l'échelon départemental.

A un moment où le monde nous impose d'être de plus en plus réactifs, l'allongement du délai entre la prise de décision et l'action est préjudiciable à l'intérêt général.

Nous devons mutualiser les informations entre les administrations, faire confiance aux Français en les responsabilisant et moderniser les règles d'entrée en vigueur des lois.

Deuxième axe : simplifier les démarches administratives de la vie quotidienne en assouplissant le vote par procuration, en simplifiant le régime des élections professionnelles, et notamment les élections prud'homales, en créant une présomption de nationalité française pour nos compatriotes nés à l'étranger, en créant un guichet unique pour le permis de chasser, en unifiant dans une allocation unique le minimum vieillesse grâce à la réduction des éléments de calcul, aujourd'hui au nombre de neuf, organisés en deux étages.

Troisième axe : simplifier la vie des entreprises en expérimentant la création d'un titre unique emploi simplifié et d'un guichet unique pour certaines professions, en harmonisant et en réduisant les cas d'exonération de cotisations sociales.

Quatrième axe : simplifier l'organisation et le fonctionnement du système de santé en facilitant la mise en oeuvre du plan « Hôpital 2007 », en simplifiant les procédures d'investissement, en allégeant la planification hospitalière et en rendant la coopération sanitaire plus large et plus efficace.

Cinquième axe : moderniser l'équipement public en adaptant la commande publique grâce au renouveau du partenariat entre les secteurs public et privé, en simplifiant le code des marchés publics et en favorisant le recours au partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

Le mouvement ne va pas s'arrêter là : un deuxième projet de loi d'habilitation sera présenté à l'automne. Il comprendra notamment un volet juridique relatif à la sécurité juridique, un volet social sur les déclarations de ressources, ainsi qu'un volet technique portant sur l'agriculture, l'équipement et l'écologie.

Par la suite, la volonté du Gouvernement de maintenir un rythme constant et soutenu de simplification devrait se traduire par le vote, chaque année au minimum, d'une loi d'habilitation qui couvrira de nouveaux thèmes.

Le Gouvernement sollicite par ailleurs l'autorisation de rédiger quatre nouveaux codes selon la technique du droit constant : code du patrimoine, code de la recherche, code du tourisme et code de l'organisation judiciaire.

Le projet de loi prévoit en outre la rédaction de trois nouveaux codes à droit non constant, c'est-à-dire en intégrant aussi la simplification du fond de la matière. Il s'agit du code des propriétés publiques, préparé par M. Francis Mer, du code de l'artisanat, préparé par M. Renaud Dutreil, du code de la défense, préparé par Mme Michèle Alliot-Marie. S'y ajoute la révision du code monétaire et financier.

Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, simplifier n'aurait guère de sens si nous ne prenions pas pour l'avenir les mesures indispensables afin de prévenir la renaissance des dérives que nous combattons aujourd'hui.

C'est pourquoi il nous faut réfléchir tous ensemble à définir et à mettre en oeuvre les principes d'une « meilleure régulation et d'une meilleure gouvernance ».

Si l'on veut écarter toute menace inhérente à la complexité dans notre législation - parce que les démocraties sont en soi complexes -, il nous faudra aborder des questions fondamentales.

Quelle est et quelle doit être la place du droit dans notre société ? Quelle est la place de la loi dans le corps des règles de droit ? Comment faire la loi ? Comment mieux associer la société civile à l'élaboration de la loi ? Quelles sont les alternatives à la loi ? Comment assurer efficacement son application ? Quelles peuvent être les sanctions, pénales et non pénales ? Comment tenir compte des multiples spécificités de notre société, notamment des réalités territoriales ?

Permettez-moi de vous faire part des pistes de réflexion que nous avons suivies : il nous faut recourir plus largement aux expertises indépendantes, associer les services d'exécution et les représentants des usagers à la production des textes, envisager d'évaluer les textes un an après leur entrée en vigueur et veiller à ce que les décrets soient pris dans des délais raisonnables.

C'est à ce prix que nous pourrons prévenir, demain, la prolifération normative qui est devenue un mal français. En combattant le mal à sa source nous parviendrons à mieux légiférer pour mieux gouverner.

Le Premier ministre, vous le savez, est attaché à l'idée « d'une meilleure régulation et d'une meilleure gouvernance ». Les administrations et les parlementaires doivent, avant d'élaborer de nouveaux textes, imaginer une nouvelle méthode de travail et se poser les questions suivantes : la norme proposée est elle vraiment utile ? N'existe-t-il pas des alternatives ? L'application de cette norme sera-t-elle rapide et peu coûteuse ?

L'évaluation et le contrôle doivent devenir les fils directeurs de l'action publique. Il nous faut envisager d'évaluer les textes un an après leur entrée en vigueur et faire en sorte que le Gouvernement ne s'attribue point une sorte de droit de veto inconstitutionnel sur les délibérations parlementaires.

Je précise que la réforme de l'Etat ne doit plus être pour nos concitoyens une notion abstraite : chacun doit pouvoir la définir et en connaître les contours. Seuls des objectifs communs à l'Etat, aux usagers, aux fonctionnaires et aux entreprises en garantiront l'efficacité.

Sensibilisons nos concitoyens en répondant à leurs attentes. Ne négligeons pas la simplification des démarches administratives, qui, je le rappelle, est selon les Français l'axe prioritaire de la réforme l'Etat.

Grâce à la mobilisation des parlementaires, des représentants de l'Etat, des citoyens et des fonctionnaires, la réforme de l'Etat n'est plus un slogan. Elle s'appuie sur le bons sens.

Cette loi ne nous appartient pas, elle vous appartient, à vous qui avez été nombreux à apporter vos contributions. Grâce à vos réflexions, la réforme est amorcée, elle est en marche et doit nous guider vers l'objectif que nous nous sommes fixé, au sein du Gouvernement : simplifier la vie de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si notre République est fière de sa belle devise - « Liberté, Egalité, Fraternité » -, elle en possède une autre, tout aussi réelle : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »

Au début du siècle dernier, Joffre, excédé, disait déjà : « La paperasse, balayez-moi tout ça ! »

L'un de nos éminents collègues de la commission des lois conseillait au secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, M. Henri Plagnol, de monter à l'assaut des prés carrés au sabre d'abordage ! En effet, il est urgent de réformer.

Le Gouvernement est donc bien inspiré de nous présenter ce projet de loi sur la simplification administrative.

Il est urgent de simplifier : sans être désespérée, la situation n'en est pas moins grave. Nous voulons tous moins de guichets, moins de dossiers, moins de tracasseries. La société change et l'Etat doit donc se réformer. Le service public n'est plus toujours bien adapté aux besoins des usagers. Les nouvelles technologies nous ont envahis en quelques années et nous devons également en tenir compte. Bref, le chantier est immense et les ouvriers très nombreux.

De nombreux ministères sont concernés. Il faut vaincre la pesanteur des habitudes : c'est souvent plus facile à dire qu'à faire, d'autant que la rigueur n'est pas dans l'excès de formalisme !

J'en donnerai un exemple : il existe aujourd'hui environ 8 000 lois, 100 000 décrets et plusieurs centaines de milliers de textes réglementaires. Il est donc impossible de dire sérieusement que « nul n'est censé ignorer la loi ».

Dans les préfectures, pas moins de 350 commissions administratives ont été dénombrées. Heureusement que nombre d'entre elles ne se réunissent jamais, ou alors seulement sur le papier ! (Sourires.)

La belle loi de Jules Ferry sur la scolarisation des jeunes Français est toujours en vigueur. Vous en connaissez l'article 1er, qui dispose que les enfants doivent apprendre à lire, écrire et compter. Mais en connaissez-vous l'article 2 ? « Les garçons feront des exercices militaires et les filles des travaux d'aiguille. » Manifestement, il nous faut toiletter !

Chaque fois que nous adoptons une loi, nous avons le sentiment d'avoir fait « de la belle ouvrage ». Mais nous oublions d'ôter des textes législatifs des dispositions qui ne devraient plus s'y trouver, d'où des allongements de délais dus à la complexité des procédures.

Notre droit est devenu trop complexe. Le Conseil d'Etat, dans un rapport vieux de treize ans, dénonçait déjà cet état de fait, mais le combat n'a sans aucun doute pas été mené avec la détermination nécessaire depuis !

Il y a quelques mois, dans son discours de politique générale, le Premier ministre le soulignait fortement : « La vie des Français est devenue compliquée. » Force est de reconnaître que l'Etat n'a pas contribué à la simplifier. Avec des lois trop nombreuses, une intervention trop fréquente, des procédures qui nuisent aux énergies individuelles et collectives, il a accru la complexité.

« La première mission de mon Gouvernement », disait Jean-Pierre Raffarin, « sera donc de simplifier la vie des Français. »

C'est une mission essentielle qui nous est confiée aujourd'hui, car nous avons atteint les limites du supportable en procédant comme nous allons le faire, nous allons restaurer l'autorité de la loi.

Le combat à mener doit d'abord être psychologique, car la complexité démotive tous ceux qui se heurtent aux multiples contraintes de la réglementation.

Les enjeux sont aussi économiques, car la complexité coûte cher et entraîne des délais trop longs. Elle s'accompagne d'une inflation des structures administratives, alors que nous avons besoin de moyens pour répondre aux priorités nouvelles.

Dans le passé, les tentatives de simplification du droit et des procédures administratives ont provoqué des débats sans fin, et les corporatismes ont trop souvent gagné. Il ne faut plus que la montagne accouche d'une souris.

Le Gouvernement a donc choisi la voie des ordonnances. La majorité qui est devenue l'opposition d'aujourd'hui avait choisi la formule des ordonnances avant nous. Le présent projet de loi a cependant - bien entendu - une autre envergure puisque plusieurs dizaines de textes de valeur législative ainsi que plusieurs codes feront l'objet de la simplification par voie d'ordonnance.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Gouvernement demande au Parlement de prendre, dans le cadre d'un programme précis et d'une durée limitée, des mesures qui relèvent du domaine de la loi. Les ordonnances seront ensuite soumises à la ratification du Parlement, contrôle final de leur conformité aux objectifs de la loi d'habilitation.

En amont, nous examinons la liste des sujets concernés par l'habilitation. En aval, nous amendons ou ratifions les mesures prises. Le Parlement conserve donc son rôle et son importance.

J'espère vous avoir convaincus, mes chers collègues, qu'il faut s'attaquer avec détermination à ce grand chantier qui consiste à nettoyer les écuries d'Augias, mais il convient aussi de développer l'accès au droit par la codification.

Celle-ci favorise la connaissance de la loi et la rend compréhensible. Grâce à elle, les usagers ont une meilleure conscience de leurs droits et de leurs devoirs. La méthode consiste à codifier « à droit constant » en rassemblant par thèmes des dispositions éparses et en les actualisant.

Depuis près de quinze ans, il y a eu des avancées non négligeables, mais il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite.

C'est aussi un objectif majeur de la réforme de l'Etat. Nous devons, bien sûr, assurer la sécurité juridique, mais, en même temps, nous devons permettre aux Français d'accéder plus simplement aux règles en vigueur.

Le projet de loi prévoit la ratification de quatre codes adoptés en 2000 et la rédaction de quatre nouveaux codes à droit constant : patrimoine, recherche, tourisme et organisation judiciaire.

Pour entrer dans le détail des principales mesures qui permettront de se rendre compte que les choses changent vraiment, je mettrai l'accent sur quelques points.

La première mesure que je souhaiterais évoquer concerne les délais de réponse. Lorsqu'un particulier, une entreprise, ou une association, écrira ou enverra un e-mail à un service public, il recevra un accusé de réception lui précisant le délai dans lequel sera traitée sa demande. La règle juridique du « silence vaut rejet » après deux mois sera conservée afin de préserver le droit de recours du demandeur, mais chaque service s'engagera sur un délai de réponse qui pourra être bien inférieur à deux mois s'il s'agit d'une démarche simple.

La deuxième mesure favorisera la confiance et la responsabilité. Sera appliqué le principe de confiance, et, autant que possible, des déclarations sur l'honneur se substitueront aux pièces justificatives. Les services mettront en place des contrôles ponctuels qui donneront lieu, lorsque des abus seront constatés, à des sanctions proportionnées aux irrégularités constatées.

La troisième mesure permettra l'échange d'informations entre les administrations, bien entendu dans le respect de la loi « informatique et libertés ». L'an prochain, un Français qui changera d'adresse n'aura qu'une seule démarche d'information des administrations à effectuer, alors qu'aujourd'hui il en a entre cinq et dix à faire ! Sachez que 5 millions de Français déménagent chaque année. Chaque fois, il faut prévenir les allocations familiales, la caisse primaire d'assurance maladie, la mairie, le Trésor public, etc., ce qui représente plus de 25 millions de démarches. Demain, l'usager qui le souhaite communiquera sa nouvelle adresse à un interlocuteur unique.

La quatrième mesure - j'en parlais au début de ce propos - concerne la réduction du nombre de commissions administratives.

Certaines sont redondantes ; d'autres ne se réunissent jamais, d'où des risques d'incohérence ou de manque de transparence. Il vaut mieux avoir un nombre limité de commissions aux compétences élargies et mieux adaptées aux enjeux locaux.

Grâce à la cinquième mesure, pourrait être facilité le vote par procuration.

Sur toutes les travées de cette assemblée, nous nous plaignons de l'abstention, mais nous connaissons tous des gens qui voulaient voter et qui n'ont pas pu le faire à cause d'exigences de justifications tatillonnes. Il faut adapter ces formalités aux modes de vie d'aujourd'hui, aux congés, aux week-ends, aux obligations familiales ou professionnelles. Désormais, en application du principe de confiance, une simple déclaration sur l'honneur devrait suffire pour voter par procuration, ce qui devrait supprimer quelques cas d'abstention.

La sixième mesure concerne les élections professionnelles. Ainsi, les maires des petites communes demandent tous la réforme des élections paritaires des baux ruraux. Parfois, moins de dix personnes viennent voter et il faut pourtant tenir une permanence de huit heures à dix-huit heures. Désormais, cela pourra s'effectuer dans les chambres d'agriculture.

La septième mesure concerne nos compatriotes nés hors de l'Hexagone qui doivent prouver de nouveau leur nationalité française. Nous avons tous, là aussi, des exemples en tête : tel rapatrié d'Afrique du Nord obligé, à la fin de sa vie, de renouveler un passeport ou une carte d'identité et qui doit faire la preuve de sa nationalité française.

La huitième mesure consiste en la création d'un guichet unique pour le permis de chasse. Aujourd'hui, trois démarches sont à effectuer pour valider ce permis : auprès de la fédération, du Trésor public, de la préfecture. Demain, il n'y aura plus qu'une seule démarche.

Je ne m'étendrai pas sur les mesures qui concernent les entreprises, car nous aurons certainement l'occasion de reparler en détail du guichet unique pour les artisans et les commerçants et du titre emploi simplifié. Toutes ces mesures devraient permettre de faciliter l'emploi dans les petites entreprises et d'éviter aux commerçants et artisans des tracasseries inutiles. En prime, il est envisagé de simplifier les bulletins de paie. Qui s'en plaindrait ?

Un autre volet du projet de loi concerne la simplification du système de santé. La mise en oeuvre du plan « hospital 2007 » sera facilitée par la simplification des procédures d'appel d'offres des marchés publics. Le Gouvernement pourra engager les crédits plus rapidement et accélérer ainsi les délais de réalisation. N'oubliez pas qu'il faut en France pratiquement dix ans pour construire un hôpital !

Quant à la simplification de l'organisation du système de santé, M. Gérard Dériot vous en parlera plus en détail dans quelques instants.

Enfin, le dernier volet du projet de loi a pour objet la commande publique. Elle représente 110 milliards d'euros, soit presque 10 % du produit intérieur brut, ce qui est loin d'être négligeable. La transformation des règles de 2001 multiplie les contraintes tatillonnes au niveau national sans pour autant permettre leur alignement sur les directives communautaires. Quand il y a deux obstacles au lieu d'un, la course devient encore plus difficile. La simplification et l'harmonisation des procédures seront donc mises en oeuvre.

Dernière innovation : la possibilité de faire appel à un partenariat public-privé sera très largement élargie.

Vous avez peut-être l'impression d'un inventaire à la Prévert, mais tous ces points font de ce projet de loi la clé de voûte de la réforme. Il faut absolument expliquer la démarche entreprise afin de venir à bout des scepticismes et des résistances.

Comme le disait le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, M. Henri Plagnol, lors d'une audition en commission, cela permettra de faire bonne chère avec moins d'argent. Vous prenez aussi le contrepied de vos prédécesseurs, qui d'ordinaire ajoutent quelques lois lors de leur passage. Vous allez en supprimer. Bravo !

En conclusion, nous avons été et nous sommes toujours les champions du monde de la « paperasse ». Maintenant, nous allons essayer de faire le contraire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

MM. Henri de Raincourt et Patrice Gélard. Bravo ! Excellent rapport !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, rapporteur pour avis.

M. Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans son discours de politique générale du 3 juillet 2002, le Premier ministre a indiqué qu'il demanderait au Parlement « l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations dans un certain nombre de domaines qui ne toucheront pas aux équilibres fondamentaux de notre République, mais qui concernent la paperasse » - le mot est exact -, « qui concernent tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs sociaux, économiques sont transformés en bureaucrates alors que nous attendons qu'on puisse libérer leur énergie ».

Moins d'un an après cette déclaration, le Gouvernement est à même d'engager un premier train de mesures de simplification dans tous les champs de la vie administrative, économique et sociale de notre pays. L'étendue même de ce champ, tout comme la nature et le nombre des procédures qu'il est envisagé de réformer justifient pleinement le recours aux ordonnances pour plusieurs raisons conjuguées, qui ont été remarquablement exposées à l'instant par Bernard Saugey. Je n'y reviens donc pas.

Le champ du présent projet de loi couvre, je l'ai dit, l'ensemble des domaines de l'activité administrative, économique et sociale de notre pays. Aussi, s'agissant des dispositions habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, aurait-il été possible à la commission des affaires économiques de se saisir pour avis d'un nombre très important des articles du texte. Il est vrai que la plupart d'entre eux concernent des législations intéressant, directement ou non, ses domaines de compétence, et singulièrement les entreprises.

Toutefois, par accord entre la commission des lois, saisie au fond de l'ensemble du projet de loi, et les trois commissions saisies pour avis, il a été décidé de limiter les examens pour avis afin d'éviter un alourdissement de la discussion du texte qui aurait nui à son déroulement sans apporter aux débats et à l'adoption du projet un intérêt majeur. Dans cette perspective, chaque commission s'est saisie, pour l'essentiel, d'articles dont la matière relevait principalement de son domaine de compétence. Les commissions « pour avis » sont dès lors chargées, à quelques exceptions près, de les examiner « au fond », par délégation accordée par la commission des lois.

C'est ainsi que, dans ce cadre, la commission des affaires économiques est saisie de l'ensemble de l'article 9, relatif au droit de la chasse.

La même démarche de rationalité et d'efficacité a été retenue pour l'examen des articles du chapitre VI, qui concernent la ratification d'ordonnances et l'habilitation du Gouvernement à procéder à l'adoption et à la rectification de la partie législative de différents codes. Au regard des législations concernées par ces codes, la commission des affaires économiques est saisie des articles 23 à 27.

Avant de vous présenter, avec M. Gérard César, qui interviendra sur les dispositions concernant le code rural, les travaux et propositions d'amendements de la commission des affaires économiques, je souhaite évoquer, comme me l'ont unanimement demandé mes collègues, l'article 4, dont la commission ne s'est pas saisie pour avis pour les raisons de principe exposées ci-dessus. Cette position a suscité les regrets de certains, qui s'en sont ouvert lors de notre réunion de commission de la semaine dernière.

L'article 4 vise à instituer de nouveaux contrats de coopération entre personnes de droit public et personnes de droit privé dans le cadre de partenariats publics-privés. Ces « PPP » seraient un nouvel instrument juridique devant permettre à l'administration de mieux gérer, et, surtout, plus rapidement, la construction, l'exploitation ou la maintenance de grands projets de travaux publics. Il s'agirait toutefois d'éviter les lacunes et les dérives qu'on a pu connaître dans le passé avec les marchés d'entreprises de travaux publics.

Si les objectifs du Gouvernement me paraissent sages, encore faut-il s'assurer que la mise en oeuvre de ces partenariats publics-privés ne portera pas atteinte à l'activité des PME, des PMI et des entreprises artisanales, qui constituent le tissu de notre économie locale. On doit rappeler que le poids économique de la commande publique représente aujourd'hui plus de 10 % du produit intérieur brut. Il ne serait donc pas concevable qu'une partie importante des marchés publics de l'Etat et des collectivités locales soit, en quelque sorte, juridiquement réservée aux seules grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics. Tous mes collègues de la commission des affaires économiques s'étant vivement inquiétés des risques d'exclusion des marchés publics de nos petites et moyennes entreprises et de nos artisans, nous sommes donc convenus que j'exprimerai publiquement cette inquiétude, à cette tribune et en leur nom.

Afin qu'elle ne reste pas sans réponse, il m'a en outre semblé opportun de déposer un amendement à titre personnel puisque nous n'étions plus en mesure de réunir à nouveau la commission pour l'avaliser. Cet amendement vise à encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 4 pour créer des partenariats publics-privés, afin de s'assurer que les intérêts économiques des PME, des PMI et des entreprises artisanales seront bien pris en compte dans le cadre de la réforme. J'ai eu plaisir à constater que mon collègue Bernard Saugey a, au nom de la commission des lois, adopté la même démarche et, naturellement, je m'y rallierai le moment venu.

J'en viens maintenant aux articles examinés par la commission des affaires économiques.

L'article 9 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à simplifier la procédure de validation annuelle du permis de chasser, déjà évoquée, qui pourrait être qualifiée actuellement de « parcours du combattant ». L'habilitation ainsi donnée permettra, notamment, de créer un guichet unique pour les chasseurs auprès des fédérations départementales des chasseurs volontaires. Il s'agit d'une mesure qui avait déjà été envisagée lors de l'examen de la loi de juillet 2000 relative à la chasse et qui reste très attendue. Par ailleurs, cet article permettra également de simplifier le régime des adjudications du droit de chasse en forêt domaniale en harmonisant les règles de priorité reconnues aux titulaires d'une licence ou d'une location sur un lot de chasse. Là encore, il s'agit d'une évolution que la commission des affaires économiques a approuvée.

L'article 23, dont il ne reste après le vote de l'Assemblée nationale que le paragraphe II, vise à ratifier l'ordonnance du 11 avril 2001 relative à la transposition de dispositions communautaires dans le domaine de l'environnement. Cette ordonnance a été prise en application d'une loi d'habilitation votée en janvier 2001 pour procéder à la transposition de cinquante et une directives communautaires et d'une quinzaine d'autres textes. Ce texte avait donné lieu à une saisine pour avis de la commission des affaires économiques, qui avait examiné en détail les très nombreuses dispositions communautaires relevant de sa compétence et portant sur l'environnement, mais aussi sur l'agriculture, le droit de la consommation, l'industrie, les télécommunications ou encore les infrastructures routières.

En matière d'environnement, l'ordonnance du 11 avril 2001 qu'il vous est proposé de ratifier transpose différentes directives, dispositions ou règlements portant sur le contrôle des substances appauvrissant la couche d'ozone, le réseau Natura 2000 ou encore la liberté d'accès à l'information en matière environnementale.

En ce qui concerne plus particulièrement le titre III de cette ordonnance, relatif à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, il convient de relever, c'est important, que, dans sa décision du 19 mars 2003, le Conseil d'Etat, statuant sur un recours conjoint de l'Association nationale des élus de la montagne et de la coordination Natura 2000, a considéré que l'ensemble des dispositions de ce titre avait fait l'objet d'une ratification implicite, le législateur faisant expressément référence aux sites et aux contrats Natura 2000 dans l'article 1er de la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt. Il ne s'agit donc aujourd'hui que de confirmer cette ratification implicite.

L'article 24 vise notamment à ratifier l'ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l'environnement, en tenant compte d'un certain nombre de corrections rédactionnelles qui vous sont proposées au paragraphe III. A ce sujet, je vous renvoie à mon rapport écrit qui rappelle les avatars subis par le projet de code de l'environnement, dont l'initiative, ancienne, remonte à 1992 et où sont exposées en détail les modifications proposées, qui respectent le principe de la codificaton à droit constant.

Votre commission des affaires économiques vous proposera de compléter la série de corrections qui figurent à l'article 24, notamment pour inscrire dans le code de l'environnement des dispositions législatives récentes qui ont vocation à s'insérer dans ce code pour en assurer une meilleure lisibilité. Il s'agit notamment de la loi du 19 février 2001 relative à la lutte contre l'effet de serre, et de la disposition concernant les éoliennes, qui est intégrée dans la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

L'article 25 habilite en particulier le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions nécessaires pour compléter le code de l'environnement, afin d'intégrer les dispositions législatives nouvelles qui n'ont pas été codifiées par le législateur. Compte tenu des amendements proposés par la commission des affaires économiques à l'article 24, cette habilitation pourra être supprimée.

L'article 26 autorise le Gouvernement à procéder à l'adoption du code de la recherche et du code du tourisme. La création de ces deux codes, à droit constant, figurait déjà au programme général de codification 1996-2000, adopté par la commission supérieure de codification en décembre 1995. Cet objectif répond aux prescriptions du législateur qui, par l'article 2 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, a exigé que les autorités administratives organisent un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent.

La codification, qui permet de mettre à la disposition de tous un instrument clair et maniable, se présente à l'évidence comme une technique essentielle à cette perspective. En outre, elle permet de renforcer les relations réunissant l'ensemble des acteurs et des secteurs concernés par les politiques menées en matière de recherche, d'une part, et de tourisme, d'autre part. Enfin - et ce n'est pas le moindre de ses atouts - la création de ces deux codes permettra de mieux identifier les secteurs intéressés aux plans juridique et institutionnel.

Ainsi, même si, matériellement, ces codes se présenteront vraisemblablement comme de « petits » codes, en particulier en ce qui concerne le nombre de leurs articles relevant du domaine de la loi, la nécessité de leur élaboration ne fait aucun doute, tant pour faciliter l'accès à une norme aujourd'hui dispersée que pour assurer la reconnaissance d'activités dont le poids économique et social, déjà très important, ne cesse de croître et de concerner toujours plus d'acteurs.

Il faut cependant observer que l'un et l'autre de ces codes comprendront de très nombreux « articles suiveurs » - on entend par cette formule la reprise à l'identique d'articles figurant dans d'autres codes, dits « pilotes ». S'agissant par exemple du code du tourisme, les divisions relatives aux stations classées seront constituées d'articles figurant également dans le code général des collectivités territoriales, et l'ensemble de la fiscalité liée au tourisme, telle la taxe de séjour, est déjà codifié au code général des impôts et au code général des collectivités territoriales.

Si cette méthode présente quelques avantages pour la cohérence de la lecture d'un « code suiveur », l'abondance des dispositions suiveuses et la multiplicité des codes pilotes de référence font peser quelques menaces sur l'évolution du code du tourisme et du code de la recherche, car elles accroissent les risques d'erreurs et d'omission lorsqu'il sera légiféré à l'avenir. C'est pourquoi tant les ministères intéressés que le Parlement devront être extrêmement vigilants et penser à modifier les dispositions législatives concernées dans le « code pilote » comme dans le « code suiveur » afin de garantir la cohérence et l'intelligibilité du droit positif.

Par l'article 27, le Gouvernement demande au Parlement de l'habiliter, chose inhabituelle, à codifier « à droit non constant », c'est-à-dire à modifier la législation en même temps qu'il est procédé à sa codification. Une telle innovation n'est pas neutre et présente, techniquement, quelques difficultés pratiques qu'il conviendra de ne pas sous-estimer. En effet, elle rend a priori impossible la procédure traditionnelle de contrôle méthodologique exercé par la commission supérieure de codification qui, depuis un décret du 16 juin 2000, ne peut plus examiner que des projets de codification à droit constant.

Au-delà de cette observation, qui contraindra probablement le Gouvernement à imaginer un nouveau scénario, l'article 27 pose un problème de fond. En effet, pour ce qui concerne le secteur des métiers et de l'artisanat, qui a fait l'objet d'un examen par la commission des affaires économiques, l'habilitation envisagée est extrêmement large et la rédaction du deuxième alinéa de l'article expose, en raison de son imprécision, à des risques non négligeables de censure par le Conseil constitutionnel.

Celui-ci s'est toujours attaché à ce que les principes constitutionnels encadrant la technique de la législation déléguée soient rigoureusement suivis, pour que soient respectées les prérogatives du Parlement en matière législative. Ainsi, le Gouvernement doit indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances, ainsi que leur domaine d'intervention.

Or la rédaction de l'alinéa ne respecte pas ces prescriptions, notamment parce qu'elle permet « d'adapter à l'évolution des métiers », sans plus de précision, les dispositions particulières à ce secteur dans les domaines de la fiscalité, du crédit, des aides aux entreprises, du droit du travail et de la protection sociale.

Certes, on comprend ce que le Gouvernement souhaite entreprendre. Le secteur des métiers et de l'artisanat est aujourd'hui régi, il est vrai, par un code datant de 1952, dont plus de 60 % des dispositions ont été supprimées, les autres étant souvent caduques ou d'ordre réglementaire. L'essentiel de la législation et de la réglementation est aujourd'hui éparpillé dans 700 à 800 textes différents, dont beaucoup contiennent des dispositions totalement obsolètes. Il n'existe aucune cohérence et, à l'heure actuelle, il est difficile de dire ce qui, au moment de la codification, devra être maintenu en l'état, faire l'objet d'une nouvelle rédaction pour adapter le droit à la réalité des faits ou être tout simplement supprimé.

Il n'est donc matériellement pas possible au Gouvernement de préciser exactement, au moment où il présente sa demande d'habilitation, quel type de modifications il sera susceptible d'entreprendre.

Cependant, la commission des affaires économiques a relevé que plusieurs articles du présent projet de loi autorisent le Gouvernement à procéder à de nombreuses simplifications dans le secteur des métiers et de l'artisanat dans les domaines législatifs mentionnés au 1° de l'article 27.

C'est pourquoi, afin de s'assurer qu'aucune censure du Conseil constitutionnel ne viendra contrarier l'ambitieux projet du Gouvernement de créer un nouveau code des métiers et de l'artisanat, que tous les professionnels du secteur, notamment, attendent, la commission des affaires économiques proposera au Sénat d'adopter un amendement visant à définir plus précisément le champ exact de l'habilitation accordée par le Parlement au Gouvernement, sans pour autant entraver l'action de celui-ci.

Sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai évoqués et de ceux que va maintenant présenter Gérard César, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des six articles qu'elle a examinés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les articles du texte que je vais vous présenter ont un caractère essentiellement technique : ils visent à parfaire la codification du code rural, dont certaines parties n'avaient pas encore reçu de valeur législative.

L'idée d'élaborer un code rural est fort ancienne, puisqu'elle remonte à l'Ancien Régime. Sans cesse reportée au xixe siècle, sa véritable concrétisation n'intervient qu'après-guerre, avec l'adoption en 1955 de deux décrets constituant le premier code rural français.

Apparaissant très vite dépassé et trop étroit, ce premier code va faire l'objet de plusieurs révisions par décrets pris en Conseil d'Etat au cours des années quatre-vingt : quatre livres sont alors refondus, dont trois font l'objet d'une validation législative.

A la suite de la relance du processus de codification à la fin des années quatre-vingt, quatre nouveaux livres sont adoptés par le Parlement au cours des années quatre-vingt-dix.

A cet instant, je voudrais rappeler l'excellent travail accompli par M. Alain Pluchet, qui avait apporté sa pierre à l'édifice de la modification du code rural, je tenais à lui rendre aujourd'hui hommage à la tribune.

Il restait donc au législateur à réviser et à adopter deux des neuf livres que comporte le code rural pour en achever la refonte complète. C'est ce qu'a fait le Gouvernement en prenant, sur habilitation du Parlement, deux ordonnances, les 15 juin et 18 septembre 2000.

La première ordonnance vise ainsi à réviser et à adopter les deux derniers livres du code rural qui ne l'avaient pas été, à savoir les livres VII et IX concernant respectivement les « dispositions sociales » et la « santé publique vétérinaire et la protection des végétaux ». Elle vise également à mettre à jour les parties législatives des livres Ier, III et IV du code rural, ainsi qu'à préciser des dispositions spécifiques aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et à l'outre-mer.

La seconde ordonnance, relative à la partie législative du code de l'environnement, tend quant à elle à transférer le livre IX du code rural au livre II du même code, qui s'est trouvé libéré du fait de la réalisation du code de l'environnement.

Les articles 24 et 25 du présent projet de loi ont pour objet, notamment, de ratifier ces deux ordonnances, dont les dispositions n'avaient jusqu'alors qu'une valeur réglementaire. Je me félicite que le Gouvernement permette ainsi au Parlement de conférer valeur de loi à ceux des livres du code rural qui n'avaient pas encore été validés par le législateur.

Cette procédure permet en effet d'achever la refonte complète du code rural entamée au début des années quatre-vingt. Elle prévient par ailleurs tout recours contentieux contre les dispositions ainsi codifiées, supprimant une source de confusion et d'instabilité dans l'application du droit.

Je me propose maintenant d'examiner les parties de ces articles dont a été saisie la commission des affaires économiques.

A l'article 24, le 3° du paragraphe I vise, compte tenu des modifications de pure forme apportées par l'Assemblée nationale en première lecture, à ratifier les deux ordonnances précédemment évoquées. Cette ratification, que je ne peux qu'approuver pour les raisons déjà exposées, intervient toutefois un peu tard : un projet de loi avait été déposé à cette fin dès juillet 2000 sur le bureau du Sénat, mais n'avait jamais été examiné.

Le paragraphe II de l'article 24 tend à rectifier plusieurs dispositions du code rural couvertes par l'ordonnance du 15 juin 2000, afin de tenir compte des nombreuses modifications qui, depuis sa publication, y ont été apportées par des dispositions législatives nouvelles.

A cet égard, reprenant les remarques qu'avait formulées notre collègue Jean-Paul Emorine lorsqu'il avait rapporté, en 2000, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural, je tiens à souligner combien il est regrettable que le processus législatif et les travaux de recodification n'aient pas été mieux coordonnés.

A ce paragraphe II, la commission des affaires économiques proposera au Sénat d'adopter cinq amendements formels ou rédactionnels ayant pour objet de préciser certaines dispositions du code rural codifiées, ainsi que d'améliorer la rédaction des rectifications y étant apportées par ce même paragraphe.

Enfin, le paragraphe IV de l'article 24, tel que modifié par l'Assemblée nationale, vise à étendre à certaines collectivités d'outre-mer les modifications apportées par ledit article à des dispositions leur étant applicables.

Quant à l'article 25, il a pour objet d'habiliter le Gouvernement à corriger et à compléter les parties législatives du code rural et du code de l'environnement par ordonnances prises selon la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution. L'article 28 du projet de loi dispose qu'elles devront intervenir dans un délai de six mois suivant la publication de la loi.

Une telle habilitation ne peut naturellement avoir pour objet que d'autoriser le Gouvernement à procéder aux seules corrections formelles et mises à jour strictement nécessaires. En aucun cas il ne devra s'agir de modifier sur le fond les dispositions examinées.

Pour résumer ce texte, et plus particulièrement les articles sur lesquels a porté l'avis que j'ai présenté, il s'agit donc de parfaire, provisoirement du moins, et de valider la révision du code rural amorcée voilà plus de vingt ans.

Sous réserve des quelques amendements formels que j'ai évoqués, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur cette partie du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a naturellement souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi d'habilitation, qui comporte un substantiel volet social.

Il est vrai que notre droit social se caractérise par une singulière complexité. Certes, un certain degré de complexité est inhérent à sa nature, puisqu'il a pour vocation de régir les rapports sociaux, qui ne peuvent être, par définition, que multiples et complexes dans nos sociétés développées.

Le droit social n'est d'ailleurs sans doute pas la branche la plus complexe de notre droit, le droit fiscal, par exemple, atteignant en la matière des sommets... Je suis sûr que le rapporteur pour avis de la commission des finances en conviendra !

Il reste que notre droit social tend, d'année en année, à se complexifier plus encore. Pour ma part, j'y vois trois causes principales.

Il s'agit d'abord de l'inflation des mesures, née d'un empilement de textes successifs dont l'articulation est parfois pour le moins incertaine. Ainsi, pour s'en tenir au seul code du travail, le volume de celui-ci a augmenté de 700 pages depuis 1980, pour atteindre aujourd'hui 2 200 pages... De même, on estime généralement que les caisses d'allocations familiales doivent appliquer quelque 15 000 règles de droit et que la réglementation de base en matière d'assurance vieillesse comporte 30 000 textes.

Il s'agit ensuite de l'instabilité des règles, car, comme l'observait fort justement un spécialiste avisé de notre droit du travail, mais « les règles sont condamnées à une naissance trop tardive et à un vieillissement prématuré ».

Il s'agit enfin de la « technicisation croissante » du droit, notamment de la loi, qui devient d'année en année plus voire trop précise, alors même que notre Constitution dispose pourtant qu'elle ne doit déterminer que « les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale ».

La conjonction de ces trois facteurs fait que notre droit social, au-delà de sa complexité, apparaît en définitive peu lisible pour les usagers, notamment pour les plus fragiles d'entre eux, au risque de restreindre leur accès effectif aux droits, difficilement applicable pour les acteurs sociaux et source d'insécurité juridique tant pour les entreprises que pour les salariés.

Cette situation n'est, à l'évidence, pas satisfaisante. Dans ce contexte, la commission des affaires sociales considère que ce projet de loi d'habilitation est particulièrement bienvenu.

Il convient toutefois de ne pas se méprendre ici sur la portée du volet social de ce texte : il ne s'agit en aucun cas d'autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures modifiant l'architecture de notre système social, comme cela avait pu être par exemple le cas pour les lois d'habilitation de 1982 et de 1986. La loi de 1982 avait ainsi permis au gouvernement de légiférer par ordonnances pour ramener la durée du travail à trente-neuf heures, pour instituer une cinquième semaine de congés payés ou pour abaisser l'âge de la retraite à soixante ans.

M. René-Pierre Signé. Ce n'était pas si mal !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Ce n'était peut-être pas mal, monsieur Signé, mais l'on voit bien où cela nous a menés ! Les gouvernements de l'époque, que vous souteniez, chers collègues de l'opposition, s'en sont donné à coeur joie avec les ordonnances !

M. René-Pierre Signé. Personne ne s'en est plaint !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. La loi d'habilitation de 1986 avait, quant à elle, servi de fondement à la création de nouveaux contrats d'insertion en alternance, à la réforme du régime des contrats de travail « atypiques » ou à la refonte de notre système de participation.

Tel n'est pas l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui. La démarche est plus pragmatique puisque, pour l'essentiel, il s'agit de simplifier notre droit social, principalement en assouplissant certaines procédures lourdes ou désuètes et en facilitant la gestion de nos dispositifs au profit des acteurs sociaux, à savoir les assurés sociaux, les entreprises et les organismes gestionnaires.

Toutefois, cette démarche n'en est pas moins ambitieuse : elle vise à prolonger, à amplifier et à systématiser l'effort entrepris, depuis quelques années, en matière de droit social, de façon souvent efficace mais parfois désordonnée. Certaines de ces simplifications récentes ont constitué de réelles améliorations tant pour les usagers que pour les organismes sociaux. Je pense notamment ici à l'inscription des demandeurs d'emploi aux ASSEDIC en 1997 ou à l'unification des règles régissant les divers régimes de l'ARRCO, l'association des régimes de retraites complémentaires, en 1999.

Pour autant, l'exigence de simplification ne doit pas nous exonérer d'une adaptation plus en profondeur de notre droit social.

Ainsi, en matière de droit du travail, il semble aujourd'hui nécessaire de mieux prendre en compte les évolutions de l'emploi et d'assouplir le fonctionnement du marché du travail afin d'encourager la création d'emplois tout en répondant aux besoins de souplesse des entreprises et à ceux de sécurité des salariés.

J'observe d'ailleurs que, sur ce sujet, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé une démarche de fond.

En effet, le 18 mars dernier, M. François Fillon a annoncé la création d'une commission composée de personnalités et d'experts, chargée de « faire des propositions à la Commission nationale de la négociation collective de nature à développer la place du droit conventionnel et à lutter contre l'insécurité juridique engendrée par la complexité législative, réglementaire et jurisprudentielle. »

Cela montre bien que le présent projet de loi est loin de répondre complètement à l'impératif de simplification. Dès lors que la simplification passe par une adaptation de fond de notre droit allant au-delà des seules questions de procédure, il était naturel que ces évolutions sortent du champ de la présente habilitation et fassent l'objet d'un traitement spécifique.

J'en viens maintenant au contenu des six articles qui constituent le volet social de ce texte. Ils concernent d'ailleurs tous les domaines de notre droit social, qu'il s'agisse de la protection sociale, de l'action sociale, de la politique de santé ou du droit du travail.

L'article 10 du projet de loi vise à simplifier les relations entre les employeurs particuliers - principalement les utilisateurs du chèque emploi-service - et les salariés, en permettant aux employeurs d'adresser leurs déclarations via Internet tout en unifiant le traitement du recouvrement, compétence aujourd'hui éclatée entre plusieurs organismes.

L'article 11 tend à simplifier et à harmoniser les procédures de versement et la gestion de plusieurs prestations sociales. Les mesures envisagées sont très diverses puisqu'elles concernent à la fois des prestations « maladies », des prestations « accidents du travail » et des prestations « vieillesse ». L'objectif visé est d'abord d'alléger un certain nombre de procédures imposées aux usagers et de lever certaines contraintes existantes, afin de rendre plus aisé l'accès à ces prestations, mais il est aussi de faciliter la gestion des organismes délivrant ces prestations, en harmonisant un certain nombre de procédures voisines mais non identiques et en allégeant certaines formalités devenues désuètes.

L'article 15 vise à simplifier les procédures de consultation et d'autorisation préalables à la création d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux. Il s'inscrit, à cet égard, dans la continuité de la politique de modernisation de ce secteur engagée par le biais de la loi du 2 janvier 2002. Il me semble que l'habilitation devrait également permettre une simplification des procédures d'agrément des associations gestionnaires de services d'aide à domicile, lesquelles doivent actuellement obtenir deux agréments, délivrés l'un par le préfet de région et l'autre par le préfet du département. A ce titre, le Gouvernement pourrait s'inspirer de la proposition de loi portant sur ce sujet déposée le 29 janvier dernier par notre collègue Georges Mouly.

L'article 16 comporte plusieurs mesures de simplification de l'organisation administrative et du fonctionnement de notre système de santé. Ces dispositions constitueront un volet important de la mise en oeuvre du plan « Hôpital 2007 ». Ce plan, destiné à redonner ambition et espoir au monde hospitalier, repose principalement sur une relance volontariste de l'investissement, afin de moderniser les établissements de santé et d'accompagner la recomposition de l'offre hospitalière. Les ordonnances qui seront prises en application de l'article 16 du projet de loi permettront alors les aménagements législatifs indispensables à la réalisation des objectifs fixés par le ministre.

L'article 19 tend à permettre la simplification de la gestion des formalités sociales afférentes à l'emploi. Dans cette perspective, il est, par exemple, prévu de créer un « titre emploi simplifié entreprise », le TESE, dédié à l'embauche occasionnelle et de courte durée. Il est également prévu de réduire le nombre des dispositifs d'allégement des cotisations sociales et de les harmoniser. La commission des affaires sociales ne peut que s'en réjouir, puisqu'elle avait, dès le mois de mai 2000, alerté le précédent gouvernement sur l'extraordinaire complexité de ces dispositifs. A cet égard, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir si cette habilitation pourrait servir de support à la fusion annoncée par le Gouvernement des contrats emploi-solidarité - les CES - et des contrats emplois consolidés - les CEC - en un contrat unique d'accompagnement dans l'emploi pour le secteur non marchand.

L'article 19 contient, en outre, le principe de création d'un guichet social unique, dans la forme que souhaite lui donner le Gouvernement, à savoir un « interlocuteur unique ».

Lors de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi pour l'initiative économique, les députés avaient adopté un amendement prévoyant un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales des commerçants et artisans. Cette adoption avait suscité de nombreuses critiques, tant sur la forme que sur le fond. Le Sénat avait alors choisi de renvoyer la décision sur cette question à la discussion du présent projet de loi.

Le Premier ministre, de son côté, avait immédiatement demandé à différentes inspections de mener un travail conjoint et de lui rendre leurs conclusions dès la fin du mois de mars. Ce rapport, encore provisoire, met en garde le législateur contre les fausses simplifications et contre les dangers qui résulteraient d'une unification brutale de la compétence du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs non salariés.

Les différents scénarios proposés ont chacun leurs forces et leurs faiblesses. Il appartiendra bien évidemment au Gouvernement de négocier avec l'ensemble des organismes concernés une formule permettant de faire de cette simplification un progrès à la fois pour les caisses et pour l'usager.

L'article 20, enfin, concerne la simplification du droit du travail. Les mesures envisagées à cet égard sont très variées mais restent, pour l'essentiel, cantonnées à de simples ajustements, rendus nécessaires par certaines incohérences qui se sont progressivement glissées dans notre législation sociale au fur et à mesure des différentes étapes de son élaboration.

La commission des affaires sociales, si elle approuve très largement l'esprit de ces mesures de simplification, n'en mésestime pas moins les difficultés pratiques d'une telle démarche, car rien n'est plus compliqué que de vouloir simplifier. (Sourires.) Et c'est sans doute particulièrement le cas en matière sociale. Le rapport annuel de l'IGAS de 2001 observait ainsi : « La législation sociale se prête mal à une rationalisation a priori, quelles que soient les attentes des observateurs et des gestionnaires en ce domaine. Les voies de progrès sont donc étroites en la matière. »

La commission des affaires sociales se félicite donc que le Gouvernement se soit, d'ores et déjà, clairement engagé à mener une concertation approfondie avec les partenaires et les organismes sociaux sur les mesures envisagées avant la publication des futures ordonnances. Elle voit là une démarche adaptée, permettant de garantir en pratique la pertinence des ajustements qui seront réalisés.

Dans ces conditions, notre commission a tenu à accompagner pleinement la démarche de simplification engagée par le Gouvernement. Aussi a-t-elle souhaité présenter une quinzaine d'amendements tendant à conforter la mise en oeuvre du programme de simplification prévu par le présent projet de loi.

Ces amendements s'articulent autour d'une triple logique.

Ils visent d'abord à préciser le champ de l'habilitation, compte tenu notamment des textes législatifs en instance et de la place respective de la loi et de la négociation collective.

Ainsi, à l'article 16, la commission des affaires sociales vous proposera de revenir sur les nouveaux transferts de compétences prévus par le projet de loi en faveur du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation. Je considère en effet que ce sujet nécessite un véritable débat parlementaire ; celui-ci pourra avoir lieu lors de l'examen du projet de loi relatif à la santé publique qui sera discuté à la fin du mois de juin à l'Assemblée nationale.

De même, notre commission a considéré que l'autorisation accordée aux établissements publics de santé de participer au capital d'une société d'économie mixte constituait un risque, notamment financier, que les établissements ne sont pas à même d'assumer.

A l'article 20, il nous a par ailleurs semblé que la disposition relative au financement du comité d'entreprise risquait d'empiéter par trop sur le champ traditionnel du dialogue social.

Ces amendements tendent ensuite, et pour l'essentiel, à garantir l'effectivité des mesures de simplification envisagées afin que les objectifs visés puissent être pleinement atteints.

Ainsi, à l'article 19, la commission des affaires sociales présentera un amendement visant à laisser au Gouvernement une marge de manoeuvre suffisante, dans sa négociation avec les organismes concernés, pour la mise en oeuvre de l'interlocuteur unique.

Nos amendements ont enfin pour objet d'étendre le champ des mesures de simplification proposées afin de remédier à quelques autres sources de complexité qui nécessitent des ajustements urgents, notamment en matière de droit du travail et de prestations d'accidents du travail.

S'agissant des accidents du travail, il nous a paru possible d'aller plus loin dans l'amélioration du service de ces prestations : d'une part, en étendant le dispositif SESAM-Vitale à cette branche et, d'autre part, en simplifiant le régime extraordinairement lourd à gérer des accidents du travail successifs.

Pour ce qui est du droit du travail, nous vous proposerons notamment d'adapter la législation applicable au travail en temps partagé, les textes actuels comportant encore trop d'obstacles au développement de la pluriactivité, ce qui n'est satisfaisant ni pour les salariés ni pour les employeurs.

Sous réserve de ces observations et de l'adoption de ces amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le volet social du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Braun, rapporteur pour avis.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui avait été annoncé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002. En effet, le Gouvernement devait demander au Parlement le droit de « légiférer par ordonnances pour simplifier nos législations ».

Selon l'exposé des motifs, cette habilitation constitue « un effort vigoureux de simplification coordonnée à l'échelon gouvernemental ». Par ailleurs, elle permet de mettre en oeuvre « un programme de codification ambitieux ». La codification constitue un aspect de la simplification puisqu'elle facilite l'accès au droit.

Mes chers collègues, je suis convaincu qu'il faut se réjouir de telles propositions. En effet, dans le rapport spécial sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003, j'avais dressé un tableau nuancé du chemin accompli en matière de simplifications.

Ainsi, les simplifications opérées par le passé, pour significatives qu'eussent été certaines d'entre elles - je pense, par exemple, à la suppression de la certification conforme ou à celle de la fiche d'état civil -, n'ont pas été, dans leur ensemble, à la hauteur des ambitions qui avaient été affichées. Car, il ne suffit pas de décider de simplifier : il faut d'abord simplifier la simplification. (Sourires.)

Aussi le Gouvernement a-t-il résolu de procéder par ordonnances, ce qui constitue évidemment un gage de rapidité. Pourtant, on ne peut guère concevoir sans quelque regret - voire sans une certaine appréhension - le dessaisissement, même provisoire et circonscrit, du Parlement : les ordonnances ont pu être qualifiées de « législation de chefs de bureau » !

Il faut pourtant bien admettre que les simplifications requises présentent généralement un caractère technique marqué, face auquel le Gouvernement est sans doute mieux armé. En effet, les simplifications administratives requièrent l'expertise continue de l'ensemble des administrations concernées.

Par ailleurs, toute codification constitue une entreprise urgente. Selon les termes du Conseil constitutionnel, la codification « répond à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ». Il importe donc de ne pas en différer la réalisation. La technique de l'habilitation doit permettre de pallier l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le ministre, sans porter de préjudice notable à la qualité de la codification, compte tenu, notamment, de l'excellence du travail de la Commission supérieure de codification.

En outre, vous avez dit appeler de vos voeux, monsieur le secrétaire d'Etat, un véritable débat sur le contenu des ordonnances lors du vote de leur ratification. Une ratification explicite des ordonnances par le Parlement est en effet nécessaire pour que son dessaisissement soit acceptable. Vous avez ajouté que vous souhaitiez également la mise en place d'une association spécifique des parlementaires pour élaborer les ordonnances. Ce dernier voeu est en passe d'être réalisé puisque l'Assemblée nationale a adopté un amendement instituant un conseil d'orientation de la simplification administrative, qui comprendrait notamment trois députés et trois sénateurs. Par conséquent, les préventions qui pouvaient subsister n'ont plus lieu d'être.

La commission des finances a entendu se saisir pour avis de l'article 18, des 4° et 5° de l'article 21 ainsi que du 4° de l'article 27 du présent projet de loi. La commission des lois a bien voulu déléguer à la commission des finances l'examen de l'article 5 et du 10° de l'article 21, qui semble en effet requérir des compétences globalement de son ressort.

A l'article 5, l'habilitation concerne la simplification des relations entre les usagers et l'administration fiscale, ainsi que la rationalisation des modalités d'option pour certains régimes fiscaux. Cet article, qui vise des difficultés bien répertoriées, mérite un accueil favorable, sous réserve qu'il soit mieux circonscrit. C'est l'objet de deux amendements que nous avons déposés.

D'une part, il ne semble pas nécessaire de prévoir un complément d'habilitation destiné à assurer le respect de la présomption d'innocence, qui est déjà établi en matière fiscale. D'ailleurs, ce dispositif a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur de la commission des lois.

D'autre part, il semble utile de préciser que l'habilitation de l'article 5 ne pourra donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles.

J'ajoute, mes chers collègues, que les mesures qui seront prises dans le cadre de cet article ne dispenseront pas d'une refonte ultérieure du code général des impôts, entreprise qu'appelle d'urgence la réalisation de « l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ».

A l'article 18, le Gouvernement est habilité à prendre diverses mesures relatives à la réalisation et à l'utilisation des enquêtes statistiques obligatoires concernant les professionnels ; il doit en résulter un accès facilité à ces enquêtes et, surtout, des économies d'échelle qui seront particulièrement bienvenues.

Au 4° et au 5° de l'article 21, il est prévu d'habiliter le Gouvernement à prendre diverses mesures de rationalisation du droit des valeurs mobilières et du régime des SARL, dont le contenu, très attendu, est susceptible de s'inspirer largement des propositions déjà formulées par le rapporteur général de la commission des finances. Cette dernière s'interroge toutefois sur les conséquences d'une succession trop rapide de textes concernant le droit des sociétés, qu'il s'agisse de la loi pour l'initiative économique, du présent projet de loi ou d'un texte à venir concernant une nouvelle fois l'initiative économique, susceptible d'engendrer une instabilité du droit préjudiciable aux acteurs économiques.

Au 10° de ce même article, l'habilitation concerne l'instauration d'un « seuil de sensibilité » pour les affaires qui sont du ressort du Conseil de la concurrence et le relèvement du seuil de contrôle des concentrations, mesures qui apparaissent opportunes et correspondent à des souhaits déjà exprimés par notre commission des finances.

Au 4° de l'article 27, le Gouvernement est habilité à prendre les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter le code monétaire et financier. Il convient de saluer la reprise du processus de codification dans les matières bancaire et financière. Dans ce cadre, la commission des finances a estimé qu'il serait utile aux praticiens d'amender le dispositif en prévoyant la publication au Journal officiel d'une table de concordance.

Il y a lieu de noter que la durée de l'habilitation est fixée à dix-huit mois pour cette dernière habilitation et à douze mois pour les autres. Ces délais d'habilitation sont relativement longs au regard de la pratique habituelle, mais ils apparaissent finalement raisonnables compte tenu des ambitions du texte.

En conclusion, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai évoqués, la commission des finances vous propose d'adopter les dispositions du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit dont elle a été saisie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 52 minutes ;

Groupe socialiste : 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste : 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen : 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Mathon. (M. le ministre s'apprête à quitter l'hémicycle.)

M. Robert Bret. Vous n'êtes pas très galant, monsieur le ministre ! (M. le ministre se rassied.)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Vous le voyez, je tiens à être poli ! (Sourires.)

Mme Josiane Mathon. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'autant que mon discours vous changera un peu de ce que vous avez entendu jusqu'à présent. (Nouveaux sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nul ne conteste la nécessité de procéder à des codifications du droit ou de simplifier les relations de nos concitoyennes et concitoyens avec l'administration ainsi que le fonctionnement de nos institutions. Les démarches que les uns et les autres doivent effectuer dans bien des domaines sont devenues trop complexes et trop longues, au point que, nous le savons tous, certains en arrivent à baisser les bras, renonçant à faire valoir leurs propres droits. Surtout, ils ne trouvent pas toujours l'aide nécessaire, car les personnels formés sont en nombre insuffisant dans les services publics.

Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, va bien au-delà de ces mesures et touche à des secteurs essentiels de la vie du pays, comme l'emploi, la santé et les marchés publics. Vous nous confirmez que d'autres textes de même nature seront examinés dès l'automne prochain.

Ainsi, légiférer par ordonnances deviendrait un mode de gouvernement courant. Ce n'est ni l'esprit de notre Constitution ni celui des lois d'habilitation votées depuis son adoption.

En fait, monsieur le ministre, le Gouvernement nous demande de lui permettre de prendre seul des décisions, en se passant du débat parlementaire sur le fond. Accepter cela reviendrait à accepter de nous dessaisir des responsabilités qui sont les nôtres envers ceux qui nous ont élus. C'est pourquoi, à l'instar des députés communistes, les sénatrices et sénateurs de notre groupe voteront contre ce texte.

Nous y sommes d'autant plus opposés que la nature des dispositions qui seront prises en vertu des ordonnances reste nébuleuse alors même qu'elles seront extrêmement importantes dans plusieurs domaines. Notre inquiétude est renforcée par le fait que nous n'avons pas obtenu de réponses précises à nos interrogations.

Ce n'est d'ailleurs pas aux seuls parlementaires que le Gouvernement veut confisquer le débat. C'est aussi aux professionnels - et, parmi eux, les fonctionnaires -, aux usagers, aux citoyens dans leur ensemble. A cet égard, les conditions de l'adoption de la loi constitutionnelle sur la décentralisation et de sa mise en oeuvre à marche forcée sont éclairantes. S'agissant du présent texte, l'ordre des architectes, par exemple, dénonce « l'absence totale de dialogue préalable et de transparence » !

Le Gouvernement sent bien que sa politique devient de jour en jour plus impopulaire ; c'est pourquoi il fuit le débat et cherche à se donner les moyens de décider sans entrave sur certains sujets, ce qui aura des conséquences extrêmement importantes.

M. Ladislas Poniatowski. Votre politesse n'est guère récompensée, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Mme Josiane Mathon. Au-delà de la politesse, il est toujours salutaire d'entendre un autre discours.

Comme le Gouvernement l'a souligné par la voix de plusieurs de ses membres, ce projet de loi n'est pas un simple outil de simplification et de codification. Il est aussi, selon vos propres termes, monsieur le ministre, « un élément important de l'édifice de la réforme que le Gouvernement a entrepris de construire autour de quatre chantiers : la décentralisation, la réforme budgétaire et la gestion publique, la gestion des ressources humaines de l'administration et, enfin, la simplification de nos procédures administratives ».

Ce texte est donc un élément structurant de la politique ultralibérale du Gouvernement, une politique qui va à l'encontre des intérêts de l'énorme majorité de nos concitoyens et qui façonne une société d'où la cohésion nationale et l'égalité seront bannies.

N'avez-vous pas vous-même affirmé, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agissait d'un « texte consistant, qui lève les facteurs de blocage les plus urgents » ?

Mais quels sont donc ces facteurs de blocage ?

S'agit-il de ceux qui tiendraient à l'existence d'un service public important dans notre pays, à un nombre des fonctionnaires que M. Raffarin veut réduire considérablement, à une dépense publique qu'il est décidé à diminuer pour entrer dans les critères européens ?

S'agit-il des facteurs qui tiendraient aux « rigidités » du droit du travail, vécues comme des entraves, ou à une protection sociale solidaire ?

L'adoption du texte qui nous est proposé permettrait en effet au Gouvernement de procéder à des dérégulations accrues dans ces deux domaines essentiels pour la vie de nos concitoyens. J'observerai d'ailleurs que la commission des affaires sociales s'est inquiétée des dispositions concernant les transferts de compétences vers les directeurs d'agences régionales d'hospitalisation et qu'elle n'a pas jugé opportune l'intervention des sociétés d'économie mixte dans la création et la gestion des équipements et services sanitaires.

S'agit-il des « blocages » qui seraient dus à la législation actuelle sur les marchés publics ? Les dispositions du texte relatif à ces marchés, au « nouveau partenariat public-privé », en concentrant les investissements entre leurs mains, sont en effet destinées à favoriser les grandes entreprises du bâtiment, au mépris des architectes et des PME, et au détriment de la qualité des réalisations, voire de toute création.

Décidément, ce texte est bien d'inspiration libérale !

Alors que le chômage s'aggrave, que les fermetures d'entreprise et les restructurations sont toujours plus nombreuses - libre cours étant désormais laissé aux entrerises sur ce point -, alors que les difficultés des gens s'accroissent, l'urgence n'est-elle pas de renforcer l'accès de nos concitoyens à tous ces droits dont ils sont privés ? Les demandeurs d'emploi actuels et futurs vont-ils mieux vivre leur situation ? Pourront-ils accomplir plus facilement leurs démarches ?

La mesure la plus urgente ne devrait-elle pas consister à développer les moyens publics d'intervention, au lieu de les réduire à l'état de lambeaux ? Mais cela suppose une politique audacieuse de développement, une modernisation des services publics, à l'opposé de votre conception résiduelle du public et de votre volonté d'élargir au maximum la part du privé.

Quand les fonctionnaires exigent que soit évoqué le contenu de leur mission, comme ils le font actuellement à propos des transferts de personnels aux régions et aux départements, ils se voient opposer une fin de non-recevoir. Ils sont accusés de favoriser le gâchis, taxés de conservatisme, d'archaïsme, d'égoïsme catégoriel. Ils sont pourtant les mieux à même de dire comment améliorer leurs missions, les rendre plus efficaces pour les usagers. Il faut les entendre comme des partenaires.

Par ailleurs, où est la simplification quand la décentralisation fera que les citoyens n'auront plus les mêmes droits d'une région à l'autre, d'un département à l'autre ? On va compliquer à l'extrême, rendre de moins en moins lisibles les droits de chacun et, les compétences respectives des collectivités.

Et comment parler de simplification, de lisibilité, de sécurité juridique quand, depuis juin dernier, le Gouvernement n'a de cesse de faire adopter, dans l'urgence, et en exigeant le vote conforme, des modifications en profondeur de la législation dans des matières à la fois très nombreuses et essentielles ?

Il existe un besoin réel de simplification de démarches dans divers domaines. Mais, je l'ai dit, nous ne pouvons accepter la méthode qui consiste à légiférer par ordonnances.

De plus, l'esprit et le contenu de l'ensemble du texte montrent bien que quelques mesures de réelle simplification ne représentent en réalité qu'un affichage, pour mieux faire passer tout un ensemble de dispositions négatives.

Certes, il faut faire reculer l'inertie interne, l'anonymat et l'opacité, mais il faut aussi faire reculer la main mise du privé et de ses logiques de management sur l'Etat, et la confiscation des choix par les « experts ». Vous proposez l'inverse, puisque la culture de la performance, largement inspirée du privé, devrait devenir la règle.

Pour notre part, nous sommes convaincus que la seule garantie d'un bon fonctionnement de l'administration, c'est de faire entrer la démocratie au sein de celle-ci. Les citoyens doivent être associés à la prise de décision et une parfaite transparence des processus des motivations des choix, ainsi que de l'évaluation et de la mise en oeuvre, doit être assurée du citoyen au Parlement. Or ce projet de loi n'accorde aucun pouvoir nouveau aux citoyens et aux salariés en ce sens, alors qu'il y a pourtant là une question essentielle.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.

M. Ladislas Poniatowski. Madame Josiane Mathon, vous avez dit que vous ne pouviez tolérer la méthode consistant à légiférer par voie d'ordonnances. Or je vous rappelle aimablement que lorsque vous apparteniez à la majorité, celle-ci a procédé ainsi et vous l'avez soutenue.

M. Roland Muzeau. Vous avez mal lu !

M. Robert Bret. On l'a dénoncé ! Il s'agissait de directives européennes !

M. Ladislas Poniatowski. Ici même, dans une circonstance bien particulière, en tant que rapporteur d'un texte important, j'ai même appuyé le Gouvernement que vous souteniez dans cette méthode : il s'agissait d'un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnances, cinquante-quatre directives. J'avais, au nom de la commission, émis un avis favorable sur cinquante et une d'entre elles, pour rattraper un retard et mettre fin à une situation quelque peu honteuse pour notre pays. Vous aviez voté ce projet de loi d'habilitation.

M. Robert Bret. Non ! On avait dénoncé la méthode !

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Ils ont la mémoire courte !

M. Robert Bret. Absolument pas ! Relisez le Journal officiel !

M. Ladislas Poniatowski. Donc, ce que vous n'acceptez pas aujourd'hui, vous l'avez quand même fait dans un passé pas très lointain. Je tenais à faire cette petite mise au point préalable.

S'agissant du présent projet de loi, dont le volume est considérable, je limiterai mon intervention à deux dispositions concernant le domaine de la chasse.

Vous l'avez compris, j'interviens, certes, en tant que parlementaire de l'UMP, mais surtout en tant que président du groupe d'étude chasse-pêche du Sénat. Je souhaite simplement être l'avocat du monde de la chasse. En effet, les chasseurs ont été malmenés et brimés pendant plusieurs années : ils l'ont d'ailleurs exprimé assez brutalement à l'occasion des dernières élections législatives. Depuis, ils sont impatients et attendent des changements. Or ces changements tardent à venir. En effet, les quelques mesures qui ont été prises par voie réglementaire sont loin de leur avoir donné satisfaction, certaines d'entre elles ayant même été annulées par le Conseil d'Etat.

C'est pourquoi ce texte constitue, enfin, une première étape qui répond à leurs attentes. Les dispositions de ce projet de loi relatives au domaine de la chasse forment ce que j'appellerai le premier étage d'une fusée qui en comporte trois.

La première de ces dispositions, c'est l'article 9, qui a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances pour simplifier les procédures de validation du permis de chasser et pour moderniser la procédure d'adjudication des droits de chasse dans les forêts domaniales.

S'agissant de la validation annuelle du permis de chasser, on ne peut que se féliciter de cette mesure qui s'inscrit dans un objectif général de simplification annoncé par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, lors du débat sur la chasse qui s'est tenu à l'Assemblée nationale le 11 février dernier.

Comme l'a très justement souligné M. Alain Fouché, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, la procédure de validation annuelle s'apparente actuellement à un véritable parcours du combattant pour les chasseurs parce qu'elle s'accompagne d'une série de contrôles divers et variés, effectués par l'autorité administrative, notamment le paiement de la cotisation fédérale obligatoire, la présentation de l'attestation de l'assurance obligatoire, ou encore la présentation du formulaire de validation dûment rempli et signé.

La simplification prévue par le projet de loi va donc consister à conditionner l'obtention de la validation annuelle du permis de chasser uniquement au paiement des redevances cynégétiques.

En outre, le projet d'ordonnance va permettre aux fédérations départementales des chasseurs, qui sont volontaires, de valider les permis de chasser et ainsi de mettre en place un guichet unique. Je signale que les fédérations de chasse tiennent, en ce moment, leurs assemblées générales auxquelles certains d'entre vous, mes chers collègues, ont assisté. Toutes, et quasiment à l'unanimité, votent dans le même sens : elles souhaitent être ce guichet unique.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Ladislas Poniatowski. Pour cela, un régisseur de recettes de l'Etat, compétent pour encaisser les cotisations et redevances, sera placé auprès d'elles.

Quant à la rénovation de la procédure d'adjudication des droits de chasse en forêt domaniale, elle vise à faciliter sa mise en oeuvre et, notamment, à changer le mode d'exploitation des lots de chasse. Ceux-ci peuvent être, en effet, attribués par adjudication en vue d'une location pour une durée de douze ans, ou par concession de licence d'une durée de douze mois. Mais le titulaire de cette licence ne bénéficiera d'aucune priorité si l'Office national des forêts décide d'attribuer ce lot par adjudication, et ce même s'il est en place depuis de nombreuses années du fait du renouvellement de sa licence.

En revanche, je tiens à rappeler que depuis 1989, et grâce à la demande du groupe d'étude chasse-pêche du Sénat, les locataires d'un lot de chasse obtenu par adjudication bénéficient d'une priorité s'ils justifient d'une ancienneté de six ans et d'une gestion cynégétique correcte de leur lot de chasse.

Pour faciliter le changement entre deux modes d'exploitation, il est donc tout à fait judicieux d'attribuer des règles de priorité identiques au titulaire d'une licence.

La seconde disposition que je veux évoquer, c'est le paragraphe III de l'article 24, qui comporte une quinzaine de propositions de modification du code de l'environnement visant à remédier à des erreurs ou à des anomalies dues au travail du codificateur. Mais la correction qu'il prévoit de faire au 9° ne me semble pas pouvoir être assimilée à une simple rectification à droit constant.

Cette disposition corrige, en effet, la liste des agents autorisés à requérir des chasseurs l'ouverture de leurs sacs et de leurs poches à gibier. Des législations successives ont confié à diverses catégories d'agents la mission de constater et de poursuivre certaines infractions à la législation de la chasse.

La modification proposée vise notamment à tenir compte de la réforme des gardes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Mais dans la rédaction proposée cependant, ne sont plus mentionnées les gardes des fédérations des chasseurs. Or cette disposition présente un caractère essentiel pour les fédérations qui emploient des agents de développement ou des gardes, afin qu'elles puissent remplir leur mission de prévention du braconnage, ou encore veiller à la mise en oeuvre des dispositifs de prélèvements maximum autorisés, les fameux PMA, arrêtés dans le cadre d'un schéma départemental de gestion cynégétique. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, je présenterai, sur ce point, un amendement sur lequel vous émettrez, je l'espère, un avis favorable.

Mes chers collègues, au-delà de ce projet de loi, et pour conclure, je voudrais évoquer les prochaines étapes législatives qui vont permettre de réformer en profondeur le droit de la chasse.

J'ai commencé mon intervention en disant que le volet « chasse » de ce projet de loi était le premier étage d'une fusée qui en comporte trois. Le deuxième étage de cette fusée sera le projet de loi relatif à la chasse, qui nous sera soumis les 10 et 11 juin prochains et que l'Assemblée nationale examinera les 13 et 14 mai. Ce texte va préciser les statuts des fédérations de chasse et les contrôles auxquels celles-ci sont soumises ; surtout, il va permettre de modifier, dans un sens qui, je l'espère, sera acceptable pour le monde de la chasse, la mesure emblématique introduite par la loi du 26 juillet 2000, à savoir le jour de non-chasse. En tout cas, nous y veillerons tout particulièrement au Sénat.

Le troisième étage de cette fusée « chasse » sera constitué, à l'automne prochain, par le projet de loi sur les affaires rurales. Un titre entier sera réservé à la chasse, et nous aurons, dans ce cadre, à réformer l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et à inscrire l'exercice de la chasse dans une perspective de développement durable de nos territoires ruraux.

Vous l'aurez compris, il manque un étage à cette fusée : les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Ce domaine, dans lequel le monde de la chasse attend beaucoup, relève non pas de la compétence du Parlement français, mais de Bruxelles. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous adresse un message à cette occasion. Je reste persuadé que la discussion peut avoir lieu avec Bruxelles. En effet, elle n'a jamais commencé. Pendant cinq ans, s'agissant des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse, la France a toujours refusé de négocier, contrairement à tous nos voisins européens, qui ont obtenu des dérogations. Je souhaite que nous changions de comportement. Nos partenaires, notamment la Commission européenne, sont tout à fait disposés à faire évoluer la directive « oiseaux sauvages ». Encore faut-il commencer par discuter. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, discutons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. )

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans son excellent rapport, notre collègue Bernard Saugey estime que la masse des normes juridiques, dont chaque citoyen est censé connaître l'existence et le contenu, peut être évaluée à quelque 8 000 lois et 400 000 décrets, ce qui rend pertinente la remarque selon laquelle nous légiférons trop. Comment, compte tenu de ce foisonnement normatif, nos concitoyens peuvent-ils respecter le principe selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous proposez aujourd'hui de simplifier le droit et de poursuivre l'oeuvre de codification. Bien entendu, le groupe de l'Union centriste vous soutient et vous accompagne dans cette démarche.

L'Etat doit se moderniser, et il y parviendra, en particulier, au moyen de la simplification. De surcroît, l'amélioration des relations entre les administrés et l'administration en dépend.

Je suis parfaitement conscient de cette réalité, ayant été rapporteur de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. A cette occasion, nous avions pris de nombreuses mesures, parmi lesquelles l'obligation faite à une autorité publique de transmettre à l'autorité compétente les documents reçus à tort, ou encore l'obligation d'accuser réception de toute demande dès lors qu'elle ne présente pas un caractère abusif.

Aujourd'hui, il faut aller beaucoup plus loin. Ainsi, par voie d'ordonnances, le Gouvernement s'engage-t-il à réorganiser la procédure de transmission des documents, à diminuer le nombre de pièces justificatives demandées aux usagers et à réduire les délais de traitement des dossiers.

D'autres mesures de simplification prévues dans ce projet de loi sont à saluer. Ainsi, nous accueillons très favorablement les dispositions relatives au droit de la chasse, commentées voilà quelques instants de manière experte par notre collègue Ladislas Poniatowski, comme la simplification de la procédure de vote par procuration.

Nous nous félicitons également que soit entreprise la modernisation du droit des associations syndicales de propriétaires, droit qui reste fondé sur une loi de 1865, dont l'archaïsme handicape aujourd'hui gravement le fonctionnement et l'essor de ces structures qui, sur nombre de territoires, remplissent une fonction essentielle.

Enfin, pour souligner une autre avancée significative, je tiens à faire part du soutien du groupe de l'Union centriste à l'amélioration des modes de fonctionnement des commissions administratives et des instances consultatives, dont le nombre croît considérablement, ce qui nuit à la qualité et à la rapidité des décisions.

Pour sa part, l'Assemblée nationale a ajouté un certain nombre de dispositions auxquelles mon groupe est très attaché : la simplification du bulletin de paie, ainsi que la possibilité offerte aux différentes catégories de travailleurs non salariés agricoles de choisir l'organisme qui sera chargé de créer un guichet unique pour l'ensemble des formalités et paiements de cotisations et contributions sociales.

Le groupe de l'Union centriste proposera également d'ajouter deux autres objectifs de simplification dans le domaine des cotisations sociales. Il s'agit d'harmoniser les règles de calcul des taxations d'office entre les différentes caisses de non-salariés, de rapprocher les montants des taxations d'office des revenus réels des cotisants et d'harmoniser les motifs justifiant la remise des majorations de retard en reprenant ceux qui ont été définis pour le régime vieillesse.

Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi embrasse quantité de thèmes d'une extrême diversité, ce qui, à certains égards, peut être pénalisant pour la lisibilité de la réforme.

Mais nous voulons surtout retenir que votre objectif de simplification et d'efficacité est louable, même si certains sujets auraient pu faire l'objet d'un projet de loi examiné selon les procédures législatives classiques, prévues par l'article 34 de notre Constitution, tant certaines réserves s'imposent.

Il s'agit principalement, et vous l'avez sans doute compris, de l'article 4 du projet de loi, qui vise à créer une nouvelle forme de contrat de partenariat public-privé. Plus précisément, ce texte prévoit d'étendre à toutes les infrastructures publiques le modèle de contrat global institué par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure pour les commissariats et les prisons. Ces contrats permettent de confier à un opérateur privé unique la conception, le financement, la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un ouvrage public.

Or ce type de contrat constitue, par sa nature même, une lourde menace pour l'ensemble des entreprises artisanales, qui seront incapables de rivaliser avec les importants groupes de travaux publics, seuls susceptibles de proposer de tels contrats. Alors que les artisans du bâtiment représentent près de 45 % des marchés publics du bâtiment, il nous semble important d'avoir une réflexion et un débat approfondis sur cette question.

En effet, il y va de la pérennité de milliers d'entreprises qui constituent, nous en sommes tous conscients, un tissu économique et social indispensable à l'équilibre de notre société. Car, au-delà de ce qu'elles apportent en termes de ressources et d'emplois, ces entreprises assurent aussi un précieux service aux personnes - je pense en particulier aux personnes les plus faibles -, auprès desquelles l'artisanat remplit une véritable mission de service public.

Prendre le risque de fragiliser l'artisanat serait extrêmement dangereux et lourd de conséquences, au moment même où cette branche d'activités rencontre de grandes difficultés de recrutement et de formation de sa main-d'oeuvre. Je pourrais citer de nombreux exemples pour illustrer cette situation.

Par ailleurs, il nous semble que le recours aux marchés globaux peut remettre en question l'application des principes qui gouvernent les procédures de dévolution des marchés publics : d'une part, la transparence et, d'autre part, l'égalité des chances et la libre concurrence. Si nous sommes, bien entendu, favorables à un assouplissement des procédures de contrat public, nous sommes, en revanche, attachés au respect de ces principes, et en particulier à celui qui garantit l'égalité d'accès à la commande publique pour toutes les entreprises.

Enfin, nous craignons que ces contrats globaux ne nuisent à la qualité des prestations, puisque l'intervention d'un maître d'oeuvre responsable n'est plus requise. On peut dès lors penser que le choix se fera moins sur la qualité architecturale et favorisera le retour à des bâtiments standardisés ne prenant guère en compte les contraintes spécifiques locales et les besoins des utilisateurs.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste proposera deux amendements, l'un visant à supprimer l'article 4, l'autre tendant à prévoir que le recours à ces contrats de partenariat public-privé doit rester limité à des opérations d'une telle ampleur qu'elles rendent nécessaire l'intervention d'un partenaire unique.

Voilà, en quelques mots, la position de notre groupe. Si, donc, nous adhérons à la démarche de simplification pour la plupart des domaines traités par ce projet de loi, nous regrettons que le Parlement soit privé d'un débat de fond sur le contrat de partenariat public-privé.

C'est pourquoi, lors de l'examen à venir du projet de loi de ratification, nous serons particulièrement vigilants et attachés au respect des objectifs que j'ai rappelés.

Pour le reste, nous soutenons le Gouvernement, attachés que nous sommes à l'oeuvre entreprise de simplification, qui doit être conduite dans un souci d'efficacité, pour le bien du pays.

Nous félicitons nos excellents rapporteurs pour la qualité de leurs travaux, et espérons, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que nos attentes et propositions seront entendues. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons assisté dernièrement à un retour de l'article 49-3 dont nous avions perdu l'habitude... (Sourires.) Puis, il y a eu l'usage à notre avis excessif du vote conforme. Enfin, voilà le retour des ordonnances !

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, vise à dessaisir le Parlement. Vous demandez en quelque sorte que l'on vous signe un chèque en blanc !

Vous nous objecterez, comme l'a déjà fait M. Delevoye, qu'il existe des précédents. En effet ! Mais ils trouvaient souvent leur justification dans l'urgence et la nécessité, pour parler des récentes lois d'habilitation, d'appliquer à l'outre-mer des dispositions législatives valant pour la métropole ou de traduire en droit interne des directives européennes.

Pour autant, je n'ai pas le souvenir d'une loi d'habilitation ayant eu une telle ampleur en matière de dessaisissement du Parlement : quinze codes et trente lois au moins sont concernés !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Il y a beaucoup de choses à faire !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit touche à tous les sujets - code électoral, droit du travail, procédures de licenciement, santé, affaires sociales, tourisme, marchés publics, code des impôts, fiscalité, et bien d'autres domaines encore -, à tel point que nous sommes fondés à nous demander, vu l'ampleur du champ concerné, ce qui n'est pas visé par ce texte ! Vous savez d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une habilitation aussi ample pose un véritable problème de constitutionnalité. Il serait donc très intéressant que le Conseil constitutionnel fût interrogé et amené à statuer à cet égard.

De surcroît, le discours du Gouvernement comporte de grandes contradictions. En effet, vous nous assurez que ces ordonnances seront publiées dans un délai de douze à dix-huit mois. Or ce délai suffit largement pour faire une loi ! Et encore a-t-on pu déjà constater, y compris récemment, votre très grande capacité à élaborer des lois beaucoup plus rapidement ! Il est des lois qui ne vous ont pas demandé douze ou dix-huit mois ! En effet, il est arrivé que quelques jours à peine séparent la décision de déposer un projet de loi du vote du rapport. Le rapport était à peine publié que le projet de loi était examiné en séance publique, tout allant très vite.

Je m'étonne donc de cette défiance à l'égard du Parlement. S'il ne s'agissait que de sujets mineurs, d'adaptations, d'assouplissements, cela n'aurait pas d'importance ; mais, comme l'ont déjà dit les orateurs précédents, il s'agit de sujets majeurs. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi cette méfiance, cette défiance à l'égard du Parlement alors que vous avez une majorité tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ? Vous êtes dans une situation qui vous permet de jouer pleinement le jeu de nos institutions, qui donnent au Parlement le soin de légiférer.

Par ailleurs, M. Jean-Paul Delevoye a indiqué que, dès l'automne 2003, un deuxième projet de loi d'habilitation, avec une nouvelle série d'ordonnances, serait déposé, suivi d'au moins un texte d'habilitation chaque année. Autrement dit, c'est l'habilitation permanente, c'est l'ordonnance constante et c'est, bien entendu, un détournement total de nos institutions !

J'ajoute que, sur nombre de sujets concernés par ce projet de loi d'habilitation - mais ce point a été évoqué à l'Assemblée nationale -, vous avez également annoncé la discussion de projets de loi au cours des prochains mois. Comprenez notre étonnement !

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous dites qu'il faut simplifier l'administration de notre pays. C'est un discours très ancien, mais aussi très actuel, que nous partageons. Simplifions, simplifions ! Mais le Parlement serait-il par essence inapte à la simplification ? Y aurait-il deux entités : d'un côté, le Gouvernement, qui serait pour la simplification, et, de l'autre, le Parlement, qui serait pour la complexité ? N'est-ce pas avoir une pensée quelque peu désobligeante à l'égard du Parlement que de considérer celui-ci comme incapable de simplifier les choses ?

En outre, les propositions contenues dans le projet de loi ont quelquefois un caractère légèrement ubuesque - il faut rendre hommage aux grandes oeuvres de la littérature ! -, et il en est ainsi notamment de l'admirable article 1er A. Alors qu'on nous explique qu'il existe beaucoup trop de commissions - 200, 250, 300, 350, je ne sais plus -, la première phrase du projet de loi débute ainsi : « Un conseil d'orientation de la simplification administrative formule toute proposition... ». La première chose que vous faites pour remédier à cette pléthore de commissions consiste donc à créer une commission chargée de la suppression des commissions ! Il y a là - vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat - quelque chose d'un peu redondant, d'un peu contradictoire et d'un peu paradoxal !

Nous sommes d'ailleurs très sensibles aux intentions du Gouvernement. M. le ministre nous a dit tout à l'heure de ne pas nous inquiéter, que nous serions associés, consultés, que l'on nous demanderait notre avis. Le Gouvernement veut donc nous rassurer, nous qui sommes chargés de faire la loi : il nous demandera de temps en temps notre avis, et, si nous le voulons bien, nous pourrons travailler au sein de la 351e commission - en attendant qu'il y ait moins de commissions ! -, puisque trois députés, trois sénateurs et un certain nombre d'autres personnalités tout à fait éminentes y siégeront. En quelque sorte, nous qui avons pour habitude, au sein des commissions parlementaires, d'auditionner les membres du Gouvernement serons cette fois-ci - du moins pour les sénateurs et les députés qui accepteront de siéger au sein de ce conseil d'orientation - auditionnés afin de donner notre sentiment sur la loi de la République française que le Gouvernement écrira par voie de nombreuses ordonnances !

Sachez-le : nous désapprouvons ce système, et ce pour des raisons de bon sens que chacun peut comprendre - je les expose en effet avec la plus grande simplicité possible -, voire partager.

Je tiens à revenir sur trois points parmi ceux, nombreux, qui sont traités, avant que nous nous exprimions sur l'ensemble lors de l'examen des articles : les questions électorales, les questions relatives aux marchés publics et les nouvelles dispositions qui permettront de construire des équipements publics.

S'agissant du code électoral, nous considérons que toute simplification en la matière doit relever d'une loi votée par le Parlement. Monsieur le secrétaire d'Etat, jusqu'à présent, aucun argument justifiant un changement du code électoral par voie d'ordonnance n'a été avancé. Les élections - tout le monde le comprend - sont quand même le coeur de la démocratie. Nous avons l'habitude de discuter longuement, avec passion et raison, des lois électorales. Nous avons ainsi beaucoup parlé des élections régionales et européennes, voilà peu.

Monsieur le secrétaire d'Etat, par quel argument pouvez-vous soutenir qu'en matière électorale il est impossible de présenter un projet de loi dans les douze ou dix-huit mois qui viennent ?

J'évoquerai deux points précis.

Tout d'abord, la question des procurations doit certes être revue, comme nombre de nos concitoyens, attentifs à ce point, nous l'ont demandé, après avoir remarqué que les autorités chargées de statuer sur le sujet n'avaient pas toujours retenu les mêmes critères. Il s'agit là effectivement d'un vrai problème qu'il faut revoir, afin de limiter l'abstention. Mais nous sommes totalement défavorables, compte tenu de la complexité du sujet, à ce que cela se fasse par ordonnances. De surcroît, nombre d'élus, de droite comme de gauche, ont fait observer, lors des débats en commission, que, dès lors que la même autorité - la mairie - serait chargée de mettre en oeuvre ce vote par procuration et qu'elle est directement impliquée par un certain nombre d'élections, elle se trouverait alors juge et partie. On ne peut pas nier ce problème.

Il serait donc à notre avis justifié de travailler sur ce sujet, de réfléchir, comme nous le faisons dans nos commissions, aux différentes solutions de manière à retenir la meilleure. Et je n'en préjuge pas. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi le Parlement serait-il dans l'incapacité de traiter cette question ? J'aimerais avoir une réponse sur ce point.

J'en viens au second point concernant les questions électorales : le financement des campagnes électorales, qui est un sujet très important. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat, des difficultés que le monde politique dans son entier a connues dans le passé à ce sujet. Nous ne devons donc y toucher qu'avec beaucoup de précautions et de rigueur. Or, pensez-vous vraiment que le fait de permettre l'engagement et le versement de dons après la clôture du scrutin soit une bonne disposition ?

Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Etienne Blanc, indique, dans son rapport écrit, que l'attestation demandée au moment du versement des fonds, jusqu'au moment où l'élection est acquise, ne rend pas compte de la réalité des dons reçus par un candidat « qui s'est aperçu pendant le scrutin que son budget ne pourra pas être financé dans sa totalité ». Il conclut qu'il serait peut-être bon de « mettre en accord le droit avec les faits ».

Vous vous rendez donc bien compte, monsieur le secrétaire d'Etat, du caractère imprécis et critiquable de ces dispositions, et des nombreuses dérives auxquelles elles pourront donner lieu !

Ne serait-il pas plus clair de prévoir la possibilité de verser des dons aux candidats jusqu'à la date de l'élection, mais non après, c'est-à-dire lorsque le résultat de l'élection est connu, ce qui change naturellement toute la situation ?

En tout cas, pourriez-vous nous expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi le Sénat et l'Assemblée nationale seraient dans l'incapacité de traiter de cette question dans les douze ou dans les dix-huit mois à venir ?

J'en viens enfin aux articles 3 et 4 du projet de loi, qui, comme beaucoup d'orateurs l'ont dit, posent un véritable problème.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les choses seraient à mon avis très différentes si vous acceptiez de retirer les articles concernant le code électoral et la fiscalité, car nous verrons bientôt - nous y reviendrons lors de la discussion des articles - les contraintes qu'engendreront ces dispositions relatives à la fiscalité, y compris par rapport au vote de la loi de finances. En effet, je rappelle que l'autorisation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, notamment en matière fiscale, peut aboutir, en vertu de la Constitution, à ôter toute validité aux amendements déposés, y compris lors du vote de la loi de finances, qui seraient contraires à l'habilitation votée par le Parlement.

Les articles 3 et 4 visent à l'extension à l'ensemble des équipements publics des dispositions déjà adoptées pour les gendarmeries, pour les commissariats de police et pour les maisons d'arrêt.

Aux termes de l'article 4, le Gouvernement serait autorisé à « créer de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public. » Je ne sais pas si l'on simplifie : ce mélange indistinct, mal défini, entre le public et le privé est en effet d'une réelle complexité !

L'objet de cette mission est la « conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics ». Dans ces conditions, qui devra-t-on juger et choisir ? L'architecte, l'entreprise, ceux qui assureront la maintenance et le banquier ? Dans la commission d'appel d'offres, vous ne pourrez pas faire prévaloir tel choix architectural parce qu'il faudra choisir en même temps, par le même vote et de la même manière, l'entreprise et le banquier, ce qui nous semble totalement déraisonnable.

Je poursuis ma lecture : l'article 4 prévoit que la mission de service public concerne également « la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions. » Ainsi, par le même vote, on pourra choisir la même entreprise qui sera chargée de la conception, de la réalisation, mais aussi de la gestion, du financement, de la maintenance. Est-ce raisonnable ? Non, tout le monde voit bien que c'est totalement déraisonnable ! (Mme Hélène Luc approuve.)

De plus, il s'agit d'en revenir massivement aux METP, les marchés d'entreprise de travaux publics, malheureusement bien connus. Souvenez-vous de ce qui s'est passé dans la région d'Ile-de-France et de toutes les dérives qui ont été observées. Ces dernières ont-elles été bonnes pour notre démocratie ? Est-il raisonnable de créer aujourd'hui les conditions d'un renouveau de ces dérives alors que nous savons très bien ce que cela a donné ? Nous pensons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que cet article 4 doit être retiré. Pour ma part, je vous le dis avec toute la force de ma conviction - et cela dépasse à mon avis les clivages politiques -, il ne faut plus mettre les élus devant la situation de faire des choix dans de telles conditions.

D'ailleurs, M. Bernard Saugey, à la page 83 de son rapport que je vous invite tous à lire - mais je ne doute pas que tout le monde l'ait lu -, écrit ceci : « Ces nouveaux contrats dérogeraient à certains principes essentiels » - telle est la position juste du rapporteur -, « parmi lesquels la séparation des missions de maître d'oeuvre et d'entrepreneurs ainsi que le principe selon lequel le maître d'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit. »

Ce seul paragraphe de votre rapport, monsieur Saugey, devrait inciter le Gouvernement à renoncer à cet article 4. En effet, et vous le savez bien, mes chers collègues, cela supprimera l'indépendance et la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre qui travaillera désormais au service d'un groupe privé attributaire du marché et privera le maître d'ouvrage d'un maître d'oeuvre indépendant, susceptible de défendre ses intérêts. M. Yves Dauge s'exprimera tout à l'heure au sujet des architectes.

Quant aux petites et moyennes entreprises, elles sont complètement bafouées par ce texte, et nous devons le leur dire clairement de cette tribune : ou bien elles n'auront pas la taille nécessaire, par rapport aux grandes entreprises, pour répondre à ces marchés - il en sera ainsi dans la plupart des cas -, ou bien il leur faudra en passer par les fourches caudines - les critères, les contraintes - des grands groupes qui auront la possibilité de concourir.

Il est évident que ces dispositions sont totalement contraires aux intérêts des petites et moyennes entreprises de travaux publics et du bâtiment de nos départements. Celles-ci en sont conscientes ; elles nous l'ont fait savoir.

De même, s'agissant des architectes, nous ne pourrons plus procéder comme nous l'avons fait souvent : nous commençions par choisir l'architecte, puis nous lancions une deuxième mise en concurrence pour choisir l'entreprise qui devait construire. Comme nombre d'entre vous, je pense, mes chers collègues, je me suis trouvé dans la situation de devoir choisir un candidat pour la conception et la réalisation. Mais on ne sait jamais si l'on choisit l'architecte ou l'entreprise puisque l'on doit choisir les deux. On est souvent d'ailleurs conduit à renoncer à tel bon architecte parce qu'il n'est pas dans le bon groupement.

En définitive, c'est la grande entreprise qui choisit l'architecte. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que nous recevions de nombreuses lettres d'architectes qui nous font part de leur inquiétude.

M. le rapporteur a déposé un amendement, que nous examinerons sans doute ce soir, qui vise à compléter in fine l'article 4 du projet de loi par une phrase ainsi rédigée : « Elles prévoient les conditions d'un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article. » Très bien ! Mais à partir du moment où tout le système est façonné pour revenir aux METP, les PME et PMI pourront toujours présenter leur candidature, elles n'auront aucune chance ou très peu de chances d'être retenues. Ou alors il faut renoncer au système des METP et prévoir un autre dispositif. Alors, monsieur le ministre, je vous en supplie, retirez l'article 4, qui va engendrer d'énormes problèmes !

Enfin, il ne me semble pas anodin qu'au moment même où ce texte nous est présenté par le Gouvernement paru un projet de décret du ministère de l'économie et des finances ait été rendu public. Ce projet de décret nous a tous étonnés. Nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas une erreur lorsque nous avons lu dans la presse qu'il était question de fixer le seuil à partir duquel un donneur d'ordre public est obligé de publier un appel d'offres à 6,2 millions d'euros. Je ne sais pas si vous concevez les conséquences d'une telle disposition.

M. Eric Doligé. C'est la règle européenne !

M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur Doligé. La commission a fixé à 5 millions d'euros le seuil au-dessus duquel un donneur d'ordre doit lancer un appel d'offres européen. Mais les dispositions européennes ne nous empêchent absolument pas de fixer un autre seuil à partir duquel la mise en concurrence des entreprises sera obligatoire dans notre pays. Or, le seuil qui est proposé entraînera dans la plupart des cas une absence de mise en concurrence.

Si, enfin, vous lisez l'intégralité du projet de décret, vous constaterez que les maîtres d'ouvrage pourront désormais ne fixer qu'un seul critère d'attribution.

Cela signifie que le prix pourra ne pas être un critère d'attribution même au-dessus de 6,2 millions d'euros et que l'attribution pourra dépendre d'autres critères.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte du caractère complètement aberrant de ces propositions.

Mes chers collègues, je pense avoir été assez clair. Au-delà de mesures de simplification administrative tout à fait légitimes, le Gouvernement envisage de prendre des dispositions très importantes dont les conséquences seront néfastes et qui, pour le moins, justifieraient le dépôt de projets de loi devant le Parlement. Pour notre part, nous nous opposons au dessaisissement du Parlement sur des sujets aussi essentiels. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, simplification du droit, simplification administrative, voilà des mots symboles d'une bien belle tâche à laquelle notre gouvernement s'attelle courageusement ! Car si nul n'est censé ignorer la loi, seule une réelle simplification peut rapprocher les Français de leurs lois.

Comment peut-on réellement appréhender et maîtriser une législation dont on évalue difficilement le nombre des éléments puisque les chiffres vont de 300 000 à 400 000 décrets et de 7 000 à 9 000 lois en vigueur ?

L'administré se retrouve ainsi devant un embrouillamini inextricable qui a pour conséquence de rompre l'égalité du citoyen devant la loi. C'est ainsi que seuls les plus avertis - parfois les plus retors - peuvent utiliser à leur avantage tous les textes et, une fois encore, les plus humbles en font les frais.

Bien sûr, certains textes - parfois abscons mais précis - demeurent indispensables et il n'est pas dans votre intention, j'imagine, monsieur le secrétaire d'Etat, de les annuler.

Mais combien de textes poussiéreux, désuets ou obsolètes n'ont pour seul effet que de brider, voire d'empêcher la nécessaire dynamique économique qui seule pourra redonner une croissance positive à la France !

Pour qu'il pousse harmonieusement et donne de beaux fruits, un arbre doit être régulièrement taillé. Il en va de même de notre système juridico-administratif, dont tant de lois et de décrets inutiles, tant de contraintes et de tracasseries forment le bois mort qui étouffe le dynamisme de notre pays. A ne pas y prendre garde, on risque d'asphyxier purement et simplement l'essor économique de la France.

Il faut en effet libérer l'esprit d'entreprise, car moins d'administration c'est plus de développement, donc plus de richesse et plus d'emplois.

Aussi, j'applaudis le texte que le gouvernement nous présente aujourd'hui et qui va précisément dépoussiérer les vieux codes. Nous avons entendu les esprits chagrins objecter qu'il s'agit là d'une loi anti-démocratique qui dessaisit le Parlement de son rôle primordial.

J'y vois au contraire la volonté délibérée du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de tenir les engagements pris voilà un an devant les Français et de mettre en oeuvre une procédure rapide de simplification jamais égalée jusqu'à aujourd'hui.

C'est à ce prix que nous redonnerons la confiance aux Français et les ferons croire de nouveau à la politique.

Il est dès lors tout naturel que le Gouvernement utilise des moyens exceptionnels qui lui sont offerts par la Constitution, en l'occurrence la possibilité de légiférer par ordonnance.

Je voudrais en cet instant évoquer un amendement, voté à l'Assemblée nationale, qui prévoit la constitution d'un conseil d'orientation composé d'élus, mais aussi de représentants de collectivités territoriales. Il s'agit, me semble-t-il, d'un bon moyen pour obtenir une bonne rédaction des textes et éviter certaines erreurs.

Dans le domaine économique, je prendrai l'exemple des artisans et des commerçants, qui sont trop souvent débordés par la masse de documents à traiter, qu'il s'agisse des bulletins de salaires ou des multiples formulaires. Dans ce domaine, un nombre indispensable de facilités doivent être apportées à ces acteurs économiques.

Une autre amélioration est à relever : en matière d'impôt le contribuable ne sera plus tenu de produire au fisc une multitude de justificatifs au moment de sa déclaration de revenus. Il passera ainsi du statut de fraudeur présumé, qui est un peu la situation que nous vivons actuellement, à celui de présumé innocent, ce qui est en droit français une notion de base.

La déclaration sur l'honneur, qui prévaudra aussi dans de nombreuses démarches, est un élément capital de cette confiance que vous allez redonner à tous les Français.

Toutefois, cette confiance doit impérativement être assortie d'un contrôle efficace, qui permettra de débusquer les escrocs et les malhonnêtes. Pour qu'une déclaration sur l'honneur prenne toute sa valeur, il faut que tout mensonge, toute fausse déclaration soit sanctionnée, et ce très durement.

Quant au fameux vote par procuration, c'est une véritable révolution que le Gouvernement nous propose dans ce domaine ! Enfin, chaque Français pourra voter sans s'astreindre à un parcours du combattant même s'il est absent de son domicile le jour du scrutin.

Mais, là aussi, il faudra être très attentif pour éviter toute fraude. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, dont je suis issu, on a eu à déplorer, voilà quelques années, des fraudes massives. Il ne faudrait pas que de telles fraudes puissent se reproduire à la faveur de ce système. Il faut donc être très vigilant et fraire preuve d'une très grande rigueur.

Deux autres aspects méritent d'être relevés.

Tout d'abord, vous envisagez de modifier le code des marchés publics : contrairement à l'orateur précédent, je ne peux que souscrire à cette démarche, car l'extraordinaire complexité de ce code a pour conséquence d'augmenter les délais de réalisation et d'obtenir des résultats inverses de ceux qui sont recherchés en termes de transparence et de coûts.

Ensuite, vous entendez vous atteler à la réforme des procédures d'enquête publique. Une telle réforme est, en effet, indispensable. Trop souvent, des projets vitaux pour le plus grand nombre sont bloqués durant de nombreuses années par certains groupuscules qui ne représentent en définitive qu'eux-mêmes. Il vous faudra alors du courage et de la persévérance, car la route sera longue et difficile pour modifier les habitudes.

Le Gouvernement fait aussi le pari de l'efficacité lorsqu'il propose de diminuer le délai de réponse des administrations aux demandes des usagers.

Il allège également considérablement le système en proposant la mise en commun des informations qu'il faut fournir à différentes administrations. Là encore, efficacité et gain de temps constituent les priorités.

Je n'ai mentionné que quelques exemples glanés dans un texte fondateur du renouveau législatif.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement nous propose enfin de mettre un point final au harcèlement textuel que nous subissons depuis de trop longues années.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'applaudis avec enthousiasme à une telle démarche et je soutiendrai le Gouvernement dans ses choix courageux, modernes et salvateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le secrétaire d'Etat, je concentrerai mon intervention sur l'article 4, dont il a déjà été question.

Je ferai tout d'abord une réflexion sur la méthode. Tout à l'heure, M. Delevoye a insisté sur le dialogue qui se serait instauré entre les différents ministères et les professionnels. Or, après m'être renseigné auprès de certains professionnels, les architectes, qui me tiennent plus particulièrement à coeur - je suis entré en contact avec le président de l'ordre des architectes, avec le président de l'Union nationale des syndicats français d'architectes, l'UNSFA, et le président du syndicat des architectes -, je me suis aperçu que la concertation avait été pratiquement nulle. C'est dommage !

On parle beaucoup des PME et des artisans, un amendement est même déposé par la commission à leur intention ; très bien ! Mais il n'a guère été question de ceux qui sont en charge de la conception. C'est très regrettable et je dois dire que les intéressés sont très inquiets.

Je souhaite donc qu'on les rencontre, qu'on travaille avec eux et que l'on étudie comment rétablir une position que nous devons tous considérer comme centrale dans la construction, notamment dans celle des bâtiments publics.

Je tiens à rappeler que, depuis trois ou quatre décennies, tous les gouvernements ont accompli dans ce pays un énorme effort en matière de commande publique, singulièrement dans le secteur de l'éducation nationale, effort relayé par les régions, dans la construction des lycées, notamment.

La commande publique, c'est d'abord la définition de programmes. Et c'est tout un métier la programmation ! Cela requiert du temps, de la réflexion, une relation très forte avec les concepteurs et les architectes. La France a pris une bonne position par rapport à d'autres pays. Il est incontestable que nous avons fait des progrès considérables dans le domaine de la qualité architecturale.

Or, dans cet article 4, s'il est question de délais, de coûts, il n'est pas dit un mot sur la qualité, sur la conception, sur l'architecture. Il y a pourtant un tel besoin de qualité dans notre pays ! On parle de maîtrise d'ouvrage, mais on pourrait également parler de maîtrise d'usage. C'est toute la relation avec les utilisateurs qui est en cause. J'attire votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, et je suis sûr que tous mes collègues sont d'accord avec moi.

Il faut absolument que nous affirmions haut et fort notre soutien au monde des concepteurs.

Les architectes vivent mal. L'exercice de leur profession exige de gros investissements. Leur formation dure sept ans, puis ils cherchent du travail : ils sont au chômage la plupart du temps, ou bien ils sont mal traités, mal rémunérés. Dans l'établissement du dispositif des nouveaux contrats, je vous demande d'être très attentif à cela, monsieur le secrétaire d'Etat.

Déjà, avec le système des METP, ce n'était pas très brillant ; mais j'ai peur que le nouveau contrat qui nous est proposé ne provoque l'écrasement de cette profession. Les architectes ne seront plus là qu'en tant qu'alibi.

J'ai reçu tout à l'heure un fax reprenant l'argumentaire qu'un grand groupe est en train de diffuser en faveur du nouveau dispositif. Il s'agit d'ailleurs d'un groupe compétent, car un grand groupe n'est pas nécessairement un mauvais professionnel. Nous avons de belles et grandes entreprises en France !

Cet argumentaire vantait donc le dispositif dit des « 3 p », c'est-à-dire le partenariat public-privé, qui devait permettre des délais plus courts - certes, il faut aller vite, mais il faut aussi prendre le temps de l'intelligence -, l'établissement du bail emphytéotique - en l'occurrence, vous le savez, les mesures de publication et de concurrence ne sont pas applicables : pas de publication, pas de concurrence -, des montages déjà éprouvés, une grande sécurité juridique - on en reparlera, parce que je ne suis pas sûr que tout soit aussi simple que cela -, des économies sur le prix de revient global du projet...

A ce propos, savez-vous comment on fait pour réaliser des économies sur le prix de revient global d'un projet ? Un objet qui vaut 100 est négocié à 110, par sécurité. Mais, en droit commun, si le projet vaut 100, il est négocié 90, et on accuse ensuite les architectes d'avoir dérapé : c'est facile à faire !

J'ai pratiqué la maîtrise d'ouvrage sur de grands projets, et je sais de quoi je parle. Je vous dis tout cela franchement en tant que professionnel !

M. Guy Fischer. Vous êtes un des plus compétents en la matière !

M. Yves Dauge. Et l'on va proposer cela aux collectivités locales ! Malheureusement, nombre d'entre elles vont suivre, comme elles ont suivi l'Etat dans sa politique de commandes publiques, notamment les régions qui, je l'ai dit, ont relayé de façon intéressante l'effort de l'Etat en matière de qualité.

Selon cet argumentaire, cela permettra de réaliser des économies sur le prix de revient global d'un projet - le maître d'ouvrage pourra mieux maîtriser le coût technique de l'opération - et sur les concours d'architectes.

Désormais, il n'y aura en effet plus de concours d'architectes. Bravo pour la profession ! Bravo pour les jeunes !

Et leurs honoraires seront moins élevés. Comme ce n'est déjà pas brillant pour eux, ils seront donc laminés.

En plus, les PME vont être écrasées. Pour tenir un prix, le responsable calculera sa marge, puis il fera appel aux petits artisans, aux commerçants qui ne pourront qu'accepter. Mais, malgré l'excellent amendement qui a été déposé et qui sera bien sûr voté, ceux qui seront soumis à ces dispositifs seront écrasés.

C'est clair et net : les candidats doivent pouvoir concourir en toute indépendance. Pourtant - et cela me stupéfie - les précautions d'usage sont écartées. Ni au cours de la construction ni pendant le bail la collectivité ne doit jouer aucun rôle de maître d'ouvrage. C'est pourtant bien la collectivité qui paye, d'une manière ou d'une autre, mais, par précaution, parce qu'il y a un risque de requalification des marchés publics, il lui est interdit de jouer au maître d'ouvrage ! Elle doit disparaître !

M. Guy Fischer. C'est le libéralisme !

M. Yves Dauge. Franchement, cela me désole, monsieur le secrétaire d'Etat, parce que je ne pense pas que ce soit votre objectif.

Mais quelle est l'inspiration qui sous-tend ce raisonnement ? D'où vient-elle ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été en rapport avec le ministère de l'équipement et le ministère de la culture, et je peux vous dire que ces deux ministères sont plus que réservés !

M. Delevoye a certes indiqué qu'il avait beaucoup travaillé avec les ministères. Avec le ministère de l'intérieur, sûrement ! Avec le ministère des finances, certainement ! Avec le ministère de la justice, aussi, car il était pressé de construire les prisons ! Mais le ministère de la culture et le ministère de l'équipement n'étaient pas pressés du tout.

Les responsables de ces deux ministères sont très soucieux, non seulement les fonctionnaires, mais également les ministres et leurs cabinets. Si tel n'est pas le cas, qu'ils disent clairement qu'ils sont favorables à ces dispositions !

Après avoir cité le ministère des finances, je ne peux qu'évoquer le projet de réforme des marchés publics, qui découle de ce projet de loi.

Je suis bien d'accord pour simplifier le code des marchés. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Mais je suis défavorable à certaines dispositions.

Aux termes du code des marchés publics : « L'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins. » Il s'agit là de l'exercice de programmation que j'ai évoqué. Ce qui est capital, c'est la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et la mise en concurrence, ainsi que la choix de l'offre économiquement la plus avantageuse.

C'est le texte actuel. On pourrait le modifier. Mais non ! On le supprime.

C'est trop facile ! On ne ferait plus référence au respect des obligations de publicité, de mise en concurrence, ainsi qu'au choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. C'est invraisemblable ! Au nom de la simplification, une phrase essentielle est supprimée.

Monsieur le secrétaire d'Etat, avec cet article, on est passé du registre de la simplification à un autre ; celui de la destruction de métiers, de professions.

Vous êtes un politique, vous avez le sens des responsabilités, comme nous. Je vous demande donc de ne pas vous laisser entraîner par des technocrates dont on ne sait d'où ils viennent ou des libéraux dont je crois connaître un peu mieux l'origine !... Dans cette affaire, il faut absolument raison garder.

Le comble - et c'est vraiment mauvais sur le plan de la communication - c'est qu'au moment même où l'on veut libéraliser et relever le seuil des marchés sans appels d'offres à six millions d'euros, nous apprenons que le Gouvernement engage un assouplissement des règles pénales en matière de délit de favoritisme.

Ce n'est vraiment pas le jour pour l'annoncer ! En effet, si l'on veut ouvrir le champ d'action des uns et des autres, ce que je trouve dangereux, il ne faut pas, dans le même temps, simplifier les règles pénales en matière de délit de favoritisme. C'est invraisemblable ! C'est vraiment tendre le fouet pour se faire battre !...

Comme mes collègues, MM. Sueur et Amoudry, je vous incite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, à plaider en faveur du retrait des dispositions relatives aux marchés publics de ces mesures de simplification et de codification du droit. Si l'on veut faire évoluer les choses, il faut que le Parlement en discute sérieusement.

Sauvons les professions qui touchent à cet acte essentiel qu'est la conception des bâtiments, qu'ils soient publics ou privés, car loin de moi l'idée de protéger les uns et pas les autres. Il faut accorder une reconnaissance aux architectes et aux artisans.

Avec ces nouvelles dispositions, ces professions vont disparaître. Aucun gouvernement responsable, soucieux de l'intérêt des citoyens, de la beauté architecturale de notre pays, d'un respect minimum de la démocratie ne saurait soutenir un tel dispositif.

Je suis convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous entendrez l'appel que, les uns et les autres, nous vous adressons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est point utile de s'arrêter en cet instant sur l'état des lieux, des milliers de lois, de décrets, ou de circulaires résultant de ce qui est imposé par le droit communautaire et du souci louable de protection de l'individu vers le risque zéro : feuille de paye, reflet de la législation sociale, etc.

La nécessité de simplification fut affirmée maintes fois et j'ai le souvenir, notamment, d'un ministère « des simplifications administratives ».

Aujourd'hui, au sein du Gouvernement, un ministre et un secrétaire d'Etat sont chargés de la réforme de l'Etat, volet - et non des moindres - de la décentralisation dont le Premier ministre disait à Rouen qu'elle est un levier pour la réforme de l'Etat.

Décentralisation, réforme de l'Etat, politique au plus près des citoyens, illustration est faite de cette politique au plus près des citoyens dans une partie - et non des moindres - de la réforme proposée : entre l'administration et les usagers, établissement du principe de confiance, place faite aux déclarations sur l'honneur. Le citoyen passe d'abord.

Divers organismes et institutions sont concernés : les compagnies consulaires et les prud'hommes. Les forces vives de l'économie sont concernées également avec la simplification des formalités visant les entreprises. Il est bien d'autres exemples.

La démarche d'ensemble est bienvenue à mes yeux même si - et ce n'est pas mineur, monsieur le secrétaire d'Etat - telle ou telle mesure proposée suscite pour le moins des réserves.

C'est ainsi que, sur l'article 4, je partage entièrement les sentiments exprimés et les propositions qui seront faites par notre collègue M. Amoudry. Réserves, remarques, incitations à aller plus loin, autant de pistes possibles pour des amendements.

Je veux m'arrêter sur le volet social - m'empressant de dire, dès l'abord, combien j'approuve l'excellent rapport de M. Gérard Dériot - et me livrer, plus précisément, à deux réflexions.

La première concerne le renforcement des pouvoirs détenus par le directeur de l'ARH, l'Agence régionale de l'hospitalisation, interlocuteur incontournable de l'ensemble des acteurs régionaux. Je souscris de ce point de vue à la proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales d'un véritable débat parlementaire sur ce sujet.

Loin de moi, bien évidemment, quelque mise en cause que ce soit des qualités des intéressés, des directeurs de l'ARH. Mais alors que les lois de décentralisation projettent de conférer aux départements les politiques de solidarité, n'est-il pas quelque peu paradoxal d'envisager le transfert de certaines compétences de l'échelon départemental ? En décembre 2002, constatant une fois encore, à propos d'un problème précis, le hiatus fâcheux entre ARH et préfet du département, j'adressais aux ministres concernés une lettre en ce sens.

Ma seconde réflexion concerne les procédures d'agréments délivrés aux entreprises et aux associations de services aux particuliers.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, j'ai déposé une proposition de loi, fruit d'un constat de terrain. Les procédures d'agrément, lourdes et lentes, sont des facteurs de retard d'autant plus regrettables que nous sommes là, monsieur le secrétaire d'Etat, au coeur même de la politique sociale : services aux particuliers, mais aussi garde d'enfants, aide à domicile aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Les conditions d'agrément sont plus sévères et en constante augmentation. Or ces services s'adressent notamment aux personnes âgées, dont le sort ne laisse personne indifférent.

Mettre fin à la nécessité d'obtenir deux agréments successifs, alléger le rôle du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale, le CROSS, renvoyer au pouvoir réglementaire les conditions de délivrance d'agréments sont autant de simplifications au bénéfice tout à la fois de ces personnes fragiles et des emplois de proximité qui sont difficiles à pourvoir bien qu'ils soient des plus recherchés.

Je sais gré au rapporteur d'intéger cette démarche et d'en proposer la mise en oeuvre dans le 2° de l'article 15 de ce projet de loi.

Bien au-delà de ces considérations ponctuelles, certes, mais sur lesquelles j'ai tenu à m'arrêter, je veux vous dire mon espoir, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le succès de cette entreprise courageuse de simplification.

Le Gouvernement saura vaincre les résistances qui ne manqueront pas de se manifester et mener son projet à terme grâce à la concertation et aux débats, toujours souhaitables, et souvent nécessaires, qui s'engageront lors de l'examen des articles.

Au demeurant, j'ai bien noté que, pour M. Delevoye, recourir aux ordonnances n'est pas abuser d'un blanc-seing. Tel est notre souhait. En tout état de cause, rendez-vous est pris avec le Gouvernement pour le projet de loi de de ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, mon intervention portera sur la portée de l'article 4 de ce projet de loi.

Les mesures qui sont envisagées vont profondément bouleverser les règles d'attribution des marchés publics, les relations contractuelles entre la maîtrise d'ouvrage et l'équipe de concepteurs, les relations d'indépendance actuelle des concepteurs à l'égard des entreprises et l'accessibilité aux marchés de construction pour les petites et moyennes entreprises, notamment pour les artisans.

En étendant les dispositions prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 et en les adaptant à d'autres besoins ainsi qu'à d'autres personnes publiques, le Gouvernement souhaite en fait généraliser les procédures de conception-réalisation.

Il n'est pas question pour moi de remettre en cause la nécessité absolue de simplification administrative dans le domaine de la commande publique, car, chacun le sait et le vit aussi au quotidien, l'aboutissement d'un projet est aujourd'hui extrêmement complexe. Il relève de procédures successives, coûteuses, souvent inadaptées aux exigences de délais, voire de financement ou de gestion des ouvrages.

Mais a-t-on bien mesuré les conséquences du recours global à des prestataires privés en regroupant la conception et la construction d'une opération publique, voire son financement et sa gestion, dans un même marché ?

En premier lieu, l'intégration de l'équipe d'ingénierie dans un groupement conception-construction remet en cause le rôle de conseil et d'assistance au maître d'ouvrage du concepteur qui, jusqu'à aujourd'hui, est le garant de la qualité de l'opération en toute indépendance vis-à-vis des entreprises.

C'est précisément cette indépendance indispensable à la défense des intérêts du maître d'ouvrage qui peut disparaître dans un marché « conception-réalisation » et placer l'équipe d'ingénierie sous la tutelle de l'entreprise dont il devra néanmoins être solidaire. Pour l'Etat, pour la collectivité ou pour l'établissement public, il y a donc un vrai risque, qui ne se limite pas à l'absence d'un soutien efficace en amont du projet et pendant sa phase de réalisation. Ce sont aussi la qualité architecturale, la qualité technique et la tenue dans le temps de l'ouvrage qui sont en jeu.

Nous avons tous en mémoire les tristes références des lycées Pailleron ou encore les fameuses piscines Caneton - un programme de mille piscines qui a donné lieu à quelque 250 contentieux - qui ont été construites grâce à des procédés techniques spécifiques par la voie d'un marché unique, sans maîtrise d'oeuvre indépendante.

Cette nouvelle orientation, si elle n'est pas parfaitement encadrée, fera donc apparaître des produits standardisés, qui ne tiennent pas compte des contraintes spécifiques locales ni de la qualité architecturale nécessaire à laquelle de nombreux collègues se sont référés.

La création architecturale, qui est une de nos richesses culturelles fortes, laissera alors la place à des produits banalisés, qui conduiront inévitablement au retour de la politique des modèles, dont on a bien vu les limites dans le temps, ainsi que les dérives.

En deuxième lieu, le concepteur dépendant d'un marché « conception-réalisation » sera solidaire de son groupement et du mandataire, qui, par définition, sera l'entreprise générale cocontractante.

Ce nouveau lien contractuel aura pour effet de placer l'ingénierie au service non plus du projet, mais des intérêts économiques de l'entreprise.

Cette situation aura des incidences sur les choix techniques, sur les modes de construction qui répondront aux exigences de rentabilité avant celles de la qualité du projet.

Or c'est bien de l'équilibre entre ces deux notions que dépend la réussite d'une opération sur le long terme.

De la même façon, en cas de modification des prestations en cours de programme - ce qui n'est pas rare - l'entreprise aura - seule - la maîtrise des choix soumis au maître d'ouvrage sans expertise impartiale du maître d'oeuvre. Il y a, là aussi, un risque de dérive, au mépris de la maîtrise des coûts et des performances techniques des équipements publics.

Enfin, en troisième lieu, cette procédure « conception-construction » va, si elle n'est pas suffisamment encadrée, mettre les opérations dans les mains de quelques groupes du BTP au détriment des PME et des artisans locaux.

En effet, la disparition des appels d'offres par lot aura pour conséquence immédiate, outre l'absence de transparence, l'impossibilité d'accès direct à la commande publique pour ces PME, sauf en rang de sous-traitant, dont on connaît les dérives.

Nous le savons bien : les appels d'offres par lot auront bien lieu, mais dans un second temps, et seront organisés par l'entreprise générale sans contrôle du maître d'ouvrage, à l'exception de l'agrément des sous-traitants.

Toutefois, cet agrément ne constitue pas une garantie d'un juste prix pour la réalisation d'une prestation de qualité, ce qui ne va pas dans le sens des nouvelles notions de mieux-disant préconisées par le code des marchés publics.

Cet agrément ne constitue pas non plus une garantie de paiement pour le sous-traitant si le paiement direct n'a pas été prévu.

Aussi, ces nouvelles formules de marché devront s'accompagner d'une protection renforcée de la notion de sous-traitance pour éviter les risques de déséquilibre économique à l'encontre des petites entreprises et des artisans. Elles devront aussi laisser aux PME et aux artisans un accès équitable à la commande publique.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la procédure « conception-réalisation » répond, certes, à une nécessité de simplification des procédures pour faciliter la réalisation des projets, mais elle doit être fortement encadrée pour éviter des dérives dont les maîtres d'ouvrage, les concepteurs et les petites entreprises pourraient être victimes.

Les expériences similaires au Royaume-Uni, en Belgique ou encore aux Etats-Unis ont mis en évidence les difficultés que je viens d'évoquer et plusieurs rapports autorisés y font référence.

Financement, conception, réalisation, maintenance reposent sur des métiers différents. Créer des liens entre eux dans un contrat unique peut répondre à la nécessaire simplification des procédures et à une meilleure efficacité dans la conduite d'une opération. Mais ce lien nouveau doit être nové autour du maître d'ouvrage en garantissant l'indépendance des prestataires vis-à-vis de l'entreprise générale. C'est de cette nécessaire indépendance que dépendra la qualité des projets.

La commission des lois, par la voix de son rapporteur M. Bernard Saugey, que je remercie pour la qualité de son écoute, a bien entendu les légitimes inquiétudes non seulement des concepteurs, mais aussi des petites et moyennes entreprises.

L'ajout, sur son initiative, par le biais de l'amendement n° 142, de la formule « elles prévoient les conditions d'un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article », devrait permettre d'atténuer les craintes dans ces secteurs d'activité.

Cependant, avec mes collègues Jean-Jacques Hyest, Pierre Fauchon, Philippe Nachbar et Jean-Paul Alduy, je vous proposerai de sous-amender ledit amendement à l'article 4 afin de faire bénéficier de cette équité les architectes.

Par ailleurs, je vous soumettrai un amendement tendant à permettre au maître d'ouvrage de bénéficier d'un lien direct avec un ou plusieurs cocontractants dont les métiers sont bien différents.

Ces intervenants dans l'opération constituent un conseil précieux pour le maître d'ouvrage public dans les choix architecturaux, techniques et financiers, avant et pendant la construction. C'est pourquoi, il peut être utile d'identifier les modalités de leur prestation par la voie de la cotraitance, dans l'intérêt même du projet et du maître d'ouvrage.

C'est le cas non seulement des concepteurs, notamment des architectes, mais aussi parfois des financeurs ou des gestionnaires futurs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les architectes, les bureaux d'étude, les paysagistes qui représentent plus de 200 000 personnes dans notre pays, mais aussi les PME et les artisans, qui sont aujourd'hui très inquiets, attendent de vous des clarifications et l'encadrement nécessaires à ces nouvelles procédures « conception-réalisation » dans les prochaines ordonnances.

C'est pourquoi les réponses que vous voudrez bien apporter à ces interrogations et votre soutien à ces amendements seront un gage fort de compréhension à l'égard de ces acteurs locaux qui ont fait les preuves de leurs compétences et de leur utilité dans l'acte de bâtir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de me réjouir, au nom du Gouvernement, de l'excellente qualité de la discussion générale qui vient d'avoir lieu.

Je veux aussi remercier le rapporteur, M. Saugey, de l'excellence et de la précision de son rapport. Vous avez notamment souligné, monsieur le rapporteur, que, dans le passé, il a beaucoup été question de simplification. Des rapports fleuves ont été élaborés, mais sans jamais être suivis d'effet. Trop souvent, la montagne a accouché d'une souris.

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes et d'engager une entreprise de simplification sans précédent pour laquelle il demande à la majorité de lui faire confiance et de l'habiliter à légiférer par ordonnances.

Je tiens également à souligner la contribution très importante des rapports pour avis des commissions des affaires économiques, des affaires sociales, et des finances, dans lesquels je vois une illustration de la sagesse de la Haute Assemblée : à l'Assemblée nationale, seule la commission des lois a été saisie du texte. Les observations des rapporteurs pour avis seront incontestablement très utiles au Gouvernement.

Je salue notamment les observations du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Fouché, relatives aux bienfaits qu'il attend de la codification, et je le remercie de l'hommage qu'il a bien voulu rendre au projet de loi ; car celui-ci vise à relancer une entreprise que tout le monde s'accorde à reconnaître nécessaire pour faciliter l'accès de nos concitoyens au droit.

Je remercie également M. César d'avoir rappelé que la refonte du code rural a été engagée il y a vingt ans.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Ce projet de loi permettra enfin de la mener à son terme, et vous vous en êtes réjoui.

Je remercie M. Dériot de son excellente contribution portant sur le volet social. Il a rappelé la voie moyenne que s'efforce de suivre le Gouvernement dans un domaine où, naturellement, la complexité est impossible à réduire en raison de la matière même, d'une part, et, d'autre part, de la nécessité d'un dialogue entre les partenaires sociaux et du respect des droits.

En revanche, il est ô combien utile, indispensable et urgent de mettre fin à un excès de législation qui conduit à une complexité telle - vous avez à cet égard cité des chiffres très préoccupants - que l'objectif même de la réglementation ne peut plus être atteint, les populations les plus fragiles n'étant plus en mesure de connaître leurs droits et, par conséquent, de les faire valoir.

Tel est l'esprit même de la réforme qui vous est proposée : essayer de simplifier le droit sans pour autant remettre en cause les droits auxquels sont légitimement attachés nos concitoyens.

Je remercie M. Braun d'avoir fait le lien entre cette entreprise de simplification et la réforme de l'Etat, dont elle est, aux yeux du Gouvernement, un levier essentiel. Il s'agit aussi pour le Gouvernement, je veux le rappeler, de libérer les énergies des fonctionnaires de terrain et de faire confiance à leurs capacités d'initiative. Ce sont actuellement les premiers otages de la complexité des procédures, et on leur fait trop souvent un procès qui est injuste, car ils sont, bien entendu, tenus d'appliquer la loi et les règlements.

En ce qui concerne les aspects de nature plus politique du débat, je soulignerai tout d'abord les points de convergence qui sont apparus au-delà des clivages partisans traditionnels : les orateurs qui se sont succédé ont tous constaté la même nécessité absolue de lutter contre la prolifération réglementaire, qui est malheureusement devenue l'une des caractéristiques de ce que l'on appelle le « mal français ». Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous rappelé, avec des accents divers, qu'il était temps de restaurer la tradition législative qui a longtemps fait notre gloire et notre réputation et de revenir à une langue claire et concise, la loi ne devant poser que des principes fondamentaux - conformément, d'ailleurs, à l'article 34 de la Constitution.

Vous avez également tous insisté sur l'audace du projet de loi, les uns pour s'en réjouir et inviter le Gouvernement à aller plus loin, les autres pour la déplorer et s'inquiéter de l'utilisation qui peut être faite des ordonnances. Il y a là, je crois, un clivage de fond qu'il ne faut pas chercher à dissimuler : on trouve d'un côté un choix dirigiste (Protestations sur les travées du groupe CRC)...

M. Guy Fischer. Non ! Démocratique !

M. Roland Muzeau. C'est la République !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... qui traduit la volonté d'étendre toujours davantage l'empire de la loi et des règlements,...

M. Jean-Pierre Sueur. Caricatural !

M. Guy Fischer. Vous les mettez au service des grandes entreprises !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... et, de l'autre, la détermination du Gouvernement de réduire l'emprise de la loi et des règlements, non pas pour des raisons idéologiques, mais parce qu'il a choisi de miser sur la confiance et sur la responsabilité.

M. Gérard Braun. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Madame Mathon, je vous ai écoutée avec la plus grande attention, et je sais que je ne parviendrai pas à vous convaincre que la simplification est effectivement un choix structurant de la politique d'ensemble que le Gouvernement s'efforce de mener. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, l'a d'ailleurs placée au premier rang de ses priorités, lors de sa déclaration de politique générale, car la vie des Français est devenue beaucoup trop compliquée du fait de la prolifération des textes. Vous vous inquiétez de ce choix, nous l'assumons.

Vous avez également marqué vos craintes au sujet de la cohésion sociale et nationale. Le Gouvernement est au contraire convaincu, madame, que c'est en rendant les textes de loi plus lisibles, plus concrets et plus simples que nous contribuerons à réconcilier nos concitoyens avec les institutions de la République et à redonner toutes ses lettres de noblesse au service public, dont l'image souffre trop souvent de cette complexité et de cette opacité.

Je m'efforcerai aussi, car j'ai été très sensible à son intervention et à son talent, de rassurer M. Jean-Pierre Sueur sur la question du recours aux ordonnances, que les orateurs ont été nombreux à évoquer. Il ne s'agit en aucun cas pour le Gouvernement d'obtenir un blanc-seing, encore moins de se défier des parlementaires. Je rappelle que le texte de l'article 38 de la Constitution donne au Parlement la possibilité d'habiliter le Gouvernement, dans des termes précis et pour une durée limitée, à procéder par ordonnances dans les matières législatives, « pour l'exécution de son programme ». Tel est très exactement le cadre dans lequel nous sommes, et la constitutionnalité du projet de loi ne fait aucun doute, je m'empresse de le souligner. Au demeurant, vous n'avez pas développé beaucoup d'arguments à ce sujet !

Il ne s'agit donc pas - loin s'en faut ! - d'un acte de défiance à l'égard du Parlement. J'y insiste, car vous avez fait mine de vous en étonner, monsieur Sueur, en demandant pourquoi nous recourrions aux ordonnances alors que nous disposons d'une très large majorité, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. C'est précisément parce que nous disposons de cette majorité que nous pouvons lui demander de nous faire confiance pour procéder par ordonnances à partir des objectifs que nous allons définir au cours de la discussion des articles. Car la loi d'habilitation fixe la « feuille de route », et les termes doivent en être suffisamment précis.

Est ici en question la conception même que nous avons d'un Parlement moderne. En effet, on ne peut pas, d'un côté, faire le constat - auquel vous avez souscrit - de la prolifération nocive des textes réglementaires et législatifs et, de l'autre, ne jamais rechercher de remèdes. Comme en matière de dépenses publiques, le temps n'est plus où l'efficacité du Gouvernement ou du Parlement se mesurait à une production croissante de textes, eux-mêmes à l'origine de dépenses publiques en constante augmentation. L'heure est au contraire venue d'évaluer l'efficacité des politiques publiques et notre capacité à clarifier la législation et à diminuer la dépense publique.

Les besoins de notre pays sont aujourd'hui tels que notre premier souci doit être de rendre la dépense publique plus efficace et nos lois plus lisibles. Tel est en tout cas le choix du Gouvernement, et il en assume la responsabilité politique.

Je tiens à remercier M. Poniatowski de son apport à propos de la chasse et de la mise en place du guichet unique, et c'est pour moi l'occasion de saluer la contribution de Mme Roselyne Bachelot-Narquin au projet de loi. Dans ce domaine comme dans d'autres, le Gouvernement souhaite faciliter la vie de nos concitoyens, qui ne comprennent pas le parcours du combattant qu'ils doivent suivre pour effectuer des démarches de la vie quotidienne.

Je souhaite enfin répondre aux inquiétudes légitimes qu'ont exprimées plusieurs orateurs, notamment M. Dauge, mais aussi MM. Amoudry, Mouly et Jarlier, sur l'enjeu de la simplification du code des marchés publics et sur la mise en place du partenariat entre public et privé.

Le Gouvernement entend d'abord corriger la situation actuelle de la législation, dont l'extrême complexité, encore aggravée par la nomenclature et par la récente révision du code des marchés publics, provoque l'insatisfaction et même l'impatience de tous les élus locaux, indépendamment des clivages partisans.

On ne peut pas accepter que les délais de réalisation des ouvrages publics ne cessent de s'allonger du fait de procédures toujours plus complexes. Je rappelle que malheureusement, aujourd'hui, une fois la décision prise sur le plan politique, il faut en moyenne dix ans pour qu'un ouvrage voie le jour, qu'il s'agisse d'une prison, d'un commissariat de police, d'une école, d'une université, d'un pont, d'un viaduc ou de n'importe quel équipement public. Je suis persuadé que cela contribue très fortement à décrédibiliser la parole publique aux yeux de nos concitoyens, qui ne comprennent pas que les annonces ne soient pas suivies d'effet et qui ne se résignent pas à voir les chantiers publics subir des retards toujours plus importants. La réduction des délais est donc tout à fait essentielle.

J'en viens au fond, dont nous aurons de nouveau l'occasion de discuter lors de l'examen des articles. Dans l'esprit du Gouvernement, la simplification du code des marchés publics et l'instauration du partenariat entre public et privé, qui sont d'ailleurs deux sujets de nature différente, ne doivent en aucun cas se traduire par le mépris des professions du bâtiment, des architectes, et encore moins - pour reprendre des formules chocs que certains d'entre vous se sont plu à employer - conduire à « écraser les petites et moyennes entreprises ».

Le Gouvernement a entendu les inquiétudes qui se sont exprimées au sujet des architectes, des artisans, des petites entreprises ou de la maîtrise d'oeuvre. Des amendements portant sur ce point ont été déposés et acceptés par la commission, et il en tiendra compte.

La simplification du code des marchés publics donnera au maître d'ouvrage, qui en conservera l'entier contrôle, la faculté de passer un marché global allant de la conception à la maintenance, au lieu, comme l'exige aujourd'hui ce même code, d'avoir au minimum trois marchés : un premier pour la prestation intellectuelle, un deuxième pour la réalisation des travaux publics et du bâtiment proprement dite, un troisième pour la maintenance ; à quoi s'ajoute d'ailleurs très souvent, en amont, un premier marché pour la programmation, certains l'ont évoqué. Le Gouvernement considère que, loin de diminuer la qualité des bâtiments et des équipements publics, qui, naturellement, doit être l'un des critères majeurs, une telle démarche peut au contraire - je voudrais essayer d'en convaincre ceux d'entre vous qui, légitimement, s'en sont inquiétés - favoriser une appréhension globale en partant des besoins de l'usager : l'école est évidemment destinée d'abord aux élèves et aux enseignants ; quand on construit une prison, on doit se préoccuper des problèmes concrets que posent la surveillance des détenus et leur vie quotidienne ainsi que celle des gardiens...

L'exigence de qualité impose donc de cesser de séparer artificiellement ce qui relève de la maintenance, c'est-à-dire de l'usage quotidien, de ce qui relève de la conception, et nous y reviendrons lors de la discussion des articles.

Quoi qu'il en soit, croyez bien que le Gouvernement prendra le temps de la concertation avec les professions concernées et veillera naturellement à ce que les architectes, les artisans, les petites entreprises et les professions de la maîtrise d'oeuvre aient un accès équitable à ces marchés, dans le respect des règles de la concurrence.

Je remercie l'ensemble des orateurs de la majorité - notamment M. Demuynck, que je n'ai pas encore cité - de leur adhésion à ce projet de loi et de la confiance qu'ils témoignent au Gouvernement dans cette entreprise de simplification, qui, il est vrai, est d'une audace sans précédent.

Le projet de loi vise essentiellement, vous l'avez compris, à rétablir la confiance des usagers et la responsabilité des services publics en modifiant en profondeur les relations entre les uns et les autres. Vous avez insisté à juste titre sur deux innovations majeures : d'une part, l'introduction d'un délai maximal que le service public s'engagera auprès de nos concitoyens à respecter ; d'autre part, l'obligation d'échange et de mutualisation des informations à laquelle seront désormais soumises les administrations. Par ailleurs, la substitution, chaque fois qu'elle sera possible, d'une déclaration sur l'honneur engageant la responsabilité de celui qui la signe aux demandes de pièces justificatives représente un renversement copernicien. L'ensemble de ces mesures sera de nature, me semble-t-il, à transformer réellement l'administration.

M. Jacques Blanc. Eh oui !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Les conséquences de la simplification en matière d'élections et de vote par procuration ont suscité un débat, et c'est bien légitime. S'il existe un sujet auquel les élus de la représentation nationale doivent être sensibles, c'est bien celui des mesures qui pourraient contribuer à la lutte contre l'abstention.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi il faut un projet de loi !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, nous avons tous entendu, sur les marchés, des électeurs nous expliquer qu'ils souhaitaient voter par procuration et que, ne pouvant être présents le jour du scrutin, ils avaient renoncé à le faire en raison de la complexité des justificatifs qui étaient demandés.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il est profondément choquant, et vous l'avez vous-mêmes relevé, que les jurisprudences varient d'un tribunal d'instance à l'autre, d'un commissariat à l'autre, d'une gendarmerie à l'autre.

Enfin, je ne peux pas laisser dire que le maire sera désormais juge et partie.

M. Bernard Frimat. Mais si !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai dit « pourrait être » !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Pour notre part, nous faisons confiance aux élus locaux...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Eh oui !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... et cela constitue peut-être un clivage fondamental entre nous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

En outre, le juge électoral, bien entendu, assumera toujours sa mission de contrôle. Enfin, le ministère de l'intérieur - et je salue ici l'apport de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, à ce projet de loi -, prendra, dans le cadre de l'ordonnance, toutes les dispositions nécessaires pour éviter les fraudes organisées.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ne pas saisir le Parlement d'un projet de loi ? Répondez-nous !

M. Jacques Blanc. Il a répondu !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a fait un choix fondamental, un choix philosophique, entre ceux qui font le pari de la confiance et de la responsabilité - avec, en effet, le problème du contrôle et de la sanction, qui doit être sévère en cas de manquement -, et ceux qui, comme vous, diffusent l'idée d'une société du soupçon. Ce n'est pas parce qu'il y a des tricheurs et des fraudeurs qu'il faut enfermer a priori tous nos concitoyens dans un corset de règles paralysantes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Tel est le choix, fondamental, du Gouvernement.

Ce projet de simplification a vocation à être une extraordinaire libération des énergies : libération des énergies de nos concitoyens, qui ont mieux à faire que perdre leur temps dans des formalités administratives toujours plus empoisonnantes ; libération des énergies des fonctionnaires, aussi, notamment de ceux qui sont au contact du public et auxquels il faut rendre hommage.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Les fonctionnaires, eux aussi libérés de la complexité des procédures et débarrassés de ce que leur mission a de plus ingrat et de plus répétitif, pourront alors développer l'aspect plus enrichissant de leur métier et, notamment, se mettre à l'heure de la révolution numérique pour épouser leur temps, comme ils y aspirent. En effet, sans la simplification en amont des procédures, la numérisation ne peut produire tous ses effets, car elle ne concerne que ce qui est reproductible.

Enfin, je ne saurais terminer sans évoquer la libération des énergies des territoires et des acteurs de terrain. Il faut faire le pari que notre pays est riche de réserves d'initiatives et d'énergies, et qu'il suffit de les mobiliser, de les laisser s'exprimer pour que, enfin, nos concitoyens retrouvent confiance dans les institutions de la République, que nous avons tous reçues en partage. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Question préalable (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 63 tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (n° 262, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette question préalable, qui a pour objet le rejet du projet de loi, porte tant sur les mesures qui nous sont proposées que sur le contexte dans lequel elles sont prises.

L'utilisation de l'article 38 - je reviendrai sur ses modalités de mise en oeuvre - est un moyen, pour le Gouvernement, de se substituer au législateur. C'est une atteinte aux principes républicains, au premier rang desquels figure la séparation des pouvoirs.

Cet article 38, les parlementaires communistes l'ont toujours dénoncé, quels que soient les gouvernements qui l'ont mis en oeuvre. Que ceux qui en doutent relisent le Journal officiel !

Cette constance dans notre attitude mérite d'être soulignée, tant l'attitude changeante de certains est surprenante et même choquante sur le plan éthique.

Je rappelle les termes du premier alinéa de l'article 38 : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. » Aujourd'hui, on recourt à cet article, alors même que nous assistons à une dévalorisation du débat démocratique au sein du Parlement.

Nous éprouvons, depuis des mois maintenant, la méthode du gouvernement de M. Raffarin. Elle procède, il est vrai, d'une entreprise de communication très professionnelle. Les effets d'annonce sur les projets gouvernementaux donnent l'illusion de débats avant que les parlementaires aient été informés et, bien entendu, avant même qu'ils aient confronté leurs opinions.

Une fois les projets soumis aux parlementaires, on constate que, en réalité, le débat est réduit à la portion congrue. Depuis le mois de juillet dernier, Gouvernement et majorité ont combiné procédure d'urgence et vote conforme sans retenue, et sur des sujets particulièrement lourds : la justice, la sécurité, la décentralisation, les modes de scrutin ! L'urgence est encore prévue sur la Corse !

Du fait de la cadence imposée aux parlementaires, l'Assemblée nationale et le Sénat, loin d'être des lieux d'élaboration de la loi, sont cantonnés dans un rôle de chambre d'enregistrement des projets de loi.

Les commissions, les parlementaires disposent-ils réellement de temps pour prendre le pouls de notre pays sur tel ou tel projet ? De toute évidence, non !

Le retour de l'article 49-3, alinéa 3, son utilisation mouvementée par M. Raffarin, à l'occasion du vote d'un texte qui, par principe, aurait dû y échapper, puisqu'il s'agissait d'une réforme électorale, marqua de manière encore plus nette la volonté du Gouvernement d'imposer coûte que coûte son point de vue aux assemblées.

Article 49-3, urgence, vote conforme, cadence renforcée et précipitation, le bilan de dix mois de débats législatifs est particulièrement négatif en termes de respect des droits du Parlement.

Ces propos, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, ne relèvent pas de l'affabulation d'opposants systématiques et partisans. Des membres éminents de l'UMP, à commencer par le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, ont émis le souhait d'un allégement de l'ordre du jour et d'une meilleure considération du Parlement.

Or, avec ce projet de loi dont nous entamons la discussion, le Gouvernement répond de manière bien curieuse à M. Debré et à tous ceux qui s'inquiètent des mauvaises conditions du débat parlementaire. En effet, le Gouvernement allège le travail des assemblées... en leur retirant leur compétence législative sur un nombre particulièrement élevé de questions.

Ne l'oublions pas, lorsque le Parlement autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances, il s'automutile !

Ce débat constitutionnel n'est pas technique. Les habitants de notre pays doivent être informés du fonctionnement des institutions.

La Constitution de 1958 a été, à juste titre, dénoncée comme une constitution autoritaire qui concentre beaucoup trop de pouvoirs dans les mains de l'exécutif.

La restriction du domaine législatif au profit du domaine réglementaire par la répartition effectuée entre les articles 34 et 37 de la Constitution manifeste cette volonté, tout comme les articles 49, alinéa 3, ou 44, alinéa 3, qui permettent au Gouvernement de couper court aux discussions ou de les corseter.

L'article 38, dont l'utilisation devrait être exceptionnelle, vient parfaire l'arsenal dont dispose le pouvoir exécutif.

Il est indéniable que le caractère autoritaire de la Constitution de 1958 a participé de manière importante au sentiment, fondé, de l'éloignement des centres de décision. Le Parlement, qui est censé être le moyen d'expression permanent de la démocratie, est écrasé par le couple Président de la République - Gouvernement : il ne dispose plus réellement des moyens d'assurer la fonction de représentation démocratique.

Je l'évoquais à l'instant, les critiques formulées à l'encontre du recours à l'article 38 sont venues de toutes les travées, bien entendu, plus ou moins sévères selon la période politique.

Ainsi, le 25 octobre 2000 venait en débat un projet de loi d'habilitation autorisant le Gouvernement à transposer cinquante et un textes européens. Notre groupe, qui avait également déposé à l'époque une question préalable, n'avait pas été le seul à s'éléver contre l'abaissement des pouvoirs du Parlement.

M. Hoeffel, alors rapporteur de la commission des lois, n'y avait pas été par quatre chemins. Il s'interrogeait : « Au fond, n'est-ce pas la démocratie qui est en cause ? » Il expliquait plus loin : « La multiplication des habilitations est périlleuse, car il existe un risque que les ordonnances ne soient jamais ratifiées par le Parlement. » Il concluait, dans son rapport écrit, à « une banalisation périlleuse du recours aux ordonnances. »

M. Hoeffel avait été suivi, à l'époque, par l'ensemble de la majorité sénatoriale, à commencer par les rapporteurs pour avis. M. Richert avait rappelé les réserves de la commission des affaires culturelles sur le recours aux ordonnances et M. Poniatowski avait même évoqué « l'escamotage du débat ».

M. Haenel, enfin, dont nous connaissons et saluons l'engagement parlementaire, avait déclaré : « Même si le recours aux ordonnances est une procédure constitutionnelle, nous ne devons pas sous-estimer l'ampleur de l'atteinte qui est portée aux droits du Parlement. »

Ces critiques, sévères et nombreuses, se sont évaporées avec le changement de gouvernement.

M. Saugey, rapporteur de la commission des lois, se contente de noter que « l'habilitation demandée s'avère particulièrement importante ». C'est bien le moins qui puisse être fait, alors que trente lois doivent être édictées dans le cadre de cette habilitation, et quinze codes modifiés et créés.

M. Plagnol, lui-même, avait d'ailleurs reconnu que « cette loi était d'une ampleur sans précédent sous la Ve République ».

M. Pascal Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, avait tout de même émis une critique un peu plus forte, considérant, en effet, que « la méthode retenue pouvait susciter des interrogations et des inquiétudes, l'habilitation législative demandée revêtant une ampleur sans précédent ».

Nous sommes pourtant bien loin des critiques de l'année 2000.

Comment apprécier cette évolution radicale de l'opinion de la majorité sénatoriale ? S'agit-il de la mise au placard d'arguments politiciens de circonstance ? C'est possible.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Non !

M. Roland Muzeau. Je crois, cependant, que cette attitude dénote le phénomène plus grave que M. Haenel avait, à sa manière, dénoncé en 2000. Ce sont les droits du Parlement qui sont en cause, et la majorité d'aujourd'hui accepte cette attaque contre l'institution parlementaire, car elle prend place dans un remodelage d'ensemble des institutions nationales au sein du cadre européen.

Comment ne pas s'interroger sur la place du Parlement national dans la nouvelle « organisation décentralisée de la République », chère à M. Raffarin ?

Quel sera le futur cadre d'expression collective de la démocratie dans une France écartelée entre les décisions européennes et les potentats locaux ?

La nouvelle gouvernance prônée par le Premier ministre s'apparente de plus en plus à un émiettement de la démocratie.

Certains s'inquiètent d'une société postdémocratique, où régneraient l'apparence de débat et la manipulation médiatique et où triompherait l'intérêt particulier au détriment de l'intérêt général. Ils ont raison !

La restauration des pouvoirs du Parlement constitue un enjeu démocratique considérable.

L'utilisation massive de l'article 38 prévue par le Gouvernement se révèle très dangereuse, utilisation massive puisque, au-delà du présent texte, le Gouvernement annonce un second projet d'habilitation pour l'automne, également très vaste, qui concernerait la modernisation du droit administratif et comporterait un volet social important.

Par ailleurs, au moins une loi d'habilitation serait présentée chaque année.

Nous assistons, sans nul doute, à un dévoiement de la Constitution, qui donnait un caractère exceptionnel à l'utilisation des ordonnances.

L'intégration, dans le projet de loi, sur l'initiative de MM. Madelin et Novelli, d'un article 1er A instituant un « conseil de surveillance » chargé, en quelque sorte, d'accompagner la réforme de l'Etat, dans le cadre des ordonnances, en bonne et due place du Parlement lui-même, nous inquiète tout particulièrement et révèle les intentions du Gouvernement : il s'agit bien, à l'origine, d'une de vos suggestions, monsieur le secrétaire d'Etat.

Vous l'aurez constaté, ma question préalable tend au rejet d'un texte qui s'inscrit dans un mouvement plus général de mise en cause du droit du Parlement et, par là même, de redéfinition de l'architecture institutionnelle de notre pays.

Mon amie Josiane Mathon a détaillé, dans la discussion générale, les différents points du projet de loi qui auraient nécessité une discussion approfondie au sein du Parlement : nouvelle réglementation des marchés publics, réforme hospitalière, seuils d'effectifs dans l'entreprise, droit du licenciement et, bien entendu, réforme de l'Etat, ne peuvent pas, d'un point de vue démocratique, ne pas être soumis au débat parlementaire.

On nous promet des débats a posteriori sur les projets de loi de ratification, mais c'est l'Arlésienne ! Les projets de loi de ratification, on en parle beaucoup, mais on ne les voit jamais !

De plus, comme l'indiquait M. Hoeffel il y a deux ans, la multiplication des habilitations entraînera, de fait, la raréfaction des ratifications. En effet, si ces dizaines de lois étaient ratifiées, l'ordre du jour serait tout autant encombré.

Monsieur le président, mes chers collègues, si nous signions un blanc-seing au Gouvernement l'autorisant à légiférer par ordonnances sur ce que bon lui semble, aujourd'hui comme demain, nous prendrions une lourde responsabilité quant au devenir de l'institution parlementaire.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen prennent, eux, leurs responsabilités : ils vous proposent le rejet de cette loi par le vote de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Monsieur le président, comme certains d'entre nous sont vraisemblablement en état d'hypoglycémie, je vais essayer d'être bref ! (Sourires.)

Je rappellerai simplement que la commission des lois souscrit pleinement à la démarche du Gouvernement et aux objectifs du projet de loi. Je ne peux d'ailleurs que m'étonner de voir nos collègues tenter d'opposer au texte cette motion. On pourrait penser qu'ils sont peut-être hostiles à la simplification de notre droit : sûrement pas ! On pourrait penser qu'ils sont contre une plus grande lisibilité de notre droit : sûrement pas ! On pourrait aussi penser qu'ils sont défavorables à l'amélioration des rapports entre les usagers et leur administration, mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ?

Non, vraiment, loin d'être inutile ou prématurée, la simplification de notre droit constitue, à notre avis, un impératif et, sur ce point, les gouvernements qui se sont succédé n'ont que trop tardé pour agir.

Aujourd'hui, le Gouvernement choisit de s'engager résolument dans la voie de la simplification administrative. Je crois qu'il convient de le soutenir pleinement dans cette vaste tâche.

La commission est donc défavorable à l'adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. L'argumentation de M. Muzeau recèle quelques contradictions majeures.

Première contradiction : adopter la question préalable revient à décider qu'il n'y a pas lieu de légiférer.

Or ressortent précisément de l'argumentation de M. Muzeau les enjeux du texte, ce qui ne l'empêche pas d'accuser le Gouvernement de vouloir aller trop loin ! Comment, dans ces conditions, prétendre sérieusement que la question préalable est fondée ?

Deuxième contradiction : M. Muzeau reproche au Gouvernement d'escamoter le débat, de court-circuiter le Parlement, de porter atteinte aux droits sociaux. Or, monsieur Muzeau, si votre motion était adoptée, le débat que vous souhaitez n'aurait pas lieu ! C'est justement à un débat article par article que le Gouvernement entend se livrer.

Enfin, troisième contradiction : vous avez, non sans une certaine honnêteté, reconnu que votre parti s'était toujours opposé à l'esprit que le général de Gaulle avait voulu insuffler dans la Constitution. Or, dans cet esprit, et selon le partage opéré par les articles 34 et 37, la loi ne devrait définir que des principes fondamentaux.

Le Gouvernement entend, dans ce texte et dans ceux qui lui feront suite - car l'entreprise de simplification ne s'arrêtera pas là - restaurer une certaine pratique des insititutions et revenir à l'esprit de la Constitution de 1958.

Vous avez fait mine, monsieur Muzeau, de craindre un éparpillement démocratique, voire l'avènement d'une société postdémocratique, et le démantèlement du Parlement de la nation. Mais c'est probablement quand le Gouvernement et le Parlement débattent, à loisir et à longueur de temps, de sujets mineurs que l'autorité de la loi comme l'image de la représentation nationale sont affaiblies !

M. Jean-Pierre Sueur. Le code électoral, c'est mineur !

Le débat politique au sein de la représentation nationale doit se recentrer sur l'essentiel pour retrouver sa noblesse.

La statue de Portalis est là pour nous rappeler que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires,...

M. Jean-Pierre Sueur. Les marchés publics, c'est mineur !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... mais il y a là une divergence fondamentale entre nous.

Par ailleurs, je me réjouis de constater que le parti communiste s'est finalement converti aux bienfaits de la démocratie parlementaire « bourgeoise » et qu'il défend aujourd'hui ces droits formels qu'il méprisait naguère. La démocratie parlementaire n'a cependant jamais eu pour vocation, dans l'esprit de ses initiateurs et de ses concepteurs, de se cantonner à des sujets secondaires !

M. Jean-Pierre Sueur. Comme les marchés publics ou les PME !

M. Guy Fischer. Ou comme la réforme hospitalière !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement demande au Parlement de lui fixer sa feuille de route et de lui faire confiance : ce sera l'objet du débat que nous aurons si la question préalable est rejetée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela est donc très secondaire !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 63, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

151313306154105201 Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 1er A

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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NOMINATION D'UN MEMBRE

D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que le groupe de l'Union centriste a proposé une candidature pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Christian Gaudin membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

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SIMPLIFICATION DU DROIT

Suite de la discussion d'un projet de loi d'habilitation

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

La discussion générale a été close.

Nous passons donc à la discussion des articles.

Chapitre Ier

Mesures de simplification de portée générale

Question préalable (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 1er

Article 1er A

M. le président. « Art. 1er A. - Un Conseil d'orientation de la simplification administrative formule toute proposition pour simplifier la législation et la réglementation ainsi que les procédures, les structures et le langage administratifs.

« Il est composé de trois députés, de trois sénateurs, d'un conseiller régional, d'un conseiller général, d'un maire ainsi que de deux membres du Conseil économique et social et de quatre personnalités qualifiées.

« En cas de besoin, les dispositions du présent article sont précisées par décret. »

Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 99 est présenté par M. Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 144, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : "ainsi que", supprimer les mots : "de deux membres du Conseil économique et social et". »

L'amendement n° 4, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer le mot : "quatre" par le mot : "six". »

L'amendement n° 5, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa de cet article. »

La parole est Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 86.

Mme Josiane Mathon. L'article 1er A, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de M. Madelin, vise à instaurer un conseil d'orientation de la simplification administrative.

En déposant son amendement, M. Madelin avait en vue la création d'une structure d'accompagnement du Gouvernement sur ce qui sera, en fait, une longue route, à savoir la préparation des ordonnances. Il jugeait en effet nécessaire d'établir une liaison permanente entre les élus, en particulier les parlementaires, et les services du ministère. Le conseil dont la création est proposée remplacerait l'actuelle COSA, la commission pour les simplifications administratives, instituée par un décret en date du 3 décembre 1998.

Vous avez approuvé cet amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, en soulignant qu'il était éminemment souhaitable que les parlementaires soient associés à chaque étape du processus de simplification. De telles déclarations sont pour le moins surprenantes puisque, dans le même temps, il nous est suggéré de nous dessaisir de nos prérogatives.

Si vous voulez vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, associer les parlementaires à l'élaboration, à l'évolution et à la simplification des règles de droit, commencez donc par renoncer à ce projet de loi, qui a pour objet de permettre au Gouvernement de contourner le débat parlementaire dans des domaines essentiels pour la vie des Français et l'avenir du pays ! Cessez de recourir à l'article 49-3 de la Constitution, de déclarer l'urgence pour les textes que nous avons à examiner, comme l'a fait le Gouvernement dans la plupart des cas depuis juin dernier.

La démocratie exige que les députés et les sénateurs puissent jouer leur rôle. Nous avons des responsabilités envers nos concitoyens, et ce ne sont pas quelques sièges au sein d'un conseil restreint qui nous permettront de les assumer. C'est là un véritable marché de dupes.

Les sénatrices et les sénateurs de mon groupe refusent de se dessaisir de leurs prérogatives. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article 1er A.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 99.

M. Jean-Pierre Sueur. Je regrette que M. le secrétaire d'Etat n'ait pas répondu aux questions que nous avons posées tout à l'heure, lors de la discussion générale. Nous lui avions alors demandé pour quelles raisons il ne pensait pas possible de saisir le Parlement d'un projet de loi ordinaire s'agissant, d'une part, des réformes électorales et, d'autre part, des marchés publics. Nous n'avons obtenu aucune réponse !

Le présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à recourir à des ordonnances. Or celui-ci a lui-même indiqué qu'il avait besoin d'un délai de douze à dix-huit mois : il est clair que cela laisse le temps d'élaborer un projet de loi relatif aux marchés publics - sujet essentiel - et un autre sur les questions électorales. Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué des « sujets mineurs ». Mais ni le code électoral ni les marchés publics ne sont des sujets mineurs ! Par conséquent, quels arguments le Gouvernement peut-il avancer pour justifier le recours à des ordonnances sur ces deux thèmes précis ?

S'agissant maintenant de l'amendement n° 99, j'ai déjà souligné, lors de la discussion générale, qu'il était pour le moins paradoxal et presque humiliant de dire aux parlementaires que, la législation et la réglementation étant trop complexes et les commissions trop nombreuses, on va créer un conseil d'orientation de la simplification administrative qui comprendra trois sénateurs et trois députés,...

M. Robert Bret. Choisis au sein de l'UMP !

M. Jean-Pierre Sueur. ... que l'on voudra bien consulter sur les textes. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi vous trouvez opportun de prévoir que le Parlement soit consulté par le biais de ses représentants au sein d'un conseil supplémentaire, alors qu'il pourrait tout à fait jouer son rôle en débattant des projets de loi que vous pourriez lui soumettre. Cela nous ramène à la question précédente : nous ne comprenons pas pourquoi vous choisissez de recourir à des ordonnances sur des sujets essentiels, alors que la procédure parlementaire normale pourrait être suivie.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je serais très heureux d'entendre vos réponses.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 144.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Avant d'exposer cet amendement portant sur la composition du conseil d'orientation de la simplification administrative, je voudrais répondre brièvement aux interpellations des orateurs de l'opposition.

Vous avez dit, monsieur Sueur, que vous ressentiez comme humiliant, pour les parlementaires, le fait d'être consultés par le biais d'un conseil restreint sur la simplification administrative.

M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit de lois !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je vous ai écouté tout à l'heure sans vous interrompre, monsieur Sueur ; laissez-moi maintenant vous répondre : notre échange porte bien sur l'article tendant à créer le conseil d'orientation de la simplification administrative.

Le gouvernement précédent, que vous souteniez, a été à l'origine de la création de la COSA, qui constituait une première étape. La proposition qui vous est faite aujourd'hui vise à instaurer un conseil dans lequel les parlementaires seront majoritaires et qui sera probablement présidé, s'il en décide ainsi, par un parlementaire. Il s'agit d'une innovation majeure. Ce conseil aura vocation à être une instance de proposition, indépendante et permanente, en vue de toute simplification, non seulement dans le domaine législatif, mais d'abord et surtout dans le domaine réglementaire.

En effet, très souvent - et ce point suscite des plaintes sur toutes les travées à l'occasion de chaque débat parlementaire -, la complexité réside dans les textes réglementaires : on dénombre un peu plus de 8 000 lois, contre quelque 100 000 décrets, auxquels s'ajoutent chaque année, je le rappelle, plusieurs milliers de circulaires ! Il faut donc travailler sans relâche à résoudre ce problème.

A cet égard, le Gouvernement ne fait à mon sens nullement montre d'indifférence à l'égard des parlementaires en permettant pour la première fois qu'une instance indépendante joue, dans ce vaste domaine, un rôle permanent de proposition. Ce conseil, j'en suis sûr, aidera grandement l'exécutif, au-delà d'ailleurs des clivages partisans, à s'atteler à cet immense chantier.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 144, qui vise précisément la composition du nouveau conseil. Le Gouvernement souhaitant que les élus y soient majoritaires, nous suggérons que le nombre des personnalités qualifiées représentant en son sein le monde économique et les professionnels du droit soit limité à six. La commission des lois du Sénat désirant porter de quatre à six l'effectif des personnalités extérieures qui seront nommées, nous proposons de supprimer la représentation du Conseil économique et social, afin de préserver l'équilibre de la composition d'une instance qui devra être, je n'hésite pas à employer cette expression, une « commission de la hache », dont la mission sera de formuler des propositions visant à restreindre l'inflation des textes réglementaires et législatifs. C'est là, je le répète, une innovation majeure.

M. Roland du Luart. Enfin ! Vous avez raison !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 4 et 5, ainsi que pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 86, 99 et 144.

M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 4 est lié au précédent, comme vient de l'indiquer M. le secrétaire d'Etat. Afin d'assurer une large concertation entre les élus et les personnalités qualifiées siégeant au sein du conseil d'orientation de la simplification administrative, il convient de porter de quatre à six le nombre de ces dernières.

M. Roland du Luart. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Quant à l'amendement n° 5, il a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l'article 1er A. En effet, il est inutile de mentionner que les dispositions du présent article seront précisées en tant que de besoin par décret, puisque le Gouvernement est toujours compétent pour prendre les décrets d'application qui s'imposent, même lorsque le législateur ne l'y invite pas expressément.

S'agissant des amendements identiques n°s 86 et 99, la création d'une instance d'orientation, d'impulsion et de surveillance des travaux de simplification administrative, sur les plans tant législatif que réglementaire, se justifie pleinement à nos yeux. Certes, monsieur Sueur, cela fera une commission de plus, mais le présent projet de loi permettra la suppression de plusieurs dizaines, voire d'une centaine d'autres !

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il ne s'agit nullement de masquer un quelconque dessaisissement du Parlement. En conséquence, la commission est défavorable aux amendements n°s 86 et 99.

L'amendement n° 144 a été déposé assez tardivement et n'a donc pu être examiné par la commission des lois. Cependant, à titre personnel, je ne vois pas d'objection à la suppression de la représentation du Conseil économique et social. Des membres de ce dernier pourraient d'ailleurs être nommés en qualité de personnalités qualifiées au sein du conseil d'orientation de la simplification administrative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 86, 99, 4 et 5 ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 86 et 99. En outre, il est favorable aux amendements n°s 4 et 5.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 86 et 99.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 144.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes opposés à l'amendement n° 144, ainsi qu'aux amendements suivants et mon explication de vote vaudra aussi pour ceux-ci.

Tout d'abord, je tiens à le souligner, M. le secrétaire d'Etat n'a toujours pas répondu à la question que je lui ai posée et que je réitère. Je ne comprends pas en vertu de quel argument le Gouvernement considère qu'il est justifié de refuser de proposer une loi ordinaire s'agissant, d'une part, des marchés publics et, d'autre part, des élections. Puisque aucun argument ne nous est opposé et dans la mesure où je refuse, comme vous tous sans doute, le principe d'autorité, j'essaie de comprendre. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous persistez dans votre mutisme à cet égard. Aussi, j'espère que vous voudrez bien nous gratifier d'une explication. Si tel n'est pas le cas, il faut supprimer l'article 4 et les articles relatifs aux dispositions électorales.

Par ailleurs, nous sommes opposés à ces amendements car, en prévoyant la présence de six personnalités dites qualifiées et en supprimant au passage les représentants du Conseil économique et social, il s'agit, si j'ai bien compris, de rafistoler un dispositif dont le principe est choquant. En effet, cet organisme statuera non seulement sur des simplifications administratives, mais également dans le domaine législatif. Venir dire aux parlementaires : « Ne vous plaignez pas car, dans le cadre d'un conseil au sein duquel siégeront trois sénateurs et trois députés, vous serez consultés, auditionnés, on voudra bien vous entendre », alors qu'il s'agit de lois, c'est, à nos yeux, inacceptable. On pourrait l'admettre s'agissant de sujets mineurs. Mais puisque ce projet de loi d'habilitation porte également sur des sujets essentiels, nous ne l'acceptons pas, d'autant que le Gouvernement n'a pas répondu à nos questions.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas accréditer l'idée selon laquelle le Gouvernement ne veut pas répondre à M. Sueur.

Monsieur le sénateur, je vous ai déjà répondu lors de la discussion générale. S'agissant des deux sujets, quasi obsessionnels, qui sont les vôtres, à savoir les dispositions à caractère électoral et la modification de la législation relative aux marchés publics, nous examinerons deux articles spécifiques, sur lesquels nous aurons sans doute un débat nourri et conséquent, ce qui est d'ailleurs légitime. A ce moment-là, bien entendu, je vous répondrai, comme je l'ai déjà fait.

Je reviens d'un mot sur l'instance dont le Sénat va voter la création et sur sa composition.

Monsieur Sueur, je ne comprends toujours pas vos objections. A l'heure actuelle, deux commissions fort importantes, dont l'une a été mise en place par le gouvernement précédent, traitent de simplification, y compris, bien sûr, dans le domaine législatif. Il s'agit, d'une part, de la commission de la codification, au sein de laquelle siègent des parlementaires, des représentants du Sénat - et non des moindres - et des représentants de l'Assemblée nationale. Il s'agit, d'autre part, de la commission pour les simplifications administratives, la COSA.

Les parlementaires qui siègent dans ces commissions font un travail extrêmement utile et précieux, et nous allons d'ailleurs ratifier leur travail dans un instant. Ils soulignent tous que des aménagements techniques à droit constant sont nécessaires et qu'il faut mettre en place une instance indépendante, dominée par des parlementaires, pour faire des propositions permanentes de simplification, d'allégement du droit dans le domaine législatif et dans le domaine réglementaire.

Le dispositif proposé constitue une innovation audacieuse, qu'aucun gouvernement précédent n'avait acceptée. Il s'agit, je le rappelle, d'une initiative parlementaire, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale. S'il est une mesure emblématique de la volonté du Gouvernement non seulement d'associer les parlementaires, mais aussi, en amont, de leur permettre de faire part de leurs propositions, car ils sont l'émanation du suffrage universel, c'est bien la création de ce conseil d'orientation, qui est loin d'être un alibi ou un détail. Dans l'esprit du Gouvernement, il devra jouer un rôle essentiel, puisque le chantier de la simplification s'inscrit dans la durée, à savoir la présente législature.

M. Michel Bécot. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.

(L'article 1er A est adopté.)

Art. 1er A
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. additionnel après l'art. 1er

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes dispositions modifiant les règles des procédures administratives non contentieuses, aux fins de :

« 1° Simplifier les démarches des usagers :

« a) En réduisant le nombre de pièces ou démarches demandées aux usagers, ainsi que la fréquence selon laquelle celles-ci sont exigées ;

« b) En modifiant les conditions d'élaboration, de révision et d'évaluation des formulaires administratifs ;

« c) En substituant des déclarations sur l'honneur à la production de pièces justificatives et en précisant corrélativement les conséquences qui s'attachent à l'éventuelle inexactitude de ces déclarations ;

« c bis) En substituant des régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation administrative préalable ;

« d) En organisant, dans le respect des règles de protection de la liberté individuelle et de la vie privée établies par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la transmission de documents entre les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics qui en relèvent, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d'une mission de service public ;

« 2° Réduire les délais d'instruction des demandes et accélérer la prise de décision, en déterminant les procédures pour lesquelles les autorités administratives et services publics mentionnés au d du 1° indiquent aux usagers le délai dans lequel est instruite leur demande ;

« 3° Simplifier la composition et le fonctionnement des commissions administratives et réduire le nombre de celles des commissions qui ont un caractère consultatif. »

Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 87, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 6, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots : "auprès des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics qui en relèvent, des organismes de sécurité sociale et des autres organismes chargés d'une mission de service public :". »

Les deux amendements suivants sont présentés par M. Charasse.

L'amendement n° 106 rectifié est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa (a) de cet article, après les mots : "aux usagers", insérer les mots : "à celles qui sont strictement nécessaires". »

L'amendement n° 107 rectifié est ainsi libellé :

« Dans le cinquième alinéa (c) de cet article, après le mot : "substituant", insérer les mots : "chaque fois que l'intérêt public l'exige et sans préjudice des règles fixées par les collectivités territoriales pour ce qui les concernent,". »

Les deux amendements suivants sont présentés par M. Saugey, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 7 est ainsi libellé :

« Supprimer le sixième alinéa (c bis) de cet article. »

L'amendement n° 8 est ainsi libellé :

« Dans le septième alinéa (d) de cet article, remplacer les mots : "les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics qui en relèvent, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d'une mission de service public" par les mots : "les autorités administratives et services publics visés au deuxième alinéa du présent article". »

Le sous-amendement n° 145 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Compléter le dernier alinéa de cet amendement n° 8 par les mots : "ainsi que les organismes de protection sociale et les caisses professionnelles de congés payés". »

Les deux amendements suivants sont présentés par M. Saugey, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 9 est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (2°) de cet article, remplacer la référence : "au d) du 1°" par la référence : "au deuxième alinéa du présent article". »

L'amendement n° 10 est ainsi libellé :

« Après les mots : "réduire le nombre", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa (3°) de cet article : "des commissions à caractère consultatif. Lorsque l'exercice d'une liberté publique ou le principe de libre administration des collectivités territoriales est en cause, une consultation doit être maintenue." »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 87.

Mme Josiane Mathon. En soutenant ce projet de loi, M. Delevoye a évoqué quatre exigences : proximité, confiance et citoyenneté, clarification des responsabilités, performance. Il a indiqué que les mesures seraient précisées au fur et à mesure de la rédaction des ordonnances.

Cependant, il y a de quoi s'inquiéter ! Vous nous demandez, monsieur le secrétaire d'Etat, d'approuver par anticipation des dispositions qui, pour l'heure, sont floues, voire inconnues. Pour notre part, nous nous y refusons. Vous nous demandez également d'approuver sans les connaître les moyens dégagés pour mettre en oeuvre les mesures de simplification qui seront décidées. Par exemple, vous renforcez le régime déclaratif sur l'honneur. Mais quelles seront les possibilités concrètes de contrôle a posteriori, quand on sait que, depuis bien des années, il manque de nombreux contrôleurs et inspecteurs dans des domaines aussi importants que le fisc ou le droit du travail ? Avez-vous prévu d'en embaucher ou d'en former ?

M. Jean-Paul Emorine. Bien sûr !

Mme Josiane Mathon. Quand on voit l'ardeur du Gouvernement à réduire le nombre de fonctionnaires, et plus généralement la dépense publique, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est permis d'en douter ! D'autant que sa conception de la proximité consiste à se décharger du coût des missions publiques sur les collectivités territoriales et que la culture qu'il a de la performance dans l'administration est calquée sur celle du secteur privé.

Redoutant l'inconstitutionnalité et le dessaisissement du Parlement et de ses prérogatives en matière de droits des citoyens, la commission des lois demande d'ailleurs la suppression de l'alinéa c bis, adopté par l'Assemblée nationale, qui substitue des régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation administrative préalable.

Par ailleurs, quels moyens financiers seront consacrés à la modernisation des moyens techniques, notamment informatiques, pour mettre en oeuvre les dispositions envisagées ?

Réduire les délais de réponse et de traitement des dossiers peut être effectivement utile. Dans son article 19, la loi d'avril 2000 s'y attachait, en prévoyant une décision implicite en cas de non-réponse. Mais suffit-il d'écrire une disposition pour la rendre applicable ? Ne faut-il pas aussi des personnels formés et en nombre suffisant ?

Il est nécessaire, nous l'avons dit, de simplifier nombre de démarches pour permettre à nos concitoyens d'avoir plus rapidement accès à leurs droits. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de certaines exigences et dispositions protectrices. Je pense à l'interconnexion des fichiers, d'autant que l'échange de données concernera non seulement des services administratifs, mais également des établissements publics, industriels, voire commerciaux.

Il est évident que ces dispositions, dans leur ensemble, comportent dès le départ un vice de fond : elles ont été rédigées sans consulter les principaux intéressés, les fonctionnaires et les usagers.

Au lieu d'entamer une réflexion avec les agents publics eux-mêmes sur le contenu de leurs missions et sur les améliorations à y apporter, le Gouvernement préfère commencer par diminuer leur nombre, par procéder à leur transfert vers les collectivités territoriales, avec lesquelles il n'y a pas eu d'ailleurs non plus de dialogue, de réflexion commune. Comment vont-elles faire pour appliquer les mesures qui seront prises ?

Je ferai une dernière observation : le projet de loi prévoit de réduire le nombre des commissions administratives consultatives. Or c'est bien souvent dans ces instances que l'on trouve les usagers, les professionnels, les élus locaux, bref, tous ceux dont l'apport est indispensable aux décisions. Sur quels critères va-t-on décider de leur utilité ou de leur non-utilité ? Voulant laisser au Gouvernement les mains encore plus libres, la majorité à l'Assemblée nationale avait décidé de lui permettre de réduire aussi le nombre de celles dont la non-consultation mettrait en cause des libertés publiques. C'est inquiétant ! Il est vrai que quand on voit le peu d'empressement dont font preuve la majorité parlementaire et le Gouvernement pour tenir compte un tant soit peu des avis d'organismes comme la Commission nationale consultative des droits de l'homme, on ne peut être étonné.

La commission des lois du Sénat propose de rétablir la disposition initiale. C'est déjà une bonne chose. Mais cela ne saurait suffire à nous convaincre. Aussi, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer l'article 1er.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de précision.

M. le président. Les amendements n°s 106 rectifié et 107 rectifié ne sont pas soutenus.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 7 et 8.

M. Bernard Saugey, rapporteur. L'amendement n° 7 vise à supprimer l'alinéa c bis de l'article 1er. Ce sixième alinéa, qui résulte d'un amendement adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures tendant à substituer des régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation administrative préalable.

L'alinéa c bis vise à reprendre les dispositions initialement prévues à l'article 17 et à étendre son champ d'application. Cet article, qui avait été supprimé par l'Assemblée nationale, tendait à permettre la substitution du régime déclaratif à certains régimes d'autorisation administrative préalable auxquels sont soumises les entreprises.

Cependant, dans sa rédaction initiale, l'article 17 prévoyait des mécanismes d'opposition, de contrôle a posteriori, de sanctions, qui ne sont plus prévus par la présente disposition. Il convient donc de supprimer le sixième alinéa de cet article et de rétablir l'article 17 dans sa rédaction initiale.

Quant à l'amendement n° 8, il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre le sous-amendement n° 145 rectifié.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Ce sous-amendement vise à compléter les dispositions proposées pour le septième alinéa de l'article 1er par les mots : « ainsi que les organismes de protection sociale et les caisses professionnelles de congés payés ».

Il s'agit d'un sous-amendement de clarification.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 9 et 10, et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 87, ainsi que sur le sous-amendement n° 145 rectifié.

M. Bernard Saugey, rapporteur. L'amendement n° 9 est un amendement de coordination.

S'agissant de l'amendement n° 10, l'Assemblée nationale a supprimé, en première lecture, la limite posée par l'article 1er, alinéa 3°, visant à interdire la réduction du nombre des commissions consultatives qui mettent en cause l'exercice des libertés publiques ou le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il est donc nécessaire de réorganiser les compétences des commissions qui interviennent lorsque sont en cause les libertés publiques ou la libre administration des collectivités territoriales. Toutefois, l'intervention des commissions dans ce cadre constitue une garantie qui ne doit pas être remise en cause. Il est important de préserver leur rôle et de limiter ainsi l'habilitation donnée au Gouvernement. Cet amendement n'empêcherait pas, en tout état de cause, la fusion et la réorganisation de certaines commissions existantes en ces domaines.

Par l'amendement n° 87, le groupe CRC inaugure, si je puis dire, la tactique consistant, jusqu'à la fin du débat, à supprimer les articles qui sont en cause. Par conséquent, à chaque fois, la commission sera amenée à évoquer le même motif et aboutira à la même conclusion, car le fait de supprimer les articles - en l'occurrence l'article 1er - conduirait à repousser l'adoption des mesures attendues par de très nombreux usagers. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l'amendement n° 87.

En revanche, elle est très favorable au sous-amendement n° 145 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 87, ainsi que sur les amendements n°s 6, 7, 8, 9 et 10 ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 87.

En revanche, il est favorable à l'amendement n° 6.

Quant à l'amendement n° 7, si nous comprenons la prudence du rapporteur, la substitution des régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation administrative préalable doit valoir pour tous les usagers. C'est pourquoi l'Assemblée nationale avait adopté, en première lecture, cet alinéa dans la rédaction qui vous est soumise. Le Gouvernement en fera, bien entendu, un usage limité et veillera à ce que, conformément au souhait de la commission, aucun intérêt public majeur ne soit mis en péril. Mais nous estimons qu'il n'y a pas lieu de revenir sur la rédaction résultant des travaux de l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant des amendements n°s 8 et 9, le Gouvernement émet un avis favorable.

Concernant l'amendement n° 10, le Gouvernement n'a l'intention ni de mettre en cause une liberté publique ni de toucher au principe de la libre administration des collectivités territoriales. Cependant, l'adjonction du membre de phrase suggérée par la commission pourrait être interprétée trop largement par la jurisprudence et empêcher une vraie simplification dans le domaine des commissions administratives. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur l'amendement n° 87.

Mme Michèle André. Le système de déclaration sur l'honneur - associé à un contrôle a posteriori - se substituant au système de justificatif ou d'autorisation préalable dans un certain nombre de cas est en soi une bonne chose ; il en est déjà ainsi, d'une certaine manière, pour la déclaration de revenus par voie électronique. Sans aller contre ce principe tendant à favoriser les relations de confiance entre les usagers et l'administration, il faut malgré tout souligner qu'il n'est pas certain que la substitution à la présentation a priori de justificatifs d'une déclaration susceptible d'un contrôle a posteriori simplifiera la procédure.

Il y a toujours un risque de fraude et de rupture d'égalité entre les citoyens. Certains usagers pourront de bonne foi réclamer et obtenir des droits auxquels ils n'ont pas accès. On peut se demander quelle sera la sanction.

Ce système tirera sa justification dans la capacité des pouvoirs investis de cette mission à procéder à des contrôles a posteriori.

Il faut être vigilant. Le décret du 26 décembre 2000 a supprimé dans bon nombre de procédures les fiches familiales d'état civil ainsi que les justificatifs de domicile, ce qui n'est pas sans poser des problèmes dans certains domaines, notamment pour les inscriptions scolaires.

Il serait intéressant d'avoir des précisions sur la mise en oeuvre de ce principe de déclaration sur l'honneur - poser pour principe l'absence de pièces justificatives - et prévoir quelques exceptions, ou fixer le principe de l'apport de pièces justificatives et définir, par exception, les cas où l'usager en sera dispensé -, contrôle a posteriori, et les moyens qui seront mis à disposition. Cette question se pose au moment où le Gouvernement entend réduire le nombre de fonctionnaires.

S'agissant de la transmission de documents entre les administrations quelles qu'elles soient, d'ores et déjà, tout dossier mal aiguillé doit être réorienté par l'administration au terme de l'artice 20 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Cette disposition n'est pas novatrice. Rappelons qu'une circulaire du Premier ministre en date du 25 mai 2001 interdit aux services de réclamer aux usagers un document dont ils disposent déjà. Depuis la circulaire du 6 mars 2000, les différents ministères doivent élaborer un programme annuel de simplification et le transmettre à la COSA. Là non plus on ne connaît rien de la procédure qui sera retenue. Ce qui m'ennuie dans cette affaire, c'est que l'usager ne sache plus les pièces que consultera le service auquel il s'est adressé.

La réduction des délais d'instruction des demandes et l'accélération de la prise de décision ne constituent pas non plus une mesure très innovante dans la mesure où la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations d'avril 2000 a déjà rendu obligatoire un délai de réponse de deux mois ou de quatre mois et prévu que le silence gardé pendant deux mois par l'administration saisie d'une demande vaut décision d'acceptation.

Pour ce qui a trait à la réorganisation et à la réduction du nombre des commissions administratives à caractère consultatif, on ignore lesquelles seront concernées par la réorganisation ou la suppression. Certaines commissions facilitent la prise de décisions et sont un instrument de dialogue important entre les différents partenaires.

En outre, notons que le dispositif proposé à cet article a un coût financier - aucune précision n'est apportée sur ce point - et nécessite du personnel alors que, dans le même temps, le Gouvernement envisage de ne remplacer qu'un agent sur deux partant à la retraite.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je souhaite souligner l'importance de l'article que vous allez voter, élément majeur d'un changement des rapports entre nos concitoyens et le service public.

J'ai noté que tous les orateurs, y compris ceux de l'opposition, se réjouissaient des mesures proposées en matière de délais de réponse. Naturellement, il ne suffit pas d'inscrire dans la loi de telles dispositions : il faudra encore mobiliser les services publics sur les objectifs, et c'est tout l'enjeu de la « commission qualité », présidée par M. Canac, que j'installerai au nom du Premier ministre la semaine prochaine.

Les délais doivent être des leviers de mobilisation des personnels de la fonction publique sur les objectifs de qualité, car leur réduction est l'un des enjeux majeurs pour restaurer la crédibilité de l'action publique.

La deuxième innovation essentielle réside dans la substitution, autant que faire se peut, des déclarations sur l'honneur aux pièces justificatives. Le Gouvernement ne considère pas que c'est la procédure qui doit justifier le fonctionnaire. Les fonctionnaires aux guichets sont d'ailleurs les premiers à souhaiter une revalorisation de leur métier : ils aspirent à devenir plus polyvalents à être libérés des tâches les plus ingrates, afin de pouvoir se consacrer à un dialogue fondé sur davantage d'écoute et de prise en compte de la personne. C'est là l'administration de services, telle que la conçoit le Premier ministre.

L'échange des informations entre les administrations est aussi un élément tout à fait essentiel, notamment pour les changements d'adresse. Les enquêtes d'opinion sont unanimes pour le dire, c'est l'un des premiers sujets sur lesquels nos concitoyens souhaitent des améliorations. Ils ne comprennent pas que, à l'heure de la numérisation et de la société de l'information, il soit encore nécessaire de déclarer à chaque service public son changement d'adresse au lieu de faire une seule déclaration qui serait ensuite transmise aux autres services. Bien entendu, cette modification ne va pas être mise en place en un jour tant elle demande une modification profonde de la culture et de l'état d'esprit. Ce sont des chantiers sur lesquels les services de la réforme de l'Etat travailleront dans les mois et les années qui viennent.

J'en viens enfin à la question des contrôles qui a été posée et qui revêt en effet un caractère crucial. Ce que nous souhaitons, c'est substituer progressivement, à l'avenir, les contrôles a posteriori, éclairés et plus efficaces, aux contrôles a priori.

C'est l'esprit même de la nouvelle administration, telle que nous la souhaitons, qui, dans notre esprit, n'exige pas plus de moyens, ne requiert pas toujours plus de fonctionnaires, mais passe au contraire par une exigence de productivité.

A cet égard, le Gouvernement n'a pas peur d'employer le mot « performance », car il n'y a aucune raison de penser que le service public serait incapable d'entrer dans cette culture de performance. Il s'agit bien, encore une fois, de faire confiance à la capacité d'initiative et d'adaptation des fonctionnaires de terrain quotidiennement confrontés au public, et de libérer leur énergie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 145 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Oui, monsieur le président. L'intervention des commissions constitue une garantie qui ne doit pas être remise en cause. Il est donc important de préserver le rôle des commissions et de limiter ainsi l'habilitation donnée au Gouvernement.

Cet amendement n'empêcherait d'ailleurs pas la réorganisation, la fusion de certaines des commissions existant en ce domaine. Il ne pose donc pas de problèmes à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 10.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste est favorable à cet amendement de la commission des lois.

En effet, le rôle du Sénat est de veiller scrupuleusement à ce que soient respectés les principes des libertés publiques et de la libre administration des collectivités locales. Nous aurions, certes, préféré la mise en place d'un autre dispositif - nous nous sommes expliqués sur ce sujet. Mais, les choses étant ce qu'elles sont, nous soutenons la démarche de M. le rapporteur qui tend à rétablir cette mention dans le texte du projet de loi.

Ce qui nous étonne le plus dans le cours de cette discussion, c'est la position totalement contradictoire du Gouvernement. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous rappeler, en effet, qu'initialement le 3° de l'article 1er du projet de loi déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale était ainsi rédigé : « Simplifier la composition et le fonctionnement des commissions administratives et réduire le nombre de celles des commissions qui ont un caractère consultatif et dont la consultation ne met pas en cause l'exercice des libertés publiques ou le principe de libre administration des collectivités territoriales. »

L'Assemblée nationale a supprimé la mention relative à l'exercice des libertés publiques et au principe de libre administration des collectivités territoriales, sans d'ailleurs fournir d'explication, comme en témoignent les débats de l'Assemblée nationale.

Or, alors que M. le rapporteur propose à juste titre de rétablir le texte du Gouvernement, M. le secrétaire d'Etat émet un avis défavorable ! Monsieur le secrétaire d'Etat, votre position est totalement incompréhensible, et nous soutenons celle de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement comprend tout à fait ce qui a motivé le dépôt de cet amendement : il s'agit de réaffirmer des libertés à caractère constitutionnel.

Comme vous le savez très bien, monsieur Sueur, l'exercice d'une liberté publique ou le principe de libre administration des collectivités territoriales sont par hypothèse des normes constitutionnelles.

Quel est l'enjeu ? Le Gouvernement souhaite réduire le nombre de commissions. Y parvenir nécessite une volonté politique très forte. Les chiffres ont été rappelés par MM. les rapporteurs : il existe plus de 300 commissions à caractère départemental et régional.

Tous les gouvernements précédents se sont en vain attaqués à ce serpent de mer. Le Gouvernement craint donc que l'introduction d'une restriction, même si les intentions sont bien entendu excellentes,...

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c'est la reprise de votre texte !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... ne donne des arguments à tous ceux qui essaieront d'empêcher cette simplification. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)

Dans ce domaine, le Gouvernement considère qu'il peut faire confiance aux élus territoriaux et aux fonctionnaires territoriaux de l'Etat pour décider quelles commissions sont nécessaires - bien évidemment, dans tous les domaines, il faut des consultations en amont - et que la composition et l'objet de ces commissions n'ont pas à être précisés systématiquement dans la loi, sous peine d'entraîner une extraordinaire rigidité, qui se retourne bien souvent contre la finalité même de ces instances de concertation.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c'est vous qui aviez mis cette disposition dans le projet de loi !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. En effet, dès lors que c'est inscrit dans la loi, il est nécessaire de convoquer, même quand ce n'est pas indispensable, les représentants de toutes les administrations prévues pour siéger dans ces commissions.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c'est votre texte ! C'est incroyable !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Nous avons tous connu ces commissions pléthoriques qui siègent pendant des heures alors que, très souvent, les fonctionnaires seraient plus utiles pour effectuer d'autres tâches. Cela a un coût considérable pour l'efficacité de l'Etat et pour la concertation elle-même.

Aujourd'hui, notre démocratie est à mon avis suffisamment mûre, suffisamment avancée pour qu'on s'en remette, dans ce domaine comme dans d'autres, à la sagesse des acteurs territoriaux pour décider eux-mêmes des procédures de consultation nécessaires.

Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement s'oppose à cet amendement, tout en comprenant parfaitement les motivations qui l'inspirent.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c'est le texte du Gouvernement ! Vous voulez combattre le texte du Gouvernement ! C'est vraiment absurde !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Sueur, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes dispositions de nature à organiser la gratuité de l'accès des justiciables à la justice administrative. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà quelque temps, avait été instauré un droit de timbre pour les recours devant les tribunaux administratifs.

Il est apparu que cette mesure présentait bien des inconvénients. Tout d'abord, elle est contraire au principe de la gratuité de la justice. Par ailleurs, elle coûte plus cher qu'elle ne rapporte, en raison de l'obligation de se retourner contre les personnes omettant de payer le droit de timbre. Cela entraîne beaucoup de complications ; or il s'agit de simplifier les choses.

A la suite d'une question que je lui ai posée, M. le garde des sceaux s'est déclaré tout à fait favorable à la suppression de ce droit de timbre, ce dont je tiens à le remercier.

Il est apparu toutefois nécessaire de préciser cette loi d'habilitation de telle manière qu'elle donne au Gouvernement la possibilité de supprimer ce droit de timbre en vertu du principe de la gratuité de la justice et en vue d'éviter des complications inutiles.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui s'inscrit tout à fait dans l'objectif gouvernemental d'une amélioration des relations entre les ciyoyens et les administrations en facilitant l'accès à la juridiction administrative. L'enjeu pour les finances publiques d'une telle mesure est modeste puisque le coût est estimé à quelque deux millions d'euros.

Ce droit de timbre rend plus complexe le fonctionnement quotidien des juridictions administratives et entraîne des lourdeurs et un allongement des délais très préjudiciables aux requérants et à l'image de la juridiction elle-même.

Plus généralement, les droits de timbre sont un mode de perception archaïque, peu performant,...

M. Pierre Fauchon. ... et ridicule !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. ... et cette suppression s'inscrit pleinement dans notre objectif de modernisation de l'Etat.

Vous voyez donc, monsieur Sueur, que le Gouvernement prête la plus grande attention aux amendements parlementaires lorsqu'ils sont inspirés par la sagesse et l'objectivité.

M. Pierre Fauchon. Le droit de timbre est un système archaïque !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Art. additionnel après l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 3

Article 2

M. le président. « Art. 2. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à simplifier et harmoniser par ordonnance les règles relatives aux conditions d'entrée en vigueur des lois, ordonnances, décrets et actes administratifs, ainsi que les modalités selon lesquelles ces textes sont publiés et portés à la connaissance du public, en prenant en compte les possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Avec ce projet de loi visant à vous permettre de légiférer par ordonnances, vous vous octroyez, monsieur le secrétaire d'Etat, de véritables chèques en blanc. Comme l'ont souligné les collègues de mon groupe, ce procédé témoigne de votre mépris du Parlement, comme de votre crainte du débat public. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cointat. Qu'est-ce qu'on fait ici ?

Mme Marie-Claude Beaudeau. Sous couvert de simplifier le droit, il y a fort à redouter que vous ne cherchiez en fait à accentuer l'offensive généralisée que vous menez contre le service public et l'emploi public.

Ainsi, nous pouvons nourrir d'importantes craintes sur vos objectifs, à propos de cet article 2 « portant habilitation au Gouvernement à simplifier les conditions de publication et d'entrée en vigueur des textes officiels », quant à l'avenir des Journaux officiels et des missions essentielles de service public qui leur sont confiées.

Certes, deux éléments que vous avancez peuvent sembler légitimes.

Il paraît ainsi tout à fait logique que soient harmonisés un jour les délais d'entrée en vigueur sur le territoire métropolitain des lois, ordonnances, décrets et actes administratifs. J'ajoute qu'il n'y a plus de raisons techniques, comme ce pouvait être le cas au xixe siècle, à une entrée un vigueur de ces textes avec plusieurs jours d'intervalle selon l'éloignement de la capitale, comme le prévoit d'ailleurs encore le code civil.

De même, l'intégration des possibilités offertes par les nouvelles technologies de la communication, notamment Internet, dans le cadre juridique de la publication des textes officiels devra intervenir.

Mais cela ne justifie en rien une procédure d'ordonnances, et je ne vois pas en quoi cela devrait modifier fondamentalement la nature des missions des Journaux officiels et même remettre en cause certaines d'entre elles.

Or je lis ceci dans l'exposé des motifs de l'article : « l'ordonnance prévoira aussi que certains types de textes, énumérés par décret, pourront ne faire l'objet que d'une diffusion en ligne ». Je suis donc amenée, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous poser une question : quelles publications des Journaux officiels voulez-vous supprimer, et au nom de quoi ?

L'existence d'Internet n'est pas une justification valable quand la moitié au moins des Français ne disposent pas d'accès et que cette technologie, fortement évolutive, est loin d'être stabilisée et d'avoir fait la démonstration de sa fiabilité. L'impression sur papier restera pour des années encore, peut-être indéfiniment, une référence nécessaire. Toutes les publications des Journaux officiels doivent donc être maintenues.

Mon inquiétude est grande également quand je lis votre intention d'abroger le décret du 5 novembre 1870, et notamment son premier alinéa qui dispose : « dorénavant, la promulgation des lois et décrets résultera de leur insertion au Journal officiel de la République française ».

En fait, l'article que vous nous demandez de voter ouvre ainsi la porte à la suppression d'une disposition aussi historique que fondamentale, et qui est porteuse d'une part essentielle de la raison d'être des Journaux officiels.

La publication en ligne des lois, décrets et autres textes à laquelle serait reconnue une valeur juridique au même titre qu'à la publication papier est-elle destinée à être effectuée indépendamment du Journal officiel de la République française qui serait publié uniquement sur papier, à le doubler puis éventuellement à le supplanter ? Est-ce vraiment là votre conception des choses ? Ou bien, comme cela me paraît logique et nécessaire, le Journal officiel sera-t-il publié en même temps sur papier et sur Internet, les deux supports faisant également foi ? Mais, dans ce cas, il n'y a pas lieu de supprimer le premier alinéa du décret de 1870.

Vous engagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous conformer à l'avant-projet de loi relatif aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs rédigé par le Conseil d'Etat en 2001 ?

Ce texte me paraît satisfaisant : il reprend les termes du premier alinéa du décret de 1870 tout en prévoyant la publication du Journal officiel de la République française « le même jour sur support papier et sous forme électronique ». Il reconnaît ainsi la pérennité du Journal officiel de la République française et de sa valeur, quelle que soit l'évolution technologique.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous pose la question du contrôle et de la réalisation de la publication sur Internet des textes officiels.

Vous mentionnez dans l'exposé des motifs la mise en place « d'un site unique placé sous l'autorité du Premier ministre et présentant les garanties de fiabilité et d'intégrité requises ».

Comment pourrait-on imaginer de ne pas en confier la responsabilité, la conception et la réalisation intégrale à la Direction des Journaux officiels et à la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels, la SACIJO, qui est liée à l'Etat par une convention depuis 1881 ?

Il y a unité de mission régalienne entre la publication papier et la publication en ligne des textes officiels. Leur conception doit donc être élaborée de concert.

Par ailleurs, une grande partie de leur élaboration est commune, notamment en ce qui concerne la correction, voire la composition, et correspond aux compétences de l'ensemble des personnels de la SACIJO, dont l'excellence est largement reconnue.

Enfin, et je m'en suis félicitée, le site Légifrance a été placé sous la responsabilité des Journaux officiels même si sa réalisation demeure largement sous-traitée.

Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de m'indiquer quels moyens humains et financiers vous comptez accorder aux Journaux officiels pour faire face à l'accroissement constaté de leur charge de travail et pour qu'ils deviennent entièrement les responsables du site Internet mentionné dans l'exposé des motifs de votre projet de loi. Cela irait dans le sens de l'extension de l'accès gratuit au droit. Cela s'inscrirait aussi dans l'esprit du décret du 5 novembre 1870 signé entre autres, je tiens à le rappeler, par Pelletan, Arago et Jules Ferry.

Nous attendons ce soir, vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses précises et des engagements clairs de votre part.

M. le président. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à harmoniser par ordonnance les règles relatives aux conditions d'entrée en vigueur des lois, ordonnances, décrets et actes administratifs. Dans ce cadre, il fixe un délai de six mois pour l'adoption des décrets d'application et fixe les modalités selon lesquelles les rapporteurs des lois concernées sont associés à la rédaction desdits décrets.

« Les modalités selon lesquelles ces textes sont publiés et portés à la connaissance du public seront elles aussi simplifiées, en prenant en compte les possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication. »

La parole est M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Trop souvent, les décrets d'application d'une loi votée par les deux assemblées ne retracent pas totalement la pensée des législateurs.

Par ailleurs, le délai entre la promulgation d'une loi et la rédaction des décrets est souvent très long. Il arrive même que ces décrets ne soient jamais promulgués. Il est donc nécessaire de remédier à cet état de fait.

Le Gouvernement a pour objectif principal de simplifier le droit ; cet amendement concourt incontestablement à cet objectif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Je doute que cet amendement puisse contribuer à réduire les délais, parfois longs, au terme desquels le pouvoir réglementaire adopte les décrets d'application des lois. La jurisprudence administrative considère, en tout état de cause, que la mention d'un délai en la matière est purement indicative.

De plus, cet amendement remet en cause le principe même de la séparation des pouvoirs en associant les rapporteurs à la rédaction des décrets. Le juge a, de toute façon, pour fonction d'assurer le respect par le pouvoir réglementaire des règles posées par la loi.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est sensible au problème posé par cet amendement : le délai qui ne cesse de s'accroître entre la publication de la loi et l'adoption des décrets, ce qui fragilise l'autorité de la loi. Aussi la réduction des délais est-elle un des objectifs majeurs de la présente loi, et le Gouvernement comme le Parlement se doivent de repenser le mode de production et d'élaboration des textes tant législatifs que réglementaires.

Cependant, pour les raisons d'ordre constitutionnel excellemment évoquées par M. le rapporteur, le Gouvernement ne peut que s'opposer à l'adoption de cet amendement.

M. le président. Monsieur Boyer, l'amendement est-il maintenu ?

M. Jean Boyer. Compte tenu des éléments que vient d'apporter M. le secrétaire d'Etat et de la volonté affirmée du Gouvernement de raccourcir les délais, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 82 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 4

Article 3

M. le président. « Art. 3. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance :

« 1° Les mesures nécessaires pour rendre compatibles avec le droit communautaire les dispositions législatives relatives à la passation des marchés publics ;

« 2° Les mesures permettant de clarifier les règles applicables aux marchés passés par certains organismes non soumis au code des marchés publics. »

La parole est à Mme Josiane Mathon, sur l'article.

Mme Josiane Mathon. Je vais m'exprimer à la fois sur les articles 3 et 4, si vous le permettez, monsieur le président.

M. Delevoye a souligné devant les députés que les articles 3 et 4 avaient pour objectif de « simplifier le code des marchés publics en nous alignant sur des règles européennes et, en éliminant les contraintes d'origine nationale, d'autoriser un nouveau partenariat public-privé ».

Il évoquait le poids excessif de la réglementation, qui nécessiterait une simplification. Mais simplification ne veut pas dire déréglementation ; c'est pourtant ce qui nous est proposé.

En outre, nous n'acceptons pas que le Gouvernement puisse, sans un débat de fond au Parlement, procéder à l'harmonisation des législations européennes et françaises - ce qui est l'objet de l'article 3 - y compris sur les directives à venir. Nous n'acceptons pas non plus le risque de remise en cause, sous couvert d'harmonisation, de la situation des sociétés d'économie mixte locales, les SEML, ou des organismes d'HLM.

Dans le même temps, M. le ministre des finances prépare un projet de décret visant à réformer le code des marchés publics et dont il est dit sur le site du ministère : « Il procède à une simplification radicale des dispositions du nouveau code adopté en 2001 en alignant, chaque fois que possible, le niveau de contrainte juridique résultant du code sur celui qui résulte des directives communautaires régissant la commande publique (...). Il intègre l'essentiel des observations de la Commission européenne sur le code de 2001. »

Il y a tout lieu d'être inquiet, d'autant que ce projet de décret dispose en outre que le seuil déterminant les appels d'offres passerait de 90 000 euros à plus de 6 millions d'euros, s'agissant des travaux. C'est franchement énorme : ce sont 97 % des contrats publics de travaux qui seraient dispensés de la procédure du code de 2001, contre 70 % actuellement.

L'histoire récente a pourtant révélé les dangers qu'induit la levée des procédures protectrices des marchés et de l'argent publics. Tout le monde a en tête l'affaire des lycées d'Ile-de-France. Placer la barre aussi haut favorisera les marchés de gré à gré, et donc les ententes de toutes sortes. Il est vrai que M. Mer a déclaré, lors d'une interview au journal La Tribune : « Quand quelqu'un veut corrompre ou être corrompu, ce n'est pas une procédure qui l'en empêchera » !

L'article 4 propose d'étendre à toutes les infrastructures publiques, hôpitaux, universités ou autres, le modèle de contrat global institué l'été dernier par la loi d'orientation et de programmation pour la justice et par la loi pour la sécurité intérieure en matière de construction de prisons, de commissariats ou de gendarmeries. D'une mesure qui devait être exceptionnelle, on fait une mesure générale. Même un député de la majorité, membre de l'UDF, a demandé la suppression de cet article.

Alors que la réforme de 2001 avait institué en règle les marchés par lots, dans le double but de mieux maîtriser les coûts et de permettre aux petites entreprises d'accéder aux commandes publiques, le texte autorise le recours aux marchés globaux.

Il est évident que le relèvement considérable des seuils et la suppression de l'allotissement sont destinés à favoriser les grandes entreprises, pour la plus grande satisfaction du MEDEF. Mais les organisations des PME du bâtiment s'élèvent légitimement contre ces dispositions. Elles ont raison ! Les dispositions à venir remettront en cause l'existence même de nombreuses petites entreprises qui, au mieux, deviendront de simples opérateurs sous-traitants, aux ordres de grandes entreprises.

L'ordre des architectes, dans une lettre au Président de la République, et plus récemment dans un courrier à la profession dénonce, quant à lui, avec force des dispositions qui « risquent de bouleverser les conditions d'intervention des architectes et, à terme, la qualité globale et durable du secteur bâti ». « Multiplication des produits banalisés », « retour à une politique des modèles », « concentration des opérations dans les mains de quelques majors du BTP », « perte de l'indépendance de la maîtrise d'oeuvre » et « réduction au final de la liberté de choix de la maîtrise d'ouvrage », « dérives financières », etc., tels sont les termes qu'on trouve sous la signature du président du Conseil national de l'ordre des architectes. Or, malgré leurs interventions réitérées depuis le mois de janvier, les membres de cette profession n'ont pas été écoutés.

Par tous les moyens - harmonisation, marchés globaux, relèvement des seuils -, le Gouvernement s'apprête à faire sauter tous verrous protecteurs des petits entrepreneurs et des architectes, verrous qui permettaient la transparence des marchés.

Je terminerai en citant un chroniqueur de La Tribune qui a écrit fort justement : « Le Gouvernement privilégie une approche libérale. » M. Mer ne dit-il pas que les dispositions des articles 3 et 4 seront un levier pour améliorer la maîtrise de la dépense publique ?

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 88 est présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 100 est présenté par M. Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 108, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa de cet article par les mots : "dans le respect de la transparence et de la bonne information du public." »

L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Adnot, Braun, Courtois, Flandre, Guené, Lardeux, Martin et Mercier, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les mesures permettant d'alléger les procédures de passation des marchés publics pour les collectivités territoriales. »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 88.

Mme Josiane Mathon. L'article 3 vise, en son 1°, à permettre au Gouvernement de procéder à l'harmonisation de notre législation interne avec la législation européenne des marchés publics.

Le 2° tend à permettre la clarification de certaines règles applicables aux marchés conclus par certains organismes non soumis au code des marchés publics.

En matière de marchés publics, notre législation diffère de la législation européenne. Il apparaît clairement que le Gouvernement vient escamoter le débat parlementaire sur une question dont nous avons souligné l'importance puisqu'elle aura des conséquences sur notre tissu économique. C'est pourquoi nous refusons d'être placés devant le fait accompli de l'harmonisation.

Cet alinéa confirme notre inquiétude. En effet, les organismes non soumis au code des marchés publics sont surtout les sociétés d'économie mixte locales et les organismes d'HLM, organismes qui sont, depuis plusieurs années, montrés du doigt par la Commission européenne. Pourtant, ils jouent un rôle essentiel dans de nombreux domaines, notamment en matière sociale et économique.

Pour toutes ces raisons et pour celles qui ont été évoquées précédemment, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 100.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà dit notre profond désaccord sur les articles 3 et 4.

En premier lieu, il est proposé dans cet article 3 de transposer en droit français par ordonnance des directives européennes que nous ne connaissons pas puisqu'elles n'existent pas encore à ce jour. Est-ce constitutionnel ? Peut-être l'instance compétente aura-t-elle l'occasion de se prononcer sur ce sujet.

En second lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes totalement défavorables, vous le savez, à ce que l'on puisse mettre en oeuvre par ordonnance un système aberrant, résultant de la combinaison des dispositions des articles 3 et 4 et du décret évoqué à l'instant par Mme Mathon, qui aura des conséquences très graves.

Nous n'avons toujours pas reçu de réponse de votre part à la question de savoir pourquoi vous refusez si obstinément que le Parlement dépose une proposition de loi sur les marchés publics.

M. Patrice Gélard. On n'aura pas le temps de l'examiner !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est faux. Nous avons bien le temps de travailler sur de nombreux autres sujets !

En tout cas, ce sujet-là n'est pas mineur. Il concerne en effet des milliers d'entreprises, notamment petites et moyennes, de tous les départements de notre pays. Il concerne des milliers d'architectes. Il concerne toutes les collectivités locales. Il ne peut donc justifier des adaptations mineures par le biais de la procédure des ordonnances.

M. le président. L'amendement n° 108 n'est pas soutenu.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission des lois, monsieur le président.

M. le président. Il s'agira donc de l'amendement n° 108 rectifié, présenté par M. Bernard Saugey, au nom de la commission des lois.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Cet amendement est intéressant. Il a pour objet de compléter le premier alinéa de l'article 3, qui habilite le Gouvernement à clarifier le droit de commande publique en précisant que ces mesures seront prises « dans le respect de la transparence et de la bonne information du public ».

En clair, cela signifie que les annonces légales seront effectivement maintenues pour la bonne transparence. C'est important pour nombre de journaux qui vivent grâce aux annonces légales.

M. le président. La parole est à M. Gérard Braun, pour défendre l'amendement n° 140 rectifié.

M. Gérard Braun. L'objet du présent amendement est de permettre au Gouvernement d'adapter le code général des collectivités territoriales en vue d'accélérer les procédures de passation des marchés publics par les collectivités territoriales, et ce à deux égards.

Il s'agit, d'une part, d'alléger les procédures. Aujourd'hui, une double délibération de l'assemblée est nécessaire. L'objectif serait donc de permettre au responsable exécutif d'une collectivité territoriale de signer tout marché ou acte s'y rattachant qui aurait uniquement fait l'objet d'une décision de la commission d'appel d'offres après qu'une seule décision préalable de l'assemblée délibérante eut été prise pour l'engagement de l'opération concernée.

Il s'agit, d'autre part, d'éviter certains doublons. La commission d'appel d'offres est, en effet, désignée selon une répartition proportionnelle ; elle est donc parfaitement représentative des élus et des tendances politiques qui constituent l'assemblée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 88 et 100 ainsi que sur l'amendement n° 140 rectifié ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Les amendements n°s 88 et 100, qui visent à supprimer l'article 3, sont incompatibles avec la position de la commission des lois ; elle émet donc un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 140 rectifié, la commission considère qu'un allégement des procédures de passation des marchés publics pour les collectivités territoriales est une vraie nécessité. Pour avoir été moi-même président d'une commission d'appel d'offres de conseil général pendant plusieurs années, je peux en attester. La commission est donc très favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur les amendements n°s 88 et 100.

S'agissant de l'amendement n° 108 rectifié, je dirai que, certes, l'exigence de transparence fait partie des objectifs du Gouvernement, mais que l'on peut s'interroger sur l'opportunité de l'expression « de la bonne information du public », qui est redondante avec le mot transparence. Toutefois, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.

Concernant l'amendement n° 140 rectifié, le Gouvernement estime très opportune cette proposition qui s'inscrit pleinement dans l'objectif du Gouvernement en supprimant le principe de la double délibération en matière de marchés publics.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 88 et 100.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 140 rectifié.

M. Bernard Frimat. Cet amendement tend effectivement à une simplification puisque, une fois qu'une assemblée départementale ou régionale a autorisé son exécutif à signer les marchés, il n'est pas utile de lui demander de donner une seconde fois son autorisation après que la commission d'appel d'offres s'est prononcée.

Je voudrais toutefois faire remarquer que, dans cet amendement, il est question de la « décision » de la commission d'appel d'offres. Or ce terme me paraît impropre dans la mesure où la commission d'appel d'offres se borne à faire des propositions ou à donner son avis.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Frimat. Par conséquent, nous serions prêts à voter cet amendement si le mot « décision » était remplacé par le mot « proposition ».

M. le président. Je me permets de vous faire observer, monsieur Frimat, que le mot « décision » figure, non pas dans le texte de l'amendement, mais seulement dans son exposé des motifs. La rectification que vous suggérez n'a donc pas lieu d'être.

Je mets aux voix l'amendement n° 140 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 5

Article 4

M. le président. « Art. 4. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour aménager le régime juridique des contrats existants et créer de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions. Ces dispositions déterminent les règles de publicité et de mise en concurrence relatives au choix du cocontractant, ainsi que les règles de transparence et de contrôle relatives au mode de rémunération du cocontractant, à la qualité des prestations et au respect des exigences du service public. Elles peuvent étendre et adapter les dispositions prévues au I de l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, aux articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 du code du domaine de l'Etat et aux articles L. 1311-2 et L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, à d'autres besoins ainsi qu'à d'autres personnes publiques. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Cet article 4, qui est extrêmement important, a donné lieu à bien des commentaires, tant en commission des lois qu'au sein des groupes ou dans l'hémicycle.

Selon nous, il convenait d'y ajouter certaines précisions, en particulier en ce qui concerne les petits artisans, les petites entreprises, les architectes et les concepteurs. C'est pourquoi j'ai déposé, au nom de la commission des lois, un amendement qui tend à compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : « Elles prévoient les conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article. »

Il me semble que cette phrase permet de rétablir l'équilibre, de sorte que les entreprises générales ne soient pas les seules à pouvoir soumissionner et que, par voie de conséquence, on ne retrouve pas toujours les mêmes sous-traitants. Il est évidemment très important que les petites entreprises et les artisans aient accès aux contrats ici visés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, sur l'article.

M. Jean-Paul Alduy. Beaucoup de choses ont été dites sur l'article 4 et, personnellement, je me range dans le camp de ceux qui sont très inquiets quant aux effets des ordonnances qui seront prises en vertu de cet article.

Je suis de ceux qui pensent qu'une maîtrise d'ouvrage publique forte est nécessaire si l'on veut contrôler les qualités, non seulement architecturales, mais aussi urbanistiques des bâtiments publics.

Je suis de ceux qui pensent qu'une maîtrise d'oeuvre indépendante offre au maître d'ouvrage une véritable capacité de définir un programme, de négocier un appel d'offres, mais aussi de suivre les aléas du chantier, d'apporter les modifications éventuellement nécessaires.

Je suis de ceux qui pensent qu'il faut savoir diversifier les organisations de la filière de la construction à travers des appels d'offres. Bien sûr, sur certains grands projets, la mise en compétition concernant la conception, la réalisation, l'exploitation et la gestion peut avoir des avantages. Encore faut-il être en mesure de maîtriser ces opérations.

Comme l'ont indiqué de nombreux orateurs, on ne peut pas rassurer les professions concernées avec de simples mots, aussi bonnes soient les intentions dont ceux-ci sont porteurs. A mes yeux, cet article recèle de réels et considérables dangers. C'est pourquoi il faut faire apparaître clairement qu'il s'agit là de procédures expérimentales dont on évaluera les résultats avant d'entreprendre de les généraliser, car il y a là de quoi perturber très profondément une filière de la construction dont l'organisation résulte de plusieurs décennies de mesures législatives et réglementaires.

Je défendrai quelques amendements tendant à « baliser » l'application de cet article 4. Mais, je le dis dès à présent, je soutiendrai également l'amendement de suppression présenté par Jean-Paul Amoudry. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Amoudry et les membres du groupe de l'Union centriste.

L'amendement n° 89 est présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 101 rectifié est présenté par MM. Sueur et Dauge, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Oudin, Cointat, François-Poncet, Lecerf et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots : "aménager le régime juridique des contrats existants" par les mots : "modifier la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée". »

L'amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Bécot, Gouteyron, Dériot, J. Blanc et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« I. - Dans la deuxième phrase de cet article, après les mots : "mise en concurrence relatives", remplacer les mots : "au choix du cocontractant" par les mots : "au choix du ou des cocontractants".

« II. - En conséquence, dans la même phrase, après les mots : "aux modes de rémunération", remplacer les mots : "du cocontractant" par les mots : "du ou des cocontractants". »

L'amendement n° 64, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par les mots : "et pour des programmes dont l'importance financière et la complexité technique rendent nécessaire cette extension". »

L'amendement n° 85, présenté par M. Fouché, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : "Elles doivent garantir l'accès des petites et moyennes entreprises et des artisans aux prestations concernées." »

L'amendement n° 142, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par une phrase ainsi rédigée : "Elles prévoient les conditions d'un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article." »

Le sous-amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Hyest, Fauchon, Nachbar, Alduy, Gouteyron, Bécot, Dériot et J. Blanc, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par l'amendement n° 142, après les mots : "accès équitable", insérer les mots : "des architectes,". »

L'amendement n° 126 rectifié bis, présenté par MM. Alduy, Jarlier, Grignon, Richert et J. Blanc, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : "Ces dispositions s'appliquent à des programmes dont les maîtres d'ouvrage entendent confier à l'entreprise, ou au groupement d'entreprises, chargée de la conception et de la réalisation, une mission de maintenance ou d'exploitation." »

L'amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Alduy, Grignon, Richert et J. Blanc, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : "Ces dispositions concernent les programmes au dessus d'un seuil d'investissement défini par décret." »

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, pour défendre l'amendement n° 3.

M. Jean-Paul Amoudry. Comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale, le groupe de l'Union centriste propose, en effet, la suppression de cet article.

Nous tenons à alerter le Gouvernement sur le problème que vont rencontrer architectes et PME de travaux publics si cet article est adopté.

La législation actuelle pose comme principe un découpage strict des opérations d'équipement public en plusieurs tranches, chacune étant mise en oeuvre par une personne distincte. La mission de maître d'oeuvre doit être distincte de celle de l'entrepreneur. Elle ne permet donc pas l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage dans un couple concepteur-constructeur.

Des exceptions ont cependant été apportées dans notre droit, notamment pour les bâtiments de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des armées. Or il semble que le Gouvernement souhaite étendre la liste des dérogations. Les contrats risqueraient alors de se trouver monopolisés par les grands groupes qui maîtrisent la chaîne de la réalisation d'un bout à l'autre. Par conséquent les petites entreprises du bâtiment et les architectes seraient exclus de ces missions de service public.

Par ailleurs, avec cette nouvelle législation, on risquerait d'aboutir à une perte de la qualité architecturale au profit de « produits » banalisés et, surtout, à une déstructuration du tissu régional des PME du bâtiment résultant d'une utilisation élargie de la conception-réalisation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 89.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement risque encore de faire friser les moustaches de notre rapporteur ! (Sourires.)

L'article 4 permet au Gouvernement d'aménager le régime juridique des contrats existants et de créer de nouvelles formes de contrats, à savoir des contrats globaux que l'Etat, les collectivités territoriales et les hôpitaux pourraient conclure, portant sur la conception, la réalisation, la gestion, l'exploitation et, le cas échéant, le financement d'équipements publics.

L'opérateur privé chargé de la construction pourrait se voir délivrer par l'Etat une autorisation d'occupation temporaire du domaine public. Il bénéficierait, ainsi, d'une option lui permettrant de le prendre à bail, éventuellement avec option d'achat.

Il est évident que le premier objectif que se fixera l'entreprise privée sera de réaliser le profit maximal et non de répondre au mieux aux besoins des citoyens.

Le Gouvernement veut, en réalité, offrir l'immobilier public et sa gestion au privé.

C'est l'amenuisement des missions de l'Etat, tel qu'il est inclus dans la loi constitutionnelle de décentralisation. Autrement dit, ce dispositif est en parfaite cohérence, il faut le reconnaître, avec l'ensemble de la politique du Gouvernement.

La commission des lois, tout en approuvant les dispositions proposées par le Gouvernement, n'a pas manqué de souligner le risque de voir les petites et moyennes entreprises ainsi que les artisans exclus du champ de ces nouveaux contrats. La commission a demandé que leur soit garantie la possibilité d'accéder à ces contrats. Mais, comment une telle garantie pourrait-elle exister puisque l'objectif des contrats globaux est de favoriser les grandes, voire les très grandes entreprises ? On en reste donc au stade purement intentionnel.

M. Roland Muzeau. Absolument !

Mme Josiane Mathon. La commission a également souligné le risque de voir remise en cause l'intervention des architectes et a demandé, là aussi, des garanties. Nous ne voyons malheureusement pas comment de telles garanties pourraient être apportées ?

Par ailleurs, il eût été utile de tenir compte des expériences étrangères : toutes les études montrent en effet qu'à terme les contrats globaux sont plus coûteux et entraînent une diminution de la qualité des équipements.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 101 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes persuadés qu'adopter cet article 4 serait une très lourde erreur. Chacun connaît les graves dérives auxquelles les METP ont conduit. Elles sont patentes, avérées. Alors, pourquoi recommencer ?

De surcroît, l'adoption de cet article ferait que les marchés porteraient tous sur des missions tellement diverses - conception, réalisation, transformation, financement, services, entretien, maintenance - que seuls les grands groupes - et je précise que nous n'avons rien contre les grands groupes - pourraient concourir. Des milliers de PME, d'artisans, qui font vivre nos départements, se trouveraient exclus.

Mes chers collègues, je vous renvoie aux pages 86 et 87 de l'excellent rapport de notre commission des lois : « Avec la remise en cause de l'allotissement, les petits entrepreneurs auront en effet grand-peine à gagner ce type de contrats. En revanche, ils pourront toujours participer aux marchés obtenus par les grandes entreprises par le biais de la sous-traitance, avec toutes les difficultés que cela peut également comporter. »

De cela, personne ne doute !

Certes, quelques amendements de repli ou de confort ont été déposés, mais chacun sait très bien que, si la mise en concurrence est ainsi organisée, les PME n'auront aucune chance. La seule chance qui leur restera sera d'intégrer un grand groupe, d'accepter les conditions que celui-ci posera... « avec toutes les difficultés que cela peut comporter » monsieur le rapporteur, vous parlez d'or !

Dès lors, je ne comprends vraiment pas quel intérêt il y a à s'engouffrer dans un dispositif aussi pervers que celui qui nous est proposé.

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait rien à réformer dans les marchés publics. Nous savons bien que des simplifications sont nécessaires. Nous savons bien que des recours sont parfois introduits qui portent sur des points de détail. Nous savons bien que, pour des raisons de pure procédure, des projets sont retardés. Oui, les choses peuvent être améliorées. Mais, ce n'est pas en généralisant le système METP qu'on les améliorera, et tout le monde le sait ! Pourquoi, alors, adopterions-nous cet article 4 ?

C'est donc avec toute la force de conviction dont je suis capable que je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean François-Poncet, pour présenter l'amendement n° 129 rectifié.

M. Jean François-Poncet. L'objet de l'article 4 est de créer un régime juridique spécifique des contrats de coopération public-privé.

Or, introduire la possibilité d'aménager les contrats existants peut laisser penser à une modification de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin ». L'amendement proposé vise donc à éviter une telle ambiguïté et à affirmer le principe de la création d'un régime juridique spécifique aux contrats de coopération public-privé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l'amendement n° 128 rectifié bis.

M. Pierre Jarlier. Cet amendement est dans le droit-fil des propos que j'ai tenus lors de la discussion générale au sujet de l'article 4, lequel suscite de graves inquiétudes.

La procédure de conception-réalisation fait appel à des métiers différents, qui peuvent nécessiter un lien direct avec le maître d'ouvrage dans l'intérêt de la qualité de l'opération. C'est le cas de la maîtrise d'oeuvre - architectes, bureaux d'étude, paysagistes, économistes -, qui constitue un conseil précieux pour le maître d'ouvrage public dans les choix architecturaux et techniques avant et pendant la construction.

Afin d'éviter une subordination systématique du maître d'oeuvre à l'entreprise réalisatrice, il y a lieu de prévoir la possibilité de cocontracter dans le même contrat avec, d'une part, le concepteur et, d'autre part, le réalisateur.

De la même façon, cette cotraitance peut, le cas échéant, s'appliquer à l'organisme gestionnaire ou encore à l'organisme financier. Cette précision permettra d'assurer un lien direct entre les différents métiers intervenant dans l'opération et le maître d'ouvrage, dans un contrat unique conception-construction.

Ainsi, le maître d'ouvrage bénéficiera d'un lien direct avec les prestataires financiers, d'étude, de réalisation et de gestion, s'il le souhaite.

Cet amendement ne remet cependant pas en cause le principe du marché unique conception-réalisation ni la simplification de la procédure unique de mise en concurrence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, pour présenter l'amendement n° 64.

M. Jean-Paul Amoudry. Cet amendement vise à aménager l'article 4 pour le cas où notre assemblée renoncerait à le supprimer.

Compte tenu des conséquences dommageables pour les architectes et les petites entreprises de l'extension des contrats de participation public-privé, il apparaît nécessaire de limiter leur recours à des cas très précis, pour lesquels seules des entreprises de taille importante peuvent répondre à une telle demande.

Les critères déterminants peuvent notamment être le coût de l'opération et la complexité technique du marché.

Ainsi, pour que soient respectés les trois principes fondamentaux que sont la libre concurrence, la transparence de la procédure et l'égalité des chances, cet amendement permettrait de limiter l'extension prévue à des cas très précis.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l'amendement n° 85.

M. Alain Fouché. Lors de la réunion de la commission des affaires économiques qui a eu lieu la semaine dernière, mes collègues ont exprimé leur souci de voir les nouvelles formes de contrats prévues par le présent article respecter le principe d'égalité d'accès à la commande publique.

Je rappelle que la commande publique représente plus de 10 % du produit intérieur brut. Dès lors, il est effectivement important que les PME-PMI et les entreprises artisanales puissent accéder à ces marchés publics et que ceux-ci ne soient pas, de fait, réservés aux grandes entreprises du bâtiment et des travaux publics, ce qui ne manquerait pas de porter un coup sérieux au tissu d'activité de nos territoires et à leur équilibre socio-économique.

M. Jean-Pierre Sueur. Alors, qu'allez-vous faire ?

M. Alain Fouché. Laissez-moi terminer !

C'est pourquoi, au-delà de l'inquiétude que j'ai exprimée cet après-midi dans mon intervention en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, il m'a semblé utile de déposer cet amendement.

Il vise à garantir que les dispositions que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance pour aménager le régime juridique des contrats existants et pour créer de nouvelles formes de contrats permettront aux PME et aux artisans d'accéder, soit directement, en étant en mesure de présenter des offres, soit indirectement, par la voie de la sous-traitance, aux prestations mentionnées à l'article 4. Or j'ai constaté avec plaisir que, ce matin, la commission des lois avait adopté un amendement répondant au même souci, et je sais que notre collègue Bernard Saugey partage nos préoccupations.

Dans ces conditions, je me rallie à l'amendement n° 142 et je retire le mien, tout en souhaitant que le Gouvernement nous rassure sur les garanties qui seront apportées à l'artisanat et aux PME.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 85 est retiré.

L'amendement n° 142 a déjà été présenté.

La parole est à M. Pierre Jarlier, pour défendre le sous-amendement n° 143 rectifié.

M. Pierre Jarlier. La commission des lois propose d'ajouter un alinéa à la fin de l'article 4 pour répondre aux inquiétudes légitimes des PME et des artisans face aux perspectives du nouveau code des marchés publics en ce qui concerne la procédure de conception-réalisation. En précisant que les ordonnances prévoiront les conditions d'un accès équitable des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus à l'article 4, leurs craintes devraient s'atténuer. Je soutiens donc cet amendement.

Mais la formule conception-réalisation fait appel à plusieurs métiers différents dont l'intervention sera intégrée dans un contrat unique. De ce fait, les craintes des PME, qui risquent d'être subordonnées à la sous-traitance des grandes entreprises, sont aussi partagées par les architectes.

En effet, dans les opérations d'équipements publics, telles qu'elles sont réalisées actuellement, le maître d'oeuvre est l'architecte en premier lieu ; il intervient en amont du projet aux côtés de son maître d'ouvrage, dans le cadre d'un marché identifié, auquel il peut librement prétendre par voie du code des marchés publics.

Dans une procédure de conception-construction, la contractualisation avec le maître d'ouvrage est organisée, selon le texte initial qui, je l'espère, va évoluer, en donnant à l'entreprise générale un rôle prépondérant d'interlocuteur unique. Cette situation, si le dispositif n'est pas suffisamment encadré, risque de priver d'accès à ces marchés les architectes libéraux, car l'entreprise générale pourra, à son gré, s'entourer en interne d'une équipe d'ingénierie qui dépendra totalement d'elle, sur le plan des choix tant techniques que financiers.

L'amendement que j'ai soutenu tout à l'heure devrait permettre d'ouvrir un marché de cotraitance avec le maître d'oeuvre, qui serait dès lors directement lié avec son maître d'ouvrage.

Cependant, il est indispensable d'affirmer dans l'amendement de la commission des lois, pour les raisons que je viens d'évoquer, que l'accès au marché de la conception-réalisation doit aussi être ouvert, en respectant les mêmes principes d'équité, aux PME, aux artisans et aux architectes. L'intervention des architectes dans une opération est un gage de qualité et un soutien précieux au maître d'ouvrage dans les choix architecturaux, techniques et financiers.

Ce sous-amendement a donc vocation à affirmer clairement le droit à un accès équitable aux procédures de conception-réalisation pour les architectes.

M. le président. La parole est à M. Alduy, pour défendre les amendements n°s 126 rectifié bis et 127 rectifié bis.

M. Jean-Paul Alduy. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je suis favorable à la suppression de l'article 4 car la procédure des ordonnances ne me semble pas adaptée à une modification en profondeur des équilibres de la filière de la construction.

On touche là à l'organisation de ces métiers et, finalement, à l'organisation même du tissu économique de cette filière. Il faut donc engager la concertation et prendre le temps du dialogue. Or le travail législatif est par essence destiné à laisser le temps au dialogue de s'instaurer et à permettre ainsi à chaque métier et à chaque groupe social de s'exprimer.

Toutefois, étant bien conscient que cet article ne sera sans doute pas supprimé, je me suis à mon tour attaché à rédiger des amendements de nature à permettre d'en maîtriser les risques.

Je propose donc, par l'amendement n° 126 rectifié bis, de fixer par décret le seuil financier à partir duquel on pourra accepter des procédures aussi dérogatoires par rapport au droit régissant actuellement la filière de la construction.

L'amendement n° 127 rectifié bis est de même nature que le précédent.

Lorsque l'on propose une compétition en conception-réalisation, on court le risque d'affaiblir la qualité. Le maître d'ouvrage ayant peu de maîtrise sur la conception et sur le chantier, une entreprise risque d'abaisser la qualité ici ou là en cours de chantier.

En revanche, si l'entreprise assure non seulement la conception et la réalisation, mais aussi la maintenance et la gestion, tout affaiblissement de la qualité pendant la réalisation se reportera, demain, sur les dépenses de maintenance et de gestion. Il s'agit là d'un cercle beaucoup plus vertueux.

Je n'accepte les procédures de conception-réalisation que si elles sont adossées à des missions beaucoup plus larges incluant à la fois la maintenance et la gestion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Je comprends tout à fait les arguments de l'auteur de l'amendement n° 3, notre collègue et ami Jean-Paul Amoudry. Vous constatez cependant, mes chers collègues, que cet amendement est contraire à la position de la commission des lois, laquelle souhaite, comme un certain nombre d'entre vous, que l'article 4 soit modifié du fait des incertitudes qu'il soulève et de quelques éléments qui ne sont pas très acceptables.

La commission est donc défavorable à l'amendement n° 3, ainsi qu'aux amendements identiques n°s 89 et 101 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 129 rectifié, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

En revanche, la commission a émis un avis particulièrement favorable sur l'amendement n° 128 rectifié bis.

J'en viens à l'amendement n° 64. Il ne semble pas nécessaire d'ajouter une telle limitation du recours aux contrats globaux. Je demande donc à notre collègue Jean-Paul Amoudry de retirer cet amendement, sinon la commission émettra un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 143 rectifié tend, à juste titre, à assurer une place aux architectes dans la conception et la maîtrise d'oeuvre. Il vise à préserver une certaine reconnaissance et une certaine indépendance de leur fonction et à maintenir la qualité architecturale des constructions.

La commission est favorable à ce sous-amendement. Je propose donc de l'intégrer dans son amendement n° 142, qui sera rectifié en ajoutant les termes « architectes, des concepteurs, des ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 142 rectifié, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par une phrase ainsi rédigée : "Elles prévoient des conditions d'un accès équitable des architectes, des concepteurs, des petites et moyennes entreprises et des artisans aux contrats prévus au présent article". »

En conséquence, le sous-amendement n° 143 rectifié n'a plus d'objet.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 126 rectifié bis, il ne semble pas nécessaire d'ajouter une telle limitation au recours aux contrats globaux.

La commission demande donc le retrait de l'amendement, sinon elle émettra un avis défavorable.

La commission demande également le retrait de l'amendement n° 127 rectifié bis, sinon elle émettra, là encore, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement se réjouit de la qualité des débats auxquels a donné lieu cet article tout à fait important. (M. Claude Domeizel s'exclame.)

Je dis tout de suite, au nom du Gouvernement, que l'apport du Sénat pour préciser et clarifier la portée de cet article est considérable. C'est logique puisque l'objet même d'un débat sur une loi d'habilitation, c'est bien que le Parlement fixe la feuille de route du Gouvernement.

Premier constat qui, je crois, rassemble tous les élus locaux : actuellement, les règles applicables en matière de marchés publics sont d'une complexité extrême, au point de décourager trop souvent les initiatives et d'aboutir à la paralysie.

Deuxième constat : les délais en matière de réalisation des équipements publics ne cessent de s'allonger. Aujourd'hui, en France, il faut, malheureusement, en moyenne dix ans, une fois la décision politique prise, pour réaliser un équipement public, que ce soit une prison, un commissariat, une école, un bâtiment universitaire ou un hôpital public. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Gérard Cornu. Eh oui ! Il faut être sérieux !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Troisième constat : notre pays accuse aujourd'hui un retard en matière d'infrastructures publiques. Demain aura lieu, ici même, au Sénat, un débat important à partir du diagnostic sur les infrastructures, mais il est clair que l'Etat ne peut pas, à lui seul, financer l'ensemble des équipements publics alors que les élus estiment qu'ils ont un caractère prioritaire.

C'est pourquoi le Gouvernement, par le jeu conjugué des articles 3 et 4, simplifie de façon considérable l'ensemble de la procédure en matière de marchés et d'équipements publics.

Il existe d'abord - c'est le premier volet de la réforme - une étape réglementaire - les orateurs de l'opposition l'ont rappelée -, sur l'initiative de mes collègues Francis Mer et Alain Lambert, que je veux saluer, qui consiste à alléger considérablement la nomenclature et à aligner les seuils nationaux sur les seuils européens.

M. Bernard Frimat. Mais non !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il n'y a aucune raison d'ajouter une complexité nationale à la complexité européenne !

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le second volet de la réforme ouvre la possibilité aux maîtres d'ouvrage, c'est-à-dire à la collectivité publique, d'avoir un marché global, de la conception à la maintenance. Actuellement, en effet, la loi fait obligation, vous l'avez tous rappelé, mesdames et messieurs les sénateurs, d'avoir trois marchés distincts, un premier pour la conception, la prestation intellectuelle, un deuxième pour la construction, le BTP, et un troisième pour la maintenance. A ces trois marchés s'ajoute souvent, en amont - M. Pierre Jarlier l'a excellemment évoqué - le recours à un programmateur, ce qui signifie que, en pratique, il existe souvent quatre marchés.

Je précise tout de suite que, dans l'esprit du Gouvernement, la possibilité de recourir au marché global est une faculté ouverte à la collectivité publique et qu'elle ne se substitue en aucun cas au régime existant.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je souhaite dissiper à ce sujet tout malentendu.

M. Roland Muzeau. Qui peut croire un « truc » pareil !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. C'est la raison pour laquelle, au nom du Gouvernement, je suis favorable à l'amendement n° 129 rectifié, qui a été défendu par M. Jean François-Poncet.

Il s'agit bien de créer un régime juridique propre à une nouvelle catégorie de contrats. Cet amendement dissipera donc des malentendus.

Une préoccupation légitime demeure, que vous avez tous évoquée, avec des accents divers : il faut préserver un accès équitable des petites entreprises, des artisans, et des maîtres d'oeuvre aux marchés publics.

L'enjeu est très important, puisque la commande publique, dans son ensemble, porte sur plus de 100 milliards d'euros, soit un peu moins de 10 % du produit industriel brut et qu'actuellement, je le rappelle, les artisans et la maîtrise d'oeuvre réalisent environ 45 % de ces marchés publics.

Bien évidemment, je le répète, les marchés globaux ne concerneront qu'une minorité de ces contrats. Néanmoins, la préoccupation que vous avez exprimée est parfaitement légitime et, bien entendu, le Gouvernement et le Premier ministre, dont l'attachement personnel à la cause des artisans et des petites entreprises est bien connu, vous ont entendus.

Le Gouvernement est donc favorable à la rédaction proposée sagement par M. le rapporteur.

M. Roland Muzeau. Cela ne change rien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Nous sommes également favorables au sous-amendement n° 143 rectifié de M. Jarlier concernant les architectes.

J'ai bien entendu les inquiétudes très fortes exprimées par MM. Amoudry et Alduy à cet égard.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il va de soi que le geste architectural est noble et tout à fait essentiel à la qualité du bâtiment public. Je crois d'ailleurs qu'il faut aussi faire confiance aux maîtres d'ouvrage publics, chacun d'entre vous le sait puisque la Haute Assemblée est l'émanation des collectivités locales. Je n'imagine pas en effet qu'une collectivité publique puisse ne pas faire attention à la qualité du bâtiment et de l'équipement qu'elle commande.

J'ajoute que, aux yeux du Gouvernement, la séparation artificielle entre la conception du bâtiment public et son exploitation future a des effets pervers. Trop souvent, on inaugure des bâtiments dont on constate qu'ils n'ont pas été totalement pensés en amont en fonction de leur destination finale. Je crois que, de ce point de vue, le marché global sera une bonne chose pour des équipements complexes. Ce nouveau dispositif rejoint tout à fait les évolutions récentes de l'architecture contemporaine, qui a fait naître bien des talents, en France notamment. De plus il facilitera le dialogue avec les destinataires finaux et les usagers.

Une prison est conçue d'abord pour les détenus et les gardiens, une école pour les enseignants et les élèves, un hôpital pour les médecins, les professions de santé et les malades.

C'est l'évidence, mais je crois qu'il faut poser une limite à la séparation voulue par le législateur entre, d'une part, le geste intellectuel, le geste noble de l'architecte, la conception, et, d'autre part, l'utilisation future du bâtiment. De ce point de vue, le marché global peut permettre des ouvertures intéressantes qui restent bien entendu sous le contrôle plein et entier de la collectivité publique.

Enfin, je salue, au nom du Gouvernement, le caractère novateur de l'amendement n° 128 rectifié bis concernant la cotraitance. Je crois qu'il répond pleinement au point le plus délicat qui concerne l'indépendance de la maîtrise d'oeuvre et la crainte des maîtres d'ouvrage d'être mis sous la coupe - je reprends vos termes, monsieur Jarlier - des groupes du bâtiment.

La cotraitance est une piste tout à fait féconde et qui permet de concilier l'apport, en termes de délais et d'efficacité, du recours au marché global de la conception à la maintenance, tout en conservant l'indépendance souhaitable pour des raisons qui tiennent à la qualité même du bâtiment et de l'équipement public. (M. Claude Domeizel s'exclame.)

Enfin, je voudrais évoquer le caractère très novateur du partenariat entre le secteur public et le secteur privé, qui dépasse le marché global de la conception-maintenance.

M. Claude Domeizel. Moins vous en dites, mieux c'est !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le partenariat entre le public et le privé permettra, en autorisant l'exploitation sur une très longue durée, de mettre en place une infrastructure publique qui ne peut être financée en quelques années, des équipements très lourds et très complexes, et d'associer l'ingénierie privée et les capitaux privés à la réalisation de ces équipements dont notre pays a tant besoin et qui font défaut aujourd'hui.

A un moment où la France connaît un déficit d'investissement et un essoufflement de sa croissance, il me paraîtrait dommageable de se priver plus longtemps de l'apport, en termes de projets et de financements, des capitaux et des énergies privés.

Cette disposition est emblématique de la volonté du Gouvernement de mettre un terme à l'opposition artificielle et idéologique entre les énergies du secteur privé et celles du secteur public : notre pays doit unir ses forces pour gagner les vraies batailles, qui sont celles du marché mondial et de la compétitivité.

La France a la chance de posséder de grandes entreprises qui sont des leaders mondiaux dans ces domaines, et je rappelle que le système de la concession de service public est une invention française qui a fait le tour du monde. Il n'y a donc aucune raison de craindre le partenariat entre public et privé.

Par conséquent, le Gouvernement partage absolument l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements et va jusqu'à émettre un avis favorable sur l'amendement n° 129 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 3, 89 et 101 rectifié.

M. Philippe Richert. Je suis un peu gêné. Certes, je comprends bien l'objet du projet de loi, qui est de simplifier les démarches administratives pour favoriser la modernisation de notre pays et le rendre plus réactif. Mais quand je regarde la réalité, et je prendrai l'exemple des travaux de construction des lignes de TGV qui sont en cours, je constate que les PME de ma région n'y ont pas accès parce que les allotissements sont prévus de façon telle que seules les grandes entreprises peuvent répondre aux appels d'offres.

La richesse de notre pays, nous le savons, réside dans sa diversité, dans la coexistence de très grandes, de grandes, de moyennes et de petites entreprises. Je crains, si nous adoptons les dispositions qui nous sont proposées à l'article 4, que nous ne condamnions les petites entreprises à faire de la sous-traitance ou, pire, à disparaître.

Nous avons souhaité encadrer la simplification, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des avancées que vous avez d'ores et déjà acceptées à travers un certain nombre d'amendements, en particulier celui de notre collègue M. Pierre Jarlier. Mais d'autres mesures avaient été proposées, particulièrement dans les amendements n°s 126 rectifié bis et 127 rectifié bis de notre collègue M. Jean-Paul Alduy, mesures que vous indiquez vouloir rejeter.

Dans ces conditions, j'estime que l'encadrement proposé n'est pas satisfaisant, et je me vois dans l'impossibilité de vous suivre, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le rejet de l'amendement n° 3. En effet, je considère que les précautions sont insuffisantes pour, d'une part, assurer le respect de la création de l'architecte indépendant, mais aussi, d'autre part, prémunir les petites entreprises, auxquelles nous devons être particulièrement sensibles, du risque réel qu'elles courraient.

Les marchés globaux, allant de la conception à la maintenance, me semblent appelés à se généraliser et ne pourront concerner que les très grosses entreprises, dont les moyens sont sans commune mesure avec ceux des petites entreprises. C'est là, me semble-t-il, un risque véritable.

C'est la raison pour laquelle je veux appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait que, en repoussant certains amendements, vous placez plusieurs d'entre nous dans l'obligation de voter l'amendement de suppression de l'article 4.

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.

M. Yves Dauge. J'ai écouté mes collègues exposer les amendements qu'ils ont déposés pour tenter de limiter les dégâts, et j'apprécie leur démarche.

Néanmoins, mon groupe maintiendra l'amendement de suppression n° 101 rectifié, car, même si ces amendements sont sympathiques, il est évident que leurs auteurs font la même analyse que nous et se contentent d'essayer de boucher les brèches que d'aucuns sont en train d'ouvrir.

Je serai clair, monsieur le secrétaire d'Etat : je ne vais pas faire le procès des grandes entreprises, que, pour être maires, nous sommes nombreux à bien connaître. Il est vrai que la France compte de très grandes et très belles entreprises qui occupent une position remarquable à l'échelon national et international et qui ont réalisé des oeuvres admirables. On peut évoquer ici les grands travaux de François Mitterrand, qui ont été conduits par de grandes entreprises françaises auxquelles ils ont permis d'acquérir une réputation mondiale. Je pense notamment au Louvre : imaginez ce qui se serait passé si nous avions également confié la conception et la maintenance à l'entreprise qui a réalisé le projet, si prestigieuse soit-elle ! Cet exemple illustre tout ce qu'il y a d'essentiel dans la conception et dans la création.

Or, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous dire que votre façon de parler des architectes, du geste architectural, du dessin... n'est pas du tout à la hauteur des ambitions que nous nourrissons pour cette profession. Je ne vous ferai pas de procès d'intention : ce sont juste des mots que vous avez prononcés, et je suis convaincu que vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que cette profession est essentielle et revêt une dimension culturelle.

Malheureusement, la commande publique française a souffert pendant de nombreuses années d'un défaut de conception, et nous avons dû, ces dernières décennies, lui consacrer un effort considérable, ainsi qu'à la revalorisation des métiers de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre. C'est la politique qu'il faut conduire, en laissant par ailleurs la place aux entreprises qui exécuteront les ouvrages.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous voulez simplifier par ordonnances. Dont acte ! Mais là, vous sortez du champ de la simplification pour entrer dans un domaine qui n'est pas du tout de même nature. C'est cela qui n'a pas été compris !

Je vous ai dit combien les personnes qui travaillent aux ministères de l'équipement et de la culture sont inquiets et réservés sur cette démarche, engagée par certains membres du Gouvernement, contre laquelle je vous mets en garde. Toute la France veut simplifier, c'est vrai. Mais faut-il, au nom de la simplification, toucher à des questions essentielles qui, en effet, relèvent d'une réflexion, d'un dialogue avec les professions, d'un débat parlementaire, d'une autre nature ? Le sujet est tout de même grave ! Nous ne sommes pas opposés à la simplification, même par ordonnances. Mais là, nous touchons à autre chose.

La logique de l'entreprise, monsieur le secrétaire d'Etat - sans vouloir, je le redis, faire de procès aux entreprises - , c'est de faire du standard, de la répétition, du modèle, et point final ! Ce n'est surtout pas de réinventer à chaque commande un projet sur mesure, neuf, correspondant à un usage précis. Là n'est pas son problème !

Or les collectivités locales, disons-le franchement, seront toutes tentées par ce « PPP » parce que, après tout, il est bien plus simple de ne pas faire l'effort de l'intelligence, de la conception, de ne pas passer de marché de programmation - comme l'a très justement souligné l'un de nos collègues - , de se dispenser ensuite de faire appel à des concepteurs puis d'instaurer un véritable dialogue avec le maître d'oeuvre. C'est pourtant cela qui est enrichissant, et c'est tout cela qui sera gommé si l'on demande directement à l'entreprise de tout régler. C'est néanmoins ce que feront nombre d'élus locaux si l'Etat ouvre cette brèche.

Elle avait déjà été ouverte, par le passé, avec les fameux marchés que nous avons déjà évoqués, et nous avions dû la colmater parce que nous nous étions rendu compte que nous courions à la catastrophe. Aujourd'hui, sous prétexte de simplification, vous voulez la rouvrir largement. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous le dis sans esprit de polémique, mais je vous le dis solennellement : la question est gravissime !

Je terminerai par une question technique : quid de la TVA ? Avec ce système PPP, allez-vous ou non la récupérer lorsque vous ferez construire votre mairie ? Quid encore de l'inscription dans le budget ? Etes-vous sûr que les crédits doivent figurer non pas sur la ligne d'investissement, mais sur la ligne de fonctionnement ? Etes-vous sûr encore que la comptabilité publique soit en mesure d'intégrer la gestion financière du dispositif que vous proposez ? Moi, je n'en suis pas persuadé, et vous non plus, ce soir.

Il faudra vérifier ce point, car, si les implications du dispositif sur la TVA et sur la comptabilité publique ne sont pas tirées au clair, je peux vous assurer que les arguments que vous mettez en avant tomberont rapidement !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne craignons pas le partenariat entre le public et le privé, bien au contraire, car nous savons parfaitement tout ce que l'équipement de notre pays lui doit : si la France dispose aujourd'hui d'un beau réseau de chemin de fer, c'est très largement grâce à la concession !

Nous pensons même que ce partenariat doit être très largement développé. Aujourd'hui, les grandes entreprises sont à même d'apporter aux collectivités locales des éléments auxquels ces dernières n'ont pas accès, comme des sources de financement extérieur ou des emprunts à très long terme. Et ce n'est pas parce qu'un architecte sera choisi par une entreprise privée que ce sera un mauvais architecte et que le bâtiment qui sera construit ne sera pas un beau bâtiment !

Cependant, un certain nombre de questions demeurent, auxquelles, malheureusement, le projet de loi ne répond pas. Lorsque nos collègues MM. Alduy, Richert ou Jarlier évoquent le rôle de l'architecte, il ne s'agit pas pour eux de déterminer si l'architecte sera bon ou mauvais, puisqu'il est bien évident que tout le monde choisira un bon architecte. Le problème qui se pose est de savoir avec qui, de l'entreprise qui l'aura choisi ou de la collectivité territoriale qui ne l'aura pas choisi directement, mais qui aura choisi le groupement dans son ensemble, l'architecte fera le plus équipe. Naturellement, une collaboration très étroite est nécessaire entre la collectivité territoriale et l'architecte.

De plus, sans vouloir rouvrir le débat sur les PME-PMI, je rappelle que nous sommes tous attachés à ce que celles-ci aient un accès le plus large possible aux marchés publics, et certaines des dispositions contenues dans le projet de loi vont dans ce sens. Nous savons déjà que, lorsqu'on recourt à une entreprise générale, les PME-PMI doivent passer sous ses fourches caudines. Avec le contrat global qui nous est proposé, elles seront dans une situation d'infériorité bien plus grande encore.

Nous considérons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que la procédure des ordonnances est particulièrement inadaptée pour développer le partenariat entre le public et le privé, même si nous pensons que les contrats doivent, en effet, porter sur une longue durée et avoir pour objet non seulement la construction, mais aussi la maintenance ; car c'est dans la durée que l'on trouve les bons moyens de financement.

La procédure des ordonnances va laisser un arrière-goût de suspicion. Ceux de nos collègues qui ont déposé des amendements visant à limiter la délégation sont emplis de bonnes intentions, mais nous savons bien que les intentions ne valent pas véritable limitation. Quant aux amendements de repli, ils ne tendent pas à de réelles limitations : ils se contentent d'énoncer des intentions. Elles comptent, certes. Cependant, nous savons également que le projet de loi de ratification prévu à l'article 38 de la Constitution ne sera jamais déposé et encore moins débattu, parce que cela n'arrive jamais ; c'est donc la dernière fois que nous évoquons cette question.

Monsieur le secrétaire d'Etat, voulez-vous réellement sauver le partenariat entre le public et le privé et le contrat global, auxquels nous sommes, autant que vous, attachés et auxquels nous sommes prêts à travailler pour que puisse se nouer, dans la plus grande clarté, un partenariat riche et nourri entre les collectivités et les entreprises privées ? Alors, retirez cette disposition du texte et faites-en l'objet d'un projet de loi « normal », qui viendra en discussion lorsque vous le voudrez. Je suis sûr que nous parviendrons alors à nous mettre d'accord et à adopter cette mesure.

Si vous n'accédez pas à notre demande, nous voterons bien sûr l'amendement de suppression de l'article 4. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur celles du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. Je suis un peu étonné de la tournure que prend la discussion de l'article 4. Ce qui m'étonne le plus, c'est votre frilosité, mes chers collègues, lorsqu'il s'agit d'envisager la possibilité de revoir nos contrats.

Ces contrats doivent être revus, nous le reconnaissons tous : ils sont mal adaptés, les procédures sont trop lourdes, les durées de réalisation trop longues... Et vous voulez que cela continue ? Vous nous proposez comme seule autre solution d'attendre que le Gouvernement dépose un projet de loi ou qu'un parlementaire ose déposer une proposition de loi. Ce n'est pas demain la veille !

Si nous continuons ainsi, jamais nos contrats ne seront révisés et, pendant des années encore, les grands équipements publics ne se feront pas.

Aujourd'hui, le Gouvernement demande simplement au Parlement de faire preuve d'un peu d'imagination. Les ordonnances ne le privent pas de son pouvoir d'appréciation, puisque, je le rappelle, tant qu'elles ne sont pas ratifiées, elles ne sont que des actes réglementaires, et que le législateur recouvre la totalité de ses prérogatives à l'issue de la période fixée. Si les contrats passés selon les modalités prévues à l'article 4 ne nous plaisent pas, nous pourrons alors les remettre en cause. Mais si nous ne nous engageons pas dans cette démarche, ce n'est ni demain ni après-demain que nous le ferons, c'est dans dix ans. A ce moment-là, il sera trop tard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Répéter inlassablement que la simplification ferait peur aux uns et satisferait les autres, qu'il y aurait les modernes d'un côté et les archaïques de l'autre, n'a vraiment aucun sens.

La simplification telle qu'est nous est rabâchée depuis quelques heures ne signifie ni plus ni moins, pour ce qui concerne l'article 4, qui nous occupe actuellement, que la mainmise des grands groupes du bâtiment sur tous les marchés publics, avec toute la latitude qu'ils souhaitent. Je ne fais pas là de procès d'intention à quelque groupe que ce soit : c'est la réalité.

Chacun d'entre nous, mes chers collègues, devrait avoir gardé un mauvais souvenir des METP et en avoir tiré les enseignements, comme l'avait fait le gouvernement précédent ; je croyais que la question était réglée une bonne fois pour toutes ! Et voilà que vous y revenez par un biais tout à fait incroyable, en recourant à la forme d'une ordonnance, pour faire entrer par la fenêtre ce que nous avions fait sortir par la porte après, à l'époque - contrairement à aujourd'hui - un débat public ! C'est pour cette raison que la discussion s'éternise ce soir et que, monsieur Gélard, vous vous plaignez de la frilosité des parlementaires siégeant sur certaines travées ! Reconnaissez-le !

M. Patrice Gélard. Oui, oui !

M. Roland Muzeau. Si notre collègue M. Mercier avait prolongé son propos, nous aurions fini par croire qu'il avait rejoint la gauche !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il n'en est pas loin !

M. Roland Muzeau. Je ne pense pourtant pas que c'était là son souci !

Cela étant, il exprime une préoccupation juste, puisqu'il cherche à tirer les enseignements d'une situation qui a été préjudiciable non seulement aux collectivités en général, mais également aux hommes politiques.

Nous avons tous en mémoire - pour ne parler que de la région d'Ile-de-France, qui est celle que je connais le mieux - les dégâts qu'ont provoqués de telles procédures, et vous proposez d'y revenir, qui plus est par voie d'ordonnances dans des délais extrêmement brefs, et même, - mon collègue Robert Bret a raison de me le souffler -, de les généraliser. C'est tout de même incroyable ! Vous prenez des risques disproportionnés là où les Français attendent une clarification de la vie publique. Pourtant, un peu de ménage avait été fait ; et voilà que vous souhaitez remettre la poussière là où nous l'avions enlevée !

Je partage l'état d'esprit des auteurs de certains amendements ayant trait les uns aux PME-PMI et aux TPE, les autres à la maîtrise d'oeuvre. Cependant, ces amendements eux-mêmes ne répondent absolument pas aux craintes que nous avons entendues s'exprimer sur de nombreuses travées ! Je crois, mes chers collègues, que leur adoption vous rassurerait à bon compte, mais qu'elle ne changerait en rien la réalité. Le projet de loi conduira dès son adoption aux dérives que nous avons déjà connues dans une période toute récente.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Mais non !

M. Roland Muzeau. Mais bien sûr que si ! Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez beau nous dire que les collectivités auront la possibilité de choisir telle ou telle modalité...

M. Patrice Gélard. Evidemment !

M. Roland Muzeau. ... vous n'y croyez pas vous-même ! Pour être un élu responsable qui connaît le terrain, vous savez pertinemment ce qui se passe à partir du moment où l'on offre à des collectivités la possibilité d'économiser quelques mois, quelques sous, sur un certain nombre de procédures, même au mépris de la qualité architecturale même, au mépris d'une garantie de fonctionnement - il faut penser aussi à cette dimension-là, - et au mépris d'un contrôle de la puissance publique et de la maîtrise d'ouvrage : immédiatement -, nombre de collectivités opteront pour la procédure que vous nous soumettez aujourd'hui.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Pas forcément !

M. Roland Muzeau. Voilà ce qui se produira, et ne faites pas semblant d'en douter. C'est la réalité et, s'il ne s'agissait pas d'un sujet aussi grave, nous pourrions prendre les paris ce soir : ce sont tous les politiques, quels qu'ils soient, même ceux qui ne sont pas directement concernés, qui paieront la note. Or, moi, je me refuse à accepter ce type de risque pour la vie politique française. Un triste personnage s'exprimait hier soir sur une chaîne publique, et je n'ai pas envie que le Parlement participe indirectement à la mise en oeuvre d'un programme qui vise l'establishment, comme il dit. Car c'est de cela qu'il est question, mes chers collègues.

Je vous propose donc tout simplement de supprimer l'article 4. C'est une question de salubrité publique et j'espère que, ce soir, nous serons nombreux à refuser l'article de tous les dangers pour la vie politique française.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'Etat, si j'avais à voter sur l'article tel qu'il est actuellement rédigé, je vous le dis tout net, je ne le voterais certainement pas.

Néanmoins, je ne vais pas plus voter les amendements de suppression, parce que je partage votre conviction sur la nécessité, l'urgence de la simplification, de l'accélération des procédures et de l'abondement des financements, avec éventuellement des capitaux privés. C'est à cette condition que nous pourrons mener la bataille de l'investissement, cet investissement dont on sait que notre pays, nos régions, nos départements, nos communes ont tant besoin.

Donc, j'adhère à l'objectif. Néanmoins, je vous l'ai dit, je n'aurais pas voté l'article en l'état. Cela étant, même si l'amendement de la commission est intéressant, qui porte sur les petites entreprises et l'artisanat, d'autant plus intéressant qu'il est complété heureusement par le sous-amendement de notre collègue Pierre Jarlier, que j'ai co-signé, je mesure bien que sa portée normative risque de ne pas être très forte.

M. Roland Muzeau. Mais non !

M. Adrien Gouteyron. En revanche, ce que nous a proposé M. Jarlier pour la maîtrise d'oeuvre, le dispositif qui donne la possibilité au maître d'ouvrage de passer plusieurs contrats, un avec le maître d'oeuvre, un avec l'entreprise de BTP qui va réaliser les travaux, un éventuellement avec l'entreprise qui va se charger de la maintenance, redonne, me semble-t-il, au maître d'ouvrage son pouvoir de contrôle et garantit la satisfaction, beaucoup mieux que ne le faisait le texte initial, monsieur le secrétaire d'Etat, de toutes les exigences, notamment de précaution, qui doivent être celles d'une maîtrise d'ouvrage publique soucieuse de la qualité des bâtiments et de la bonne utilisation des investissements publics.

Contrairement à ce qu'a affirmé tout à l'heure M. Mercier, je crois que, amendé comme je l'espère, le Sénat le décidera, par l'amendement présenté par notre collègue M. Jarlier, le texte devient acceptable parce qu'il restitue au maître d'ouvrage sa liberté de choix.

Mais je me tourne vers M. Muzeau.

Mon cher collègue, il y a une différence entre votre conception et la nôtre. Pour notre part, nous faisons spontanément confiance aux maîtres d'ouvrage, nous croyons en leur sens des responsabilités, en leur lucidité, en leur capacité à s'informer et à s'entourer d'avis aussi diversifiés que possible. Les gestionnaires des collectivités ont un sens des responsabilités suffisamment développé pour ne pas céder à certaines facilités.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Adrien Gouteyron. Telle est ma position, monsieur le secrétaire d'Etat : je ne voterai pas les amendements visant à supprimer l'article 4, mais je voterai les amendements de la commission et celui de M. Jarlier, qu'elle a accepté, car ils améliorent le texte.

M. Robert Bret. Ils le rendent tout juste présentable !

M. Adrien Gouteyron. On peut encore l'améliorer, mais la navette n'est pas terminée. Il faudra prendre d'autres précautions, lors des étapes ultérieures du débat parlementaire, pour s'assurer que les petites entreprises ne seront pas écartées des marchés.

M. Philippe Richert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je soutiendrai les propositions de la commission, mais quel étrange procès fait-on aux collectivités ? Qui peut croire que les maires vont écarter les PME ou les artisans de leur ville ? Comme M. le secrétaire d'Etat le rappelait tout à l'heure, 45 % des marchés publics ont été confiés à des artisans locaux, ce qui manifeste une volonté politique réelle des élus.

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, mais sous l'empire de la législation actuelle !

M. Alain Fouché. J'ai confiance dans les collectivités, dans les maires, dans les présidents de conseils généraux et de conseils régionaux.

M. Robert Bret. Nous ne sommes pas là pour « faire confiance », mais pour faire la loi !

M. Alain Fouché. Je suis bien d'accord, mais les élus sont des individus responsables et je ne suis pas inquiet quant à leur attitude face à ce dossier.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Roland Muzeau. C'est pourtant la réalité, à Paris !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Tout a été dit et fort bien dit, et ce débat est à l'honneur de la Haute Assemblée.

La proposition de la commission, enrichie par l'amendement de M. Jarlier, correspond très exactement à l'équilibre souhaité par le Gouvernement, équilibre par nature difficile à trouver. Il faut, en effet, concilier différents objectifs : le souci d'efficacité de la commande publique, la volonté de rapprocher autant que faire se peut les initiatives privées et les initiatives publiques pour les faire concourir à l'objectif qui nous rassemble tous, tout en simplifiant la vie des élus locaux et en leur faisant confiance. Il y a là effectivement une différence de philosophie fondamentale. Pour le Gouvernement, n'en déplaise à l'opposition, c'est non pas la multiplication des règlements qui garantit la moralité des comportements publics, mais la responsabilité personnelle de l'élu devant les électeurs.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Plus la réglementation est complexe, plus elle est opaque et moins l'électeur peut exercer son contrôle sur la bonne gestion des collectivités publiques.

Il ne faut pas oublier ce volet, qui fonde la démarche du Gouvernement.

Il est donc nécessaire de concilier ces objectifs, qui sont l'essence même du projet de loi dont nous débattons, avec le souci, parfaitement légitime et partagé par le Gouvernement, d'une concertation avec l'ensemble des professions.

Monsieur Dauge, j'ai été très sensible à votre plaidoyer sincère en faveur des architectes et de leur noble profession. Vous avez cité le chantier du Louvre ; vous auriez pu citer celui de la Très Grande Bibliothèque ou de l'Opéra Bastille, équipements publics qui ont tout de même connu quelques problèmes d'exploitation et de maintenance, ce qui prouve bien qu'il n'est pas mauvais d'associer la conception, le geste de l'architecte, avec l'utilisation future du bâtiment public.

Sur le fond, le Gouvernement partage bien entendu votre sentiment. Qui, sur ces travées et au sein du Gouvernement, ne serait pas sensible à la qualité de l'ouvrage et de l'équipement publics ?

Les pires excès en la matière - et je suis, moi aussi, un élu d'Ile-de-France - ont été commis dans les années soixante et soixante-dix par les ingénieurs de l'équipement sous l'emprise des mêmes règles que celles qui existent aujourd'hui.

Encore une fois, le dialogue entre l'architecte et le maître d'ouvrage est la meilleure des garanties de qualité. Or c'est beaucoup moins une affaire de textes qu'une affaire de qualité professionnelle et d'évolution des mentalités. L'exigence de nos concitoyens s'est d'ailleurs considérablement accrue dans ce domaine, et c'est le meilleur gage pour l'avenir, car nous croyons à la démocratie et à la démocratie locale.

Ce souci est légitime. De la même façon sont légitimes - ô combien - les objections de M. Alduy, de M. Richert et de M. Mercier sur l'égalité d'accès aux marchés pour les artisans et les petites entreprises. Toutefois, il est impossible, sauf à compromettre définitivement l'essor du partenariat public-privé, dont vous avez dit vous-même que vous l'attendiez avec impatience, de complexifier davantage la loi d'habilitation. Il ne s'agit pas simplement d'amendements de convenance ou rédactionnels : les termes de la loi d'habilitation viendront encadrer l'action de l'exécutif, du Gouvernement ; ils sont donc d'une portée très contraignante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le mieux est l'ennemi du bien. Quand vous prônez l'introduction d'un seuil en deçà duquel le partenariat entre le public et le privé ne pourrait pas s'appliquer, vous interdisez l'accès au potentiel que constitue le partenariat public-privé à des projets qui pourraient intéresser au premier chef les artisans et les petites entreprises. La réfection d'une voirie municipale ou d'une école municipale, même d'ampleur modeste, en ouvrant de nouveaux marchés aux entreprises privées de petites tailles les plus innovantes et les plus performantes, peut être l'occasion d'associer aussi ces entreprises à la maintenance. Il y a d'ailleurs eu des expérimentations très intéressantes en la matière.

Je crois donc sage de ne pas réglementer à l'excès, ce qui reviendrait paradoxalement à complexifier davantage la matière que nous voulons simplifier.

Le Gouvernement fait donc le choix de l'équilibre et s'en remet à la sagesse de la commission, c'est-à-dire qu'il fait confiance aux acteurs locaux, une confiance dont nous avons grandement besoin en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Frimat. Et la TVA ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 3, 89 et 101 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Mes chers collègues, les scrutateurs m'informent qu'il y a lieu à pointage ; je vais donc suspendre la séance le temps d'y procéder.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 7 mai 2003, à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici, après pointage, le résultat du dépouillement du scrutin n° 152 :

303300151142158

Je mets aux voix l'amendement n° 129 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 64 est-il maintenu, monsieur Amoudry ?

M. Jean-Paul Amoudry. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 142 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe ne votera pas cet amendement.

Certes, il part d'une bonne intention, mais il tend en définitive à éliminer les concepteurs, les architectes, les PME et les artisans des marchés d'entreprises de travaux publics puisqu'ils ne seront pas en mesure d'affronter la concurrence des grands groupes.

En réalité, mes chers collègues, vous commencez par tuer le pèlerin puis vous vous adressez à lui en l'invitant à participer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 126 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Alduy ?

M. Jean-Paul Alduy. Je le maintiens, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 127 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Alduy ?

M. Jean-Paul Alduy. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 127 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

153314314158164150

Art. 4
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Art. 6

Article 5

M. le président. « Art. 5. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour :

« 1° Abroger les dispositions fiscales devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes ;

« 2° Elargir les possibilités et assouplir les modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques ;

« 3° Simplifier les démarches des usagers en allégeant ou supprimant des formalités de déclaration ou de paiement de certains impôts et simplifier les modalités de recouvrement de l'impôt par l'administration fiscale ;

« 4° Supprimé ;

« 5° Clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de forme législative et relative à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt ;

« 6° Respecter le principe de la présomption d'innocence en matière fiscale. »

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 90, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 109, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article. »

L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le troisième alinéa (2°) de cet article. »

L'amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le quatrième alinéa (3°) de cet article. »

L'amendement n° 112 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa (5°) de cet article. »

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 43 est présenté par M. Braun, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 113 rectifié est présenté par M. Charasse.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer le dernier alinéa (6°) de cet article. »

L'amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions de l'article 28, les ordonnances prises en vertu du présent article seront caduques si elles ne sont pas ratifiées par la plus prochaine loi de finances suivant leur publication. »

L'amendement n° 44, présenté par M. Braun, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« A. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - Les ordonnances prises dans le cadre de cet article ne pourront donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles.

« B. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :

« I. - »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 90.

Mme Josiane Mathon. L'article 5 donne le champ libre au Gouvernement pour abroger des dispositions dont nous ne connaissons pas le contenu puisque, là encore, aucune précision ne nous est donnée.

Pourtant, il est essentiel de conserver au législateur son pouvoir de décision en matière fiscale. Or, vous nous demandez de nous dessaisir de ce pouvoir, ce qui est d'autant plus inquiétant que l'imprécision des termes, notamment ceux de l'alinéa 3, ouvre la porte à un pouvoir gouvernemental de décision sur l'ensemble de la fiscalité.

Par ailleurs, l'expression « formalités de paiement de certains impôts » est pour le moins ambiguë : une formalité de paiement, ce n'est pas un simple papier, c'est aussi un paiement. Ainsi, vous allez supprimer des impôts ! Lesquels, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Alors que ni le contenu d'une éventuelle réforme fiscale ni les aspects fiscaux et financiers des transferts de compétences prévus par la loi constitutionnelle de décentralisation ne sont précisés, comment pourrions-nous donner de tels pouvoirs au Gouvernement ?

Dans son second rapport au Président de la République sur les relations entre les contribuables et l'administration fiscale pour 2002, le conseil des impôts souligne - à juste titre - que les contribuables ne sont pas suffisamment associés à la réflexion sur la norme fiscale. Comment pourraient-ils l'être puisque habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances revient par définition à accélérer la décision ?

Donner aux principaux intéressés leur juste place dans la réflexion en amont nécessite de se donner du temps pour prendre la bonne décision, c'est-à-dire celle qui sera la plus efficace.

M. le président. L'amendement n° 109 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour défendre les amendements n°s 110 rectifié, 111 rectifié et 112 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. L'habilitation en matière fiscale prévue à l'article 5 a pour effet de dessaisir le Parlement d'une de ses prérogatives essentielles : le vote de l'impôt.

Toute sorte de décisions en matière fiscale ne seront plus soumises au Parlement compte tenu de la procédure mise en oeuvre pour les ordonnances.

M. le président. La parole est à M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 43.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement vise à supprimer un complément d'habilitation introduit à l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur de la commission des lois, pour respecter le principe de la présomption d'innocence en matière fiscale ».

Or la présomption d'innocence en matière fiscale n'a pas besoin d'être instaurée puisqu'elle existe déjà.

La loi du 8 juillet 1987 modifiant le livre des procédures fiscales a notamment inversé la charge de la preuve, qui incombe désormais à l'administration ; elle a aussi introduit une procédure contradictoire et organisé une meilleure information du contrôlé sur ses droits.

Par ailleurs, l'administration a développé depuis 1999 la notion d'« application mesurée de la loi fiscale », laquelle favorise une application réaliste de textes fiscaux.

Mentionnons également que la direction générale des impôts s'est engagée, aux termes du contrat d'objectifs et de moyens, à alléger sa présence dans les entreprises vérifiées.

Au total, s'il est certain que certaines petites et moyennes entreprises ressentent encore difficilement le contrôle fiscal, il faut retenir que moins d'un contrôle sur dix donne lieu à un contentieux juridictionnel.

Autant il n'est jamais souhaitable d'occulter les difficultés, autant, en l'espèce, il semble dommageable de tendre à ressusciter un « sentiment de persécution » auquel les contribuables répréhensibles trouveraient à se rattacher.

Certes, la culture du dialogue s'est encore insuffisamment acclimatée dans l'administration fiscale - nous comptons d'ailleurs sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'il en aille autrement -, mais la situation n'est pas telle qu'elle porte atteinte au principe de la présomption d'innocence !

Ainsi, il semble raisonnable de supprimer cette habilitation inutile.

M. le président. L'amendement n° 113 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 114 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe à repris à son compte cette proposition de bon sens de M. Charasse qui vise à ce que, par dérogation aux dispositions de l'article 28, lequel fixe la durée de l'habilitation, les ordonnances prises en vertu du présent article soient caduques faute d'être ratifiées par la plus prochaine loi de finances suivant leur publication.

Si cet amendement était adopté, mes chers collègues, nous aurions un débat, à la faveur de la discussion de la loi de finances, sur la ratification explicite des dispositions fiscales prises par voie d'ordonnance.

L'amendement n° 114 rectifié vise donc tout simplement, d'une part, à rendre au Parlement les prérogatives qui sont les siennes, d'autre part, à éviter un effet néfaste des lois d'habilitation : dans divers domaines relevant de la fiscalité, le Parlement ne peut plus délibérer puisque habilitation a été donnée au Gouvernement de le faire à sa place.

M. le président. La parole est à M. Gérard Braun, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que les mesures prises dans le cadre de l'habilitation accordée à l'article 5 ne pourront donner lieu à des dépenses fiscales nouvelles.

Le vecteur naturel - mais non exclusif - de la législation en matière fiscale est la loi de finances dans la mesure où les dispositions considérées ont une incidence directe sur les ressources de l'Etat.

Dans cette perspective, et compte tenu par ailleurs de la dégradation actuelle des soldes budgétaires, il a paru judicieux à la commission des finances de restreindre la portée de l'habilitation prévue à l'article 5 en excluant toute diminution des rentrées fiscales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements n°s 90, 110 rectifié, 111 rectifié, 112 rectifié et 114 rectifié.

Elle est favorable en revanche, aux amendements n°s 43 et 44.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur les amendements n°s 90, 110 rectifié, 111 rectifié, 112 rectifié, 43 et 114 rectifié.

En ce qui concerne l'amendement n° 44, qui tend à préciser qu'il ne sera pas possible de créer par ordonnances des dépenses fiscales nouvelles, le Gouvernement fait bien entendu sien l'objectif visé. Il s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 6 bis

Article 6

M. le président. « Art. 6. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures nécessaires pour supprimer la procédure d'affirmation de certains procès-verbaux ». - (Adopté.)

Art. 6
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Art. 6 ter

Article 6 bis

M. le président. « Art. 6 bis. - Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des mesures de simplification des procédures administratives relatives aux travaux d'aménagement de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics, notamment pour clarifier les responsabilités, déconcentrer les décisions, éviter les doublons et abréger les délais d'instruction. »

Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 91, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 11, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans cet article, après les mots : "procédures", insérer les mots : "de concertation". »

L'amendement n° 12, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Après les mots : "ou des établissements publics,", rédiger comme suit la fin de cet article : "pour favoriser la déconcentration des décisions et abréger les délais d'instruction." »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 91.

Mme Josiane Mathon. Cet article, inséré par la majorité à l'Assemblée nationale, vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures concernant la répartition des responsabilités et des décisions, en matière d'aménagement, entre l'Etat et les collectivités territoriales ou les établissements publics.

Une telle disposition semble assez étonnante puisque, la loi constitutionnelle relative à la décentralisation ayant été votée, nous allons bientôt entrer dans la phase d'examen des projets de loi relatifs aux transferts de compétences et donc au partage des responsabilités. Les mesures qui nous sont présentées, s'agissant de la clarification des responsabilités et de la déconcentration des décisions, n'auraient-elles pas davantage leur place dans les futurs projets de loi ? Ne pourraient-elles du moins être examinées en même temps qu'eux ?

Nous n'avions pas manqué de souligner, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle, qu'il nous était en fait proposé de faire des collectivités territoriales, départements ou communes, des exécutants des décisions venues d'en haut. N'est-ce pas ce dont il s'agit ici ? La commission des lois a d'ailleurs déposé un amendement tendant à restreindre la portée de ce texte.

En conséquence, nous souhaitons la suppression de l'article 6 bis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 11 et 12 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 91.

M. Bernard Saugey, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 11, les procédures actuelles relatives aux travaux d'aménagement de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics mériteraient certes d'être simplifiées et allégées.

Cependant une réforme importante de ces procédures devrait intervenir à l'automne, sur la base d'un nouveau projet de loi d'habilitation. Il semble donc préférable de limiter le champ de la présente habilitation à la simplification des procédures de concertation, aujourd'hui prévue par les textes, et qui paraît urgente et nécessaire.

L'amendement n° 12, quant à lui, est rédactionnel.

Par ailleurs, la commission est défavorable à l'amendement n° 91.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 91, et est favorable aux amendements n°s 11 et 12.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.

(L'article 6 bis est adopté.)

Art. 6 bis
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Art. 7

Article 6 ter

M. le président. « Art. 6 ter. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures visant à clarifier et à préciser la situation statutaire des délégués du Médiateur de la République en complétant l'article 6-1 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République. »

L'amendement n° 13, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans cet article, supprimer les mots : "à clarifier et". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans cet article, après le mot : "situation" supprimer le mot : "statutaire". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il s'agit là aussi d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 ter, modifié.

(L'article 6 ter est adopté.)

Chapitre II

Mesures de simplification des démarches

des particuliers

Art. 6 ter
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Art. 8

Article 7

M. le président. « Art. 7. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à préciser par ordonnance les conditions d'établissement de la possession d'état de Français, afin de permettre notamment aux Français nés hors du territoire national de faire la preuve de leur nationalité. »

L'amendement n° 92, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. L'article 7 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à simplifier les règles d'établissement de preuve de la nationalité française, notamment pour les Français nés hors de France.

Il est effectivement extrêmement difficile, pour de nombreuses personnes, de faire la preuve de leur nationalité française. On leur demande d'entreprendre des démarches parfois impossibles à mener à bien et elles se trouvent placées, comme le souligne le rapport de la commission des lois, dans des situations traumatisantes et humiliantes.

Il est donc utile et même nécessaire de modifier la législation pour leur permettre de prouver leur nationalité sans qu'elles aient à rencontrer de tels problèmes. Cependant, il nous est difficile d'admettre que des dispositions touchant à la nationalité, que l'article 34 de la Constitution inscrit dans le domaine législatif, puissent ne pas faire l'objet d'un débat parlementaire. Décider des modes de preuve de la nationalité, c'est décider des éléments constitutifs de la nationalité et prendre le risque d'affecter la définition même de celle-ci. Le Parlement ne peut donc déléguer sa responsabilité en la matière.

Voilà pourquoi nous présentons cet amendement de suppression de l'article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il s'agit ici d'une disposition majeure qui permettra de simplifier la vie de millions de nos compatriotes.

En effet, depuis trop longtemps, au moment du renouvellement des actes d'état civil, on demande à nos compatriotes nés dans les anciens territoires de la République, par exemple les rapatriés ou les harkis, mais aussi à tous ceux d'entre eux qui sont nés à l'étranger, de refaire la preuve de leur nationalité française. Ils sont alors très souvent confrontés à un parcours du combattant passant par les services de Nantes, qui gèrent l'ensemble des dossiers d'état civil relatifs aux Français nés hors de l'Hexagone, les tribunaux d'instance et les préfectures. Cela est vécu comme particulièrement humiliant et blessant par ceux d'entre eux qui ont beaucoup donné pour la France.

Par conséquent, je m'étonne qu'une telle disposition, qui fait l'objet d'un très large consensus et qui est inspirée par des recommandations très anciennes, émanant y compris du Haut Conseil national pour l'intégration, ne donne pas lieu à un vote unanime, en raison d'une intransigeance idéologique. Je suis sûr que cette attitude sera jugée regrettable par ceux de nos compatriotes qui l'attendaient en vain depuis si longtemps.

M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je tiens à remercier chaleureusement le Gouvernement d'avoir inscrit dans le texte cette disposition, qui concerne largement les Français établis hors de France.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'étonne comme vous de l'attitude du groupe CRC, car seul le résultat compte, et tous nos compatriotes attendaient avec impatience une telle mesure. Je vous invite à poursuivre allègrement dans cette bonne voie.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Art. 9

Article 8

M. le président. « Art. 8. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes dispositions concourant à l'actualisation, à la clarification et à la simplification des modalités de création, de fonctionnement et de dissolution ainsi que des règles budgétaires, comptables et financières applicables aux associations syndicales de propriétaires régies en tout ou partie par la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales et à leurs unions. »

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 93, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 146, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par un membre de phrase ainsi rédigé : "ainsi qu'à l'association départementale régie par la loi du 27 juillet 1930 modifiée sur l'aménagement du système d'endiguement et d'assainissement des plaines de l'Isère, du Drac et de la Romanche". »

La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 93.

Mme Josiane Mathon. Si l'article 8 est adopté, le Gouvernement sera habilité à prendre toutes dispositions concernant l'actualisation, la clarification et la simplification des modalités de création, de fonctionnement et de dissolution des associations syndicales de propriétaires. Il pourra également fixer les règles budgétaires, comptables et financières applicables à ces associations.

Les règles relatives aux associations syndicales de propriétaires sont effectivement très complexes. C'est pourquoi elles auraient mérité de faire l'objet d'une discussion en amont de l'examen de ce texte.

De plus, comme cela est d'ailleurs vrai pour d'autres dispositions du projet de loi, nous débordons ici du cadre de la simplification administrative, puisqu'il s'agit de permettre au Gouvernement de porter atteinte aux éléments constitutifs des associations syndicales de propriétaires.

C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 146.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Cet amendement illustre à quel point la rédaction des termes de la loi d'habilitation est importante.

Bien que l'association départementale de l'Isère soit en partie régie par le décret du 18 décembre 1927 pris pour l'application de la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales, son appartenance à cette catégorie de personnes publiques n'est pas certaine : cette association n'est pas expressément qualifiée d'association syndicale ; sa composition est particulière dans la mesure où elle comprend en son sein des associations syndicales alors que l'article 1er de la loi de 1865 précitée ne dispose pas que les associations syndicales peuvent elles-mêmes avoir la qualité de membre d'une association syndicale.

Par conséquent, afin de permettre au Gouvernement de modifier par voie d'ordonnance le statut de l'association départementale de l'Isère, il convient de prévoir explicitement à l'article 8 du présent projet de loi une habilitation en ce sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 93 et 146 ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. L'amendement n° 93 est incompatible avec la position de la commission des lois, qui y est donc défavorable.

En revanche, la commission est très favorable à l'amendement n° 146, qui vise à remédier à un vrai problème que je connais bien en ma qualité d'élu de l'Isère. Si l'association départementale de l'Isère peut assurer l'entretien des digues existantes, elle ne peut en construire de nouvelles. Or nous rencontrons, dans la région de Grenoble, d'énormes problèmes en matière de digues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 93 ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Art. 10

Article 9

M. le président. « Art. 9. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes dispositions de nature à :

« 1° Alléger la procédure de validation annuelle du permis de chasser et à permettre, le cas échéant, l'obtention de cette validation auprès des fédérations départementales des chasseurs ;

« 2° Permettre l'octroi à l'ancien concessionnaire d'une licence de chasse sur un territoire objet d'une adjudication publique en vue de la location du droit de chasse, d'une priorité comparable à celle d'un locataire sortant. »

L'amendement n° 115 rectifié, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ... Rétablir et assurer l'équilibre budgétaire et financier de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et garantir la pérennité de son financement. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Art. 9
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Art. 11

Article 10

M. le président. « Art. 10. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures nécessaires, d'une part, pour confier à un seul organisme la compétence de procéder, le cas échéant, à la mise en recouvrement des cotisations et contributions sociales impayées par les particuliers employeurs et, d'autre part, pour permettre à ces employeurs de procéder à leurs déclarations sur internet. »

L'amendement n° 116, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Dans cet article, après le mot : "organisme", insérer le mot : "national". »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 117, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Dans cet article, après le mot : "recouvrement", insérer les mots : ", avec le concours de la force publique si nécessaire,". »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
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Art. additionnel après l'art. 11

Article 11

M. le président. « Art. 11. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, et afin d'alléger les procédures ainsi que les formalités qui doivent être accomplies par les usagers bénéficiaires de prestations sociales, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures pour :

« 1° Permettre le choix de la caisse d'assurance maladie versant les prestations en nature pour les assurés sociaux exerçant à la fois une activité salariée et une activité non salariée ;

« 2° Assouplir les conditions de rachat des rentes d'accident du travail ;

« 3° Simplifier le mode de calcul des indemnités journalières versées au titre des accidents du travail et maladies professionnelles ;

« 4° Supprimer la procédure d'enquête mentionnée à l'article L. 442-1 du code de la sécurité sociale ;

« 5° Simplifier la réglementation des prestations constitutives du minimum vieillesse ;

« 6° Modifier la procédure permettant aux organismes d'assurance maladie d'être les garants des intérêts financiers des assurés sociaux dans le cadre de la réglementation des prix des produits inscrits sur la liste prévue par l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;

« 7° Simplifier et harmoniser les conditions d'indemnisation d'une perte de revenus d'activité ou des frais de remplacement du conjoint collaborateur dans le cas d'une interruption de l'activité ou de la collaboration due à la maladie, à la maternité ou au décès ;

« 8° Simplifier et harmoniser les règles de prise en charge des soins, frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareils et d'hospitalisation dispensés à la mère, au père ou à l'enfant, relatifs à l'examen prénatal, à la grossesse, à l'accouchement et à ses suites, ainsi qu'à la naissance. »

L'amendement n° 28, présenté par M. Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Après le cinquième alinéa (4°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° bis Etendre le système de transmission électronique en vigueur pour la branche maladie aux prestations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles ; ».

La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à autoriser l'extension du dispositif SESAM-Vitale à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Actuellement, son périmètre est strictement limité à l'assurance par le code de la sécurité sociale.

Une telle extension constituerait une utile mesure de simplification pour les usagers et les professionnels de santé, en permettant notamment la disparition des documents papier.

Elles permettrait également d'améliorer les délais de traitement des dossiers et de réduire le coût de gestion pour les caisses, qui sont aujourd'hui techniquement prêtes à un tel basculement

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Très favorable. Cet amendement vise à autoriser l'extension à la branche accidents du travail - maladies professionnelles du dispositif SESAM-Vitale, dont le périmètre est actuellement juridiquement limité aux bénéficiaires des prestations de l'assurance maladie.

On note toutefois que, en pratique, les professionnels utilisent d'ores et déjà assez largement les possibilités offertes par SESAM-Vitale pour télétransmettre aux caisses les documents établis à l'occasion de la délivrance de soins à des personnes couvertes au titre de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Cela permet - c'est l'un des objectifs majeurs de la réforme de l'Etat et de la modernisation du service public - la substitution progressive aux supports papier existants de procédures dématérialisées, l'amélioration des délais de règlement des créances et honoraires dus à ce titre aux professionnels de santé et la réduction des coûts de gestion des dépenses correspondantes pour les caisses.

Il était indispensable de donner une base légale incontestable aux pratiques qui se sont développées sur le terrain, afin de permettre leur généralisation au profit des usagers, de sécuriser les télétransmissions correspondantes et d'éviter tout risque de contentieux ultérieur sur ce sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Après le cinquième alinéa (4°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ter Clarifier et simplifier les conditions d'indemnisation de l'invalidité permanente en cas d'accidents du travail et maladies professionnelles successifs ; ».

La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. C'est la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qui a réformé les conditions d'indemnisation des accidents du travail successifs.

Cette mesure a constitué une incontestable amélioration des conditions d'indemnisation des victimes. Pour autant, ce nouveau régime légal se caractérise par une très grande complexité de gestion pour la sécurité sociale, et il n'est d'ailleurs que très imparfaitement appliqué.

Cet amendement vise donc à permettre au Gouvernement de simplifier ce dispositif par voie d'ordonnance et après concertation avec les régimes de sécurité sociale et les représentants des victimes, sans qu'il s'agisse, bien entendu, de revoir à la baisse les niveaux d'indemnisation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Les modalités d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles successifs résultent, cela a été rappelé, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

L'indemnisation de ces victimes a été améliorée de manière significative sur deux points.

En premier lieu, les nouvelles modalités d'indemnisation permettent une meilleure réparation des petits accidents. Si plusieurs accidents du travail ou maladies professionnelles successifs ont engendré des incapacités permanentes modestes, le dernier accident peut porter le taux à un minimum de 10 % pour l'ensemble de ces incapacités. La victime, si elle le souhaite, peut bénéficier d'une rente au lieu d'une indemnité en capital.

En second lieu, elles permettent la prise en compte, au moment de l'indemnisation d'un accident, de tous les accidents dont l'assuré a été victime antérieurement. Cela permet de lui servir une indemnisation correspondant mieux à son taux d'incapacité global.

Ce dispositif, dont je tiens à rappeler à la Haute Assemblée qu'il était souhaité par les associations de victimes, est évidemment d'une gestion complexe, puisque son principe même veut que les accidents soient traités non plus individuellement, mais dans leur ensemble. Une collaboration étroite se met progressivement en place entre les associations et les organismes de sécurité sociale, et des instructions détaillées ont été données aux caisses pour faciliter l'application du système.

Il s'agit donc typiquement d'un chantier qui exige une mobilisation des personnels autour d'objectifs de qualité et de performance. La mise en oeuvre de la mesure présentée pourrait avoir pour effet pervers, même si cela ne correspond évidemment pas du tout à l'esprit qui anime les auteurs de l'amendement, de remettre en cause les droits des victimes d'accidents du travail. Le Gouvernement - sur ce point, sans doute obtiendrai-je, pour une fois l'adhésion de ceux qui ne cessent de dénoncer ce projet de loi ! - considère que la portée de cet amendement excède une simple simplification et que, par conséquent, il sort du cadre du projet de loi dont nous débattons.

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, s'il en est ainsi, je me félicite que les choses se passent aussi bien, même si cela ne correspond peut-être pas tout à fait aux informations dont nous disposions. Cela étant dit, il me semble nécessaire de poursuivre la simplification afin que les victimes soient bien indemnisées.

Les précisions que vous venez de nous apporter nous ont rassurésen ce sens. Nous espérons que vous continuerez votre travail. Avec les caisses d'assurances maladie.

Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 29.

M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.

L'amendement n° 147, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Faciliter l'accès des assurés sociaux et de leurs ayants droit aux prestations de santé délivrées dans les autres Etats membres de l'Union européenne. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Cet amendement, qui a pour objet d'ajouter un alinéa à l'article 11, est important.

En effet, l'application de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes - les arrêts Kohll et Decker - a pour conséquence de permettre aux assurés sociaux des régimes français de pouvoir recourir aux prestations des professionnels de santé d'autres Etats membres - comme ils ont recours aux professionnels installés en France - en simplifiant les démarches à effectuer dans ce cas, notamment pour ce qui concerne les autorisations préalables et les soins inopinés.

Le remboursement des frais encourus par les assurés en France étant conditionné à certaines exigences - le conventionnement des professionnels de santé avec l'assurance maladie notamment, avec application de tarifs opposables -, il convient d'adapter ces conditions pour les professionnels de santé des Etats membres de l'Union européenne, en particulier dans les régions frontalières de la France, qui souhaiteraient délivrer sans formalités excessives des prestations à des assurés sociaux de régimes français.

Cette modernisation, qui entre pleinement dans le champ de la loi d'habilitation, est indispensable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Cet amendement n'ayant pas été soumis à la commission, je m'exprimerai à titre personnel.

Cette mesure me paraît très importante car elle facilitera la situation de nos concitoyens se trouvant dans les pays de la Communauté européenne ainsi que leur prise en charge s'ils sont contraints d'être soignés ou opérés. Il s'agit donc d'une excellente mesure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission saisie au fond ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. A cette heure avancée, je serai bref. Je me félicite de cette décision, car la France était habituée à attendre d'être condamnée par la Cour de justice des communautés européennes. Pour une fois, nous légiférons avant. Cela mérite d'être souligné.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Art. 11
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Art. 12

Article additionnel après l'article 11

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Legendre, Lecerf, François-Poncet, Hérisson et Cointat, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code de la sécurité sociale pour :

« 1° Améliorer les droits des assurés et cotisants, notamment, en envisageant la faculté pour ceux-ci de pouvoir opposer aux organismes de sécurité sociale les circulaires et instructions établies par l'administration ainsi que par les caisses et en prévoyant que toute décision explicite ou implicite d'un organisme est opposable aux autres organismes, nonobstant le fait qu'ils constituent des personnes morales distinctes ;

« 2° Harmoniser les délais de prescription relatifs au recouvrement des cotisations sociales ;

« 3° Généraliser l'obligation pour les caisses de sécurité sociale d'indiquer en cas de contrôle d'un cotisant ou de litige avec un assuré la possibilité pour ceux-ci de se faire assister par un conseil ou de se faire représenter par un mandataire de leur choix. »

La parole est à M. Jean François-Poncet.

M. Jean François-Poncet. Les alinéas 2° et 3° de cet amendement sont suffisamment clairs pour se passer d'explication. Il n'en est pas tout à fait de même de l'alinéa 1°. Il faut savoir, en effet, que les services ministériels et les organismes nationaux diffusent de multiples circulaires. Celles-ci donnent des instructions, qui ne sont pas obligatoires ; elles fournissent des indications de comportement. Cet amendement vise à permettre aux assurés de pouvoir les invoquer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. La présentation qui vient d'être faite révèle tout l'intérêt de l'amendement.

Sans doute, les relations entre les usagers et les administrations sociales doivent-elles être améliorées. Sans doute, les pratiques en matière d'interprétation du droit des finances sociales donnent-elles lieu à des interprétations différentes, voire parfois contradictoires.

La gestion des allégements de cotisations sociales liés aux zones franches urbaines a attiré l'attention du Sénat sur ce point. Le rapporteur de la commission des affaires sociales pour la ville, notre collègue Nelly Olin, s'en est émue voilà déjà plus de deux ans.

Pour autant, si beaucoup reste à faire, il ne serait pas exact de dire que rien n'est en train de se faire. Sans les citer toutes, deux initiatives de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale méritent d'être mises en avant : la constitution d'un comité juridique visant à parfaire une application uniforme du droit et la mise au point par l'ACOSS d'une « charte du cotisant », qui garantit les droits des usagers.

Tous ces points sont inscrits comme première orientation de la convention d'objectif et de gestion 2002-2005 signée entre l'Etat et l'ACOSS, qui vise à « placer les usagers au coeur du métier du recouvrement ».

Devant la multiplication de ces initiatives, qui traduisent les engagements clairs des pouvoirs publics, faut-il d'ores et déjà prévoir la prise de nouvelles mesures par voie d'ordonnance ?

Ayant le désir de laisser à ces initiatives le temps de porter leurs fruits, je ne le crois pas. Néanmoins, la commission des affaires sociales a estimé qu'il serait bon d'entendre l'avis du Gouvernement, qu'elle pourrait suivre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est reconnaissant à M. François-Poncet d'avoir mis le doigt sur un problème tout à fait réel et vécu quotidiennement par des millions de nos concitoyens dans leurs relations avec les organismes de sécurité sociale. Nous souscrivons, bien sûr, à l'objectif d'améliorer le droit des assurés et des cotisants, d'harmoniser les délais de prescription, et plus généralement de les sécuriser dans leurs droits.

J'ajoute que, en tant que secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, je suis décidé à lutter contre le fléau des circulaires interprétatives dans tous les domaines, au-delà même de celui qui fait l'objet de l'amendement. Les chiffres sont vertigineux. J'ai rappelé, lors de la discussion générale, que, chaque année, plusieurs milliers de circulaires ministérielles sont publiées. Que reste-t-il, dans ces conditions, de capacités d'initiative laissées aux administrations de terrain ?

En revanche, le Gouvernement ne souscrit pas à la lettre de l'amendement et il ne peut y être favorable. En effet, s'il est très souhaitable que seules les interprétations de l'administration soient opposables, il faut prendre garde d'éviter - ce qui serait contraire à l'objectif affiché - que chaque caisse n'en arrive à avoir sa propre jurisprudence, sa propre doctrine, car cela serait très problématique au regard de l'homogénéité évidemment souhaitable dans le traitement des assurés et des cotisants. C'est d'ailleurs ce que vient de faire valoir M. le rapporteur.

Si toute position, positive ou négative, d'un organisme de sécurité sociale liait l'ensemble des autres organismes, cela pourrait dans certains cas être défavorable aux assurés, voire contradictoire avec la volonté qui anime les auteurs de l'amendement. Que se passerait-il d'ailleurs si un organisme prenait une décision non conforme à une interprétation expresse venant d'ailleurs ?

C'est pourquoi l'administration, comme je l'avais indiqué devant l'Assemblée nationale, étudie actuellement des dispositions qui permettront de mieux répondre au souci que vous exprimez, monsieur le sénateur, en rendant opposables les circulaires de l'administration et, surtout, en renforçant le rôle de coordination et de validation de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Comme M. le rapporteur l'a rappelé, est actuellement en voie d'élaboration une charte du cotisant contrôlé, qui sera à l'image de celle du contribuable vérifié et dont la portée sera plus large que celle de la mesure prévue par le troisième point de cet amendement.

Il est difficile de régler un problème d'une telle complexité, qui implique d'abord que l'on responsabilise les gestionnaires sur des règles de bonne pratique et des objectifs de qualité, par voie d'amendement, mais sachez bien, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est décidé à prendre en compte la volonté exprimée par la représentation nationale. J'ai eu l'occasion de le dire devant l'ensemble des personnels des caisses de sécurité sociale dans le cadre des conventions d'objectif passées entre l'ACOSS et les caisses. Il est indispensable de progresser dans la voie d'une sécurisation des cotisants et des assurés.

M. le président. Monsieur François-Poncet, l'amendement n° 131 est-il maintenu ?

M. Jean François-Poncet. A la lumière des indications données par M. le rapporteur pour avis et par M. le secrétaire d'Etat, qui tiennent très largement compte de nos préoccupations, je le retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 131 est retiré.

Chapitre III

Mesures de simplification

des procédures électorales

Art. additionnel après l'art. 11
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. additionnel après l'art. 12 (début)

Article 12

M. le président. « Art. 12. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et afin de favoriser la participation des électeurs aux opérations électorales, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale pour assouplir les conditions d'exercice du vote par procuration. »

Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 102, présenté par M. Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 118, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Dans cet article, remplacer les mots : "applicables en matière électorale" par les mots : "du code électoral". »

L'amendement n° 141, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par les mots : "ainsi que les critères d'inscription des Français et des Françaises établis hors de France sur la liste électorale d'une commune afin que tout Français établi hors de France puisse exercer ses droits de citoyen". »

L'amendement n° 132, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Guerry, Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand, de Villepin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par les mots : "et pour autoriser le dépôt des demandes de vote par procuration par voie électronique pour les électeurs établis hors de France.". »

La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 102.

M. Bernard Frimat. Cet amendement vise à supprimer l'article 12 relatif au vote par procuration.

A cette heure, nous pouvons éviter les faux procès. Nous sommes tous préoccupés par l'abstention. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons dans cet hémicycle, nous souhaitons tous que les consultations électorales suscitent l'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens. Nous n'entendons pas nous opposer au votre par procuration. L'établissement d'une procuration de vote s'apparente à un véritable parcours du combattant, qui décourage parfois les bonnes volontés. Nous sommes tous d'accord sur ce point, même si ces difficultés ne sont pas la cause essentielle de l'évolution du taux d'abstention.

La proposition du Gouvernement comporte deux aspects : d'une part, une volonté de simplifier les formalités et, d'autre part, une orientation très marquée vers le mécanisme d'une attestation sur l'honneur faite, si je schématise, auprès de la mairie. Or, sans mettre en cause les élus locaux, il nous semble difficile d'admettre que cette question ne fasse pas l'objet d'un débat plus approfondi. Nous sommes tous attachés à ce que les opérations électorales soient sincères. Dès lors, s'agissant de scrutins locaux dont les résultats peuvent être très serrés, faut-il d'une certaine façon, donner corps à l'accusation selon laquelle une des parties à l'élection est en même temps celle qui pourra accepter ou ne pas accepter les procurations ? Cela peut poser un certain nombre de problèmes.

De plus, c'est l'électeur potentiel qui, en donnant procuration, va attester sur l'honneur qu'il remplit les conditions pour le faire. Cet électeur est-il suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles il peut donner procuration ? Ainsi, que se passera-t-il si un électeur de bonne foi, qui atteste sur l'honneur qu'il ne peut pas voter, ne remplit pas en fait les conditions lui permettant d'obtenir une procuration ? Quelles sanctions, quelles garanties, quels moyens de contrôle pourra-t-on mettre en oeuvre ?

S'agissant du domaine électoral, les points d'interrogations mériteraient que le Parlement se saisisse du dossier, en discute pour arrêter une position claire et transparente. Que l'on nous comprenne bien : il s'agit, pour nous, non pas de nous opposer au vote par procuration, mais de dire qu'il est nécessaire que le Parlement en discute dans les détails et simplifie le dispositif, à l'occasion d'une loi, pour que ce vote puisse véritablement avoir lieu en toute clarté et dans la transparence. En effet, il ne faut pas laisser autant de points d'interrogation, qui peuvent poser problème.

Voilà l'esprit dans lequel nous proposons la suppression de l'article 12. Bien sûr, nous n'entendons pas limiter ainsi le vote par procuration.

A une certaine époque, des sensibilités politiques différentes se sont accordées pour mettre en cause le vote par correspondance parce qu'il constituait un élément de fraude. Il ne faudrait pas que, en simplifiant le vote par procuration, nous nous retrouvions devant une telle éventualité et, en disant cela, je ne fais aucun procès d'intention.

M. le président. L'amendement n° 118 n'est pas soutenu.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 141.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il convient d'assouplir les critères relatifs aux ascendants et aux descendants, de manière à les élargir aux parents collatéraux et à augmenter le nombre des communes d'inscription.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour défendre l'amendement n° 132.

M. Christian Cointat. On dit très souvent que les Français établis hors de France votent peu. C'est, hélas ! vrai, mais encore faut-il savoir pourquoi. S'ils votent peu, c'est parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire à proximité de leur domicile. On nous répond tout simplement : « Qu'ils votent par procuration ! » Or, pour effectuer la demande de vote par procuration, ils doivent actuellement se déplacer. Si ces personnes habitent à 500 kilomètres, à 1 000 kilomètres, ou à 1 500 kilomètres d'un consulat, comment peuvent-elles demander à voter par procuration ? Pour ce faire, certains de nos compatriotes devraient effectuer 3 000 kilomètres aller-retour.

Des études ont été réalisées sur le vote des Français établis hors de France à l'occasion de l'élection présidentielle. Elles montrent que lorsqu'un bureau de vote se trouve à proximité de chez eux, le taux de participation est le même qu'en France métropolitaine. Mais quand le bureau de vote se situe à une distance importante, au-delà de 50 kilomètres, le taux de participation, comme celui des demandes de vote par procuration, chute.

Si l'on accorde des droits civiques - c'est la moindre des choses - aux ressortissants de notre pays, encore faut-il que ces droits puissent être utilisés d'une manière décente. Or, pour l'instant, tel n'est pas le cas pour un grand nombre de nos compatriotes expatriés. Cet amendement a donc pour objet de leur faciliter les choses. Puisque l'on peut faire sa déclaration d'impôt par voie électronique, pourquoi ne pourrait-on pas faire une demande de procuration par cette voie ? De même, puisque l'on peut désormais, alors que cela n'était pas possible autrefois, obtenir une carte d'identité, un passeport ou une carte d'immatriculation consulaire par voie postale, pourquoi ne pourrait-on pas faire une demande de vote par procuration par la même voie ?

Il ne s'agit non pas du vote, mais simplement de la demande, pour autant que l'électeur puisse apporter la preuve de sa volonté de voter par procuration, puisque les Français de l'étranger ne sont pas soumis aux mêmes conditions que les Français de France, le fait même d'être Français établi hors de France étant une condition suffisante pour pouvoir voter par procuration.

Tel est le sens de cet amendement, que je rectifie d'ailleurs afin d'ajouter les mots : « ou postale », après les mots : « par voie électronique ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Guerry, Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand, de Villepin et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, et ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par les mots : "et pour autoriser le dépôt des demandes de vote par procuration par voie électronique ou postale pour les électeurs établis hors de France". »

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 102 et 132 rectifié ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 102. En effet, alors que le projet de loi met en place le principe de confiance, l'adoption d'un tel amendement irait à l'encontre de ce dernier.

S'agissant de l'amendement n° 132 rectifié, la commission des lois s'en remet à la sagesse du Sénat et souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 102, 141 et 132 rectifié ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il s'agit là d'un sujet majeur, qui justifie quelques développements.

Tout d'abord, je prends acte de ce que nul, sur ces travées, au-delà des clivages partisans - c'est là, évidemment, un effet de la leçon que nous avons reçue lors du premier tour des élections présidentielles -, ne conteste la nécessité de tout faire pour inciter nos concitoyens à accomplir leur devoir d'électeur, à voter et, par conséquent, à assouplir les conditions du vote par procuration. C'est l'objet même des termes de l'habilitation.

« Pourquoi le faire par ordonnance ? », me demande-t-on. Tout simplement - mais nous n'allons pas reprendre encore une fois le débat général - parce qu'il y a urgence : si nous voulons que cette disposition soit applicable pour les prochaines élections - c'est, je crois, un objectif qui peut tous nous rassembler -, c'est maintenant qu'il faut modifier le droit applicable. Les Français ne comprendraient pas que, pour les prochaines élections régionales et cantonales, nous n'ayons pas tiré la leçon des enseignements du scrutin présidentiel.

En la matière, comme à d'autres moments de notre débat, l'argument qui consiste à renvoyer à une loi générale sert souvent d'habillage pour, en réalité, refuser la simplification concrète.

Néanmoins, il est tout à fait légitime que la représentation nationale interroge le Gouvernement sur les risques pouvant découler du vote par procuration et sur les garanties que nous sommes en mesure d'apporter dans ce domaine.

C'est l'occasion pour moi de souligner la contribution personnelle du ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, et l'engagement du ministre délégué aux libertés locales, M. Patrick Devedjian, sans lesquels nous ne serions pas parvenus à surmonter les blocages des administrations, les inerties, les pesanteurs culturelles, et à faire en sorte que l'on puisse passer à une simple déclaration sur l'honneur qui sera faite en mairie.

Quelles sont donc les garanties ? Je ne reviendrai pas sur les défauts du système actuel, sur la complexité des justificatifs, sur la mobilisation de personnels d'Etat qui ont mieux à faire, et sur les inégalités de jurisprudence : tout cela fait l'objet d'un constat largement partagé. Mais je voudrais insister sur les garanties de publicité, de transparence afin d'éviter les abus et les fraudes.

Tout d'abord, les informations sur les procurations - nom et prénoms du mandant et du mandataire, nom et qualité de l'autorité qui a dressé l'acte de procuration, date de son établissement, durée de la validité de la procuration - seront publiques et tenues à la disposition de tout électeur requérant sur un registre.

Ensuite, chaque mandataire ne pourra pas disposer de plus de deux procurations et le mandant, sauf raisons médicales et sur demande écrite, devra se présenter personnellement à l'autorité chargée d'établir la procuration.

Les sanctions en matière de fraude sont fort heureusement très sévères.

Tout d'abord, s'agissant des sanctions pénales, l'article L. 111 du code électoral dispose que « toute manoeuvre frauduleuse ayant pour but d'enfreindre les dispositions des articles L. 71 à L. 77 sera punie des peines prévues à l'article L. 107 », soit deux ans d'emprisonnement et quinze mille euros d'amende. La chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà fait application de ces dispositions, par exemple pour la tentative de voter à la place d'une électrice immobilisée pour maladie, au nom de laquelle une personne avait rempli une fausse demande de vote par procuration, ou encore pour une fraude à la procuration perpétrée, avec la complicité d'employés municipaux, par la directrice d'une maison de repos pour handicapés mentaux.

A ces sanctions du juge pénal, extrêmement lourdes, s'ajoutent les sanctions du juge de l'élection. Les jurisprudences sont très nombreuses à cet égard : je rappellerai les précédents qui concernent les pensionnaires des maisons de retraite ayant signé, à la demande du directeur de la résidence, des procurations au profit de mandataires figurant sur la même liste que les candidats ; j'évoquerai l'exemple fameux de l'annulation des élections de 1998 de l'Assemblée territoriale de Corse : une personne admise à voter au premier tour alors que le volet de la procuration établie en sa faveur n'avait pas été reçu par le maire de la commune ; vingt procurations établies par les officiers de police judiciaire s'étant déplacés au domicile des mandants sans que ces derniers aient préalablement formulé une demande écrite et signée.

Les jurisprudences tant du juge électoral que du juge pénal sont donc, à mon avis, de nature à prémunir contre les risques de fraude organisée.

Enfin - et nous en revenons ainsi au débat philosophique qui a eu lieu déjà à plusieurs reprises -, nous faisons le pari de la confiance et de la responsabilité des élus du suffrage universel. Aujourd'hui, il faut espérer que notre démocratie a atteint un certain stade de maturité. Je viens moi-même d'un département qui s'est illustré par la fraude électorale. Les moeurs se sont tout de même en partie assagies, et les dispositions prises par le ministère de l'intérieur et les sanctions prévues sont, je crois, de nature à rassurer la représentation nationale.

J'en viens maintenant aux amendements déposées et, tout d'abord, à l'excellent amendement n° 141 de la commission des lois sur les critères d'inscription des Françaises et Français établis hors de France sur la liste électorale d'une commune afin que tout Français puisse exercer ses droits de citoyen.

Cet amendement s'inscrit dans la préoccupation plus large de M. Cointat, dont je salue à nouveau la contribution à la modernisation de l'administration. C'est souvent de loin que l'on porte le regard le plus lucide sur les améliorations à apporter à notre service public. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les Français de l'étranger et leurs représentants soient à la pointe du combat pour la modernisation. Je vous en suis particulièrement reconnaissant, monsieur Cointat, car, comme vous le savez, je suis un avocat ardent de la numérisation des services publics. Je suis tout à fait convaincu que votre solution sera valide demain. Vous avez le mérite de poser le débat sur l'autorisation du dépôt des demandes de vote par procuration par voie électronique, dont on comprend bien l'intérêt, compte tenu des distances en cause, pour les Français de l'étranger.

Ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, que j'apprendrai qu'il existe d'ores et déjà une très grande souplesse, qui prend en compte la spécificité de la situation de nos compatriotes installés à l'étranger : les demandes de vote doivent être déposées au consulat, elles peuvent l'être à tout moment - peut-être faudrait-il en informer davantage nos compatriotes - , et pas seulement quelques semaines avant le scrutin ; les procurations peuvent être établies pour une durée de trois ans, et ce délai a un caractère dérogatoire très important.

La raison pour laquelle je ne peux à regret soutenir cet amendement tient aux ajustements administratifs et techniques lourds que son application nécessiterait pour se prémunir contre les risques de fraude. En effet, le dépôt d'un tel document par voie électronique impose de mettre en oeuvre des procédures permettant d'identifier l'auteur de la demande avec une très grande précision. Cela signifie qu'il faut mettre en place des codes confidentiels et s'appuyer sur les techniques de signature électronique, ces procédés coûteux, lourds en terme d'organisation et probablement pas tout à fait au point techniquement.

Mais je reste convaincu que c'est pour demain ! Nous voyons d'ailleurs les progrès effectués tous les jours, et récemment en matière de déclaration d'impôt. Je vous remercie donc, monsieur le sénateur, d'avoir pris date, et j'espère que, d'ici à la fin de cette législature, nous aurons pu franchir une étape supplémentaire correspondant à votre voeu. Mais, pour l'heure, le mieux étant l'ennemi du bien, il faut plutôt sécuriser les assouplissements du vote par procuration afin de ne pas risquer de compromettre ce pas considérable vers la réconciliation de nos concitoyens, au sein d'une société mobile, avec l'exercice de leur droit de vote dans des conditions faciles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 141.

M. Christian Cointat. Il s'agit là d'un point très important pour les Français établis hors de France.

Je voudrais tout d'abord remercier très chaleureusement la commission des lois et son rapporteur, qui ont parfaitement compris les problèmes auxquels sont confrontés les Français de l'étranger. Mes chers collègues, je ne vous cache pas que ceux-ci ont ressenti une grande émotion en apprenant que la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques a supprimé les centres de vote à l'étranger pour les élections européennes.

Il est vrai qu'un certain nombre de nos compatriotes ne remplissent pas les conditions d'inscription en France : ils sont restés Français malgré l'éloignement, alors qu'ils n'ont plus de descendants ou d'ascendants en France, qu'ils n'y sont pas nés et qu'ils n'y résident pas. Ce sont des Français auxquels je suis personnellement très attaché, car leur lien avec notre pays est si fort qu'il continue à perdurer ; nous n'avons donc pas le droit de les abandonner.

Voilà pourquoi je tiens à remercier tant la commission d'avoir déposé cet amendement qui est véritablement fondamental que le Gouvernement d'avoir donné un avis favorable. L'adoption de cet amendement permettra de corriger un déséquilibre que le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs remarqué dans ses commentaires puisqu'il notait ceci : « Il reste que le cas de ces Français de l'étranger privés du droit de vote à l'élection européenne, si peu nombreux soient-ils, appelle l'attention du législateur. » Le Gouvernement l'a admis devant le Parlement et, aujourd'hui, on corrige ce déséquilibre.

En outre, va pouvoir enfin être réglé le problème de la participation de tous nos concitoyens résidant à l'étranger aux élections législatives dont le résultat détermine le gouvernement de notre pays. Pour voter à l'élection présidentielle et aux élections référendaires, ils disposent des centres de vote. Par ailleurs, ils pourront voter dans les communes pour les élections au Parlement européen et pour les élections législatives.

Cela crée un équilibre nouveau. En effet, nous avons prévu des dispositions pour tous les exclus. L'article L. 15-1 du code électoral permet ainsi aux personnes sans domicile fixe qui, par nature, ne remplissent pas les conditions d'inscription sur les listes électorales d'une commune, de s'inscrire dans la commune où se situe l'organisme social auquel elles sont rattachées. Il n'aurait donc pas été normal qu'une frange aussi faible soit-elle de Français établis hors de France ne puisse pas s'inscrire dans une commune en France. Désormais, ce sera possible, et j'espère que le Gouvernement légiférera très rapidement par voie d'ordonnances afin que l'équité soit enfin assurée pour tous les Français.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 132 rectifié.

M. Christian Cointat. Je suis très embarrassé dans la mesure où, si j'ai bien senti l'élan du Gouvernement dans notre sens, je ne sais cependant pas comment l'interpréter. Permettez-moi de rappeler la définition que Paul Delouvrier donnait de la politique : « La politique est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire ».

Vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces dispositions étaient nécessaires. Quand allez-vous les rendre possibles ? C'est toute la question !

Mais, puisque notre débat est fondé sur la confiance, je vous fais confiance et je retire donc l'amendement !

M. le président. L'amendement n° 132 rectifié est retiré.

M. Bernard Frimat. Je le reprends !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 132 rectifié bis.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour le défendre.

M. Bernard Frimat. Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Guy Penne nous ont demandé d'être particulièrement vigilants sur cette question. Je n'ai pas les problèmes de conscience et de confiance de M. Cointat. Et, pour lui permettre d'être libéré et de manifester son soutien à ses propres idées, nous reprenons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Art. 12
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. additionnel après l'art. 12 (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 12

M. le président. L'amendement n° 133, présenté par MM. Cointat, Del Picchia et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et afin de favoriser la participation de tous les citoyens de l'Union européenne aux élections de 2004 au Parlement européen dans l'Europe élargie, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale pour permettre aux ressortissants des Etats candidats à l'adhésion à l'Union européenne de participer aux élections de 2004 des membres du Parlement européen. »

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Nous pouvons espérer que, l'année prochaine, les élections au Parlement européen voient la participation de vingt-cinq pays membres puisque est prévu l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays.

Si les procédures de ratification vont jusqu'à leur terme et sont positives, les ressortissants de ces dix pays pourront voter aux élections européennes non seulement dans leur propre pays, mais aussi, s'ils résident dans un autre Etat de l'Union européenne, dans cet Etat.

Il est donc nécessaire que la France prenne les dispositions qui permettent à ces ressortissants, pour autant qu'ils deviennent membres de l'Union européenne, de participer à ces élections. C'est le but de cet amendement, car, sinon, les listes électorales seraient closes avant même que l'adhésion ait lieu ; il y aurait alors un déséquilibre puisqu'un droit ne pourrait pas se manifester.

Voilà la raison pour laquelle cet amendement vise à profiter de l'occasion offerte par ces ordonnances pour que le nécessaire puisse être fait en temps utile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Cet amendement a une portée évidente : il tire les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne, en permettant aux nationaux des pays actuellement candidats à l'adhésion, mais qui en deviendront membres le 1er mai 2004 au plus tard, donc avant les élections européennes, d'être en mesure de participer à ces dernières dans les mêmes conditions que les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne dans sa composition actuelle.

Le ministre de l'intérieur, le ministre délégué aux libertés locales et l'ensemble du Gouvernement adhèrent pleinement à cet amendement qui élargit un peu l'horizon de notre débat en l'inscrivant dans la constitution de la grande Europe.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. additionnel après l'art. 12 (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
Art. 13

12

DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur la situation particulièrement préoccupante de GIAT industrie et de l'industrie de défense française. L'annonce du sixième plan de restructuration de l'entreprise prévoyant d'ici à 2006 la suppression de 3 750 emplois, la fermeture complète des sites de Saint-Chamond et Cusset et la fermeture partielle des établissements de Tarbes, Tulle et Toulouse a suscité de vives réactions de la part des employés ainsi qu'une forte inquiétude quant à l'avenir de l'industrie de défense. La décision prise le 29 mai dernier, lors d'une réunion entre la direction et les représentants de GIAT industrie, de nommer deux experts et d'allonger de deux mois le délai pour le comité central d'entreprise n'a pas permis d'apaiser les tensions et d'aboutir à un véritable compromis. Mme Hélène Luc demande à Mme la ministre de la défense que la concertation sur le devenir de l'entreprise et le développement de projets alternatifs soient engagés globalement et non pas site par site comme cela est le cas actuellement. Elle lui demande également qu'un véritable débat national sur la politique de défense soit mis en place notamment autour d'un pôle public de l'armement garant de la défense nationale (n° 17).

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Patrick Courtois, un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse (n° 274, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le numéro 277 et distribué.

14

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Yann Gaillard un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur les aides publiques au cinéma en France.

Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 276 et distribué.

15

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 7 mai 2003, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 262, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Rapport (n° 266, 2002-2003) de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Avis (n° 267, 2002-2003) de MM. Alain Fouché et Gérard César, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Avis (n° 268, 2002-2003) de M. Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 269, 2002-2003) de M. Gérard Braun, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 245, 2002-2003), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

Rapport (n° 270, 2002-2003) de MM. Dominique Braye et Charles Guené, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations (n° 234, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 mai 2003, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 12 mai 2003, à dix-sept heures.

Projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse (n° 274, 2002-2003) (urgence déclarée) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 12 mai 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 mai 2003, à dix sept heures.

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n° 204, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 mai 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 14 mai 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à deux heures.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

NOMINATION D'UN RAPPORTEUR

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGILSATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

M. Jean-Patrick Courtois a été nommé rapporteur du projet de loi n° 274 (2002-2003), organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse dont la commission des lois est saisie au fond.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Financement du logement des saisonniers

255. - 5 mai 2003. - Mme Michelle Demessine souhaite interroger M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées par les conseils généraux quant au financement du logement des travailleurs saisonniers, suite au non-renouvellement de la dotation spécifique prêt locatif à usage social (PLUS) et prêt locatif social (PLS) qui leur était allouée. Principale difficulté à laquelle sont confrontés les travailleurs saisonniers, la question du logement a fait l'objet sous la précédente législature de plusieurs réformes répondant aux attentes de ce milieu professionnel très présent dans les départements touristiques. Elaborées conjointement par les secrétaires d'Etat du logement et du tourisme et par les professionnels de la montagne et du tourisme, ces mesures ont permis d'impulser la création sur l'ensemble du territoire de plusieurs centaines de logements destinés aux saisonniers. Pourtant, malgré l'effet positif de ces dispositions sur la projection de programmes de réalisation de logements, il apparaît que dans un strict souci d'économie budgétaire la dotation spécifique en PLUS et PLS allouée aux départements utilisateurs des mesures pour les saisonniers ne sera pas reconduite. Dans le cas de la Savoie, fortement utilisatrice, ce sont 300 logements prévus en 2003 qui ne pourront être construits alors qu'ils répondaient à une attente des employeurs et des salariés des massifs. Les conséquences sur l'activité économique et sur l'emploi de la zone concernée sont en proportion. C'est autant d'emplois directs et induits qui s'en verront affectés, portant préjudice au développement des activités touristiques des sites, et plus généralement à l'attractivité professionnelle du département. Par ailleurs, émanation d'une directive nationale, ce choix budgétaire de l'Etat fait peser sur les finances des conseils généraux des charges financières supplémentaires qui vont se traduire par un accroissement de la fiscalité locale compte tenu des engagements déjà pris. Alors même qu'ils sont particulièrement touchés par cette sollicitation financière de plus en plus lourde, résultant d'un désengagement de l'Etat au nom d'une certaine conception de la décentralisation. Elle lui demande donc les dispositions qu'il envisage de mettre en oeuvre afin de pallier les difficultés économiques et financières que rencontrent les départements confrontés à cette baisse de dotation.

Ressources financières de l'Agence de l'environnement

et de la maîtrise de l'énergie

256. - 6 mai 2003. - M. Ladislas Poniatowski souhaiterait obtenir de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire des informations sur l'évolution des ressources de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui sont passées de 77 millions d'euros en 2002 à environ 45 millions d'euros en budget initial 2003. Il désirerait, en particulier, savoir si ces montants permettront à l'agence de poursuivre son action dans des conditions satisfaisantes, considérant notamment que la seule part du budget consacré à l'action régionale se montait à 45 millions d'euros en 2002. Il constate que les sommes nécessaires pour financer les demandes d'aide à l'investissement dans les secteurs du solaire thermique et du solaire photovoltaïque, des chaufferies à bois et du biogaz et les demandes de subventions destinées au cofinancement d'études de prédiagnostic dépassent, d'ores et déjà, largement les 37,5 millions d'euros inscrits au budget 2003. Il souhaiterait savoir s'il est exact qu'environ 20 millions d'euros font défaut, au titre de l'exercice en cours, pour financer ces actions afin de poursuivre un effort de développement qui doit être continu, à peine de porter préjudice au décollage de cette industrie. Il tient à souligner, à titre d'exemple, que dans le photovoltaïque, l'objectif minimum compatible avec le maintien des 1 000 emplois de la filière - soit 2 mégawatts de panneaux raccordés au réseau électrique - ne pourra être atteint avec la dotation actuelle puisque les crédits au titre de 2003 seront tous consommés en juin prochain. Il en va de même, semble-t-il, dans le solaire thermique où il était prévu d'installer 75 000 mètres carrés en 2003. Il tient à souligner le caractère stratégique de ces industries et la nécessité de leur apporter une aide constante dans le long terme : soit en rétablissant le volume des dotations initialement prévues ; soit en reportant au profit de ces secteurs des crédits non consommés existants sur d'autres lignes budgétaires.

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mardi 6 mai 2003

SCRUTIN (n° 151)

sur la motion n° 63 déposée par Mmes Nicole Borvo et Josiane Mathon, MM. Robert Bret et Roland Muzeau, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à poser la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :306Pour : 105Contre : 201Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Contre : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN (17) :

Contre : 10.

Abstentions : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 82.

N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Bernard Angels, qui présidait la séance.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Contre : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Michèle André

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Rodolphe Désiré

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstentions

Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Bernard Angels, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :306Majorité absolue des suffrages exprimés :154Pour :107Contre :199Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 152)

sur les amendements n° 3 présenté par M. Jean-Paul Amoudry, n° 89 présenté par Mme Josiane Mathon, et n° 101 rectifié présenté par M. Jean-Pierre Sueur tendant à supprimer l'article 4 du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (aménagement du régime juridique des missions de service public).

Nombre de votants :303Nombre de suffrages exprimés :300Pour : 142Contre : 158Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN (17) :

Pour : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

N'ont pas pris part au vote : 9.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Pour : 1. _ M. Jean-Paul Alduy.

Contre : 158.

Abstentions : 3. _ MM. André Geoffroy, Roland du Luart et Philippe Richert.

N'ont pas pris part au vote : 4. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance, MM. Alain Dufaut et Emmanuel Hamel.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Jean-Paul Alduy

Nicolas Alfonsi

Jean-Paul Amoudry

Michèle André

Bernard Angels

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Denis Badré

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Claude Biwer

Marie-Christine Blandin

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Jean Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Marcel Deneux

Rodolphe Désiré

Yves Detraigne

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Jean-Léonce Dupont

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Pierre Fauchon

Françoise Férat

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Christian Gaudin

Charles Gautier

Gisèle Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jacqueline Gourault

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Marcel Henry

Odette Herviaux

Alain Journet

Joseph Kergueris

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Valérie Létard

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Michel Mercier

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Louis Moinard

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Philippe Nogrix

Jean-Marc Pastor

Anne-Marie Payet

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Daniel Soulage

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

Jean-Marie Vanlerenberghe

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

François Zocchetto

Ont voté contre

Nicolas About

Pierre André

Gérard Bailly

José Balarello

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Christian Demuynck

Gérard Dériot

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

André Dulait

Ambroise Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Jean Faure

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Patrice Gélard

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

René Monory

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Jacques Oudin

Monique Papon

Michel Pelchat

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Jean-Paul Virapoullé

Abstentions

André Geoffroy, Roland du Luart et Philippe Richert.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot

Gilbert Barbier

Ernest Cartigny

Philippe Darniche

Fernand Demilly

Sylvie Desmarescaux

Alain Dufaut

Emmanuel Hamel

Bernard Joly

Pierre Laffitte

Aymeri de Montesquiou

Georges Othily

Jacques Pelletier

Bernard Seillier

Alex Türk

André Vallet

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :302Nombre de suffrages exprimés :299Majorité absolue des suffrages exprimés :150Pour :141Contre :158Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 153)

sur l'ensemble de l'article 4 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Nombre de votants :313Nombre de suffrages exprimés :313Pour : 163Contre : 150Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Contre : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Contre : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Contre : 17.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Contre : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Pour : 163.

N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Pierre André

Gérard Bailly

José Balarello

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Christian Demuynck

Gérard Dériot

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Jean Faure

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

René Monory

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Jacques Oudin

Monique Papon

Michel Pelchat

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Jean-Paul Virapoullé

Ont voté contre

Nicolas Alfonsi

Jean-Paul Amoudry

Michèle André

Bernard Angels

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Denis Badré

Gilbert Barbier

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Claude Biwer

Marie-Christine Blandin

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Jean Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Ernest Cartigny

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Fernand Demilly

Marcel Deneux

Rodolphe Désiré

Yves Detraigne

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Jean-Léonce Dupont

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Pierre Fauchon

Françoise Férat

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Christian Gaudin

Charles Gautier

Gisèle Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jacqueline Gourault

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Marcel Henry

Odette Herviaux

Bernard Joly

Alain Journet

Joseph Kergueris

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Pierre Laffitte

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Valérie Létard

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Michel Mercier

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Louis Moinard

Aymeri de Montesquiou

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Philippe Nogrix

Georges Othily

Jean-Marc Pastor

Anne-Marie Payet

Jacques Pelletier

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Daniel Soulage

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :314Nombre de suffrages exprimés :314Majorité absolue des suffrages exprimés :158Pour :164Contre :150Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.