Art. 22
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. 23

Article additionnel avant l'article 23

M. le président. L'amendement n° 177 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mme G. Gautier, MM. Deneux,  J.L. Dupont,  Nogrix,  Badré,  C. Gaudin et  Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Avant l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 713-9, après les mots : « personnalités extérieures » sont insérés les mots : « dont un ou plusieurs représentants des acteurs économiques».

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement vise à renforcer la présence des représentants des acteurs économiques dans la composition des futurs conseils d'orientation des IUFM.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, car, en application de l'article L. 713-9 du code de l'éducation, à l'issue de leur intégration au sein de l'université, les IUFM seront dotés d'un conseil dont l'effectif ne pourra dépasser quarante membres, et qui comprendra 30 % à 50 % de personnalités extérieures.

Il paraît en effet souhaitable que, parmi ces personnalités extérieures, figure au moins un représentant du monde économique. Cette présence pourrait contribuer au développement des partenariats entre les IUFM et les entreprises en vue d'organiser des stages pour les futurs enseignants et d'encourager leur sensibilisation aux réalités des milieux socio-économiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 23.

Art. additionnel avant l'art. 23
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Rappel au règlement

Article 23

I. - Les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les instituts universitaires de formation des maîtres sont régis par les dispositions de l'article L. 713-9 et sont assimilés, pour l'application de ces dispositions, à des écoles faisant partie des universités. »

II. - L'article L. 721-3 est abrogé.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. J'interviens sur l'article 23 au nom du groupe CRC, mais surtout au nom de notre collègue Ivan Renar, qui a dû partir et qui ne peut donc pas participer au débat de ce soir.

M. Renar tient à nous alerter sur la situation des directeurs d'IUFM, qui avaient élaboré un projet ambitieux comportant une véritable rénovation de la formation des maîtres. Ils sont donc assez surpris que la « réforme du statut juridique » des IUFM soit la seule réponse à leurs attentes.

Les IUFM n'ont jamais nié, compte tenu du contexte difficile qui a accompagné leur création, qu'il fallait continuer à faire évoluer et à améliorer la formation des maîtres, même si celle-ci, au fil des années, a beaucoup progressé. Si certains reproches leur sont faits, ils n'ont pas l'ampleur que l'on veut bien leur donner, et ils ne sont pas tous fondés.

Vous le savez comme moi, ceux qui sortent d'une école ou d'un institut, quels qu'ils soient, ont une opinion « nuancée et hétérogène » sur la formation qui leur a été dispensée. Ce n'est parfois que quelques années plus tard qu'ils se rendent compte du bien-fondé des messages qui leur ont été délivrés.

Les IUFM n'échappent pas à cette règle. C'est normal, et ce n'est pas plus alarmant qu'ailleurs. Pour mémoire, je rappelle que, pendant toutes ces années, les IUFM ont formé entre 20 000 et 30 000 enseignants par an. Si l'on en croit les chefs d'établissement scolaire et les corps d'inspection, ils sont plutôt mieux formés qu'autrefois. Les jeunes stagiaires sont d'ailleurs appréciés et leur présence est non seulement bien accueillie, mais également souhaitée dans la plupart des établissements.

En quatorze ans, des partenariats solides se sont noués entre les IUFM et leurs universités de rattachement. Il est donc inexact de dire que des difficultés majeures subsistent encore. Des conventions ont été signées, qui définissent clairement les rôles complémentaires des deux structures.

Les présidents d'université ont donc été aussi surpris que les directeurs d'IUFM par les propositions d'intégration de ces derniers dans les universités, même s'ils n'y sont pas a priori opposés. Ils n'ont d'ailleurs pas été consultés en amont.

Tous les IUFM ont logiquement créé des liens solides avec « l'Etat employeur », qu'il s'agisse du rectorat ou des inspections académiques. On voit mal comment il aurait pu en être autrement pour la mise en stage des futurs enseignants en école, en collège et en lycée.

Il convient de rappeler que le recteur est président du conseil d'administration de l'IUFM et que, parmi les membres de ce conseil scientifique et pédagogique, siègent des représentants des corps d'inspection ainsi que des universités partenaires.

Chaque représentant est donc associé à l'ensemble de la politique de l'IUFM, à l'élaboration du projet d'établissement, des plans de formation et des modalités d'évaluation des stagiaires. Par conséquent, chacun d'eux a tout loisir de s'exprimer et de faire modifier des dispositifs.

On imagine mal le recteur d'académie laisser passer des dispositions qui seraient contraires au cahier des charges de la formation définie par circulaire ministérielle. Il est d'ailleurs surprenant d'écrire qu'un cahier des charges national cadrera la formation en IUFM, puisque c'est déjà le cas. A cet égard, je vous invite, mes chers collègues, à consulter le bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale n° 15 du 11 avril 2002 : Principes et modalités d'organisation de la deuxième année de formation des enseignants et des conseillers principaux d'éducation stagiaires - sous-titré Plan de rénovation de la formation des enseignants -, notamment le chapitre III intitulé Cahier des charges de la deuxième année de formation ou l'annexe : Eléments d'aide à la réalisation du cahier des charges.

Il faut préciser, en outre, que les plans de formation des IUFM, qui doivent répondre à ce cahier des charges, sont votés en conseil d'administration - présidé, donc, par le recteur -, puis analysés par une commission d'expertise nationale comprenant, notamment, des représentants des directions du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, des présidents d'université, des inspecteurs généraux. Cette commission a la possibilité de refuser les plans proposés ou de demander des modifications - il existe, en effet, des navettes - avant de délivrer un agrément contractuel.

Il faut également évoquer les « commandes » successives et de tous ordres qui sont venues alourdir la formation et la détourner de ses objectifs principaux, dans le temps déjà trop court qui lui est imparti. Cela participe au mécontentement de certains stagiaires, qui, à juste titre, nous reprochent de nous éloigner de l'essentiel. Mais, dans ce cas, les IUFM ne sont pas plus fautifs que le ministère lui-même.

La réactivité des IUFM n'est pas à remettre en cause. Ils viennent encore de le prouver en mettant en place, lors de cette dernière rentrée, de nouvelles certifications en adaptation et intégration scolaires, alors que les textes ne sont sortis qu'en 2004. On peut difficilement aller plus vite.

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 313, présenté par MM. Bodin,  Assouline,  Collombat,  Dauge,  Guérini,  Lagauche,  Mélenchon,  Repentin et  Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, nous souhaitons supprimer cet article, qui complète le dispositif qui fixe le sort que vous réservez aux IUFM.

Avec cet article, les IUFM seront désormais assimilés à des universités et intégrés, dans chaque académie, à une et une seule université. Ainsi, ces instituts ne disposeront plus ni d'un conseil d'administration ni d'une administration autonomes. Leurs directeurs seront placés sous l'autorité des présidents d'université. Seuls trente et un pôles universitaires devraient, à terme, dispenser une formation aux futurs maîtres, qui sera, par nature, forcément plus théorique que pratique.

Tout cela est irréaliste ! Comment organiser la scolarité des futurs enseignants, qui devront parfois faire plusieurs centaines de kilomètres pour rejoindre leur « universIUFM » ? Il va en effet falloir renommer ces structures ! Or la formation des maîtres est traditionnellement une formation de proximité.

Comme pour l'article 22, nous estimons que, le Parlement n'ayant été saisi d'aucun bilan préalable à la réforme des IUFM, il convient d'en rester au statu quo actuel.

Des évolutions sont, bien entendu, possibles, mais ce type d'évaluation est nécessaire. Une vraie concertation doit donc avoir lieu afin de ne pas fragiliser l'« existant ». Quand l'« existant » a réussi, on peut penser, quinze ans après, qu'il a besoin d'être modernisé, mais sans fragiliser les acquis de ce qui a été engrangé.

Telles sont les raisons qui nous conduisent à demander la suppression de ce dispositif.

M. le président. L'amendement n° 368 rectifié ter, présenté par Mme Payet, MM. C. Gautier,  Nogrix,  Deneux et  Détraigne, Mme Férat, MM. Amoudry et  Badré, Mmes Dini et  Morin-Desailly, M. Merceron et Mme Létard, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation :

« Les instituts universitaires de formation des maîtres sont régis par les dispositions de l'article L. 719-10. Un décret en Conseil d'Etat fixe la date d'effet de leur changement de statut juridique, définit leur mode de fonctionnement, leurs missions spécifiques, les moyens humains et financiers dont ils disposent pour les mettre en oeuvre, et précise les modalités de leur rattachement aux universités de l'académie dont ils font partie. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. J'approuve l'ancrage mieux affirmé des IUFM au sein du système universitaire français. Cependant, l'article L. 713-9 du code de l'éducation ne garantit pas le caractère pluridisciplinaire de la formation, notamment si l'intégration de l'institut doit se faire dans un établissement à dominante scientifique ou littéraire.

Un tel dispositif risque aussi de compromettre le caractère national de la formation des enseignants, qui doit rester de la responsabilité de l'Etat. Voter cet article sans modification risquerait de faire perdre aux IUFM leur personnalité juridique et morale.

L'IUFM doit garder son autonomie financière et bénéficier de moyens spécifiques équitables afin, notamment, de mettre en oeuvre le cahier des charges arrêté par le ministre après avis du Haut conseil de l'éducation.

Par ailleurs, à la Réunion, où il existe un seul IUFM et une seule université, les lauréats au concours du second degré seront lésés. Seuls quelques-uns d'entre eux pourront effectuer le stage de deuxième année sur place. En effet, on tiendra compte des voeux des candidats, mais le principal critère de sélection sera le rang de classement au concours. Le retour à la situation antérieure, où tous les enseignants du secondaire étaient métropolitains, n'est pas à exclure.

Actuellement, 70 % des reçus sont affectés à la Réunion, ce qui a représenté, ces dernières années, environ 1 000 nouveaux titulaires dans les lycées et les collèges de l'île. Leur présence a grandement facilité l'adaptation de leurs collègues métropolitains. Il ne s'agit pas de nuire au recrutement de professeurs métropolitains, mais il faut savoir que, dans certaines disciplines, comme l'histoire, la géographie, les mathématiques et les lettres, les reçus réunionnais ne sont que 12 sur un total de 800 professeurs de lycée et de collège.

En outre, dans le cadre de la réforme de la carte nationale des formations, M. le ministre pourrait être tenté de limiter le nombre de formations offertes dans chaque IUFM. Un bon taux de réussite ne correspond pas forcément à un grand nombre de reçus, et la simple logique comptable pourrait entraîner la fermeture de certaines formations.

Or nous ne devons pas oublier que les étudiants réunionnais privilégient le lieu d'exercice au métier lui-même. C'est ainsi que le métier de professeur des écoles attire les meilleurs étudiants, car l'affectation locale est garantie. Ainsi, nous enregistrons environ 2 000 candidatures chaque année à l'entrée à l'IUFM pour 220 postes mis au concours.

Si la formation à un concours du second degré n'est pas proposée ou si la deuxième année de formation doit se faire en métropole, l'étudiant réunionnais préférera préparer le concours de professeur des écoles, déjà saturé, au lieu d'accepter une offre de mobilité. Pour prendre un exemple concret, l'université de la Réunion a produit ces dernières années le plus grand nombre de licenciés en allemand de France, mais aucun d'entre eux n'est allé présenter le CAPES en métropole.

Toute fermeture affectera l'université de la Réunion, car l'IUFM, qui constitue le principal débouché de ces diplômés, ne sera plus en mesure d'offrir une vaste palette de formations.

Pour toutes ces raisons, je propose que le rattachement de l'IUFM à l'université se fasse dans le cadre de l'article 43 du code de l'éducation et non de l'article 33 du même code. Cette disposition garantirait une plus grande autonomie de gestion à tous les IUFM de France et assurerait à tout Réunionnais reçu au concours du second degré une affectation à l'IUFM de la Réunion pour sa deuxième année de stage, suivie d'une titularisation dans le département. Quand je dis tout lauréat réunionnais, je ne fais, bien évidemment, pas de discrimination ; je pense également à tous les métropolitains qui vivent à la Réunion. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. L'amendement n° 314, présenté par MM. Bodin,  Assouline,  Dauge,  Guérini,  Lagauche,  Mélenchon,  Repentin et  Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation :

« Les instituts universitaires de formation des maîtres sont des établissements inter-universitaires. Ils sont rattachés aux universités de chaque académie. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous avons déjà exprimé en partie notre point de vue sur le regroupement des IUFM, que nous jugeons inacceptable, à une et une seule université par académie.

Est-il raisonnable de prévoir trente et un pôles pour former l'ensemble des enseignants français, alors que l'on sait que, dans les dix ans à venir, il va falloir former l'équivalent de la moitié du corps actuel - appelée à partir à la retraite -, que, avec le baby-boom des années 2000, les effectifs scolaires vont inévitablement croître dans les prochaines années - ces enfants arrivant à l'âge de la scolarité obligatoire -, et que la formation des enseignants a toujours été une formation de proximité ?

Cela n'est pas raisonnable. Je vous le répète, monsieur le ministre : vous tuez à petit feu la formation spécifique des enseignants, pourtant l'un des fleurons du service public français de l'éducation !

Nous souhaitons donc préciser le caractère interacadémique des IUFM, qui seraient ainsi répartis sur l'ensemble d'une académie et de ses pôles universitaires. Il s'agit pour nous du minimum requis.

M. le président. L'amendement n° 584 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite,  Renar,  Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation :

« Les instituts universitaires de formation des maîtres sont des établissements publics à caractère scientifique culturel et professionnel rattachés aux universités. Ils accueillent les étudiants préparant les concours d'accès au corps des personnels éducatifs de l'éducation nationale. »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, notre amendement, chacun l'aura compris, vise à refuser le prévisible démantèlement des IUFM et leur perte d'autonomie contenus dans votre projet de loi.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons accepter, au même titre que l'ensemble des directeurs, des personnels, des enseignants et des étudiants de ces instituts, la disparition brutale de trente et un établissements publics administratifs chargés de la formation des maîtres. Sans aucune concertation, ni consultation sérieuse et approfondie avec les intéressés, vous changez le statut des centres de formation, qui ont pourtant fait leurs preuves, ce dont vous semblez douter.

Pendant dix-neuf ans j'ai été membre du conseil d'administration, d'abord de l'école normale que le conseil général du Val-de-Marne a construite - ce fût même son premier acte - puis de l'IUFM. Pour avoir fréquenté le conseil d'administration et travaillé avec le directeur de l'établissement, pour avoir participé à plusieurs réunions et à une mission - M. Gouteyron était alors président de la commission des affaires culturelles - je me refuse à penser que les directeurs d'IUFM mentent lorsqu'ils affirment qu'ils n'ont pas été consultés sérieusement. La preuve en est qu'ils se sont tournés vers nous pour que nous relayions leurs questions auprès de vous, monsieur le ministre.

Par cet amendement, nous vous proposons, mes chers collègues, de renforcer les liens qui unissent déjà les IUFM avec les universités de leur région, en les y rattachant. Tel est notre souhait et tel est également celui des directeurs d'IUFM et des présidents d'universités.

Contrairement à vous, monsieur le ministre, nous proposons de sauvegarder la personnalité morale des IUFM, leur autonomie de gestion, pédagogique et financière, en les transformant en des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Tout le monde a reconnu que les IUFM représentaient un progrès par rapport aux écoles normales. Même si des améliorations doivent encore être réalisées, la solution n'est pas de supprimer ces établissements publics ; elle est de tenter d'améliorer leur fonctionnement en faisant appel aux directeurs, aux personnels et aux conseils d'administration. Or, ces derniers n'ont pas été consultés sur cette réforme.

Par ailleurs, votre texte est particulièrement complexe à appliquer. Qui va, par exemple, décider de l'université de rattachement de tel institut ? Quels types de relations l'IUFM devra-t-il nouer avec les universités autres que la sienne ? Que deviendra le statut des enseignants-chercheurs des IUFM lorsqu'ils appartiendront à des disciplines différentes de celles qui existent dans l'université de rattachement ? Ces simples questions montrent l'abîme de complexité et de perplexité dans lequel nous plonge votre proposition, monsieur le ministre.

Nous tentons, à travers notre amendement, de répondre à bon nombre de préoccupations exprimées par les professionnels de ce secteur. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de l'adopter. Comme il s'agit d'un amendement très important, je vous informe, monsieur le président, que le groupe CRC demandera un scrutin public.

M. le président. L'amendement n° 194, présenté par Mmes Voynet,  Blandin et  Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :

Ces écoles sont autonomes, elles disposent de leur budget, de leurs propres instances d'animation, de décision et de pilotage administratif et pédagogique.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, nous ne pensons pas que vous ayez eu raison d'insister pour procéder, à la hussarde, à l'intégration des IUFM dans les universités. Non pas que l'idée d'y réfléchir nous révulse, mais nous déplorons le manque de concertation avec les personnels.

De plus, aucune étude d'impact sérieuse n'a été réalisée. On voit bien par exemple que, selon l'université de rattachement, la transversalité et la pluridisciplinarité seront plus ou moins assurées, la recherche sera plus ou moins crédible.

Au cours de la discussion, nous n'avons par ailleurs obtenu aucune garantie concernant les moyens tant financiers qu'en termes de personnels.

Bref, nous avons le sentiment de n'avoir été ni écoutés ni entendus.

Cependant, comme nous cherchons à sauvegarder l'essentiel, nous vous proposons cet amendement n° 194 que l'on peut considérer comme étant un amendement de repli. Il tend à réaffirmer que les écoles de formation des maîtres sont autonomes, qu'elles disposent de leur budget, de leurs propres instances d'animation, de décision et de pilotage administratif et pédagogique.

En effet, nous ne sommes pas favorables à la disparition de la personnalité morale des IUFM, quelles que soient leurs insuffisances et leurs limites, que personne ici ne songe à nier.

Si tel est également votre avis, monsieur le ministre, il vaut mieux l'écrire dans la loi, car, vous le savez bien, les ministres passent... Dans le cas contraire, il existe entre nous une sérieuse divergence.

Pour l'heure, le texte n'apporte aucune garantie, tant en termes de postes que de moyens, qui soit de nature à préserver les IUFM d'une dilution dans les universités.

L'articulation, déjà difficile et souvent jugée insuffisante, entre la théorie et la pratique, sera encore plus aléatoire. Le risque de penser la formation comme une juxtaposition de savoirs dispensés par l'université et de savoir-faire gérés par le compagnonnage, c'est-à-dire sous forme de stages en situation réelle, est grand. Or, en matière d'accès aux sciences de l'éducation, nous avons non pas trop de travaux, mais pas assez de contacts entre la recherche et les acteurs sur le terrain ; ce n'est donc pas le moment d'élargir encore la coupure.

Dans ce contexte, plusieurs de nos collègues ont souligné le risque que ne se produise un décrochage entre les formations des enseignants des premier et second degrés. La reconnaissance en termes de master ou de crédits de master peut également devenir une source de différenciation encore plus grande entre eux.

Nous sommes, pour notre part, favorables aux formations partagées, qui doivent être maintenues et développées afin de diffuser une culture commune d'appartenance à la même maison et de tendre à réduire les écarts excessifs existant en matière de hiérarchie et de représentation entre les différentes catégories d'enseignants.

Je comprends que de telles considérations vous effraient, monsieur le ministre, mais l'honneur de la politique est aussi de parler vrai quand c'est utile ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 315, présenté par MM. Bodin,  Assouline,  Dauge,  Guérini,  Lagauche,  Mélenchon,  Repentin et  Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :

Les instituts universitaires de formation des maîtres gardent leur autonomie pédagogique et financière.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement est encore guidé par un motif très clair : nous avons dit et redit notre opposition au rattachement d'un IUFM à une et une seule université.

Nous souhaitons, afin que ces instituts puissent continuer à former correctement les enseignants dont la France a besoin, leur octroyer au minimum une autonomie pédagogique et financière.

Pédagogique, car cette autonomie est garante du maintien d'une formation ad hoc de qualité, articulant correctement les moments de formation théorique et ceux de formation pratique.

Financière, car, sans autonomie financière, aucun choix pédagogique ne peut être effectué.

Les directeurs d'IUFM que nous avons reçus au groupe socialiste sont très inquiets, en particulier par cette absence d'autonomie, et ils revendiquent au moins un « fléchage d'action » au titre de la loi organique relative aux lois de finances.

C'est uniquement en cas de maintien de cette double autonomie que les IUFM pourront poursuivre correctement leur mission : former des maîtres et des enseignants.

M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

A - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des conventions peuvent être conclues, en tant que de besoin, sur proposition du directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres, avec d'autres établissements d'enseignement supérieur.

« D'ici 2010, le comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel  procède à une évaluation des modalités et des résultats de l'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres au sein des universités, notamment au regard des objectifs qui leur sont fixés. »

B - En conséquence, dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

un alinéa ainsi rédigé

par les mots :

trois alinéas ainsi rédigés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Mes chers collègues, votre commission, si elle approuve cette réforme, estime néanmoins que cette dernière soulève des questions quant à ses modalités d'application et aux conséquences des choix d'intégration d'un IUFM dans l'une ou l'autre des universités concernées.

Il ne faudrait pas, en particulier dans le cas où un institut serait intégré à une université monodisciplinaire, que la formation dispensée aux futurs enseignants puisse en souffrir, ou que les universités ne comportant pas d'IUFM s'en trouvent affaiblies.

Ces écueils devraient être évités par le biais de conventions, mais votre commission souhaite que soit explicitement prévue la possibilité, en tant que de besoin, et sur proposition du directeur de l'IUFM, que soient passées des conventions avec les établissements d'enseignement supérieur autres que l'université à laquelle l'institut est intégré.

Par ailleurs, compte tenu de l'enjeu prioritaire que constitue la formation des futurs enseignants, votre commission souhaite qu'il soit procédé, d'ici à 2010, à une évaluation des modalités et des résultats de l'intégration des IUFM au sein des universités. Cette évaluation sera notamment effectuée au regard des objectifs fixés aux IUFM.

M. le président. L'amendement n° 581 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite,  Renar,  Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil d'administration de ces instituts comprend notamment, outre les représentants des enseignants-chercheurs, des représentants des autres enseignants ainsi que des représentants des personnels et des étudiants en formation. »

La parole est à Mme Annie David

Mme Annie David. Par cet amendement, nous demandons des précisions quant à la composition du conseil d'administration des IUFM. Nous souhaitons qu'il comprenne notamment, outre des représentants des enseignants-chercheurs, des représentants des autres enseignants ainsi que des représentants des personnels et des étudiants en formation.

Effectivement, l'intégration des IUFM dans les universités risque de conduire à la suppression de certains emplois propres aux IUFM, pour des raisons de non compatibilité statutaire.

Parmi les emplois concernés, citons : les agents comptables, les ingénieurs d'hygiène et sécurité ainsi que certaines fonctions exercées par des personnels techniques. Quel sera le devenir des personnels IATOSS, les ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service, et notamment celui des TOS, les personnels techniciens, ouvriers et de service, qui sont actuellement affectés dans les IUFM ?

Quel sera le devenir des personnels administratifs et techniques, autres que ceux précités, si leurs postes sont supprimés, tant dans les services centraux que dans les sites départementaux, pour des raisons d'économie d'échelle ? N'y a-t-il pas un risque de voir les recrutements globalisés au sein de l'université de rattachement ? L'IUFM conservera-t-il ses propres commissions de spécialistes ? La pérennité des postes à temps plein des personnels des premier et second degrés est-elle assurée ? Qui aura la maîtrise du recrutement de ces personnels ?

Toutes ces questions restent en suspens, car rien n'est indiqué dans votre article, mise à part l'intégration des IUFM dans les universités. C'est pour cette raison que nous demandons qu'au sein des conseils d'administration apparaisse chacune des catégories de ces personnels.

M. le président. L'amendement n° 582, présenté par Mme David, MM. Ralite,  Renar,  Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Les instituts universitaires de formation des maîtres reçoivent du ministre chargé de l'éducation nationale, leur dotation en personnel. »

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Cet amendement recouvre un certain nombre d'amendements déjà proposés, mais, s'agissant du devenir des IUFM, il vaut mieux se répéter que se renier.

L'article L.713-9 du code de l'éducation semble garantir pour les IUFM, au sein des universités, une relative autonomie financière et la nomination des directeurs par le ministre. Y aura-t-il, comme pour les IUT, des postes fléchés dans la dotation ministérielle ? Comment s'établira la décision de rattacher l'IUFM à une université plutôt qu'à une autre quand il existe plusieurs universités dans une académie ? Les autres universités ne risquent-elles pas, dès lors, de se désengager ? Si l'IUFM est rattaché à une université de sciences humaines qui ne dispose pas des ressources appropriées aux disciplines scientifiques - qui n'a pas, par exemple, de labos - on peut dès lors s'interroger sur l'organisation de la formation.

De plus, l'université n'est pas actuellement préparée à former les professeurs des lycées professionnels. Quelle place sera réservée aux inspecteurs et aux maîtres formateurs ? Sur quels critères seront recrutés les enseignants des IUFM ? L'université peut avoir tendance à privilégier les critères académiques, la théorie à la pratique. Quel fonctionnement est-il prévu concernant les lieux de stages pratiques ?

On compte actuellement trente et un IUFM et cent trente sites départementaux. Le changement de statut devant se faire à coût constant, on peut s'interroger sur le maintien des sites départementaux, qui jouent pourtant un rôle important en matière de développement local. Bien souvent, ils servent de centre de ressources et sont fortement mobilisés dans certains départements pour la formation continue des enseignants et d'autres types de personnels.

Leur disparition rendrait plus difficile l'accès à la formation continue dans les zones éloignées des grands centres. Elle aurait, par ailleurs, des répercussions fâcheuses en termes d'aménagement du territoire.

Toutes ces remarques et ces questions justifient le présent amendement, qui vise à garantir une stabilité, et même un développement de l'encadrement enseignant et en personnel des IUFM. Monsieur le ministre, nous vous demandons d'y souscrire ou, sinon, de bien vouloir répondre à nos questions.

M. le président. L'amendement n° 585, présenté par Mme David, MM. Renar,  Ralite,  Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. Après l'article L. 721-3, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Les personnels des instituts universitaires de formation des maîtres sont nommés dans une des universités de rattachement et affectés à l'institut. Ils comprennent un noyau stable de formateurs à temps plein composé d'enseignants - chercheurs, de professeurs des lycées et collèges et de professeurs des écoles, ainsi que des formateurs associés à temps partiel ».

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. S'agissant de la formation initiale, la décision que vous voulez prendre, si elle reste en l'état, risque de nous faire revenir plusieurs décennies en arrière.

M. François Fillon, ministre. Au contraire !

Mme Eliane Assassi. Certains prétendent que, sous couvert d'une « universitarisation » - selon votre propre terme, monsieur le ministre -, on revient aux écoles normales. Votre projet est porteur de menaces directes...

M. François Fillon, ministre. Il faut m'expliquer comment !

Mme Eliane Assassi. ...pour les emplois des certifiés, des agrégés et des professeurs d'école qui travaillent dans les IUFM. Ces emplois pourraient disparaître, puisque le projet prévoit de ne garder que des enseignants-chercheurs et des formateurs associés en service partagé.

C'est pourquoi nous vous soumettons le présent amendement de cohérence.

M. le président. L'amendement n° 586 rectifié, présenté par Mme David, MM. Renar,  Ralite,  Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

...  - Après l'article L. 721-3, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Un plan de recrutement pluriannuel révisable chaque année est mis en place afin de prendre en compte les besoins prévisibles à échéance de trois ans maximum en personnels du système éducatif. Les personnels ainsi recrutés accèdent au statut d'enseignant en formation, qui sera défini par décret.

« Des pré-recrutements aux instituts universitaires de formation des maîtres sont organisés dans le cadre d'un plan pluriannuel de recrutements selon des modalités définies par décret. Ces pré-recrutements sont accessibles sur concours à tout titulaire d'un baccalauréat .

« Une rémunération dont le montant sera indiqué par décret est garantie par l'Etat aux enseignants en formation jusqu'au passage des concours de recrutement aux métiers d'enseignant dans le cadre d'un engagement décennal à servir dans le service public de l'éducation nationale ».

...  - Pour compenser la perte de recettes résultant de la rémunération des enseignants en pré-recrutement, les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, vous réduisez la réforme de la formation à un changement statutaire des IUFM sans mettre en oeuvre ni le sens ni les moyens nécessaires à son amélioration.

D'ici à 2015, près de la moitié des enseignants du premier et du second degré sera renouvelée. Le recrutement et la formation de ces dizaines de milliers de maîtres sont donc des enjeux majeurs pour la réussite des millions d'élèves qui seront scolarisés dans la première moitié de ce siècle.

Ce sont des enjeux décisifs pour que ces nouveaux enseignants soient capables de travailler en équipes, de mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques différenciées, de construire des pratiques et des contenus d'enseignement favorisant la réussite de tous les élèves.

Cela suppose une capitalisation des pratiques innovantes et des savoirs issus de la recherche. Vous proposez une modification de structure, mais vous ignorez les contenus de la formation, la rénovation des concours, la pré-professionnalisation et le nécessaire allongement de la formation.

Il est indispensable que la formation des maîtres soit universitaire et professionnelle. Or votre projet met aussi en péril la nécessaire professionnalisation de la formation, qui devrait au contraire être développée, et la place donnée aux formateurs non universitaires.

De ce point de vue, les IUFM, même s'ils ne sont pas exempts de tout défaut, demeurent les seuls lieux pensés et construits en vue de cette articulation entre la théorie et la pratique.

Sur le volet de la formation des enseignants, les modalités prévues par le texte ne garantissent pas aux IUFM les moyens de leur autonomie du point de vue de la pédagogie, du budget et des emplois, pour assurer une formation universitaire professionnelle de qualité, à la hauteur des enjeux du renouvellement massif des enseignants. L'équilibre entre, d'une part, les stages dans les établissements scolaires et la formation et, d'autre part, le travail en équipes pluricatégorielles est mis en péril.

Les formateurs et les chercheurs redoutent une réduction masquée des moyens de la formation des enseignants. Il faut que les formateurs et les chercheurs soient associés à un véritable projet d'amélioration de la formation des maîtres.

Le concours est maintenu à la fin de la première année, qui restera essentiellement, pour les étudiants, une année de préparation du concours, au détriment de la formation professionnelle.

Nous suivons avec attention les travaux du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, portant sur « le développement de dispositifs préparant aux concours des métiers de l'enseignement » afin de « présenter aux étudiants qui envisagent de devenir professeur des parcours repérables et adaptés à leur projet professionnel ».

Cet aspect prend d'autant plus d'acuité que les concours de recrutement vont comporter une épreuve obligatoire de langue et imposer une certification préalable en technologie de l'information et de la communication. Or, la durée actuelle de formation ne permet pas d'atteindre les compétences nécessaires dans plusieurs champs disciplinaires.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, par divers biais, ouvre la porte à la bivalence, voire à la polyvalence des enseignants.

Tel est, chers collègues, l'amendement, gagé, porteur d'une contre-proposition, que je souhaitais vous présenter. Je vous propose de l'adopter par scrutin public.

M. le président. L'amendement n° 583, présenté par Mme David, MM. Ralite,  Renar,  Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  - Un décret en Conseil d'Etat précise les dispositions du présent article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, nous demandons par cet amendement qu'un décret en Conseil d'Etat précise les dispositions de l'article 23. Habituellement, nous réfutons systématiquement les articles mentionnant un décret d'application, mais l'article 23 est tellement vague et incomplet qu'il fait exception !

Nous préférons un décret à un arrêté. Bien entendu, nous ne doutons pas que M. le ministre prendra soin de consulter les directeurs d'IUFM avant de rédiger le décret d'application, afin de définir avec eux la meilleure rédaction possible.

M. le président. Pour information, je vous signale, mes chers collègues, que je suis d'ores et déjà saisi de six demandes de scrutin public.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 313, car il vise à supprimer l'article 23, ce qui est contraire à la position qu'elle a exprimée.

L'amendement n° 368 rectifié ter, en prévoyant le rattachement des IUFM aux universités en application de l'article L. 719-10 du code de l'éducation plutôt que l'intégration à une université en application de l'article L. 713-9 du même code, revient sur la réforme proposée, ce qui est contraire à la position de la commission. Je vous demanderai, madame Payet, de bien vouloir le retirer, sinon je serais obligé d'émettre un avis défavorable.

La commission est défavorable à l'amendement n° 314. Son adoption aboutirait, en effet, à l'annulation de la réforme proposée par le projet de loi, qui prévoit l'intégration de l'IUFM au sein de l'université. La commission a préféré prévoir que des conventions seront passées avec les autres établissements d'enseignement supérieur afin d'assurer pleinement leur mission.

La commission est également défavorable, pour les mêmes raisons, à l'amendement n° 584 rectifié.

L'adoption de l'amendement n° 194 reviendrait à annuler tous les effets de la réforme proposée par le projet de loi ; la commission y est donc défavorable.

La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 315, car l'article L. 713-9 du code de l'éducation garantit d'ores et déjà à l'IUFM son autonomie financière. L'autonomie pédagogique devra s'exercer dans le respect de l'autonomie de l'université, et la coopération devra prévaloir entre l'université et l'IUFM.

S'agissant de l'amendement n° 581 rectifié, il paraît évident que les catégories visées seront représentées, mais cette liste n'est pas exhaustive et il n'y a pas lieu d'entrer dans le détail de la composition, d'autant que 50 % à 70 % des membres du conseil d'administration seront des personnels internes à l'IUFM.

Mme Hélène Luc. Avec quel statut ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 582 visant à instituer un fléchage des moyens en personnel des IUFM, comme pour l'amendement n° 178 qui viendra ultérieurement en discussion, il me paraît difficile de revenir ainsi sur le principe d'autonomie des universités. La commission y est par conséquent défavorable.

L'amendement n° 585 est un amendement de cohérence contraire à la position de la commission ; celle-ci y est défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 586 rectifié, le rapport annexé prévoit le recrutement de 30 000 professeurs au cours des cinq prochaines années. Par ailleurs, nous avons proposé qu'une réflexion soit engagée sur un dispositif éventuel de pré-recrutement ; l'amendement est donc partiellement satisfait.

Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 583, de même qu'un décret prévoit les modalités d'application de l'article L. 713-9 du code de l'éducation aux IUT ou aux instituts universitaires professionnalisés, par exemple, il paraît utile qu'un tel décret précise les modalités d'application pour les IUFM. La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. J'oppose, au nom de la commission des finances, l'article 40 de la Constitution à l'amendement n° 586 rectifié. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Il est gagé !

M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 586 rectifié n'est pas recevable.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai eu longuement l'occasion de vous indiquer quelle était la philosophie de cette réforme et les conditions dans lesquelles nous comptions la mettre en oeuvre.

Pour ma part, j'ai confiance dans l'université. Elle a besoin de se renforcer. La responsabilité de la formation des maîtres, c'est la vocation de l'université, et je trouve très surprenant le discours frileux, inquiet, que certains tiennent à cet égard ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Bien entendu, des questions doivent être réglées. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu un délai de trois ans pour réaliser l'intégration des IUFM dans les universités.

Mme Hélène Luc. Vous allez voir comment cela va se passer !

M. François Fillon, ministre. La loi ne va pas déterminer dans le détail les conditions dans lesquelles cette intégration se réalisera, elle fixe les principes. Ensuite, le Gouvernement, dans le cadre de dispositions réglementaires qui feront naturellement l'objet des consultations et des concertations prévues, fixera les règles de cette intégration.

Je veux simplement répondre à quelques-unes des principales questions qui ont été posées.

Le choix de l'université - je l'avais d'ailleurs indiqué - se fera par un conventionnement avec l'Etat, au vu d'une proposition de l'université. L'Etat devra choisir la meilleure proposition, dans l'intérêt des stagiaires, pour une formation de qualité.

Cette proposition ne manquera pas, en cas de nécessité, de faire référence à des partenariats avec d'autres universités. Mais le rattachement à plusieurs universités n'est pas une bonne solution. Ce serait en réalité - et c'est sans doute pour cela que certains la réclament - la négation de toute réforme ; ce serait renoncer au renforcement de la qualité universitaire de la formation des maîtres ; ce serait aussi renoncer à la suggestion de mettre l'université en situation de responsabilité pour chaque institut universitaire de formation des maîtres.

Evidemment, aucune menace ne pèse sur les enseignants-chercheurs. Au contraire, ils seront bien mieux intégrés et considérés comme enseignants-chercheurs de rang universitaire ; je m'étonne même que l'on puisse s'interroger sur ce point !

Quant aux moyens des IUFM, ils seront évidemment fléchés, tout comme ils le sont au bénéfice des IUT.

L'amendement n° 120 rectifié, présenté par le président Valade et par le rapporteur, vise à renforcer la proposition du Gouvernement et répond, pour une très large part, aux craintes qui ont été évoquées.

Je cite le quatrième alinéa de l'article L. 713-9 du code de l'éducation : « Le directeur de l'institut ou de l'école prépare les délibérations du conseil et en assure l'exécution. Il est ordonnateur des recettes et des dépenses. Il a autorité sur l'ensemble des personnels. Aucune affectation ne peut être prononcée si le directeur de l'institut ou de l'école émet un avis défavorable motivé. »

Le cahier des charges national de la formation des maîtres, fixé par le ministre après avis du Haut conseil, précisera les objectifs de cette formation, de son organisation, ainsi que l'articulation avec les services académiques et les relations fonctionnelles entre l'université d'accueil et, le cas échéant, d'autres établissements d'enseignement supérieur qui feront alors l'objet de conventions.

Ce cahier des charges national définira, en particulier, le rôle du directeur de l'IUFM dans l'élaboration et dans la mise en place de ces conventions.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 120 rectifié, sous réserve que M. le rapporteur accepte de le modifier en supprimant, dans le premier alinéa, « sur proposition du directeur de l'institut universitaire de formation des maîtres ».

En effet, il n'est pas apparu juridiquement opportun d'indiquer dans l'article que ces conventions seront conclues dans ces conditions, en préjugeant, d'une certaine manière, les concertations à venir.

S'agissant de la Réunion, madame Payet, le projet de loi ne change rien par rapport à la situation actuelle. L'intégration de l'IUFM dans l'université de la Réunion ne posera aucune difficulté puisqu'il n'y a, en effet, qu'une université pluridisciplinaire à la Réunion.

Pour le reste, les règles resteront celles que l'on connaît aujourd'hui, notamment lorsqu'il s'agit des stages que font les étudiants des IUFM.

Enfin, je vous rappelle, madame la sénatrice, que l'article L.713-9 du code de l'éducation prévoit l'autonomie financière des IUFM.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques réponses que je souhaitais apporter.

Le président de séance vient de nous faire savoir que six demandes de scrutin public ont été déposées sur cet article.

M. le président. Il y en a dix maintenant, monsieur le ministre !

M. François Fillon, ministre. Depuis le début de la soirée, nous en sommes à vingt-deux demandes de scrutin public !

En conséquence, en application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, je demande au Sénat de se prononcer par un vote unique sur l'article 23, assorti du seul amendement n°120 rectifié, sous réserve que M. le rapporteur accepte de le modifier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Nous aurions préféré que cette phrase figure dans l'article, mais compte tenu des précisions de M. le ministre - cette disposition ne relève peut-être pas de la loi et le rôle du directeur d'IUFM figurera dans le cahier des charges -, j'accepte de modifier cet amendement.

Mme Annie David. Le ministre fait confiance aux universités, mais pas aux directeurs d'IUFM !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 120 rectifié bis, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, et ainsi libellé :

A - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour les deux premiers alinéas de l'article L. 721-1 par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des conventions peuvent être conclues, en tant que de besoin, avec d'autres établissements d'enseignement supérieur.

« D'ici 2010, le comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel procède à une évaluation des modalités et des résultats de l'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres au sein des universités, notamment au regard des objectifs qui leur sont fixés. »

B - En conséquence, dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

un alinéa ainsi rédigé

par les mots :

trois alinéas ainsi rédigés

En application...

Mme Hélène Luc. Rappel au règlement !

M. le président. Vous aurez la parole, madame Luc, mais permettez au président de séance, lorsqu'il intervient, de terminer sa phrase !

En application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l'article 42, alinéa 7, de notre règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'article 23 dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, modifiée par l'amendement n° 120 rectifié bis à l'exclusion de tous les autres amendements.

Je vais donc mettre aux voix, par un seul vote, l'article 23, modifié par l'amendement n° 123 rectifié bis (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) ...

Mme Hélène Luc. Rappel au règlement !

M. Jean-Marc Todeschini. Le ministre est pressé ! Vous refusez le débat ! Vous ne voulez pas parler de l'école !

M. le président. Monsieur Todeschini, je rappelle simplement les éléments de la Constitution qui fondent, avec le règlement du Sénat, notre façon d'organiser les débats.

M. Jean-Marc Todeschini. Je ne fais que répondre au brouhaha que le ministre a créé ! Il nous mène à la baguette !

M. le président. Il est tout à fait légitime et parfaitement conforme, à la fois à la Constitution et au règlement du Sénat, je le répète, de fonctionner ainsi ! Il s'agit d'une procédure que vous connaissez, mon cher collègue, comme tous ceux qui siègent dans cette assemblée depuis longtemps.

Bien entendu, avant de voter, les uns et les autres ont la possibilité d'expliquer leur vote. Par conséquent, il est tout à fait légitime que vous puissiez donner votre opinion, madame Luc.

Je vous donne donc la parole, pour explication de vote !

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement et non pour une explication de vote !

M. le président. Quel article du règlement  invoquez-vous? (Sourires.)

Mme Hélène Luc. Appelez cela comme vous voudrez, monsieur le président ! (Nouveaux sourires)

M. le président. Madame Luc...

Mme Hélène Luc. Soit, c'est une explication de vote ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Cela étant, M. le ministre exagère : non seulement il supprime deux lectures de cet important projet de loi, sur lequel - j'insiste - les directeurs d'IUFM n'ont pas été consultés de manière sérieuse, non seulement il a avancé d'une semaine la date de discussion de ce texte, initialement prévue le 22 mars, mais de plus, maintenant, parce que nous nous permettons de demander des scrutins publics - ce qui est notre droit le plus absolu - sur un certain nombres d'amendements majeurs, il remet en cause le droit des parlementaires d'amender un texte, et il demande un vote bloqué !(Vives protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Je tiens à élever une vive protestation. Monsieur le ministre, vous dépassez les bornes, car vous êtes très inquiet ! Vous savez ce qui se passe dans le pays ! Vous savez qu'il y a de grandes manifestations de lycéens, d'enseignants, de parents d'élèves (Rires sur les travées de l'UMP.) ! Vous savez qu'un certain nombre de lycées ont été occupés ! Vous savez sans doute également que, lundi, de nouvelles manifestations sont prévues !

Vous êtes en difficulté, car le référendum constitutionnel européen...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Nous y voilà !

Mme Hélène Luc. Bien sûr ! Il est évident que cela a une conséquence et que vous y voyez une corrélation !

Si le « non » progresse, monsieur le ministre - avez-vous lu les sondages ce matin ? - c'est parce que vous êtes en train de nous y aider ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Christian Demuynck. Vous devez être contente !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est de l'amalgame !

M. le président. Laissez Mme Luc s'exprimer !

Mme Hélène Luc. En effet, les différentes catégories de la population ne supportent plus toutes les attaques que le Gouvernement conduit en ce moment, contre les enseignants, contre les emplois, etc. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Roger Karoutchi. C'était une explication de vote sur quoi ?

M. Christian Demuynck. Qu'est-ce que cela a à voir le projet de loi ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. En guise de rappel au règlement, je veux faire une remarque. Vous nous avez longuement expliqué cet après-midi, monsieur le ministre, que le Gouvernement souhaitait que l'on aille au fond de la discussion. En réalité, ce n'était que simulacre et, maintenant, les masques tombent !

Mme Hélène Luc. C'était un faux-semblant !

M. Jean-Marc Todeschini. Le ministre, pas plus que la majorité, ne veut que l'on débatte de son projet de loi !

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Mais si !

M. Jean-Marc Todeschini. Mais non ! Sur le terrain, vous êtes les premiers à manifester avec les parents d'élèves dès qu'une classe est fermée dans vos départements : vous avez peur du résultat des urnes ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Quoi qu'il en soit, vous refusez d'écouter la rue, vous refusez d'écouter les parlementaires !

Pour ma part, je souhaite simplement que les débats soient beaucoup plus sereins, du moins dans la façon de les conduire, car je n'ai rien contre les échanges vifs.

Nous sommes en train d'examiner un texte qui concerne le rythme des enfants, la formation, l'école en général : si vous ne respectez ni le rythme des enfants ni celui des enseignant, monsieur le ministre, respectez au moins le rythme des parlementaires ! Ne nous menez pas au canon !

Le Gouvernement n'a pas d'autre solution, au Sénat, que de demander des votes bloqués - à l'Assemblée nationale, c'est différent. Il utilise toutes les procédures. L'article 40 est invoqué dès que cela semble possible !

Je suis d'ailleurs surpris que M. Longuet ait, tout à l'heure, opposé l'article 40 à un amendement du groupe CRC, et ce sans aucune explication !

Mme Annie David. Et alors que cet amendement était gagé !

M. Jean-Marc Todeschini. Lorsque nous demandons des explications, que fait M le ministre ? Il demande que le Sénat se prononce par un vote unique !

Monsieur le ministre, nous sommes des parlementaires et nous avons le droit de comprendre. Expliquez-vous lorsque vous utilisez des artifices de procédure ! En tout état de cause, le dernier artifice auquel vous avez eu recours est clair : vous ne voulez pas du débat ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Todeschini. Bien sûr que non ! Cela gêne la majorité de se prononcer sur tous les amendements par un scrutin public : vous ne voulez pas, messieurs, que vos noms figurent dans les journaux comme ayant voté cette loi car, demain, les enseignants sauront que l'UMP travaille au canon avec le ministre ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Quinze ans après la loi de 1989, le Gouvernement veut faire adopter, dans la précipitation, un nouveau texte sur l'école sans avoir dressé, au préalable, un bilan approfondi de la précédente loi et en fuyant le débat !

M. Fillon ne s'attaque pas en profondeur aux conditions de la réussite de tous les élèves : 160 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans diplôme ; ils seront plus de 1,5 million dans dix ans ; douze enfants pauvres contre un enfant de cadre se retrouvent, à dix-sept ans, dans cette situation. Et vous voudriez que nous nous taisions ? C'est inadmissible !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Calmez-vous ! Vous, qu'avez-vous fait ?

M. Christian Demuynck. C'est votre bilan !

M. Jean-Marc Todeschini. La pauvreté est un facteur déterminant. Pourtant, monsieur le ministre, vous avez refusé tout au long du débat de tenir compte des conditions sociales. Or, si l'école ne s'efforce pas de contrebalancer les diverses inégalités, elle perpétue l'exclusion ou elle l'aggrave. Mais de tout cela, l'UMP se moque éperdument !

Au-delà d'une réorganisation en profondeur du système scolaire, monsieur le ministre, vous inscrivez votre réforme dans le moins d'Etat. Vous l'avez d'ailleurs déclaré : il n'est pas possible de suivre les préconisations de la commission Thélot, car l'on ne peut accroître de 8 milliards à 10 milliards d'euros un budget qui représente déjà 23 % du budget général de l'Etat ! (M. le ministre proteste.)

Parfaitement, monsieur le ministre ! Tout à l'heure, lorsque nous vous disions des vérités que vous n'aimiez pas entendre, vous riiez, vous vous amusiez ; alors, continuez !

Monsieur le président, la vérité est que l'on veut nous museler ! Le groupe socialiste vous demande une suspension de séance d'au moins un quart d'heure afin que nous puissions nous déterminer sur ce vote bloqué et mettre au point une réflexion commune. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement, depuis le début du débat, mardi après-midi, a fait preuve d'une extrême patience.

M. Roger Karoutchi. C'est vrai !

Mme Annie David. C'est bien le rôle du Gouvernement que d'écouter les parlementaires !

M. François Fillon, ministre. Nous sommes en train de faire évoluer une loi - celle de 1989 - qui, elle aussi, avait été votée selon la procédure d'urgence. Pourtant, les débats au Sénat avaient été beaucoup moins longs à l'époque qu'ils ne le sont aujourd'hui !

Mme Hélène Luc. Et alors ?

M. François Fillon, ministre. Par ailleurs, je veux souligner que c'est la première fois, depuis mardi, que le Gouvernement utilise la procédure du vote unique. Nous le faisons afin que les débats se déroulent normalement.

Je vous le dis clairement, mesdames, messieurs les sénateurs : si vous demandez des scrutins publics sur chaque amendement, le Gouvernement demandera des votes bloqués sur chaque article ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Mais c'est une menace !

Mme Annie David. C'est du chantage, monsieur le ministre !

M. François Fillon, ministre. Vous faites de l'obstruction caractérisée : le Gouvernement vous répond de la manière qui convient !

Au Sénat, le débat sur la loi de 1989 avait duré trois jours ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Et alors, qu'est-ce que ça prouve !

M. le président. S'il vous plait, mes chers collègues, reprenons nos travaux !

Au début de la séance, certains d'entre vous ont dit qu'ils utiliseraient tous les artifices de procédure pour retarder autant que possible l'examen du texte, et que la majorité ne gagnerait rien à organiser ainsi nos débats !

Mme Annie David. Personne ne gagnera rien !

M. le président. Madame David, permettez-moi de terminer ! Je vous laisserai la parole aussi longtemps que vous l'aurez, dans le respect du règlement du Sénat !

Mme Annie David. Mais nous avons de droit de demander des scrutins publics !

M. le président. Vous avez raison, madame David, chacun peut demander un scrutin public et il s'agit là d'une démarche légitime. Mais, de la même façon, il est tout aussi légitime que le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un vote unique...

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas légitime ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Cela vous contrarie, madame Luc, mais c'est légitime !

M. le président. Madame Luc, ce qui est prévu par la Constitution et par le règlement est légitime !

Mme Hélène Luc. C'est plutôt une preuve de faiblesse !

M. le président. Chère collègue, il est utile que nous n'ajoutions pas à la confusion, et que nous puissions rester dans le cadre d'un dialogue constructif !

Je ne comprends pas que, lorsque le Gouvernement recourt aux procédures prévues par le règlement, vous estimiez que cela n'est pas adapté !

Je vous rappelle - mais vous le savez parfaitement - qu'un scrutin public a été demandé par l'opposition sénatoriale sur chacun des amendements déposés à l'article 22. Vous avez ouvertement déclaré que vous souhaitiez faire usage de toutes les procédures disponibles.

Dans ces conditions, le Gouvernement est bien évidemment amené à réagir pour faire en sorte que le débat puisse avancer. (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Nous allons donc poursuivre les explications de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. J'ai demandé une suspension de séance !

M. le président. La suspension de séance n'est pas de droit ! Tout à l'heure, nous aurons l'occasion, comme cet après-midi, d'examiner votre demande. Pour l'instant, nous en sommes aux explications de vote sur un article.

M. Jean-Marc Todeschini. Mais nous avons besoin de réorganiser nos réponses ! Je demande la parole pour un rappel au règlement ! J'interviendrai pour explication de vote ensuite !

M. le président. J'ai bien noté, je le répète, votre demande d'une suspension de séance. Mais pour l'instant, nous allons terminer les explications de vote sur la procédure engagée par le Gouvernement et prévue par le règlement, à savoir un seul vote sur l'article 23, modifié par le seul amendement n° 120 rectifié bis ; nous allons entendre tout d'abord Mme David.

M. Jean-Marc Todeschini. Nous accorderez-vous ensuite la suspension de séance que nous avons demandée, monsieur le président ?

M. le président. Je serai amené à vous accorder cette suspension, mais à condition que nous puissions avancer dans le débat et que l'obstruction soit donc réduite au minimum.

M. Jean-Marc Todeschini. Le ministre utilise le règlement du Sénat comme il veut. Il a raison ! L'opposition fait de même. Pourquoi donc n'a-t-il pas protesté, hier, lorsque vous avez demandé que le Sénat se prononce par scrutin public sur l'article 6 ?

M. le président. Vous remarquerez que je vous ai laissé la parole, que vous vous êtes exprimé une nouvelle fois et que je vous ai laissé terminer. Cela prouve que, au-delà du règlement, la parole est libre lorsque nous respectons certaines limites.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Vous conviendrez qu'il nous est très difficile d'expliquer notre position compte tenu du recours au vote bloqué. Nous avions déposé plusieurs amendements sur cet article. Je veux faire remarquer à la Haute Assemblée que nos demandes de scrutins publics sur l'ensemble des amendements sont motivées par la grande importance que nous portons à ces derniers.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr...

Mme Annie David. Initialement, nous n'avions pas l'intention de recourir à ce type de procédure, car il nous semblait qu'un débat de fond serein, calme et courtois pouvait s'instaurer. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Or nous constatons qu'un tel débat n'a pas lieu puisque nous n'avons pas de réponse.

Nous avons été prévenus la veille pour le lendemain que nous allions siéger. Il était prévu que la séance serait levée à minuit et demi. A tout le moins, nous devions disposer d'informations sur la suite de l'organisation des débats. Or il est minuit cinquante. Nous aimerions savoir jusqu'à quelle heure les débats vont se prolonger. Devons-nous aller plus loin ? Nous avons entendu dire que la séance pourrait se tenir jusqu'à trois heures du matin, parce que certains, notamment M. le ministre, ont des obligations demain matin.

M. François Fillon, ministre. Non, je n'ai aucune obligation demain matin !

Mme Annie David. On ne respecte pas le travail des parlementaires de province, de ceux qui ne sont pas élus en région parisienne et qui ne peuvent donc pas rentrer chez eux à cette heure-ci. Ils seront donc bloqués et devront attendre jusqu'à quinze heures, demain, la reprise des débats parce que cela arrange certains parlementaires de l'UMP, voire le ministre !

M. François Fillon, ministre. Non ! Je répète que je n'ai aucune obligation demain matin !

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m'élever vivement contre cette façon de procéder. Je suis parlementaire depuis septembre 2001, soit depuis peu de temps. Cette façon de travailler contribue à éloigner davantage nos concitoyens de la politique. Débattre dans de telles conditions ne ressemble en effet plus à rien !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. C'est sûr, compte tenu de votre attitude !

Mme Annie David. Nous débattons depuis mardi après-midi. Nous essayons d'avancer des propositions. Compte tenu de la déclaration d'urgence sur ce texte, nous n'aurons pas l'occasion d'en discuter à nouveau. Aussi nous semble-t-il important d'examiner à fond certains articles du projet. Mardi prochain aura lieu la commission mixte paritaire. Ceux d'entre nous qui en feront partie - je représenterai probablement mon groupe -, enfermés dans une pièce, n'auront qu'une faible possibilité de faire évoluer les choses. Tout se déroulera dans un cercle bien fermé et votre agenda sera ainsi respecté, monsieur le ministre. Ce faisant, on ne respecte absolument pas notre travail, non plus que ce qu'exprime l'ensemble de la communauté éducative et lycéenne.

Vraiment, nous nous élevons contre cette façon de faire. Nous aurons du mal à nous exprimer sur l'article 23, sur lequel nous avions déposé plusieurs amendements. Nous voulions expliquer notre vote à l'issue de l'examen de ces amendements. Je demande donc également une suspension de séance pour nous permettre de remettre un peu d'ordre dans nos explications de vote et de retrouver un peu de calme et de sérénité.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Elu sénateur encore plus récemment que Mme David, je suis étonné de la façon dont le Parlement est traité. En vérité, je ne le suis pas totalement, car je savais déjà que, sous la vè République, le mépris envers le Parlement relève presque de la tradition.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il ne fallait pas vous faire élire !

M. David Assouline. Ce qui m'a le plus étonné, c'est que les parlementaires eux-mêmes, parce qu'ils soutiennent un gouvernement - je parle pour vous, messieurs de la droite - acceptent de se taire quand on met à mal leur propre fonction !

M. Roger Karoutchi. Pas de leçons !

M. David Assouline. Je ne donne pas de leçons ! J'affirme des convictions, monsieur Karoutchi !

M. Roger Karoutchi. Voyez donc comment nous étions traités sous le gouvernement Jospin !

M. David Assouline. Vous le laissez m'interrompre, monsieur le président ?

M. le président. Monsieur Assouline, sans doute n'avez-vous pas encore eu l'occasion de prendre connaissance du règlement. Il n'est pas autorisé d'interpeller d'autres parlementaires dans l'hémicycle !

M. David Assouline. C'est lui qui m'a interpellé !

M. David Assouline. Il m'a interpellé sans que vous lui demandiez de s'interrompre ! Je me suis donc senti obligé de lui répondre !

M. le ministre nous reproche, comme si nous étions dans une cour de récréation, d'avoir demandé, à dix reprises, un vote par scrutin public. Il s'engage à ne plus recourir à la procédure du vote bloqué si nous-mêmes, en contrepartie, nous nous engageons à ne plus demander des votes par scrutin public.

Le problème est que les choses ne se sont pas déroulées de la sorte. Un grand débat national a eu lieu, auquel ont participé un million de personnes.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Vous n'en vouliez pas !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Qui en a pris l'initiative, si ce n'est le Gouvernement ?

M. David Assouline. Il en est résulté un rapport dont il n'a pas été tenu compte. Un conseil supérieur de l'éducation nationale a été créé, et tous les syndicats se sont prononcés contre votre projet. Cela ne vous a pas empêché de persévérer.

Si l'urgence a été déclarée sur le texte, c'est non pas parce qu'il était urgent que la loi fût votée - à l'Assemblée nationale, le débat a commencé selon la procédure normale -, mais bien parce que les lycéens sont descendus dans la rue. Subitement, il devenait urgent de faire adopter une grande loi déterminant l'avenir de notre éducation nationale au cours des vingt prochaines années, selon les propos du Président de la République.

Compte tenu de la déclaration d'urgence, une seule lecture aura lieu sur ce texte. On pouvait donc envisager d'aller au fond des choses, d'apporter un éclairage sur ce projet de loi. Or il a été décidé de ne tenir compte qu'au compte-gouttes des amendements soutenus par l'opposition.

Malgré tout, bien que vous opposiez une fin de non-recevoir à notre volonté de débattre, nous sommes là, assidus. Après avoir été mis en minorité, de manière légitime et démocratique, au cours d'un vote, vous avez inventé un artifice procédural pour y obvier. L'un d'entre vous osera-t-il un jour, pour en montrer le ridicule, expliquer aux Français, à la télévision, la manière dont cet article de loi a été adopté ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Mais bien sûr !

M. David Assouline. On nous annonce ensuite que nous siégerons cette nuit et demain,...

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Et alors ?

M. David Assouline.... dans des conditions lamentables pour tout le monde. Vous savez tout aussi bien que nous qu'on ne travaille pas de manière satisfaisante dans de telles conditions ! Nous ne l'acceptons pas et le disons ! Quant à vous, mesdames et messieurs de la majorité, vous continuer à vous comporter en béni-oui-oui !

Maintenant, vous invoquez à tout va l'article 40 de la Constitution. Encore un artifice ! Aucune explication n'est donnée aux novices comme moi ! Pourquoi invoquer l'article 40 quand l'amendement est gagé ? Ce n'est pas nécessaire ! Notre séance n'est pas télévisée, et les Français ne voient donc pas ce que vous faites !

Ensuite, il est fait recours à la procédure du vote bloqué. On nous explique que c'est notre faute, que nous essayons de jouer la montre.

Mme Annie David. C'est du chantage !

M. David Assouline. Nous tentons, à votre corps défendant, de réhabiliter le Parlement ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Les Français se détournent de la politique parce qu'ils ne croient plus en leurs institutions. A cet égard, le Sénat n'est pas le mieux placé dans leur estime. Laissez-nous alors faire cette oeuvre-là !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. C'est un privilège d'être nouveau. Encore ne faut-il pas en abuser. On peut apprendre le règlement du Sénat, qui nous permet de travailler ensemble.

L'article 45 de ce règlement est ainsi rédigé : « Tout amendement dont l'adoption aurait pour conséquence, soit la diminution d'une ressource publique non compensée par une autre ressource, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique peut faire l'objet d'une exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement, la commission des finances, la commission saisie au fond ou tout sénateur. L'irrecevabilité est admise de droit, sans qu'il y ait lieu à débat, lorsqu'elle est affirmée par la commission des finances. L'amendement est mis en discussion lorsque la commission des finances ne reconnaît pas l'irrecevabilité. »

Mme Hélène Luc. On peut quand même poser des questions !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Nous pouvons naturellement modifier ce règlement. Mais ce soir, cher collègue, je vous propose simplement de l'appliquer. En effet, le règlement me donne la possibilité, en tant que représentant de la commission des finances, d'opposer l'article 40 dès lors qu'un amendement aurait pour conséquence de diminuer une ressource publique non compensée par une autre ressource, ou, madame Luc, de créer ou d'aggraver une charge publique. Qu'il soit gagé n'y change rien. C'est ainsi !

La Constitution de 1958 a mis en place un parlementarisme rationalisé. Notre règlement intérieur en procède. Grâce à cela, le fonctionnement des institutions est devenu plus stable. Je suis désolé de vous imposer cette leçon, monsieur Assouline. Mais la relative brièveté de mon expérience de sénateur ne m'empêche pas d'être convaincu de l'utilité des dispositions qui s'imposent à nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. David Assouline. Nous demandons une suspension de séance pour nous permettre de rassembler nos arguments !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

M. Jean-François Voguet. Être un nouvel élu n'est pas un privilège, c'est un fait. Précisément, en tant que nouvel élu, je dois dire que je suis stupéfait de la façon dont se déroulent les débats.

De quoi discutons-nous ? D'un projet de loi d'orientation pour les quinze prochaines années, projet qui concerne donc l'avenir de millions de jeunes et d'enfants. C'est évidemment une question primordiale. Chacun sait l'importance qu'ont, pour les parents, pour la société, pour nous-mêmes, les questions d'éducation dans notre pays.

On nous dit que c'est important, et que le débat doit être engagé.

Or, s'agissant d'une question qui engage l'avenir de la France pour quinze ans, ainsi que M. le ministre nous l'a dit et répété, le Gouvernement a déclaré l'urgence. Et comme l'urgence n'est pas suffisante - mais peut-être est-ce la conséquence de la déclaration d'urgence -, nous sommes contraints de travailler dans des conditions extravagantes, durant quatre nuits qui, d'ailleurs, vont se poursuivre. Ainsi, mardi, la séance a été levée à une heure vingt, mercredi et jeudi, à zéro heure trente ; ce matin, nous avons repris nos travaux à neuf heures trente ; nous ignorons à quelle heure la séance s'achèvera cette nuit - nous aimerions d'ailleurs bien le savoir -, et nous allons devoir travailler samedi et peut-être dimanche. Et l'on parle de l'avenir de nos enfants !

Je pose donc simplement la question : pourquoi cette précipitation ? Sommes-nous à deux ou trois heures près ? La raison de cette précipitation est-elle la réunion de la commission paritaire, qui doit avoir lieu mardi prochain ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Pas du tout !

M. Jean-François Voguet. Qu'est-ce que cela changerait fondamentalement qu'elle se réunisse mercredi ou jeudi ? Par conséquent, pourquoi une telle précipitation ? Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous répondre à cette question.

Aucune assemblée dans notre pays, du conseil municipal au conseil général ou régional, ne se comporte de cette manière ! Aucune ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

En tout cas - et je m'adresse aux élus locaux qui sont nombreux dans cette assemblée -, je considère que se comporter ainsi dans un conseil municipal, compte tenu de la proximité des électeurs, c'est de la folie ! Mais c'est aussi de l'irrespect vis-à-vis de nos concitoyens !

A un moment où la classe politique - chacun le pense et beaucoup le disent - est contestée, traiter de cette façon l'avenir de millions d'enfants et de jeunes, c'est, en quelque sorte, faire preuve d'irrespect envers les familles et les enfants de notre pays.

Vous avez dit tout à l'heure : « on a été traité ainsi par M. Jospin ! ».

M. François Fillon, ministre. C'était pire !

M. Jean-François Voguet. Ce n'était pas bien ! (Rires et exclamations sur les mêmes travées.) Mais avoir été - soi-disant - traités d'une mauvaise manière par M. Jospin n'est pas une raison pour vous comporter de la même façon !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est un aveu !

M. Jean-François Voguet. Cela est fini et a d'ailleurs été réglé par l'électorat. (M Roger Karoutchi applaudit.) Il faut faire de la politique autrement, respecter les citoyens, les entendre, les écouter, ce que vous refusez ! Votre attitude est non seulement irrespectueuse, mais aussi dangereuse pour l'avenir.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mes chers collègues, le moins que l'on puisse dire c'est que, depuis un certain temps, je n'ai pas abusé de la parole. Je le regrette !

Mme Annie David. Nous le regrettons aussi !

M. David Assouline. C'est parce qu'on vous a demandé de vous taire ! Parlez donc !

M. Jacques Legendre. En effet, quand un vrai débat a lieu sur l'éducation, sur les sujets de fond, tout le monde a des choses à dire et souhaite pouvoir s'exprimer. Mais nous sommes un parlement et, à ce titre, nous devons le faire dans des délais raisonnables.

Vous avez eu raison de rappeler que la loi Jospin avait été débattue sur trois jours, comme d'ailleurs la loi Haby.

Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Jacques Legendre. Ces débats n'avaient pas fourni le prétexte, ni à la majorité ni à l'opposition de l'époque, du spectacle lamentable que nous risquons de donner ce soir.

Il y a une façon très facile de voir si un débat est conduit loyalement ou bien si certains ont entrepris d'empêcher le débat et de « jouer la montre ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Qui a commencé ?

M. Jacques Legendre. Chacun sait que déposer dix demandes de scrutin public sur un seul article, ce n'est pas vouloir favoriser un débat de fond, c'est vouloir gagner du temps et ajouter du temps au temps !

M. Jean-Marc Todeschini. Vous dites cela pour vous dédouaner !

M. Jacques Legendre. J'ai entendu M. Assouline se poser en restaurateur de la dignité du Parlement. (M. Roger Karoutchi approuve.) Ce que nous vivons ce soir me rappelle quelques souvenirs, monsieur Assouline, qui peut-être nous sont communs.

Mme Annie David. Monsieur le président, vous laissez interpeller les sénateurs !

M. Jacques Legendre. Nous sommes quelques-uns à avoir commencé notre vie politique par le syndicalisme étudiant. Je crois qu'on ne gagnera pas grand-chose à apporter à la Haute Assemblée les moeurs qui furent celles de certains amphithéâtres de l'UNEF à la grande époque ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Pendant que d'autres assistaient aux assemblées générales du GUD !

M. Jacques Legendre. Ce n'est pas un progrès pour le Parlement. !

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, M. Assouline est interpellé !

M. Jacques Legendre. Il doit être bien clair que le débat qui se déroule au Parlement porte sur un sujet de fond important : l'amélioration de l'éducation dispensée à nos enfants.

La majorité entend - c'est légitime - faire passer ce qu'elle croit être bon pour le pays ; l'opposition le conteste - c'est son droit -, mais nous irons au fond des choses et, soyez-en assurés, ce texte sera voté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, artifice de procédure pour artifice de procédure, si vous n'aviez pas demandé un vote bloqué sur l'article 23, nous en serions peut-être à l'article 26 ou 27, à cette heure-ci !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Non, on vous fait confiance !

M. Yannick Bodin. En d'autres termes, croyez-moi, cela ferait belle lurette qu'il aurait été procédé aux neuf scrutins publics, et nous serions sans doute beaucoup plus loin dans la discussion.

En réalité, nous sentons bien votre inquiétude.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Il n'y a aucune inquiétude !

M. Yannick Bodin. Vous ne voulez pas, pour votre part, prendre le risque que ce débat dure trop longtemps, en tout cas trop longtemps pour vous. Je le comprends puisque vous avez déclaré l'urgence.

Même si vous aviez eu la possibilité, en déclarant l'urgence - mais, évidemment, ce n'est pas prévu par les textes -, de demander un vote bloqué sur l'ensemble de votre projet de loi,...

M. François Fillon, ministre. C'est possible !

M. David Assouline. Une ordonnance !

M. Yannick Bodin.... nous aurions débattu en vingt minutes ; c'était terminé et l'on n'en parlait plus ! C'est évidemment ce que vous auriez souhaité !

D'ailleurs, on le voit très bien, puisque, au fur et à mesure que le débat avance, vous faites en sorte que le Parlement, en tout cas le Sénat pour l'instant, puisse de moins en moins s'exprimer.

Vous déclarez l'urgence ; ensuite, M. Longuet qui est resté muet pendant deux jours ou, en tout cas, qui ne se préoccupait pas de nos travaux, a fait une subite poussée de fièvre et crie maintenant tous les quarts d'heure « 40 » pour nous rappeler à ce fameux article !

Nous voyons bien que vous avez effectivement l'intention d'accélérer les choses pour nous empêcher de nous exprimer. Maintenant, vous faites une tentative de blocage, qui est d'ailleurs réussie puisque nous en discutons depuis quarante minutes ! Si vous voulez qu'elle dure encore autant de temps, c'est possible !

Monsieur le ministre, laissez donc le Parlement s'exprimer à sa manière. Je crois savoir que les scrutins publics sont prévus par le règlement intérieur du Sénat. Ce n'est pas un artifice, c'est un moyen pour chacun d'exprimer clairement et hautement son opinion, de dire publiquement ce qu'il pense de chacun des amendements, et tout le monde y retrouve ses petits puisque les votes sont ensuite consignés.

Ce n'est pas un artifice de procédure, c'est au contraire une manière d'apporter transparence et compréhension dans le débat.

Je vous en prie, monsieur le ministre, laissez le Parlement délibérer sur votre projet de loi comme cela lui convient !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Comme cela convient au groupe socialiste !

M. Yannick Bodin. C'est ainsi que nous entendons poursuivre nos travaux jusqu'à leur terme.

M. le président. Je vais mettre aux voix, par un seul vote, l'article 23, modifié par l'amendement n° 120 rectifié bis de la commission.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, une suspension de séance vous a été demandée avant le vote !

M. le président. Madame Luc, je vous ai expliqué que nous examinerions votre demande après le vote. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Nous voulons mettre au point nos explications de vote !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Les explications de vote sont terminées !

Mme Hélène Luc. Je n'ai pas expliqué mon vote !

M. Robert Del Picchia. Si, vous l'avez fait !

Mme Hélène Luc. Nous devons nous réunir avant les explications de vote !

M. le président. Madame Luc, je me souviens vous avoir entendu dire tout à l'heure : « C'est une explication de vote ». (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste n'a pas expliqué son vote !

M. le président. Permettez-moi, chers collègues, de rappeler que, lorsque nous sommes dans une procédure de vote, après que le Gouvernement et la commission ont donné leur avis, nous passons aux explications de vote qui interviennent avant le vote lui-même. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, vous biaisez le débat !

M. le président. J'ai eu l'occasion d'indiquer à Mme Luc, lorsqu'elle est intervenue, que nous étions dans la procédure des explications de vote.

Mme Hélène Luc. Parce que vous l'imposez ; on aurait pu procéder autrement ! On n'est pas obligé de voter tout de suite parce que le ministre le demande !

M. le président. Madame Luc, la procédure est conforme à notre règlement. Au total, sept explications de vote ont été faites. Vous avez pu exprimer les raisons de votre désaccord avec la commission et le Gouvernement.

Nous allons donc pouvoir procéder au scrutin public.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, au moment où le ministre a demandé le vote bloqué, j'ai souhaité une suspension de séance et vous avez dit qu'on allait examiner ma demande !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Après le vote !

M. le président. Monsieur Todeschini, je vous ai déjà répondu.

M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste a demandé une explication de vote sur l'article 23 !

M. le président. Vous aviez en effet demandé à expliquer votre vote. S'agissant de votre demande de suspension de séance - et c'est l'une des prérogatives du président de séance que d'y donner suite ou non -,...

M. Jean-Marc Todeschini. Je doute que vous nous l'accordiez !

M. le président.... je vous ai indiqué que nous reparlerions de la suspension de séance une fois la procédure du vote sur l'article 23 achevée.

M. le président. Nous passons au vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Ce n'est pas possible ! Personne ne s'est exprimé sur cet article. Nous devons nous réunir pour mettre au point nos explications de vote !

M. David Assouline. Laissez-nous au moins en faire une !

Mme Annie David. Nous voulons également nous exprimer !

Mme Hélène Luc. Il n'y a pas de débat ! Personne ne parle, de l'autre côté de l'hémicycle !

M. Jean-Marc Todeschini. On nous empêche de débattre !

M. Roger Karoutchi. Cela suffit !

M. le président. Revenez à la réalité, monsieur Todeschini !

M. Jean-Marc Todeschini. Je suis tout à fait réaliste : des milliers de classes vont fermer, et c'est tout ce que vous trouvez à nous opposer !

Mme Eliane Assassi. Il manque des infirmières !

Mme Annie David. Il n'y a pas assez de médecins ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Quel rapport avec le débat ?

M. le président. Je rappelle que, en application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement a demandé au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'article 23, modifié par l'amendement n° 120 rectifié bis de la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 149 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 202
Contre 125

Le Sénat a adopté.

Mme Hélène Luc. C'est un vote acquis par la force !

M. le président. Monsieur Todeschini, maintenez-vous votre demande de suspension ?

M. Jean-Marc Todeschini. Le but de cette demande de suspension de séance était de mettre au point notre explication de vote. Nous ne voulons pas d'une interruption pour rien !

Je regrette en tout cas, monsieur le président, que vous ayez pour la première fois empêché l'opposition de s'exprimer !

Mme Annie David. Je demande une suspension de séance.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le samedi 19 mars, à une heure vingt, est reprise à une heure vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, il est une heure trente du matin. Je croyais avoir compris tout à l'heure que le Sénat avait décidé de siéger samedi, le matin, l'après-midi et le soir.

Si nous levions la séance maintenant, nous ne reprendrions nos travaux que demain matin, à dix heures trente. J'aimerais donc connaître les intentions de la présidence.

M. le président. Je me tourne vers la commission et le Gouvernement.

Nous avions souhaité, les uns et les autres, faire progresser le débat le plus vite et le plus loin possible. Or nous avons constaté de part et d'autre l'utilisation de procédures de ralentissement ou d'accélération.

Je m'adresse donc à tous : serait-il possible de retrouver des modalités de fonctionnement nous permettant d'examiner les amendements à un rythme normal et, par conséquent, d'envisager, pour cette fin de séance et pour la prochaine, de meilleures conditions de travail ?

Je vous rappelle que nous avons encore 273 amendements à étudier. Ceux-ci ne doivent pas être examinés à une vitesse telle qu'ils ne pourraient pas être correctement défendus et compris. Néanmoins, il serait bon d'éviter de recourir systématiquement à un vote par scrutin public afin que nous puissions progresser.

Dans ces conditions, je suis persuadé que le Gouvernement renoncerait à utiliser la procédure du vote unique.

Mme Hélène Luc. Pas de menace, monsieur le président !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est pas une menace !

Mme Hélène Luc. Je n'ai jamais vu cela ici !

M. le président. Cela nous permettrait de faire avancer le débat dans de bonnes conditions, d'interrompre et de reprendre nos travaux dans des délais raisonnables. Mais tout dépend de la bonne volonté de chacun.

Je ne peux pas prendre seul de décision, car celle-ci dépend de chaque membre de cette assemblée et, en particulier, de chaque groupe politique.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Vos paroles, monsieur le président, sont des paroles de sagesse.

Nous ne serions pas dans cette situation, sachant que nous avons commencé la discussion mardi dernier à seize heures, si, de part et d'autre, n'avaient pas été utilisées toutes les possibilités que nous offre notre règlement.

A l'évidence, si nous prenons, les uns et les autres, l'engagement d'éviter d'utiliser le règlement à des fins dilatoires, d'une part, nous pourrons travailler plus sereinement et plus convenablement et, d'autre part, nous gagnerons du temps.

Votre proposition, monsieur le président, est empreinte de sagesse, et je l'apprécie tout à fait.

M. le président. Je me permets donc de suggérer aux responsables des groupes de prendre position et, mes chers collègues, je propose que nous poursuivions le débat.

M. Jacques Pelletier. Jusqu'à quelle heure ?

M. le président. J'avoue que je préférerais ne pas avoir à présider une séance où les questions de procédure prennent le pas sur le débat de fond.

Par ailleurs, j'invite les orateurs des divers groupes à faire preuve de brièveté.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, je refuse de porter la responsabilité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Dès nos interventions dans la discussion générale, nous avons dénoncé le recours à la procédure de l'urgence et regretté que, pour un texte d'une telle ampleur, il n'ait été prévu de débattre que du mardi au jeudi, et « éventuellement » le vendredi.

C'est sans doute ce qui explique que nous soyons où nous en sommes, à une heure et demie du matin un samedi, après quatre jours passés sur ce texte !

Je refuse donc, je le répète, de porter la responsabilité de la situation.

Pour notre part, nous avons effectué un travail sérieux, nous avons préparé des amendements, nous avons des propositions à faire dans le cadre de ce projet de loi et nous estimons avoir le droit de nous exprimer.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Personne ne le conteste !

Mme Annie David. Nous avons été prévenus hier après-midi seulement que nous siégerions aujourd'hui et peut-être demain. C'est d'autant plus inacceptable que l'on ne voit vraiment pas pourquoi !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Pour avancer !

Mme Annie David. Apparemment en effet, il n'y a aucune raison pour que le débat ne se tienne pas lundi.

Aussi ma position est-elle, pour l'instant, la suivante : j'ai bien entendu votre demande, monsieur le président, ainsi que celle de M. Valade, mais notre groupe constitue une équipe et je ne suis pas seule à décider de l'organisation de nos travaux.

Quand bien même cela relèverait de ma responsabilité, j'avoue que j'aurais du mal à accepter de me plier à ce chantage.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Ce n'est pas du chantage !

Mme Annie David. Le groupe CRC va donc attendre de voir comment la situation évolue et, en fonction de l'évolution, il s'adaptera, dans un sens ou dans l'autre, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Nous débattons de ce texte depuis mardi, le ton monte, on s'échauffe...

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur Karoutchi, je n'ai pas oublié certains termes venus de l'autre côté de l'hémicycle !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Todeschini !

M. Jean-Marc Todeschini. Chers collègues de la majorité, depuis que je suis entré en politique, un seul personnage est parvenu à me faire taire et, depuis, je me suis juré que plus personne n'y parviendrait. Tant que j'aurai de la voix, je continuerai donc à m'exprimer !

Cela étant dit, je ne veux ni empoisonner le débat ni bloquer le fonctionnement de notre assemblée,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien ! Alors on poursuit !

M. Jean-Marc Todeschini.... mais, comme Mme David, je regrette que le Gouvernement recourre à des artifices de procédure, même s'il le fait dans le respect du règlement. Jeudi, par exemple, il a bien été obligé de le faire à cause du nombre insuffisant de sénateurs de l'UMP présents en séance, ce qui nous a d'ailleurs fait perdre une demi-journée !

Aujourd'hui, nous avons avancé, mais permettez à un sénateur de province de redire que nous n'avons pas apprécié d'apprendre cet après-midi que le Gouvernement nous convoquait demain. Nous l'avons même très mal pris, mais que faire puisqu'on nous oblige à siéger ? Eh bien, nous faisons notre travail !

Monsieur le président, on nous reproche de recourir systématiquement au scrutin public - soit dit en passant, nous avons constaté que, lorsqu'il le fallait, le ministre ou en tout cas la commission n'hésitaient pas à y recourir aussi -, mais je vous assure que nous n'apprécions pas trop non plus son usage systématique.

J'ai siégé dans une autre assemblée, qui était présidée par M. Longuet. Jamais je n'ai fait d'obstruction. M. Longuet, à l'époque, laissait parler tout le monde, et il répondait même. Nous étions rarement d'accord, mais au moins le dialogue avait lieu.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il fallait le garder !

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Vous savez ce qu'il vous reste à faire !

M. le président. Mes chers collègues, pas de discussions personnelles !

M. Jean-Marc Todeschini. Les socialistes n'entendent pas du tout bloquer le fonctionnement de notre assemblée,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Jean-Marc Todeschini.... mais ils utilisent eux aussi les armes que leur fournit le règlement pour pouvoir s'exprimer.

Comme l'a dit M. Pelletier, il a été décidé - nous avons, je le rappelle, voter contre - que le Sénat siégerait demain matin. Or il est tard, et il sera bientôt trop tard pour pouvoir siéger demain matin. Nous estimons qu'il est temps d'aller nous coucher, non pas pour ramener les esprits au calme mais pour nous permettre de nous reposer et de mieux défendre demain nos amendements.

Nous souhaitons donc, monsieur le président, que le Sénat arrête très bientôt ses travaux pour pouvoir les reprendre demain matin.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Si nous avions été entendus et qu'au lieu de prévoir quatre jours de discussion pour ce projet de loi la conférence des présidents avait organisé le débat sur deux semaines comme à l'Assemblée nationale, nous n'en serions pas là ce soir. Le comble est que vous nous imputiez toute la responsabilité !

M. François Fillon, ministre. A l'Assemblée nationale, le débat a duré trois jours !

Mme Hélène Luc. Eh bien, nous, nous prenons le temps nécessaire ! J'ai d'ailleurs suivi une partie du débat à l'Assemblée nationale et constaté que, sur un certain nombre d'articles, beaucoup de choses n'ont pas été dites. Nous, nous prenons nos responsabilités, et chaque sénateur a le devoir de faire de même !

Par ailleurs, monsieur le président, à l'Assemblée nationale, il arrive parfois que le président résiste au Gouvernement quand ce dernier tente de précipiter la discussion, et le devoir d'un président de séance est bien de faire en sorte que les parlementaires puissent s'exprimer.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Vous vous êtes largement exprimée, madame Luc !

Mme Hélène Luc. Je sais que le Gouvernement a le droit de demander le vote unique sur un article, mais, quand il le demande dans les mêmes conditions que ce soir, c'est-à-dire après avoir supprimé la deuxième lecture en déclarant l'urgence sur le projet de loi, c'est inadmissible !

M. le président. Vous l'avez déjà dit, madame Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, il est d'autant plus nécessaire que vous permettiez aux parlementaires de s'exprimer. Ainsi, sur un autre sujet,...

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il n'y a pas d'autre sujet !

M. le président. Madame Luc, nous devons reprendre l'examen des amendements !

Mme Hélène Luc.... il faut que j'informe M. le ministre de l'éducation nationale de ce qui s'est passé ce soir à Maisons-Alfort. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Del Picchia. C'est désolant !

Mme Hélène Luc. Une minute ! Deux cents lycéens ont invité le président de l'association départementale des parents d'élèves,...

M. Christian Cambon. Ils n'étaient que quarante !

Mme Hélène Luc.... mais le chef d'établissement n'a pas voulu le laisser entrer malgré l'intervention de l'inspecteur d'académie et du recteur.

Que pensez-vous, monsieur le ministre, de cette façon de faire ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

Art. 23
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. additionnel après l'art. 23

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous admettrez d'abord que, jusqu'à présent, je n'ai pas abusé de la parole,...

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Vous n'étiez pas là !

M. Jean-Pierre Sueur.... mais j'ai tenu à écouter le débat sur ces sujets tellement importants en matière d'éducation que sont la formation des maîtres et le statut des enseignants. Voilà des sujets qui méritent des débats sereins !

Cependant, monsieur le président, mon intervention aura trait à la présidence. Depuis un quart d'heure, vous vous évertuez à nous appeler à un débat normal, mais je m'interroge : qu'est-ce qu'un débat normal ? On a toujours tendance à considérer que la norme est conforme à l'idée du monde tel qu'on voudrait qu'il fût, mais chacun peut avoir son idée de la chose.

Le président de séance, monsieur le président, n'a pas pour rôle de mener des négociations diplomatiques ou d'adresser des admonestations : son rôle, c'est d'appliquer le règlement, comme l'a d'ailleurs fort bien dit M. Longuet tout à l'heure.

Le règlement prévoyant toutes les procédures, pourquoi, depuis une heure et demie, n'entend-on parler que de procédure et pas du tout du fond ?

M. François Fillon, ministre. Bonne question !

M. Jean-Pierre Sueur. Moi, j'ai une explication, qui a d'ailleurs déjà été donnée par plusieurs de nos collègues : ce qui ne va pas dans ce débat, c'est qu'il faut absolument que la commission mixte paritaire se réunisse mardi. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. François Fillon, ministre. Mais non !

M. Roger Karoutchi. Qui a dit cela ?

M. Jean-Pierre Sueur. La date a d'ailleurs été annoncée. Et pourquoi veut-on qu'une commission mixte paritaire se réunisse si vite ?

Le raisonnement est implicite mais explicitons-le, puisque nous sommes là pour nous parler : on s'est dit que les manifestations, les protestations, les marques de mécontentement actuelles étaient dus à la discussion sur le présent projet de loi, et on s'est imaginé que plus vite il serait définitivement adopté plus vite le mouvement cesserait.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est la vérité, et tout le monde le sait. Eh bien, je vous dis, monsieur le ministre, que ce n'est pas un bon calcul !

Je me rappelle avoir passé un mois en séance à l'Assemblée nationale à débattre de la loi sur l'enseignement supérieur, dite depuis « loi Savary ». Ce fut très long, car nous avons examiné les choses au fond et dans le détail, ces choses ayant suscité, M. Fillon s'en souviendra aussi, beaucoup d'opposition à l'époque.

Or, aujourd'hui, le malaise naît de la volonté du Gouvernement de faire vite passer son texte parce qu'il croit que cela aura pour effet de supprimer la contestation.

C'est un mauvais calcul parce que toute l'histoire de l'éducation dans ce pays montre que, pour avancer dans ce domaine, il faut obtenir l'assentiment des Français et avoir leur confiance. En définitive, ce n'est pas avec des méthodes de procédure et dans l'urgence que l'on peut faire oeuvre de conviction.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour que les choses redeviennent tout à fait « normales », il serait bon que le Gouvernement fasse un geste ou un acte politique montrant que nous ne sommes pas à quelques jours près afin que nous puissions continuer à discuter de l'annexe.

Vous verrez que vous obtiendrez alors le débat serein que vous appelez de vos voeux, monsieur le président, et vous serez un président heureux !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Sueur, d'avoir évoqué la nécessité de faire appliquer le règlement. J'ai cependant eu un peu de mal à discerner dans votre propos ce qui pouvait justifier un rappel au règlement.