COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 335 de M. Jean-Claude Peyronnet et la question orale n° 336 de M. Jean-Pierre Masseret pourraient être inscrites à la séance du 28 octobre.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

3

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

CALCUL DES RETRAITES DES FRONTALIERS

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 306, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, la Lorraine, au coeur de l'Union européenne, comprend une importante population de travailleurs transfrontaliers. Chaque jour, près de 90 000 Lorrains franchissent les frontières : 54 000 celle du Luxembourg, 32 000 celle de l'Allemagne et 2 500 celle de la Belgique. En vingt ans, les chiffres ont été multipliés par dix.

Si ces femmes et ces hommes vont travailler dans ces Etats membres, ce n'est pas par convenance personnelle c'est parce que, souvent, ils n'ont pas d'autre choix. La Lorraine, madame la ministre, vous le savez, a connu de dramatiques restructurations, que ce soit dans la sidérurgie, le charbon, le textile ou d'autres secteurs. Ces crises se sont malheureusement traduites par des tragédies humaines.

Aujourd'hui, ces transfrontaliers sont une chance pour notre région et pour notre pays. En effet, ils constituent l'une des premières entreprises françaises à l'exportation. Ils rapportent, grâce à leur travail, des milliards d'euros dans notre pays. En outre, ils maintiennent un taux de chômage plus bas dans nos régions frontalières.

Or ces travailleurs sont pénalisés dans la méthode de calcul de leur retraite pour ce qui concerne la part française. Je dirai même que cette méthode est discriminatoire.

Jusqu'en 1993, pour calculer le montant de la retraite, on retenait les dix meilleures années. Depuis 1994, en application de la loi Balladur, le nombre de ces années augmente régulièrement, pour atteindre vingt-cinq années en 2008. Mais la mise en oeuvre de cette réglementation a pour objet de faire baisser le montant des pensions et je ne peux que le regretter. Elle pénalise et pénalisera encore plus demain les travailleurs transfrontaliers, pour lesquels on retient pratiquement la totalité des années travaillées en France, ce qui correspond souvent aux années d'apprentissage et aux premières années de travail, lorsque les revenus sont les plus faibles. Ce calcul exclut tout simplement les meilleures années de leur parcours professionnel.

Je souhaiterais donc savoir s'il ne serait pas envisageable, pour ces travailleurs transfrontaliers, de modifier la méthode de calcul en y introduisant ce que j'appellerai une « période de référence réduite ».

Permettez-moi de prendre un exemple concret. Pour un travailleur transfrontalier qui a travaillé dix ans en France, la période de référence pour le calcul de la pension française serait alors de 10 multiplié par 25 quarantièmes, 25 correspondant aux vingt-cinq années du décret Balladur et 40 correspondant aux quarante années de la durée type d'une carrière en France. Ce calcul amènerait à retenir comme référence une durée de 6,25 ans.

Si le Gouvernement reprenait cette proposition, il prendrait vraiment en compte l'esprit de la sécurité sociale, selon lequel, pour le calcul de la retraite, sont retenues les meilleures années. En outre, il reconnaîtrait à ces travailleurs transfrontaliers lorrains leur pleine participation au développement économique et à la cohésion sociale de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser M. François Fillon.

Vous proposez de modifier la méthode de calcul des pensions du régime général des travailleurs frontaliers en y introduisant une période de référence réduite par rapport aux vingt-cinq meilleures années qui, à compter de 2008, seront retenues pour la définition du salaire de référence.

Le Gouvernement est, comme vous, attaché à ce qu'aucune règle fiscale ou sociale ne pénalise les travailleurs frontaliers. Mais, en l'occurrence, les travailleurs frontaliers sont traités exactement de la même manière que l'ensemble des assurés qui ont été affiliés successivement à plusieurs régimes de retraites.

Lorsque l'on a été affilié au régime général pour une durée inférieure à vingt ans, et à vingt-cinq ans en 2008, puis que l'on est devenu fonctionnaire ou profession libérale, toute la période d'affiliation au régime général est prise en compte dans le salaire annuel moyen.

J'observe que c'est non pas le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années qui est à l'origine de cette distorsion - même s'il la révèle certainement davantage -, mais la construction intrinsèque de nos régimes de retraite. L'assuré « pluripensionné » aura par définition plusieurs pensions de retraite. Il n'y a pas de liquidation « unique » de la pension, reposant sur les mêmes règles.

Dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a annoncé son intention de modifier les règles de calcul du salaire de référence dans le régime général et les régimes alignés. Ces régimes alignés sont, je le rappelle, le régime des artisans, le régime des industriels et commerçants et le régime des salariés agricoles. Une mesure de proratisation de la durée prise en compte en fonction de la durée d'assurance effective dans chaque régime a été décidée pour les assurés ayant relevé de ces régimes.

Cette mesure d'équité, dont le coût est évalué à un milliard d'euros à l'horizon 2020, permettra d'éviter qu'un assuré ayant cotisé, par exemple, vingt ans dans le régime général, puis vingt ans dans le régime des artisans, n'ait à subir l'effet d'aucune « mauvaise année », contrairement à un salarié restant toute sa vie professionnelle au régime général. Ce salarié continuera en effet d'avoir le droit, en 2028, d'effacer, en quelque sorte, quinze années de sa carrière professionnelle. Une telle mesure, qui sera prise par décret, était particulièrement attendue par les artisans et les commerçants.

Mais cette disposition ne concernera que des personnes ayant relevé de régimes appliquant les mêmes règles de liquidation de la pension, se référant au salaire annuel moyen.

En effet, pour des pluripensionnés successivement salariés, puis profession libérale, ou salariés puis fonctionnaires, ou encore salariés du régime général français et salariés d'un régime d'assurance étranger, comme les travailleurs frontaliers, la question se pose dans des termes différents. Il paraît difficile de proratiser le nombre d'années prises en compte dans le calcul du salaire annuel moyen puisque l'autre régime n'applique pas les mêmes règles. On risquerait alors de procurer un avantage injustifié, en termes de retraite, à ces salariés par rapport à des assurés ayant effectué toute leur carrière au régime général.

En conséquence, monsieur le sénateur, la mesure que vous préconisez ne peut être envisagée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, vous m'avez fait là une réponse très technique, alors que j'ai souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que, aujourd'hui, les travailleurs transfrontaliers que j'ai évoqués permettent à la Lorraine de ne pas connaître une explosion de son taux de chômage, malgré les dramatiques reconversions que cette région a dû subir. Je rappelle que, en dépit des difficultés, la Lorraine est une région qui va de l'avant.

Je pourrais comparer cette situation avec celle des buralistes, dont on parle beaucoup actuellement. Vous pouvez toujours expliquer aux buralistes frontaliers qu'ils seront traités comme les autres en France, mais tout le monde sait parfaitement que leur chiffre d'affaires va diminuer ! Les ouvriers transfrontaliers vont travailler au Luxembourg parfois par choix, parce que c'est plus intéressant pour eux sur les plans financier et fiscal, mais plus souvent par obligation, parce qu'il n'y a pas de travail en Lorraine, notamment après la crise de la sidérurgie et la fermeture de mines de fer.

Je comprends qu'on veuille traiter tous les Français de manière égale, mais ce principe devrait être aménagé pour les travailleurs transfrontaliers, comme ils le réclament.

SPÉCIFICITÉS DES COLLECTIVITÉS INSULAIRES

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 272, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Jacques Oudin. Madame la ministre, j'ai en effet souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la spécificité des collectivités insulaires, plus particulièrement sur la situation de L'Ile-d'Yeu, en Vendée.

L'insularité engendre naturellement des contraintes diverses et des surcoûts très importants, tant pour les particuliers - qu'il s'agisse de la scolarisation des enfants en internat, des accouchements ou des soins médicaux divers sur le continent, des approvisionnements - que pour les collectivités.

Certains pays européens ont su faire reconnaître la spécificité de leurs îles - tel est le cas des Açores, de Madère, des Baléares, des Canaries, etc. -, qui bénéficient ainsi du statut de région ultrapériphérique.

Si, en ce qui concerne la France, cette spécificité est reconnue aux îles des départements et territoires d'outre-mer ainsi qu'à la Corse, tel n'est pas le cas de toutes les autres îles, malgré l'action méritoire menée par l'Association pour la promotion et la protection des îles du Ponant.

Dans le cas de L'Ile-d'Yeu, il a été démontré que le surcoût lié à l'insularité avait comme conséquence majeure pour la collectivité de diminuer sa capacité d'investissement d'environ 460 000 euros par an - elle compte à peine 5 000 habitants -, ce qui freine la réalisation de travaux et de programmes importants, et donc entrave son développement ainsi que la protection de son environnement.

De surcroît, la collectivité, du fait de son insularité, ne peut bénéficier d'aucune péréquation qui aurait pour cadre une intercommunalité, comme c'est souvent le cas pour des équipements tels que les centres d'enfouissement technique, les déchetteries, les aérodromes, les hélistations, les stations d'épuration, la téléphonie ou les logements. Car L'Ile-d'Yeu est, si j'ose dire, « seule dans son coin » !

Compte tenu des difficultés rencontrées par la commune de L'Ile-d'Yeu et au regard des aides massives qu'accorde la République à la Corse, mais aussi des exemples européens en la matière, je voudrais savoir si le Gouvernement envisage de faire reconnaître la spécificité des petites îles côtières françaises, plus particulièrement de L'Ile-d'Yeu, qui, après la Corse, est l'île la plus éloignée du continent - 26 kilomètres -, et donc de doter ces collectivités de moyens particuliers adaptés à leur situation géographique excentrée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, en vous priant d'excuser Nicolas Sarkozy, qui n'a pu être présent ce matin, je voudrais vous livrer les éléments de réponse que voici.

Vous soulevez le problème de la spécificité des collectivités insulaires et des difficultés financières qui sont les leurs en citant particulièrement le cas de L'Ile-d'Yeu et de son impossibilité à mutualiser ressources et charges dans le cadre d'une intercommunalité. Vous souhaitez savoir s'il est envisagé d'accroître les moyens financiers consacrés par l'Etat à ces collectivités.

Je ne peux tout d'abord que souligner la très grande diversité de situation qui existe entre les différentes îles. Si L'Ile-d'Yeu, celles d'Ouessant ou de Sein ne sont effectivement pas membres d'une intercommunalité, d'autres îles ont, en revanche, pu s'inscrire dans cette démarche. Ainsi en est-il de l'île de Groix, de l'île aux Moines, de l'île de Molène, notamment.

La situation de ces îles n'est certes pas toujours comparable, notamment en termes de distance à la côte, de superficie ou encore d'organisation administrative. Belle-Ile, les îles de Ré ou d'Oléron ont une superficie suffisante pour disposer de plusieurs communes et ont pu parfois développer une intercommunalité au sein même de l'île, la proximité de la côte permettant dans certains cas de rattacher cette intercommunalité aux communes du continent.

Il est donc difficile de généraliser. En tout état de cause, ces îles ne sont pas sans soutien de la part de l'Etat.

D'une part, elles profitent souvent plus que les autres de la péréquation organisée par l'Etat, ce qui est légitime compte tenu de la faiblesse structurelle de leurs recettes fiscales. A titre d'exemple, L'Ile-d'Yeu bénéficie d'une dotation de solidarité rurale par habitant deux fois plus élevée que les communes de taille comparable.

D'autre part, certains dispositifs ont été spécifiquement mis en place pour tenir compte du phénomène insulaire. Ainsi la dotation globale d'équipement attribuée aux départements est-elle majorée pour les départements qui assurent des liaisons maritimes avec les îles comprises dans leur territoire.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je suis à même de vous apporter ce matin.

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Madame la ministre, je suis bien entendu au fait de la situation des îles côtières françaises, étant élu moi-même depuis vingt-huit ans dans l'île de Noirmoutier, où il existe une structure intercommunale. Cependant, la proximité de cette île avec le continent est suffisante pour que nous ne demandions rien en la matière.

Il n'en va pas de même pour L'Ile-d'Yeu, qui est, je le répète, après la Corse, l'île la plus éloignée du continent. Au regard du coût de liaison considérable que supporte le département de la Vendée, la majoration accordée au département ou à la commune paraît tout à fait minime.

Ma question portait en fait sur la très grande disproportion qui existe entre ce qui est octroyé à la Corse au titre de la continuité territoriale - je pense notamment à toutes les aides au développement économique - et la « misère » qui est accordée à certaines îles, notamment à L'Ile-d'Yeu. Une telle disproportion, compte tenu du civisme exemplaire des habitants de L'Ile-d'Yeu, est tout à fait déconcertante.

C'est la raison pour laquelle je me permets de dire en toute honnêteté que cela ne me gênerait aucunement de voir légèrement réduits les crédits massifs accordés à la Corse, où les bâtiments publics sont démolis aussi vite qu'ils sont reconstruits : si une partie de ces crédits était versée à L'Ile-d'Yeu, les bâtiments publics y seraient précieusement conservés de telle manière que les services publics puissent fonctionner au bénéfice de tous.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE

À LA PRODUCTION DE SAPINS DE NOËL

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, auteur de la question n° 310, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question se rapporte au décret n° 2003-285 du 24 mars 2003 relatif à la production de sapins de Noël.

Ce décret dispose que la plantation d'essences forestières est considérée comme de la production de sapins de Noël, donc comme une production agricole, lorsqu'elle répond à un certain nombre de conditions : densité de plantations - entre 6 000 et 10 000 plants à l'hectare -, hauteur maximale de trois mètres, durée maximale d'occupation des sols de dix ans.

A partir du moment où cette production de sapins de Noël est considérée comme production agricole, elle échappe à la réglementation des boisements qui a été mise en place dans un certain nombre de communes.

Or la mise en place de cette réglementation obéit à des considérations très précises. En particulier, dans certains secteurs ruraux, elle a pour objet d'éviter le développement anarchique des forêts et la fermeture des espaces. Dans le parc naturel des Vosges du Nord, par exemple, nous devons lutter de façon très intense pour éviter que les vallées ne se ferment, que la qualité des cours d'eau ne se dégrade, en raison, précisément, de l'envahissement lié aux plantations de sapins de Noël.

Le travail considérable et difficile qu'a représenté la mise en place de cette réglementation des boisements est anéanti par le décret déjà cité. Je souhaite donc que ce décret puisse être complété de manière à prendre en compte les endroits où s'applique actuellement une réglementation des boisements, car il est nécessaire que certaines zones restent interdites aux plantations. Sinon, demain, une grande partie des secteurs qui restent ouverts sera gagnée par des plantations sauvages au titre de la production agricole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez dit, le décret du 12 mars 2003 relatif aux plantations d'essences forestières et le décret du 24 mars 2003 relatif à la production de sapins de Noël mettent notamment en oeuvre le paragraphe II de l'article 30 de la loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet 2001, qui a instauré un régime de déclaration annuelle de plantations pour les productions de sapins de Noël.

Ce régime spécifique de la réglementation des boisements et reboisements applicable aux sapins de Noël est justifié par le fait qu'il s'agit d'une production à court terme et non d'une plantation constitutive d'une occupation du sol de longue durée.

Ainsi, si ces productions ne relèvent pas des interdictions ou réglementations des boisements et reboisements, elles sont toutefois encadrées par les règles techniques fixées par le décret du 24 mars 2003 : la hauteur des sapins ne peut excéder trois mètres et la durée d'occupation du sol ne peut dépasser dix ans, terme auquel le producteur doit couper les sapins et remettre les terres en état de culture.

Ces règles visent notamment à éviter la pérennisation de boisements inopportuns qui compromettraient, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, l'ouverture des vallées et la protection des perspectives paysagères.

Pour garantir le respect de ces règles, il a été prévu que les producteurs procédant à des cultures d'arbres de Noël en infraction avec une ou plusieurs des conditions techniques prescrites pourront voir leurs plantations détruites d'office par le préfet, après mise en demeure, en application de l'article R. 126-10 du code rural.

Les représentants des producteurs de sapins de Noël, qui sont à l'origine de cet amendement parlementaire à la loi d'orientation sur la forêt dont est issu ce nouveau régime, se sont engagés à faire une application raisonnée de la liberté de planter que leur ménagent ces nouvelles règles et à éviter de procéder à des plantations ou replantations qui susciteraient des inconvénients graves sur le plan écologique ou paysager.

Il sera donc procédé, monsieur le sénateur, à une évaluation permanente de ce dispositif dans chaque département concerné ainsi qu'à une évaluation globale à l'issue d'une première période de mise en oeuvre de trois ans, afin d'en apprécier les impacts et d'examiner s'il doit ou non être remis en cause.

Pour avoir participé, les uns et les autres, au débat sur la loi d'orientation sur la forêt de 2001, nous savons l'origine de ce régime et la nécessité d'en suivre l'application avec une particulière attention et une grande vigilance.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces précisions et pour l'attention que vous portez à ce sujet qui, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'est pas secondaire.

Dans les secteurs fragiles, dans les secteurs aujourd'hui en proie à l'envahissement des surfaces par la forêt, la préservation de l'ouverture des paysages constitue une lutte de tous les jours. Or, malheureusement, nous constatons tous les ans que, malgré les engagements pris, un nombre considérable d'espaces plantés ne sont pas remis en état.

Le suivi que vous évoquez, monsieur le ministre, doit donc être particulièrement attentif et assorti des moyens adéquats, afin, d'une part, de ne pas laisser aux communes la charge de relever l'ensemble des distorsions observées et, d'autre part, de permettre aux services de l'Etat de faire preuve d'une sévérité exemplaire en cas d'infraction. (M. Raymond Courrière s'exclame.)

En effet, à défaut d'une telle sévérité, toutes les promesses faites seraient vaines. Or, il serait dommage que, dans les parcs naturels notamment, les politiques définies en commun par l'Etat et les collectivités locales soient mises à mal par des autorisations contrevenant à l'actuelle réglementation des boisements.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de rester attentif à ce dossier qui fait l'objet de nombreuses discussions au sein des associations départementales des maires.

FISCALITÉ DES OPCVM EUROPÉENS

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, auteur de la question n° 311, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean Chérioux. J'entends attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'impérieuse nécessité de clarifier la situation fiscale des organismes de placement collectif en valeur mobilière, les OPCVM, européens, notamment des sociétés d'investissement à capital variable, les SICAV, qui fonctionnent conformément à la directive européenne 85/611/CEE du 20 décembre 1985.

En effet, la directive européenne 85/611/CEE a été modifiée en 2002 dans le sens de l'amélioration de la protection des épargnants et de l'harmonisation des produits d'épargne librement commercialisables dans les pays membres de l'Union européenne.

Sur le plan fiscal, le 1° bis A de l'article 208 du code général des impôts précise que sont exonérées de l'impôt sur les sociétés « les sociétés d'investissement à capital variable régies par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier pour les bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal ».

Une lecture littérale de ce texte pourrait faire craindre qu'une SICAV coordonnée étrangère exerçant une partie de son activité dans notre pays puisse être soumise à l'impôt sur les sociétés.

C'est pourquoi je souhaiterais avoir confirmation du fait que les SICAV dont le siège est situé dans un Etat de l'Union européenne et qui fonctionnent conformément aux dispositions de la directive 85/611/CEE du 20 décembre 1985 bénéficient de l'exonération prévue à l'article 208-1° bis A du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, m'a prié de vous transmettre des éléments de réponse à votre question.

Conformément aux dispositions du 1° bis A de l'article 208 du code général des impôts, les sociétés d'investissement à capital variable régies par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier sont exonérées d'impôt sur les sociétés pour les bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal.

A cet égard, l'article L. 214-17 du code monétaire et financier prévoit que le siège social et l'administration centrale des SICAV sont situés en France.

En conséquence, en l'état actuel de la législation, une SICAV bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 1985 exploitant un établissement stable en France ne bénéficie pas, à ce titre, de l'exonération d'impôt sur les sociétés.

Cela étant, compte tenu de la nature très particulière de l'activité de ces sociétés et de leur mode de fonctionnement, les situations dans lesquelles elles seraient susceptibles d'avoir en France un véritable établissement au sens des conventions paraissent devoir être rares en pratique.

M. Mer a toutefois demandé aux services de son ministère d'étudier les évolutions qui pourraient être envisagées en la matière dans le sens d'une plus grande neutralité. Voilà qui devrait répondre à votre préoccupation, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.

M. Jean Chérioux. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions, qui ne répondent cependant pas à mon attente. Finalement, loin de me donner satisfaction, votre réponse me déçoit et m'inquiète.

En effet, je crois comprendre qu'une SICAV dont le siège est situé dans un Etat de l'Union européenne, qui fonctionne conformément à la directive 85/611/CEE du 20 décembre 1985 et qui entre dans le champ de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-1 du code général des impôts pourrait ne pas bénéficier de l'exonération prévue au 1° bis A de l'article 208 du code général des impôts pour les bénéfices réalisés dans le cadre de son objet légal.

Je suis déçu car, alors que l'Europe financière se construit, le Gouvernement crée une discrimination à l'encontre des OPCVM européennes non françaises qui pourraient ne pas bénéficier de la même situation fiscale que les SICAV dans notre pays.

En outre, je suis inquiet. Croyez-vous, en effet, que les SICAV européennes recourront, pour la gestion de tous les établissements implantés en France, à l'expertise des banques, des sociétés de gestion et des établissements financiers français ?

Etait-ce vraiment la peine de voter l'excellente loi de sécurité financière si celle-ci n'est pas complétée par la sécurité fiscale ? Assurément non ! Ce sont les banques, établissements de crédit et autres institutions financières françaises qui feront les frais de cette discrimination fiscale. C'est pourquoi il est nécessaire d'y mettre un terme.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez néanmoins laissé la porte ouverte en disant que M. Mer avait demandé à ses services d'étudier les évolutions envisageables en la matière.

J'en suis très heureux, mais j'insiste sur le fait que cette étude doit aboutir rapidement à la mise en place de dispositions fiscales appropriées. Nous ne pouvons en effet pas rester dans l'incertitude.

Il serait donc à mon avis souhaitable que le Gouvernement mette à profit la discussion devant le Sénat du projet de loi de finances pour introduire de telles mesures. J'y veillerai, et je compte sur la compréhension de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie !

MOYENS DE DÉTECTION DES « VOYOUS DES MERS »

M. le président. La parole est à M. André Trillard, auteur de la question n° 318, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. André Trillard. Monsieur le secrétaire d'Etat, le drame du Prestige, voilà bientôt un an, a eu pour seul mérite de nous renforcer, nous autres élus du littoral, dans une conviction aujourd'hui unanimement partagée : il n'est pas admissible que le dossier dit de la sécurité maritime progresse au seul rythme de telles catastrophes et des tributs qui en résultent pour nos côtes.

S'il n'est pas question de nier la réalité des progrès accomplis sur ce plan entre l'Erika et le Prestige, c'est, cette fois-ci, à la définition et à la mise en place d'une véritable politique de sécurité maritime sur le plan national, articulée avec les instances européennes et internationales, que s'est attelé le gouvernement auquel vous appartenez. Dans cette action, qui a pour objet de mettre un terme à la sinistre litanie des marées noires accidentelles, mais qui vise aussi à éradiquer l'espèce détestable des « voyous des mers » pratiquant sans vergogne dégazages et déballastages sauvages, vous êtes soutenu sans aucune réserve par les élus des collectivités du littoral.

Qu'il s'agisse des mesures mises en place à titre préventif ou du développement d'un arsenal répressif, il convient de saluer les avancées importantes intervenues l'année dernière. Parmi celles-ci, je citerai l'adoption, en mars dernier, d'une proposition de directive européenne prévoyant des sanctions pénales incluant des peines de prison pour les responsables de dégazages, l'extension, par la loi Perben du 15 avril dernier, de la compétence des trois tribunaux du littoral maritime spécialisés à la zone des 200 milles, ainsi que le projet de loi, actuellement en navette, portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, aussi volontaristes soient-elles, ces mesures n'auront de portée réelle que si des moyens suffisants sont mis en oeuvre pour repérer et confondre les auteurs de ces pollutions illicites. Chacun sait que les rejets de pollution ne peuvent être repérés que par voie aérienne. A cet égard, l'efficacité des avions POLMAR I et II, spécialement équipés d'un matériel de haute technologie qui permet l'enregistrement d'images thermographiques sur lesquelles la présence d'hydrocarbures est clairement visible, n'est plus à démontrer. On ne peut, en revanche, que déplorer le petit nombre de tels avions.

La question se pose, notamment, du sort de POLMAR III, dont la construction a été compromise par la mise en liquidation de la société Reims Aviation en janvier dernier et dont la mise en service est d'autant plus attendue qu'il sera doté de capteurs antipollution beaucoup plus performants que ses prédécesseurs.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis particulièrement sensible au contexte budgétaire difficile qui est le nôtre et, pas plus que M. Mer, je n'aime dépenser ; mais je m'interroge.

Au regard de la longueur exceptionnelle du littoral dont notre pays est doté et du climat général d'irresponsabilité auquel les milieux maritimes n'échappent pas, hélas !, le nombre actuel de deux appareils n'est-il pas quelque peu dérisoire ?

Quel rapport y a-t-il entre le coût d'un aéronef et les sommes colossales englouties dans une marée noire ?

Quelle est, enfin, la crédibilité d'une politique qui n'est pas assortie des moyens de la mettre en oeuvre, aux yeux non seulement des contrevenants potentiels mais aussi de nos partenaires européens, que nous ne nous privons pourtant pas d'aiguillonner dans ce domaine ?

La question que je vous pose dès lors est la suivante : quelle solution a-t-elle été trouvée pour POLMAR III et à quelle échéance pouvons-nous attendre la mise en service de cet avion ?

Indépendamment du règlement de cette affaire, le Gouvernement prévoit-il de doter les douanes d'appareils supplémentaires, seuls outils capables d'apporter les preuves flagrantes d'un dégazage sauvage ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, en application de décisions arrêtées lors des comités interministériels de la mer de 1982 et de 1990, la douane s'est dotée de deux avions spécialement équipés pour la télédétection des pollutions par les hydrocarbures, opérationnels depuis 1988 pour ce qui concerne POLMAR I et 1994 quant à POLMAR II. Actuellement, ces aéronefs sont respectivement basés à Bordeaux-Mérignac et à Hyères, d'où ils assurent la surveillance de la façade Atlantique - Manche - mer du Nord, pour POLMAR I, et de la Méditerranée, pour POLMAR II.

La douane française est ainsi d'ores et déjà en mesure d'assurer la surveillance de la zone de protection écologique en cours de création en mer Méditerranée.

La construction du nouvel avion F 406 dit « POLMAR III », en remplacement de l'avion POLMAR I, engagée dès juin 2001 et momentanément arrêtée par la mise en liquidation judiciaire de la société Reims Aviation, a été relancée par le repreneur de cette dernière. Cet appareil devrait être opérationnel à la fin de 2004. Son entrée en service s'accompagnera d'une mise à niveau technologique, conformément aux décisions du dernier comité interministériel de la mer du 29 avril 2003, de l'actuel avion POLMAR II, en 2005, permettant de le doter des mêmes moyens de détection des pollutions que l'avion POLMAR III.

POLMAR III, doté des technologies de détection les plus performantes, apportera des améliorations significatives à la prévention des pollutions et à la répression des rejets illicites d'hydrocarbures puisqu'il sera équipé des moyens de détection les plus récents. De plus, il pourra aussi opérer de nuit, période propice aux rejets illicites d'hydrocarbures.

L'avion POLMAR III, sera basé à Lann-Bihoué pour assurer la couverture de la zone maritime la plus sensible de la Manche - mer du Nord et pourra, en tant que de besoin, intervenir sur la façade atlantique. La Méditerranée sera, quant à elle, couverte par l'avion POLMAR II remis à niveau.

Ces aéronefs spécialisés de détection, qui ont prouvé leur efficacité, ne sont cependant pas les seuls moyens de prévention de la pollution maritime par les hydrocarbures. Des mesures internationales telles que la création d'une zone maritime particulièrement vulnérable en Europe de l'Ouest et l'amélioration des conditions de déballastage dans les installations portuaires contribueront à protéger efficacement la mer contre la pollution par les dégazages et les déballastages sauvages. La répression de ces derniers sera également rendue plus efficace par l'harmonisation des sanctions pénales qui résultera d'une directive européenne en cours d'élaboration.

Enfin, s'agissant de la Méditerranée, la création d'une zone de protection écologique par la loi n° 2003-346 du 15 avril 2003 constitue une avancée significative.

L'ensemble de ces mesures modifiera profondément les conditions actuelles de prévention et de répression des pollutions maritimes volontaires ou accidentelles.

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'Etat et à lui témoigner ma reconnaissance.

Je suis triplement satisfait : tout d'abord, par l'annonce très intéressante de la mise en service de l'avion POLMAR III dès la fin de 2004, ensuite, par le positionnement géographique de cet avion à Lann-Bihoué, ce qui permettra d'assurer dans de bonnes conditions la surveillance des côtes bretonnes et ligériennes - c'est là, en effet, que se passent beaucoup de choses - et, enfin, par la volonté du « plus jamais ça ! » affichée par le Gouvernement.

Les côtes bretonnes et ligériennes ont subi une quinzaine de pollutions graves en quelque trente ans. Nous savons bien qu'il serait utopique de croire à une disparition totale des pollutions. Mais si l'annonce des mesures gouvernementales permettait de faire cesser les pollutions et les dégazages dont sont actuellement responsables les « voyous des mers », nous aurons alors, me semble-t-il, gagné. Nos concitoyens de l'Ouest et les Méditerranéens en seront très reconnaissants au Gouvernement.

FINANCEMENT DES DÉPENSES LIÉES

À L'EXERCICE DES MANDATS LOCAUX

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 295, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà de longs mois déjà, je me suis permis d'attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'inquiétude exprimée par de nombreux maires de petites communes à l'égard des difficultés qu'ils rencontrent pour faire financer par leurs maigres budgets communaux les dépenses liées à l'exercice de leurs mandats.

Il faut savoir, en effet, que nombreuses sont les communes rurales qui ne disposent que d'un très faible budget de fonctionnement. Cela conduisait souvent les maires, et ce depuis bien longtemps, à ne pas se faire attribuer le montant maximum des indemnités auquel ils pouvaient pourtant prétendre.

Or une loi du 5 avril 2000, puis une loi du 27 février 2002, ont prévu une revalorisation substantielle des indemnités des maires et des maires-adjoints de toutes les communes de France, ce qui était de pure logique.

Toutefois, aucune mesure financière d'accompagnement n'est, malheureusement, intervenue depuis lors : monsieur le secrétaire d'Etat, si les communes pauvres n'avaient pas auparavant les moyens de rétribuer correctement leurs élus, vous imaginez bien qu'elles peuvent encore moins supporter aujourd'hui l'augmentation de ces indemnités !

Certes, la dotation « élu local » versée aux communes de moins de 1 000 habitants devait pallier cette difficulté, mais cette dotation ne représente qu'environ 2 200 euros par commune ce qui, vous en conviendrez, est très insuffisant pour financer les indemnités des exécutifs locaux.

On peut dès lors se demander si la volonté tout à fait louable du législateur d'améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux est véritablement respectée, lorsque l'on constate que les communes ne disposant que d'un faible budget de fonctionnement ne peuvent effectivement mettre en oeuvre ces mesures de compensation pour disposer des fonds nécessaires à l'exercice des mandats de leurs élus.

Les élus concernés sont, au demeurant, doublement pénalisés : une première fois, parce qu'ils ne peuvent bénéficier d'une indemnisation correcte alors qu'ils se dévouent sans compter au service de leur collectivité ; une seconde fois, parce que la base de calcul de leur retraite d'élu étant trop faible, ils se retrouveront, ultérieurement, avec un niveau de retraite ridicule alors que certains d'entre eux auront exercé des mandats de maire ou d'adjoint, à trois ou quatre reprises, soit durant dix-huit ou vingt-quatre années.

Dans ces conditions, un certain nombre de mes collègues et moi-même avons suggéré, dans une proposition de loi, de revaloriser considérablement la dotation « élu local », versée sous certaines conditions aux communes de moins de 1 000 habitants, afin de solvabiliser ces communes, de permettre à leurs élus de bénéficier d'indemnités correctes et, en fin de compte, de faire en sorte que deux dispositions législatives auxquelles le Sénat tenait beaucoup soient appliquées dans les faits.

Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où nous parlons beaucoup de décentralisation et de compensation, j'ose espérer que le Gouvernement voudra bien tenir compte des préoccupations que je viens d'évoquer, et faire en sorte que les maires et maires-adjoints des petites communes puissent, enfin, bénéficier d'indemnités revalorisées. Cela serait un premier pas vers l'indispensable péréquation qu'appellent de tous leurs voeux les élus des communes et des départements les plus pauvres.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous interrogez le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les difficultés de financement par les budgets communaux des dépenses liées à l'exercice des mandats locaux. Permettez-moi d'apporter quelques éléments de réponse à votre question.

Le titre II de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a introduit dans le code général des collectivités territoriales un ensemble de dispositifs permettant de faciliter l'exercice des mandats locaux, parmi lesquels figurent une augmentation du droit aux autorisations d'absence et au crédit d'heures pour les élus poursuivant l'exercice d'une activité professionnelle, la mise en place d'une allocation de fin de mandat, ou encore l'extension du droit au remboursement de certains types de frais engagés par les élus locaux pour l'exercice de leur mandat.

Le coût financier de ces dispositifs est assumé par les budgets locaux. S'agissant toutefois des collectivités à faible potentiel fiscal, une aide de l'Etat est apportée par le biais des dispositifs de l'article L. 2335-1 du code général des collectivités territoriales, qui a créé une dotation particulière pour les petites communes rurales de métropole et des départements d'outre-mer, de l'article 42 de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux pour les territoires d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

Le décret du 26 février 1993, pour ce qui concerne la métropole et l'outre-mer, précise les modalités d'attribution de la dotation particulière « élu local ». Cette dernière est attribuée en métropole aux communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants et dont le potentiel fiscal est inférieur au potentiel fiscal moyen par habitant des communes de moins de 1 000 habitants, soit 336,537 euros en 2003.

Dans les départements et territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, la dotation particulière « élu local » est attribuée aux communes dont la population DGF est inférieure à 5 000 habitants, sans condition de potentiel fiscal.

Cette dotation est attribuée sous la forme d'une dotation unitaire annuelle identique pour l'ensemble des communes, et égale au rapport entre le montant global de la dotation, prélevé sur les recettes de l'Etat et indexé chaque année comme la dotation globale de fonctionnement, et le nombre de communes bénéficiaires. Pour 2003, la masse globale ouverte au titre de la dotation « élu local » s'élève à 46,27 millions d'euros. Cette masse, en progression, a été répartie entre 20 513 communes.

La dotation unitaire correspond, en 2003, à 2 255 euros, soit, monsieur le sénateur, une progression de 3,06 % par rapport à 2002.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions et je constate avec vous qu'une augmentation a eu lieu. J'ose espérer que nous pourrons encore aller au-delà, pour aider ces communes, qui sont un peu en difficulté par rapport à d'autres, à profiter des possibilités qui leur sont offertes.

MOYENS BUDGÉTAIRES

DU CENTRE DE LA MÉMOIRE D'ORADOUR-SUR-GLANE

M. le président. La parole est à M. Jean-Caude Peyronnet, auteur de la question n° 313, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question concerne le centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane que j'ai, par ailleurs, l'honneur de présider.

Ce centre construit il y a quelques années et inauguré par le Président de le République, a évidemment des objectifs tout à fait louables : accueillir le public pour sauvegarder la mémoire du village martyr et de ses 642 morts, et pratiquer une sorte de militantisme de la paix.

Jusqu'à l'an passé, le ministère de l'éducation nationale était associé de façon efficace au fonctionnement du centre, par le biais d'une convention avec le rectorat. Ce centre bénéficiait alors d'un détachement d'enseignants d'histoire pour une durée totale de 18 heures.

Ce partenariat avec le rectorat a produit des effets tout à fait bénéfiques, puisque environ 13 000 enfants - qui ne sont d'ailleurs pas tous originaires de la Haute-Vienne, bien au contraire - ont bénéficié au cours de l'année des activités pédagogiques dispensées par les enseignants détachés, en association avec le personnel propre du centre.

Or, depuis cette année, les restrictions budgétaires ont entraîné une réduction drastique - de 18 heures à 6 heures - des horaires des personnes détachées, qui sont difficilement conciliables avec le souci affiché pourtant par le ministère de l'éducation nationale de pratiquer une éducation à la citoyenneté.

Dès lors, je voudrais savoir si le ministère maintiendra son attitude ou si je peux espérer que les choses évolueront pour en revenir à la situation antérieure.

Je précise qu'il s'agit moins d'un problème financier que d'une question de principe. En effet, les enseignants détachés éduquent les enfants sur la Seconde Guerre mondiale dans son ensemble. En outre, le centre de la mémoire, propriété du département, est voisin des ruines du village, qui, classées monument historique, sont la propriété de l'Etat.

La visite du centre de la mémoire constitue donc une préparation à la visite des ruines elles-mêmes. Autrement dit, les deux lieux sont intimement liés, et il n'est donc pas du tout anormal que le ministère de l'éducation nationale s'implique dans cette affaire.

Par ailleurs, la subvention d'équilibre - versée par le département que je trouve tout à fait légitime puisqu'il s'agit d'un service public - est de l'ordre de 350 000 euros. Celle de l'Etat, correspondant à un détachement d'enseignants de 18 heures, devrait s'élever, si je fais un calcul rapide, à environ 30 000 euros, soit 10 % à peu près de la participation départementale. Or l'Etat ne verse actuellement que 10 000 euros.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position sur le rétablissement de ces heures de détachement, qui me paraissent légitimes, utiles et qui témoignent d'un partenariat efficace entre une collectivité locale et le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, j'imagine que vous m'interrogez non seulement en tant que sénateur, mais aussi en tant que président du conseil général de la Haute-Vienne.

Votre question porte sur les moyens mis à disposition par le ministère de l'éducation nationale pour le centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane.

Depuis la création du centre, en 1999, le ministère de l'éducation nationale, par le biais de l'académie de Limoges, a apporté de façon tout à fait volontaire une très forte contribution au fonctionnement du service éducatif de ce centre, en instaurant un détachement de 18 heures-poste hebdomadaires, soit 648 heures effectives. C'était bien normal, compte tenu de l'importance des objectifs assignés à cette structure et de la nécessité de lui apporter, en période de démarrage, une assise favorable à un développement harmonieux inscrit dans la durée.

Cet effort a un coût pour l'éducation nationale : l'investissement s'est élevé, jusqu'à la fin de cette année scolaire, à plus de 200 000 euros.

Les résultats obtenus à ce jour, grâce aux efforts de toutes les parties prenantes, montrent le bien-fondé de notre démarche : le service éducatif du centre a acquis un rayonnement certain, mérité, ainsi que la stabilité, gage de sa pérennité.

A la rentrée 2003, l'académie de Limoges a été conduite, comme beaucoup d'autres, à restituer 59 postes sur 5 016, afin d'apporter sa contribution à la correction des disparités entre les académies. Ce dispositif bien connu a été pratiqué par tous les gouvernements, en particulier par celui qui nous a précédés, pour accompagner la montée démographique des académies accueillant de nouveaux élèves, et à l'inverse, pour diminuer le nombre de postes dans les académies connaissant une diminution du nombre des élèves.

Ce retrait est accompagné d'un redéploiement académique portant sur 49 autres postes, afin d'offrir une assise budgétaire aux personnels affectés au remplacement qui n'en disposaient pas jusque-là. Une telle démarche d'orthodoxie budgétaire assure une meilleure maîtrise des moyens et contribue à la réduction du déficit, comme l'Etat s'y est engagé.

En conséquence, des rééquilibrages ont été opérés, avec la plus grande équité, entre les différentes composantes de la politique académique. C'est ainsi que les moyens accordés, en un premier temps, au service éducatif du centre de la mémoire s'élèvent pour l'année 2003 à 216 heures effectives, soit l'équivalent de 6 heures-poste hebdomadaires.

Je reconnais bien volontiers, comme vous l'avez dit, monsieur Peyronnet - et ce n'est pas la peine de tourner autour du pot ! -, que ce volume est en diminution par rapport aux années précédentes ; cependant, il place aujourd'hui encore le service éducatif du centre au tout premier rang, et très nettement, de tous les sites et musées de l'académie qui sont aidés, puisqu'il reçoit à lui seul 17 % de la totalité des moyens attribués à l'ensemble des services éducatifs soutenus par l'académie.

L'effort du ministère de l'éducation nationale reste donc important ; il est justifié et montre l'intérêt que nous accordons au service éducatif du centre de la mémoire.

Il est à noter aussi que les élèves qui fréquentent le centre sont accompagnés par leurs professeurs qui, grâce aux travaux pédagogiques réalisés par le service éducatif attaché au centre, sont tout à fait en mesure d'assurer l'exploitation pédagogique de leur visite.

Il faut savoir, de plus, que le « pôle Mémoire » académique, qui s'appuie sur toutes les structures ayant cet objectif, y compris sur le centre de la mémoire, bénéficie, en sus des moyens déjà mentionnés, de 216 heures effectives.

Toutefois, parce que nous conduisons une politique active d'éducation à la citoyenneté, nous avons fait étudier la possibilité de renforcer encore cette dimension au sein du service éducatif du centre de la mémoire.

D'autres pistes sont donc explorées, comme la mise à disposition partielle d'un professeur de philosophie, afin qu'il apporte son concours à l'animation de la réflexion des élèves sur les thèmes, par exemple, du devoir de mémoire ou de la barbarie. La rectrice de Limoges qui étudie cette possibilité m'a confirmé qu'il devrait en être ainsi.

Monsieur le sénateur, en dehors de toute polémique, vous pourrez donc constater que nous répondons à vos voeux et que le Gouvernement continue à porter le plus grand intérêt au centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, votre réponse ne peut pleinement me satisfaire. Certes, le concours d'un professeur de philosophie est intéressant, mais, pour des élèves de CM 1 ou de CM 2, cela représente un intérêt plus limité que l'apport de professeurs formés à l'histoire et qui l'enseignent.

Je rappelle une fois encore que l'Etat lui-même est concerné, puisque la visite du centre est le prélude à une autre visite, celle du monument historique que constituent les ruines du village.

Monsieur le ministre, je vais vous poser une question quelque peu impertinente à laquelle vous voudrez bien me répondre par écrit.

D'après le rectorat, le musée du Président à Sarran disposerait, comme le centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane, d'un détachement d'enseignants pour une durée de 6 heures. Lorsque mon assistante a interrogé, sans se nommer, le musée du Président sur ce sujet, il lui a été répondu très gentiment qu'il s'agissait en réalité d'un détachement de 18 heures.

Monsieur le ministre, pouvez-vous donc me confirmer, par écrit, que le musée du Président, dont l'intérêt pédagogique est évident... (Sourires sur les travées du groupe socialiste), bénéficie d'une situation meilleure que celle du centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane ?

LOURDEUR DES INVESTISSEMENTS LIÉS

AU RÉAMÉNAGEMENT DES CUISINES DE COLLÈGES

M. le président. La parole est à Mme Josette Durieu, auteur de la question n° 328, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Mme Josette Durrieu. Ma question porte, monsieur le ministre, sur les restructurations des cuisines dans les collèges qui sont sous la responsabilité du conseil général. Cette question aurait pu être élargie à toutes les collectivités locales, qui sont également concernées, et peut-être même aux particuliers, qui connaissent parfois des difficultés en la matière, mais cela aurait dépassé alors le cadre de vos fonctions.

Je pars d'un constat effectué dans le département des Hautes-Pyrénées, où je suis première vice-présidente du conseil général : aujourd'hui, le coût global de la restructuration des cuisines équipées depuis moins de dix ans de neuf établissements - sur les dix-neuf que compte le département - représente 10 % du budget consacré aux collèges, à savoir 5,25 millions d'euros. En 2004, trois autres établissements seront concernés : le coût de cette restructuration s'élèvera à 1,5 million d'euros.

Ce constat appelle une première réflexion : il s'agit d'établissements récemment équipés, depuis dix ans ou moins. Il faut noter une accélération dans le processus et, naturellement, dans les prix. Ainsi, en 2004, le coût de la restructuration sera supérieure à 10 % du budget consacré aux collèges.

A partir de là, nous avons essayé d'estimer ou d'apprécier les causes de cette situation. De deux choses l'une : ou bien il s'agit d'une réglementation qui évolue, et qui évolue vite, quelquefois trop vite, ce qu'il faut probablement apprécier de façon très serrée ; ou bien il s'agit du contrôle lui-même, effectué par les services de l'Etat, qui font un travail tout à fait honorable, mais qui peut les amener à une interprétation très stricte de la situation.

Nous vous alertons sur ce point, monsieur le ministre, compte tenu des conséquences financières qui sont lourdes, trop lourdes : appréciez les textes, appréciez leur évolution ultrarapide, les normes ayant changé en moins de dix ans d'une façon étonnante ; appréciez aussi la façon dont les services interprètent ces textes.

Je vous demande donc, sur ces deux points précis, de nous répondre le plus précisément possible.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, la question que vous posez porte sur les conséquences du renforcement de la réglementation sanitaire en matière de restauration collective pour les budgets des collectivités territoriales. Hélas !, la réponse que je vais vous faire ne satisfera pas complètement vos voeux, car je ne peux que constater l'état de la réglementation.

Cette réglementation s'est traduite par l'adoption de normes drastiques - je le reconnais bien volontiers - européennes, dites HACCP - je ne connais la signification qu'en anglais : Hazard Analysis and Critical Control Points -, qui s'imposent également à l'industrie alimentaire et qui consistent à s'assurer de la qualité du produit par le contrôle de la production du début à la fin plutôt que de détecter la qualité à la fin du processus de fabrication.

Cette nouvelle réglementation impose de mettre en place des actions visant à éviter que des problèmes d'ordre sanitaire ne se produisent. En contrôlant les risques de contamination microbiologique, chimique et physique, c'est la sécurité des élèves en matière alimentaire qui est ainsi renforcée.

Je ne conteste pas, étant moi-même un élu local, que cette réglementation sanitaire a des conséquences non négligeables, en termes de coût en particulier, pour les collectivités, mais je suis obligé de vous dire, madame la sénatrice - et je vous prie de croire que je ne cherche pas à fuir mes responsabilités -, qu'elle ne relève pas du champ de compétences du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Elle s'impose à nous comme à tous les établissements scolaires, bon gré, mal gré. Je ne peux que le constater, car je n'ai pas à apprécier la normalité de ces textes.

En conséquence, je ne puis, hélas !, que faire état de la réalité des obligations qui nous sont faites, sans avoir de solution autre à vous proposer.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Je ferai trois observations générales, monsieur le ministre.

Tout d'abord, comme d'habitude, l'Europe a bon dos !

Ensuite, il me semble tout de même que vos ministères ne sont pas cloisonnés et que vos relations avec l'Europe ne sont pas impossibles. Je suppose donc qu'à un certain moment c'est vous qui avez la responsabilité de faire évoluer les choses.

Enfin, on sait où peut nous conduire le principe de sécurité et de précaution !

Vous êtes alerté sur une situation dont les conséquences financières sont lourdes pour des collectivités auxquelles vous allez, dans le cadre de la décentralisation, transférer sans doute encore d'autres compétences sans transférer les moyens correspondants. Par conséquent, votre réponse, en termes politiques, ne me satisfait pas du tout.

Vous avez un collègue chargé de la santé et de la sécurité. Je voudrais lire ici l'extrait d'un courrier qui est arrivé en septembre 2003 sur le bureau d'un maire concernant un collège pour vous donner une idée de ce qu'il faut arrêter dans le cadre de la réforme de l'Etat dans laquelle j'ai cru comprendre que nous étions engagés.

« Suite à la visite de la commission de sécurité (...), le sol carrelé des locaux de la cuisine n'est pas parfaitement lisse et rend les opérations de nettoyage-désinfection difficilement réalisables. (...) Les fenêtres ne sont pas dotées de moustiquaires, ce qui interdit leur ouverture pendant la production. La zone de production chaude n'est pas dotée d'une enceinte frigorifique positive à ce jour. » Mais c'est peut-être là une norme européenne. « L'enregistrement des températures des chambres froides positives et négatives se fait sur un logiciel, prévoir une imprimante. (...) Je vous rappelle, lors de livraisons sur cuisine satellite, que les containers isothermes doivent être suivis » d'un document d'accompagnement regroupant des données que je ne vais pas énumérer. Il s'agit, entre autres, de la raison sociale et du numéro de dispense à l'agrément. Naturellement, il faut y ajouter - et c'est une bonne chose - « l'origine des viandes bovines servies » - pays de naissance, d'élevage, d'abattage, de découpage.

Monsieur le ministre, ce sont quand même là un certain nombre d'éléments qui relèvent de votre autorité ! Je vous demande donc, au nom du conseil général des Hautes-Pyrénées, de bien vouloir vous emparer de ce problème. Nous vous en avons saisi pour obtenir une autre réponse que celle que vous venez de formuler, afin qu'un certain nombre de solutions soient apportées et que des changements interviennent !

M. Raymond Courrière. Très bien !

MOYENS D'INTERVENTION DE L'ANAH

M. le président. La parole est à M. André Vantomme, auteur de la question n° 315, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. André Vantomme. J'attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les problèmes de logement social et, plus largement, du parc locatif qui souffre de l'insuffisance des constructions neuves, mais aussi du vieillissement des constructions existantes.

Des incitations fiscales ont été consenties en faveur des bailleurs privés, et un effort financier de l'Etat semble promis en faveur du logement social. Toutefois, il semble bien que cette volonté nouvelle affirmée par le ministère du logement et le secrétariat d'Etat à la ville intéresse essentiellement les zones urbaines et les grands quartiers d'habitat social. Dans les zones rurales, la question du logement revêt pourtant un caractère tout ausi aigu en raison de la pénurie de l'offre et de l'inconfort des logements disponibles. Cette situation n'est d'ailleurs pas étrangère à l'exode des populations les plus jeunes et à la désertification des zones rurales.

A cet égard, le rôle joué par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, est déterminant. Cette agence est le principal outil de mobilisation du parc privé. Elle permet l'adaptation des logements des propriétaires occupants âgés et la remise sur le marché locatif des logements vacants. Par son action, l'ANAH développe de très fortes valeurs ajoutées sociales et territoriales dans les secteurs ruraux, qui concentrent 40 % des logements inconfortables et où 70 % des logements vacants datent d'avant 1949. Dans ce contexte, le gel des crédits affectés au budget de l'ANAH revêt une particulière gravité en sus du fait qu'il affecte les emplois qui auraient été générés - estimés à 20 000 - si une telle mesure de restriction n'avait pas été prise.

En conséquence, je souhaite connaître le sentiment de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la nécessaire revalorisation des moyens d'intervention de l'ANAH. Je serais particulièrement satisfait d'obtenir d'ores et déjà l'assurance qu'il est déterminé à promouvoir un budget de l'ANAH à hauteur des besoins criants de nos concitoyens lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord d'excuser M. Gilles de Robien. En déplacement à l'étranger, il m'a demandé de vous répondre en son nom.

Le Gouvernement considère que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat constitue un outil indispensable pour accompagner la modernisation des logements existants, notamment de ceux qui sont situés dans des communes rurales.

La situation économique et budgétaire de la France, que nous avons héritée de nos prédécesseurs, nous a condamnés à un exercice de rigueur qui s'est traduit par des gels de crédits en début d'année et par deux décisions d'annulation. Néanmoins, le Premier ministre, soucieux de donner à l'ANAH les moyens d'intervenir partout où cela est nécessaire, a décidé de maintenir les moyens d'engagement de l'ANAH en 2003 à un niveau élevé. Ces autorisations de programme s'élèveront ainsi à 413 millions d'euros.

Pour 2004, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances s'élèvent à 392 millions d'euros, soit un montant identique à celui qui est proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2003. Vous le constatez, sur le plan budgétaire, le Gouvernement entend bien doter l'ANAH des moyens d'intervenir efficacement pour continuer à développer un parc de logements à loyer maîtrisé et pour lutter contre l'insalubrité, les deux premières priorités que M. Gilles de Robien a fixées à l'ANAH.

Par ailleurs, et pour faciliter l'amélioration des logements privés en secteur rural, lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire qui était dédié au monde rural, le Gouvernement a annoncé deux mesures importantes.

D'abord, il a fixé l'objectif de cent nouvelles opérations programmées d'amélioration de l'habitat pour la revitalisation rurale dans les trois années à venir. Il s'agit là d'un objectif ambitieux, qui marque la volonté du Gouvernement d'avoir une intervention sur ce sujet.

Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place, dans le cadre de la loi Urbanisme et habitat, un nouveau dispositif d'amortissement fiscal pour les logements locatifs. Ce dispositif s'applique tant pour les constructions neuves que - et c'est une véritable innovation - pour les acquisitions de logements anciens très dégradés qui sont rénovés par leurs nouveaux propriétaires pour les mettre aux normes actuelles et pour les louer.

Lors du CIADT rural, le Gouvernement a décidé d'adapter ce dispositif pour les logements situés en zone de revitalisation rurale en portant la déduction forfaitaire de 6 % dans le régime de droit commun à 40 % pour tenir compte du risque locatif accru pour de tels investissements.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement fait ce qu'il faut pour permettre la revitalisation du logement en milieu rural, d'une part en maintenant des dotations importantes pour l'ANAH et, d'autre part, en mettant en place les dispositifs juridiques et fiscaux nouveaux pour participer à cet enjeu essentiel.

M. André Vantomme. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

ÉVOLUTION DU STATUT

DES ASSISTANTES MATERNELLES PERMANENTES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, auteur de la question n° 291, adressée à M. le ministre délégué à la famille.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes cher(ère)s collègues, depuis la rédaction de ma question en mai, la situation a évolué puisqu'un groupe de travail s'est réuni pendant l'été et que les assistantes maternelles ont fait part de leurs revendications.

L'avant-projet qui a été transmis récemment pour avis au Conseil supérieur de la fonction publique marque une réelle avancée pour le statut des assistantes maternelles de l'aide sociale à l'enfance. Ce texte répond en partie à un certain nombre de leurs préoccupations.

D'abord, l'évolution de l'agrément préalable serait acquis à durée indéterminée après un laps de temps défini par décret. La profession demandait des garanties pour cet agrément, notamment qu'il soit distinct de la procédure d'embauche. En effet, les assistantes maternelles ne sont pas rassurées, car l'agrément n'est pas délivré par une autorité indépendante de l'employeur.

La formation est une autre préoccupation des assistantes familiales permanentes, qui demandent davantage de professionnalisation et une validation des acquis. Pouvez-vous, monsieur le ministre, leur indiquer si le décret à venir sur l'article 12 de l'avant-projet de loi permettra la délivrance d'un certificat d'aptitude ?

Une autre préoccupation concerne l'organisation des équipes d'accueil familial afin que les assistantes maternelles deviennent des collaboratrices à part entière du projet institutionnel et participent aux réunions, tout en étant informées des choix qui accompagnent l'enfant. Ce souci a été pris en considération, mais il apparaît dépendre du bon vouloir de l'employeur. La loi ne pourrait-elle encadrer plus précisément ces dispositions d'intégration ?

En ce qui concerne les congés payés, l'article 30 rapproche la situation des assistantes maternelles du droit commun, mais la question de l'organisation permettant la prise effective des congés reste posée.

La protection sociale n'est pas mentionnée en tant que telle dans l'avant-projet de loi. Pourtant la maladie ou la maternité doit entraîner un arrêt de travail et il importe qu'une auxiliaire de vie vienne en soutien. Le Gouvernement prévoit-il d'avancer par voie réglementaire en la matière ?

La modernisation du statut des assistantes maternelles passe surtout par deux éléments fondamentaux qui sont des points sur lesquels la concertation bute : la résorption de la précarité et la rémunération.

Pour ce qui est de la précarité, une indemnité d'attente versée sur une durée calculée au prorata de l'ancienneté est souhaitée par les assistantes maternelles en même temps qu'une modification de la loi empêchant l'employeur de licencier sans cause réelle et sérieuse. Or rien ne semble prévu en la matière.

La rémunération, quant à elle, a fait l'objet de démarches vis-à-vis de l'Assemblée des départements de France. Les assistantes maternelles demandent qu'elle soit portée progressivement à 169 heures pour l'accueil d'un enfant. La proposition d'une part forfaitaire et d'une part liée au nombre d'enfants accueillis est loin d'être inintéressante, mais il faudrait en connaître les critères d'application et les montants. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ?

La réforme que vous entreprenez repose sur la reconnaissance de la profession d'assistante maternelle permanente. En définitive, ma question revient à vous interroger sur ce que le Gouvernement compte faire pour leur conférer un statut national et harmoniser leurs conditions de travail.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Votre question, monsieur le sénateur, revêt deux aspects. Elle est générale, car vous abordez les modalités retenues par le Gouvernement en ce qui concerne la réforme du statut des assistantes maternelles, et précise, car elle relève des problèmes particuliers portant sur les assistantes maternelles permanentes.

Permettez-moi de saluer le travail admirable et difficile qu'accomplissent les 40 000 assistantes maternelles permanentes - vous y avez rendu hommage -, mais aussi l'action des départements, de leurs présidents et des services d'accueil familial qui mènent cette mission de service public si importante envers les 65 000 enfants qui leur sont confiés.

Je commencerai donc par les modalités de la réforme.

J'ai considéré la réforme du statut des assistantes maternelles comme un chantier important de mon action.

J'ai voulu que cette réforme se fasse dans la concertation la plus large possible. Depuis neuf mois, mon cabinet a reçu individuellement chaque syndicat, union ou fédération de professionnelles, soit environ une vingtaine d'organisations. Cinq réunions plénières ont été organisées. Les partenaires sociaux se sont vraiment mobilisés ; nous avons fait ensemble du bon travail, ce qui nous a permis d'évoluer sur un certain nombre de points.

Je viens, pour ma part, de rencontrer individuellement les membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui examinera, demain mercredi, le projet.

Le calendrier de la réforme, tel qu'il avait été présenté par M. le Premier ministre le 29 avril dernier, a été scrupuleusement respecté.

J'en viens aux points précis que vous abordez, monsieur le sénateur.

La réforme entérine une distinction nette entre l'agrément et le contrat de travail. Les conditions de sa délivrance pour une durée indéterminée seront définies par voie réglementaire et subordonnées aux travaux que nous venons de commencer sur l'élaboration des référentiels « métier », « compétences » et « qualifications », enfin, sur la validation des acquis de l'expérience.

Pour ce qui est de la voie réglementaire, nous procéderons, comme lors de la préparation du projet de loi, en nouant la concertation la plus étroite possible avec les partenaires sociaux et en tenant compte de leurs différentes réactions ou des propositions qu'ils pourront formuler.

La question des congés et des remplacements fait l'objet d'un article de loi, et les dispositions retenues permettent d'allier, non seulement les droits et devoirs des salariés et des employeurs, mais aussi l'intérêt des enfants confiés. J'ajoute que ce métier reste un métier particulier que caractérise la permanence de l'action, c'est-à-dire qu'une assistante maternelle ne peut pas se prévaloir d'un congé pour ne plus prendre en charge les enfants qui lui sont confiés.

S'agissant de la rémunération, vous souhaitez qu'elle soit portée à 169 SMIC horaire. Je dois vous rappeler, mais vous le savez aussi bien que moi, que ce sujet entre dans le champ des compétences départementales. Aujourd'hui, la réglementation fixe pour le salaire un seuil de 84,5 SMIC horaire. C'est ensuite aux conseils généraux de prendre éventuellement la décision de l'augmenter et ils font des efforts dans ce domaine. En effet, le salaire moyen retenu par les départements se situe entre 107 et 110 SMIC horaire et un certain nombre d'entre eux vont bien au-delà.

Il est évident que, s'agissant de compétences départementales, je ne saurais m'engager sans une négociation précise avec les départements sur ce point.

Des propositions ont été faites par l'Assemblée des départements de France lors d'une réunion plénière au mois de juillet. Je ne vais pas revenir sur ce point. Elles seront mises en place progressivement et seront combinées, d'une part, à une meilleure formation et, d'autre part, à une nouvelle structure de rémunération autour de la fonction globale de l'accueil, ce qui devrait mettre un terme à la précarité actuelle.

Ces perspectives d'évolution de rémunération sont importantes, mais la réforme que nous proposons est bien plus large. Sachez toutefois que nous évoquons cette question de la rémunération avec les départements, puisqu'elle relève de leur champ de compétences, et qu'il est évident que les choses n'évolueront qu'avec eux et en étroit partenariat avec l'ADF.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses que vous m'avez apportées et je salue tout le travail qui a été effectué depuis quelques mois en ce qui concerne l'évolution du statut d'une partie des personnels. Ceux-ci mènent souvent leur action dans l'ombre, action qui mérite d'être réévaluée.

J'ai également été très sensible au fait que vous ayez donné un nouveau qualificatif à cette profession, puisqu'il s'agit maintenant d'assistantes familiales. Cela permet de bien identifier ce métier et de le prendre en compte.

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse sur l'harmonisation des salaires. Mais il serait tout de même dommageable que ces métiers soient demain dotés d'un statut et d'un qualificatif bien identifiés et que, dans le même temps, la centaine de républiques libres que sont les départements établissent leur propre grille de salaires pour des fonctions identiques.

L'action que vous menez et qui devrait permettre d'harmoniser, en concertation avec l'Assemblée permanente des conseils généraux, cette grille de salaires, me semble déterminante.

SITUATION DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS

DOMICILIÉS EN CORSE

M. le président. La parole est à M. Paul Natali, auteur de la question n° 308, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Paul Natali. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des travailleurs handicapés en Corse, dont le nombre est d'environ trois mille cinq cents.

L'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie, l'UGECAM, de PACA-Corse, gère quatorze établissements, y compris des établissements médico-sociaux, mais aucun en Corse.

Depuis trois ans, l'UGECAM de PACA-Corse a préparé et porté deux projets pour la création en Corse, où les besoins sont avérés, d'une part, d'un centre de pré-orientation, d'autre part, d'une unité d'évaluation, de reclassement et d'orientation sociale et professionnelle des cérébraux lésés et trauma-crâniens.

La Caisse nationale d'assurance maladie avait donné son accord à l'UGECAM pour un prêt, afin de mettre en place ces projets qui, je le précise, avaient obtenu l'adhésion unanime de tous les partenaires sociaux en comité paritaire interprofessionnel régional emploi, c'est-à-dire des organisations syndicales et patronales, des chargés d'insertion des travailleurs handicapés et des centres d'aide par le travail, les CAT.

L'intégration dans de telles structures des personnes en quête de reclassement professionnel en milieu ordinaire permettrait d'élaborer efficacement un parcours de vie et éviterait une perte de temps et d'argent public. Car, sans orientation, comme c'est hélas ! le cas actuellement, les personnes sont envoyées, par n'importe quel organisme et sans avis de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, la COTOREP, suivre des formations en tous genres, quelquefois six ou sept formations d'affilée, qui ne débouchent sur rien, car elles ne sont pas choisies selon le profil de la personne concernée.

L'existence d'un centre de préorientation éviterait, pour nombre de ces personnes en difficulté, de se retrouver dans les fichiers des demandeurs d'emploi, marginalisés ou vivant sur une allocation adulte-handicapé. Il convient d'ajouter que la création d'une telle structure serait génératrice d'emplois, avantage essentiel pour une région en quête de développement économique.

Malgré cela, le comité régional de l'organisation sanitaire et sociale, le CROSS, a refusé ce projet, au printemps 2003, sans aucune raison valable. Tous les acteurs concernés par le sort des travailleurs handicapés sont scandalisés de la discrimination dont la Corse est victime, d'autant qu'un projet identique, cloné sur celui de Corse, a été accepté et mis en place dans les Alpes-Maritimes. Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, votre opinion sur ce projet et savoir dans quelle mesure il pourrait être accepté, en cette année 2003, qui est celle des handicapés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le sénateur, je souhaite tout d'abord vous présenter les excuses de Jean-François Mattei, qui aurait souhaité vous répondre lui-même, mais qui, malheureusement, ne pouvait être au Sénat ce matin.

Votre question concerne le refus de création d'un centre de préorientation d'une capacité de dix places et d'une unité d'évaluation, de réentraînement et d'orientation sociale des cérébraux lésés et trauma-crâniens de cinq places, en Corse.

L'avis défavorable émis par le comité régional de l'organisation sanitaire et sociale, lors de sa séance du 5 juin 2003, porte non pas tant sur la finalité du projet que sur les modalités de sa mise en oeuvre.

La nécessité d'une prise en charge de qualité des traumatisés crâniens domiciliés en Corse est avérée. Actuellement, elle ne s'effectue pas dans des conditions satisfaisantes ; vous l'avez souligné, à juste titre.

Cependant, le projet présenté par l'Union pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie PACA-Corse ne correspond ni aux spécificités de la région ni à ses besoins.

En effet, ce projet ne s'intègre pas au sein des dispositifs sanitaires et médico-sociaux existants. Il ne prévoit pas suffisamment de modalités de coopération et de complémentarité avec le réseau d'insertion Corse d'ores et déjà mis en place.

De plus, le coût de fonctionnement est trop élevé au regard des contraintes financières de l'assurance maladie.

Il convient donc de revoir ce projet, dont la finalité, encore une fois, n'est constestée par personne, afin de trouver une solution adaptée à la prise en charge des traumatisés crâniens de Corse dans le cadre d'une réelle collaboration entre les différents dispositifs existants.

A cet égard, je tiens à vous dire que aussi bien le cabinet de Jean-François Mattei que celui de François Fillon, compétent pour tous les aspects d'insertion professionnelle, se tiennent à votre entière disposition pour vous accompagner dans votre démarche, afin d'aboutir dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à M. Paul Natali.

M. Paul Natali. J'ai pris bonne note de la nécessaire coordination entre les dispositifs en vigueur. Il serait souhaitable que vos services en Corse, et notamment la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, collaborent avec cet organisme qui a présenté des projets, ce qui permettrait de faire aboutir ceux-ci. Je souhaiterais que cette question soit rapidement examinée par les deux ministères concernés.

FISCALITÉ DES SPIRITUEUX

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 324, transmise à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, en préambule, je me réjouis que vous ayez été désigné pour répondre à ma question qui porte sur la fiscalité de l'armagnac. Ancien président du Centre national des jeunes agriculteurs, vous connaissez parfaitement la réalité du monde rural et vous savez combien quelques euros de plus ou de moins conditionnent la vente de produits agricoles, fussent-ils très élaborés, comme l'armagnac.

Les viticulteurs gersois ont été alertés sur les risques d'une possible augmentation de la fiscalité des spiritueux, et de l'armagnac en particulier, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En tant qu'élu du Gers, je voudrais souligner l'inéquité de la fiscalité actuelle et les conséquences négatives de cette surfiscalité potentielle.

L'armagnac pâtit déjà d'une fiscalité discriminante. A plusieurs reprises, j'ai attiré l'attention du Gouvernement sur ce point. Je citerai un seul chiffre : à volume équivalent d'alcool pur, l'armagnac est déjà taxé 60 fois plus que le vin et 5,6 fois plus que la bière.

Contrairement à la hausse du tabac, cette possible augmentation ne se fonderait sur aucun motif de santé publique, l'armagnac n'ayant jamais été désigné comme un facteur d'alcoolisme.

Enfin, l'augmentation de cette fiscalité aurait des conséquences désastreuses sur toute une partie du Gers déjà fragilisée, au moment où, grâce à la recherche de qualité et au travail accompli par tous les viticulteurs et avec la collaboration de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, les ventes commencent à redémarrer.

Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de rassurer les Armagnacais et, ce faisant, une grande partie de l'économie gersoise sur les derniers arbitrages concernant le projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le sénateur, vous ne devez ma présence qu'à l'absence de M. le ministre de la santé, car je pense que Jean-François Mattei aurait souhaité vous apporter lui-même cette réponse.

Je souhaite tout d'abord m'associer à votre remarque sur les efforts très importants qui ont été accomplis par les producteurs d'armagnac depuis de nombreuses années, notamment en matière de qualité. Le contexte était en effet relativement difficile et ils ont su réagir. Cela mérite d'être souligné.

Je vous donnerai très clairement les éléments de réponse que m'a transmis Jean-François Mattei.

Le Gouvernement n'a pas prévu de hausse des droits spécifiques ni sur l'armagnac ni sur cette catégorie dite « des alcools forts » dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les producteurs peuvent donc être rassurés sur les engagements et la position du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse, qui va rassurer les viticulteurs, les négociants et donc l'ensemble de la filière de l'armagnac, ainsi que toute une partie du Gers qui dépend directement de cette production.

Votre réponse atteste que vous connaissez ce problème et que ce gouvernement est à l'écoute du monde agricole et de ses élus ; j'en suis très heureux.

J'espère que nous parviendrons à obtenir d'autres résultats positifs. Je vous donne rendez-vous pour une mise à plat de cette fiscalité, qui, je le répète, demeure, hélas !, tout à fait discriminante.

INSUFFISANCE DES CRÉDITS DE L'ADEME ACCORDÉS

AUX COMMISSIONS CONSULTATIVES DE RIVERAINS

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 309, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, de nombreuses voix se sont élevées depuis quelques semaines et s'accordent pour vous demander de faire plus et mieux pour l'aide à l'insonorisation des logements et pavillons situés en plan de gêne sonore des zones de nuisances aéroportuaires. Je ne doute pas de votre bonne volonté lorsque vous affirmez que tel est le cas dans votre déclaration du 6 octobre dernier.

Il était temps, madame la ministre. Cette aide aux riverains a été instituée par la loi du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit au voisinage des dix plus grands aérodromes français. La mission de gestion a été alors confiée à Aéroports de Paris et s'est révélée désastreuse, brouillonne, sans conviction ni résultat.

Les piles de dossiers non traités s'accumulant, le ministère a été conduit à retirer à Aéroports de Paris cette mission. Comment aurait-il pu en être autrement ? Aéroport de Paris produisait le bruit et ne manifestait que peu d'intérêt pour aider les riverains à s'en prémunir.

Les faits sont là et peuvent facilement être vérifiés. Combien de dossiers étaient en souffrance lorsque Aéroports de Paris s'est vu retirer la mission qui lui était confiée par le ministère et le Gouvernement ? Les services de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, peuvent vous le confirmer : trois mille dossiers n'étaient toujours pas traités. L'ADEME s'est donc vu confier la mission des Aéroports de Paris. Heureuse décision ! Avec deux ou trois employés dévoués et efficaces au départ, l'ADEME a rétabli une situation dégradée et a pu traiter les douze mille dossiers, pour un montant moyen d'aide de 7 000 euros à 9 000 euros par dossier. Et si, en cette fin d'année, quatre mille cinq cents dossiers ne sont toujours pas traités, parmi lesquels trois mille auraient pu l'être en raison de leur état d'avancement, c'est faute de crédits.

En 2003, vous avez réduit de façon injustifiée les crédits. Alors que les nuisances croissaient, la part de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, revenant à L'ADEME a été baissée. C'est d'ailleurs l'objet de ma question.

Quelle mesure envisagez-vous pour débloquer les 20 millions d'euros qui sont nécessaires aujourd'hui et pour lesquels on a demandé que, comme chaque année, une quatrième commission d'aide aux riverains se tienne en décembre et traite les dossiers en instance ?

Madame la ministre, il vous faut laisser l'ADEME gérer les dossiers, car elle sait le faire. En outre, elle a gagné, par son sérieux, la confiance des riverains et des élus, Aéroports de Paris ne suscitant que doute et rejet chez ceux-ci. Par ailleurs, il convient de donner à l'ADEME les moyens de répondre aux demandes, ce qui signifie, je le rappelle, 20 millions d'euros pour 2003.

Si ces crédits ne sont pas attribués, la commission d'aide ne pourra pas délibérer, les caisses étant vides. A la troisième réunion en septembre, des difficultés étaient déjà apparues, puisque seulement moins d'une dizaine de dossiers individuels avaient pu être traités : ils sont plusieurs centaines habituellement.

A ces deux questions, madame la ministre, j'attends une réponse précise et je ne saurais me contenter d'une réponse du type : « vous avez raison » et « j'ai pris des mesures nouvelles pour 2004 ». Car la réponse que vous me ferez s'inspirera sans doute de votre déclaration du 6 octobre dernier. Pourtant, je ne peux que vous approuver lorsque, dans votre lettre, vous écrivez : « Le dispositif d'isolation phonique des logements au droit des grands aéroports ne permet pas de faire évoluer les ressources, les crédits dont dispose l'ADEME étant déconnectés du montant de la taxe des aéroports. »

En revanche, je suis obligée de vous faire part de ma profonde déception à l'examen de vos propositions pour 2004. Vous prétendez vouloir insonoriser 8 800 logements par an. Je tiens à vous rappeler que, dans le plan de gêne sonore, le PGS, qui sera mis en révision, 140 000 logements sont concernés pour le bénéfice d'une aide. Dans les faits, il s'agit de bien plus de 140 000 logements, puisque nous approchons des 200 000. Car - et peut-être pourrez-vous me le confirmer, madame la ministre - une bonne partie des villes de Sarcelles, de Villiers-le-Bel, de Garges-lès-Gonesse et de Bonneuil-en-France échappe à l'intégration dans les limites permettant l'attribution de l'aide aux riverains. Il faudra donc vingt ans pour aboutir à une insonorisation complète du parc immobilier concerné.

Et compte tenu du développement de l'aviation civile, sur la base de 4,3 % par an, nous aurons un PGS incluant bien plus de 140 000 logements : j'ai calculé que cela représenterait le double.

Si vous pensez pouvoir indemniser les opérations d'insonorisation avec 55 millions d'euros, je suis obligée de vous rappeler que le coût d'une insonorisation s'élève à 10 000 euros en moyenne du fait de la révision des prix obtenus. Or si vous multipliez 10 000 euros par 8 800 logements, vous obtenez 88 millions d'euros. Vous le voyez, madame la ministre, nous sommes loin du compte !

Je me résumerai en vous demandant si vous envisagez de continuer à faire gérer les dossiers par l'ADEME, si vous comptez attribuer 20 millions d'euros au titre de 2003 et si vous pouvez prévoir 90 millions d'euros au budget pour 2004 afin de répondre à votre propre objectif d'insonoriser 8 800 logements par an.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question sur l'indemnisation des riverains des aéroports.

Le bruit figure en tête des préoccupations de nos concitoyens, notamment de ceux qui habitent en milieu urbain - tout particulièrement dans le département dont vous êtes l'élue - et les études les plus récentes de l'INSEE ou de l'IFEN, l'Institut français de l'environnement, le démontrent.

Vous avez bien voulu rappeler, madame la sénatrice, les déclarations que j'ai faites devant le Conseil national du bruit, et vous avez évoqué le plan d'action pour relancer la lutte contre les nuisances sonores, dont le premier axe - ce n'est pas le seul - concerne justement les riverains des dix principaux aéroports nationaux.

Le dispositif d'isolation phonique des logements au droit des dix principaux aéroports nationaux, qui est actuellement géré par l'ADEME, ne permet pas de répondre au défi de l'élargissement des plans de gêne sonore, qui sont passés, vous l'avez signalé, de 68 000 logements en 2001 à près de 140 000 logements aujourd'hui.

Cela ne signifie pas, bien évidemment, que les 140 000 logements sont à insonoriser dans le cadre de ces plans de gêne sonore : certains le sont déjà, d'autres répondent aux normes.

Le dispositif actuel ne donne pas satisfaction : il est trop centralisé, il ne tient pas assez compte des situations locales et il ne permet pas de faire évoluer les ressources à la hauteur des besoins, même si, cette année - et je m'inscris en faux s'agissant de vos affirmations - j'ai pris soin d'augmenter de 8 millions d'euros la dotation initiale de l'ADEME : elle passe ainsi de 23 millions d'euros à 31 millions d'euros, ce qui permet de répondre aux demandes les plus pressantes.

A partir du 1er janvier prochain, les gestionnaires des dix principaux aéroports nationaux vont bénéficier d'une taxe sur les aéronefs qui sera entièrement consacrée à protéger les habitations concernées par les plans de gêne sonore. Son montant passe de 17 millions d'euros en 2003 à 55 millions d'euros en 2004.

Ce nouveau dispositif, plus direct, permettra d'accélérer le traitement des dossiers.

Quand M. Gayssot était ministre des transports, je vous le rappelle, madame la sénatrice, on insonorisait 3 000 logements. Grâce à l'augmentation de cette taxe, 8 800 logements - vous l'avez précisé - seront insonorisés et le rythme des travaux va pouvoir s'accélérer significativement.

Cette disposition a été élaborée conformément à l'esprit de la charte de l'environnement. Elle responsabilise également les gestionnaires d'aéroport, qui seront conduits à prendre en compte l'impact du bruit dans leurs décisions de développement.

Enfin, ce dispositif garantit la transparence et l'information du public grâce à l'implication des commissions locales, où sont représentés élus et associations de riverains, et qui verront leur rôle confirmé.

Bien entendu, madame la sénatrice, l'Etat, et en particulier la ministre de l'écologie et du développement durable, n'abandonne pas sa responsabilité en la matière. Je ne veux pas l'abandonner : non seulement les préfets resteront présidents des commissions locales de concertation, mais en outre la direction de la prévention des pollutions et des risques au ministère de l'écologie et du développement durable, comme la direction générale de l'aviation civile au ministère de l'équipement, resteront garantes du bon fonctionnement de ce dispositif.

Par ailleurs, il me semble indispensable que les riverains ne soient pas pénalisés lors du changement de dispositif. Les gestionnaires d'aéroport doivent prendre dès à présent leurs dispositions pour être prêts au 1er janvier prochain. J'ai également demandé à l'ADEME, qui est forte de son expérience, de leur offrir ses services et son assistance pour franchir le cap des premiers mois de l'année prochaine.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, tout en vous remerciant d'être venue ce matin au Sénat pour répondre à ma question, je tiens à vous dire que je trouve votre réponse un peu trop optimiste et, en tout cas, éloignée des réalités.

Commençons par rappeler les chiffres. Vous avez annoncé l'insonorisation de 8 800 logements.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est mieux que mon prédécesseur !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Votre prédécesseur, c'est le passé ! Ce que je regarde aujourd'hui, c'est l'avenir !

Si je multiplie ce nombre de 8 800 logements par 10 000 euros, j'obtiens 88 millions d'euros : autant dire que nous sommes loin du financement concret de l'insonorisation des 8 800 logements que vous avez annoncés.

Par ailleurs, vous m'avez confirmé le transfert de la gestion de ce dispositif de l'ADEME à Aéroports de Paris.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sous garantie de l'Etat !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Décision, là encore, étonnante au vu de l'expérience passée et de ce que n'a pas fait Aéroports de Paris à l'époque. Ce transfert me paraît tout à fait irresponsable pour l'avenir.

M. Raymond Courrière. Très bien !