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NOMINATION DE MEMBRES

D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.

Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a été affichée, conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. René Garrec, Jean-Patrick Courtois, Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Pierre Fauchon, Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Bret.

Suppléants : Mme Michèle André, MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Jean-Jacques Hyest, Jacques Mahéas, Georges Othily et François Zocchetto.

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ACCUEIL ET PROTECTION DE L'ENFANCE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 434, 2002-2003) relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance. [Rapport n° 10 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, en plein accord avec M. Jean-François Mattei, s'inscrit, sur la forme comme sur le fond, dans le droit fil de la conférence sur la famille qui s'est tenue le 29 avril dernier, sous la présidence de M. le Premier ministre.

Je tiens à insister sur le fait que chacun des cinq thèmes que je vous propose d'examiner est le fruit d'un travail de discussion et de concertation avec tous les acteurs concernés.

Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, que ce texte répondait à une démarche volontairement pragmatique. Je vous en remercie.

S'agissant tout d'abord de l'accueil du jeune enfant, un double objectif est visé au travers de la disposition présentée au titre Ier : d'une part, renforcer l'offre de garde, pour répondre à la forte demande des familles, et, d'autre part, améliorer la situation des assistantes maternelles.

S'agissant ensuite de la lutte contre l'absentéisme scolaire, j'ai installé, voilà un an, avec MM. Nicolas Sarkozy, Luc Ferry et Xavier Darcos, un groupe de travail chargé d'examiner les moyens de soutenir et de responsabiliser les familles, afin de remédier aux manquements à l'obligation scolaire.

M. Jean-François Mattei et moi-même avons voulu une consultation large, associant là aussi l'ensemble des acteurs concernés. Ainsi, le groupe de travail, que j'ai mis en place, s'est réuni à vingt reprises et a entendu plus de soixante-dix personnalités.

S'agissant enfin de la protection de l'enfance, le groupe permanent interministériel de l'enfance maltraitée, le GPIEM, s'est réuni dans une composition élargie à des représentants d'autres institutions telles que l'ADF, l'Assemblée des départements de France, l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale, le SNATEM, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, l'ANDASS, l'Association nationale des directeurs de l'action sanitaire et sociale des conseils généraux. Nous avons également associé aux travaux des universitaires et des chercheurs de l'université et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, afin que des propositions soient faites pour améliorer le recueil des informations en matière de maltraitance.

Dès ma prise de fonctions, j'ai engagé la concertation avec le milieu associatif impliqué dans la protection de l'enfance pour renforcer les conditions de la constitution de partie civile des associations dans le cadre de procédures pénales impliquant des mineurs victimes.

Par ailleurs, la disposition concernant l'expérimentation relative au financement des mesures de protection juridique des majeurs préfigure une réforme globale de ce dispositif, que le garde des sceaux et moi-même vous présenterons prochainement.

J'aurai l'occasion, au cours de la discussion des articles et des amendements, de revenir dans le détail sur les mesures qui vous sont soumises, mesdames, messieurs les Sénateurs, mais je tiens à vous apporter dès maintenant certaines précisions.

S'agissant du titre Ier, relatif à l'agrément des assistants maternels accueillant des mineurs à titre non permanent, la loi du 12 juillet 1992 portant réforme du statut des assistants maternels a prévu que l'agrément nécessaire à l'exercice de cette profession devait préciser le nombre et l'âge des enfants pouvant être accueillis : ce nombre ne peut, sauf dérogation, être supérieur à trois.

Depuis dix ans, les rythmes de travail ont sensiblement évolué.

Les familles n'ont plus systématiquement besoin de bénéficier d'un accueil de leurs enfants pendant huit à dix heures par jour cinq jours par semaine, ce qui était encore la norme voilà dix ans. L'application des 35 heures conduit à des temps de garde plus fractionnés, à des périodes de congés plus fréquentes, ce qui se traduit par une baisse du nombre d'enfants gardés et par une diminution de revenus pour les assistantes maternelles.

Par ailleurs, dès le 1er janvier 2004, la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, va redonner du pouvoir d'achat aux familles, particulièrement aux familles à revenus modestes et moyens, en vue de leur permettre d'employer une assistante maternelle et d'avoir ainsi un véritable choix pour le mode de garde de leurs enfants. Cela représentera quelque 150 euros de plus par mois pour une famille gagnant entre un et deux SMIC, et 120 euros pour une famille aux revenus compris entre trois et quatre fois le montant du SMIC.

Ce renforcement de la solvabilité va accroître une demande qui n'est déjà pas satisfaite aujourd'hui. C'est pourquoi il doit s'accompagner d'une augmentation concomitante de l'offre d'accueil. Tel est l'objet de la réforme de l'agrément que je vous soumets, qui tend à porter à trois le nombre maximal d'enfants pouvant être accueillis simultanément, cela sans attendre le projet de réforme global du statut des assistants maternels, qui sera présenté au Parlement au début de l'année 2004.

Cette modification du code de l'action sociale et des familles permettra, en outre, d'accroître l'activité des assistantes maternelles qui le souhaitent et donc, par là même, leur rémunération.

S'agissant du titre II, relatif à la lutte contre l'absentéisme scolaire, je tiens à rappeler que l'obligation scolaire a été introduite dans la législation républicaine française par la loi du 28 mars 1882, et qu'il s'agit là d'un véritable droit dont dispose chaque enfant.

Le non-respect de cette obligation relève d'un phénomène complexe.

Il est souvent le signe d'un mal-être de l'élève, de souffrances qui peuvent être d'origine scolaire, mais aussi personnelle ou familiale.

Le droit en vigueur se caractérise par un dispositif administratif de suppression ou de suspension des prestations familiales, dont l'application s'est révélée à la fois inefficace et inéquitable.

Elle est inéquitable, d'abord parce qu'elle est contraire à la vocation des prestations familiales, qui est de compenser pour partie le coût de l'entretien de l'enfant, lequel reste le même quelle que soit l'assiduité scolaire.

En outre, elle ne touche que les « allocataires », ce qui exclut les 1,3 millions de familles n'ayant qu'un enfant.

Enfin, elle peut pénaliser toute une fratrie quand un seul des enfants est concerné par l'absentéisme.

Par ailleurs, l'application du dispositif est inefficace, du fait que les prestations sont rétablies dès lors que les enfants sont en vacances et que les familles bénéficiant de minima sociaux, calculés par différentiel, voient la hausse automatique de ceux-ci compenser la suppression des prestations.

Aussi le Gouvernement propose-t-il d'abroger le dispositif administratif de suppression ou de suspension des prestations familiales et de lui substituer une procédure plus réactive et graduée, pour responsabiliser et soutenir davantage les familles et, si nécessaire, en dernier recours, les sanctionner.

Cette procédure reposera sur trois leviers d'action.

Le premier tient à la mobilisation de l'établissement scolaire. Dès que l'absentéisme aura été constaté, le chef d'établissement préviendra la famille et identifiera les raisons de l'absentéisme, qui peuvent être très diverses. Si le dialogue avec la famille se révèle impossible ou si les absences persistent, le chef d'établissement transmettra le dossier à l'inspecteur d'académie, dans un délai d'un mois au maximum à partir de la première absence injustifiée.

L'inspecteur d'académie représente le deuxième levier d'action. Après avoir averti la famille, il proposera aux parents de suivre un module de soutien à la responsabilité parentale. Ce module, mis en place par le préfet, associera tous les acteurs impliqués dans le soutien familial, que ce soit la caisse d'allocations familiales, l'union départementale des associations familiales, les associations de parents d'élèves, les collectivités locales, etc. Il sera destiné à soutenir les familles en difficulté éducative et à rappeler l'intérêt de l'obligation scolaire.

Le recours judiciaire sera le troisième levier d'action. En cas d'échec, si l'absentéisme persiste, la sanction tombera : l'inspecteur d'académie saisira le procureur, qui pourra requérir une amende d'un montant maximal de 750 euros.

Toujours dans le domaine de l'absentéisme scolaire, le constat a été fait que le travail illégal des enfants constitue l'une des causes, parmi bien d'autres, des absences des élèves.

Il convient donc de renforcer et d'harmoniser les sanctions pénales encourues par ceux qui feraient travailler illégalement des enfants soumis à l'obligation scolaire.

S'agissant du titre III du projet de loi, la création d'un observatoire de l'enfance maltraitée répond à une attente fort ancienne, puisqu'elle s'exprime depuis plus de trente ans. On ne compte plus les rapports d'inspection ni les groupes de travail préconisant une observation partagée et la conception d'un lieu fédérateur.

Comment imaginer qu'un phénomène qui touche émotionnellement chaque Français, qui affecte les plus faibles d'entre nous dans leur intégrité et qui constitue le poste essentiel des dépenses sociales des départements ne fasse pas l'objet de statistiques précises ainsi que d'études et de recherches adaptées ?

La création d'un observatoire a déjà été plusieurs fois annoncée, mais n'a jusqu'à ce jour jamais été réalisée. Je ne doute pas que, grâce à vous, grâce au travail du Parlement, ce sera aujourd'hui chose faite.

Je tiens ici à rendre hommage aux précurseurs qu'ont été Marceline Gabel et Jean-Louis Sanchez. Dès 1992, ils ont créé, au sein de l'ODAS, une commission chargée d'élaborer une méthodologie d'observation de l'enfance en danger.

C'est grâce à cette méthodologie et aux données recueillies par les conseils généraux que nous pouvons désormais mesurer l'évolution annuelle du nombre de signalements en provenance des services de l'aide sociale à l'enfance.

Je tiens aussi à souligner la qualité des bilans d'activité du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, le SNATEM, qui constitue lui aussi une source statistique majeure.

Parallèlement, de riches partenariats ont été créés localement entre les services de l'Etat et ceux des départements.

Toutefois, comme vous l'avez bien souligné, monsieur le rapporteur, les éléments d'analyse de la protection de l'enfance restent globalement insuffisants.

Ainsi, chaque administration ou service utilise des indicateurs et des critères particuliers et met en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui sont spécifiques.

A l'échelon local, faute d'un système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'est pas connu. Les échanges de statistiques entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux restent peu développés sur le territoire national, exception faite de quelques départements pilotes.

Or, pour prévenir les récidives en matière de maltraitance, il faut se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

L'observatoire national aura donc vocation à recueillir et à analyser les données chiffrées concernant la maltraitance envers les mineurs, que ces données proviennent des autorités publiques - Etat et collectivités territoriales -, des établissements publics ou des associations oeuvrant en ce domaine.

Cet observatoire contribuera à une mise en cohérence des différentes données et informations. Il aura pour finalité d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance dans le but de développer les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance.

Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il s'agit de mieux repérer pour mieux traiter, de disposer de statistiques fiables pour promouvoir des mesures de prévention prioritaires et de mieux prendre en charge les victimes.

Certes, la loi ne résout pas tout. Je suis bien conscient que la lutte contre la maltraitance passe aussi par l'information et l'éducation à la « bientraitance », qu'elles soient institutionnelles ou familiales, et par une mobilisation au quotidien de tous les acteurs. Je m'y emploie.

Le titre IV du projet de loi est relatif à la constitution de partie civile par les associations de protection de l'enfance maltraitée.

Ces associations ont la possibilité de se constituer partie civile lors des poursuites engagées contre les auteurs présumés de certaines infractions commises sur les mineurs.

Toutefois, elles ne peuvent intervenir que pour un nombre limité d'infractions pénales, après avoir reçu l'accord de la victime, ou de son représentant légal si la victime est mineure, et une fois l'action publique mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Or, il existe des infractions pour lesquelles la victime n'est pas identifiée. C'est particulièrement le cas pour la diffusion d'images pornographiques mettant en scène un mineur sur internet.

De la même manière, les associations de protection et de défense de l'enfance maltraitée ne peuvent pas se constituer partie civile pour des faits d'infanticide, d'homicide d'enfant, d'enlèvement et de séquestration, de proxénétisme ou encore d'exhibition sexuelle.

C'est pourquoi nous vous proposons une nouvelle rédaction de l'article 2-3 du code de procédure pénale visant à permettre aux associations d'intervenir par voie d'action afin d'enclencher l'action publique, et ce pour toutes les infractions concernant des victimes mineures dès lors que celles-ci sont atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou morale, quelle que soit la forme de cette atteinte.

L'article 2-2 du code de procédure pénale, quant à lui, est réservé aux constitutions de partie civile des associations luttant en faveur des majeurs victimes.

Enfin, le titre V du projet de loi est relatif à l'expérimentation des dotations globales de financement dans les services tutélaires.

Je tiens à rappeler que près de 600 000 personnes, soit plus de 1 % de la population majeure, se trouvent aujourd'hui sous un régime de protection juridique.

La réforme d'ensemble du dispositif de protection juridique des majeurs est nécessaire, comme l'ont démontré plusieurs rapports d'inspections en 1998 et le rapport Favart en 2000. Avec M. le garde des sceaux, nous avons décidé de l'engager.

Un projet de loi est actuellement en préparation avec M. le garde des sceaux, en étroite concertation avec l'ensemble des associations tutélaires.

L'un des axes de cette réforme concerne son financement qui, actuellement, ne prend pas en compte l'activité réelle des services de tutelle.

Je rappelle quelques chiffres concernant le financement : entre 1991 et 2001, les crédits ont augmenté de 300 % et le nombre de mesures prononcées de 240 %.

Il est donc proposé, en préalable à la réforme globale qui interviendra au 1er janvier 2005, d'expérimenter en 2004 la mise en place de dotations globales de financement pour l'ensemble des mesures de protection des majeurs, tutelles et curatelles d'Etat et tutelles aux prestations sociales adultes.

Cette expérimentation permettra de disposer d'une base de référence sur laquelle la dotation sera ajustée les années suivantes, en fonction de l'activité des associations.

Telles sont les dispositions que j'ai l'honneur de vous soumettre.

Je tiens à remercier la commission des affaires sociales et son rapporteur, M. Jean-Louis Lorrain, de la qualité de son rapport. Nous examinerons ensemble les amendements qui viendront améliorer ce texte.

Ce projet de loi concrétise les engagements du Gouvernement dans le domaine de l'accueil et de la protection de l'enfance et enclenche des réformes importantes. Je pense aux tutelles, au statut des assistantes maternelles ou à la création de l'Observatoire, réformes qui n'avaient pas été réalisées jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, que nous examinons aujourd'hui, aborde diverses questions qui sont au centre des préoccupations des familles. Il prévoit des réponses pratiques et utiles, même si nous sommes conscients qu'elles n'ont pas pour ambition d'apporter des solutions complètes aux problèmes posés. Il s'agit donc d'un texte d'appel, dont il convient de saluer les avancées, tout en sachant qu'elles ne sont que les prémices de réformes de plus grande valeur, que nous aurons largement le temps d'expliquer.

Trois thèmes principaux y sont abordés : la protection de l'enfant, l'assouplissement des conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles et la mise en place de l'expérimentation d'un nouveau mode de financement des tutelles pour les majeurs protégés.

L'objectif central du présent projet de loi se rapporte à la protection de l'enfant dans les différents cas de figure où il peut se trouver en situation de danger : la maltraitance, l'exploitation au travail et les carences éducatives ayant pour conséquence un absentéisme scolaire régulier.

Le problème de l'enfance en danger reste difficile à appréhender en raison de l'absence de données complètes et officielles. Toutefois, afin d'avoir un ordre de grandeur, les derniers chiffres publiés par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, l'ODAS, pour 2001, dénombrent 85 500 signalements, dont 20 % concernent des enfants maltraités.

Les abus sexuels et les maltraitances physiques sont les premières formes de maltraitance que subissent les enfants, suivies de près par les négligences lourdes, puis les violences psychologiques, plus difficiles à identifier voire moins visibles. Les filles sont plus souvent victimes de maltraitance que les garçons : elles représentent 58 % des cas et subissent un plus grand nombre d'abus sexuels. A contrario, les garçons ont davantage de risques d'être maltraités physiquement que les filles.

Dans la majorité des cas, ce sont les parents ou la famille qui s'avèrent être les auteurs des mauvais traitements. Les déséquilibres familiaux et l'inactivité - je ne parle pas des gens sans emploi ou restant à domicile -, notamment des mères, nous dit-on, semblent être des facteurs d'augmentation du risque de maltraitance des enfants.

Les conséquences de la maltraitance sont particulièrement dramatiques, l'actualité récente vient encore de nous en donner des exemples tragiques, et nous en souffrons particulièrement dans ma région, mais, bien sûr, dans la France entière. On admet que 3 % à 5 % des enfants maltraités en mourront. Les sévices corporels tuent entre quatre cents et cinq cents enfants par an, soit pratiquement deux par jour, mais, j'en suis convaincu, nous sommes bien en deçà de la réalité.

Les décès de nourrissons consécutifs à des sévices représentent désormais, en France, la deuxième cause de mortalité infantile, passée la première semaine de vie. L'infanticide et la mort subite du nourrisson sont de grands sujets à redécouvrir, des dossiers à rouvrir.

De nombreux enfants qui ont été maltraités en conserveront des séquelles définitives, indélébiles, graves d'un point de vue neurologique, orthopédique, psychoaffectif ou psychomoteur. Il ne s'agit pas seulement d'une litanie, il s'agit aussi de plaies profondes qui, trente ans ou quarante ans plus tard, sont toujours présentes. L'épanouissement psychologique et affectif peut être compromis à long terme, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur le développement de la personne et sur le chemin qu'elle empruntera au cours de sa vie, avec des échecs beaucoup plus fréquents liés à ces souffrances « séquellaires ». La maltraitance entraîne probablement, par la suite, des difficultés de socialisation chez certains.

Ces données, pour inquiétantes qu'elles soient, ne sont toutefois qu'indicatives. En effet, il n'existe pas de données complètes sur cette question. Or cette méconnaissance du phénomène peut nuire à la mise en oeuvre d'une politique ciblée de lutte contre la maltraitance des mineurs.

Pourtant, le dispositif français de protection de l'enfance est particulièrement riche, et il faut reconnaître l'action et la grande compétence de ses acteurs. Ce dispositif constitue le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convient d'ajouter des crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse et au fonctionnement des tribunaux pour enfants.

Pourquoi l'information est-elle si partielle ? Parce que chaque administration ou service utilise des indicateurs et des critères particuliers et met en oeuvre des modes de recueil et de traitement des données qui lui sont spécifiques. A l'échelon local, faute d'un système statistique partagé, le nombre exact de signalements d'enfants en danger n'est pas connu. C'est pourquoi on peut s'interroger sur l'augmentation ou la diminution des maltraitances que l'on peut constater ces derniers temps.

Les échanges de statistiques entre les services de l'Etat et les services des conseils généraux restent peu développés sur le territoire national, exception faite de quelques départements pilotes qui ont mis en place des structures d'observation de l'enfance. M. Sanchez - et vous lui avez rendu hommage, monsieur le ministre -, avec qui nous avions travaillé dès ces années-là, était un véritable promoteur, en liaison avec certains départements.

En outre, on le sait, de nombreux enfants subissent des violences, sans être signalés ni protégés. A ce jour, il n'existe pas d'enquête sur les violences subies par les enfants, effectuée sur l'ensemble de la population, comparable à celle qui existe en matière de violences subies par les femmes, ni d'étude de suivi du devenir des enfants qui ont fait l'objet d'un signalement.

Or, pour prévenir les récidives de maltraitance, il faut se doter d'outils, se donner les moyens d'assurer une surveillance épidémiologique rigoureuse de la maltraitance et d'évaluer l'efficacité des mesures mises en oeuvre. Il ne s'agit pas, pour nous, de créer un énième observatoire qui, en fait, pourrait passer pour quelque chose de banal. Non, cet observatoire, nous en avons besoin, compte tenu de l'importance du phénomène et de la maîtrise que nous devons en avoir.

L'amélioration du système d'information et d'évaluation en ce domaine constitue donc un chantier prioritaire, et c'est aussi le premier objectif du présent projet de loi qui prévoit de confier cette mission à un observatoire de l'enfance maltraitée, afin que les différents acteurs, mieux informés de la situation à l'échelon national, puissent agir plus efficacement sur le terrain.

Cet observatoire sera compétent en matière de recueil et d'analyse des données chiffrées et des études concernant la maltraitance envers les mineurs en provenance des autorités publiques, des établissements publics, ainsi que des fondations et associations oeuvrant en ce domaine. Il devra harmoniser les données et informations afin d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance et de développer la prévention, le dépistage et, globalement, la prise en charge de la maltraitance.

L'observatoire sera le partenaire privilégié des structures locales et internationales, notamment en participant aux activités du réseau européen des observatoires de l'enfance. A cet égard, je souhaite vivement que chaque département mette en place un observatoire local afin que l'observatoire national dispose de relais implantés sur l'ensemble du territoire.

Concernant l'observatoire, la commission des affaires sociales proposera, tout à l'heure, deux amendements dont l'un a pour objet de préciser son nom, non pas par goût du changement, ni pour laisser entendre que les choses sont mal faites - sûrement pas !

En outre, dans le souci d'améliorer le dispositif de protection de l'enfant maltraité, le présent projet de loi prévoit d'accorder aux associations le droit de se constituer partie civile aux procès engagés contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur mineur, nous aurons l'occasion d'en débattre.

Il est donc proposé d'inscrire, dans le code de procédure pénale, cette faculté au profit de certaines associations dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou maltraité, et de compléter la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir. Cet élargissement nous a paru justifié, mais il nous a semblé nécessaire de faire preuve de prudence sur ces questions difficiles et de vérifier que les associations susceptibles d'agir en justice présentent les garanties nécessaires, nous en reparlerons.

Par ailleurs, la maltraitance n'est pas que la violence physique. Elle peut prendre un visage moins reconnaissable, c'est notamment le cas pour certaines formes de travail des mineurs.

En principe, le travail des enfants est interdit en France avant l'âge de seize ans. Des dérogations viennent toutefois atténuer ce principe, lorsqu'il s'agit d'insertion professionnnnelle - apprentissage ou formation en alternance - ou de découverte du monde du travail, comme ces jobs d'été qui sont appréciés par les adolescents. On admet aussi l'entraide familiale, notamment dans le commerce, l'artisanat ou l'agriculture. Enfin, sous certaines conditions, le travail des enfants dans les métiers du spectacle et de la publicité est autorisé.

Malgré tout, des failles existent dans ce dispositif, a priori protecteur. C'est le cas, bien sûr, de l'emploi illégal de mineurs, du travail au noir.

Si le phénomène est, par définition, difficile à appréhender, les constats effectués par les services concernés mettent en évidence d'incontestables situations d'exploitation, notamment dans certains ateliers, dans des établissements d'hôtellerie et de restauration ou dans le domaine agricole.

Il peut donc bien s'agir, dans les cas extrêmes, d'enfants en danger, de la même manière que ceux qui sont en situation de manquement grave à l'obligation scolaire. Les deux phénomènes sont d'ailleurs liés dans certains cas.

Pour pallier ces lacunes, le présent projet de loi prévoit de renforcer les sanctions à l'encontre des employeurs illégaux d'enfants. Nous avons largement souscrits à cet objectif et nous vous proposons deux articles additionnels pour renforcer la protection des enfants au travail.

Le troisième volet du projet de loi relatif à la protection de l'enfance concerne l'assiduité scolaire, qui s'impose aux enfants scolarisés comme à leurs parents ou tuteurs, depuis l'entrée en vigueur de la loi Ferry du 28 mars 1882 relative à l'obligation de l'instruction.

L'absentéisme scolaire est une réalité qui atteint aujourd'hui des proportions inquiétantes : au cours de l'année scolaire 2001/2002, 81 700 signalements ont été dénombrés, sur une population totale de 7 millions d'élèves, chaque établissement scolaire gérant sa propre situation de manière différente. Environ 9 000 suspensions d'allocations familiales par les caisses d'allocations familiales ou la mutuelle sociale agricole ont été dénombrées cette année-là.

Les jeunes les plus fragilisés socialement, psychologiquement et culturellement sont aussi les plus touchés par l'absentéisme scolaire, et donc par l'échec scolaire : qu'il en soit la cause ou la conséquence, 85 % des élèves en situation d'absentéisme lourd sont également en situation d'échec scolaire. On sait ainsi que l'absentéisme scolaire n'est pas dépourvu de lien avec la délinquance et le travail illégal des mineurs de moins de seize ans.

L'absentéisme scolaire constitue donc un danger pour les jeunes concernés, notamment lorsqu'il est la conséquence de violences en milieu scolaire, d'une action délibérée des adultes responsables de l'enfant ou encore d'un emploi illégal. Ainsi, le manquement à l'obligation scolaire peut-il être sanctionné comme une carence éducative de la part des parents au sens du code pénal.

Le présent projet de loi a pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions adaptées.

Pour y parvenir, vous avez mis en place, en octobre dernier, monsieur le ministre, un groupe de travail rassemblant les ministères concernés - éducation nationale, famille, intérieur, santé - les partenaires sociaux, les associations familiales et de parents d'élèves, ainsi que les représentants des collectivités locales. Ce groupe était chargé d'expertiser les mesures existantes et d'examiner les moyens de mieux responsabiliser les familles.

Il a constaté que le dispositif de suspension des prestations familiales s'était révélé particulièrement inefficace et injuste, car les prestations familiales n'ont pas pour seul objet de financer la scolarité de l'enfant. En outre, cette sanction affecte nettement moins les familles à enfant unique, qui ne perçoivent pas d'allocations familiales, et celles qui bénéficient du RMI, puisque ce dernier augmente en proportion de la baisse des prestations familiales.

C'est pourquoi ce dispositif, mal compris par les parents, est rarement appliqué, en raison notamment des réticences du corps enseignant à signaler certains cas d'absentéisme pour ne pas pénaliser les familles, alors que l'absentéisme, on le sait, est un véritable instrument de mesure des difficultés familiales ou scolaires de violences scolaires sur lequel on peut se fonder.

Face à un tel constat, le Gouvernement a décidé de donner une impulsion nouvelle à la lutte contre l'absentéisme scolaire avec la mise en oeuvre d'un plan d'action gouvernemental en faveur de l'assiduité scolaire et de la responsabilisation des familles, présenté en conseil des ministres le 26 mars dernier. L'article 3 du présent projet de loi en constitue un élément majeur puisqu'il abroge le dispositif de sanction fondé sur la suppression des prestations familiales.

En contrepartie, il est prévu de porter l'amende applicable en cas de non-respect de l'obligation scolaire à 750 euros.

Ces mesures sont opérationnelles depuis la rentrée de septembre 2003 et il faut souhaiter que ce dispositif porte rapidement ses fruits, en raison de l'inefficacité des mesures précédemment mises en oeuvre.

La deuxième priorité du projet de loi porte sur les conditions d'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles.

Actuellement, l'accueil des 2,27 millions d'enfants de moins de trois ans se partage très exactement par moitié entre la garde au foyer par l'un des parents et l'accueil assuré par des personnes extérieures.

La garde par une assistante maternelle s'avère être le mode de prise en charge privilégié par 20 % des parents, car il constitue une solution intermédiaire, en termes de coût, de souplesse des horaires et de facilité d'accès, entre la crèche et la garde à domicile par une employée.

Cette tendance s'est confirmée au cours des dernières années, notamment grâce à la revalorisation régulière de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, l'AFEAMA. Le choix des pouvoirs publics s'est clairement porté sur cette prestation, au détriment de l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED.

Désormais, le système de garde par une assistante maternelle est non seulement financièrement intéressant pour de nombreuses familles, mais aussi le moins coûteux pour la collectivité.

On déplore toutefois l'insuffisance de l'offre du fait l'embellie démographique que connaît la France depuis 1995. La demande risque encore de croître avec la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Dans le même temps, les nouveaux rythmes de travail conduisent certains parents à ne plus faire garder leur enfant qu'à temps partiel.

Or, de nombreuses assistantes maternelles ne peuvent répondre à la demande des parents en raison de la rigidité de leur agrément qui ne les autorise actuellement à garder qu'un maximum de trois enfants, quelle que soit la durée de l'accueil. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi prévoit l'augmentation des capacités d'accueil des assistantes maternelles à trois enfants gardés simultanément, ce qui autorisera l'accueil à temps partiel d'un nombre plus important d'enfants.

En outre, les assistantes maternelles pourront bénéficier d'un rythme de travail plus régulier, puisque la limite de trois enfants pris en charge ne s'appliquera plus que lorsqu'ils seront gardés simultanément. Ainsi, certains parents pourront ne laisser leur enfant en garde que quelques heures par semaine sans que le revenu de l'assistante maternelle en pâtisse.

Toutefois, il nous a semblé nécessaire de fixer un plafond maximal pour le nombre d'enfants pouvant être accueillis et c'est ce que nous vous proposerons.

Le troisième axe de ce projet de loi concerne la réforme du financement du dispositif de protection juridique des majeurs.

Le mode de financement actuel est fondé, pour l'essentiel, sur la règle du « mois mesure », c'est-à-dire que la prise en charge des frais de gestion dépend de la nature de la mesure de placement : tutelle, curatelle... et même de la personne désignée pour en assurer la gestion. Cette conception est peu pertinente, car l'importance du travail demandé dépend moins de la nature de la mesure que des besoins de chaque peronne concernée, notamment en termes d'accompagnement. Pourtant, on constate des écarts de rémunération des tuteurs de l'ordre de 8 000 euros par an, selon qu'il s'agit d'une tutelle d'Etat ou d'une tutelle en gérance privée.

Pour les majeurs protégés, le système de prélèvement sur ressources est particulièrement inéquitable : les taux de prélèvement varient en effet de zéro à plus de 8 % du revenu de la personne. Ils sont progressifs pour les tutelles et curatelles d'Etat, dégressifs pour les tutelles en gérance, ou simplement inexistants pour les mesures de tutelle aux prestations sociales.

Pour les financeurs publics enfin, le système du « mois mesure » a des effets inflationnistes : le seul moyen, pour les associations, d'équilibrer leur budget est de rechercher un nombre toujours croissant de mesures, parfois peu adaptées aux besoins de la personne concernée.

Il fallait donc envisager un autre mode de financement. C'est la raison pour laquelle le projet de loi autorise le Gouvernement à expérimenter, pendant deux ans, un mode de financement des associations tutélaires par dotation globale.

Cette expérimentation ne concernera, à ce stade, que les mesures confiées à une personne morale. Elle a pour objectif de permettre un ajustement de la première dotation globale, en rythme de croisière, aux besoins réels des associations. Il s'agit notamment de donner le temps aux associations d'adapter leur système d'information afin de développer les indicateurs quantitatifs et qualitatifs nécessaires à l'appréciation de leur activité et de son évolution dans le temps.

La dotation globale sera financée, pour les mesures de protection civile, par l'Etat et, pour les mesures de tutelle aux prestations sociales, par l'organisme qui, à ce jour, prend en charge le volume de mesures le plus important dans le département concerné.

Cette expérimentation appelle, à mon sens, quatre remarques.

Tout d'abord, elle n'est que partielle car elle n'entreprend pas une réforme complète du financement des tutelles. C'est pourquoi les informations financières recueillies au cours de l'expérimentation ne pourront pas servir en l'état à la fixation définitive des dotations globales.

Ensuite, les transferts de charges entre les différents financeurs publics devront, à terme, être neutralisés : le financement des frais de tutelle incombe aujourd'hui, à près de 80 %, à la branche famille, du fait notamment des frais liés à l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, qui est pourtant une prestation versée pour le compte de l'état. Or les règles prévues pour le financement de la dotation globale reviennent, de fait, à en transférer la charge à la seule Caisse nationale d'allocations familiales.

J'estime qu'à l'occasion de cette expérimentation et, en tout état de cause, avant toute généralisation du dispositif, une remise à plat de la participation des différents financeurs devra être menée à bien.

Par ailleurs, le dynamisme des dotations globales devra, en régime de croisière, être assuré par la prise en compte d'indicateurs qualitatifs pertinents : les deux ans d'expérimentation doivent être mis à profit pour développer ces indicateurs qui devront par ailleurs figurer dans le décret fixant les modalités de calcul des dotations globales.

Enfin, la généralisation de ce nouveau mode de financement des associations tutélaires devra impérativement être précédée d'un bilan : il s'agit d'une exigence constitutionnelle, mais aussi, à mon sens, d'une exigence pratique et de bon sens. Notre commission vous proposera donc d'amender le dispositif dans ce sens.

Comme je vous l'indiquais en commençant, ce texte aborde donc divers sujets et ses propositions constituent un premier pas vers des réformes à venir de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes matermelles et celle des tutelles.

Mais nous considérons que ce texte est important, et pas seulement du fait de l'actualité récente. Il nous montre bien la concordance qui existe entre les initiatives du Gouvernement et les préoccupations de la société.

La commission des affaires sociales a largement souscrit à l'économie globale du dispositif. Nous avons travaillé dans un esprit de coopération et d'amélioration du texte.

Nous ne voulons poser nulle entrave. Nous voulons seulement faire comprendre que nous sommes une force de proposition. Aussi avons-nous adopté plusieurs amendements qui, sans modifier l'architecture du texte, visent à renforcer son efficacité.

Sous réserve de l'approbation des amendements, la commission s'est déclarée favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.

Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquer l'enfance, ce devrait être évoquer la tendresse, le bonheur et l'amour. Mais aujourd'hui, l'actualité nous ramène à une triste réalité, celle de l'enfance maltraitée.

Nous nous demandons comment il est possible que des enfants puissent vivre dans la peur et subir des violences telles qu'elles les conduisent inexorablement vers la mort.

Nous ne pouvons rester insensibles devant de tels actes, devant de tels drames. Notre rôle, au-delà de l'indignation que nous ressentons et de la peine que nous éprouvons est d'agir pour assurer la protection des enfants.

La famille, c'est sacré ! Cette expression qui paraît si banale est une valeur transmise de génération en génération, une valeur à laquelle on voudrait toujours croire, que l'on voudrait garder immaculée, en tout cas une valeur sûre.

C'est une valeur que nous avons toujours défendue, parce qu'elle permet de s'épanouir, de se construire, avec des répères, des limites, parce qu'elle permet d'apprendre à grandir en toute sécurité, avec des parents aimants, prévenants, toujours là pour protéger leurs enfants, avec des parents qui donneraient leur vie pour leurs enfants.

La famille, c'est aussi un espace de vie où l'on apprend le respect des autres.

Seulement, voilà ! Parfois notre société n'évolue pas vraiment comme on le souhaiterait ou, tout du moins, il est des faits divers tragiques qui nous font penser que notre société semble ne plus avoir de repères. Cela se concrétise par un manque total de respect pour l'être humain.

M. Didier Blanguernon, vice-procureur chargé des mineurs au tribunal de Lille, a eu une phrase terrible, lors d'un entretien avec un journaliste du journal La Croix : « Le lieu de tous les dangers pour l'enfant, c'est la famille. » Cet homme traite en moyenne quatre à six affaires de mineurs victimes par semaine, dont près de 70 % ont subi des agressions sexuelles.

En France, selon M. Patrice Blanc, secrétaire général du Défenseur des enfants, Mme Claire Brisset, huit enfants par semaine décéderaient des suites de maltraitances officiellement reconnues ou non.

Comment qualifier une société où des enfants sont victimes de violences ? Comment qualifier une société où des parents maltraitent, tuent leurs enfants, des êtres de leur sang, sans défense, et dont la confiance en leurs parents est sans limite ?

Le 26 septembre dernier, monsieur le ministre, vous déclariez dans Le Figaro : « Quand on veut que les choses changent, il faut regarder la vérité en face. Alors disons-le : la maltraitance des enfants est méconnue en France et les réponses qu'on y apporte ne sont pas encore suffisantes ».

Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour vous remercier d'avoir porté l'initiative de ce texte qui ouvre la voie à d'autres projets de loi très attendus, comme la réforme du statut des assistantes maternelles ou la réforme des tutelles. Vous avez tout notre soutien et nous savons que vous mettrez tout en oeuvre pour que notre pays se donne les moyens d'éviter des drames qui gâchent des vies d'enfants et de parents ou encore qui les écourtent à jamais.

Je veux vous encourager, monsieur le ministre, car nous savons tous que votre mission est difficile. Vous proposez des mesures concrètes tendant à pallier l'irresponsabilité de certains parents ou encore des mesures s'adaptant aux évolutions de comportement du genre humain, tout en ayant la volonté de protéger les plus faibles, c'est-à-dire les enfants.

Permettez-moi de fournir un exemple révélateur de notre société.

Aujourd'hui, certains spécialistes évoquent un concept, la « bien-traitance », qui se définit ainsi : « promouvoir une éducation qui permette à l'enfant de donner le meilleur de lui-même ».

Cette notion a émergé dans les années quatre-vingt, quand Mme Simone Veil a déclenché l'opération « Pouponnière ».

Il était apparu, souvenons-nous en, que bien traiter un enfant n'apparaissait pas alors comme une évidence et, malheureusement, cela ne l'est toujours pas aujourd'hui.

Le film Enfants en pouponnière demandent assistance avait révélé un scandale : les enfants retirés à leurs parents étaient « mal traités » dans les lieux censés les accueillir. Marie-Jeanne Reichen, attachée au bureau Enfance et Famille du ministère des affaires sociales et qui dirigeait le comité de pilotage de l'opération « Pouponnière », a écrit pour la première fois ce mot dans un livre-bilan : « La bientraitance des plus vulnérables d'entre les siens est l'enjeu d'une société tout entière. Un enjeu d'humanité ».

Il est des évidences qu'une partie de notre société occulte totalement. Comment ne pas savoir que prendre soin d'un enfant est la chose la plus naturelle et la plus normale qui soit ?

Il faut que notre société comprenne que l'enfant a des droits. Comment peut-on supporter les données que l'on connaît aujourd'hui. Selon les chiffres de l'Observatoire décentralisé de l'action sociale, qui ont été rendus publics hier, 85 500 enfants sont en danger, c'est-à-dire maltraités ou risquant de l'être à cause de l'environnement dans lequel ils vivent. Ces enfants se répartissent ainsi : 18 000 sont victimes de violences et 67 500 risquent de l'être.

En outre, nous ne devons jamais oublier tous les enfants qui souffrent en silence pendant des années, et qui ne sont jamais signalés. Pour eux, nous nous devons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cesse cette souffrance.

Certes, la maltraitance a malheureusement toujours existé. Cependant, nous devons garder à l'esprit que ces chiffres sont globalement en augmentation depuis sept ans, ce qui est particulièrement inquiétant.

Vous me permettrez, monsieur le ministre, de profiter de ce débat pour m'adresser à nos concitoyens.

J'en appelle à la conscience et au civisme des Français. Il suffirait que chacun de nous retrouve cet intérêt pour l'autre pour que l'indifférence fasse place à l'écoute, à la générosité et au courage. Peut-être alors certains enfants seraient-ils sauvés. Pour cela, il faut moins d'égoïsme, il faut réapprendre à vivre ensemble, il ne faut plus vivre les uns à côté des autres.

L'actualité de ces dernières semaines nous a tous anéantis. En effet, plusieurs enfants sont morts, tués par leurs parents ou des suites de sévices qui leur avaient été infligés. Je veux parler de Dylan et de Priscillia, ainsi que de cette petite fille de cinq mois qui s'est éteinte samedi au CHU de Strasbourg, victime d'un syndrome du bébé secoué.

Depuis plusieurs années, pédiatres et spécialistes de médecine légale alertent l'opinion ou les pouvoirs poublics sur la gravité de ce syndrome du bébé secoué.

Devant la violence, sous quelque forme que ce soit, devant ce que je qualifierai d'actes barbares face auxquels aucune excuse ne peut être invoquée et pour lesquelles nous ne devrons avoir aucune compassion, notre société n'a qu'un seul devoir : agir.

C'est ainsi, monsieur le ministre, et parce que vous avez dressé le constat que les pouvoirs publics manquaient d'éléments sur les enfants qui subissent des violences sans être signalés ni protégés, que vous avez décidé de créer l'Observatoire national de l'enfance maltraitée.

Cette instance apparaît essentielle pour prévenir les récidives de maltraitance, car elle permettra d'assurer un suivi épidémiologique rigoureux et évaluera l'efficacité des mesures mises en oeuvre.

Son rôle sera sans précédent en matière de politique de lutte contre la maltraitance. C'est une innovation capitale qui va permettre un véritable travail de centralisation d'informations et qui contribuera à une mise en cohérence des différentes données.

Ainsi, comme vous nous l'avez expliqué, elle permettra d'améliorer la connaissance des phénomènes de maltraitance, d'éclairer les débats et d'aider à la prise de décision afin de développer les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge de la maltraitance.

Avec cet instrument, nous pourrons faire face à la maltraitance pour la combattre.

Je tiens également à souligner une avancée remarquable qu'introduit votre projet de loi, monsieur le ministre. Il s'agit de la possibilité pour les associations de protection et la défense de l'enfance maltraitée de se constituer parties civiles lors des poursuites engagées contre les auteurs présumés d'actes de maltraitance sur un mineur.

Comme M. le rapporteur l'a expliqué, vous prévoyez « de modifier le code de procédure pénale au profit de certaines associations dont l'objet statutaire comporte la défense ou l'assistance de l'enfant en danger ou victime de toute forme de maltraitance, et de compléter la liste des infractions commises à l'encontre des mineurs susceptibles d'ouvrir le droit à agir ».

Je crois pouvoir dire que cette mesure était très attendue. Elle prend réellement en compte les droits de l'enfant. Vous avez répondu aux demandes de tous ceux qui viennent en aide aux enfants, y compris aux souhaits des associations de protection de l'enfance.

En outre, cette disposition législative met notre droit national en conformité avec les exigences établies par la Convention internationale des droits de l'enfant en ce qui concerne le respect de la parole de l'enfant.

Concernant l'absentéisme scolaire, chacun de nous sait que c'est un problème qui s'aggrave davantage tous les ans.

Le non-respect de l'obligation scolaire est un phénomène complexe, souvent signe d'un mal-être de l'enfant ou, vous l'avez dit, monsieur le ministre, de souffrances qui peuvent être d'origines scolaire, personnelle ou familiale.

Jusqu'à aujourd'hui, les moyens mis en place pour lutter contre l'absentéisme n'ont pas été assez efficaces. Aussi, le texte que vous nous présentez a pour objet de remodeler la lutte contre l'absentéisme en proposant des sanctions qui semblent mieux adaptées, M. le rapporteur l'a également souligné.

Votre projet de loi est un texte nécessaire et attendu. Il représente une réelle avancée en matière de lutte contre la maltraitance et il est source d'espoir. Après ce texte, nous attendons bien évidemment d'autres propositions pour que les choses évoluent plus positivement encore pour protéger les enfants.

Enfin, je terminerai mon propos en posant une question : quoi de plus fragile qu'un enfant, quoi de plus porteur d'espérances qu'un enfant ?

Nous nous devons d'être vigilants, intransigeants, sans complaisance à l'égard des êtres qui n'ont rien d'humain, puisque ce sont les bourreaux des enfants. Nous avons le devoir d'agir afin que nous puissions dire dès demain « Plus jamais cela ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance pourrait au premier abord paraître positif.

Qu'il s'agisse des violences faites aux enfants, comme nous en montre l'actualité, ou de l'insuffisance d'offre et de choix du mode de garde des petits enfants, ces problèmes interpellent la société dans son ensemble et exigent de la part des pouvoirs publics des réponses globales de qualité. On ne saurait donc a priori reprocher au Gouvernement de vouloir agir en ces domaines.

Il convient toutefois de dépasser cet habillage habile, l'affichage politique - en l'occurrence celui de la protection de l'enfance - pour s'interroger, non seulement sur la cohérence de la démarche du Gouvernement, qui, dans un même texte, mêle des questions distinctes - situation des majeurs protégés et protection de l'enfance, notamment - pour s'interroger sur l'opportunité et l'utilité des mesures envisagées, d'autant que, pour deux ou trois principaux thèmes abordés, à savoir l'accueil des jeunes enfants par les assistantes maternelles ou les services tutélaires, des réformes d'ampleur ont été annoncées. On peut se poser des questions sur la hauteur et l'efficacité de ces mesures, qui, trop partielles, apparaissent déconnectées de la réflexion globale, nécessairement transversale, mais aussi sur les moyens à mettre en oeuvre pour que, notamment, « l'intérêt supérieur de l'enfant » soit effectivement respecté ou pour lutter contre l'absentéisme scolaire.

Les longs échanges que nous avons pu avoir la semaine dernière au sein de la commission des affaires sociales, la tonalité générale du rapport de notre collègue Jean-Louis Lorrain - on ne peut plus nuancé - nous confirment dans l'idée que ce texte composite est à plus d'un titre déroutant, décevant même, et qu'il n'est en fait qu'un miroir aux alouettes. L'idée d'en modifier l'intitulé afin qu'il soit plus en phase avec la réalité a même été évoquée en commission.

Toutefois, l'important n'est pas tant de s'attacher à la forme que de constater, pour le déplorer par-delà ce texte qui a tout d'un projet de loi fourre-tout sauf le nom, que, une fois encore, ce Gouvernement affiche des ambitions non traduites dans les faits.

Prenons l'exemple du volet touchant à la protection de l'enfant.

En aucun cas, la mesure phare portant sur la création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée ne saurait tenir lieu de véritable politique nationale de protection de l'enfance.

Beaucoup a été fait depuis un siècle pour changer le regard de la société, des pouvoirs publics sur les différentes formes de violences exercées contre les enfants. Ainsi, la puissance paternelle n'est plus un pouvoir absolu. A l'échelon européen, international, tout le monde s'est accordé pour reconnaître que l'enfant a besoin d'une protection spéciale.

La France a su construire, autour de la loi relative à la protection des mineurs et à la prévention des mauvais traitements, un dispositif de protection de l'enfance censé privilégier l'intervention administrative relevant de la compétence des conseils généraux sur le judiciaire via le juge pour enfants.

Pourtant, chacun s'accorde à le dire, trop d'enfants, trop d'adolescents continuent d'être victimes de maltraitance psychologique, de mauvais traitements physiques et d'abus sexuels. L'Observatoire national de l'action sociale décentralisée vient de révéler une légère augmentation du nombre d'enfants maltraités - 18 500 - sur plus de 86 000 enfants en danger.

Hélas ! ces constats sont malheureusement bien en deçà des réalités. Nous connaissons tous les chiffres en question. Ils parlent d'eux-mêmes sans pour autant permettre de rendre compte du quotidien de ces enfants atteints dans leur chair, dans leur esprit par des adultes qui sont le plus souvent les référents de la cellule familiale, ni des souffrances que ces enfants porteront tout au long de leur vie d'adulte.

Par conséquent, personne ne contestera qu'il faille, encore et toujours, chercher à améliorer le dispositif de recueil des données relatives à la maltraitance, qu'il faille, pour prévenir et traiter ces phénomènes, savoir mieux repérer, permettre la production et la diffusion de références professionnelles.

Le dernier rapport en date, celui de M. Naves, préconise, pour parfaire les pratiques de la protection de l'enfance, de « se donner les moyens de bien évaluer » en créant, d'ici à 2005, un véritable observatoire de la protection de l'enfance. C'est une des suggestions intéressantes de ce rapport.

D'autres solutions sont avancées pour rendre plus efficace l'action des multiples intervenants en faveur des familles et des enfants ou pour renforcer les pratiques existantes.

Parmi celles-ci figurent notamment le développement des structures d'accueil d'urgence pour les femmes isolées et pour les parents accompagnés d'enfants, ainsi que le développement des capacités d'intervention des services de psychiatrie.

Par ailleurs, et c'est selon moi un point essentiel, dans ses conclusions, M. Naves rappelle que, si « les maltraitances dont souffrent les enfants sont issues d'actes répréhensibles (...), la survenue de ces maltraitances est, en fait, trop souvent le résultat de la conjonction de ces actes invididuels et des dysfonctionnements d'un système : un système qui néglige la bonne circulation de l'information, qui ne réagit pas face à l'urgence, un système où il est indispensable de ne pas oublier qu'une famille a besoin d'un logement, que l'activité professionnelle des parents est structurante de leurs comportements, enfin, que la santé psychique est sortie du domaine tabou », autant de dimensions que le Gouvernement ne met pas aujourd'hui en perspective.

C'est une évidence, l'appréhension de la problématique de la protection de l'enfance dans son ensemble suppose l'allocation aux professionnels de moyens adéquats. Cela obligerait le Gouvernement à repenser ses politiques publiques, alors qu'aujourd'hui nous assistons à un recul de notre législation sociale dans les domaines de l'emploi, du logement ou de la santé.

L'ODAS, qui travaille sur les facteurs de danger, a mis l'accent sur le rôle essentiel des carences éducatives parmi ces facteurs et sur le développement de la précarité comme risque expliquant en partie la légère augmentation du nombre d'enfants en risque.

Il en conclut que « c'est bien au-delà de l'action sociale que se trouve la réponse préventive, dans la mobilisation de l'ensemble des politiques publiques (...) dans la nécessité de ne pas négliger le soutien matériel aux familles ».

L'exposé des motifs de ce projet de loi est peut-être plein de bonnes intentions. Pourtant, tout démontre, dans les choix du Gouvernement, que la protection de l'enfance n'est pas une question prioritaire.

La baisse des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2004 en faveur de la famille pour accompagner les parents dans leur rôle et en faveur de l'enfance le confirme.

Autre dimension occultée par le texte : beaucoup attendent que le dispositif d'aide sociale à l'enfance gagne en cohérence, qu'il soit effectivement piloté et coordonné.

Même si le champ de la protection de l'enfance est déjà pratiquement de la pleine compétence des départements, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que l'étape que le Gouvernement nous invite à franchir avec la décentralisation ou, plus exactement, le désengagement de l'Etat, exigerait que, dans ce domaine particulier, l'Etat rappelle qu'il reste un « incitateur et un garant », pour citer le rapport Naves ? Et pourquoi ne pas prévoir une loi-cadre sur la protection de l'enfance comme le réclament les associations ?

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne saurions nous satisfaire de la seule création de cet observatoire, dont le champ d'investigation et les missions ne semblent pas de surcroît suffisamment larges.

Nous craignons fort qu'en mettant les services de l'Etat dans l'incapacité d'assumer leur rôle faute de moyens suffisants - je pense en particulier aux juges des enfants, aux pédopsychiatres, à la médecine scolaire, à la protection judiciaire de la jeunesse le Gouvernement ne casse les dynamiques actuelles, certes perfectibles, et qu'il ne décourage les professionnels.

Pour lutter efficacement contre les violences faites aux enfants, il convient aussi que les personnes qui ont des responsabilités en ce domaine et qui, comme les médecins, peuvent être à l'origine des signalements, ne soient pas dissuadées par le manque de protection contre d'éventuelles sanctions disciplinaires. Ma collègue Marie-Claude Beaudeau interviendra sur ce sujet si difficile.

Enfin - et c'est aussi un point important sur lequel je reviendrai au cours de la discussion des articles - je doute fort qu'en l'état la rédaction nouvelle de l'article 2-3 du code de procédure pénale aboutisse effectivement à élargir les possibilités de constitution de partie civile par les associations lorsque la victime est mineure.

La réponse que ce texte a pour ambition d'apporter au phénomène complexe de l'absentéisme scolaire n'est ni plus complète ni plus satisfaisante.

Si, comme la grande majorité du milieu associatif, nous saluons l'abrogation du support législatif permettant de priver la famille de ses allocations pour absentéisme de l'enfant, nous n'en restons pas moins vigilants, le Gouvernement et sa majorité ayant la fâcheuse tendance à aborder de manière récurrente l'absentéisme scolaire par le prisme de la délinquance des mineurs et à proposer en conséquence une sanction pénale à un problème qui révèle surtout un profond malaise de l'adolescence. Et je ne crois pas que l'action des caisses d'allocations familiales à travers les modules de formation à la responsabilité parentale soit de nature à apporter des réponses suffisantes.

A la lumière des auditions que nous avons menées pour préparer ce texte, j'ai aujourd'hui la conviction que ceux qui, hier, soutenaient les conclusions du groupe de travail, principalement parce qu'elles appelaient à clarifier les responsabilités de tous les acteurs - établissements scolaires, familles... - à graduer et à mieux articuler les réponses, se sentent un peu floués.

Pour l'instant, seul le volet sanction est traité par le texte. Le devoir d'école, qui s'impose aussi au système éducatif, mérite pourtant que l'on réfléchisse afin de savoir si, dans les conditions actuelles, l'école est en mesure de remplir ses missions.

C'est un autre débat, me direz-vous. Je pense, au contraire, que toutes ces questions sont interdépendantes. Il serait vain en effet de vouloir lutter contre l'absentéisme scolaire si l'on ne prend pas la mesure des carences du système éducatif, qui laisse sortir de nombreux jeunes sans diplôme et sans perspectives d'avenir, et si l'on refuse d'admettre que le taux d'encadrement est trop faible, que les personnels administratifs, les assistantes sociales, les infirmières sont partie intégrante du projet éducatif.

Concernant les deux autres volets du projet de loi, les assistantes maternelles et les services tutélaires, vous tentez, mes chers collègues, de vous rassurer en considérant qu'il s'agit « d'un texte d'appel » et en souhaitant que les mesurettes « ne soient que les prémices de réformes plus ambitieuses ».

Nous craignons, quant à nous, que ce projet de loi, sans épuiser le sujet des réformes annoncées, tant sur le statut des assistantes maternelles que sur la tutelle ne vienne en recul et n'ampute, en quelque sorte, les futures réformes d'ensemble.

Aux attentes exprimées par une profession en quête de reconnaissance, aux besoins des parents qui, faute de pouvoir librement choisir le mode de garde de leur enfant, jonglent au quotidien pour articuler au mieux leur vie familiale et professionnelle, vous répondez, non par la revalorisation du métier ou la diversification de l'offre de garde, mais par la dégradation des conditions d'accueil des enfants en termes de qualité et de sécurité. Je vis personnellement cet assouplissement des conditions d'agrément comme une fuite en avant risquée pour les enfants et, à terme, contreproductive pour promouvoir la profession d'assistante maternelle.

Après lecture de ce texte et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, un constat s'impose : le Gouvernement ne cherche pas réellement à améliorer la situation des familles.

Des mesures centrées sur la petite enfance sont prévues. Pour autant, la solvabilisation des parents restera très inégale selon le mode de garde utilisé et le niveau des revenus. Le Gouvernement ne s'emploie pas à diversifier l'offre de garde. Il privilégie seulement les réponses individuelles, les modes d'accueil les moins coûteux - assistantes maternelles, employées de maison - au détriment du développement, faute de moyens, d'équipements, de structures et de services de qualité dans le cadre du service public.

S'agissant enfin de l'expérimentation d'un mode nouveau de financement voulu par les associations tutélaires, je ne comprends pas votre précipitation, monsieur le ministre, d'autant qu'une grande réforme du métier de tuteur est en attente, de même qu'une adaptation des mesures afin de les rendre plus souples, moins privatives de liberté pour les majeurs protégés.

Nous sommes très conscients des enjeux de cette réforme, en raison notamment du vieillissement de la population.

C'est pourquoi il me paraît plus que regrettable que la première réponse envisagée soit la couverture financière de la tutelle, via l'expérimentation.

Pour conclure, permettez-moi, mes chers collègues, d'espérer de ce débat qu'il nous éclaire sur les intentions du Gouvernement et qu'il soit l'occasion d'aborder, dans la globalité, les questions posées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, toutes tendances confondues, ce texte constitue une avancée. Nous le voterons donc parce que nous sommes sensibles à toutes les améliorations qu'il apporte et parce que nous sommes terrifiés par la situation de l'enfance dans notre pays.

Des faits divers tragiques ont été cités à plusieurs reprises. J'avoue avoir eu froid dans le dos en écoutant Mme Olin citer tous ces chiffres. Je n'imaginais pas que la situation était aussi grave.

Notre groupe est d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, pour considérer que ce n'est certainement pas avec un seul texte que nous parviendrons à régler tous ces problèmes. Il en faudra d'autres. Le traiement de situations aussi douloureuses exigera encore de longs débats et de nombreux projets de loi.

Même si ce texte nous semble raisonnable, je me permettrai de présenter un certain nombre d'observations techniques.

La première concerne les assistantes maternelles.

Vous voulez - et l'on comprend vos raisons - augmenter le nombre d'enfants qui pourront être mis en garde. Mais il ne faut pas aller trop loin !

Si j'ai bien compris le sens de votre projet, dans une journée, neuf enfants pourront se succéder chez une aide maternelle. (M. le ministre délégué proteste.) J'ai peut-être mal compris, vous me répondrez tout à l'heure, monsieur le ministre. J'ajouterai que, dans bon nombre de cas, les enfants de l'assistante maternelle sont également présents à la maison !

M. Christian Jacob, ministre délégué. C'est vrai !

M. André Vallet. Il ne faudrait pas que l'assistante maternelle devienne une monitrice de colonie de vacances ! La dimension affective nécessaire à l'exercice de cette profession risquerait de ne plus être assurée.

Ma deuxième observation porte sur le problème de l'absentéisme.

J'ai lu la note que vous nous avez remise, monsieur le ministre, et je suis sidéré par les chiffres que vous présentez, notamment par le nombre important d'enfants qui, pour des raisons diverses et avec l'assentiment de leurs parents, manquent l'école, laïque, gratuite et obligatoire. J'ai cru comprendre que la situation, loin de s'être améliorée, s'est au contraire aggravée.

Si j'approuve le projet de sanctionner les familles par des peines d'amendes plutôt que par la suppression des allocations familiales, je ne peux manquer de m'interroger sur les modalités de la mise en oeuvre de cette mesure.

En effet, si certaines caisses effectuent 500 signalements, d'autres n'en effectuent pratiquement pas, voire aucun !

En fait, monsieur le ministre, qui peut signaler l'absence de ces enfants, sinon les enseignants ? Or vous dites que les enseignants ne jouent pas le jeu et ne signalent pas les absences comme ils le devraient.

Comment résoudre le problème ? Si, au lieu de supprimer les allocations familiales, on instaure une amende et que les enseignants ne procèdent pas au signalement, le problème restera entier. Il faut penser à cela !

L'absentéisme scolaire est un problème grave, qui pénalise les enfants et qui ne devrait plus être aussi important de nos jours.

Ma dernière observation concerne l'utilisation des enfants par certains organismes ou institutions, par certaines chaînes de télévision ou par certaines agences de publicité. Celles-ci utilisent en effet des enfants pour des spots publicitaires de manière bien trop fréquente.

C'est ainsi, monsieur le ministre, que j'ai pu lire, dans le journal local de mon département, une annonce incitant des enfants de dix à douze ans à se présenter tel jour à telle heure pour réaliser un spot publicitaire. Le procédé était déjà condamnable en soi, mais ce qui m'a le plus choqué c'est de voir, le lendemain, dans le même journal, la photo d'au moins deux cents familles qui s'étaient regroupées autour du lieu d'accueil, les parents espérant sans doute pour leurs enfants une carrière artistique...

Je crois, monsieur le ministre, qu'en la matière il faut demander aux préfets d'être beaucoup plus vigilants qu'ils ne le sont actuellement, et je suis de ceux qui se demandent parfois s'il ne faudrait pas tout simplement interdire l'utilisation des enfants pour vanter dans des spots publicitaires les mérites de tel ou tel produit.

Nous considérons, monsieur le ministre, que votre projet de loi permet, dans ce dossier si complexe, une avancée, et nous le voterons très volontiers. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Monsieur le ministre, en avant-propos, permettez-nous de nous étonner que votre projet de loi comporte plusieurs dispositions concernant les seules assistantes maternelles non permanentes et que les autres titres abordent des problèmes beaucoup plus douloureux, voire récurrents, comme l'absentéisme scolaire ou la maltraitance des enfants.

Vous proposez monsieur le ministre, pour répondre à la pénurie notoire de l'offre de garde, une première série de mesures que Jean-Louis Lorrain qualifie lui-même dans son rapport de texte d'appel. Les assistantes maternelles, qu'elles le soient à titre permanent ou non, attendent un vrai statut et une revalorisation de leurs salaires.

Le texte prévoit une modification de l'article L. 421 du code de l'action sociale et des familles afin d'étendre à plus de trois le nombre de mineurs accueillis. Actuellement, sauf dérogation, ce seuil est de trois enfants maximum, que ce soit à temps plein ou à temps partiel. Il est indéniable que les rythmes de vie ont évolué d'une façon telle que l'offre d'accueil suit très difficilement. Cette nouvelle souplesse que vous accordez semble être intéressante mais, hormis l'aspect financier, le côté humain laisse songeur !

A travers l'article 1er, vous proposez une solution quantitative qui, selon l'exposé des motifs, permettra une augmentation de 135 000 places. Quantité et qualité peuvent-elles se conjuguer ?

La loi du 12 juillet 1992 précisait le cadre de l'agrément avec, pour objectif avoué de vérifier, notamment par le biais de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, si les conditions d'accueil garantissaient « la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs ».

Une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, fait apparaître que 38 % des assistantes maternelles déclarent travailler plus de 45 heures par semaine, tout en étant de plus en plus nombreuses à dénoncer des horaires irréguliers.

« Travailler plus pour gagner plus ? » Qu'on en juge : 542 euros net par mois, soit 45 % du salaire net moyen de l'ensemble des salariés du privé...

Toutes les assistantes maternelles, loin s'en faut, ne sont pas rémunérées au forfait. Dès lors, la tentation sera grande pour elles de pratiquer l'accueil périscolaire en sus de leurs trois gardes, pour simplement augmenter leurs revenus. En effet, aucune mesure dans votre texte ne limite cet accueil transitoire.

Vous ne cachez d'ailleurs pas, monsieur le ministre, que les dispositions contenues dans les deux premiers articles de votre projet de loi visent à rendre le métier d'assistante maternelle plus attractif par une augmentation du revenu !

Si le côté pécuniaire prévaut, dès lors, outre la fatigue physique et psychique, comment l'accueil et la coordination éducative pourront-ils se faire avec la qualité et la sérénité nécessaires à cette profession ?

C'est pourquoi nous aurions aimé que vous incluiez une durée légale et une durée maximale pour poser des limites aux employeurs et aux assistantes maternelles elles-mêmes.

Votre prédécesseur, Ségolène Royal, avait créé 46 000 places supplémentaires en crèche. Vous annoncez 20 000 places d'ici à 2007. Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous nous donner afin que le fonds d'investissement destiné aux collectivités territoriales pour le financement d'équipements collectifs ne disparaisse pas avec le redressement prévisible des comptes de la sécurité sociale ?

L'étude des coûts pour les collectivités et les familles montre qu'entre les trois modes de garde - assistante maternelle, crèche ou école maternelle -, cette dernière reste le moins onéreux, soit 1 510 millions d'euros contre 1 724 millions d'euros pour les crèches et 2 186 millions d'euros pour les assistantes maternelles. Aussi les familles ne sont-elles pas placées sur un pied d'égalité en matière de garde. Les ménages modestes optent plutôt pour les crèches, quand il en existe. Lorsqu'il n'y en a pas, l'école maternelle - exception française - demeure une alternative.

Dans le département du Pas-de-Calais, par exemple, où tous les indicateurs sont dans le rouge, l'école dès le plus jeune âge est un rempart contre les handicaps sociaux et culturels. Et ce n'est pas un hasard si la scolarisation des enfants de deux ans y est de 61,8 %, contre 34,7 % au niveau national. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, s'il y a une remise en cause de la scolarisation des enfants de deux ans, comme la rumeur s'en fait l'écho ?

Dans ma commune, il y a une cité en restructuration avec, d'un côté, des logements insalubres et, de l'autre, de nouvelles habitations. L'école maternelle puis l'école primaire y sont les vecteurs d'intégration et de sociabilité les plus importants que je connaisse.

Avec l'entrée en vigueur de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, prévue pour le 1er janvier prochain, vous vous attendez, monsieur le ministre, à une augmentation significative de la demande de garde. Mais la PAJE, censée permettre aux parents de choisir en toute liberté le mode de garde jusqu'aux trois ans de l'enfant, n'a-t-elle pas comme autre but non avoué d'encourager les femmes à rester à la maison ?

S'agissant de l'absentéisme scolaire, vous dites vous-même, monsieur le ministre, que c'est un phénomène complexe et qu'il est très souvent signe du mal-être de l'élève et de souffrances qui peuvent être, Mme Olin l'a dit, d'origine scolaire, personnelle ou familiale.

Tous les intervenants que nous avons rencontrés s'accordent à dire que c'est sur la prévention dès le plus jeune âge et l'accompagnement des familles que l'accent doit être mis. D'ailleurs, comme le souligne un juge pour enfants, « un certain nombre de parents isolés, non insérés, voire handicapés, et pourtant pleins de bonne volonté sont incapables de transmettre une éducation qu'ils n'ont sans doute jamais reçue eux-mêmes ».

A travers les modules, la philosophie de votre texte est-elle de sanctionner, ou plutôt d'aider ? M. Jean-Louis Lorrain n'écrit-il pas dans son rapport que « le présent projet de loi a pour ambition de rénover la lutte contre l'absentéisme scolaire en proposant des sanctions adaptées » ?

Le fait d'abroger le dispositif de suppression ou de suspension des allocations familiales est sans contexte une bonne chose, mais, hormis des mesures répressives en direction des employeurs qui font travailler des enfants en âge d'être scolarisés et une contravention de quatrième classe envers les parents fautifs, rien n'apparaît concrètement pour responsabiliser et aider les familles. L'absentéisme scolaire est, le plus souvent, le signe d'un malaise familial avant tout.

A ce sujet, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, l'ODAS, souligne la faiblesse des politiques préventives et le fait que ce n'est pas le nombre d'enfants maltraités qui a augmenté, contrairement à ce que pourrait laisser penser un article paru dans Le Monde , mais celui des enfants en situation de risque. L'observatoire tire ses conclusions à partir de l'analyse de l'ensemble des informations recueillies auprès des départements et du service national d'accueil par téléphone pour l'enfance maltraitée, le SNATEM.

Sans mettre en cause un Observatoire de l'enfance maltraitée à l'échelon national, au moment où il est question de décentralisation, nous nous étonnons que l'échelon du département n'ait pas été retenu. C'est pourtant l'un des maillons de proximité le plus efficace pour agir sur le terrain. Le référentiel peut être commun, mais les problèmes ne sont pas forcément les mêmes dans les bassins miniers et sur la Côte d'Azur !

Le département du Pas-de-Calais voulait créer son Observatoire l'année prochaine. « Est-ce que les missions sont pertinentes ? Est-ce que les moyens sont pertinents ? », s'interrogeait cependant cette semaine Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, sur LCI.

Nous vous posons les mêmes questions, monsieur le ministre !

Jean-Louis Lorrain, notre rapporteur, a déclaré : « Dans la majorité des cas, ce sont les parents qui s'avèrent être les auteurs des mauvais traitements. Les déséquilibres familiaux et l'inactivité, notamment des mères » - ... cela m'a choquée ! - ...

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Je m'en suis expliqué.

Mme Michèle San Vicente. Pas suffisamment !

... « semblent être des facteurs d'augmentation du risque de maltraitance des enfants ».

Pourtant, l'UNICEF constate que, de tous les problèmes identifiés par les chercheurs concernant les circonstances de maltraitance à enfants, l'un des plus courants et des plus graves est l'abus de drogue et d'alcool, et qu'il existe aussi de nombreuses preuves faisant état d'un lien entre la maltraitance physique à enfants et la violence entre adultes au sein du foyer ou ailleurs.

L'UNICEF reconnaît que l'on manque cruellement de données et que les rares statistiques révèlent la nature occulte du problème, la résistance sociale à en prendre conscience et le peu d'attention politique accordée au problème de la violence contre les enfants.

Quant à l'expérimentation de la dotation globale de fonctionnement dans les services tutélaires permettant de connaître les besoins réels liés à l'activité des associations, seules sont retenues les considérations financières. Pour les associations tutélaires elles-mêmes, il aurait fallu adapter les mesures pour répondre aux besoins et ensuite calculer le coût réel du service rendu pour aboutir à un financement équitable. Le rapport Favard avait d'ailleurs émis des propositions sur ce point.

Pour toutes ces raisons, même si ce projet de loi comporte des mesures intéressantes, nous pensons qu'il ne règle pas les problèmes de fond. Nous attendrons donc 2004 et 2005 et nous nous abstiendrons (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe de l'Union centriste, qui comptent parmi leurs membres le président du SNATEM, le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée, plus connu sous le nom de « Allô Enfance maltraitée », se félicitent des propositions faites par le Gouvernement en vue de créer un Observatoire national de l'enfance maltraitée.

L'actualité récente a malheureusement remis ce sujet douloureux au centre du débat médiatique. Il est indispensable de mieux coordonner les différents services d'information sur l'enfance maltraitée, afin que de pareils drames puissent être mieux prévenus à l'avenir.

En effet, le dispositif actuel est caractérisé par une multiplicité d'intervenants et par la grande hétérogénéité des sources statistiques. Vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre.

Le dispositif français de protection de l'enfance est particulièrement riche puisqu'il constitue le premier poste de dépenses d'aide sociale des départements, auquel il convient d'ajouter les crédits d'Etat consacrés à la protection judiciaire et au fonctionnement des tribunaux pour enfants, comme l'a souligné tout à l'heure M. le rapporteur.

Or, pour mettre en place des mesures efficaces contre ce phénomène, il est indispensable, au préalable, de pouvoir le quantifier avec exactitude. Mais, actuellement, il n'existe pas de données exhaustives sur cette question. Les rapports conjoints de l'inspection générale des affaires sociales et des services judiciaires de mars 1995 et juin 2000, ainsi que le rapport de l'IGAS de mai 2000 concernant le contrôle de quatre services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, font apparaître des manquements et des insuffisances dans le dispositif statistique concernant l'enfance maltraitée.

Ainsi, si l'ODAS recense, pour l'année 2001, 85 500 enfants qui ont bénéficié d'un signalement aux conseils généraux, le SNATEM a reçu près de 2 millions d'appels en 2001. Il a par ailleurs transmis aux conseils généraux 5 415 comptes rendus d'appels concernant des situations de mauvais traitements, présumés ou avérés.

Enfin, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère chargé des affaires sociales évalue, pour 2001, à 141 000 le nombre de jeunes pris en charge par l'aide sociale départementale à l'enfance dans le cadre d'une mesure de placement et à 129 000 le nombre de ceux qui bénéficient d'une action éducative : ces chiffres prouvent à eux seuls l'ampleur du phénomène, mais également la difficulté actuelle qu'il y a à l'appréhender.

Les propositions faites par le Gouvernement correspondent pleinement aux attentes exprimées par le SNATEM depuis plusieurs années. La création de cet observatoire, qui n'a vocation qu'à quantifier le phénomène et non à le prévenir, ne peut donc qu'être saluée par l'ensemble des acteurs du secteur.

Par ailleurs, ce texte tend à renforcer la protection de l'enfance face à d'autres risques que la maltraitance. Ainsi, en matière de travail des enfants, le Gouvernement propose un alourdissement des sanctions actuellement prévues en cas d'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, les portant à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. La commission des affaires sociales a justement complété ce texte en précisant les cas dans lesquels le travail des enfants peut être autorisé.

Protéger les enfants, c'est également mieux défendre les victimes d'agression. En cela, ce texte renforce l'arsenal juridique mis à la disposition des associations de défense de l'enfance et qui leur permet de se constituer partie civile.

Actuellement, ces associations ne peuvent intervenir que pour un nombre limité d'infractions pénales, après avoir reçu l'accord de la victime ou de son représentant, et une fois l'action publique mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.

Le texte que nous examinons aujourd'hui propose une nouvelle rédaction de l'article 2-3 du code de procédure pénale, permettant aux associations d'intervenir par voie d'action afin d'enclencher l'action publique, pour toutes les infractions concernant les victimes mineures dès lors que celles-ci sont atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou morale.

Par ailleurs, le groupe de l'Union centriste souhaite compléter ce projet de loi en y introduisant un titre spécifique modifiant l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles, dont l'application est parfois problématique pour les départements, notamment lorsque les obligés alimentaires d'une personne âgée prétendent bénéficier d'une exonération sur le fondement de l'article 207, alinéa 2 du code civil, selon lequel le juge peut décharger le débiteur de tout ou partie de la dette alimentaire dans le cas où le créancier manquerait gravement à ses obligations envers lui.

Dans la plupart des cas, ces allégations se révèlent fondées. L'objet de notre amendement est de simplifier la procédure prévue à l'article 132-7 du code de l'action sociale et des familles en proposant que les débiteurs d'aliments soient automatiquement déchargés de leur dette alimentaire, sous réserve d'une décision contraire du juge, quand il s'agit d'enfants dont les parents se sont vu retirer totalement l'autorité parentale, de pupilles de l'Etat qui ont été élevés par les services d'aide sociale à l'enfance jusqu'à la fin de leur scolarité, ou enfin d'enfants qui ont fait l'objet d'un retrait judiciaire de leur milieu familial durant une période cumulée de trente-six mois jusqu'à l'âge de douze ans.

Le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, sous réserve de cet ajout, est pleinement favorable à ce texte. Je ne me suis pas exprimée sur la réforme du statut des assistantes maternelles ni sur l'absentéisme scolaire, qui sont également deux sujets importants traités par ce texte, car les mesures proposées nous semblent aller dans la bonne direction.

Nous sommes d'accord avec Jean-Louis Lorrain quand il considère qu'il s'agit d'un texte d'appel. Si nous estimons que la méthode retenue par le Gouvernement est louable, à savoir de proposer des premières mesures directement opérationnelles, nous resterons toutefois très vigilants quant à la mise en oeuvre de réformes de plus grande ampleur, notamment celle du statut des assistantes maternelles programmée pour 2004 et celle des tutelles prévue en 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur le thème de la maltraitance de l'enfant, ma collègue ayant déjà abordé les autres points figurant dans le projet de loi.

La maltraitance de l'enfant est un thème souvent difficile à évoquer, car nous nous trouvons placés face à des situations et à des faits parfois indescriptibles de violences faites à des mineurs, survenues non pas dans la rue ni à l'école, mais, la plupart du temps, au sein du cocon familial, là où l'enfant est censé trouver écoute, compréhension et amour, là où il est aussi censé se structurer pour l'avenir.

C'est donc d'un thème pénible qu'il est question, mais il est de notre devoir d'ouvrir les yeux et d'évoquer la situation qui est la nôtre aujourd'hui. Sans avoir de données complètes, on peut estimer d'après les chiffres de l'ODAS pour 2001 qu'une fille sur huit et un garçon sur dix sont victimes d'abus sexuels avant d'avoir atteint leur majorité ; 22 % d'entre eux ont moins de six ans ; dans quatre cas sur dix, l'enfant est victime d'agressions répétées. Les filles sont plus souvent victimes de maltraitance que les garçons - elles représentent près de 60 % des cas - et subissent un plusgrand nombre d'abus sexuels.

Il faut également noter qu'il existe une forme de maltraitance plus sournoise, la maltraitance psychologique, qui, même si elle ne cause pas de souffrance physique, n'en est pas moins destructrice. Je pense, entre autres, aux enfants victimes de sectes.

Humiliations, persuasion, menaces, corruption et violences sont donc le quotidien de dizaines d'enfants, qui, parfois, dérape en faits divers sordides : ainsi comme cet enfant de quatre ans à Strasbourg, décédé à la suite d'actes répétés de barbarie et de tortures, ou cette fillette âgée de seulement dix-huit mois, trouvée morte, éviscérée, dans un immeuble voisin du premier.

Ces actes épouvantables nous montrent, si besoin était, la nécessité de légiférer rapidement. Des avancées significatives avaient été obtenues sous l'ancien gouvernement, notamment avec la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, dite « loi Guigou ». Elle avait notamment instauré un suivi socio-judiciaire du délinquant destiné à prévenir la récidive, ainsi que des mesures de prévention et de répression des infractions sexuelles.

La loi du 6 mars 2000 instituant un défenseur des enfants et visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants stipule que les visites médicales scolaires ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants maltraités. En outre, au moins une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée est désormais inscrite dans l'emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

Il est indispensable de poursuivre dans ce sens. C'est pourquoi nous accueillons plutôt favorablement un projet de loi relatif à la protection de l'enfance. Mais si ce texte aborde diverses questions pour lesquelles il prévoit des mesures, nous ne pouvons que regretter leur insuffisance à résoudre les problèmes posés. M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission, s'est d'ailleurs exprimé en ce sens : « Il s'agit donc d'un texte d'appel, dont il convient de saluer les avancées, tout en souhaitant qu'elles ne soient que les prémices de réformes plus ambitieuses ». Je partage ses propos. Nous pensons, monsieur le ministre, que vous auriez dû aller plus loin, notamment en ce qui concerne la maltraitance des enfants et les abus sexuels, que vous avez récemment qualifiés de fléau national.

La maltraitance aurait dû faire l'objet d'un projet de loi traitant le problème dans son entier et non, comme c'est le cas ici, être intégrée dans un texte général sur l'enfance, qui nécessitera des ajustements et des mesures complémentaires. Trop de questions restent, en effet, en suspens, et les attentes sont nombreuses.

Tout d'abord, vous savez que l'imprescriptibilité de l'inceste et des crimes sexuels sur enfants est une revendication de longue date des associations que nous aurions aimé voir figurer dans le texte. Elle pourrait permettre aux victimes de porter plainte lorsqu'elles sont prêtes à le faire.

Actuellement, la situation est telle qu'un enfant devenu majeur désirant porter plainte se retrouve face à un mur, sans écoute ni soutien. S'il parvient à franchir ces obstacles, il se heurte à la prescription. La législation actuelle est bel et bien inadaptée, car souvent la mémoire des faits revient à l'occasion d'un événement de vie important - divorce, deuil, entre autres - qui n'est pas lié à l'âge de la victime.

L'imprescriptibilité peut aussi être un outil de prévention et de protection des enfants contre les abuseurs et la récidive. Précisons que le Canada a rendu les crimes et les agressions sexuelles sur les enfants imprescriptibles voilà quinze ans, et qu'il s'en accommode très bien aujourd'hui. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez tenir compte de ces observations.

La création d'un observatoire national de l'enfance maltraitée peut être intéressante, car nous ne disposons actuellement d'aucun chiffre fiable en la matière, mais nous attendons de voir l'utilisation qui sera faite de cet outil. Il ne suffit pas en effet de collecter des chiffres ; encore faut-il en assurer un suivi efficace sur tous les plans, administratif et judiciaire bien sûr, mais aussi psychologique. Surtout, il importe que ce suivi soit orienté vers l'enfant.

Il est grand temps, en effet, de placer l'enfant au coeur du système. Un enfant maltraité doit tout reconstruire autour de lui. C'est pourquoi il doit bénéficier d'un suivi adapté et surtout être écouté. Trop souvent, la parole et les désirs de l'enfant sont ignorés. Ce n'est pas une bonne chose.

L'enfant doit en outre pouvoir bénéficier d'une réelle protection et ne plus être confronté à son bourreau. Des mesures devront être prises en ce sens, notamment pour que le parent protecteur puisse avoir la garde exclusive de l'enfant.

Il ne suffit pas d'observer, il faut aussi remédier au mal. C'est pourquoi nous souhaiterions connaître vos intentions concernant le suivi des chiffres qui seront collectés par cet observatoire.

Monsieur le ministre, nous avons noté que votre projet de loi élargit les possibilités offertes aux associations de se constituer partie civile lorsque des poursuites sont engagées contre les auteurs présumés de certaines infractions commises sur les mineurs. Toutefois, cette possibilité conduira à un accroissement des dossiers et donc à un surcroît de travail pour des tribunaux qui sont déjà très sollicités. Avez-vous prévu de prendre les mesures nécessaires, en concertation avec le ministre de la justice, pour que les tribunaux puissent faire face à ce surcroît d'activité ?

L'un des objectifs de ce texte est de parvenir à une meilleure coordination entre tous les acteurs de la protection de l'enfance. Là encore, l'intention est bonne, car force est de constater qu'il existe des dysfonctionnements liés au manque de communication et, surtout, à l'absence d'échanges de données entre les acteurs. Mais trop de questions restent encore en suspens.

Par exemple, nous souhaiterions connaître la place que vous entendez donner au monde associatif, qu'il s'agisse des grands réseaux ou des petites structures. En effet, beaucoup de petites associations agissant quotidiennement sur le terrain sont exactement au fait des réalités et directement confrontées à des situations de détresse enfantine. Ces associations doivent agir dans l'urgence la plupart du temps et, pour cela, elles ne disposent que de peu de moyens et de très peu de relais dans l'administration.

Il est vrai que certaines associations peuvent déranger par leur franc-parler, leur impatience et leurs critiques envers le système, mais nous pensons qu'elles ne doivent pas être ignorées des pouvoirs publics, car elles ont l'expérience du terrain et il est nécessaire de s'appuyer sur cette expérience si l'on veut parvenir à une politique efficace d'aide à l'enfance.

Est-il dans vos intentions de réunir prochainement l'ensemble des acteurs intervenant dans la protection de l'enfance, en incluant notamment les petites associations, afin de les recenser, de les écouter, de définir un rôle en adéquation avec leur expérience auprès des familles, et surtout de leur donner les moyens de remplir au mieux ce rôle.

Il est difficile de concevoir que des associations d'aide à l'enfance maltraitée n'aient aucune relation avec leur conseil général, pourtant c'est parfois le cas. Des passerelles existent cependant entre les services départementaux et les associations, ce sont les unités médico-judiciaires. Malheureusement, il n'y en a à l'heure actuelle qu'une quinzaine en France alors qu'il en faudrait dans chaque département.

Concernant toujours les conseils généraux, il me semble également important d'évoquer le problème des mineurs étrangers isolés sur le territoire français. Comme vous le savez, ceux-ci sont dirigés vers les centres départementaux d'aide à l'enfance, les CDE, là où sont aussi hégergés les mineurs reconnus en danger par l'autorité judiciaire, notamment les enfants victimes de maltraitance.

Or, il s'agit de deux publics différents, qui ont chacun besoin d'une prise en charge propre. En outre, les CDE sont aujourd'hui surchargés par l'afflux de jeunes étrangers - c'est le cas dans mon département - et nous pensons que cette situation n'est bénéfique ni pour les uns ni pour les autres. L'Etat doit prendre ses responsabilités et créer des structures d'hébergement spécifiques pour les mineurs étrangers, afin de désengorger les CDE.

Monsieur le ministre, nous espérons que vous saurez tenir compte de ces observations et que vous prendrez des mesures en conséquence.

Une politique efficace de protection de l'enfance doit être accompagnée de moyens significatifs, notamment humains ; beaucoup d'acteurs de terrain déplorent en effet le manque de personnel. Nous pensons aussi qu'une telle politique doit être interministérielle, un peu à l'image de la politique de la ville, car plusieurs ministères sont concernés : les affaires sociales, l'éducation nationale, la justice, la santé, la famille, mais aussi l'intérieur, notamment pour la lutte contre les réseaux pédophiles.

A ce propos, nous regrettons l'absence de mesures importantes pour lutter contre cette forme de criminalité organisée. Des milliers d'images pornographiques circulent sur Internet, mettant en scène des enfants, et chaque jour de nouveaux sites sont découverts. Il est indispensable de se donner les moyens de remonter et de démanteler ces réseaux dès leur découverte, car on connaît les conséquenses dramatiques de la pédocriminalité sur les enfants. Certains peuvent en mourir, d'autres garder des séquelles à vie, leur épanouissement psychologique et affectif pouvant être compromis de manière durable et irréversible.

En ce qui concerne les dispositifs existants, une réflexion devra être menée afin d'en améliorer l'efficacité pour une meilleure prévention et une meilleure organisation de la lutte contre la maltraitance. Je pense, par exemple, au numéro vert. Des dysfonctionnements m'ont été signalés par plusieurs associations, notamment lorsqu'il s'agit de traiter des situations d'urgence.

Monsieur le ministre, c'est une bonne chose que vous vous penchiez sur la question de l'enfance maltraitée, mais nous pensons que vous le faites de manière très insuffisante. Le gouvernement précédent avait pris des dispositions significatives et il aurait été intéressant de poursuivre dans le même sens. Ce n'est malheureusement pas le cas, car les mesures proposées paraissent bien symboliques face à l'étendue du problème et au vaste chantier que représente la protection de l'enfance.

Vous avez qualifié la maltraitance d'enfants de fléau national, faites-en aujourd'hui une cause nationale et donnez-vous les moyens d'agir ! Nous attendons avec impatience une réunion interministérielle à ce sujet et l'annonce de mesures significatives répondant aux attentes du terrain. Pour le moment, nous n'en sommes qu'au stade des bonnes intentions. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de répondre brièvement aux orateurs, puisque j'aurai l'occasion lors de la discussion des amendements d'y consacrer plus de temps.

Monsieur le rapporteur, je voudrais vous remercier de nouveau, après votre intervention. Au-delà de votre soutien, j'ai bien noté les nombreuses avancées qu'apporteront vos amendements au projet de loi, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je tiens à saluer l'intervention de Mme Olin, notamment la force de son témoignage et l'intérêt qu'elle porte à la cellule familiale, qui est effectivement le meilleur socle de protection pour nos enfants sur les différents sujets traités par ce texte, qu'il s'agisse de l'absentéisme scolaire ou de la maltraitance.

Pour ce qui est des assistantes maternelles, un texte est en préparation, il vous sera soumis dans les prochains mois.

Madame Demessine, je vous remercie du soutien que vous apportez au rapport Naves que j'avais commandé et dont le projet de loi est très largement inspiré.

Par ailleurs, nous aurons l'occasion de débattre ultérieurement du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS. Le « plan crèche » du Gouvernement est rigoureusement identique à celui du gouvernement précédent. Il convient en outre de souligner que le plan crèche de mon prédécesseur a été financé par l'actuel gouvernement.

Au risque de vous chagriner, sachez enfin que nous avons travaillé avec l'ensemble des partenaires qui nous ont réservé, d'une manière générale, leur soutien, notamment sur le difficile dossier de l'absentéisme.

Monsieur Vallet, actuellement, le nombre d'enfants accueillis par une assistante maternelle ne peut être supérieur à trois. Le texte que nous proposons permet de concilier la souplesse et la simplicité. Il était attendu par les professionnels. L'offre de garde pourra ainsi être développée dans un cadre restreint puisque la limite de trois enfants porte sur le nombre d'enfants accueillis simultanément par l'assistante maternelle et n'est plus conçue comme un nombre absolu.

Madame San Vicente, vous avez évoqué le statut des assistantes maternelles. Je veux vous rassurer et vous dire que j'ai apprécié votre préoccupation, comme celle de Mme Printz d'ailleurs, à leur sujet. Il est dommage que le problème n'ait pas été résolu plus tôt.

Il y a simplement dix-huit mois que le Gouvernement est en place. Nous avons pris le dossier à bras-le-corps et je peux vous annoncer que, vraisemblablement, le texte sera transmis au Conseil d'Etat prochainement. Il a fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires sociaux qui le réclamaient depuis longtemps.

En ce qui concerne le plan crèche et les garanties que vous demandez, il vous suffira de voter, ce dont je ne doute pas, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Quant à la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, elle est reconnue par les mouvements familiaux et les partenaires sociaux comme un effort sans précédent. Le soutien apporté à l'accueil des jeunes enfants se monte ainsi à plus d'un milliard d'euros en année pleine, ce qui va permettre à la fois de renforcer et de développer les modes de garde, mais aussi le pouvoir d'achat des familles, notamment celles dont les revenus sont les plus bas.

En ce qui concerne la lutte contre l'absentéisme scolaire, nous mettons en place un système progressif, qui a fait l'objet d'une très large concertation. Cela n'a jamais été le cas auparavant. Finalement, ce dispositif de suppression des prestations familiales aurait pu être abrogé par les gouvernements précédents. Nous l'avons donc fait et avons instauré un système très progressif qui répond exactement à l'attente des parents et des mouvements familiaux. Nous avons procédé à soixante-dix auditions. Plus de vingt réunions ont eu lieu. L'ensemble des partenaires et des acteurs concernés ont donc été consultés.

Je souhaite, par ailleurs, remercier Mme Payet du soutien qu'elle a apporté à l'amendement de M. Mercier. Il s'agit effectivement d'un très bon amendement. J'aurai l'occasion d'émettre un avis favorable sur les mesures qu'il prévoit.

En ce qui concerne l'observatoire de l'enfance maltraitée, madame Printz, vous avez émis des réserves. Cet observatoire a pour objet non pas de comptabiliser pour comptabiliser, mais de faciliter le traitement des dossiers, de façon que le système de prévention soit le plus efficace possible.

Il convient de préciser que la protection de l'enfance est un domaine qui est dévolu aux départements.

Certains de vos collègues ont été moins critiques. J'ai reçu une lettre de soutien d'une ancienne ministre qui appartenait à votre majorité pour la mise en place de ce projet, notamment la création de cet observatoire.

Telles sont les quelques remarques que je voulais formuler avant l'examen des articles. Je vous remercie tous, par avance, de vos différentes contributions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.