Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française
Art. 2

Article 1er

Dans le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, les mots : « ou audiovisuelle » sont remplacés par les mots : « audiovisuelle ou par voie électronique ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. 3

Article 2

Après le premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Dès lors qu'ils sont susceptibles de contribuer directement ou indirectement à l'information du consommateur sur la nature des biens, produits ou services proposés, les termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne doivent être accompagnés d'une traduction ou d'une explicitation en français. »

« Toute annonce faite dans un moyen de transport collectif en provenance ou à destination du territoire national, et destinée à l'information des voyageurs, doit comporter une formulation complète en langue française.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a dit M. Yannick Bodin, nous allons bien entendu voter cette proposition de loi.

Mais je souhaite vous faire part de quelques réflexions à l'occasion de l'examen de l'article 2. Celui-ci prévoit en effet que toute inscription en langue étrangère sur une enseigne ou sur la devanture d'un local commercial doit comporter une traduction en langue française de taille équivalente.

Je pose donc une question très concrète : que va-t-il se passer pour les pressings ? Après le vote de cette proposition de loi, faudra-t-il, par exemple, ajouter sur l'enseigne du pressing de la rue de Tournon l'inscription, au même format, « nettoyage à sec » ?

Or, en consultant Le Petit Robert, j'ai constaté, à la page 2062, que le mot « pressing » avait été introduit dans la langue française en 1935 !

M. Philippe Marini. Dans ce cas, il n'y a pas de problème !

M. Jean-Pierre Sueur. De nombreux mots étrangers font partie de la langue française depuis longtemps.

M. Philippe Marini. Ils y sont, ils y restent !

M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi, « shampoing » date de 1877 et « shopping » de 1804. Quant au « pudding », cher aux habitants de Boulogne-sur-Mer, et dont parlait à juste titre M. Ivan Renar, c'est un très vieux mot français puisqu'il date de 1678 !

A partir de ces quelques exemples, je voulais simplement vous faire observer, mes chers collègues, que le débat que nous avons actuellement existe depuis les origines de la langue française.

M. Robert Del Picchia. Personne ne dit le contraire !

M. Jean-Pierre Sueur. Notre langue a été élaborée à partir d'un latin considéré comme vulgaire, car il n'avait pas les qualités du latin authentique.

Puis sont arrivés des quantités de mots - car les mots, comme l'usage de la parole, sont libres ! -, et notre langue a fait de très nombreux emprunts aux langues celte, francique, à l'arabe, etc. Et, à toutes les époques, il s'est trouvé des gens pour dire que c'était très grave et que notre langue était en péril.

Ainsi, comme nous l'apprend Bernard Cerquiglini, auteur de l'Autobiographie de l'accent circonflexe, lorsque l'accent circonflexe, originaire de Hollande, a été introduit dans la langue française, les puristes de l'époque ont crié au scandale, en arguant que cette nouveauté hollandaise allait dénaturer et déformer la langue française.

Puis, trois ou quatre siècles plus tard, ce sont également des puristes qui, alors que certains évoquaient la possibilité de supprimer l'accent circonflexe dans des mots où il figurait par erreur, leur ont opposé que la pureté de la langue française en serait affectée !

Il s'agit donc d'un éternel débat.

Nous devons donc accepter le fait, une fois pour toutes, que les langues sont des êtres vivants et que toutes les langues vivantes s'enrichissent d'apports extérieurs. Notre langue enrichit elle-même, par l'apport de ses mots, de très nombreuses langues dans le monde.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mais oui !

M. Robert Del Picchia. Personne ne dit le contraire !

M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être n'est-il pas inutile de voter ces dispositions.

Ce sera en revanche totalement inutile, comme l'ont dit plusieurs orateurs, si l'on n'y consacre pas les moyens nécessaires. En effet, monsieur le ministre, lorsque l'on visite certains pays étrangers et que l'on voit les sommes qu'ils consacrent aux centres culturels ainsi qu'à la présence culturelle et linguistique, en finançant des laboratoires de langue ou en rénovant les centres culturels, par exemple, on comprend que la vraie question est là. Mais elle réside aussi dans l'image que la France veut donner d'elle-même. Il est vrai que la France a donné une forte image d'elle-même lors de certaines périodes. Réflechissons-y.

Il n'est pas question ici d'ériger des barrières, des frontières, d'instituer un protectionnisme linguistique comme il y a un protectionnisme économique ou des limites à la circulation des personnes. En effet, ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Cela fonctionne parce qu'il y a une volonté forte, parce que la France a quelque chose à dire au monde et parce qu'elle consacre des moyens à la francophonie. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
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Art. 4

Article 3

L'article L. 123-1 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. Dès lors que sont utilisées, dans la formulation d'une dénomination sociale inscrite au registre, des vocables étrangers indiquant la nature de l'activité de l'établissement concerné, ils doivent s'accompagner d'une traduction ou d'une explicitation en français. » - (Adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

L'article L. 210-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les vocables étrangers utilisés le cas échéant dans la formulation d'une dénomination sociale doivent être assortis d'une traduction ou d'une explicitation en français, dès lors qu'ils sont susceptibles de fournir une indication sur la nature de l'activité de la société. » - (Adopté.)

Art. 4
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Art. additionnel après l'art. 5

Article 5

Dans l'article 2-14 du code de procédure pénale, après les mots : « dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » sont insérés les mots « ainsi que toute association visée à l'article L. 421-1 du code de la consommation. » - (Adopté.)

Art. 5
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Art. 6

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 2-14 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire ou des agents mentionnés à l'article 16 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des articles 2, 3, 4, 6 et 7 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 précitée peut résulter des constatations d'agents assermentés désignés par les associations visées à l'alinéa précédent ou par les associations de consommateurs visées à l'article L. 421-1 du code de la consommation. Ces agents sont agréés par le ministre chargé de la culture dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Je rappelle que la loi Toubon avait permis aux associations de défense de la langue française agréées par le ministère de la culture de se porter partie civile pour faire sanctionner certaines des infractions à la loi.

La commission des affaires culturelles nous propose, et c'est une excellente initiative, d'étendre le champ de cette capacité à se porter partie civile.

Toutefois, le dispositif concerné ne peut être toujours efficace car, pour que ces associations se portent partie civile, il est nécessaire que les faits soient établis et que la question des preuves soit réglée.

Or, sauf lorsqu'elles parviennent à obtenir l'intervention rapide des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les associations, pour établir ces preuves, doivent faire appel au dispositif lourd et coûteux des huissiers de justice pour la constatation des infractions.

C'est la raison pour laquelle j'avais souhaité, dans le texte initial de ma proposition de loi, confier à certains membres de ces associations des pouvoirs de constatation des infractions, au terme d'une procédure précise d'assermentation et avec un agrément ministériel, à l'instar de ce qui se fait déjà au profit des agents des sociétés d'auteurs, selon l'article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle. Il ne s'agit que de pouvoirs de constatation, il ne s'agit pas de demander à ces personnes de juger des suites à donner à ces infractions.

Ce dispositif avait été approuvé et appelé de ses voeux par le ministre de la culture, et avait fait l'objet d'une communication lors du conseil des ministres du 17 mars 2005.

Me fondant sur cette approche favorable, j'ai donc préparé le présent amendement, afin de réinsérer cette disposition dans la proposition de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, rapporteur. Avec cet amendement, M Marini reprend une disposition qui était en effet inscrite à l'article 6 de sa proposition de loi et auquel la commission a substitué un autre dispositif, figurant dorénavant à l'article 5 dont nous débattons.

Ces deux dispositions, celle qui a été présentée par M. Marini et celle qui a été proposée par la commission, procèdent d'un commun souci de rendre plus effectif le respect des dispositions de la loi Toubon.

Le dispositif élaboré par M. Marini a pour objet d'autoriser sous certaines conditions les agents assermentés des associations de défense de la langue française et de défense des consommateurs à constater les infractions commises en violation de plusieurs dispositions de la loi Toubon.

En tant que rapporteur de la commission des affaires culturelles, j'avais examiné cette proposition avec sympathie. J'avais relevé que les pouvoirs reconnus à ces acteurs associatifs, pouvoirs qui restent certes exceptionnels en droit français, étaient bien encadrés. En effet, seules certaines associations régulièrement déclarées et agréées avaient la possibilité de désigner ces agents, qui devaient en outre être agréés par l'autorité administrative.

La commission n'a pas suivi le rapporteur sur ce point, car elle n'a pas voulu s'engager dans cette voie, la constatation des infractions à la loi Toubon devant, selon elle, rester le fait d'agents publics.

Pour améliorer le contrôle effectif des dispositions de la loi, la commission a donc choisi d'étendre aux associations régulièrement déclarées et agréées de défense des consommateurs la capacité d'exercer les droits reconnus à la partie civile déjà dévolus aux associations de défense de la langue française.

Ces associations sont au nombre de dix-huit. Elles sont déjà habilitées à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice à l'intérêt collectif des consommateurs. Leur intervention contribuera à renforcer la pression exercée par le secteur associatif en faveur du respect effectif de la loi Toubon.

Par cohérence avec la position qu'elle avait prise lors de l'examen de la proposition de loi, la commission a donc émis un avis défavorable sur le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tous le souci de donner un caractère effectif à l'application de la loi que vous votez.

Il est vrai que j'avais évoqué votre perspective dans la communication du conseil des ministres du 17 mars 2005.

Cette proposition soulève cependant de nombreuses difficultés juridiques.

D'abord, parce que la qualité d'agent public est évidemment requise et que, même s'il y a une procédure de sélection, d'agrément, les personnes assermentées ne deviendraient pas pour autant des agents publics et, dès lors, se pose la question de la capacité de ces personnes à constater des infractions.

Ensuite, vous mesurez parfaitement que, partant d'une possibilité de constat des infractions à la langue française, beaucoup d'autres associations constituées ad hoc pourraient vouloir constater d'autres choses. Nous entrerions alors dans un processus qui nous déborderait totalement.

C'est pourquoi il me semble que le point d'équilibre auquel est parvenue la commission rejoint l'objectif du Gouvernement.

Dans le texte adopté par votre commission, il est choisi d'étendre aux associations régulièrement déclarées et agréées de défense des consommateurs la capacité d'exercer les droits reconnus à la partie civile déjà dévolus aux associations de défense de la langue française.

Il s'agit d'un progrès. Cela permettra de renforcer l'effectivité du contrôle de l'application de la loi, sans pour autant franchir les lignes jaunes de l'incertitude juridique.

Dans ces conditions, la rédaction proposée par la commission des affaires culturelles comporte un équilibre satisfaisant pour le Gouvernement. Les incertitudes juridiques sont levées. Cette disposition permet une mise en oeuvre plus simple. Elle donne au législateur les moyens de répondre à la préoccupation que partage le Gouvernement : une application stricte de la loi.

C'est pourquoi, compte tenu de ces précautions juridiques, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car il approuve la rédaction présentée par la commission.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, contre cet amendement.

M. Ivan Renar. Ce sujet risque malheureusement de rompre cette belle et inhabituelle unanimité. Pour ma part, je souhaiterais que M. Marini retire son amendement. M. le ministre n'est pas allé jusque-là, mais je présume qu'il sera d'accord avec moi.

En effet, si la possibilité, pour les agents assermentés des associations, de procéder au constat de certaines infractions ne relève pas d'une volonté d'instituer une quelconque police linguistique, volonté dont je ne soupçonne pas M. Marini, celui-ci justifie tout de même son amendement par la reconnaissance de la compétence des associations de consommateurs en matière de sanction des infractions à la loi Toubon, dans la mesure ou les prescriptions linguistiques de cette dernière tendaient notamment à garantir le droit des consommateurs à une information compréhensible, ce qui relevait manifestement de leur champ de préoccupation.

En commission, j'ai eu l'occasion d'exprimer mon accord avec l'objectif de cette disposition : améliorer le respect effectif de la loi.

Toutefois, je suis convaincu que cet objectif doit être atteint en stimulant les moyens actuels de contrôle.

En effet, le renfort des associations en question exigera de leur part un effort financier et humain particulier. Or nous savons que le financement du maillage associatif d'utilité publique est une peau de chagrin. D'ailleurs, les associations de consommateurs, comme les associations de défense de la langue, travaillent peu sur ces sujets en raison de la réduction de leurs moyens.

Par ailleurs, en ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il me semble que la meilleure tactique est la pédagogie, plutôt que la répression.

La solution présentée par la commission des affaires culturelles et par son président, M. Valade, me paraît donc être la bonne, et je rejoins sur ce point M. le ministre. La commission propose d'étendre aux associations de consommateurs les compétences actuellement reconnues aux associations de défense de la langue française par l'article 2-14 du code de procédure pénale, afin de leur permettre d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application des articles 2, 3, 4, 6, 7 et 10 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, relative à l'emploi de la langue française.

Cette méthode me semble préférable. Il ne faut pas prendre le risque de donner des pouvoirs de police à des personnes qui, par ailleurs, ne le souhaitent pas du tout. Ne nous dirigeons pas non plus vers la création de ce que l'on appelle, dans d'autres pays, des comités de vigilance.

La position adoptée par la commission est donc une position de sagesse, qui permet de régler le problème pour le moment. Je ne crois d'ailleurs pas qu'il y ait un jour besoin d'aller plus loin dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. J'ai bien entendu les observations qui ont été faites.

Ma préoccupation est que les dispositions de la loi Toubon et les nouvelles mesures insérées dans la proposition de loi ne restent pas lettre morte. C'est un souci d'efficacité. Il y a en effet trop de textes qui ne sont pas appliqués. Dans le domaine de la défense de la langue française, mon propos n'est pas théorique.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Tout à fait.

M. Philippe Marini. L'idée est donc en quelque sorte d'utiliser la citoyenneté au travers des associations, en permettant à celles-ci d'apporter leur concours au respect de la loi.

Je comprends bien cependant que, malgré le précédent des sociétés d'auteurs, cela semble soulever des difficultés et que cette idée n'est peut-être pas tout à fait mûre.

Je souhaiterais demander une précision à M. le ministre. Compte tenu des textes tels qu'ils sont actuellement rédigés, des agents de police municipale, par exemple, pourraient-ils constater la non-conformité d'enseignes ou de devantures ? C'est une question concrète, que je me permets de poser en tant que maire.

Si vous me répondez, monsieur le ministre, que des agents de police municipale seraient susceptibles de constater de telles situations, permettant ainsi notamment aux associations agréées de se porter partie civile sur la base de faits ainsi constatés, je considérerai que votre réponse a un caractère positif et que ce sujet pourrait être réexaminé au cours de la navette.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Effectivement !

M. Philippe Marini. Je comprends que conférer de tels pouvoirs à des personnes privées, même agissant pour le compte d'associations agréées, et quand bien même ces personnes seraient elles-mêmes assermentées, puisse heurter quelques habitudes.

Quant à moi, qui considère qu'il y a un peu trop de fonctionnaires, j'estime qu'il n'est pas mauvais d'utiliser des personnes privées ; cela a le mérite de ne rien coûter au budget de l'Etat, ce qui, d'un certain point de vue, peut être un progrès, mais refermons cette parenthèse : je ne veux provoquer personne.

En ce qui concerne la capacité, pour des agents de police municipale par exemple, de constater la non-conformité à la loi d'une enseigne ou d'une devanture, j'aurais été heureux de disposer de quelques éléments avant de déterminer le sort à réserver à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur le sénateur, vous m'obligez à un exercice difficile puisque, si mon objectif non totalement avoué est en effet de vous amener à considérer comme logique le retrait de votre amendement, il me faut vous répondre avec beaucoup de franchise et de vérité.

Aujourd'hui, ce sont les fonctionnaires de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et ceux de la direction des douanes et droits indirects qui ont la charge de faire appliquer la loi. Au cours de l'année 2004, environ 10 000 contrôles ont eu lieu, ce qui n'est pas un chiffre négligeable. Les instructions de contrôle sont, vous le savez, données par les ministres en fonction de diverses orientations et priorités.

Dans le cadre de la lutte contre le travail illégal par exemple, c'est ce qu'avec mon collègue Gérard Larcher nous avons fait concernant les artistes et les techniciens pour moraliser les relations de travail dans divers secteurs et faire en sorte que certains abus disparaissent.

Vous pouvez donc avoir l'assurance, monsieur Marini, que les fonctionnaires de l'Etat dont c'est la charge se verront assigner pour mission d'exercer une vigilance accrue pour s'assurer, dès lors que les dispositions de cette proposition de loi qui constituera un immense progrès seront entrées en vigueur, de leur mise en oeuvre concrète.

Chacun voit bien le problème qui se pose avec les termes d'usage courant, par exemple « pressing », cité tout à l'heure. Quand un mot est français, il est français...

M. Jean-Pierre Sueur. Qui décide qu'il l'est ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Sueur, ne nous faites pas passer pour des ringards ! Nous ne le sommes pas, et le problème est bien plus important. L'objectif n'est pas l'intégrisme, il est de faire en sorte que chaque Française et chaque Français puisse, dans notre pays, comprendre dans sa langue, même si elle change et que les consonances évoluent, un certain nombre de valeurs, de concepts et de renseignements.

S'agissant des vitrines et enseignes, lorsque la loi sera votée, elle devra être appliquée et des agents publics auront pour priorité et pour charge de vérifier qu'elle l'est : les instructions nécessaires seront données par les ministres concernés.

M. le président. Monsieur Marini, acceptez-vous dans ces conditions de retirer l'amendement n° 1 ?

M. Philippe Marini. Je m'achemine vers un retrait, mais je voudrais tout de même rappeler que l'on ne peut pas tout attendre de l'Etat : les élus connaissent les rues de leur ville ! S'il faut attendre qu'une hiérarchie centrale, pyramidale, ministérielle donne les instructions nécessaires...

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il y a des services départementaux, monsieur le sénateur !

M. Philippe Marini. Pour ma part, je souhaiterais que les élus soient des éléments moteurs et que les citoyens puissent actionner leurs élus, éventuellement pour leur demander des comptes sur l'application ou la non-application de la loi, car c'est bien d'une exigence citoyenne qu'il s'agit.

Ne voulant pas trop prolonger le débat et attendant avec impatience le rapport de mon ami Roland du Luart sur la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire, je retire, à ce stade, mon amendement, mais je compte, monsieur le ministre, qu'au cours de la navette nous cherchions des solutions pour mieux associer les élus locaux et moins attendre tout de l'Etat et de ses administrations.

M. Roland du Luart. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest. Je m'apprêtais à intervenir si cet amendement était maintenu, car c'est une monstruosité juridique !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Legendre, rapporteur. Je partage la préoccupation de M. Marini quant à l'application des textes et je rappelle, mes chers collègues, que nous avons tenu en commission à renforcer la vérification de leur application par les organismes publics en prévoyant à l'article 9 que « les différentes administrations concernées par les dispositions de la présente loi sont tenues d'y apporter leur contribution » et que le rapport qui doit vous être présenté « trace notamment un bilan des procès-verbaux constatant les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de la présente loi. Il précise la nature et l'issue des suites judiciaires qui leur sont réservées, particulièrement dans le cas où les associations visées à l'article 2-14 du code de procédure pénale ont exercé les droits reconnus à la partie civile ».

Autrement dit, alors que jusqu'à présent seules les associations de défense de la langue pouvaient ester en justice, désormais les associations de consommateurs pourront aussi le faire.

En outre, le ministère de la justice aura l'obligation de produire des chiffres qui permettront de savoir si les procureurs ont classé ou poursuivi, et cela chaque année, de manière que nous disposions d'un indicateur pour juger de l'application de la loi et du respect de la volonté du législateur.

Nous n'en sommes pas encore à l'article 9, mais, si j'ai tenu à faire ce rappel à ce moment du débat, c'est précisément pour que la volonté du législateur soit clairement entendue.

M. Philippe Marini. Très bien !

Art. additionnel après l'art. 5
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Art. 7

Article 6

Le dernier alinéa de l'article L. 122-39-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne sont applicables, ni aux documents destinés à des étrangers, ni aux documents reçus de l'étranger destinés à des salariés dont l'emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue étrangère utilisée. »

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Mon vote sera positif, mais je suis assez dubitatif sur l'avenir de ce nouvel article du code du travail si, dans les entreprises, on met autant de zèle à l'appliquer que l'on en met, par exemple, à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes et à établir chaque année, dans chaque entreprise, les rapports censés faire apparaître l'évolution en termes de salaires, de conditions de travail, etc. Inutile de rappeler ici les statistiques relatives au nombre d'entreprises qui respectent le code du travail : parce que nous y croyons tous, nous allons voter cet article, mais c'est vraiment un acte de foi !

M. Roland du Luart. Ça sauve !

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

I.- Après l'article L. 432-3-2 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 432-3-3 - Dans les entreprises dont l'effectif est supérieur à cinq cents salariés, le chef d'entreprise soumet pour avis au comité d'entreprise un rapport écrit sur l'utilisation de la langue française dans l'entreprise.

Ce rapport trace le bilan de la façon dont l'entreprise s'acquitte des obligations formulées dans la loi n°  94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à cinq cents salariés, la présentation de ce rapport répond à une demande du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

II.- L'article L. 439-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations définies à l'article L. 432-3-3 s'imposent au comité de groupe. »  - (Adopté.)

Art. 7
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Art. 9 (début)

Article 8

I.- L'article L. 434-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordre du jour ainsi que le procès-verbal dans lequel sont consignées les délibérations du comité doivent être rédigés en français. »

II.- Après le quatrième alinéa de l'article L. 439-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'ordre du jour ainsi que le procès-verbal dans lequel sont consignées les délibérations du comité doivent être rédigés en français.  - (Adopté.)

Art. 8
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Art. 9 (fin)

Article 9

L'article 22 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les différentes administrations concernées par les dispositions de la présente loi sont tenues d'y apporter leur contribution.

Ce rapport trace notamment un bilan des procès verbaux constatant les infractions aux dispositions des textes pris pour l'application de la présente loi. Il précise la nature et l'issue des suites judiciaires qui leur sont réservées, particulièrement dans le cas où les associations visées à l'article 2-14 du code de procédure pénale ont exercé les droits reconnus à la partie civile.

« Ce rapport peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. »  - (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 59.

(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité. -Applaudissements.)

Art. 9 (début)
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