Articles additionnels après l'article 8

Art. 8
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 9

M. le président. L'amendement n° I-206, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Au 1 du I de l'article 167 bis du code général des impôts, les mots : "hors de France" sont remplacés par les mots : "hors de l'Union européenne".

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Cet amendement concerne la transmission anticipée du patrimoine professionnel aux enfants, que nous avons toujours cherché à encourager. Que les futurs détenteurs de l'entreprise commencent par aller enrichir leur expérience professionnelle à l'étranger est évidemment excellent. Cependant, ils en sont plutôt dissuadés. En effet, lors du transfert de leur domicile fiscal hors de France, les impôts sur les plus-values latentes des biens professionnels sont dus alors que ces biens ne sont pas destinés à être vendus, ce qui est un peu paradoxal. Cela semble contraire au principe de non-taxation des revenus latents qui ne correspondent à aucune opération économique effective puisqu'il n'y a pas de vente.

Par ailleurs, plus grave encore, cette disposition semble contraire au traité de Rome, ce que la Cour de Luxembourg devrait confirmer très prochainement, dans la mesure où elle constitue un obstacle à la libre circulation des hommes et des capitaux dans l'Union européenne.

Il est donc proposé d'abroger cette disposition pour les personnes transférant leur domicile fiscal dans un autre pays de l'Union européenne, et uniquement dans ce cas, sans attendre la décision de la Cour de Luxembourg.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais compléter en quelques mots ce qui vient d'être dit tout à fait pertinemment.

C'est le précédent gouvernement qui avait mis en place une exit tax sur les plus-values latentes, taxe à laquelle est assujetti un redevable qui transfère son domicile fiscal hors de France. D'ailleurs, à l'époque, ici même au Sénat, Alain Lambert s'en souvient, nous nous étions élevés contre cette taxe qui frappe des plus-values latentes, et nous avions considéré que cette façon de procéder était très critiquable. Force est de constater que, depuis, cette mesure n'a pas arrêté les transferts de capitaux.

En ce qui concerne les aspects liés au droit, le Conseil d'Etat a saisi, le 14 décembre 2001, la Cour de justice des communautés européennes à titre préjudiciel sur le nouvel article 167 bis du code général des impôts. Une difficulté sérieuse est apparue en termes de compatibilité avec le traité de Rome et les textes en vigueur au sein de l'Union européenne. La question qui se pose est la suivante : le principe de la liberté d'établissement s'oppose-t-il à l'instauration, par un Etat membre, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, d'un mécanisme d'imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal ?

Il semble bien, d'après les informations parues à ce sujet, que la Cour de justice des communautés européennes soit en passe de juger que ledit mécanisme est contraire au traité de Rome. C'est pourquoi la commission a estimé que l'amendement de Denis Badré était tout à fait opportun et que son adoption serait une bonne anticipation sur une jurisprudence européenne très vraisemblable. Nous y sommes donc favorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Le dispositif que Denis Badré souhaite supprimer fait en effet l'objet d'un contentieux européen. En l'absence d'harmonisation des régimes d'imposition des plus-values à l'intérieur de la Communauté européenne, il est apparu nécessaire de nous prémunir contre certains facteurs de compétition fiscale qui peuvent être dommageables à notre pays. D'ailleurs, d'autres Etats, membres ou non de l'Union européenne, partagent sur ce point nos préoccupations et ont mis en place des dispositifs plus ou moins équivalents. C'est sur ces bases que s'organise la concertation au niveau européen pour essayer d'aligner nos législations en la matière.

L'arrêt de la Cour européenne est désormais imminent et, comme le disait M. le rapporteur général, il va en quelque sorte constituer le point de départ de la réflexion qui doit être menée pour élaborer le dispositif fiscal le plus approprié. Il peut d'ailleurs nous ouvrir des pistes sur des mesures alternatives qui pourraient être adoptées en conformité avec les pratiques de nos voisins.

Je ferai simplement observer à la Haute Assemblée qu'en supprimant purement et simplement ce dispositif, à la veille de la décision de la Cour de justice, nous n'aurons plus aucun moyen d'empêcher ces agissements. Je me demande donc, monsieur le sénateur, s'il est bien opportun aujourd'hui de se désarmer totalement. Ne devrions-nous pas nous donner rendez-vous dès le lendemain de la publication de cette décision pour adopter un dispositif approprié ?

Telles sont les raisons, monsieur Badré, qui me conduisent à vous demander de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° I-206 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Il est certain que la Cour de justice des communautés européennes nous donnera raison. Je pense que le fait non pas de plaider coupable mais d'admettre qu'un problème se pose et de dire que nous souhaitons nous mettre en conformité avec la législation européenne va dans le bon sens.

Par ailleurs, prendre acte du fait que la libre circulation à l'intérieur de l'Hexagone s'étend maintenant à l'Union européenne n'est pas choquant en soi. Cet amendement ne dit rien d'autre ; ce qui était valable en France est désormais valable dans l'Union européenne, personne ne peut le contester.

Je ne suis pas entièrement convaincu par l'argumentation de M. le ministre. S'il faut améliorer l'amendement, nous le ferons, mais j'aimerais que M. le rapporteur général nous livre son analyse personnelle. En effet, si M. le ministre soulève un problème réel, celui-ci m'échappe un peu pour le moment.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque M. Badré m'y invite, je reprends bien volontiers la parole. Je maintiens mon précédent propos, mais peut-être est-il souhaitable de mieux s'informer de la procédure communautaire en cours devant la Cour de justice. Cette procédure n'aboutira sans doute pas avant le début de l'année 2004, c'est-à-dire qu'elle ne sera achevée qu'après le vote du projet de loi de finances.

Peut-être la concertation nécessaire avec M. le ministre et ses collaborateurs pourrait-elle avoir lieu d'ici à l'examen du projet loi de finances rectificative de fin d'année, ce qui offre un délai de quelques semaines.

M. Michel Charasse. Voilà qui serait sage !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela nous permettrait de mieux comprendre le cheminement de la procédure communautaire. Sans rien modifier de notre approche sur le fond, nous serions en mesure de concevoir un texte consensuel. Si M. le ministre voulait bien accepter de s'engager dans cette démarche, je suggèrerais à M. Badré de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Le Gouvernement répond-il à cet appel ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Badré ?

M. Denis Badré. Si M. le ministre s'engage et si M. le rapporteur général m'invite à retirer mon amendement, je ne peux que m'incliner, comme je le fais toujours de manière disciplinée. Cela étant, je n'ai toujours pas très bien compris - mais ce n'est pas grave, car j'aurais le temps de le comprendre d'ici au collectif budgétaire - en quoi le fait de reconnaître que nous sommes en infraction peut modifier le jugement de la Cour de justice ou l'attitude de quiconque. Vraiment, je ne vois pas en quoi c'est gênant, mais je retire mon amendement !

M. le président. L'amendement n° I-206 est retiré.

L'amendement n° I-133, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le premier alinéa de l'article 795 du code général des impôts est complété par les mots : "sous réserve de leur publication au Journal officiel ". »

La parole est à M. Michel Sergent.

M. Michel Sergent. Par cet amendement, nous proposons de calquer le régime de la publicité en matière de donations sur celui qui existe déjà en matière de successions supposées en déshérence.

L'obligation de publicité ainsi instituée permettrait aux héritiers de s'opposer plus facilement aux tentatives de captation d'héritage.

En effet, chaque famille victime d'une captation est isolée et se voit, au moment du décès du donateur, opposer les délais de prescription. Une publicité préalable figurant au Journal officiel comme pour les successions supposées en déshérence permettrait aux familles de rompre leur isolement et de mettre ainsi plus facilement en évidence les manoeuvres de captation, quand elles sont détectables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n'est pas favorable à cet amendement qui, me semble-t-il, avait déjà été présenté l'an dernier. Nous avions alors indiqué que, compte tenu du luxe d'informations que cette disposition impliquait, nous croulerions sous le poids du Journal officiel.

Plus fondamentalement, les dispositions prises en matière de dons et legs méritent un plein respect dont la confidentialité est une composante. Nous savons bien, les uns et les autres, que des donations, des testaments peuvent être sollicités : c'est vieux comme le monde, c'est vieux comme les testaments, n'est-ce pas, monsieur le ministre ? (M. le ministre sourit.)

Pour autant, faut-il en venir à une obligation de publicité applicable erga omnes qui changerait véritablement le droit successoral et qui conduirait sans doute aussi des testateurs en pleine possession de leurs moyens, avec des intentions parfaitement claires, à se refuser à les transcrire dans un acte par crainte de réactions publiques ou de pression sociale sur leur famille ?

Cela ne paraît pas souhaitable à la commission des finances et, sous réserve de l'avis du Gouvernement, elle se prononce contre cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Cet amendement a l'avantage d'ouvrir un débat sur la question des successions en déshérence. Je veux bien entendre toutes les indications que donne M. le rapporteur général sur les problèmes de confidentialité, mais il faut savoir que de très nombreuses communes, notamment rurales, sont confrontées à des problèmes de successions en déshérence. Il existe en effet des immeubles abandonnés qui menacent ruine, pour lesquels le maire peut être obligé de prendre un arrêté de péril puis de faire réaliser des travaux de démolition provisoirement aux frais de la commune alors que la succession n'est toujours pas réglée. Un beau jour, elle est en déshérence, le tribunal ayant décidé qu'il n'y avait pas d'héritier, mais la commune n'en sait rien !

Je ne connais pas le sort qui sera réservé à l'amendement déposé par mes amis et moi-même, mais je voudrais appeler l'attention de M. le ministre sur le point suivant : il faudrait au moins que les maires soient informés parce qu'ils ont les plus grandes difficultés à récupérer les fonds avancés par le contribuable communal lorsqu'il y a des travaux urgents à réaliser pour éviter un accident dramatique si un immeuble ancien, abandonné depuis quinze, vingt ans ou plus s'effondre sur la voie publique. Ils sont obligés d'aller à la pêche aux renseignements au tribunal, aux services du domaine, aux services fiscaux, à la préfecture, etc. C'est un véritable parcours du combattant !

Pour aller dans le sens du rapporteur général, ces données pourraient être confidentielles. Après tout, nous traitons actuellement des fiches de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE et des dossiers d'aide sociale qui sont confidentiels. Aucune fuite ne s'est jamais produite dans une commune sur des dossiers touchant au droit des personnes et aux situations individuelles.

Si vous pouviez au moins, monsieur le ministre, ne serait-ce que par une circulaire, prescrire aux services concernés d'informer systématiquement les maires sous réserve qu'ils ne rendent pas l'information publique, cela permettrait aux communes de sortir de situations inextricables.

Je vis actuellement une telle situation dans ma commune avec deux successions qui sont à l'abandon. Il a fallu que j'aille à la pêche aux renseignements pendant deux ans ! J'ai été obligé de faire réaliser des travaux de démolition d'un immeuble après avoir pris un arrêté de péril avec un affichage indiquant qu'il n'y avait pas de propriétaire, etc. De grâce, faites que nous soyons informés !

Or, l'amendement de M. Miquel et de ses amis visait non seulement l'information des héritiers pour éviter les captations, mais également l'information des tiers ayant intérêt à connaître et, parmi ceux-ci, monsieur le ministre, figurent d'abord la collectivité publique, la collectivité locale et, notamment, la commune.

M. Michel Sergent. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Le dispositif qui est proposé par cet amendement est trop lourd, comme nous l'avions indiqué l'année dernière lors de ce débat. Il viserait finalement à faire figurer au Journal officiel une annexe contenant des informations qui, pour la quasi-totalité d'entre elles, sont purement privées, ce qui ne garantirait d'ailleurs pas que les familles ayant subi une captation d'héritage en aient connaissance. Soyons lucides, personne ne lit chaque jour le Journal officiel !

Comme le rapporteur général, je comprends votre préoccupation, mais il faut que l'outil choisi soit adapté. Or la solution préconisée par l'amendement n'est pas parfaite. Je suis donc conduit à vous demander de le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

J'en viens à la question soulevée par Michel Charasse, que ceux d'entre nous qui exerçent des fonctions locales connaissent bien. Disons-le franchement, il nous faut absolument accélérer le traitement des successions en déshérence.

Je vous promets, monsieur le sénateur, de faire le point avec le service des domaines qui est en charge de ces questions afin de donner plus d'efficacité à la gestion de ces successions. Je signalerai le souhait que vous avez émis que le maire de la commune où se trouvent les biens abandonnés soit prévenu pour que les nuisances dont vous avez parlé puissent être allégées autant que possible.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je veux apporter un élément d'information complémentaire à ce débat. Nous entendrons le 4 décembre prochain, en séance publique, notre collègue Bernard Angels, rapporteur spécial des crédits des services financiers. Dans ce cadre, notre collègue a réalisé un contrôle du service compétent au sein du service des domaines ; il aura donc des éléments à nous présenter dans son rapport.

Nous pourrons ainsi encore mieux appréhender la réalité administrative. Car l'an dernier, si vous vous en souvenez, mes chers collègues, nous avions déjà traité de ce problème et adopté un amendement de M. Gaillard affectant à la Fondation du patrimoine une quote-part des produits de cession desdites successions en déshérence.

M. Michel Charasse. Fixée par un décret qui n'est toujours pas paru !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme le dit très justement Michel Charasse, nous attendons le décret d'application. En effet, lorsqu'une solution qui nous semble bonne a été trouvée, nous veillons à ce qu'elle aille jusqu'au bout. La Fondation du patrimoine a besoin de cet argent pour disposer d'une visibilité suffisante dans ses actions, et le Sénat attache évidemment une grande importance à la mise en oeuvre pratique du dispositif proposé par M. Gaillard.

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.

M. Yann Gaillard. Je n'ai pas eu le temps de me concerter avec notre rapporteur général, mais je voudrais vous faire part d'informations tout à fait récentes. D'une part, nous avons tous pu nous rendre compte que la loi de finances rectificative ouvrait 3,5 millions d'euros au titre des recettes de la Fondation du patrimoine, ce qui n'a d'ailleurs pas échappé à l'attention du questeur Charasse qui m'a fait remarquer que j'étais « budgétivore » !

M. Michel Charasse. C'était amical !

M. Yann Gaillard. D'autre part, le décret sera examiné mardi prochain par le Conseil d'Etat. Il semble qu'une erreur administrative ait provoqué ce retard, malgré la bonne volonté du Gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Michel Charasse. Cela s'applique à compter du 1er janvier 2003 !

M. le président. Monsieur Sergent, l'amendement n° I-133 est-il maintenu ?

M. Michel Sergent. J'ai écouté avec attention les explications de M. le rapporteur général et de M. le ministre. Il est vrai que la publication au Journal officiel peut paraître astreignante, même si cette publicité existe déjà en matière de succession.

M. Michel Charasse. Ou de changement de nom !

M. Michel Sergent. Certes, chacun est censé prendre connaissance du Journal officiel, mais nous savons bien que c'est impossible.

Puisque M. le ministre nous sollicite, nous retirons cet amendement. Nous faisons ainsi preuve de bienveillance et nous ne doutons pas que, à l'occasion d'un prochain amendement, il en fasse de même à notre égard ! (M. le ministre délégué sourit.)

M. le président. L'amendement n° I-133 est retiré.

L'amendement n° I-109, présenté par MM. Mathieu, Faure et Charasse, est ainsi libellé :

« Après l'article 4 sexies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 795 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 13° les libéralités versées par les assemblées parlementaires afin de favoriser la recherche universitaire. »

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Le sous-amendement n° I-273, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Marc, Angels et Auban, est ainsi libellé :

« I. - Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° I-109 pour le 13° de l'article 795 du code général des impôts, après les mots : "assemblées parlementaires", insérer les mots : "ou les collectivités territoriales" ;

« II. - Dans le II de l'amendement n° I-109, remplacer les mots : "des dispositions du I ci-dessus" par les mots : "des dispositions concernant les assemblées parlementaires et les collectivités territoriales définies au I ci-dessus." »

La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° I-109.

M. Michel Charasse. Cet amendement est suggéré par les questeurs du Sénat à la suite d'un différend survenu dans une université, celle de Nancy pour ne pas la nommer, quant aux modalités d'application de l'arrêté du bureau du Sénat n° 2001-254 relatif aux versements aux universités d'aides à la recherche en matière de sciences politiques, notamment sur le bicaméralisme, la seconde chambre, etc.

Un agent comptable d'une université - cela n'a pas été le cas partout, car seules deux ou trois aides de cette nature sont octroyées chaque année - a soulevé la question de l'imposition. Les recherches réalisées par les services du Sénat n'ont pas conclu au caractère imposable de ces sommes. C'est donc pour sortir de cette ambiguïté et de cette difficulté - cette aide à la recherche ne pouvant être assimilée à des bourses d'étude comme il en existe dans le droit commun -, que vos questeurs ont suggéré cet amendement.

Mais, si nous avons été conduits, MM. Mathieu, Faure et moi-même, à déposer cet amendement, c'est parce que nous avions interrogé l'administration qui avait tardé à nous répondre ; or la réponse de l'administration est arrivée le jour du dépôt de notre amendement.

Cette réponse ne nous donne pas satisfaction, mais elle nous indique que le sujet est actuellement en cours d'examen au ministère du budget et qu'une solution devrait être trouvée, la qualification de cette aide à la recherche ne relevant pas du tout du cadre habituel des allocations de recherche que l'on accorde habituellement aux étudiants. Par conséquent, le ministre nous fera connaître bientôt la qualification exacte de l'aide résultant de la décision du bureau du Sénat, afin qu'elle ne donne pas lieu à une imposition, ce qui aboutirait à une situation tout à fait anormale.

Monsieur le président, je ne pense pas qu'il y ait lieu de maintenir l'amendement des questeurs puisque le Gouvernement s'est engagé à trouver une solution administrative permettant de régler le problème.

Par conséquent, je retire l'amendement n° I-109.

M. le président. L'amendement n° I-109 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° I-273 n'a plus d'objet.

Art. additionnels après l'art. 8
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. additionnels après l'art. 9

Article 9

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Avant l'article 796, il est inséré un article 796-0 ainsi rédigé :

« Art. 796-0. - Sont exonérées de droits de mutation par décès les personnes dispensées de dépôt de déclaration de succession en application des dispositions de l'article 800. » ;

2° L'article 800 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa du I, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« En sont dispensés :

« 1° Les ayants cause en ligne directe et le conjoint survivant du défunt lorsque l'actif brut successoral est inférieur à 10 000 EUR ;

« 2° Les personnes autres que celles visées au 1° lorsque l'actif brut successoral est inférieur à 3 000 EUR. » ;

b) Au dernier alinéa du I, le mot : « Toutefois, » est supprimé ;

c) Au II, les mots : « lorsque l'actif brut successoral atteint 760 EUR » sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-134 rectifié, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« A. - A la fin des deuxième et troisième alinéas (1° et 2°) du texte proposé par le a du 2° de cet article pour modifier l'article 800 du code général des impôts, remplacer respectivement les sommes : "10 000 euros et 3 000 euros" par les sommes : "15 000 euros et 5 000 euros".

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant de l'augmentation du plafond pour les déclarations des successions est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° I-61, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« I. - A la fin du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le a du 2° de cet article pour modifier l'article 800 du code général des impôts, remplacer la somme : "10 000 euros" par la somme : "15 000 euros".

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de la dispense de déclaration par les héritiers lorsque l'actif brut successoral est inférieur à 15 000 euros sont compensées à due concurrence par le relèvement des taux fixés au III bis de l'article 125 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° I-134 rectifié.

M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à augmenter les plafonds qui sont proposés pour les déclarations relatives aux successions modestes.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-61.

M. Thierry Foucaud. L'article 9 du projet de loi s'apparente clairement à une compensation minime des dispositions prises précédemment en matière de fiscalité du patrimoine. Cela fait penser au pâté d'alouette : un cheval, une alouette !

A l'article 5, on a créé les conditions d'une réduction très importante à moyen terme des recettes de l'Etat liées à l'activation du marché immobilier, puisque le gain de trésorerie de la première année d'application sera largement compensé par la moins-value opérée sur la taxation des plus-values immobilières.

A l'article 7, on a créé une mesure rapportant initialement 100 millions d'euros, lesquels seront rapidement consommés, eux aussi, par l'activation du marché.

A l'article 8, la proposition du Gouvernement est évaluée à 100 millions d'euros, alors que celle de la commission est estimée à 180 millions d'euros. Monsieur le rapporteur général, à force de diminuer les recettes de l'Etat, vous qui parlez d'archéologie devrez vous creuser pour trouver de l'or.

Or, à l'article 9, voici qu'est abordée la question des petites successions et qu'est proposée une dispense d'acte pour les faibles actifs successoraux. Cette mesure coûtera 2 millions d'euros. Et n'oublions pas le débat à venir sur l'impôt de solidarité sur la fortune déjà largement entamé par la loi Dutreil sur l'initiative économique, impôt que notre rapporteur général nous propose, ainsi que nous le verrons bientôt, de réduire encore.

En clair, nous sont soumises, dans ce projet de loi de finances, des dispositions étendues dans le domaine de la fiscalité du patrimoine rompant assez nettement avec les principes d'égalité devant l'impôt qui devraient nous inspirer. M. le rapporteur général regrette pour sa part que les dispositions mises en oeuvre ne soient pas à la hauteur de ses espérances, mais ce n'est pas fait pour nous surprendre.

Souvenons-nous, à ce stade de la discussion, que la mesure préconisée à l'article 9 mérite incontestablement d'être améliorée. Tel est le sens de cet amendement, qui vise à étendre le champ et le nombre des successions dispensées de déclaration. J'espère, monsieur le rapporteur général, que vous pousserez un peu plus loin la réflexion en ce sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque vous m'invitez à pousser plus loin la réflexion, je le fais bien volontiers, mon cher collègue, et je vous citerai à cet égard un rapport d'information récent de notre commission intitulé : Successions et donations des mutations nécessaires. M. le ministre délégué en a pris connaissance en son temps.

Les marges de manoeuvre actuelles ne permettent pas de tout faire, mais sans doute faut-il rappeler la nécessité d'une vraie réforme des droits de succession dans notre pays. Nous avons en effet atteint la limite de ce qu'il est possible de faire par des mesures ponctuelles. Maintenant, nous devons être capables d'embrasser l'ensemble du problème, de simplifier le barème et de traiter de façon plus équitable les petites ou moyennes successions, y compris au bénéfice de parents collatéraux ou de personnes éloignées, afin de moderniser notre approche des transmissions à titre gratuit.

Dans le projet de loi de finances pour 2004, monsieur le ministre, vous avez posé des jalons utiles par des mesures de préparation des transmissions que nous avons adoptées. Dès lors, il va bien falloir en venir au coeur même de la question, c'est-à-dire au barème des droits de succession.

Si la commission a émis un avis défavorable sur les initiatives de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste, c'est parce que leur vision lui semblait beaucoup trop parcellaire. Elle estime qu'il conviendrait de définir une orientation ainsi que des objectifs en matière de fiscalité sur le patrimoine, même si nous ne sommes pas en mesure, compte tenu des moyens budgétaires dont nous disposons, de proposer des mesures très significatives.

Mais l'orientation, le sens donné à la politique, la fixation d'objectifs doivent pouvoir revêtir pour l'opinion une grande force.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je tiens préalablement à remercier M. le rapporteur général de la hauteur de vue qu'il a conférée au débat relatif à la législation sur la fiscalité du patrimoine. J'avais, il est vrai, fait part l'année dernière de mon espoir et de ma volonté - mais la Haute Assemblée est un lieu où l'on se parle très franchement - de présenter une vraie réforme de la fiscalité du patrimoine dans ce projet de loi de finances pour 2004.

Les circonstances économiques ne nous ont pas permis de disposer de toutes les marges de manoeuvre nécessaires pour y parvenir. Néanmoins, comme M. le rapporteur général vient de le dire, nous avons posé des jalons qui indiquent clairement le cap à atteindre. Il faudra saisir les premiers fruits de la reprise et élaborer une fiscalité du patrimoine, même programmée dans le temps, mais qui donne de la visibilité. C'est vraiment nécessaire !

S'agissant des amendements eux-mêmes, l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Au fond, dites-vous, puisque vous allez simplifier la vie de soixante-dix mille déclarants, ne pourriez-vous pas faciliter celle de plusieurs milliers de déclarants supplémentaires en relevant le seuil à partir duquel on doit déposer les déclarations de succession ?

Méfions-nous de cet objectif. En effet, dans un premier temps, il pourrait faire oublier à ces contribuables qu'ils peuvent être redevables du dépôt de cette déclaration au motif de donations antérieures qui leur ont été consenties. Car, pour liquider les droits de succession, il faut non pas se limiter aux biens détenus par la personne qui décède, mais rapporter à la succession les biens qui ont été donnés antérieurement. C'est pourquoi, dans un premier temps, nous avons fixé les montants qui figurent dans le projet de loi de finances. Je vous propose d'observer ce que cela donnera.

Par souci de simplification, nous serons peut-être conduits dès l'année prochaine, à relever encore le seuil. Mais il serait imprudent de le placer trop haut dans un premier temps, car des contribuables de très bonne foi pourraient ne pas déposer leur déclaration de succession, pensant en être exonérés et oubliant tout simplement qu'ils doivent rapporter les donations qui ont été consenties antérieurement.

Je propose donc de ne pas retenir ces amendements, tout en reconnaissant l'idée qui les fonde. Je pense que, dès l'année prochaine, nous pourrons observer les effets du relèvement du seuil qui est prévu dans le présent projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote sur l'amendement n° I-134 rectifié.

M. Gérard Miquel. A l'inverse des mesures qui s'appliquent aux successions plus importantes prévues dans les articles précédents, et dont le coût est élevé, la disposition que nous proposons à l'article 9 du projet de loi de finances concerne des successions modestes et apparaît largement sous-dimensionnée aujourd'hui.

Le Gouvernement se montre généreux envers les plus favorisés, notamment en matière d'impôt sur le revenu et de déductions fiscales de toutes sortes.

L'article 9 prévoit d'exonérer les petites successions jusqu'à 10 000 euros, ce qui nous semble insuffisant et inadapté aux évolutions de la société. Afin de payer les droits de succession, nombre d'héritiers modestes se retrouvent aujourd'hui obligés de vendre des biens qui ne sont en rien somptuaires, mais auxquels ils tiennent, ne serait-ce que sentimentalement.

Pour cette raison, nous proposons au Sénat de faire l'effort de relever les seuils qui sont vraiment très bas. La justice et une certaine décence n'auraient qu'à y gagner.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur Miquel, je souhaite lever une incompréhension : il ne faut pas confondre le seuil à partir duquel nous payons l'impôt et celui à partir duquel il faut déposer la déclaration pour que l'administration fiscale puisse vérifier si l'impôt est dû ou non.

Il n'y a aucune différence de point de vue entre nous sur le seuil à partir duquel il faut payer l'impôt. Ce que vous proposez, c'est de relever le seuil à partir duquel il faut déposer la déclaration. En ligne directe, le contribuable dépose sa déclaration, même lorsqu'il n'est pas imposable. Je vous ai simplement alerté sur le danger qu'il y avait pour le contribuable à ne pas déposer de déclaration, alors qu'il pourrait être imposable. En effet, si, de bonne foi, il ne l'a pas déposée, il peut se trouver ensuite contraint de payer des pénalités.

Je ne voudrais pas que vous nous reprochiez d'être injustes s'agissant de l'impôt, puisque ce qui nous sépare, c'est, je le répète, le seuil de dépôt de la déclaration, et non pas celui de la liquidation de l'impôt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-134 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-61.

M. Thierry Foucaud. Notre amendement a pour objet de réformer les droits de succession d'une autre manière que celle qui est prévue par le projet de loi de finances.

Monsieur le rapporteur général, à chaque fois que l'on parle des « petites gens » - et cette expression n'est pas péjorative, bien au contraire -, vous nous répondez : ce n'est pas possible, il faut revoir la législation, il faut dépoussiérer les textes. Ce ne sont que des leurres ! Arrêtez de vous mettre la tête dans le sable à chaque fois que l'on vous questionne sur les petites gens, notamment au sujet de l'égalité devant l'impôt !

Bien sûr, je rejoins les propos qui ont été tenus voilà quelques instants par mon collègue Gérard Miquel, mais je tenais à donner ces quelques explications.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)