Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, mes chers collègues, la maison France brûlerait-elle ?

Y a-t-il péril en la demeure au point de créer, dans la précipitation, « une commission d'enquête sur l'immigration clandestine pour appréhender l'ensemble du phénomène et ses conséquences », ainsi que le précise l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution ?

Etait-il urgent d'inscrire à notre ordre du jour ce texte qui ne donnera finalement lieu, faute de temps, qu'à une heure de débat ?

Nous ne pouvons que nous étonner de la mise en discussion d'une telle proposition de résolution qui, dans le contexte que nous connaissons à l'échelon tant européen que national, paraît aussi inopportune que déplacée. En effet, elle est déposée quelques semaines après les drames qui se sont déroulés dans les deux enclaves espagnoles situées au Maroc, où des innocents ont été tués par balles en tentant de franchir la frontière quand de nombreux autres ont été blessés, déportés, abandonnés en plein désert sans eau ni vivres.

L'Union européenne, qui mène depuis des années une guerre larvée contre les migrants et les réfugiés, a franchi cette fois une étape supplémentaire. Il s'agit là de l'un des exemples les plus significatifs des conséquences de la logique répressive par laquelle l'Europe a choisi de traiter la question des migrations.

L'Union européenne a décidé de financer la répression contre les migrants, notamment en promettant de verser au Maroc 40 millions d'euros à condition que celui-ci s'engage à lutter contre l'immigration clandestine. Un tel procédé traduit la volonté de l'Union européenne de se défausser du problème des migrants sur les pays tiers de transit comme le Maroc ou la Libye tout en renforçant la forteresse Europe.

Pudiquement, cela s'appelle l'« externalisation du traitement des réfugiés ». En termes plus crus, cela revient à parquer les demandeurs d'asile dans des camps de réfugiés aux portes de l'Europe. Or une telle politique ne remédie en rien aux causes de l'immigration qui sont la pauvreté, les famines, les guerres.

En France, les politiques d'immigration conduisent à expulser du territoire à tour de bras, au mépris des droits les plus élémentaires, des jeunes pourtant scolarisés en France, voire des familles entières, et à multiplier les « rafles » de migrants.

J'ai lu avec attention l'interview qu'a accordée le ministre de l'intérieur à un journal du soir daté du mardi 25 octobre dernier. J'y ai relevé qu'il demandait aux préfets de surseoir aux expulsions d'enfants scolarisés, et ce jusqu'à la fin de l'année scolaire. Est-ce à dire que ces jeunes pourront faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière dès le mois de juillet 2006, c'est-à-dire en plein coeur de l'été, au moment où les Français sont en congé et donc moins mobilisés ?

En revanche, dans cet entretien, le ministre de l'intérieur ne remettait nullement en cause son objectif de porter le nombre de reconduites à la frontière à 24 000 d'ici à la fin de l'année 2005.

Le Gouvernement va-t-il encore accélérer les « charters », ces vols groupés permettant de renvoyer plus rapidement, plus discrètement et à moindre coût, les étrangers chez eux en les regroupant par nationalité, alors même que les expulsions collectives sont condamnées par la Convention européenne des droits de l'homme ?

Qui plus est, un nouveau projet de loi sur l'immigration est annoncé, lequel vise non seulement à restreindre davantage encore les droits fondamentaux des étrangers, notamment en matière de regroupement familial et d'incidence du mariage sur le droit au séjour et l'accès à la nationalité - ils relèvent pourtant de l'immigration légale -, mais aussi à créer une police de l'immigration et à mettre en oeuvre une politique des quotas.

Le ministre de l'outre-mer, M. François Baroin, a, quant à lui, jugé utile d'aller encore plus loin en annonçant la possibilité de remettre en cause le droit du sol à Mayotte. Ses propos, qui ont provoqué quelques remous au sein du Gouvernement, ont été immédiatement repris dans une proposition de loi déposée par le député UMP de Mayotte.

N'oublions pas que l'été dernier fut meurtrier à plus d'un titre ! Les incendies d'immeubles insalubres à Paris ont mis en avant, s'il était nécessaire, le fait que les étrangers étaient aussi victimes du mal du logement.

Permettez-moi de citer également les deux décrets remettant en cause l'aide médicale d'Etat, et le scandale des conditions de travail des travailleurs saisonniers sous contrat délivré par l'Office des migrations internationales, l'OMI, dans le sud de la France.

Aujourd'hui, d'aucuns voudraient laisser croire que la France est dépourvue de toute législation. Pis, ils ne font rien pour infirmer l'idée selon laquelle notre législation est trop laxiste, constitue un appel d'air et permet à un grand nombre d'étrangers d'entrer sur notre territoire.

Dois-je rappeler que, depuis le retour de la droite au pouvoir, deux lois ont été adoptées voilà moins de deux ans ? Il s'agit de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité et de celle du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. Beaucoup s'accordent à dire, y compris dans les rangs de la majorité, que ces deux lois ont considérablement durci la législation en matière de droits des étrangers et d'accès au droit d'asile.

En outre, ces réformes ont permis de jeter nombre d'étrangers en situation régulière dans la clandestinité. Il n'est qu'à citer quelques exemples éclatants des reculs en la matière !

Je pense à la création de nouvelles possibilités de retrait de la carte de séjour temporaire, à l'allongement de la durée du mariage ouvrant droit à l'obtention d'une carte de résident, au renforcement du contrôle de l'effectivité d'une paternité pour la délivrance de plein droit d'une carte de résident. Je pense aussi à la suppression de la délivrance de plein droit de la carte de résident aux étrangers la demandant au titre du regroupement familial ainsi qu'à ceux ayant bénéficié pendant cinq ans d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Je pense encore à la création d'un délit spécifique de mariage simulé, aux nouveaux cas de reconduite à la frontière, à la réforme du régime de la rétention administrative qui se traduit notamment par l'allongement de la durée de rétention de douze à trente-deux jours, à l'augmentation du nombre de places en rétention administrative, à la délocalisation des audiences, etc.

Par conséquent, mes chers collègues, avant de déposer un énième projet de loi, comme cela est annoncé, et avant même de créer une telle commission d'enquête, il nous faut nous interroger.

Quel bilan devons-nous tirer de l'application de ces récentes lois ? Disposons-nous d'une évaluation de la législation en vigueur ? Où en sont les décrets ?

Allons-nous continuer à travailler ainsi, c'est-à-dire à légiférer sans cesse au gré de l'actualité, et à modifier une fois encore l'ordonnance de 1945 ? Ce n'est pas sérieux !

C'est dans ce contexte - qu'il n'était pas inutile de rappeler - qu'intervient cette proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

Je dois l'avouer : parler de laxisme en matière de politique d'immigration, à l'échelon tant national qu'européen, me laisse perplexe. Faut-il comprendre que le pire est encore possible ?

Cela dit, il est vrai que les mesures dissuasives et répressives qui ont été prises tant en Europe qu'en France pour se protéger des mouvements migratoires indésirables - les murs de plus en plus hauts, l'immigration zéro, la fermeture des frontières avec l'instauration de l'espace Schengen - n'ont pas empêché l'immigration de continuer.

Cela me renforce dans l'idée que les politiques qui sont mises en oeuvre ne sont pas tant laxistes qu'inefficaces au regard du phénomène qu'elles sont censées contenir. Et je ne parle pas du danger qu'elles constituent pour les droits de l'homme comme d'un point de vue idéologique !

En réalité, loin d'endiguer ces déplacements, ces politiques les ont rendus plus difficiles, plus coûteux, plus dangereux, allant jusqu'à mettre à mal le respect de certains droits fondamentaux tels que le droit d'asile et la libre circulation des personnes. Qui plus est, elles ont mis en danger la vie même de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants, c'est-à-dire de ces exilés en quête de travail et de sécurité au sein de l'Europe. Ainsi, de 1997 à 2004, 4 000 morts et portés disparus en mer ont été recensés aux frontières de l'Union européenne.

Compte tenu des obstacles qui rendent le voyage vers un lieu sûr plus difficile, voire impossible, les candidats à l'immigration se trouvent à la merci des réseaux mafieux, des marchands de sommeil et des employeurs d'une main-d'oeuvre en situation irrégulière taillable et corvéable à merci, dont l'activité se nourrit bien évidemment de ces politiques de fermeture des frontières.

Le nombre croissant de migrants n'est ni un problème temporaire ni le fruit du hasard : c'est la conséquence prévisible de la crise des droits humains dans le monde. Tant que les écarts économiques et sociaux ne cesseront de croître entre les régions du monde qui profitent de la mondialisation du libéralisme économique débridé et celles qui en sont les victimes, il est inévitable que les populations des pays ravagés par la misère, par les conflits ou par l'absence de démocratie continuent de tenter de trouver ailleurs de meilleures conditions de vie, quand ce n'est pas tout simplement le droit de vivre.

En effet, quand 2,5 milliards d'individus de par le monde vivent avec moins de 2 dollars par jour, quand un habitant de la Zambie a moins de chance d'atteindre l'âge de trente ans qu'un Anglais en 1840, quand l'aide au développement est moins forte en 2005 qu'en 1990 - les pays riches ne lui affectant que 0,25 % de leur revenu national brut -, il n'est pas étonnant que des hommes, des femmes, des enfants migrent, se déplacent pour aller chercher ailleurs, y compris au péril de leur propre vie, ce dont ils sont totalement dépourvus.

Il faut savoir que l'Union européenne n'accueille que 10 % à 15 % des dizaines de millions de personnes réfugiées ou déplacées qui sont contraintes de quitter leur lieu de résidence par la violence.

Contrairement aux idées reçues, les pays sollicités sont bien souvent les Etats voisins des zones de conflit, eux-mêmes très précaires en termes d'économie et d'équilibre politique. On assiste ainsi plus souvent à des déplacements Sud-Sud qu'à des déplacements Sud-Nord.

Autre idée reçue qu'il faut avoir le courage et l'honnêteté de combattre, celle selon laquelle la France serait un « pays d'immigration massive ». Si la France est un vieux pays d'immigration, elle n'est plus un pays d'immigration massive depuis au moins vingt-cinq ans. C'est même le pays d'Europe où la croissance démographique dépend le moins de l'immigration ; tel est, en tout cas, le constat que fait chaque année l'INSEE dans son bilan démographique.

Si la demande migratoire existe à nos frontières, au travers de la procédure d'asile, elle ne peut aucunement être assimilée à une « invasion ». Elle correspond, pour l'essentiel, à un mouvement régulier en provenance de nos anciennes colonies d'Afrique et d'Asie.

Par ailleurs, il faut en finir avec cette hypocrisie qui consiste, d'un côté, à dresser des obstacles pour empêcher les migrants de se rendre en Europe et à expulser tant qu'on peut les étrangers qui y sont déjà installés et, d'un autre côté, à vouloir faire venir des étrangers afin de satisfaire les besoins économiques des pays les plus riches.

Cette immigration utilitaire, « immigration choisie » ou « politique des quotas » - appelez-la comme vous voulez, le résultat est toujours le même ! - est inscrite très clairement dans le Livre vert sur les migrations économiques, publié par la Commission européenne en janvier dernier : il faut « encourager des flux d'immigration plus soutenus pour couvrir les besoins du marché européen du travail et assurer la prospérité de l'Europe ».

Il s'agit là d'une conception purement économique de l'immigration, qui consiste à évaluer le « besoin d'immigrés » des pays européens comme on évalue le besoin de marchandises disponibles sur le marché.

Cette conception figure déjà dans les lois récemment adoptées en France sur l'immigration et le droit d'asile, qui présentent l'immigration sous un angle utilitaire. L'étranger y est, en effet, considéré avant tout comme une main-d'oeuvre devant répondre aux besoins de l'économie libérale et suppléer, pour un temps seulement, au déficit que, en France, certains secteurs économiques connaissent à cet égard.

La présence de l'étranger en France est alors envisagée à titre provisoire : l'étranger -  de préférence jeune et en bonne santé - doit être au service exclusif du marché de l'emploi et ne doit surtout pas être tenté de s'installer en France de façon durable ni a fortiori de faire venir sa famille par le biais du regroupement familial.

On ne peut que regretter que la France n'ouvre pas de nouvelles perspectives de coopération internationale dans lesquelles le respect des droits et des libertés fondamentales serait le préalable à toute législation concernant les flux migratoires. Elle continue, au contraire, comme dans les années soixante, à avoir une politique d'immigration reposant avant tout sur les besoins de son économie.

C'est une vision qui reproduit les mécanismes de la domination, de l'exploitation et de la mise en concurrence des travailleurs - nationaux et immigrés - au profit exclusif du capitalisme.

Cette conception de la « libre circulation des travailleurs », loin de favoriser l'épanouissement des hommes, revient en réalité à piller les pays du Sud de la part de leur population la plus active, la plus dynamique, réduisant dès lors quasiment à néant les possibilités de développement sur place de ces pays.

Vous l'aurez compris, nous sommes foncièrement opposés à la mise en place d'une telle commission d'enquête. Elle risque, selon nous, de cautionner une idéologie qui transpire déjà dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, laquelle souligne : « des difficultés en matière de sécurité dans la mesure où cette immigration est principalement coordonnée par des organisations mafieuses ; des difficultés économiques en raison du travail au noir qui est la conséquence de cette immigration ; des difficultés sociales en raison de la précarité consubstantielle des conditions de vie des migrants ».

On le voit, l'immigration n'est appréhendée ici que sous l'angle des difficultés qu'elle engendre... nécessairement. Cet amalgame entre immigration et insécurité sous les formes les plus variées est inacceptable au moment où des migrants continuent de mourir aux frontières de l'Europe dans une relative indifférence générale.

J'ose espérer que cette commission d'enquête à laquelle nous participerons, si elle est créée... (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Vous nous auriez manqué !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut retirer votre question préalable !

Mme Eliane Assassi. En tout cas, comptez sur nous pour y proposer un certain nombre de choses !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois et M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est toujours intéressant !

Mme Eliane Assassi. ...aura vraiment pour objectif - c'est en tout cas le point de vue que nous défendrons au sein de la commission d'enquête - de réprimer ceux qui tirent profit des politiques restrictives en matière de droits des étrangers : les réseaux mafieux, les employeurs de main-d'oeuvre irrégulière, les marchands de sommeil, et de faire respecter les textes internationaux relatifs au droit d'asile, à la protection des migrants et contre la torture.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous sommes d'accord !

Mme Eliane Assassi. Qu'on ne compte pas sur nous si elle veut remettre en cause le droit du sol à Mayotte, durcir notre législation en matière d'immigration ou bien encore mettre en place des quotas pour choisir les immigrés dont la France a besoin, économiquement parlant.

Les élus de mon groupe estiment que ni cette commission d'enquête sénatoriale ni les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale par les députés UMP ni un énième projet de loi gouvernemental sur l'immigration ne sont capables d'apporter un commencement de réponse à la question des migrants dans le monde.

Ces textes, qui sont d'ailleurs si complémentaires et forment un ensemble si logique qu'on pourrait penser que le chef d'orchestre n'est pas loin, .ne répondent absolument pas à une situation qui mérite autre chose que la seule répression, le durcissement des lois, le renforcement des barrières aux frontières de l'Europe, etc.

Et ce n'est pas la récente prise de position toute « personnelle » du ministre de l'intérieur sur le droit de vote des résidents étrangers - une mesure que, pour notre part, nous ne cessons de demander depuis plusieurs années puisque nous avons déposé une proposition de loi sur cette question dès 1989 -...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous pouvez continuer !

Mme Eliane Assassi. ...qui va gommer ou atténuer en quoi que ce soit le caractère inhumain de la politique gouvernementale menée en matière d'immigration. D'autres ont agi de même avant lui : je veux parler de MM. Pasqua et Juppé, qui, en leur temps, avaient annoncé une réforme en ce sens. On ne peut que constater aujourd'hui que rien n'a bougé !

Le ministre de l'intérieur nous rejoue le film de la « double peine » qui, quoiqu'il en dise, n'a pas été supprimée pour mieux faire passer les mesures les plus dures de votre politique.

Il feint de reculer sur le droit de vote des résidents étrangers, mais ce n'est que pure démagogie, tout comme cette commission d'enquête ne consiste qu'en un affichage politique.

Car je ne suis pas naïve, cette commission d'enquête parlementaire, dont les travaux peuvent durer jusqu'à six mois va avoir un écho médiatique qui risque d'alimenter les débats les plus populistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, au contraire !

Mme Eliane Assassi. Elle va occuper le terrain jusqu'à ce qu'un projet de loi définitif soit déposé au Parlement, vers l'automne 2006 par exemple, ce qui est bien calculé dans la perspective des échéances électorales de 2007.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous n'y avions pas pensé, mais quelle bonne idée ! (Sourires.)

Mme Eliane Assassi. Eh bien, je vous la donne ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous vous en remercions !

Mme Eliane Assassi. Je vois bien que les questions sur l'immigration vous dérangent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout ! D'ailleurs, nous proposons la création d'une commission d'enquête !

Mme Eliane Assassi. C'est aussi une des raisons pour lesquelles nous siégerons au sein de cette commission d'enquête !

M. François-Noël Buffet. Alors, votez-en la création !

Mme Eliane Assassi. En fait, le but à peine voilé est de placer au coeur de la campagne pour la présidentielle de 2007 le thème de l'immigration, comme l'insécurité avait été le thème principal de la présidentielle de 2002, afin notamment de flatter l'électorat de l'extrême droite et de récupérer ainsi quelques voix.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter, par scrutin public, la motion tendant à opposer la question préalable pour décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n'est pas très cohérent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est même contradictoire !

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, contre la motion.

Mme Lucette Michaux-Chevry. La commission est peut-être en pré-campagne électorale. Il n'en reste pas moins que, dans les départements et territoires d'outre-mer, nous n'avons cessé de réclamer qu'une commission d'enquête soit constituée sur ce sujet.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est exact !

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je ne pense pas que l'on puisse reprocher ici à nos populations de rejeter leurs frères, notamment haïtiens, qui viennent chez nous chercher de la formation, des soins médicaux, et que nous avons toujours aidés.

Mais, aujourd'hui, force est de constater un dérapage qui n'est pas acceptable : les habitations fermées, les terres inexploitées sont envahies. Les Guadeloupéennes accouchent dans les couloirs des hôpitaux parce que les Haïtiennes et les Dominicaines ont pris leur place. La violence s'est instaurée. La drogue est à la porte de nos collèges. Dans nos prisons - et c'est un avocat qui parle -, il y a plus d'étrangers que de Guadeloupéens.

Mme Eliane Assassi. C'est terrible de dire cela !

Mme Lucette Michaux-Chevry. Dès lors, si cette commission d'enquête n'était pas créée, on aurait le sentiment que la loi n'est pas respectée.

Sur le territoire français de la Guadeloupe, des transports organisés appartiennent à des Haïtiens, il existe une banque haïtienne, et je ne parle pas de la Martinique, non plus que de la Guyane, où la situation est particulièrement grave.

Au moment où deux cyclones viennent, une nouvelle fois, de frapper Haïti, le pays le plus pauvre du monde, c'est à la Guadeloupe, avec Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Marie-Galante, les Saintes et la Désirade, que nous devons régler les problèmes insurmontables qui en découlent.

Dire que la solution réside dans le développement des pays ACP - Afrique, Caraïbes, Pacifique -, c'est méconnaître les efforts entrepris par la France dans cette zone. La France est le pays qui a injecté le plus d'argent dans la Caraïbe pour tenter d'apporter des réponses concrètes à l'intégration des étrangers. Mais nous continuons à avoir dans ce domaine une politique de générosité qui n'est plus tenable.

Parler de l'Europe, c'est ignorer que, sur la banane, le droit nul est applicable à des pays ACP tels que la Jamaïque et la Dominique, alors que la Guadeloupe n'en bénéficie pas, et c'est méconnaître la réalité du terrain.

Mais il y a autre chose qui nous fait très mal : c'est la mauvaise intégration des Domiens en France métropolitaine. Les étudiants de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane se font traiter d'étrangers, parce que l'on n'a jamais réellement intégré la France ultramarine dans le territoire européen de la France. La France, pour de trop nombreux métropolitains, c'est l'Hexagone et la Corse : l'outre-mer n'en fait pas partie !

J'entends aujourd'hui pour la première fois, dans un débat, un rapporteur évoquer les conséquences néfastes de l'immigration sur nos territoires : je l'en remercie.

Mais que l'on ne me parle pas de reconduite à la frontière : il suffit de prendre un bateau pour arriver aux Saintes, et quand on est aux Saintes, on rejoint la Dominique. Et, par avion, le vol dure sept minutes !

Cette commission d'enquête nous donnera l'occasion d'étudier les conséquences néfastes de cette immigration non contrôlée sur des territoires français.

Mes chers collègues, je vous remercie d'avoir pensé que les institutions de la République étaient en danger, mais l'identité culturelle de l'outre-mer l'est également : notre nourriture a changé, nos danses ne sont plus les mêmes, la langue haïtienne commence à être utilisée chez nous. Or nous tenons à préserver notre identité culturelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable puisque ses conclusions sont contraires à celles de la commission des lois.

L'actualité récente suffit malheureusement à démontrer le bien-fondé de la création d'une telle commission d'enquête. Du fait de son large champ d'investigation, celle-ci pourra appréhender le phénomène dans sa globalité et ne pas se limiter, contrairement à ce que certains auraient pu craindre, et à l'inverse de nombreux travaux d'information ou d'enquête, à un seul aspect du problème.

Pour rassurer les auteurs de la motion, j'ajoute que l'objet de la commission d'enquête ne se borne bien évidemment pas à la répression de l'immigration clandestine. Comme cela a été souligné la semaine dernière en commission des lois, cette commission d'enquête devra s'attacher à comprendre les causes profondes de l'immigration irrégulière, notamment en tenant compte des problèmes spécifiques de l'outre-mer que vient de soulever Mme Michaux-Chevry.

Elle devra s'interroger sur les moyens de développer une réelle coopération avec les pays sources de l'immigration en allant bien au-delà de la simple conclusion d'accords de réadmission. Elle devra également traiter du problème des mineurs isolés, qui requiert des réponses adaptées, et de l'aide médicale d'Etat.

Vous le voyez, mes chers collègues, la dimension sociale de l'immigration clandestine ne sera pas négligée.

A ceux qui ne souhaitent pas la création d'une commission d'enquête à dix-huit mois d'échéances nationales, je répondrai que, si l'on devait les suivre, il ne resterait plus qu'à nous abstenir totalement de tout travail législatif durant la période à venir, car toute loi, par définition, aura des répercussions sur les élections nationales.

Faire en sorte que le Sénat crée cette commission d'enquête, dont les conclusions - il suffit de se référer au passé pour le constater - sont attendues par la France tout entière, c'est aussi montrer le rôle essentiel de notre assemblée dans le fonctionnement des institutions de la République et nous permettre de manifester notre soutien à nos amis d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de résolution.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 120
Contre 210

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion de l'article unique.

Question préalable
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine
Art. unique (fin)

Article unique

En application de l'article 11 du règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur l'immigration clandestine.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est regrettable que la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration limite son champ d'investigation à la seule immigration clandestine.

Ces dernières années - triste constat ! -, le sujet de l'immigration a donné lieu à une inflation législative, qui n'a d'ailleurs apporté aucune solution durable à ce problème complexe et sensible.

Ainsi, mes chers collègues, saviez-vous que l'ordonnance de 1945 a été modifiée dix-sept fois ? Pour sa part, la dernière loi relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers, qui date de novembre 2003, a connu plusieurs circulaires, décrets et mesures d'application au cours de la session 2004-2005, dont une vingtaine en 2005.

Malgré ces dispositions, la question de la double peine n'est toujours pas réglée. Il en va de même pour les questions relatives au droit de vote des résidents étrangers, au droit du sol ou à la libre circulation et à l'installation de l'immigration régulière dans l'Union européenne. D'ailleurs, en tant qu'ancienne députée européenne, je tiens à vous signaler que la France est le seul pays à ne pas avoir encore transposé dans son droit national la directive reconnaissant le droit au séjour et au travail pour les migrants extracommunautaires en situation régulière.

Pis, ces questions font l'objet de tentatives régulières de polémiques démagogiques et de manipulations à des fins bassement politiques, dans un concert d'amalgames médiatiques qui ne font qu'alimenter les peurs et agiter les populismes.

Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation pleine de contradictions.

D'un côté, nous assistons à ce qui peut être qualifié de réelle chasse aux étrangers, ce qui entraîne d'ailleurs inévitablement une série de dérives inacceptables.

En violation de la Convention européenne des droits de l'homme, des enfants mineurs sont ainsi séparés de leurs parents qui se font expulser. Quand ce ne sont pas les enfants eux-mêmes que l'on expulse ou tente d'expulser !

Lors d'une récente visite dans un centre de rétention administrative, j'ai pu constater de mes yeux que des vieillards et des enfants y séjournaient dans des conditions indignes de notre République. Certains enfants avaient même été appréhendés par les forces de l'ordre à la sortie de l'école ou au centre de loisirs.

De tels actes sont profondément choquants et font écho à une période sombre de notre histoire, période que nous espérions révolue à jamais ! Je tiens d'ailleurs à saluer ici ces enseignants, ces professeurs et ces simples citoyens qui, parfois au risque d'une condamnation sanctionnant leur solidarité, se mobilisent de toutes leurs forces afin d'empêcher le recours à ces méthodes injustes et inhumaines.

A côté de la multiplication de ces dérives, s'impose l'idée que l'Europe et la France ne peuvent se passer de l'immigration. D'ailleurs, à toutes les époques, elles ne s'en sont jamais privées. De nombreux rapports nous rappellent ce constat simple : tant sur le plan économique que démographique, l'Europe a besoin de l'immigration.

Créer une commission d'enquête exclusivement axée sur l'immigration clandestine représente donc un non-sens politique, sauf si celle-ci nous prépare des mesures iniques et permet ainsi de légitimer l'illégitime. C'est à cela que servira cette commission, n'est-ce pas, mes chers collègues ?

Mais la politique menée aujourd'hui n'est ni plus ni moins qu'une réactualisation d'une politique ancienne, dans la continuité d'une logique répressive et policière. Selon les propositions plus ou moins avouées du Gouvernement, il semble que nous serons bientôt appelés à légiférer à nouveau sur la politique d'immigration, notamment sur les quotas d'immigration, qui sont esthétiquement labellisés par certains « immigration choisie ».

Hier, les immigrés étaient « choisis » par la France pour servir de chair à canon, lorsque la défense de la patrie le nécessitait, puis pour servir de main-d'oeuvre très bon marché, lorsque la reconstruction de la France et le développement de la production industrielle l'imposaient.

Dans le contexte d'une économie globale où les services et les produits de haute technicité permettront à la France de rivaliser de plus en plus avec ses concurrents, ce seront les immigrés les mieux formés et les plus diplômés qui seront arrachés aux pays du Sud. Cela s'appelle le pillage de cerveaux, forme moderne de la colonisation.

Demain, les pays du Sud seront ainsi à nouveau appauvris de leur principale richesse : l'intelligence humaine. A nous les personnes les plus qualifiées, les cerveaux les mieux remplis ! A eux les personnes les plus faibles, les ventres les plus affamés !

Non, les pays du Sud ne doivent pas devenir les self-services de la main-d'oeuvre dont l'Europe a besoin !

Nous ne pouvons pas évoquer l'immigration clandestine sans aborder l'immigration dans sa globalité. Une meilleure gestion de l'immigration nécessite une profonde transformation de notre manière de concevoir l'aide au développement. Plus qu'une aide au développement, c'est une coopération pour un développement durable et humain qui doit être mise en oeuvre.

Au-delà d'un soutien socio-économique, les peuples de ces pays ont avant tout besoin d'un soutien politique afin que soit respectée leur volonté de démocratie et de liberté face à des dictateurs, ces dictateurs que nous, Français et Européens, soutenons trop souvent, trop longtemps. Ben Ali, Omar Bongo, Omar Guelleh et les autres, eux, ne se voient jamais refuser l'entrée sur le territoire français et ne sont jamais reconduits à nos frontières.

Lutter contre l'immigration clandestine, ce n'est pas mener la guerre aux immigrés, c'est mener la guerre aux trafics d'êtres humains, aux réseaux mafieux et aux patrons qui exploitent sans scrupule.

Avoir une politique de l'immigration, ce n'est pas remplir des charters ni construire une Europe-forteresse, dont Ceuta et Melilla seraient les nouveaux remparts et la Méditerranée les nouvelles douves, contre lesquels des hordes de désespérés viendraient mourir en croyant fuir la misère ou la dictature pour un monde meilleur, et en espérant ainsi aider leur famille à survivre !

Enfin, la création de cette commission d'enquête semble obéir à une certaine logique : celle qui vise à stigmatiser les immigrés clandestins et à les rendre responsables de tous nos maux. Je vous concède que c'est bien pratique quand on ne parvient pas à trouver de solutions concrètes aux préoccupations de nos concitoyens.

La création de cette commission permettra également de légitimer un ensemble d'amalgames et de suspicions racistes alimentant les peurs et de justifier les mesures que M. Nicolas Sarkozy et ce gouvernement préparent : je pense notamment à la remise en cause du droit de vivre en famille, du droit du sol et du droit d'asile.

Pour toutes ces raisons, les Verts ne voteront bien évidemment pas la création de cette commission d'enquête.

Pour ma part, je vous suggérerais volontiers la création d'une autre commission d'enquête portant, celle-là, sur l'ouverture des frontières et la liberté de circulation. Ce n'est pas une provocation ; cette commission permettrait, me semble-t-il, d'en finir avec certains mythes. (Exclamations et rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

A ce sujet, je vous recommande vivement le dernier ouvrage de Mme Catherine Vihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS. Une telle lecture vous aiderait, je n'en doute pas, à prendre conscience d'un certain nombre de réalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je ne peux pas laisser passer certains des propos que viennent de tenir Mmes Eliane Assassi et Alima Boumediene-Thiery. Certaines de leurs allusions me semblent en effet absolument outrancières et indignes de cette assemblée.

Vous avez évoqué, chères collègues, la « forteresse-Europe » ; vous avez même employé les termes de « déportation »...

M. Philippe Dallier. ...et de « rafles ».

M. Robert Bret. Encore exact !

M. Philippe Dallier. Par l'emploi de tels termes, vous cherchez manifestement à faire surgir de terribles images qui renvoient à la période la plus noire de l'histoire de notre pays et de l'Europe. Comment pouvez-vous décemment, dans le cadre de ce débat, faire ainsi allusion au nazisme ou le régime de Vichy ?

M. Robert Bret. C'est vous qui l'évoquez !

M. Philippe Dallier. Non, c'est vous qui, par des insinuations scandaleuses, y avez fait référence ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Eliane Assassi. Ne soyez pas accusateur !

M. Philippe Dallier. Comment osez-vous utiliser un tel vocabulaire ?

M. Robert Bret. Si ce que nous disons vous gêne, c'est que cela doit être vrai !

M. Philippe Dallier. Madame Assassi, tout comme vous, je suis sénateur du département de la Seine-Saint-Denis.

Mme Eliane Assassi. C'est vrai. D'ailleurs, je ne vous vois pas souvent sur le terrain !

M. Alain Gournac. Laissez parler M. Dallier !

M. Philippe Dallier. Vous connaissez, chère collègue, les difficultés de ce département. Vous savez qu'il croule sous le poids de l'immigration clandestine.

Mme Eliane Assassi. Pas du tout !

M. Philippe Dallier. Bien sûr que si !

Mme Eliane Assassi. Moi, je ne suis pas dans la même logique que vous !

M. Alain Gournac. Allons, madame Assassi ! Laissez parler M. Dallier !

Mme Eliane Assassi. Alors qu'il cesse de me provoquer !

M. Yves Pozzo di Borgo. C'est vous qui nous provoquez !

Mme Eliane Assassi. C'est faux ! M. Dallier me prête des propos que je n'ai jamais tenus et parle de choses qui n'existent pas !

M. le président. Madame Assassi, ayez l'élégance de laisser parler M. Dallier comme il vous a lui-même laissée parler !

M. Philippe Dallier. Madame, je suis maire d'une commune depuis dix ans et je rencontre chaque semaine des gens en situation irrégulière. J'ai donc eu l'occasion de constater qu'il existe des filières pour faire entrer ces personnes sur le territoire français et pour les héberger.

Mme Eliane Assassi. Bien sûr !

M. Philippe Dallier. Des personnes malintentionnées exploitent ces immigrés clandestins et les font travailler au noir.

M. Yannick Bodin. Et, concrètement, que faites-vous pour y faire face ?

M. Philippe Dallier. Or, alors que la réalité de ces situations est connue de tous, vous ne voulez surtout pas que l'on en discute sous prétexte, dites-vous, que cela alimenterait le populisme !

M. Robert Bret. C'est faux ! Nous voulons nous attaquer à ceux qui exploitent la misère humaine !

M. Philippe Dallier. Depuis vingt ans, personne n'a eu le courage d'aborder lucidement les problèmes d'immigration clandestine. C'est précisément pour cette raison que les idées d'extrême droite ont pu se développer et prospérer dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Il faut donc débattre sereinement de ces questions. C'est pourquoi j'approuve sans réserve la proposition de résolution qui nous est soumise. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. J'ai déjà longuement exposé les raisons de notre opposition à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine ; il me semble donc inutile de rappeler ce qui motive notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il appartiendra à cette nouvelle commission d'enquête de déterminer ses priorités, et ce débat aura, me semble-t-il, permis d'y contribuer.

Pourtant, monsieur le président, il est une priorité sur laquelle j'aimerais insister. En effet, nous avons été fortement sollicités par les élus des départements et collectivités d'outre-mer.

M. Alain Gournac. Des territoires d'outre-mer !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je dis bien : des « collectivités » d'outre-mer ! Il ne vous a certainement pas échappé, mon cher collègue, que la Constitution avait été révisée et que les « territoires d'outre-mer » n'existaient plus. (Sourires.)

La commission d'enquête devra bien évidemment traiter spécifiquement des problèmes dont ces élus d'outre-mer nous ont saisis.

Je profite de cette occasion pour préciser que, contrairement à ce qui est parfois reproché à la commission des lois, celle-ci examine chaque année, lorsqu'elle étudie le projet de budget des collectivités et départements d'outre-mer, les problèmes d'immigration clandestine, ce qui lui permet de constater que celle-ci augmente effectivement dans certaines collectivités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l'article unique.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, mes chers collègues, avant que le Sénat se prononce sur la création de cette nouvelle commission d'enquête, je souhaite formuler un voeu.

Si certaines de nos collègues ont abordé ce débat dans un esprit plutôt polémique, je voudrais, pour ma part, évoquer un constat que j'ai pu faire en tant que maire d'une grande ville : l'accès au logement social est l'un des problèmes les plus difficiles que pose l'immigration clandestine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, il me paraît nécessaire que la commission d'enquête examine aussi avec précision le fonctionnement des commissions d'attribution de logements sociaux dans les grandes villes.

En effet, de nombreux immigrés clandestins font venir leur famille. Or, comme ils sont hébergés dans de très mauvaises conditions, ils finissent par devenir prioritaires pour l'attribution des logements sociaux, au détriment des candidats normaux à cette attribution.

Mme Alima Boumediene-Thiery. C'est faux ! Les immigrés clandestins n'ont pas accès aux logements sociaux !

M. Jean-Claude Peyronnet. Bien sûr que non !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut donc ajouter le problème de l'accès au logement social parmi les conséquences de l'immigration clandestine. Pour le maire de grande ville que je suis - et c'est également le cas dans les villes moyennes -, il s'agit d'un problème de cohabitation et de cohésion sociale essentiel.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. J'aimerais simplement obtenir une petite précision.

En France, sauf erreur de ma part, l'accès à un logement social nécessite la présentation d'un certain nombre de documents. Par conséquent, je ne vois pas à quoi M. Fourcade fait allusion. J'ignore en effet comment un immigré en situation irrégulière pourrait avoir accès à un logement social. En pratique, c'est impossible ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Permettez-moi de vous en fournir une illustration. Après les incendies qui se sont produits récemment, il a fallu procéder à des relogements. Or, vous l'avez constaté, ce sont seulement les personnes en situation régulière - heureusement les plus nombreuses - qui ont, jusqu'à présent, été relogées. Le cas des personnes en situation irrégulière, précisément pour les raisons que je viens d'évoquer, n'est toujours pas réglé à ce jour.

Regardez les textes, monsieur Fourcade ; vous comprendrez que votre interprétation est erronée. (M. Jean-Pierre Fourcade manifeste son incrédulité.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Il y a, me semble-t-il, une grande confusion dans les propos qui sont tenus. Cela nous renforce dans l'idée que l'objet de la commission d'enquête proposée a un objet trop restreint.

Se préoccuper uniquement de l'immigration clandestine n'est pas convenable ; il faut traiter le dossier de l'immigration dans son ensemble, de préférence dans le cadre européen.

M. Jean-Paul Emorine. N'essayez pas de noyer le poisson !

M. Jean-Claude Peyronnet. Pour cette raison, nous nous sentons confortés dans notre opposition à la création de cette commission.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. N'inversons pas les priorités. Il faut traiter ce qui est irrégulier avant d'en venir à ce qui est régulier.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !

Mme Lucette Michaux-Chevry. Par conséquent, nous devons d'abord examiner les conséquences de l'immigration clandestine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et ses causes !

Mme Lucette Michaux-Chevry. Ensuite seulement, nous pourrons évoquer la situation des personnes qui respectent les lois de la République.

M. le président. C'est le bon sens ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Mais oui !

Mme Alima Boumediene-Thiery. C'est plutôt un non-sens !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.)

Art. unique (début)
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine