chapitre ii

Les prestataires techniques

Art. 1er bis
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique
Art. 2 bis (début)

Article 2

I. - Le chapitre VI du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est abrogé.

II à V. - Supprimés

VI. - Non modifié. - (Adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique
Art. 2 bis (interruption de la discussion)

Article 2 bis

I. - 1. Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication publique en ligne informent leurs abonnés de l'existence de moyens techniques permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner et leur proposent au moins un de ces moyens.

2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication publique en ligne, le stockage durable de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait de la diffusion d'informations ou d'activités si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.

3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

4. Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans un autre but que celui d'empêcher la diffusion ou la propagation d'une idée ou d'une opinion contraire aux lois et règlements en vigueur est puni, lorsque le contenu ou l'activité est licite, d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 ? d'amende.

5. Une procédure facultative de notification destinée à porter l'existence de certains faits litigieux à la connaissance des personnes désignées au 2 est instaurée. Lorsqu'il s'avère nécessaire de vérifier l'illicéité d'informations mises en cause, et qu'il existe un risque raisonnable que le délit puni au 4 puisse être constitué, la connaissance des faits litigieux n'est réputée acquise par les personnes désignées au 2 que lorsqu'il leur est notifié les éléments suivants :

- la date de la notification ;

- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

- les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

- la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté.

6. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas des producteurs au sens de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

7. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

Toutefois, les personnes mentionnées au 2 mettent en oeuvre les moyens conformes à l'état de l'art pour empêcher la diffusion de données constitutives des infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l'article 227-23 du code pénal.

8. L'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée aux 1 et 2, toutes mesures propres à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication publique en ligne, telles que celles visant à cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, à cesser d'en permettre l'accès.

II. - Les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires.

Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication publique en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d'identification prévues au III.

L'autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I des données mentionnées au premier alinéa.

Les dispositions des articles 226-17, 226-21 et 226-22 du code pénal sont applicables au traitement de ces données.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, définit les données mentionnées au premier alinéa et détermine la durée et les modalités de leur conservation.

III. - 1. Les personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication publique en ligne mettent à disposition du public :

a)  S'il s'agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone ;

b)  S'il s'agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s'il s'agit d'entreprises assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription, leur capital social, l'adresse de leur siège social ;

c)  Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée ;

d)  Le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I ;

e)  S'il s'agit d'entrepreneurs assujettis aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription.

2. Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication publique en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse du prestataire mentionné au 2 du I, sous réserve de lui avoir communiqué les éléments d'identification personnelle prévus au 1.

Les personnes mentionnées au 2 du I sont assujetties au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, pour tout ce qui concerne la divulgation de ces éléments d'identification personnelle ou de toute information permettant d'identifier la personne concernée. Ce secret professionnel n'est pas opposable à l'autorité judiciaire.

IV. - Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication publique en ligne dispose d'un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu'elle peut adresser au service, tant que ce message est accessible au public.

La demande d'exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l'anonymat, à la personne mentionnée au 2 du I qui la transmet sans délai au directeur de la publication. Elle est présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message justifiant cette demande.

En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit jours de la réception de celle-ci, le demandeur peut agir à l'encontre du directeur de la publication en saisissant en référé le président du tribunal de grande instance. Ce dernier peut ordonner, au besoin sous astreinte, la mise à disposition du public de la réponse.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.

V. - 1. Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 ? d'amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'une des activités définies aux 1 et 2 du I, de ne pas avoir conservé les éléments d'information visés au II ou de ne pas déférer à la demande d'une autorité judiciaire d'obtenir communication desdits éléments.

Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 de ce code. L'interdiction mentionnée au 2° de cet article est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

2. Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 ? d'amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'activité définie au III, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même article.

Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 de ce code. L'interdiction mentionnée au 2° de cet article est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, sur l'article.

M. Ivan Renar. Cette intervention sur l'article concerne l'ensemble des articles 2 bis à 2 quater  ; je craignais que l'avalanche n' aille un peu plus loin ...

Un leitmotiv revient et fait écho au présent texte de loi - piratage, pillage, ruine de l'industrie du disque, fermeture de salles de cinéma -, traduction d'une inquiétude réelle et légitime.

La contrefaçon et le piratage sont des délits qui concernent les circuits de la contrebande et du banditisme, qu'on appelle aussi marché noir et économie parallèle, avec reproduction ou vol d'un « original », le « master », dupliqué massivement, stocké et vendu par des filières de distribution particulières, souvent clandestines, qui échappent à la réglementation ainsi qu'aux impôts et taxes obligatoires.

Dans la sphère du Net, le délit est celui du vol de fichiers et il appartient aussi à la guerre commerciale que se livrent les annonceurs publicitaires et d'autres.

On ne saurait parler de vol, piratage ou pillage d'un auteur quand on utilise une oeuvre que l'on n'a pas achetée. En fait, on fait circuler la culture, ce qui nous conduit à acheter d'autres oeuvres. On ne vole pas un producteur de succès musicaux quand on fait une cassette pour la voiture : le succès public, gagné par l'usage même de ces duplications, lui a déjà assuré les moyens de vivre.

Vous le savez, je suis particulièrement attentif aux intérêts des musiciens, des auteurs, des éditeurs indépendants, mais je ne saurais amalgamer leurs droits avec les intérêts des« majors » américaines qui inondent tous les supports de diffusion : le système français des droits d'auteur et le copyright américain n'ont rien en commun, et les intérêts des « majors» et des monopoles se confondent rarement avec ceux de la création, de la recherche artistique et de l'exception culturelle française.

Il est vrai que la numérisation et la transmission par réseau des oeuvres viennent changer profondément les méthodes de réalisation des droits d'auteurs. Ces changements imposent de réfléchir collectivement, en pesant les intérêts des créateurs et ceux de la société, en ne masquant pas les intérêts patrimoniaux des producteurs et diffuseurs derrière la figure de l'auteur.

Les droits d'auteur sont des droits d'équilibre entre le besoin des créateurs d'obtenir les moyens de vivre de leur art, sans avoir à exercer à titre de « gagne-pain » une activité étrangère à leur activité première, et le besoin de toute la société d'hériter de créations de nature à élargir les compétences globales de l'humanité. En matière de droits d'auteur, cela se traduit par l'existence d'un « domaine public », d'exceptions d'usage pour l'éducation ou la recherche, du droit de citation et de critique, du droit à la copie privée, de la diffusion non commerciale, de la diffusion arts et essai- commerciale mais sur des réseaux définis -, de la diffusion locale, de la diffusion commerciale...

Il existe des taxes sur la billetterie cinématographique, les vidéocassettes vierges et les DVD, de même qu'il existe une redevance audiovisuelle. La question du prêt en bibliothèque et des photocopies faites par les enseignants pour illustrer leurs cours a donné lieu à un modus vivendi et je pense qu'il faut réfléchir calmement à une mutualisation des remontées financières attachées aux technologies présentes et à venir.

J'ai écouté avec intérêt l'intervention qu'a faite ce matin M. Trégouët. Il a tracé des pistes et avancé des propositions qui méritent réflexion. Pourquoi ne pas organiser une sorte de conférence nationale rassemblant ceux qui sont légitimement inquiets et ceux qui veulent protéger une nouvelle forme de liberté ?

Dans le monde des artefacts, les droits d'auteurs sont négociés au moment de l'industrialisation et cédés par les auteurs au producteur de cinéma ou de télévision, à l'éditeur de musique ou de livres, pour permettre l'impression du livre, le pressage des disques, la mise en salle des films ou la diffusion des émissions.

Avec le réseau, on assiste à un basculement vers une négociation ayant lieu au moment de l'usage de l'oeuvre : licence pour un nombre défini d'écoutes, interdiction de copies personnelles, licences adaptées à tel matériel, refus du prêt des oeuvres numériques,... Le message simple, sinon simpliste, est : il faut payer pour chaque usage d'une oeuvre. Bien évidemment, chacun vibre un peu pour l'auteur qui serait volé par les copies, par le prêt en bibliothèque, par la diffusion de cassettes entre copains, par l'utilisation des photocopies dans l'enseignement scolaire. Mais ce message légitime peut être trompeur si, en croyant soutenir et aider Rimbaud, Ravel ou Brassens, on se retrouve embauché au service de Vivendi, de Disney, d'Elsevier ou de Microsoft.

Or ces changements ne sont pas du tout en droite ligne du droit d'auteur antérieur qui est, je le répète, un droit d'équilibre, et ce depuis le Statut d'Anne, ancêtre de tous les droits d'auteurs.

Il convient d'éviter de tomber dans le piège du paiement au seul usage et de contrer les propositions qui desserviraient l'accès à la culture, ses animateurs, ses auteurs et ses artistes.

Je suis cependant un optimiste et je pense que les industries culturelles trouveront les réponses et les consensus contractuels nécessaires à la compensation de pertes de profits discutables et certainement passagères.

En revanche, deux aspects essentiels de notre conception de la culture en France restent à défendre : d'une part, l'accessibilité de l'oeuvre sur ce nouveau support de diffusion en nous appuyant sur la législation existante et les mécanismes définis dans le cadre du Conseil supérieur de l'audiovisuel et du Centre national de la cinématographie, d'autre part, un statut social légitime de l'artiste et de son oeuvre face à un outil qui, dans la recherche artistique, devient lui-même matière à création, comme à son époque la vidéo, détournée par les arts plastiques, et qui, désormais, fait partie des oeuvres elles-mêmes .

C'est pourquoi je rejoindrai les conclusions d'une étude du Conseil d'Etat concernant Internet et les réseaux numériques qui demandait la valorisation des contenus par la protection de la propriété intellectuelle et l'adaptation du régime de la propriété intellectuelle aux enjeux d'Internet et des réseaux numériques, « de conserver les principes fixés par la législation française en matière de propriété littéraire et artistique. Compte tenu « du cadre international dans lequel se développe cette nouvelle technologie, il faut urgemment adapter le régime des exceptions au droit d'auteur et harmoniser les règles relatives aux conflits de lois et de juridictions, notamment en matière d'atteintes aux droits de propriété intellectuelle ».

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Dans le deuxième alinéa (2) du I de cet article, supprimer le mot :

durable

II. Dans le deuxième alinéa (2) du I de cet article, remplacer les mots :

du fait de la diffusion d'informations ou d'activités

par les mots :

du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services

III. Dans le troisième alinéa (3) du I de cet article, après les mots :

à raison des informations stockées

insérer les mots :

à la demande d'un destinataire de ces services

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Afin d'assurer une transposition fidèle de l'article 14 de la directive 2000/31/CE, il convient de définir l'hébergeur comme assurant un stockage de données à la demande du destinataire du service.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

En effet, les précisions apportées nous permettront de nous mettre presque certainement - je ne peux pas être absolument affirmatif, parce que le contentieux a ses incertitudes ! - en conformité avec la directive évoquée. Le Gouvernement souhaite que nous rattrapions le retard accumulé dans la transposition de cette dernière.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour explication de vote.

M. Pierre-Yvon Trémel. Tout au long de nos travaux, nous avons essayé de bien nous conformer au texte de la directive. Cependant, si je comprends l'argumentation de MM. les rapporteurs, je souhaiterais leur poser une question.

En effet, ils proposent de supprimer la référence au caractère durable de l'hébergement, celle-ci ne figurant pas dans le texte de la directive. Or, dans le même temps, ils précisent dans leur argumentaire que cela ne doit pas empêcher pour autant de distinguer efficacement l'hébergement de l'activité de cache, qui ne relève pas, selon eux, du même régime de responsabilité. Dans ces conditions, pourquoi ne pas maintenir l'adjectif « durable » dans le texte ?

En fait, les hébergeurs que nous avons rencontrés insistent beaucoup sur la nécessité de distinguer clairement les deux opérations. Par conséquent, ne s'agit-il pas ici d'étendre la responsabilité des prestataires techniques ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La réponse à la question de M. Trémel est simple : il faut distinguer l'activité de cache de l'hébergement et, dès lors, la modification du texte que nous proposons est tout à fait logique et justifiée. Mais peut-être n'ai-je pas bien compris le sens de l'intervention de M. Trémel ?...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président . L'amendement n° 44, présenté par MM. Trémel,  Raoul et  Teston, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

I - Dans le 2 du I  de cet article, remplacer le mot :

illicite

par les mots :

manifestement illégal

II - En conséquence :

a) Dans le 3 du I de cet article, remplacer le mot :

illicites

par les mots :

manifestement illégales

b) Dans le 4 du I de cet article, remplacer le mot :

illicite

par les mots :

manifestement illégal

c) A la fin du premier alinéa du 7 du I de cet article, remplacer le mot :

illicites

par les mots :

manifestement illégaux

La parole est à M. Henri Weber.

M. Henri Weber. Nous avons eu de longs débats sémantiques sur cet article au cours de la navette parlementaire. Pour autant, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne nous paraît pas satisfaisante ; elle nous semble même dangereuse.

En effet, l'adjectif « illicite » est trop ambigu : selon la définition adoptée, il renvoie aussi bien à la loi qu'à la morale. Nous pensons qu'il faut lever l'ambiguïté en remplaçant cet adjectif par l'expression « manifestement illégal ».

Nous craignons en effet que l'usage de l'adjectif « illicite » ne favorise l'émergence d'une censure a priori de la part des intermédiaires techniques. Les hébergeurs de sites sont des entreprises commerciales, dont l'objectif est de réduire leurs coûts et de se prémunir notamment contre les coûts inhérents aux procédures juridiques. Il est à craindre, dans ces conditions, que, pour éviter de voir leur responsabilité engagée, ils ne « taillent  dans le vif », sans souci de la nuance, en refusant a priori d'héberger un site qui serait susceptible de déplaire à telle ou telle catégorie de la population et de faire l'objet d'une procédure de notification.

Il s'agit là d'un comportement que la théorie économique qualifierait de « rationnel ». De ce point de vue, il l'est sans aucun doute, mais ce dispositif d'autorégulation est lourd de menaces quant à la liberté d'expression.

En effet, l'intermédiaire technique n'est pas et n'a pas vocation à être un professionnel du droit ou un magistrat. Dans de nombreux domaines, il ne dispose ni du temps ni de la compétence qui lui permettraient de juger de la licéité du contenu d'un site. Il adoptera dès lors le comportement le plus prudent, c'est-à-dire qu'il retirera sans états d'âme tout site dont le contenu lui paraîtra litigieux ou lui aura été signalé comme tel.

C'est pourquoi nous préconisons le recours à l'expression « manifestement illégal », qui permettrait de resserrer la marge d'appréciation laissée aux intermédiaires techniques. Renvoyant à la loi ou à une décision de justice, cette formulation s'applique aussi bien aux propos racistes, négationnistes ou xénophobes qu'aux atteintes au droit d'auteur.

Par ailleurs, cette même formulation est cohérente avec la définition de la communication publique en ligne que nous venons d'adopter à l'article 1er  : la reconnaissance de l'autonomie juridique de l'internet ne revient pas à créer un ordre juridique nouveau faisant concurrence au droit commun.

En outre, on constate que la législation en vigueur a déjà fait ses preuves : depuis l'entrée en application de la loi du 1er  août 2000, le contentieux semble maîtrisé sur le plan national, sans que la justice soit submergée par des plaintes relatives à l'Internet. On a compté 10 000 réquisitions en référé en 2003, et la justice a montré qu'elle peut intervenir rapidement.

Compte tenu de tous ces éléments, nous demandons au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement.

MM. Daniel Raoul et Gérard Longuet. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. En retenant l'adjectif « illicite » pour qualifier les informations et activités qui engagent la responsabilité des prestataires techniques, la directive communautaire sur le commerce électronique laisse aux hébergeurs une certaine marge d'appréciation qu'il n'appartient pas au législateur français de supprimer.

En effet, substituer l'expression « manifestement illégal » à l'adjectif « illicite » reviendrait à modifier considérablement le champ de responsabilité des prestataires techniques sur l'internet. Une activité licite est une activité à la fois légale et acceptée par la morale. La licéité est donc une notion plus large que la légalité et, a fortiori, que la légalité manifeste.

Mme Danièle Pourtaud. C'est bien ce que nous disons !

M. Pierre Hérisson , rapporteur. En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

D'une part, l'adjectif « illicite » correspond au concept retenu dans la directive. Or, encore une fois, nous voulons nous mettre en conformité avec cette dernière et sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

D'autre part, quel est le mécanisme existant ? La notification faite éventuellement à un hébergeur a simplement pour objet de l'amener à prendre ses responsabilités. C'est tout ! Il peut décider de ne pas donner suite à la demande formulée, mais il doit prendre ses responsabilités. Dès lors que la notification aura été faite, c'est le juge qui, le cas échéant, décidera. En tout état de cause, s'il n'y a pas de notification, l'hébergeur sera exonéré de sa responsabilité.

S'il est pratique d'être exonéré de toute responsabilité quelle qu'elle soit, il faut tout de même fixer une limite à cela ! Je vous notifie, à vous de juger. Il est bien évident que le juge appréciera la responsabilité de l'hébergeur dans la continuité de la jurisprudence, en appréciant la bonne foi de l'hébergeur. Je suis comme vous conscient qu'il y aura probablement des notifications abusives ou basées sur des critères flous. Dans ce dernier cas, il sera difficile pour l'hébergeur de décider si oui ou non le contenu doit être censuré. Remarquez que dans un tel cas, et c'est ce que pense le Gouvernement comme législateur, l'hébergeur n'encourre aucune répression devant le tribunal, sa bonne foi étant acquise. C'est en dernier lieu le juge qui, après une fine analyse juridique, décidera s'il y a lieu ou pas de donner suite. Dans les cas fréquents de situations ambiguës ou manquant de clarté, il sera aussi certainement admis qu'aucune faute n'est imputable à l'hébergeur.

Par conséquent, ce système protège à la fois l'hébergeur et la victime, cette dernière disposant enfin d'un mécanisme lui permettant de mettre fin à un abus éventuel.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président . L'amendement n° 54, présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (2) du I de cet article, après les mots :

caractère illicite insérer les mots : dûment constaté par un juge.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Avec le présent amendement, le groupe communiste, républicain et citoyen souhaite instituer une répartition claire des rôles entre l'hébergeur et le juge, contrairement au texte actuel qui opte pour un cumul très préjudiciable. Notre amendement vise à laisser au seul le juge la responsabilité d'évaluer le caractère licite ou illicite d'un contenu. A l'intermédiaire technique ensuite, au vu de la décision judiciaire, de prendre les mesures qui s'imposent.

Tout autre dispositif nous ferait rentrer dans un mécanisme de censure privée, ce qui n'est pas acceptable dans un pays démocratique. En effet, le présent texte aboutit à confier à une personne privée sans aucune compétence juridique particulière le soin de définir le champ du licite et de l'illicite, champ dont la frontière peut paraître floue.

Au-delà de ces considérations, un pays démocratique comme le nôtre ne peut accepter une telle confiscation du pouvoir de juger.

Ce système contrevient directement à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'à l'article 3 de notre Constitution. En effet, ces articles interdisent l'exercice d'une parcelle de souveraineté par un corps particulier. A fortiori , s'agissant de l'exercice d'une liberté individuelle, il serait logique que l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en vertu de l'article 66 de la Constitution, soit l'autorité compétente pour décider de censurer ou non un contenu.

Certains invoqueront sûrement la directive sur le commerce électronique pour justifier la rédaction actuelle. Je rejette cet argument, la rédaction proposée par les sénateurs communistes étant en tout point compatible avec cette directive. En effet, il n'existe dans ladite directive aucune indication précise et impérative sur les modalités engageant la responsabilité de l'hébergeur.

La décision que nous devons prendre aujourd'hui est donc une décision d'opportunité politique. L'attachement des sénateurs communistes à certaines valeurs traditionnelles qu'ils croient profondément devoir être appliquées à Internet les conduit à toujours préférer une interdiction judiciaire à une censure privée.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur . Il n'est pas dans l'esprit de la directive sur le commerce électronique de soumettre à une décision judiciaire le retrait par l'hébergeur des données illicites. Les délais considérables qui découleraient d'une intervention du juge en amont de tout retrait de contenu entraîneraient la persistance sur Internet de contenus dont le caractère illicite apparaît pourtant au grand jour. Il est en effet des activités ou des contenus que tout un chacun s'accordera sans peine à qualifier d' « illicites ». L'hébergeur dont l'attention aurait été attirée par des éléments faisant apparaître l'illicéité d'un contenu, ou qui aurait été informé de cette illicéité, ne peut pas se retrancher derrière le juge et se dérober à sa responsabilité en laissant subsister l'hébergement pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian , ministre délégué . Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Madame Terrade, selon l'article 14 de la directive, les Etats membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire au service, le prestataire ne soit pas responsable des informations. Il y a donc un principe d'irresponsabilité, vous avez sur ce point raison. Mais il y a une restriction à cela. En effet, il est stipulé que le prestataire n'est pas responsable à la condition qu'il n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicite. Or, dès qu'il a la notification, il a connaissance. Si vous conditionnez son attitude à l'intervention du juge, vous êtes en contradiction avec l'exception introduite au a par la directive. Par conséquent votre amendement n'est pas conforme. Je crois vraiment que cette position est fondée.

M. le président . Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le deuxième alinéa (2) du I de cet article par les mots :

conformément au 8 de cet article.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar . Je continue, monsieur le président, comme la mer sur les galets. (Sourires).

Avec le présent amendement, les sénateurs communistes souhaitent rétablir ce qui constitue l'essence même du régime démocratique : l'exigence d'un recours au juge pour décider des atteintes à une liberté fondamentale, constitutionnellement protégée.

En effet, l'article 2 bis tel que retenu par le présent projet de loi tend à instituer une justice privée au profit d'intermédiaires techniques, sans aucun garde-fou.

Pour prendre la mesure des conséquences de cette délégation d'un attribut essentiel de la souveraineté, le pouvoir de juger, il faut expliquer concrètement comment fonctionnera le mécanisme. L'hébergeur saisi d'une plainte sera en réalité conduit à peser le pour et le contre d'une décision de censure. Or, il n'est pas certain que ses critères de décision soient purement juridiques, étant entendu d'ailleurs qu'il ne dispose peut-être pas de compétence particulière à cet égard. Il est probable que, soupesant le risque encouru notamment d'un point de vue commercial, il opte pour la solution économiquement la plus favorable, solution issue d'un rapport de force non pas juridique mais économique ou médiatique.

En d'autres termes, si l'hébergeur ne risque rien à censurer un domaine signalé comme illicite par un gros client, il risquera au contraire tout, et notamment le changement d'hébergement, si le domaine mis en cause est celui d'un client représentant la partie économiquement la plus forte : ainsi se met en place une censure au « faciès économico-médiatique ».

Et ce n'est pas une simple vue de l'esprit. Remémorez-vous les péripéties de l'affaire « jeboycottedanone », où l'hébergeur fit l'objet de pressions très importantes de la part de Danone, qui le contraignit à changer le nom du domaine.

Il n'est pas admissible, alors que sont en jeu des libertés aussi fondamentales que la liberté d'expression ou la présomption d'innocence, de permettre que tout se joue sur le poids commercial respectif des parties en cause. C'est pourquoi nous préférons de loin un système où un acteur neutre, le juge, prendra la décision, en référé s'il y à urgence, de sanctionner ou non un contenu : tel est le sens du renvoi au paragraphe 8 du paragraphe 1 de cet article, relatif au pouvoir de l'autorité judiciaire en vue de faire cesser un dommage produit par un contenu illicite.

Et puisque l'heure est au droit comparé, nous le verrons notamment avec la question du filtrage des contenus, je finirai mon propos en soulignant qu'une telle rédaction est respectueuse des impératifs communautaires. Elle se rapproche notamment de l'option choisie par la législation belge qui a souhaité, dans son article 20, confier principalement à l'autorité judiciaire le soin de prendre les mesures relatives au copiage, à l'inaccessibilité et au retrait des contenus illicites, l'hébergeur ne pouvant prendre que des mesures à caractère provisoire et exclusivement liées à l'accès aux informations.

On ne manquera de m'opposer, comme M. Hérisson l'a fait à l'instant, l'encombrement des tribunaux engendré par une telle procédure. Je récuse toujours par principe ce type d'argument lorsqu'il s'agit de protéger des libertés : avec de tels propos, on aboutirait à justifier des emprisonnements sans procès par la pénurie de personnel judiciaire !

J'ajouterais que, selon le recensement fait par l'association IRIS, c'est quelque 500 affaires relatives à Internet, toutes instances et juridictions confondues, qui ont été jugées entre 1995 et 2003.

L'AFA, quant à elle, évalue à 250 par mois en moyenne le nombre de signalements de contenus supposés illicites reçus dans les six derniers mois, chiffres confirmés par les indicateurs gouvernementaux, dont 10 % seulement concernent des contenus hébergés en France. Donc, rien de bien dramatique pour l'encombrement des tribunaux.

Là encore, il faut bien admettre que l'option qui a été prise est plus liée à l'importance donnée à la protection de l'état de droit qu'à la volonté d'être le plus eurocompatible possible.

Je pense pour ma part que notre assemblée s'honorerait en rejetant l'institution inédite et préjudiciable aux libertés d'une justice privée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. La commission est défavorable et émet les mêmes observations qu'à l'amendement n° 54.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Même avis, monsieur le président.

M. Ivan Renar. Je ne saurai même pas pourquoi ma fille est muette, monsieur le président !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Parce que vous lui faites peur !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le deuxième alinéa (2) du I de cet article par les mots:

et après que l'émetteur de ces informations ou activités en cause ait été mis en mesure de présenter contradictoirement ses observations.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. L'amendement n° 56 constitue un amendement de repli qui vise à sauvegarder a minima le respect des droits de la défense dans un système qui institue une censure privée a priori contre des contenus dont le caractère illicite aura pu être allégué mais non jugé par une autorité impartiale.

Dans la mesure où un hébergeur pourra décider de retirer ou de rendre impossible l'accès à des contenus prétendument illicites, portant ainsi une atteinte grave à la liberté d'expression, il semble tout à fait indispensable de mettre en place des garde-fous destinés à donner au moins un caractère transparent et contradictoire à la procédure. Car, en l'état actuel du texte, rien n'oblige l'hébergeur à recevoir les observations de la personne dont le contenu est mis en cause, ni même à l'informer préalablement à toute censure.

Ce dispositif paraît en contradiction avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui pose le principe selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.

Or, sans même parler de l'accès à un tribunal indépendant et impartial en la matière, la notion d'équité au sens de la Convention implique à tout le moins que la décision portant atteinte à une liberté individuelle ne soit prise qu'à l'issue d'une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne mise en cause soit en mesure de présenter ses observations.

Le fait que l'on se trouve hors du champ pénal n'y change rien : on sait par exemple que le principe du contradictoire trouve à s'appliquer y compris dans le domaine des sanctions disciplinaires.

Ce dispositif, qui n'est pas sans rappeler le mécanisme du droit de réponse qu'avait institué le projet de loi sur la société de l'information sous la précédente législature, nous semble absolument indispensable à partir du moment où la majorité sénatoriale n'a pas souhaité imposer le recours au juge. Il constitue un gage minimal contre des décisions qui peuvent, on l'a dit, comporter une grande part d'arbitraire.

C'est pourquoi nous demandons un scrutin public sur cet amendement que nous souhaitons vivement voir adopté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise à ce que la décision de l'hébergeur de retirer ou d'empêcher l'accès aux informations illicites ne soit prise qu'à l'issue d'une procédure contradictoire.

Si l'hébergeur était obligé d'attendre que l'émetteur des informations en cause présente ses observations, les informations douteuses resteraient encore longtemps accessibles en ligne. Il n'est donc pas possible de prévoir une procédure contradictoire en amont ; en revanche, l'éditeur qui estimerait que les contenus dont il est l'auteur ont été abusivement retirés par l'hébergeur pourrait obtenir réparation en justice du préjudice subi, dans la mesure où il y a rupture de la diffusion.

En outre, l'alinéa 4 de l'article 2 bis constitue un garde-fou contre les dénonciations abusives de contenu. Les sanctions qu'il prévoit devraient dissuader les internautes mal intentionnés de présenter comme illicite aux hébergeurs un contenu dont ils savent qu'il est licite, dans le seul but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion. Il faudrait selon moi inverser le système. Il serait loisible à chacun de demander la réparation des dommages, mais au moins y aurait-il une rupture de la diffusion lorsque c'est nécessaire.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les observations de M. le rapporteur sont judicieuses. J'ajoute que le système ne transforme pas l'hébergeur en juge, bien au contraire. Il crée un préalable : pour pouvoir saisir le juge d'une insertion insatisfaisante, il faut d'abord le notifier à l'hébergeur. L'hébergeur n'est donc absolument pas juge, il est simplement mis face à ses responsabilités. Pour ce faire, il apprécie et agit comme il l'entend ; il peut s'adresser à l'émetteur avant de prendre sa décision.

En fait, certaines situations sont évidentes. Au moment de la notification, l'hébergeur découvre une insertion qu'il ne connaissait pas et qui lui paraît inacceptable ; il y met fin immédiatement parce qu'il est de bonne foi. Telle est la destination de la procédure. En cas d'ambiguïté ou de litige, il faudra en tout état de cause passer devant le juge. Par conséquent, je le répète, l'hébergeur n'est pas le juge - surtout pas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 157 :

Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 303
Majorité absolue des suffrages exprimés 152
Pour l'adoption 106
Contre 197

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Compléter in fine le deuxième alinéa (2) du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

II. Compléter in fine le troisième alinéa (3) du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise à assurer une transposition complète de l'article 14 de la directive 2000/31 dont le deuxième alinéa n'était pas transposé dans le présent texte.

Il s'agit de préciser que le régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous le contrôle ou l'autorité de l'hébergeur.

Une telle précision écarte du bénéfice du régime aménagé de responsabilité des hébergeurs les prestataires exerçant des activités d'intermédiation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement y est favorable puisqu'il s'agit de transposer la directive communautaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (3) du I de cet article, après les mots :

de l'activité ou de l'information illicites

insérer les mots :

dûment constatées par un juge

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 58, présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le troisième alinéa (3.) du I de cet article par les mots :

conformément au 8 de cet article

Cet amendement n'a plus d'objet.

L'amendement n° 59, présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine le troisième alinéa (3) du I de cet article par les mots :

et après que l'émetteur de ces informations ou activités en cause ait été mis en mesure de présenter contradictoirement ses observations.

Cet amendement n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 73, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (4) du I de cet article :

4 . Le fait, pour toute personne, de présenter, de mauvaise foi, aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 ? d'amende.

La parole est à M. René Trégouët.

M. René Trégouët. En créant cette nouvelle incrimination pénale passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, cet amendement vise à limiter les dénonciations abusives de contenus illicites par des personnes de mauvaise foi.

En effet, la responsabilité des hébergeurs étant engagée, il convient de mieux définir les cas de dénonciations abusives en mettant en évidence la mauvaise foi de la personne qui présente un contenu ou une activité comme étant illicite.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (4) du I de cet article :

4. Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 73.

M. Pierre Hérisson, rapporteur . Certes, la nouvelle rédaction proposée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture pour cet alinéa vise à agir avec plus d'efficacité contre les dénonciations abusives de contenus illicites.

Pour autant, nous souhaiterions rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture qui, plus claire et plus précise, permettait d'éviter que la liberté d'expression sur Internet ne soit remise en cause par des signalements illégitimes de contenus à l'hébergeur.

Quant à l'amendement n° 73, monsieur Trégouët, il convient effectivement de clarifier la rédaction du quatrième alinéa du I de l'article 2 bis sur ce point. Mais comparé à l'amendement de la commission qui se fonde sur l'intention de nuire, la référence à la mauvaise foi du dénonciateur de votre amendement élargit sans doute le champ de l'incrimination pénale créé par cet alinéa.

Les consultations auxquelles la commission a procédé laissent à penser que l'intention de nuire est une notion juridique plus précise, et donc plus opératoire en droit pénal, que la mauvaise foi. Nous souhaiterions néanmoins entendre l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ces deux amendements concourent au même but et recouvrent la même intention. Mais sans vouloir vous fâcher, monsieur Trégouët, je vous demanderai de bien vouloir retirer le vôtre au bénéfice de celui de la commission qui me semble mieux rédigé.

M. le président. Monsieur Trégouët, l'amendement n° 73 est-il maintenu ?

M. René Trégouët. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 73 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du 5 du I de cet article :

La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu'il leur est notifié les éléments suivants :

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La notification des faits illicites au fournisseur d'hébergement doit pouvoir se faire de manière libre. Toutefois, il peut être utile d'élaborer une procédure de notification créant une présomption d'acquisition, par l'hébergeur, de la connaissance des faits présentés comme illicites.

Cet amendement vise donc à instituer une procédure de notification que les utilisateurs seront incités à suivre car elle aura force probatoire devant le juge dans la mesure où elle crée une présomption d'acquisition, par l'hébergeur, de la connaissance des faits litigieux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par M. Trégouët.

L'amendement n° 61 est présenté par Mme Terrade, MM. Bret,  Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 96 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le second alinéa du 7. du I de cet article.

La parole est à M. René Trégouët, pour présenter l'amendement n° 35.

M. René Trégouët. La discussion de cet amendement est, selon moi, un moment important dans l'examen de ce projet de loi.

Lors des débats en première lecture, l'Assemblée nationale avait introduit dans ce texte une surveillance active de certains contenus hébergés.

Mme la ministre déléguée à l'industrie avait alors considéré que la directive sur le commerce électronique n'offrait pas la possibilité d'imposer une telle exigence. Cette position a été adoptée par le Sénat qui a supprimé cette obligation.

L'amendement proposé vise à supprimer l'obligation de surveillance des contenus que l'Assemblée nationale a réintroduite lors de l'examen du texte en deuxième lecture.

Il est utile de rappeler que le droit commun offre déjà au juge les moyens lui permettant d'agir en urgence dans des cas particuliers et de prendre toutes les mesures utiles pour prévenir un trouble, notamment des mesures de surveillance. De telles mesures ont par le passé déjà été imposées à plusieurs hébergeurs.

En adoptant le deuxième alinéa du 7. du I de l'article 2 bis , l'Assemblée nationale a pris une direction contraire à l'article 15 de la directive 2000/31 sur le commerce électronique qui interdit aux Etats membres d'imposer aux prestataires une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant une activité illicite.

Dans son rapport du 21 novembre 2003 sur l'application de la directive e-commerce que le présent projet de loi pour la confiance en l'économie numérique vise à transposer, la Commission européenne a rappelé qu'une obligation générale de surveillance conduirait à imposer une charge disproportionnée aux intermédiaires, alors même qu'il est permis de douter de l'efficacité d'une telle mesure au vu des technologies disponibles sur le marché actuel pour y satisfaire. De ce point de vue, et par référence aux transpositions d'ores et déjà intervenues dans les autres pays européens, aucune n'impose une telle obligation minimale de surveillance sur certains contenus prédéfinis par des textes pénaux.

Si la disparition des contenus visés par le législateur dans le deuxième alinéa du 7. du I de l'article 2 bis suppose une action constante, il existe aujourd'hui des procédures efficaces de signalement des contenus de pornographie enfantine et d'incitation à la haine raciale en France, en Europe et dans le monde qui ont permis de les réduire efficacement dans les pays où de telles procédures sont mises en place.

Cette action sera rendue possible, comme je l'ai souligné ce matin lors de la discussion générale, par la conjonction des efforts de tous.

A cet égard, la charte que les fournisseurs d'hébergement ont adoptée témoigne d'une démarche particulièrement volontariste qui traduit bien leur détermination à lutter aux côtés des pouvoirs publics contre les contenus les plus choquants en circulation sur les réseaux.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 61.

Mme Odette Terrade. Cet amendement, à l'instar de ceux de nos collègues qui ont le même objet, vise à supprimer l'obligation généralisée de surveillance des contenus mise à la charge des hébergeurs par les députés.

On ne peut que regretter que les députés de la majorité, sous l'influence de motivations démagogiques, aient souhaité réintroduire cette disposition qui avait fort heureusement été supprimée au Sénat en première lecture, avec l'appui de Mme Fontaine.

En effet, tout le monde ici est d'accord pour dire que certains contenus particulièrement odieux nécessitent une attitude intransigeante, qu'il s'agisse de la pédophilie, du racisme ou du négationnisme - comment pourrait-il en être autrement !

Mais les députés ont choisi d'adopter un système dangereux, inefficace et a fortiori incompatible avec la directive européenne que nous sommes chargés de transposer aujourd'hui ; il y a unanimité pour le dire.

Inutile, le mécanisme l'est sans nul doute alors que le droit commun pénal permet déjà de prendre toute mesure de nature à prévenir la commission des infractions pénalement sanctionnées, visées par cet alinéa.

Inefficace, le dispositif l'est certainement tout aussi, quand même la Commission européenne s'interroge sur la pertinence d'un tel dispositif au vu des technologies actuellement disponibles pour le rendre opérationnel.

Prenons un exemple simple : si vous instituez un système d'alerte programmé pour se mettre en alarme à toute photo d'enfant nu, il y a fort à parier que les contenus relatifs à l'obstétrique et à la pédiatrie seront dans le collimateur de votre machine, qui embarquera tout aussi allègrement les publicités Evian qui mettent en scène des bébés nus !

On voit bien à quel point le système peut être irréaliste, sachant d'ailleurs que la plupart des visées sont commises via des sites hébergés à l'étranger et sur lesquels la France n'a pas de prise - je vous renvoie à l'affaire Yahoo.

On sait également que le dispositif pourrait être contreproductif dans une perspective de démantèlement de réseaux, en empêchant la poursuite d'investigations par les équipes d'enquêteurs.

Je réitère ici, de façon plus générale, les réserves émises par les sénateurs de mon groupe à l'égard des dispositifs répressifs qui s'additionnent les uns aux autres depuis deux ans sans beaucoup plus d'utilité que celle de flatter l'opinion publique : je pense notamment à l'institution du fichier des délinquants sexuels, dont ma collègue Nicole Borvo avait souligné qu'il faisait double emploi avec le casier judiciaire, sans faire la preuve d'une efficacité supplémentaire.

Je note d'ailleurs que le Gouvernement suit en fin de compte le même raisonnement qui, dans l'objet de son amendement de suppression, évoque les mécanismes d'information, de coopération et d'aide à la recherche mis en place. Doit-on espérer que la sérénité remplace dorénavant la démagogie ?

« Eurocompatible », la rédaction de l'Assemblée nationale l'est évidemment lorsqu'elle contrevient directement à l'article 15 de la directive sur le commerce électronique, qui énonce expressément que les intermédiaires techniques ne peuvent se voir imposer aucune obligation générale de surveillance. A telle enseigne d'ailleurs que le système préconisé par l'Assemblée nationale n'a son équivalent dans aucun autre pays européen : le rapport qui nous a été remis par la commission des affaires économiques sur les législations européennes en la matière est édifiant.

Enfin, la mise en place d'un filtrage a priori des contenus est dangereuse, cela ne fait pas de doute. Si la France se dotait d'un tel système, elle rejoindrait alors le club très fermé des pays qui filtrent l'internet ; j'ose à peine les citer : la Birmanie, la Corée du Nord, la Tunisie et autres amis des droits de l'homme.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Maintenant, il n'y a plus l'URSS !

Mme Odette Terrade. Nous nous réjouissons de voir ces opinions largement partagées ici. Néanmoins, nous souhaitons le dire, l'adoption très probable de ces amendements de suppression ne pourra en aucun cas dissimuler l'institution d'une justice privée sur l'internet que vous avez souhaité adopter à cet article, et nous le regrettons profondément.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour défendre l'amendement n° 96.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tous les amendements proposés ici vont dans le même sens : ils visent à mettre fin à l'obligation de surveillance.

Le Gouvernement est d'accord pour accepter l'amendement n° 80 de la commission sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 95. A ce moment-là, le dispositif sera équilibré.

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer le second alinéa du 7 du I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance, ciblée et temporaire, demandée par les autorités judiciaires lorsque cela est nécessaire pour sauvergarder la sûreté, la défense, la sécurité publique et pour la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales.

Le ministre en charge des communications électroniques encourage les personnes mentionnées au 2 à élaborer une charte de bonne conduite afin d'empêcher les infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l'article 22723 du code pénal.

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Cet amendement vise à remplacer l'exception introduite par les députés à l'absence d'obligation générale de surveillance par les hébergeurs des contenus stockés par des dispositions inspirées du même souci, mais plus efficaces et compatibles avec la directive communautaire.

M. le président. Le sous-amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 80 pour remplacer le second alinéa du 7 du I de cet article :

Le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l'autorité judiciaire.

Ce sous-amendement a déjà été défendu.

Le sous-amendement n° 102, présenté par MM. Trémel et  Raoul, Mme Pourtaud, MM. Teston,  Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

I. Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par l'amendement  n° 80 :

Le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance, ciblée et temporaire, demandée par les autorités judiciaires à l'encontre d'une personne déterminée mentionnée au 2  lorsque cela est nécessaire pour rechercher des faits ou des circonstances révélant des contenus ou  activités manifestement illégaux.

II. Supprimer le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 80.

Le sous-amendement n° 103, présenté par MM. Trémel et  Raoul, Mme Pourtaud, MM. Teston,  Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

I. Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 80 :

Le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance, ciblée et temporaire, demandée par les autorités judiciaires à l'encontre d'une personne déterminée mentionnée au 2  lorsque cela est nécessaire pour rechercher des faits ou des circonstances révélant des contenus ou  activités illicites.

II. Supprimer le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 80.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter les sous-amendements n°s 102 et 103.

M. Daniel Raoul. Le sous-amendement n° 102 vise à transposer la directive 2000/31/CE tout en s'inspirant des orientations tracées par la direction générale «marché intérieur » de la Commission européenne.

L'amendement n° 80 de la commission est sujet à plusieurs critiques. Tout d'abord, il étend considérablement le champ d'application de ce qui doit rester une dérogation à la règle de principe édictée par la directive, c'est-à-dire l'absence d'obligation générale de surveillance.

Par souci de cohérence et de lisibilité, il nous paraît important de respecter la symétrie rédactionnelle et de reprendre dans ce deuxième alinéa les termes employés dans le premier sans sous-estimer la qualité de la législation luxembourgeoise, qui a souvent été évoquée en commission ; notre mission consiste d'abord à transposer la directive européenne et non à plagier une disposition analogue adoptée dans un autre Etat de l'Union européenne, dont le droit est spécifique.

Ensuite, l'amendement n° 80, contrairement à ce qui avait été annoncé au groupe d'accompagnement des rapporteurs sur la question de la surveillance des contenus en ligne, ne mentionne pas précisément la personne à l'encontre de laquelle l'autorité judiciaire impose une obligation de surveillance temporaire et ciblée. Nous proposons donc de remédier à cette lacune.

Enfin, nous estimons que le second alinéa de cet amendement relève de la déclaration de principe et n'a pas à figurer en tant que tel dans un projet de loi qui se veut fondateur de la loi.

Le renvoi à l'élaboration d'une charte dans le corps même de la loi démontre que nous avons plutôt affaire à une opération de communication. Même si nous sommes tous d'accord pour lutter efficacement contre les activités ou les contenus particulièrement dégradants circulant sur Internet et si nous partageons la démarche des rapporteurs lorsque ces derniers en appellent à la responsabilisation des fournisseurs d'hébergement, il y a également la responsabilisation des parents.

Nous préférerions une démarche plus efficace, c'est-à-dire un engagement du Gouvernement en vue de la construction d'une charte avec les hébergeurs, les opérateurs, plutôt que l'inscription d'une disposition dans la loi. Voilà le sens de nos sous-amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Concernant l'amendement n° 35, compte tenu des précisions qui ont été apportées par M. le ministre, je demande à notre collègue René Trégouët de bien vouloir le retirer. L'amendement n° 80 sous- amendé par le Gouvernement constitue en effet la meilleure rédaction possible.

Dans ces conditions, la commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 95, qui modifie l'amendement n° 80, et un avis défavorable sur les autres amendements et sous-amendements.

M. le président. Monsieur le ministre, suivez-vous le même raisonnement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce raisonnement coïncide avec ce que j'expliquais tout à l'heure. Je précise que l'amendement de M. Trégouët est identique à celui du Gouvernement. Le Gouvernement a lui-même décapité son propre amendement en déposant le sous-amendement n° 95. (Sourires .)

M. le président. Par conséquent, monsieur le ministre, vous retirez l'amendement n° 96 ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.

Monsieur Trégouët, maintenez-vous l'amendement n° 35 ?

M. René Trégouët. Oui, pour le moment, car j'attends le résultat du vote et la modification du second alinéa du 7 du I. Je demande d'ailleurs le vote par priorité du sous-amendement proposé par le Gouvernement et de l'amendement de la commission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 95.

(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, les sous-amendements nos 102 et 103 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. René Trégouët, pour explication de vote sur l'amendement n° 80.

M. René Trégouët. Nous sommes en train d'élaborer un texte fondamental. Plutôt que d'encourager, à travers un texte de loi, à la rédaction d'une charte, il aurait été préférable que M. le ministre annonce lui-même, d'une façon solennelle, qu'il est prêt à la rédiger. Il serait bon, en effet, que l'on nettoie notre texte de cette demande, car elle ne résistera pas au temps.

M. Daniel Raoul. Absolument !

M. René Trégouët. Un texte de loi ne doit pas s'éroder en quelques semaines.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce souci de bien légiférer honore M. Trégouët et j'y souscris volontiers. Le Gouvernement prend donc cet engagement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80, modifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos  35 et 61 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Art. 2 bis (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique
Art. 2 bis (suite)

M. le président. La séance est reprise.