Articles additionnels après l'article 9

Art. 9
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 10

M. le président. L'amendement n° I-99, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I - L'article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 777 - Les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans le tableau ci-après, pour la part nette revenant à chaque ayant droit et ce, quel que soit le lien de parenté :

FRACTION DE PART

nette taxable

TARIF

applicable

N'excédant pas 15 000 EUR0 % Comprise entre 15 000 EUR et 500 000 EUR10 % Comprise entre 50 000 EUR et 1 000 000 EUR20 % Au-delà de 1 000 000 EUR30 %

« II - Le premier alinéa de l'article 777 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« La part nette taxable revenant au partenaire lié au donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil est soumise aux taux de l'article 777.

« III - La perte de recettes résultant des I et II ci-dessus est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-294 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.

L'amendement n° I-248 est présenté par M. Cleach.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Après l'article 789 B du code général des impôts, il est inséré un article 789 C ainsi rédigé :

« Art. 789 C. - Sont exonérés de droits de mutation par décès, à concurrence de la moitié de leur valeur, dans la limite d'un plafond de 100 000 EUR, les immeubles à usage d'habitation principale détenus depuis plus de dix ans lorsque chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de mettre l'immeuble en location sous le régime mentionné aux deuxième et troisième alinéas du e du 1° du I de l'article 31 pour une période minimale de neuf ans.

« L'exonération de droits de mutation par décès est portée aux deux-tiers de la valeur des immeubles, dans la limite d'un plafond de 150 000 EUR, si l'engagement est pris de mettre l'immeuble en location sous le régime mentionné aux cinquième et sixième alinéas du e du 1° du I de l'article 31 pour une période minimale de neuf ans.

« En cas de démembrement de propriété, l'engagement de conservation est signé conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. En cas de réunion de l'usufruit à la nue-propriété, le terme de l'engagement de conservation des titres dont la pleine propriété est reconstituée demeure identique à celui souscrit conjointement. »

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-294.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite rappeler que le Sénat s'est préoccupé, à plusieurs reprises, ces dernières années, des incitations à la construction de logements locatifs privés susceptibles de répondre aux besoins sociaux que nous rencontrons, les uns et les autres, dans nos différents départements.

Une pénurie en matière de logements locatifs existe. L'idée de procéder à un abattement sur les droits de succession, à condition que l'héritier donataire ou légataire s'engage à faire rentrer le logement dans le parc locatif pendant une période longue et avec un loyer maîtrisé, paraît, aux yeux de la commission des finances, une idée féconde.

Au demeurant, il s'agirait non pas de créer un nouveau régime fiscal, mais de compléter un dispositif déjà existant. Je fais référence - vous vous en souvenez certainement fort bien, monsieur le ministre - à la mise en oeuvre, dans le projet de loi de finances rectificative pour 1997, du régime Besson. Nous avions alors adopté un amendement qui prévoyait une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur valeur, pour les immeubles donnés en location pendant neuf ans, dans certaines conditions.

La commission reconnaît que l'initiative qui est prise ici, si elle s'inscrit dans une continuité depuis un certain nombre d'années, revient, en réalité, à notre collègue sénateur de la Sarthe, M. Cléach. Dans un récent rapport d'information sur le logement locatif privé, il a conçu toute une panoplie de mesures, dont celle-ci.

L'abattement dont il est question représentait la moitié de la valeur des immeubles soumis aux droits de succession, avec un plafond de 100 000 euros pour les héritiers ou donataires qui s'engageraient à louer le bien selon le régime fiscal spécifique du logement privé intermédiaire, c'est-à-dire avec des plafonds de ressources et de loyers correspondant au plafond des prêts locatifs intermédiaires, ou PLI.

Cet abattement serait des deux tiers de la valeur des immeubles, avec un plafond de 150 000 euros pour les héritiers ou donataires qui s'engageraient à louer le bien selon le régime du logement privé très social, avec, par conséquent, des plafonds de ressources et de loyers sensiblement plus bas.

Les durées minimales de location exigées - neuf ans - seraient très supérieures aux conditions minimales actuelles, qui sont de six ans pour le logement privé intermédiaire et de trois ans pour le logement privé très social. Cela contribuerait à la constitution d'un parc locatif intermédiaire pérenne.

Tel est, mes chers collègues, l'objet de l'amendement n° I-294.

M. le président. La parole est à M. Marcel-Pierre Cléach, pour présenter l'amendement n° I-248.

M. Marcel-Pierre Cléach. Le rapport d'information que j'ai établi au nom de la commission des affaires économiques a démontré que le parc locatif privé ne joue plus du tout son rôle d'amortissement social. Il venait en complément des aides de l'Etat et du parc HLM. Or ce parc locatif privé disparaît complètement de ce secteur.

C'est la raison pour laquelle cet amendement a été présenté. Mais, compte tenu de la dureté des temps, il ne représente qu'une toute petite partie des nombreuses mesures qu'il serait souhaitable de prendre pour remettre dans le secteur locatif des logements venant du privé, à condition, bien sûr, qu'ils puissent être loués à des loyers maîtrisés et pour des durées suffisamment longues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je me souviens avoir déposé, dans le passé, des amendements qui ressemblaient à s'y méprendre à ceux-là.

Je tiens d'abord à dire combien je suis resté attentif aux questions de logement, ce qui m'a conduit, bien que mon agenda était très chargé, à lire le rapport de M. Cléach, qu'il a eu la gentillesse de m'adresser à titre personnel. J'ai d'ailleurs remarqué qu'il a noté l'ensemble des mesures qui ont déjà été prises, et qui ne sont pas négligeables, pour soutenir le logement.

Nous essayons d'agir, au titre de la fiscalité qui pèse sur le logement, dans le domaine de l'impôt sur le revenu. Là, nous sommes dans celui des droits de mutation par décès. En multipliant les mesures de toute nature, nous ferions perdre de la lisibilité aux différents dispositifs, donc leur efficacité, alors que la dépense fiscale s'additionne.

Je propose à M. le rapporteur général et à M. Cléach d'avoir un vrai rendez-vous avec notre ministère, même si nous ne sommes pas l'interlocuteur naturel, pour faire le point de la situation, d'un point de vue fiscal, à partir du rapport complet d'information qui a été déposé. Cela permettrait de dresser un bilan et d'établir des perspectives au regard de la loi fiscale, afin d'éviter la multiplication de mesures, sans pour autant atteindre des résultats décisifs.

Sous le bénéfice de l'engagement que je prends de travailler avec vous, à partir du rapport d'information, sur un certain nombre de mesures véritablement destinées à atteindre l'objectif fixé, à savoir faire en sorte que les propriétaires d'immeubles anciens puissent continuer à enrichir le parc locatif, je vous demande, monsieur le rapporteur général, monsieur Cléach, de bien vouloir retirer vos amendements.

Nous sommes le seul pays dont le parc locatif dépend aussi massivement du parc locatif social et public.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Il faut absolument que les personnes privées acceptent de conserver dans leur patrimoine des logements et de les mettre sur le marché locatif. C'est indispensable pour l'équilibre de l'offre de logements.

Je demande donc aux auteurs des amendements de me faire confiance. Nous allons examiner dans le détail les dispositions qui sont proposées par M. Cléach. Nous pourrons ensuite, à l'occasion de l'examen d'un prochain projet de loi financier, déterminer ce que nous pouvons faire ensemble.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai cru comprendre que le ministre chargé du logement, M. Gilles de Robien, avait mis en chantier un projet de loi qui sera prochainement finalisé et qui devrait être adopté par le conseil des ministres dans les mois à venir. (M. le ministre fait un signe d'approbation.) Le dispositif que nous examinons devrait normalement s'y insérer. D'ici là, il serait bon, monsieur le ministre, avec la participation de notre collègue M. Cléach, de veiller à la mise au point des mesures que celui-ci recommande et, en particulier, de celles qui sont contenues dans les amendements identiques n°s I-294 et I-248.

Ce serait une bonne méthode pour élaborer une loi sur le logement qui fasse une part suffisante à l'investissement locatif privé et, en particulier, à l'investissement dans le patrimoine existant, car de nombreux intérêts se conjuguent : rénovation urbaine, maintien de la diversité sociale dans les centres villes, capacité d'accueil suffisante pour les personnes qui ont besoin d'être relogées. Les buts sociaux et urbanistiques pourraient être utilement combinés grâce à des mesures de cet ordre.

Bien sûr, la décision de la commission est suspendue à celle de M. Cléach. Je suggère donc à notre collègue que nous donnions suite à la proposition de travail en commun de M. le ministre, afin de parvenir à une loi sur le logement qui prenne bien en compte l'ensemble de nos expériences et de nos propositions.

M. le président. Monsieur Cléach, l'amendement n° I-248 est-il maintenu ?

M. Marcel-Pierre Cléach. Compte tenu des encouragements de M. le rapporteur général, je retire l'amendement, monsieur le président, et je m'en remets aux promesses de M. le ministre, à condition, bien sûr, que ce renvoi à Bercy aille de pair avec le renvoi boulevard Saint-Germain.

M. le rapporteur général a fait état des projets en préparation de M. de Robien. Il faudrait, effectivement, que nous puissions conduire une politique beaucoup plus globale, au lieu d'être obligés, tous les ans, projet de loi de finances après projet de loi de finances, de proposer des « petites » mesures.

M. le président. L'amendement n° I-248 est retiré.

Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-294 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-294 est retiré.

L'amendement n° I-76, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q du code général des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694,10 euros.

« II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :

« Art. 885 U bis. - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'il possède sur la base suivante :

ÉVOLUTION DU RATIO

Masse salariale/valeur ajoutée

POURCENTAGE

Taux d'intégration

Egale ou supérieure à une évolution de 2 points 15 Egale ou supérieure à une évolution de 1 point 35 Egale à 1 50 Entre 1 et - 1 65 Entre - 1 et - 2 85 Entre - 2 et - 3100 Entre - 3 et - 4 et au-delà125

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La question de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est posée de longue date. En effet, pour autant qu'il nous en souvienne, elle remonte à la création même d'un impôt portant sur le patrimoine des plus fortunés.

Force est de constater que l'imagination de nos collègues de la majorité sénatoriale est sans limite - mais cela, nous le savions - dès qu'il s'agit de réduire autant que faire se peut, la peine, même légère, que l'on impose aux plus fortunés de nos compatriotes. Cela s'est vérifié en 1981, lors de la création de l'impôt sur les grandes fortunes, comme en 1988, lors de la création du présent ISF, et cela reste encore vrai aujourd'hui, puisque la loi Dutreil, ou certaines des dispositions préconisées par M. le rapporteur général, sont autant de manifestations de cette « chasse à l'impôt ». Peut-être est-ce parce que les concepts de solidarité et de fortune sont antinomiques...

Revenons cependant à cette question des biens professionnels.

On sait que, dès lors que les actifs professionnels sont exclus de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, cette dernière n'est plus parfaitement représentative de la réalité des patrimoines des particuliers, l'élément « fortune papier » étant minoré au regard des autres éléments constitutifs de la fortune. On sait aussi que les composantes de l'assiette de l'ISF varient au fur et à mesure que l'on s'élève dans les tranches des différents patrimoines imposables, et que l'élément de la propriété immobilière s'efface progressivement au profit de la propriété mobilière.

Pour autant, l'exclusion des actifs professionnels a toujours suscité des interrogations chez les « malheureux » actionnaires minoritaires qui ne jouissaient pas de la faculté laissée à certains de la pratiquer.

On n'ose imaginer ce que pouvaient être, avant la loi Dutreil, certains repas, dans ces grandes familles de la finance, de l'industrie ou du commerce : la discussion devait être bien délicate chaque fois qu'il s'agissait du niveau du dividende permettant aux « pauvres » actionnaires minoritaires de s'acquitter, sans trop de douleur, de leur ISF !

Mais la loi Dutreil a eu vocation à résoudre ce qui aurait pu, à la longue, conduire à des troubles particulièrement graves au sein de ces familles tout à fait respectables.

S'agissant de l'amendement n° I-76, il nous apparaît déterminant qu'un minimum d'égalité de traitement soit ménagé, s'agissant des actifs professionnels. Notre amendement vise donc à inclure les biens professionnels dans la base imposable de l'ISF pour une partie de leur montant et de procéder ensuite à un ajustement de leur valeur liée à l'utilisation que les détenteurs feraient de ces biens.

En clair, si la valorisation des actifs devait découler de la mise en oeuvre de plans sociaux, de licenciements ou de régressions salariales et sociales, la valeur prise en compte serait, bien sûr, relevée en proportion dans le cas contraire, la modulation interviendrait à la baisse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais faire remarquer à nos collègues du groupe CRC que leur approche n'est pas conciliable avec celle de la majorité de la commission.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien sûr !

M. Thierry Foucaud. Ce n'est pas une surprise !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous estimons, vous le savez, qu'une telle proposition nuirait à l'attractivité du territoire ainsi qu'à la création d'emplois et à la vie des entreprises et qu'elle plongerait encore un peu plus notre pays dans la crise et le marasme.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Dites-le tout de suite : dans le chaos !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne saurions donc accepter cet amendement que nous demandons au Sénat de rejeter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-77, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les articles 885 I bis et 885 I ter du code général des impôts sont abrogés. »

L'amendement n° I-122 rectifié, présenté par MM. Massion, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 885 I bis du code général des impôts est abrogé. »

L'amendement n° I-123 rectifié, présenté par MM. Massion, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 885 I ter du code général des impôts est abrogé. »

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-77.

M. Thierry Foucaud. Les articles 885-I bis et 885-I ter du code général des impôts ont été introduits par la loi pour l'initiative économique, ou loi Dutreil. Il s'agit, en fait, d'un outil d'optimisation fiscale pour les détenteurs de titres et de parts sociales bien plus qu'une incitation au développement de l'initiative économique.

En clair, comme nous pensons qu'il y a tromperie sur la marchandise, il s'agit pour nous de réparer l'erreur en procédant à l'abrogation pure et simple de ces dispositions porteuses de moins-values latentes pour le budget de l'Etat.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour présenter les amendements n°s I-122 rectifié et I-123 rectifié.

M. François Marc. Monsieur le président, si vous en êtes d'accord, je présenterai en même temps non seulement les amendements n°s I-122 rectifié et I-123 rectifié, mais aussi l'amendement n° I-121 rectifié. Mon intervention vaudra d'ailleurs également comme prise de position sur l'amendement n° I-16 de M. le rapporteur général.

M. le président. Je suis en effet également saisi d'un amendement n° I-121 rectifié, présenté par MM. Massion, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattaché, qui est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du 2° de l'article 885 O bis et dans le d de l'article 885 O quinquies du code général des impôts, le taux : "50 %" est remplacé par le taux : "75 %". »

Veuillez poursuivre, monsieur Marc.

M. François Marc. Nous avons déjà eu l'occasion de dire, lors de la discussion sur la loi pour l'initiative économique, tout le mal que nous pensions des articles de cette loi qui amorçaient le démantèlement de l'ISF.

Avec les amendements n°s I-122 rectifié, I-123 rectifié et I-121 rectifié, il s'agit tout simplement d'avoir de la suite dans les idées. C'est un principe de bon sens dont certains membres du Gouvernement devraient s'inspirer, notamment le ministre de l'éducation, qui annonce le lendemain l'inverse de ce qui était annoncé la veille !

Pour notre part, nous en restons à ce principe simple et faisons en sorte que les arguments avancés lors de la discussion de la loi Duteil trouvent leur traduction dans cette loi de finances.

Par l'amendement n° I-122 rectifié, nous proposons de mettre en cause la possibilité d'échapper à l'ISF au moyen d'un pacte d'actionnaire représentant 20 % seulement des droits d'une société dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale.

Appuyé sur un discours prônant l'exonération de l'outil de travail, alors que tel a toujours été le cas, ce dispositif permet en fait d'échapper à l'ISF dans des conditions particulièrement souples.

A cette occasion, nous réaffirmons que les pactes d'actionnaire constituent un beau moyen pour profiter d'un pur effet d'aubaine et qu'ils risquent de se multiplier simplement pour que certains échappent à l'ISF, un impôt qui, en fin de compte, pourrait bien ne plus s'appliquer qu'à la seule fortune immobilière.

L'amendement n° I-123 rectifié, quant à lui, vise la possibilité d'échapper à l'ISF au moyen de l'exonération des placements de capitaux dans une PME non cotée, si la société a son siège de direction effective en France ou dans un Etat membre de la Communauté.

Ce champ particulièrement large, s'il est imposé par la réglementation communautaire pour toute aide fiscale particulière, souligne cependant le décalage entre le discours de la majorité sur les dispositions fiscales supposées lutter contre les délocalisations d'entreprise hors du territoire national et la réalité - celle des cadeaux fiscaux qui permettent, en fait, l'évasion des entrepreneurs.

Enfin, l'amendement n° I-121 rectifié revient sur la disposition votée, elle aussi, dans le cadre de la discussion de la loi pour l'initiative économique, qui abaisse le seuil de détention des parts d'une entreprise permettant d'obtenir la qualification de biens professionnels pour celle-ci de 75 % à 50 %.

Nous le voyons bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la situation des finances publiques françaises est particulièrement tendue, et alors qu'une politique de soutien à la consommation et à la croissance serait nécessaire, le Gouvernement et sa majorité ont choisi de ne pas cesser d'accorder aux plus hauts revenus des cadeaux fiscaux ciblés. Car il s'agit bien d'une remise en cause de cet impôt de solidarité qu'est l'ISF qu'a opérée le projet de loi pour l'initiative économique. Et nous ne pensons pas que cela ait vraiment été une bonne façon d'encourager la création d'entreprises.

Cette réduction de l'ISF s'est ajoutée à de multiples exonérations fiscales qui n'ont évidemment pas fait la preuve de leur efficacité en matière de soutien à la consommation.

Nous n'avons cessé de le dire et de le répéter, et je le réaffirme aujourd'hui : diminuer les impôts de ceux qui ont beaucoup et qui épargnent leur surplus ne permet pas à ceux qui ont peu de dépenser ce qu'ils n'ont pas.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est clair !

M. François Marc. La loi pour l'initiative économique a fait de la création d'entreprise une affaire de fortune, une affaire de rentier, au lieu de s'attacher à faciliter l'accès de tous à la création d'entreprise et, par là, de vivifier le tissu économique de la nation.

Alors que 10 % des ménages les plus riches détiennent 50 % du patrimoine, alors que de nombreux salariés sont touchés par les plans sociaux, alors que la croissance s'est essoufflée, alors que nous constatons chaque jour l'inexistence d'un pilotage économique de la nation, le maintien des cadeaux fiscaux pour les plus aisés constitue une provocation permanente.

Si vous me disiez encore que les réductions d'ISF favorisent la création et la transmission des entreprises ! Mais il n'en est rien : elles ne favorisent ni la fluidité ni la mobilité du capital, lesquelles seraient davantage encouragées par la taxation du capital dormant.

Parce qu'ils ne permettent pas d'éviter la concentration des patrimoines, les allégements d'ISF représentent tout le contraire d'une politique de réduction des inégalités.

C'est la raison pour laquelle nous préconisons l'adoption de ces trois amendements qui vont, nous semble-t-il, dans le sens d'une amélioration de l'égalité dans notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-77, I-122 rectifié et I-123 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° I-121 rectifié ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les trois amendements en discussion commune visent à revenir sur les votes très récents intervenus lors de la discussion de la loi pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil ». Bien entendu, la commission y est opposée, parce que les dispositifs concernés sont bons, qu'ils ont un effet économique positif, en ce qu'ils traitent le problème très préoccupant de ces actionnaires minoritaires de certaines entreprises qui ne tirent pas de revenus de leur participation à la hauteur de la cotisation d'ISF qui leur est demandée. Or ces situations, nous le savons, sont de nature à perturber le contrôle des entreprises, à susciter la vente des participations minoritaires dont il s'agit, avec toutes les conséquences qui en découlent en termes de prise de contrôle desdites entreprises par de nouveaux actionnaires, souvent moins respectueux de leur localisation traditionnelle, donc de l'emploi.

La loi Dutreil a apporté un début de réponse à ces situations économiques problématiques. Il conviendra, dès que les informations seront disponibles, de dresser un premier bilan de l'application de cette loi.

Quant à l'amendement n° I-121 rectifié, il est de la même inspiration et suscite une réponse tout à fait voisine.

L'avis de la commission sur les quatre amendements est donc tout à fait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. M. François Marc a prononcé le mot de la fin : il faut, en effet, avoir de la suite dans les idées.

Le Gouvernement a de la suite dans les idées.

M. François Marc. Pas tous les ministres !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Vous avez voté contre ces dispositions naguère et, parce que, dites-vous, vous avez de la suite dans les idées, vous souhaitez ici manifester votre...

M. Michel Charasse. Constante opposition !

M. Alain Lambert, ministre délégué. ... constante opposition, merci monsieur Charasse !

M. Michel Charasse. Il n'y a pas de quoi, monsieur le ministre !

M. Alain Lambert, ministre délégué. A quoi le Gouvernement vous répond simplement qu'il pense que ces mesures étaient indispensables à l'économie française. C'est ce qui le conduit à émettre un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-122 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-123 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-121 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-18, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Après l'article 885 I ter du code général des impôts, il est inséré un article 885 I quater ainsi rédigé :

« Art. 885 I quater. - Ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence de la moitié de leur valeur, les parts et actions détenues par les salariés dans leur société lorsqu'ils détiennent un contrat de travail à durée indéterminée depuis au moins trois ans et exercent une fonction dont la rémunération représente plus de 75 % de leur revenu d'activité.

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a examiné et adopté une série d'amendements concernant l'impôt de solidarité sur la fortune.

Ces amendements sont bien connus ; ils ont été largement diffusés. Ils mettent l'accent, notamment l'un d'entre eux, sur la nécessité qui, à nos yeux, s'attacherait à une actualisation du barème de cet impôt dans les mêmes conditions que d'autres barèmes, par exemple celui de l'impôt sur le revenu.

Pour faire gagner du temps à notre assemblée, il n'est pas strictement indispensable que je détaille ces différentes mesures qui reflètent le point de vue constant et persévérant de la majorité de la commission des finances sur ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je donne acte aux membres de la commission des finances, à son rapporteur général, à son président, de la constance dont ils font preuve dans la promotion de leurs idées !

Entre nous, pour les avoir portées moi-même, je suis assez mal placé pour les trouver injustifiées ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. Perseverare diabolicum !

M. le président. Dont acte !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Abrégez ma réponse, monsieur le président, cela pourrait m'arranger, d'un certain point de vue. (Rires.)

Je pense, en effet, que nous devons rester très attentifs, même si nous ne portons pas remède immédiatement à l'ensemble de ces problèmes.

Tout au long de la matinée, M. Denis Badré a évoqué les jeunes entreprises innovantes, l'attractivité du territoire. Essayons donc de préserver nos entreprises, les entreprises françaises. Essayons de faire en sorte que ceux qui acceptent de conserver des participations dans des entreprises - je pense, en particulier, à toutes les entreprises familiales - soient incités à continuer en ce sens ! Rien ne serait plus dangereux que de les voir se décourager. D'ailleurs, ils observent nos travaux.

Ces personnes, parfois très éloignées de l'entreprise, notamment quand elles appartiennent à la quatrième ou à la cinquième génération d'une entreprise familiale, continuent à détenir des actions tout simplement pour que la famille garde le contrôle de l'entreprise et qu'il ne soit pas pris par des entreprises étrangères, avec toutes les conséquences possibles, car, lorsque le centre de décision s'éloigne des lieux de production, ce sont les lieux de production eux-mêmes qui sont menacés.

Cet amendement, qui me donne l'occasion de répondre à M. le rapporteur général - mais sans doute a-t-il voulu que nous ayons un échange sur ce sujet - vise plus précisément les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis trois ans au moins dans une société où ils exercent une fonction dont la rémunération représente plus de 75 % de leurs revenus professionnels.

Lors de la discussion de ce qui allait devenir la loi pour l'initiative économique, nous avions déjà tenté de progresser dans ce domaine ; mais, dans l'état actuel des choses, je ne suis malheureusement pas en mesure d'accepter cet amendement.

Cela étant, monsieur le rapporteur général, le combat que vous menez pour que notre pays conserve sur son sol ceux qui entreprennent, ceux qui sont prêts à détenir des droits dans des entreprises afin de sauvegarder la localisation en France des lieux de production, ce combat est le bon. Il faut absolument que nous sachions répondre aux préoccupations qui sont celles de ces redevables. Il n'est cependant pas possible de tout faire en dix-huit mois, mais il faut absolument que, lors de la révision de la fiscalité du patrimoine - tâche à laquelle nous nous sommes promis de nous atteler - nous traitions ce sujet sur lequel vous n'avez eu de cesse, depuis quelques années, d'alerter les gouvernements successifs.

M. Roland du Luart. Avec quel calendrier ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les amendements que, au nom de la commission des finances, le rapporteur général propose au Sénat traduisent une belle constance.

Pour ma part, conscient que, quelle que soit sa volonté, le Gouvernement, du fait de l'absence de marges de manoeuvre, se trouve dans l'incapacité de faire aboutir ces amendements, je ferai une observation et poserai une question à M. le ministre.

Mon observation est liée à la financiarisation des entreprises. Il m'arrive de penser que, lorsque est cédée une entreprise qui a été détenue par plusieurs générations d'une même famille, qui en assurait généralement la direction, le fait que des groupes étrangers, dans le cadre d'une financiarisation, prennent le contrôle du capital social, constitue un élément de mesure de l'attractivité du territoire national.

Mais nous devons aller au-delà de ces statistiques flatteuses et nous demander ce que devient l'entreprise après qu'elle a été placée sous le contrôle d'un investisseur étranger, voire d'un fonds de pensions.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'exigence de rentabilité est telle que, bien souvent - et je souhaiterais que nous puissions conduire quelques investigations sur ce thème -, les nouveaux dirigeants, faisant le constat de l'insuffisance de profits, notamment de cash-flow, organisent la délocalisation des activités de production et des emplois.

La financiarisation est donc aussi un facteur d'accélération des délocalisations d'activités industrielles, et quelquefois même de services.

Monsieur le ministre, ma question est d'une autre nature. Dans le barème que M. le rapporteur général nous invite à actualiser - mais nous y renoncerons pour les motifs que vous avez invoqués -, il n'est pas tenu compte de la situation familiale du foyer fiscal. Ainsi, lorsqu'un célibataire détient un patrimoine, le barème s'applique dans toute sa rigueur, avec, notamment, la franchise de 720 000 euros. Si en revanche, du fait de leur mariage, deux personnes apportent chacune son patrimoine, ces deux patrimoines vont s'additionner, mais la franchise restera de 720 000 euros, et non pas de deux fois 720 000 euros.

Par conséquent, dans la perspective de marges de manoeuvre budgétaires, et donc de possible réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune, il me paraît souhaitable, et c'est l'objet de ma question, d'étudier une « familialisation » du barème qui permette de ne pas sanctionner ceux qui, dans le cadre des liens du mariage, mettent en commun leur patrimoine susceptible d'être soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Roland du Luart. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué. M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et moi-même nous sommes concertés pour savoir si nous débattrions de l'ensemble des amendements qui traitent de l'impôt de solidarité sur la fortune ou sur chacun d'entre eux, et nous sommes convenus qu'il s'agirait d'un débat général sur l'ensemble de la question de l'ISF.

Cela étant - et je réponds là à l'observation de M. Arthuis -, je voudrais que, sur quelque travée ou banc que nous siégions, nous soyons très attentifs à ce que nous entendons dans nos départements de la part de responsables d'entreprises, notamment industrielles, entreprises dont nous sommes souvent très fiers, qui en sont à la troisième, à la quatrième, parfois à la cinquième génération d'une même famille et où les nombreux héritiers restent certes détenteurs d'une part de capital, mais essentiellement par esprit de famille.

Si nous n'y prenons garde, il arrivera un moment où ces héritiers, qui parfois exercent des activités professionnelles ne leur procurant pas de revenus très élevés, pourront être tentés - je l'ai constaté dans mon activité professionnelle -, ne serait-ce que pour acquérir leur habitation principale, de céder les titres qu'ils ont reçus et qui ne leur apportent qu'un très faible rendement comparé au capital qu'ils pourraient tirer de leur vente.

La cession massive de ces titres risquerait d'aboutir à faire perdre à la famille le contrôle de l'entreprise au bénéfice de concurrents étrangers, qui pourraient délocaliser la production. C'est ce qui risque de se produire dans les années qui viennent !

C'est pourquoi je me tourne vers les sénateurs de l'opposition, en particulier vers ceux du groupe socialiste - car je sais que ceux du groupe CRC ont un blocage sur ce sujet depuis de très nombreuses années

(Mme Marie-Claude Beaudeau sourit.)

M. Thierry Foucaud. Des réserves !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Chers collègues du groupe socialiste, c'est peut-être moins le cas pour vous puisque, au sein de la formation politique à laquelle vous appartenez, des travaux ont été menés sur ce sujet. Les conclusions du rapport Charzat, en particulier, dont l'élaboration a montré que vous étiez disposés à réfléchir sur ce sujet, ont ouvert des perspectives.

Ces réflexions devraient être menées de manière apaisée, dans le seul et exclusif souci de l'intérêt économique et de l'emploi dans notre pays. Si nous restons figés sur nos positions actuelles pour la seule raison que cela paraît préférable du point de vue de notre image face à l'électorat, nous aurons alors, si je peux oser l'expression, « tiré une balle dans le pied » de nos entreprises et de nos emplois.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Alain Lambert, ministre délégué. La prise de conscience doit donc être la plus large possible : il est des moments dans la vie démocratique où nous devons nous élever au-delà de nos réflexes et de nos attaches partisanes pour pouvoir adopter des mesures de sagesse en faveur de l'avenir de l'économie et de l'emploi du pays.

Monsieur Arthuis, ce que vous avez désigné sous le nom de « financiarisation », facteur d'accélération de la délocalisation des activités industrielles, nous le vivons dans nos territoires provinciaux. Cela ne doit pas se rencontrer dans les seuls territoires provinciaux des sénateurs de la majorité : cela doit se rencontrer également dans les territoires provinciaux des sénateurs de l'opposition !

Le Sénat est l'une des maisons où un consensus pourrait s'établir sur un tel sujet pour, disons-le franchement, aider l'exécutif à proposer des mesures allant dans le sens du progrès pour l'ensemble de notre économie et de nos emplois.

Pour en venir plus précisément à la question de M. Arthuis, soyons clairs : si deux personnes titulaires de biens imposables au titre de l'ISF et vivant séparément se marient, leur impôt augmentera ! La situation actuelle n'est donc pas satisfaisante, et c'est un euphémisme !

Monsieur le président de la commission des finances, dès lors qu'il a été choisi, dans ce projet de loi de finances, de ne pas traiter ce sujet, nous ne le traitons pas. Mais il faut que, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi ultérieur relatif à la fiscalité du patrimoine, nous puissions faire en sorte que ne soient pas pénalisés les redevables dont vous venez d'évoquer la situation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je ne voudrais pas que mon propos vous paraisse embarrassé.

J'ai eu l'immense honneur d'être le rapporteur, au nom de la commission des finances, du Sénat, de la réforme de notre « constitution budgétaire ». Alors que nous étions dans l'opposition, nous avions considéré qu'il était de l'intérêt supérieur de la France qu'elle se dote d'une nouvelle constitution budgétaire, et nous avions surmonté le réflexe partisan classique qui pouvait être le nôtre.

Eh bien, sur un sujet comme celui que nous sommes en train de discuter, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps est venu de surmonter les réflexes partisans. Il y va de nos entreprises, il y va de l'avenir de nos emplois, il y va de l'avenir de nos territoires.

J'espère donc que le Parlement adoptera très prochainement les dispositions de bon sens que l'on trouve dans les différents rapports qui se sont accumulés. Car la France finirait par se déshonorer à en rester à des rapports ; elle doit enfin traduire dans sa norme ce qui sera bon pour l'économie et bon pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Michel Charasse. Jamais la gauche n'a été aussi méchante que la droite avec les riches, en matière d'ISF !

M. le président. L'amendement n° I-18 est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-18 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-199, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 885 P du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Après les mots : "à leurs ascendants ou descendants" sont insérés les mots : "ou à leurs conjoints respectifs," ;

« 2° Cet article est complété par un alinéa rédigé comme suit :

« Les dispositions prévues au premier alinéa s'appliquent lorsque le bail à long terme est mis à disposition ou apporté par le preneur à une personne morale ou directement consenti à une société contrôlée par une ou plusieurs des personnes visées au premier alinéa et qui exercent au sein de cette société leur activité professionnelle principale. »

« II. - L'article 885 Q du code général des impôts est modifié comme suit :

« 1° Après les mots : "à leurs ascendants ou descendants" sont insérés les mots : "ou à leurs conjoints respectifs," ;

« 2° Cet article est complété par un alinéa rédigé comme suit :

« Les dispositions prévues au premier alinéa s'appliquent lorsque le bail à long terme est mis à disposition ou apporté par le preneur à une personne morale ou directement consenti à une société contrôlée par une ou plusieurs des personnes visées au premier alinéa et qui exercent au sein de cette société leur activité professionnelle principale. »

« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des I et II sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° I-200, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - A l'article 885 P du code général des impôts, après les mots : "à leurs ascendants ou descendants", sont insérés les mots : "ou à leurs conjoints respectifs," ;

« II. - A l'article 885 Q du code général des impôts, après les mots : "à leurs ascendants ou descendants", sont insérés les mots : "ou à leurs conjoints respectifs," ;

« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des I et II sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Les biens loués par bail à long terme sont considérés comme des biens professionnels et sont donc exonérés de l'ISF lorsque les biens sont loués au conjoint, aux ascendants, descendants, frères ou soeurs du bailleur.

En revanche, lorsque ces mêmes biens sont mis à disposition par le preneur ou loués directement à une société composée des mêmes personnes, les biens donnés à bail ne sont plus considérés comme des biens professionnels.

Il en est de même des parts des groupements fonciers agricoles, les GFA, ayant consenti des baux à long terme sur les biens agricoles représentatifs d'apports au détenteur de parts, son conjoint, leurs ascendants, descendants, frères et soeurs. Ces parts sont alors considérées comme provisionnelles et exonérées d'ISF. En revanche, lorsque ces mêmes biens sont loués à une société composée des mêmes personnes, les parts de GFA ne sont plus considérées comme des biens professionnels et sont alors soumises à l'ISF.

L'instruction fiscale du 3 janvier 2003 n'a réglé que pour partie ces difficultés ou ces incohérences, pour reprendre la formule de Roland du Luart. Par ailleurs, elle a introduit des éléments de proratisation qui viennent alourdir le système, que nous cherchons pourtant à simplifier.

C'est pourquoi notre amendement n° I-199 vise à traiter exhaustivement ces difficultés et à supprimer les incohérences. En effet, nous ne voudrions pas que l'ISF, outre les effets pervers qu'on lui connaît déjà, dissuade les gens de se marier ou constitue un frein à la transmission d'entreprise !

Pour ce qui est de l'amendement n° I-200, je rappelle que les biens ruraux loués par bail à long terme à une personne physique membre du groupe familial et mis à disposition d'une personne morale sont exonérés de l'ISF à condition que cette personne morale soit majoritairement détenue par les membres dudit groupe familial.

L'amendement vise donc à ajouter la conjointe ou le conjoint du preneur à la liste des membres du cercle familial pris en compte pour l'appréciation de la détention majoritaire de la personne morale par les membres du cercle familial.

Par ailleurs, à l'heure actuelle, l'exonération de l'ISF est proportionnelle à la participation des membres du cercle familial dans la personne morale. Il nous semble que, à partir du moment où cette condition de fond est remplie, l'exonération doit être totale, et non proportionnelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Badré a de la chance : il est satisfait par l'article 14 bis, que l'Assemblée nationale a adopté sur l'initiative de l'excellent député Charles-Amédée de Courson. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Il me semble donc que M. Badré peut sans crainte retirer ses deux amendements, dont l'un doit être la version de repli de l'autre, car l'avancée nécessaire a été réalisée à l'Assemblée nationale, qu'il convient de remercier.

M. le président. Etes-vous effectivement satisfait, monsieur Badré ?

M. Denis Badré. Je suis satisfait, mais pris en flagrant délit d'insuffisante attention à ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, notamment sur l'initiative de l'un de mes excellents collègues !

M. Michel Charasse. Faute avouée est à demi pardonnée !

M. Denis Badré. Quoi qu'il en soit, je retire ces deux amendements.

M. le président. Les amendements n°s I-199 et I-200 sont retirés.

L'amendement n° I-19, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 885 S du code général des impôts, le pourcentage : "20 %" est remplacé par le pourcentage : "30 %".

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement, comme le suivant, a été traité au cours du débat général que nous avons eu avec M. le ministre. Je les retire donc.

M. le président. L'amendement n° I-19 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-16, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :

FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF APPLICABLE

(en %)

N'excédant pas 732 000 EUR0 Comprise entre 732 000 EUR et 1 180 000 EUR0,55 Comprise entre 1 180 000 EUR et 2 339 000 EUR0,75 Comprise entre 2 339 000 EUR et 3 661 000 EUR1 Comprise entre 3 661 000 EUR et 7 017 000 EUR1,3 Comprise entre 7 017 000 EUR et 15 255 000 EUR1,65 Supérieure à 15 255 000 EUR1,8

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Le sous-amendement n° I-278, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le I du texte proposé par l'amendement n° I-16, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

« ... - Le premier alinéa de l'article 885 I du code général des impôts est supprimé.

« ... - L'article 885 E du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant total des sommes déclarées au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune par les propriétaires d'objets d'antiquité, d'art ou de collection est augmenté forfaitairement de 5 % au titre de ces objets, sauf si les intéressés choisissent de retenir leur valeur déclarée dans les contrats d'assurance. »

L'amendement n° I-219 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 9 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. - A compter du 1er janvier 2004, le tarif de l'impôt est fixé à :

FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF APPLICABLE

(en %)

N'excédant pas 734 000 EUR0 Comprise entre 734 000 EUR et 1 183 000 EUR0,55 Comprise entre 1 183 000 EUR et 2 346 000 EUR0,75 Comprise entre 2 346 000 EUR et 3 672 000 EUR1 Comprise entre 3 672 000 EUR et 7 038 000 EUR1,3 Comprise entre 7 038 000 EUR et 15 300 000 EUR1,65 Supérieure à 15 300 000 EUR1,8

« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° I-16 vient d'être retiré par son auteur.

En conséquence, le sous-amendement n° I-278 n'a plus d'objet.

M. Michel Charasse. Merci pour les oeuvres d'art !

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° I-219 rectifié.

M. Denis Badré. Je ne suis pas intervenu tout à l'heure, car je n'avais pas très bien compris si nous étions engagés ou non dans une discussion sur l'ensemble de la question de l'ISF.

Monsieur le ministre, je suis heureux d'avoir entendu les propos que vous avez tenus. Vous savez combien, depuis que la mission commune du Sénat qui a travaillé sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises a déposé ses conclusions, j'ai plaidé pour que s'ouvre enfin un débat dépassionné sur l'ISF. Le rapport présenté par M. Charzat, auquel M. le ministre faisait référence, s'inspirait largement des conclusions du rapport de la mission ; nous devrions donc parvenir à un large consensus autour de l'idée que, maintenant, nous avons épuisé les ressources de l'idéologie et qu'il nous faut prendre en compte la réalité.

J'ai déjà dit dans la discussion générale que, lorsqu'un contributeur à l'ISF s'en va, nous perdons non seulement une contribution à cet impôt, mais aussi l'activité que déployait celui qui l'acquittait et, au-delà, les emplois qui auraient été créés, au profit de personnes qui auraient consommé, consommation dont auraient bénéficié des sociétés, qui auraient acquitté l'impôt sur les sociétés... C'est tout un phénomène de « boule de neige » qui se déclenche, et perdre un contributeur à l'ISF, c'est perdre des recettes fiscales extrêmement importantes.

M. le ministre vient d'évoquer l'analyse à laquelle il s'est dit prêt à travailler. Il faudra qu'il adopte une vision très économique et non pas uniquement fiscale des choses pour mesurer à quel point nous ne devons pas laisser ces contribuables partir avec leurs capitaux.

J'ai également indiqué, toujours dans la discussion générale, que, dans un tel débat, le côté passionnel, le côté psychologique est très important, et c'est pourquoi j'y reviens : en général, les Français qui quittent la France ne souhaitaient pas le faire. Ils s'y résignent parce qu'ils n'en peuvent plus, et il suffit parfois d'un tout petit geste qui leur montre que la volonté politique s'est inversée pour qu'ils considèrent que la situation va s'arranger et qu'ils restent ; de la même manière, ceux qui sont déjà partis peuvent décider de rentrer. Il ne faut pas grand-chose !

Le fait de ne pas actualiser le barème de l'ISF, au contraire, va dans le mauvais sens : il conduit à un alourdissement de cet impôt, ce qui est perçu très négativement par ceux qui hésitent à partir et par ceux qui auraient pu revenir.

C'est pourquoi, même si nous ne pouvons pas, dans l'immédiat, envoyer un signal positif très important, le minimum me semble être de ne pas donner l'impression inverse. C'est pourquoi nous proposons d'actualiser le barème de l'ISF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela a été dit à de nombreuses reprises : la non-décision est d'actualiser, et la non-actualisation est une décision. Je n'en dis pas plus. (M. le ministre délégué sourit.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? (M. le ministre réfléchit un instant.)

M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le président, quand M. le rapporteur général parle, il y a lieu de s'accorder quelques instants pour méditer ses propos. C'est ce que j'ai fait, je vous prie de m'excuser. Ce qu'il a dit était puissant. (M. le rapporteur général rit.)

Monsieur Badré, nous avons tout fait dans ce projet de loi de finances pour favoriser la transmission des patrimoines. C'est vrai que, ayant concentré notre effort sur cet aspect, nous n'avons pas traité la question de la conservation. Je vous en donne acte, et je comprends vos regrets.

Toutefois, je vous demande de garder espoir et de retirer votre amendement, car vous me mettez, en le maintenant, dans la situation désagréable d'avoir à demander à la Haute Assemblée de le rejeter et, ce faisant, d'entrer en contradiction avec ce que je pensais moi-même lorsque j'étais rapporteur général, puis président de la commission des finances du Sénat. Or je n'aime pas beaucoup être en contradiction avec moi-même !

Connaissant vos origines philosophiques, je pense que si vous vouliez bien faire un effort de charité chrétienne...

M. Denis Badré. Pas seulement mes origines, monsieur le ministre, mes convictions ! Je ne m'en cache pas !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je n'ai pas voulu en révéler l'état ! (Sourires.)

J'essaie en toute sincérité de vous exposer, monsieur Badré, ce que nous faisons et la manière dont nous travaillons. Tous les efforts qui sont prévus dans le projet de loi de finances en matière de transmission produiront leurs effets. Il n'en demeure pas moins que la question de la détention doit être traitée, parce que l'on ne peut demander à des personnes très jeunes de transmettre leur patrimoine à leur tour ! Cependant, nous ne sommes pas en mesure de le faire cette année. Telle est la raison de ma demande réitérée.

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.

M. Roland du Luart. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit tout au long de cette dernière heure et j'ai particulièrement apprécié les propos de M. Badré ainsi que les réflexions de M. le ministre et de M. le rapporteur général.

Si je me permets d'intervenir en cet instant, c'est parce que je souhaiterais qu'un calendrier nous soit communiqué.

Je me souviens des propos que tenait M. le ministre quand il était président de la commission des finances et de plusieurs rapports écrits au nom de celle-ci. J'avais eu un certain espoir à la lecture du rapport Charzat, espoir qu'avait renforcé le rapport de M. Bradé, mais j'ai maintenant l'impression que, d'année en année, cette réforme sera repoussée.

Or, de plus en plus de personnes au patrimoine significatif quittent le territoire français pour se domicilier à l'étranger, ce qui représente une perte de richesses et de substance catastrophique pour notre pays. Ce phénomène est d'autant plus grave qu'une Europe ouverte se construit et que l'on observe le mouvement exactement contraire dans les autres pays. La France, si elle reste l'exception et continue à vivre sous l'empire traumatisant d'un soviétisme démodé, ne pourra pas rester compétitive.

J'apprécie beaucoup les dispositions relatives à la transmission du patrimoine que comprend le projet de loi de finances de 2004, mais je vous avoue que j'ai failli voter l'amendement de M. Foucaud. Je ne l'ai pas fait, car cela aurait tout de même était trop singulier, mais j'aurais aimé que l'on relève le plafond de déclaration pour les petites successions. Cette simplification administrative n'aurait pas pesé bien lourd sur l'équilibre du budget de l'Etat.

L'objectif, vous l'avez dit, est de maintenir un tissu entreprenarial puissant sur l'ensemble du territoire national. Dans la Sarthe, puisque vous avez parlé des départements, les hommes de ma génération qui ont créé leur entreprise et qui ont réussi s'entendent dire que, s'ils n'ont pas d'héritiers capables de la reprendre, ils ont intérêt à la vendre - à des financiers, étrangers pour la plupart, et peu importe si l'emploi en souffre - puis à quitter la France, car leur patrimoine ne pouvant plus être qualifié d'outil de travail, ils paieront plus d'impôts qu'ils n'ont de revenus. C'est une situation « abracadabrantesque » qu'il faut faire cesser.

Je souhaiterais donc qu'un calendrier soit fixé et que ce problème fiscal, qui est vraiment très néfaste pour notre pays, soit réglé dans le projet de loi de finances pour 2005.

Il faut avoir le courage de prendre une telle mesure et cesser de la reporter indéfiniment. Depuis que je suis dans cette assemblée, j'ai le sentiment que chaque année on la renvoie à l'année prochaine. Or viendra un moment où il sera trop tard pour envoyer le signal et trop tard pour notre économie, d'autant que l'environnement international est extrêmement fragile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° I-219 rectifié est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Non, monsieur le président, je vais le retirer, car je ne veux ni mettre le ministre dans une situation difficile ni mettre dans l'embarras mes collègues qui ne veulent pas, eux non plus, mettre le ministre dans une situation difficile.

J'ai entendu l'ouverture faite par M. le ministre, mais je m'associe à la demande de calendrier qui vient d'être présentée par notre collègue Roland du Luart, car je suis convaincu - je le dis avec tout le sérieux possible - que l'hémorragie s'amplifie, s'aggrave, s'accélère et qu'il est urgent d'agir.

Il faut oser être pragmatique, monsieur le ministre, et je suis persuadé que, le jour où l'on osera mettre de côté l'idéologie, regarder la réalité des choses et faire cette réforme, elle nous rapportera beaucoup plus qu'elle ne nous coûtera. Je suis persuadé qu'elle est indispensable non pas pour nous remettre sur les rails de la croissance, car elle n'y suffirait pas, mais pour installer durablement la croissance quand celle-ci sera de retour, de sorte que, quels que soient les aléas futurs, notre pays puisse les surmonter et conserver une compétitivité au moins aussi forte que celle de ses concurrents dans l'Union européenne et dans le monde.

Il est urgent d'agir et j'attends de vous, monsieur le ministre, et ce n'est pas du chantage puisque j'ai déjà annoncé que je retirais mon amendement, que vous nous confirmiez que dans le budget pour 2005 des dispositions iront dans ce sens. Ne serait-ce que pour des raisons psychologiques, il est urgent d'envoyer un signal et je souhaiterais, pour préparer ces dispositions et déterminer ce qui est possible et ce qui ne l'est pas dans la conjoncture actuelle, qu'un groupe de travail se mette en place dès maintenant.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. le président. L'amendement n° I-219 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je suis très sensible à la délicatesse de M. Badré. Je voudrais lui dire la chose suivante : jusqu'à présent, j'ai réussi à tenir tous les engagements que j'ai pris devant la Haute Assemblée et je ne voudrais pas manquer à l'un d'eux.

Je n'ai pas de mandat aujourd'hui pour prendre un engagement de la nature de celui que vous me demandez, monsieur Badré. Vous pouvez toutefois être assuré du fait que je mettrai tout mon zèle à ce que nous puissions traiter ce problème à l'occasion de la prochaine loi de finances.

Il en va en effet de l'intérêt supérieur de la France, de notre économie et de nos emplois.

M. Denis Badré. Nous sommes à votre disposition !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. L'amendement n° I-20, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article 885 V du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 V. - Le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune calculé dans les conditions prévues à l'article 885 U est réduit d'un montant de 300 euros par personne à charge au sens de l'article et de 1 000 euros par personne à charge au sens de l'article 196 A bis ».

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a déjà été présenté par M. le président de la commission des finances et M. le ministre s'est exprimé à son propos. Il a donc joué son rôle, qui était de susciter un débat, et peut dès lors être retiré.

M. le président. L'amendement n° I-20 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-17 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.

L'amendement n° I-202 est présenté par M. Badré.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est supprimée.

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-17.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement reprend des dispositions que le Sénat a votées à plusieurs reprises, et M. le ministre se souvient certainement de la position très ferme qui avait été celle de la délégation sénatoriale lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de finances de 1997, car c'est un épisode qui est resté dans les mémoires de ceux qui y ont participé.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Oh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis lors, l'état du droit n'a pas changé et il nous semble être générateur à la fois de bon nombre d'injustices et d'inefficacité, pour présenter les choses de manière simple et modérée.

Peut-être M. le ministre a-t-il sur ce sujet quelques informations à nous livrer ?

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° I-202.

M. Denis Badré. Cet amendement, identique à celui de la commission, s'inscrit dans le contexte du discours général que je présentais à l'instant. Je pense que le replafonnement de l'ISF est, après l'actualisation du barème, la deuxième priorité qui devrait être retenue dans le cadre des travaux que M. le ministre pourrait engager.

Il me paraît tout à fait provocant que l'on demande à ceux qui sont appelés à payer l'ISF d'opérer un prélèvement sur leur patrimoine lorsque cet impôt sur le patrimoine dépasse leur revenu.

C'est complètement anormal, et le fait que ce soit le gouvernement de M. Juppé qui ait procédé au déplafonnement n'y change rien. Peut-être le contexte était-il différent, peut-être s'est-on trompé. Cela ne justifie pas que l'on continue à se tromper jusqu'à la fin des temps !

Cela étant dit, je suis prêt à retirer cet amendement après avoir entendu M. le ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Il y a de meilleurs moments dans cette discussion budgétaire que celui que je traverse ! M. le rapporteur général, et c'est encore plus vrai quand il choisit la concision, a des mots qui pèsent : « injustice » et « inefficacité », a-t-il dit. Ce sont tout de même deux vices rédhibitoires pour un dispositif fiscal.

On se prête à rêver à ce qu'un jour soit présenté au Sénat un amendement conjoint du groupe socialiste et de la commission des finances pour rétablir le dispositif du plafonnement qui existait à l'origine, ce qui pourrait réconcilier tout le monde. Au fond, on aurait dû en rester à l'idée initiale et à la position de la commission des finances, qui a mené des travaux très approfondis sur les effets pervers du déplafonnement.

Je ne veux pas faire perdre davantage de temps à la Haute Assemblée, qui aura compris que je ne peux pas émettre un avis favorable sur ces amendements, et je sollicite leurs auteurs pour qu'ils les retirent, étant entendu que la question du plafonnement devra être traitée lors de la prochaine loi de finances.

Je lance un dernier appel. Il nous faut savoir surmonter nos réflexes partisans pour trouver des solutions de bon sens favorables à notre économie. Le dispositif de plafonnement a été introduit par un gouvernement qui avait des idées différentes du gouvernement actuel ; ce dispositif est finalement meilleur que le dispositif actuel. Eh bien, il faudrait avoir la sagesse collective de rétablir le dispositif initial ! Voilà un bon projet de travail en commun pour l'année prochaine, monsieur Moreigne.

M. le président. Monsieur Badré, vous avez annoncé le retrait de l'amendement n° I-202. Le confirmez-vous ?

M. Denis Badré. Je le retire en effet, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-202 est retiré.

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° I-17.

M. François Marc. M. le ministre a sollicité notre groupe, mais ce n'est pas tant ce qui m'amène à intervenir que le fait que l'on semble verser à plaisir des larmes de crocodile dans cette assemblée.

Voilà en effet le sixième ou le septième amendement « mort-né » sur l'ISF que l'on retire tout en disant qu'il aurait été absolument indispensable de l'adopter dans l'intérêt de la France. Cette stratégie qui consiste à retirer les amendements au fur et à mesure de leur examen suscite une certaine incompréhension de notre part.

Si diminuer l'incidence de l'ISF est à vos yeux bon pour la France, ces amendements auraient dû être conservés.

Je prendrai appui pour illustrer mon propos sur l'amendement n° I-19 que notre rapporteur général avait déposé et qui a été retiré, amendement qui tendait à faire bénéficier les directeurs de sociétés percevant des rémunérations en actions d'un abattement de 50 % sur leur patrimoine en actions pour le calcul de l'ISF.

Je trouve cette proposition d'autant plus inquiétante que je viens de lire le tout récent rapport Marsaud sur la rémunération des dirigeants des sociétés françaises, en particulier de leurs principaux directeurs. On nous dit que les rémunérations de nombre d'entre eux sont tout à fait exagérées, mais on nous propose ici de leur attribuer un avantage supplémentaire en instituant un abattement sur ce patrimoine qui leur a été attribué, selon nos collègues députés, de façon indue !

Bien entendu, si ces amendements avaient été conservés, nous nous serions fermement opposés à leur adoption, mais une plus grande lisibilité de l'action de la majorité nous semblerait opportune.

La majorité dépose des amendements à tour de bras, nous assure qu'ils sont très bons, mais les retire néanmoins. Ne seraient-ils finalement pas si bons ? On ne comprend plus très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais sur quoi ?

M. Thierry Foucaud. La question que cet amendement n° I-17 m'amène à poser est celle du nombre des assujettis à l'ISF. Combien de personnes sont-elles concernées ? Je souhaiterais, si c'est possible, obtenir une réponse de M. le rapporteur général et lui dire en même temps, à lui, mais aussi à mes collègues de la majorité, qu'ils ne respectent pas au travers de leurs amendements successifs les engagements du Gouvernement, puisque M. le ministre s'était engagé au printemps à ne pas réactualiser le barème de l'ISF.

C'est d'ailleurs la moindre des choses, après avoir autorisé, il y a quelques mois, des restrictions importantes du champ d'application de cet impôt symbolique d'une démarche de justice sociale dans le cadre de la loi pour l'initiative économique.

M. le rapporteur général et la droite sénatoriale persistent dans leur rôle d'aiguillon ultralibéral. Mais que les uns et les autres fassent confiance à ce gouvernement, qui a d'ailleurs accepté un amendement concernant l'ISF applicable aux baux ruraux à l'Assemblée nationale, pour appliquer les préceptes du libéralisme !

Monsieur le rapporteur général, dans votre rapport, vous parlez d'archaïsme fiscal au sujet de l'impôt de solidarité sur la fortune. Peut-être que pour vous la modernité consiste à donner toujours plus aux riches et à ponctionner sans cesse davantage les plus défavorisés et, de manière plus générale, les salariés.

Je vous rappelle qu'en cette saison de l'année les préfets tentent, dans les départements et les régions, de trouver des places pour héberger des sans-abri qui souvent n'ont pas même les moyens de prendre un repas midi et soir.

Vos amendements se placent, bien sûr, aux antipodes d'une politique fiscale au service de la justice sociale. Le groupe CRC pense au contraire qu'il faut moderniser l'ISF en augmentant sérieusement son produit, et cela à des fins de justice sociale.

M. le président. L'amendement n° I-17 est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je pensais l'avoir retiré depuis un moment déjà, monsieur le président, et je me demandais d'ailleurs sur quoi portaient les dernières explications de vote !

M. le président. L'amendement n° I-17 est retiré.

L'amendement n° I-21, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Les résidents français disposant d'avoirs n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration obligatoire au titre du code général des impôts ou du code des douanes, sur lesquels les impôts, droits et taxes exigibles en France n'ont pas été perçus, et qui sont placés auprès d'un établissement ou d'une société de bourse étrangers sur un compte ouvert à leur nom ou dont il sont le bénéficiaire effectif, peuvent rapatrier ces avoirs jusqu'au 30 décembre 2004 en contrepartie du paiement, auprès du comptable du Trésor, sur présentation des pièces justificatives du transfert établies par un intermédiaire agréé, dans les trente jours suivant le rapatriement, d'un prélèvement libératoire du paiement de tous impôts, droits et taxes, pénalités et intérêts de retard dont le fait générateur est antérieur à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

« II. - Le taux du prélèvement libératoire est fixé à 10 %. Il est toutefois réduit à 7,5 % pour les avoirs réinvestis en numéraire au capital de petites et moyennes entreprises non cotées pendant une durée minimale de cinq ans et à 5 % pour les avoirs mis à la disposition d'une association ou d'une fondation reconnue d'utilité publique pendant une durée minimale de cinq ans.

« III. - Les pièces justificatives et les écritures correspondantes de l'intermédiaire agréé sont couvertes par l'anonymat.

« IV. - Le bénéfice des dispositions précédentes est réservé aux résidents français à l'encontre desquels aucune procédure administrative ou judiciaire n'a été engagée avant le 30 juin 2003. Ne peuvent en bénéficier les avoirs résultant des infractions de contrefaçon et de blanchiment telles que définies par le code monétaire et financier et le code de la propriété intellectuelle. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est retiré pour permettre au Sénat de gagner un peu de temps.

M. le président. L'amendement n° I-21 est retiré.

Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est dommage, parce qu'il y aurait eu à dire sur cet amendement ! Vous vous étiez surpassés !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous pouvez le reprendre !

M. le président. L'amendement n° I-98, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :

« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport détaillant les orientations et les modalités d'une réforme d'ensemble des droits de mutation à titre gratuit. »

La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Il s'agit d'un amendement d'appel, destiné à recueillir les confidences de M. le ministre délégué sur ce qu'il envisage de faire s'agissant des droits de mutation à titre gratuit. On sait, hélas ! que notre pays détient un record de poids dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. le ministre délégué, au cours de l'examen du projet de loi de finances de 2003, nous avait indiqué - il le rappelait tout à l'heure - que l'année 2004 devrait voir se réaliser des avancées en matière de fiscalité du patrimoine.

Nous avons adopté trois articles favorables à la fiscalité du patrimoine, plus exactement aux transmissions de patrimoine, les articles 7, 8 et 9.

Par ailleurs, la loi pour l'initiative économique comporte également un dispositif utile à cet égard. C'est sans doute pour des raisons budgétaires que le Gouvernement n'a pas été en mesure d'aller plus loin.

Quoi qu'il en soit, dans le contexte actuel, l'idée de M. Paul Girod de prescrire la présentation au Parlement d'un rapport d'orientation sur une réforme d'ensemble des droits de mutation à titre gratuit est constructive. Tout ce qui peut favoriser une modernisation de cette forme de fiscalité est assurément opportun, et je n'ai aucun doute sur l'intérêt que pourrait présenter un tel document, sachant que la commission des finances, pour ce qui la concerne, a déjà rédigé et diffusé un rapport d'information sur les droits de succession et de mutation.

Mes chers collègues, lors de la discussion générale, nous avons évoqué l'évolution de la fiscalité. Vous savez que la commission des finances est attachée à l'idée de l'élaboration d'une loi d'orientation fiscale. Or le débat qui vient d'avoir lieu sur différents sujets relatifs à la fiscalité du patrimoine illustre l'impérieuse nécessité d'envisager une telle démarche globale.

En effet, si l'on continue d'examiner au cas par cas, mesure par mesure, sujet par sujet, les différentes questions, comment l'opinion s'y retrouvera-t-elle ? Comment parviendra-t-on à restaurer la rationalité économique, à mettre en évidence les arguments à la fois d'efficacité et d'équité qui impliquent une évolution en profondeur du système fiscal ? Il ne s'agit pas de procéder à de petits ajouts ici ou là, quelle que soit leur utilité, il ne s'agit pas de trouver des solutions techniques parcellaires pout telle catégorie d'entreprise ou de patrimoine, pour tel compartiment de l'immobilier ou pour je ne sais quelle activité digne d'intérêt ; il s'agit d'être en mesure de mettre en perspective, méthodiquement et systématiquement, les revenus des personnes physiques, les revenus des entreprises, le régime des valeurs mobilières, le régime de l'immobilier, qui, il est vrai, vient de bien progresser, le régime des patrimoines, le régime de la consommation et de l'impôt sur la consommation, et de fixer, par rapport aux besoins de l'Etat, à l'évolution de ses dépenses, des horizons en termes de structures des prélèvements obligatoires.

Tant que nous n'aurons pas eu la lucidité de nous livrer ensemble à cet exercice, on ne cessera de polariser la discussion sur des symboles ou des recettes secondaires qui ne jouent pas de rôle décisif dans l'évolution de nos finances publiques et ne comportent pas les aspects pédagogiques indispensables pour que l'opinion publique se rende compte de la nécessité d'une vraie politique de réforme fiscale.

Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler devant vous. Je remercie vivement M. Paul Girod de m'en avoir fourni l'occasion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je crains, intervenant après M. le rapporteur général, de devoir me contenter de répéter maladroitement ce qu'il a dit.

Je ne suis nullement opposé à l'idée de M. Paul Girod, consistant à demander l'élaboration d'un rapport sur une réforme d'ensemble des droits de mutation à titre gratuit, mais je dois à la loyauté et à l'honnêteté envers le Sénat d'affirmer que cela ne doit pas être pour nous un moyen de nous donner bonne conscience.

M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances, a établi un rapport de très grande qualité sur la fiscalité de la transmission du patrimoine. Continuant de prêter beaucoup d'attention aux rapports du Sénat, je me suis d'autant plus intéressé à celui-ci qu'il avait été commandité alors que j'occupais les fonctions de président de la commission des finances du Sénat.

Nous disposons donc désormais des données nécessaires sur ce sujet, et nous en sommes parvenus, me semble-t-il, au stade de la décision. Certes, nous ne sommes pas encore en mesure de l'arrêter au titre de ce projet de budget, mais, comme l'a dit M. le rapporteur général, il convient d'essayer de mettre tous les éléments en perspective.

Cela étant, je ne m'opposerai pas à l'adoption de l'amendement de M. Paul Girod, s'il devait être maintenu.

En tout état de cause, le moment est peut-être venu d'établir un calendrier et d'envisager une pluriannualité de la mise en oeuvre des mesures, afin que le dispositif puisse être financé. Ce travail devra être conduit en collaboration avec la commission des finances, et l'élaboration d'un rapport pourrait permettre d'étudier l'ordre des priorités à retenir et le déroulement dans le temps de la réforme.

Néanmoins, les données de base sont disponibles, je le répète, et je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire d'en accumuler d'autres. Par conséquent, je souhaiterais que M. Paul Girod veuille bien retirer son amendement. Dans le cas contraire, j'insisterai vivement pour que nous entreprenions un travail collégial sur la programmation dans le temps de l'accomplissement de la tâche qui s'impose à nous et qui a été parfaitement identifiée par la commission des finances du Sénat.

M. le président. Monsieur Girod, l'amendement n° I-98 est-il maintenu ?

M. Paul Girod. J'avais indiqué en préambule que mon amendement visait à recueillir pieusement les pensées de M. le ministre sur le sujet. Ces pensées vont dans le bon sens, j'espère qu'elles déboucheront un jour sur des mesures réellement efficaces.

M. le rapporteur général et M. le ministre ayant affirmé que la réflexion était déjà bien engagée, je vais retirer mon amendement. Cependant, si aucune évolution ne se faisait jour dans le courant de l'année 2004, M. le ministre peut être certain que je le représenterai à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, et que cette fois je ne le retirerai pas !

M. le président. L'amendement n° I-98 est retiré.