COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 4, 2003-2004) relatif aux responsabilités locales. [Rapport n° 31 (2003-2004) ; avis n°s 32, 34, 33 et 41 (2003-2004).]

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 48.

TITRE III (suite)

Chapitre II

Mise en oeuvre de la protection judiciaire

de la jeunesse

Art. additionnel après l'art. 47 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel avant l'art. 49

Article 48

I. - Une expérimentation de l'extension des compétences des départements en matière de mise en oeuvre des mesures ordonnées par l'autorité judiciaire en application des articles 375 à 375-8 du code civil est ouverte pour une durée de quatre ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi dans les conditions fixées aux II à VI du présent article.

II. - Pour l'application des articles 375-2, 375-3 3°, 375-5 du code civil, dans les départements retenus pour l'expérimentation, le service de l'aide sociale à l'enfance est seul compétent pour assurer la mise en oeuvre des mesures prononcées par les magistrats au titre des articles 375 à 375-8 du code civil, à l'exception de celles dont l'exécution est confiée aux personnes physiques et aux établissements mentionnés à l'article 375-9 du code civil.

Pour l'exercice de cette mission, et sans préjudice de ses responsabilités vis-à-vis des mineurs qui lui sont confiés, le service de l'aide sociale à l'enfance peut faire appel à des organismes publics ou privés ou à des personnes physiques. L'habilitation à recevoir des mineurs, confiés habituellement par l'autorité judiciaire, est alors délivrée par le président du conseil général du département où se trouve le siège du service ou de l'établissement demandeur, après avis conformes des procureurs de la République et des présidents de tribunaux de Grande instance du département. Ces services et établissements sont soumis aux contrôles prescrits par le deuxième alinéa de l'article L. 313-20 du code de l'action sociale et des familles.

III. - Les départements peuvent se porter candidats à cette expérimentation auprès du garde des Sceaux, ministre de la justice, dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. Le garde des Sceaux, ministre de la justice, se prononce sur les candidatures dans le délai de quatre mois suivant leur dépôt.

IV. - Une convention passée entre l'Etat et le département définit les modalités de cette extension de compétence et précise les moyens soit en crédits, soit en personnels, soit à ce double titre qui l'accompagnent.

V. - L'évaluation de l'expérimentation fait l'objet, trois mois avant son terme, d'un rapport établi par le Gouvernement qui le transmet au Parlement, avec les observations des départements.

VI. - Les dispositions du II du présent article sont applicables à la mise en oeuvre des décisions judiciaires prises postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation qui sera fixée dans la convention prévue au IV. Toutefois, elles ne font pas obstacle à ce qu'un service de l'Etat ou une association assure, jusqu'à son terme, une mesure en cours. La convention prévue au IV du présent article précise les conditions dans lesquelles une mesure préalablement confiée à un service de l'Etat peut, dans l'intérêt du mineur, être renouvelée dans ce même service.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, sur l'article.

Mme Josiane Mathon. A l'article 48 du projet de loi, nous voyons se confirmer une évolution que nous pressentions et dénoncions depuis quelques années, tendant au démantèlement des principes directeurs de la justice des mineurs par le biais d'une remise en cause de l'unité de celle-ci et du désengagement de l'Etat.

Cet article, en effet, a pour objet de transférer, à titre expérimental, du juge des enfants au département la responsabilité de la mise en oeuvre des mesures d'assistance éducative décidées judiciairement, de telle sorte que les départements en auront désormais l'entière maîtrise, à l'exception des mesures de placement auprès de personnes physiques ou en établissement psychiatrique.

Cette décision est lourde de signification pour l'avenir. Sous prétexte de mettre un terme à la « judiciarisation » de la justice des mineurs, on remet en cause le partage des responsabilités en matière d'assistance éducative issu des lois de décentralisation, qui sauvegardait le caractère national de la politique de protection de l'enfance.

Dans le cadre de ce partage, en effet, le département joue un rôle exclusif en matière de protection administrative des mineurs, au travers de l'aide sociale à l'enfance et de la protection maternelle et infantile. Cependant, dès lors que cette protection résulte d'une décision judiciaire, elle relève de la responsabilité de l'Etat.

Ce partage n'est pas arbitraire ; il découle logiquement du caractère coercitif des décisions prises par le juge des enfants, tant pour les familles que pour le département, lequel a compétence liée pour leur mise en oeuvre. Au contraire, l'application des décisions administratives est conditionnée par l'accord des familles : le partage des responsabilités résulte donc bien de la différence de nature des décisions.

Si le texte présenté était adopté, l'ensemble des dispositifs de protection des mineurs échapperaient désormais au juge, puisque celui-ci n'aurait plus la maîtrise de l'application de ses propres décisions : le choix de l'institution de placement ne lui appartiendrait plus dès lors qu'il n'aurait le pouvoir ni de placer le mineur dans un établissement situé en dehors du département ni même de choisir l'établissement dans le ressort du département.

On comprend dès lors que des inquiétudes se soient exprimées. En effet, les juges des enfants et les syndicats des personnels de la PJJ, la protection judiciaire de la jeunesse, voient en cette décentralisation de l'action éducative la marque du désengagement de l'Etat en matière de protection des mineurs, désengagement que dénonçait ici même, voilà quelques semaines, ma collègue Michelle Demessine, qui opposait au catalogue de mesures purement ponctuelles inscrites dans le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance la nécessité d'une véritable politique nationale de protection de l'enfance. Ce désengagement se traduit aussi par la baisse des crédits en faveur de la famille inscrits au projet de loi de finances pour 2004.

Alors que l'Etat devrait être un « incitateur » et un « garant » en matière de protection de l'enfance, il est clair que l'intérêt porté à l'action éducative dépendra de l'engagement financier des conseils généraux, sous l'angle de la maîtrise des coûts, et de leurs choix politiques, en fonction des priorités de l'action sociale.

Cette situation est d'autant plus source d'inégalités que l'ensemble des dispositifs de prévention, en matière de protection de l'enfance, est mis en péril au travers de ce projet de loi relatif aux responsabilités locales. En ce qui concerne tant la détection, avec les médecins et les infirmières scolaires, que l'intervention, avec les pédopsychiatres ou les services d'accueil d'urgence, les enfants ne seront pas traités de façon égale sur l'ensemble du territoire national, ce qui est intolérable s'agissant d'enfants en situation de danger.

Mme Odette Terrade. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 713 est présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 873 est présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 120, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans le I de cet article, remplacer le chiffre : "quatre" par le chiffre : "cinq". »

L'amendement n° 121, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le premier alinéa du II de cet article :

« Dans les départements retenus pour l'expérimentation, le service de l'aide sociale à l'enfance est seul compétent pour assurer la mise en oeuvre des mesures prises par les magistrats au titre de l'article 375-2, du 3° de l'article 375-3 et de l'article 375-5 du code civil, à l'exception de celles dont l'exécution est confiée aux personnes physiques et aux établissements mentionnés à l'article 375-9 du même code. »

L'amendement n° 122, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du III de cet article, remplacer les mots : "six mois" par les mots : "un an". »

L'amendement n° 123, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans le V de cet article, remplacer les mots : "trois mois" par les mots : "six mois". »

L'amendement n° 1261, présenté par MM. Peyronnet, Charasse, Frimat, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le V de cet article par les dispositions suivantes :

« Il est mis fin de plein droit à l'expérimentation au 31 décembre de l'année suivant celle du dépôt du rapport, sauf si la loi en décide autrement. »

La parole est à Mme Mathon, pour présenter l'amendement n° 713.

Mme Josiane Mathon. Il s'agit d'un amendement de suppression.

En effet, confier au département la mise en oeuvre des décisions prononcées par le juge sur le fondement des articles 375 à 378-4 du code civil aboutirait à transformer durablement la vocation même de la justice des mineurs. Le juge des enfants, qui a une compétence générale en matière de protection de l'enfance en danger, deviendrait un juge répressif de la délinquance des mineurs, par le biais d'une réduction de son rôle en matière d'assistance éducative. Ce glissement confirmerait les craintes que nous avons exprimées à plusieurs reprises dans cette enceinte, en particulier à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, s'agissant de la crispation du débat sur la délinquance des mineurs.

Les tentatives de remise en cause plus ou moins frontale de la philosophie sous-tendant l'ordonnance de 1945 se ressentent parfaitement dans l'atténuation régulière de la spécificité de la justice des mineurs : alignement des procédures sur celles de la justice des majeurs, comparution à délai rapproché, abaissement de l'âge minimal requis pour la détention provisoire, option générale pour l'enfermement, en prison ou en centre fermé, ou, comme c'est le cas en l'occurrence, remise en cause de l'unité de compétence en matière d'assistance éducative et de traitement de la délinquance des mineurs.

Pourtant, l'idée de placer sous une même compétence judiciaire le traitement des mineurs délinquants et celui des mineurs en danger a sa logique. L'ensemble des spécialistes de la jeunesse, qu'ils soient sociologues, psychologues, juges ou éducateurs, le confirment : la frontière est bien ténue qui sépare le délinquant de la victime ; si tout mineur en danger ne devient pas nécessairement un délinquant, la plupart des mineurs délinquants sont ou ont été des mineurs en danger. La figure double du mineur à la fois délinquant et victime n'est pas nécessairement une hypothèse d'école, loin s'en faut !

C'est pourquoi le cloisonnement que l'on tente d'instituer entre protection et répression en prévoyant de confier aux départements la compétence exclusive en matière d'action éducative ne correspond pas à la réalité. Pis, alors que la protection judiciaire de la jeunesse, si maltraitée - rappelons les représailles subies par les éducateurs assignés en justice par le Gouvernement parce qu'ils avaient pris parti contre les centres fermés -, se trouve de facto amputée d'une partie de ses fonctions éducatives au civil, l'instauration de cette frontière rendra plus difficile la coordination des services et la continuité de l'action éducative.

On a beau jeu dès lors d'évoquer les conclusions de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs s'agissant de la judiciarisation de la justice des mineurs et du dévoiement de l'action éducative par les juges des enfants pour justifier la décentralisation de l'action éducative quand rien n'est fait, bien au contraire, en faveur des dispositifs de prévention.

Le choix effectué au travers du présent projet de loi est clair : l'Etat se défausse sur les départements du suivi des mineurs en danger et renonce, par voie de conséquence, à mener une politique offensive et à long terme en matière de lutte contre la délinquance des mineurs. Le sort qui sera réservé aux suggestions de la commission d'enquête est ainsi plus que jamais prévisible...

Les sénateurs communistes ne peuvent donc accepter l'expérimentation proposée pour une période de quatre ans, qu'un amendement vise d'ailleurs à prolonger d'une année. Le désengagement de l'Etat traduit la méfiance du Gouvernement envers les professionnels de terrain, dont le rôle est souvent très difficile au quotidien et qui mériteraient, monsieur le ministre, que vous leur apportiez votre entier soutien.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 48. J'espère, monsieur le rapporteur, que vous n'invoquerez pas la jurisprudence de la commission en guise de réponse à mes arguments !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 873.

M. Jean-Claude Peyronnet. Il nous semble que confier au conseil général, fût-ce à titre expérimental, une compétence en matière de mesures d'assistance éducative qui relève traditionnellement de l'autorité judiciaire ne permettra pas de résoudre les problèmes que rencontre actuellement la protection judiciaire de la jeunesse.

La PJJ est actuellement en crise. On observe des situations extrêmement contrastées d'un département à l'autre, parfois même variables dans le temps en fonction des juges en place.

En effet, si certains juges sont plutôt favorables à des placements en établissement, d'autres optent au contraire volontiers pour des placements en famille. Cela pose des problèmes d'adaptation au conseil général quand un nouveau juge est nommé.

Au-delà, il existe des différences très marquées entre les départements en termes d'orientations éducatives, puisque l'accent est mis tantôt sur la réparation pénale, tantôt sur une démarche préventive.

On constate surtout de fortes disparités en termes de moyens, selon le nombre de places disponibles en foyer d'accueil, l'effectif des personnels techniques - les postes de la fonction publique d'Etat ne sont pas toujours pourvus, j'y insiste - et l'existence ou non de services annexes d'investigation, d'observation en milieu ouvert, d'action éducative en milieu ouvert.

Certes, on nous propose de procéder à une simple expérimentation, mais un « vice caché » pourrait se révéler à l'occasion du transfert de compétence et susciter des difficultés pour les conseils généraux.

Une question particulière et très importante pour l'ensemble des conseils généraux doit être évoquée, celle de l'accueil des jeunes mineurs étrangers, qui soulève de très grandes difficultés.

Cet accueil relève des missions de l'Etat, qui ne joue pas pleinement son rôle en la matière. Cela contraint les conseils généraux à se substituer à lui, puisqu'ils doivent s'occuper des familles avec enfants, quelles que soient leur origine et leur situation sur notre territoire au regard de la loi. Or ils n'ont aucun pouvoir sur les flux. L'Etat - et nous l'avons bien vu avec le désengagement et les gels de crédits concernant les associations qui accueillent ces étrangers - crée donc de grandes difficultés et ces personnes, en particulier les enfants, ne peuvent être acceuillies dignement.

Il s'agit d'un problème extrêmement grave. A mes yeux, le transfert au département ne permettra pas de résoudre ces difficultés, car, je le répète, les conseils généraux n'ont aucun pouvoir sur les flux. Il vaudrait mieux approfondir la complémentarité entre les départements et l'autorité judiciaire, en affectant à celle-ci les moyens financiers et humains nécessaires, qui sont notoirement insuffisants, en particulier s'agissant de la jeunesse.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 120, 121, 122 et 123.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 120 vise à modifier la durée de l'expérimentation, dans un souci de cohérence avec les autres expérimentations prévues par le projet de loi. En effet, pourquoi fixer plusieurs durées ? Soyons simples : retenons la même durée partout.

L'amendement n° 121 est un amendement de clarification.

Par l'amendement n° 122, il s'agit, là encore dans un souci de cohérence, de retenir un délai unique de candidature aux expérimentations, à savoir un an.

Quant à l'amendement n° 123, c'est un amendement de coordination tendant à prévoir que le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport d'évaluation sur l'expérimentation dans un délai de six mois avant le terme de celle-ci.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 1261.

M. Michel Charasse. C'est, au fond, le même problème que celui que nous avons réglé hier, d'ailleurs par l'adoption de l'amendement que nous avions présenté, et sur lequel le Gouvernement et la commission s'en étaient finalement remis à la sagesse du Sénat. Il s'agit de préserver les pouvoirs du Parlement en matière d'expérimentation.

Si nous ne prenons pas la précaution de fixer la date de fin de l'expérimentation de façon claire, celle-ci se poursuivra sans base juridique tant que le Parlement ne sera pas intervenu. Comme je l'ai dit hier après-midi - mais je le répète pour les collègues qui n'étaient peut-être pas dans l'hémicycle -, si le Gouvernement n'intervient pas pour dire que l'expérimentation s'arrête - et on ne peut pas le forcer à exercer son initiative législative -, et si le Parlement n'intervient pas de son côté parce qu'une proposition de loi ou un amendement serait irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution puisque cela reviendrait à rebasculer sur l'Etat un certain nombre de charges, les pouvoirs que la Constitution reconnaît au Parlement de mettre un terme à l'expérimentation ne seront pas applicables et le Parlement sera privé d'une partie de ses prérogatives.

C'est pourquoi mes amis et moi-même proposons que l'article 48 du projet de loi soit complété de manière à bien préciser qu'au 31 décembre de l'année qui suit l'année du dépôt du rapport le couperet tombe, puisque la durée de l'expérimentation doit être limitée - c'est la Constitution qui le prévoit -, sauf si, avant cette date, le législateur, saisi par le Gouvernement, décide de la prolonger. Ainsi, les choses seront claires et le Parlement sera en état de tirer les conclusions du rapport d'expérimentation que lui remettra le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 713, j'ai été sensible à l'appel vibrant de Mme Mathon, qui ne souhaitait pas que je lui oppose la jurisprudence « suppression ».

M. Jean-Jacques Hyest. Elle a raison, mais elle a tort sur le fond !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'accède volontiers à votre demande, madame : je n'invoquerai pas la jurisprudence habituelle. Néanmoins, la commission émet un avis défavorable, car cet amendement est contraire à la position qu'elle a retenue. En effet, une expérimentation paraît nécessaire pour améliorer les relations entre l'aide sociale à l'enfance et le juge des enfants, afin de renforcer l'efficacité de l'assistance éducative. D'ailleurs, les travaux de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, que j'ai conduits, avec notre ami Jean-Claude Carle, nous ont convaincus de la nécessité de modifier les dispositifs relatifs au suivi des jeunes en difficulté.

M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Par conséquent, cette expérimentation est utile, voire indispensable.

Madame Mathon, puisque j'ai accédé à votre demande, au moins dans la forme, cela me permettra de n'en être que plus sévère à l'égard de M. Jean-Claude Peyronnet, en opposant cette fois-ci la jurisprudence « suppression » à son amendement.

Enfin, l'amendement n° 1261 - et cela consolera sans doute M. Jean-Claude Peyronnet - est satisfait par les amendements de la commission des lois...

M. Michel Charasse. Ah ? Mais comme je n'appartiens pas à la commission des lois,...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... aux termes desquels l'expérimentation sera engagée pour une durée de cinq ans à compter - puisque, si j'ai bien compris, M. Charasse tient beaucoup à la date de fin - de l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire le 1er janvier 2005. Par conséquent, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer l'amendement n° 1261.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements de suppression n°s 713 et 873.

Comme M. Peyronnet l'a reconnu, le système actuel fonctionne très mal. Il faut donc trouver un autre équilibre pour sortir de cette situation. En fait, les départements sont d'ores et déjà impliqués. Il s'agit, en réalité, de donner un support légal à quelque chose qui existe déjà et de l'encadrer juridiquement. Enfin, il est fait appel au volontariat.

Monsieur Peyronnet, on ne peut pas dire que cela fonctionne très mal et continuer sans rien changer ou dire que l'Etat doit faire ce qui relève de ses compétences ! Nous constatons que l'Etat n'y arrive pas parce qu'il est trop loin du terrain. La politique de la PJJ est liée à la politique de la ville, elle est en relation directe avec la politique d'insertion et la politique d'intégration, avec toutes ces politiques qui sont conduites localement et qu'il faut mettre en cohérence.

Par conséquent, le fait de refuser l'idée même de l'expérimentation - nous ferons le bilan ultérieurement - à partir d'une pratique qui est déjà réelle et qui fait appel au volontariat, et à lui seul, ne me semble pas raisonnable, ou à tout le moins est contradictoire avec le fait que tout le monde reconnaît que ces dispositifs fonctionnent mal.

S'agissant de l'amendement n° 121, qui donne la compétence exclusive à l'ASE, l'aide sociale à l'enfance, le Gouvernement émet un avis favorable.

Il est également favorable à l'amendement n° 122, l'allongement du délai lui paraissant raisonnable, ainsi qu'à l'amendement n° 123.

Quant à l'amendement n° 1261, monsieur Charasse, il est satisfait car l'expérimentation ne peut se poursuivre au-delà du terme fixé par la loi. D'une certaine manière, cet amendement est redondant. Aussi, j'émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 713 et 873.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je soutiens fortement les amendements de suppression, car, une fois encore, la confusion des pouvoirs s'installe.

Hier, nous avons eu un débat intéressant, au cours duquel a été évoquée une suspicion à l'égard des élus qui seraient dans l'incapacité de remplir telle ou telle charge. Selon nous, là n'est pas la question. Il s'agit de savoir ce qui, dans notre République, doit relever respectivement de l'Etat et de chaque niveau de collectivités territoriales.

Avec ce projet de loi, la confusion ne cesse de croître. Monsieur le ministre, lorsque l'on fera le bilan de cette décentralisation que vous voulez mettre en oeuvre, on éprouvera les plus grandes difficultés pour dire ce qui relève de l'Etat. Or il s'agit d'une question essentielle. On ne peut accepter - peut-être certains l'acceptent-il ? - la conception d'un Etat résiduel : ce qui restera quand, par idéologie, par conviction ou, peut-être, pour des raisons financières, on aura transféré, d'une façon ou d'une autre, le maximum de choses aux collectivités.

La PJJ relève du ministère de la justice et fait partie des missions de l'Etat. Comme l'a très bien expliqué M. Peyronnet, qu'il y ait coopération entre le ministère de la justice et le département, soit ! Mais, compte tenu des arguments qui ont été évoqués tant par M. Peyronnet que par Mme Mathon, qu'en sera-t-il, par exemple, en cas de placement dans un autre département que celui où est situé le tribunal qui prend la décision ou lorsqu'il s'agira de mineurs de nationalité étrangère ? Nous avons écouté M. le rapporteur et M. le ministre, mais ils n'ont apporté aucune réponse à cette question. S'il existe une réponse, nous aimerions l'entendre, puisque la question posée par M. Peyronnet était très claire.

Monsieur le ministre, vous avez dit à l'instant même - mais sans doute était-ce une formule un peu sommaire et lapidaire - que « l'Etat est trop loin du terrain ». Comment pouvez-vous déclarer ici que l'Etat est trop loin du terrain ? J'espère que cette phrase vous a échappé !

Nous avons un Premier ministre qui parle de proximité le matin, l'après-midi, le soir...

M. Jean-Claude Peyronnet. Et la nuit ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il y pense tout le temps et il l'évoque constamment.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Et nous le faisons !

M. Jean-Pierre Sueur. Il nous dit que l'Etat doit être proche. Mais il y a les administrations déconcentrées de l'Etat !

M. Jean-Claude Peyronnet. Effectivement !

M. Jean-Pierre Sueur. Un sous-préfet n'est pas lointain, un magistrat d'un tribunal dans un département non plus, un procureur pas davantage, et la PJJ n'a pas vocation à être lointaine. Considérer que l'Etat est lointain, c'est une conception de l'Etat qui est contraire à l'idée que nous nous faisons, nous, de l'Etat républicain.

L'Etat a vocation a être aussi proche que les collectivités, simplement, ses missions ne sont pas les mêmes.

M. Gérard Longuet. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Par des transferts, des conventions, des contrats de toute nature, un embrouillamini généralisé et une expérimentation qui aura lieu dans des conditions extrêmement mal définies, on ne pourra plus savoir, s'agissant de la PJJ, ce qui relève du ministère de la justice et ce qui relève du département. Ainsi, on aboutit à l'idée d'une République indistincte et incertaine, qui n'est pas la nôtre.

C'est pourquoi nous soutenons, avec beaucoup de force, ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis choqué par les propos qui viennent d'être tenus : il y a une confusion totale entre les responsabilités du juge et la mise en oeuvre de ces mesures. Certes, il ne s'agit pas des mineurs délinquants, mais, je le rappelle, les départements ont été chargés de la prévention spécialisée et, souvent, ce sont eux qui prennent en charge les mesures éducatives. Un certain nombre de départements coopèrent parfaitement avec les services judiciaires, même si ce n'est pas toujours facile. On a même constaté, dans de grands tribunaux, que chaque juge a sa propre politique. Mais les départements sont fortement impliqués dans la mise en oeuvre des mesures.

Il faut aller vers une expérimentation et une meilleure coordination, qui avait d'ailleurs été préconisée par la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, que M. le rapporteur a évoquée tout à l'heure. Qui est mieux placé que le département ? La plupart du temps, c'est le département qui gère ce type de problèmes. Je songe notamment aux foyers de l'enfance, dont les départements assument la plus grande part. Il s'agit de mettre en oeuvre les mesures, et non de les décider. En effet, la décision appartient au juge. Celui-ci peut, entre autres mesures, décider de confier le mineur à un parent. Je ne rappellerai pas les nombreuses possibilités en la matière, mes collègues connaissant bien le code civil.

On verra vite, dans cinq ans, que les départements ayant expérimenté cette mesure seront plus en avance, pour une meilleure protection des mineurs.

Il s'agit non pas d'une obligation mais d'une expérimentation, qui pourra être faite par les départements qui le souhaiteront. Ne faisons pas de procès d'intention.

Quant au débat sur l'Etat proche ou l'Etat lointain, il n'a aucun sens ! Ce sont des sophismes permanents. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut dire cela au Premier ministre !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. A Pierre Mauroy !

M. Jean-Jacques Hyest. Dès lors que l'aide sociale à l'enfance a déjà été décentralisée par les lois de décentralisation, ce qui est envisagé aujourd'hui en ce qui concerne la protection des mineurs est une continuation. Cela me paraît tout à fait réaliste et positif. On fera le bilan dans cinq ans. Laissons expérimenter ! Ce sera extrêmement utile, bien entendu, pour les enfants qui bénéficieront de ces mesures.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Et c'est cela le plus important !

M. Gérard Braun. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je reviens sur la question de l'Etat qui serait trop éloigné du terrain. La décentralisation, ce n'est pas l'abaissement de l'Etat.

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il est beaucoup trop facile de dire : « On se déleste d'un certain nombre de charges car on n'a pas la capacité de les exercer sur le terrain. » (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame.) Ce qui est en cause, ce n'est pas seulement la PJJ, c'est l'ensemble des services déconcentrés. Ainsi, la direction départementale de l'équipement est effectivement trop éloignée : elle n'a plus de moyens et il ne demeure plus qu'une unité au centre du département.

Par cette politique, dont vous n'êtes pas les seuls responsables et qui s'est traduite par l'hémorragie des services de l'Etat en termes de personnels, l'Etat est trop éloigné du terrain. Mais ce n'est pas sa vocation. Gaston Defferre insistait, au contraire, sur le fait que la décentralisation devait s'accompagner d'un Etat fort. Or un Etat fort, c'est un Etat déconcentré, qui a les moyens de la déconcentration, et donc les moyens pour être proche du terrain.

Systématiquement, vous posez comme postulat le fait que l'Etat est trop éloigné et, bien sûr, à partir de là, vous avez tendance à vous délester complétement des politiques régaliennes. C'est une conception fondamentalement différente de la nôtre, et elle justifie notre opposition à l'ensemble du projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest. Bref, vous êtes contre la décentralisation !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Il ne faut pas confondre !

Lorsque M. Peyronnet dit : « Il faut un Etat fort », nous sommes tous d'accord. La mesure proposée ne va d'ailleurs pas du tout à l'encontre de cette affirmation. Elle vise simplement à opérer un bon partage des responsabilités.

Le département a déjà toute compétence dans le domaine des mesures civiles à caractère administratif. L'Etat, aujourd'hui, suit les mesures civiles adoptées par le juge et il garde la plénitude de sa compétence dans le domaine pénal.

L'expérimentation qui est proposée vise simplement à faire en sorte que toutes les mesures à caractère civil, qu'elles soient de nature judiciaire ou administrative, soient gérées de la même façon et que l'Etat conserve ses compétences dans le domaine pénal.

C'est de la bonne administration puisque ce sont les mêmes associations, les mêmes travailleurs sociaux, qui font le même travail. Notre objectif est simplement de vérifier s'il ne serait pas plus efficace de confier à une seule autorité administrative la responsabilité des mesures à caractère civil, l'Etat conservant la plénitude de sa compétence en matiére pénale. (M. Jean-Claude Peyronnet s'exclame.)

Monsieur Peyronnet, les mineurs étrangers en situation irrégulière relèvent, pour leur nourriture quotidienne, du département. Pour ce qui est de leur situation au regard de la loi pénale, ils relèvent en revanche de l'Etat. C'est tout à fait normal.

Il s'agit là d'un bon partage. Cette expérimentation va dans le bon sens. Elle ne fait que renforcer l'Etat dans son rôle régalien et elle laisse au département la plénitude de sa compétence dans le domaine de l'aide sociale à l'enfance. C'est ainsi qu'il faut interpréter la mesure qui nous est proposée.

MM. Jean-Jacques Hyest et Gérard Longuet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 713 et 873.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 1261.

M. Michel Charasse. Monsieur le rapporteur, nous recherchons un objectif identique. De ce point de vue, il n'y a pas de discordance entre la démarche des auteurs de l'amendement n° 1261 et celle de la commission. Ce sont les modalités de la fin de l'expérimentation qui diffèrent.

Monsieur le rapporteur, je crois que, malgré leur qualité, les amendements que nous venons de voter ne règlent pas le problème. Pour sa part, mon groupe propose une intervention du Parlement avant l'expiration du délai.

Nous sommes dans le domaine des mesures judiciaires qui concernent l'enfance et les mineurs et la question est la suivante : est-ce que le couperet tombe à partir du moment où le terme est atteint si le Parlement n'a rien dit avant ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui !

M. Michel Charasse. Les mesures s'arrêtent donc automatiquement. Croyez-vous que ce soit réalisable dans la pratique ? Imaginez-vous que les mesures prescrites par le président du conseil général puissent subitement arrêter de produire leurs effets ? Et que se passe-t-il si l'Etat n'a pas pris la mesure des choses et prévu les moyens nécessaires ?

Monsieur le ministre, cet article 48, qui résulte peut-être d'une rédaction conjointe du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice, dispose que, malgré le transfert de compétences, l'Etat peut toujours continuer à gérer les dossiers en cours. Cela implique que, lors du passage du système actuel - compétence de l'Etat - au système futur - compétence du département -, l'Etat pourra continuer à gérer les dossiers en cours jusqu'à leur terme. En revanche, rien n'indique clairement que le département est autorisé à poursuivre jusqu'à leur terme les mesures qu'il a engagées.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais si !

M. Michel Charasse. Non, ce n'est pas prévu !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est pareil, cela ne change rien !

M. Michel Charasse. Une disposition concerne le sens Etat-département, mais aucune le sens département-Etat. Cela implique, mes chers collègues, que le jour où l'expérimentation s'arrête, il y a un transfert brutal à l'Etat.

Si l'Etat n'est pas en mesure d'assurer cette tâche immédiatement, le président du conseil général va continuer à titre temporaire à régler les problèmes jusqu'à ce que l'Etat reprenne la chose en main.

Mais nous sommes dans le domaine de l'application des mesures judiciaires qui touchent à la personne. Cette intervention du président du conseil général au-delà du délai, c'est-à-dire pendant une période où il n'a plus le droit d'exercer cette mission, ne risque-t-elle pas de le conduire à mettre en jeu sa responsabilité ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Charasse, dans votre amendement, vous prévoyez la même chose que la commission !

M. Michel Charasse. Non, parce que notre amendement dispose : « Il est mis fin de plein droit à l'expérimentation, sauf si la loi en décide autrement. »

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et pour les mesures en cours, que se passe-t-il ?

M. Michel Charasse. Cela veut dire, mes chers collègues, que le Gouvernement sera obligé de demander au Parlement de légiférer. C'est tout simple. C'est logique aussi parce que le ministère de la justice va s'affoler. Pour lui, il ne faut pas que les mesures s'arrêtent.

Avec le système de la commission, au contraire, rien n'est prévu. Pourtant, chacun connaît très bien la lenteur de l'administration, et je ne parle pas du ministère de la justice, qui n'est pas celui qui se précipite le plus.

Si seuls les préfets s'occupaient de ce genre de choses, je serais plutôt rassuré, monsieur Devedjian, mais ce n'est pas le cas. Ce n'est donc pas si simple.

Monsieur le ministre, ma question est simple : que se passe-t-il si rien n'est fait au-delà de la date d'autorisation ? Le président du conseil général pourra-t-il continuer, à titre transitoire, à suivre les dossiers, alors que la loi ne le prévoit pas pour lui, alors qu'elle prévoit, en revanche, que l'Etat pourra continuer, à titre transitoire, à instruire les dossiers en cours ?

Tout cela n'est pas clair et l'amendement n° 1261 au moins l'avantage de garantir une intervention obligatoire du législateur avant le terme.

Monsieur le rapporteur, je ne veux pas vous embêter indéfiniment avec ce genre de considérations si vous me dites que l'effet de l'amendement de la commission est bien le même,...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Oui !

M. Michel Charasse. ... si vous me dites que le législateur est obligé d'intervenir et qu'aucun président de conseil général ne se trouvera en situation de devoir, par simple humanité, poursuivre l'action au-delà du jour où il est autorisé à le faire, c'est-à-dire dans une période où il n'est pas autorisé, en prenant des risques, à titre personnel,...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Absolument !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est comme aujourd'hui !

M. Michel Charasse. ... nous ne serons pas plus royalistes que le roi, et nous n'insisterons pas.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est oui, alors n'insistez pas !

M. Michel Charasse. Je pose une question précise.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Et la réponse est « oui » !

M. Michel Charasse. Un président de conseil général qui poursuit son action au-delà de la date prévue n'encourt pénalement aucun risque ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Non !

M. Michel Charasse. C'est écrit où ? C'est vous qui le dites, mais le juge peut avoir une autre appréciation !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il ne court pas plus de risques qu'aujourd'hui. Actuellement, le département exerce un certain nombre de responsabilités !

M. Michel Charasse. Oui, mais pas celles qui sont prévues à l'article 48 ! Je suis sceptique.

Tout ce que je souhaiterais, monsieur le président, même si nous contestons la mesure sur le fond, ce qui est un autre problème, c'est que le texte issu de nos travaux soit juridiquement tellement bien « léché » qu'il ne donne lieu ni à chicaneries ni à risques.

Le problème est posé. Le Sénat tranchera. Il n'empêche que je considère, monsieur le rapporteur, qu'il conviendrait de nous dire pourquoi il est prévu que l'Etat peut continuer, même au moment où le département est compétent, et pourquoi rien n'est prévu dans le cas inverse. La navette pourrait-elle remédier à cela ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Tout d'abord, l'amendement n° 1261 a exactement la même consistance et les mêmes conséquences que celui que nous avons présenté, c'est pourquoi je me suis permis de dire qu'il était satisfait.

Ensuite, le problème peut effectivement se poser à l'issue de l'expérimentation, mais j'ai répondu à votre souci, monsieur Charasse, en donnant une date précise de début et de fin.

L'expérimentation confie à l'ASE le monopole du placement. A la fin de l'expérimentaion, il n'y a plus de monopole, c'est la seule différence.

Par conséquent, le département - à supposer que des mesures très détaillées ne soient pas explicitementprises - pourra continuer, concurremment avec d'autres, à faire des placements, et je parle sous le contrôle de M. le ministre. (M. le ministre opine.)

Vraiment, monsieur Charasse, je ne comprends pas pourquoi ce débat dure si longtemps alors que nous sommes d'accord.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je voudrais apporter une simple précision pour apaiser les scrupules juridiques de M. Charasse.

Le support juridique de la mesure, ce n'est pas la loi, c'est la décision du juge, la mesure judiciaire elle-même, l'ordonnance de placement prise par le juge ! Il ne s'agit donc que d'une mesure d'exécution !

M. Michel Charasse. Oui, mais l'exécutant !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. L'amendement en discussion est vraiment tout à fait technique : il vise à garantir une sécurité juridique au président du conseil général et il n'a pas d'implications politiques, nous semble-t-il.

En réalité, si le Gouvernement et sa majorité ne se préoccupent pas du terme, c'est parce que, au fond, ils sont persuadés que l'expérimentation n'est pas réversible et qu'ils ont la quasi-certitude que le système sera pérennisé. Je suis d'ailleurs persuadé que c'est ce qui devrait se passer.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, ne pourrions-nous pas aligner la procédure de l'expérimentation dont nous discutons sur celle que nous avons votée récemment avec le texte sur l'expérimentation, qui prévoit d'ailleurs des durées d'expérimentation plus longues, de cinq ans, avec la possibilité de prolonger d'un an et avec le dépôt d'un rapport annuel ? Dans ce cas, les préoccupations de M. Charasse seraient parfaitement résolues !

Est-il nécessaire d'instaurer un régime dérogatoire à l'expérimentation, alors que nous venons de voter un texte sur ce sujet ? Mais peut-être ai-je raté une marche dans l'escalier !

M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Je suis président de l'association des maires de mon département, je suis trésorier de l'Association des maires de France, à ce double titre, je vois passer sans arrêt des cas de mise en cause d'élus pour moins que cela ! Par conséquent, mon souci est un souci de précaution.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le paragraphe VI de l'article 48 dispose que les mesures en question « ne font pas obstacle à ce qu'un service de l'Etat ou une association assure, jusqu'à son terme, une mesure en cours ». S'il pouvait être prévu, à l'occasion de la navette, que cette disposition s'applique aussi au département et à son service d'aide à l'enfance, la préoccupation que j'ai exprimée serait satisfaite, au moins au regard de la couverture de la responsabilité du président du conseil général.

Vous comprenez ce que je veux dire. Pourquoi dans un sens et pas dans l'autre ?

Monsieur le président, je n'insiste pas plus : le Sénat va se prononcer sur l'amendement n° 1261, que je maintiens. Néanmoins, puisque l'article 48 est modifié par des amendements de la commission des lois, qui répondent en partie aux préoccupations de mon groupe, je souhaiterais vivement que la navette soit mise à profit pour que ce point particulier soit examiné et qu'on tente de rassurer les élus départementaux. (M. le rapporteur acquiesce.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1261.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 48, modifié.

(L'article 48 est adopté.)