PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un lieu commun de dire que ce débat sur les OGM est pour le moins passionné. En effet, certaines déclarations qui sont parfois opposées, voire irrationnelles...

M. Jean Bizet, rapporteur. Eh oui !

M. François Fortassin. ... sont aussi, le plus souvent, peu convaincantes si l'on songe qu'elles émanent de ceux-là mêmes qui devraient précisément défendre les OGM.

M. Jean Bizet, rapporteur. Homme de peu de foi !

M. François Fortassin. Monsieur le rapporteur, en matière de foi, vous êtes sans doute mieux placé que moi, et je ne vous contredirai pas sur ce point ! (Sourires.)

Cela étant dit, je voudrais rappeler que, selon les sondages, quelque 70 % de la population, si elle ne manifeste pas une réelle hostilité par rapport aux OGM, ne fait pas non plus montre d'un grand enthousiasme en la matière.

C'est la raison pour laquelle j'invite le Gouvernement à faire preuve d'un peu plus de prudence, faute de quoi l'on risque d'assister à des manifestations ailleurs qu'autour de la Sorbonne ! Mais après tout, cela relève de sa responsabilité.

M. Jean-Louis Carrère. Du CPE aux OGM...

M. François Fortassin. En réalité, la situation est la suivante.

D'une part, les industriels philanthropes...

M. Gérard Le Cam. Ils sont rares !

M. François Fortassin. ... estiment pouvoir régler le problème de la faim dans le monde, alors que, chacun le sait, le moteur essentiel est le profit.

M. Gérard Le Cam. C'est exact !

M. François Fortassin. D'autre part, des associations, ou certains responsables associatifs visionnaires veulent, comme c'est leur droit, sauver l'humanité et la planète, mais ne nous ont jusqu'à présent toujours pas expliqué comment nous allions pouvoir nourrir 8 milliards d'habitants sur cette même planète en 2050 !

Il y a donc là une confrontation délicate, et notre rôle, quelle que soit notre sensibilité politique, consiste, me semble-t-il, à essayer de convaincre l'opinion publique que, si certaines nécessités sont incontournables, il faut également adopter une attitude prudente.

N'oublions tout de même pas que la Haute Assemblée a adopté le principe de précaution - personnellement, je ne me suis pas associé à ce vote - ainsi que la Charte de l'environnement.

Or, s'il est évident que l'on ne saurait passer de tels textes par pertes et profits, il est non moins évident que la banalisation des OGM peut se révéler dangereuse.

Quant au refus systématique des OGM, il traduit en quelque sorte une ignorance du potentiel d'innovations technologiques, et, disant cela, je me fonde non pas sur un principe scientifique mais simplement sur une réflexion de bon sens à laquelle chacun de nos compatriotes peut se livrer.

Où sont les vrais problèmes ? Ceux-ci ont été soulignés par mon ami Jean-Marc Pastor.

Le premier concerne les moyens insuffisants alloués à la recherche publique, qui, seule peut constituer pour nos concitoyens une garantie de transparence. (MM. Charles Gautier et Jean-Marc Pastor applaudissent.)

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. François Fortassin. En effet, la recherche privée, quels que soient ses mérites, ne consentira jamais à énoncer un certain nombre de vérités, et ce au nom des règles de la concurrence.

M. Gérard Le Cam. C'est vrai !

M. François Fortassin. Ainsi, l'on sait très bien que les industriels - et, à la limite, nous pouvons les comprendre - ne souhaitent pas divulguer un certain nombre d'éléments qu'ils considèrent comme secrets. Or cela pose, à l'évidence, un vrai problème.

C'est la raison pour laquelle nous devons lutter avec toute l'énergie nécessaire pour convaincre nos compatriotes, car c'est bien de cela qu'il s'agit.

De ce point de vue, entre ces deux principes que sont, d'une part, la banalisation des OGM et, d'autre part, la méfiance extrême envers ces derniers, il existe à mon avis une troisième voie, à savoir précisément celle de la transparence complète du principe d'évaluation des risques, ce qui passe, bien entendu, par une information claire et totale de nos concitoyens.

Or que se passe-t-il aujourd'hui ? Je prendrai quelques exemples.

Les éleveurs de canards gras gavent leurs volailles avec du maïs, selon une méthode au demeurant tout à fait appropriée. Mais scientifiques et industriels expliquent que, si on laissait filtrer l'information selon laquelle il s'agit de maïs OGM, qui, par ailleurs, possède des qualités supérieures sur le plan nutritionnel, les éleveurs en question ne pourraient alors plus vendre leur foie gras !

C'est bien la preuve que la confiance est inexistante, et ce n'est pas le vote d'une loi qui va remédier à une telle situation !

M. Jean-Louis Carrère. On l'a vu avec le CPE !

M. François Fortassin. Cette confiance ne pourra découler que du principe de transparence totale dont j'ai parlé et qui, aujourd'hui, ne revêt aucunement le caractère de nécessité absolue. C'est bien pourquoi il nous faut convaincre l'opinion publique du bien-fondé de notre position.

M. Jean-Louis Carrère. C'est M. Sarkozy qu'il faut convaincre!

M. François Fortassin. Par ailleurs, il convient que le libre choix de nos concitoyens soit préservé. Or, à mes yeux, ce projet de loi ne contient pas grand-chose à ce sujet.

Par conséquent, des garanties doivent protéger les filières OGM comme elles entourent les filières non OGM. Là encore, le débat des scientifiques n'est pas tranché.

Personnellement, je veux bien croire qu'il n'existe pas de prolifération...

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, mon cher collègue.

M. François Fortassin. Oui, monsieur le président.

Le dernier point de mon intervention portera sur l'opposition vigoureuse à la technologie dire « Terminator ». Comment expliquer que l'on permette à des sociétés de vendre des semences qui produisent des graines stériles ? Après tout, l'agriculteur des hauts plateaux d'Afghanistan ou du Maroc a parfaitement le droit, s'il le souhaite, de conserver ses semences.

M. Jean Bizet, rapporteur. Mais le problème est le même pour les hybrides !

M. François Fortassin. Par conséquent, monsieur le ministre, en l'état actuel du texte, n'étant pas rassuré, je ne voterai pas ce projet de loi ; mais peut-être parviendrez-vous à me rassurer ?

Pour conclure,...

M. le président. Oui, cher collègue, il faut vraiment conclure !

M. François Fortassin. ...j'évoquerai les inquiétudes exprimées par un ancien ministre, Mme Corinne Lepage, selon laquelle ce projet de loi, qui organise le secret industriel, n'est pas satisfaisant. Il en va de même, me semble-t-il, des dispositions relatives à la participation et à l'information du public.

Monsieur le président, j'en ai terminé, et je vous demande de bien vouloir m'excuser d'avoir été si long. J'ai cru pouvoir prendre cette liberté dès lors que mes collègues suivaient mon intervention d'un oeil amusé et attentif ! (Sourires.  - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -M. Bernard Barraux applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec ce projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, la Haute Assemblée se trouve saisie d'un sujet ô combien sensible, qui, par voie de conséquence, fait l'objet des appréciations les plus antagonistes.

Sans même attendre les analyses confirmant ou infirmant l'idée que les organismes génétiquement modifiés constitueraient une menace pour notre santé publique, notre environnement ou encore nos modes de production agricole actuels, il revient au législateur de fixer le cadre d'utilisation des OGM.

Pour autant, dès lors que ce texte vise à transposer des directives européennes, le Parlement ne dispose que de peu de marges de manoeuvre. Ainsi devrons-nous concilier notre légitime volonté de légiférer avec la nécessité de nous conformer à un cadre supranational, lui-même contraint par l'état actuel des connaissances scientifiques et par l'harmonisation des pratiques à l'échelle internationale.

Fort heureusement, quelques espaces de liberté subsistent, au premier rang desquels figure l'indispensable information du public. À l'heure où des crises, comme celles qui sont suscitées par l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, ou la grippe aviaire, révèlent la demande croissante des consommateurs en matière de traçabilité, il est indispensable que les gouvernants s'attachent à ériger en dogme la transparence sanitaire. Ce texte, qui renvoie dos à dos le progrès scientifique et la peur de l'inconnu, ne doit pas faire exception à la règle.

Ce projet de loi doit donc permettre le libre choix dans l'exercice des pratiques culturales, mais, surtout, éviter que quelque rétention d'informations n'aboutisse à altérer les conditions d'exploitation en agriculture « conventionnelle » ou « biologique », en raison de l'intrusion d'OGM dans un même produit au-delà du seuil fatidique de 0,9 %.

À mes yeux, ce texte ne doit donc ni constituer un blanc-seing pour quelques apprentis sorciers ni annihiler les efforts entrepris par la recherche industrielle afin d'améliorer notre quotidien.

C'est cette approche pragmatique, équilibrée et responsable qui incite aujourd'hui les parlementaires du groupe Union centriste-UDF à proposer un certain nombre d'amendements. Soucieux de concourir à la parfaite information des Français, qui assistent à des conflits stériles entre les tenants du « 0 % OGM » et les fervents d'une libéralisation aveugle, nous proposerons, par exemple, de conférer au conseil des biotechnologies la mission de vulgariser des données scientifiques relatives aux OGM.

Pour mener à bien cette tâche, il importe que toutes les informations scientifiques détenues par la filière OGM soient transmises au conseil des biotechnologies, dans la limite fixée, bien évidemment, par les dispositions relatives au secret industriel ou commercial. Grâce à des communications périodiques ainsi qu'à la publication d'un rapport d'activité, que nous vous proposons de mettre à la disposition du plus grand nombre, après sa transmission au Parlement, nous souhaitons fournir des éléments objectifs d'appréciation aux consommateurs et aux agriculteurs.

Nous souhaitons les fournir aux consommateurs, tout d'abord, afin que ceux-ci puissent librement choisir entre les produits issus de l'agriculture conventionnelle, ceux qui sont élaborés dans un cadre « bio » et ceux qui relèvent de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés.

Nous souhaitons les fournir aux agriculteurs, ensuite, pour que ces derniers soient en mesure d'expérimenter, en toute quiétude, le recours aux OGM, ou de s'assurer que leur récolte conventionnelle ou biologique n'est pas altérée par un niveau anormalement élevé d'OGM.

Aujourd'hui, nous avons l'occasion à la fois de respecter nos engagements communautaires, de doter les organismes génétiquement modifiés d'un cadre juridique rénové, de montrer notre confiance dans la recherche, de responsabiliser les acteurs concernés, d'introduire une once de sérénité dans les relations entre des agriculteurs aux pratiques culturales différentes, enfin de répondre au souci d'information de l'opinion publique.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit en nous présentant tout à l'heure votre projet de loi que « tout doit être public, tout doit être transparent, tout doit faire débat ». Nous partageons cette volonté.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'espère que le débat que nous entamons aujourd'hui nous permettra de parvenir à cet équilibre tant recherché entre le progrès scientifique et la sécurité sanitaire et environnementale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une proposition et un projet de loi relatifs aux certificats d'obtention végétale, ainsi qu'un projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, nous examinons aujourd'hui un projet de loi portant sur une technologie nouvelle, la transgénèse.

Je regrette que l'intitulé de ce texte, qui vise à transposer deux directives communautaires, comporte l'appellation générique « OGM », alors qu'aucune définition exacte de ce terme n'est donnée, celle-ci étant renvoyée à un décret, comme le précise l'exposé des motifs.

La transgénèse, comme toute technologie, qu'elle soit nouvelle ou non, et comme tout outil, peut être la meilleure ou la pire des choses. Si nous ne voulons pas diaboliser cette avancée scientifique en rangeant sous un même vocable toutes ses applications possibles, nous devons accomplir un effort important de pédagogie.

Souvenons-nous du sort qu'a connu, dans l'esprit du public, le mot « atomique », entaché du péché originel que fut l'utilisation de la bombe à Hiroshima : l'atomique et le nucléaire, la fission et la fusion, entre autres, sont désormais confondus.

La même confusion des esprits nous guette en ce qui concerne la transgénèse. Nous le voyons bien dans les réactions de nos concitoyens, à travers les sondages, et même dans les discussions au sein de la commission des affaires économiques.

Personne ne met en avant les progrès sanitaires constitués pour des vaccins dont certains sont des OGM ! C'est le cas pourtant, pour n'en citer que deux, du vaccin contre le virus H5N1, inoculé aujourd'hui dans les élevages avicoles,...

M. François Goulard, ministre délégué. Absolument !

M. Daniel Raoul. ... ainsi que du vaccin contre la rage, qui a permis d'arrêter la progression de cette maladie vers le centre de la France. Dans les deux cas, il s'agit d'OGM, et néanmoins personne ne réagit.

Il existe donc bien une confusion dans l'esprit des gens à propos de l'expression « OGM ». Au-delà de la pédagogie, nous devons aussi développer l'information et la transparence autour de l'utilisation de cette technologie. Faute de quoi, nous recommencerons les erreurs commises au sujet du développement et, surtout, de l'exploitation du nucléaire ; je ne citerai ici aucun des noms de ceux qui sont responsables de ces erreurs, car vous les avez tous en mémoire.

Nous approuvons la création d'un conseil des biotechnologies doté de deux sections, l'une scientifique et l'autre socio-économique, mais nous ferons des propositions afin que soient définis leurs rôles respectifs et l'ordre dans lequel elles devront donner leur avis, qui devra être rendu public. Ce conseil représente un progrès par rapport aux commissions qui existaient précédemment et qui connaissaient un certain mélange des genres.

Nous proposerons également, pour les sites expérimentaux en plein champ, la création de commissions locales d'information et de suivi. Celles-ci, qu'a déjà évoquées mon collègue Jean-Marc Pastor, devront être constituées et saisies de tout projet associant non seulement les élus et les associations, mais aussi et surtout les exploitants riverains.

En effet, toute expérience dans ce domaine ne se justifie que par l'évaluation tant du risque sanitaire ou environnemental que de l'avantage économique et social qu'elle peut comporter. Il est donc nécessaire que les exploitants riverains soient informés de la nature de l'expérimentation et sachent en particulier quel sera le couple « gène-plante » étudié et quelles prescriptions seront assorties à l'autorisation.

Toutefois, cette évaluation ne peut se faire sans une expertise indépendante, ni être laissée à l'initiative des obtenteurs. Il importe donc de rendre à notre recherche publique les moyens d'assurer ses missions. Lors de nos auditions en commission, nous avons constaté la démobilisation, pour ne pas dire la désespérance, des chercheurs dans ce domaine.

Monsieur le ministre, votre présence dans cet hémicycle, en tant que ministre chargé de la recherche, afin de présenter ce projet de loi, constitue un symbole fort. J'espère que vous entendrez l'appel à renforcer les moyens alloués à nos établissements publics de recherche, particulièrement ceux de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. En effet, lors de nos auditions, il nous a été dit que seuls quelques individus travaillaient encore dans ce secteur de recherche, et qu'ils n'avaient en tout cas pas de programme de recherche concernant les OGM.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué les applications envisageables, avec une pureté inégalable, dans la synthèse des médicaments, notamment l'interféron, l'interleukin, l'hémoglobine et la lipase gastrique, et je ne puis que vous conforter dans cette analyse.

Mais alors, pourquoi ne pas accepter l'information et la transparence, qui favoriseraient l'acceptation sociétale des OGM, en instituant une commission locale d'information et de suivi, également nécessaire pour permettre la coexistence des différentes formes de culture ?

Si les exploitants riverains ne connaissent pas les prescriptions, ni la nature du couple « gène-plante », ces expérimentations ne pourront continuer, car les OGM se dissémineront nécessairement, tout simplement en raison de mauvaises pratiques dans les champs. En refusant d'accorder l'accès à l'information et d'établir la transparence en ce domaine, nous bloquerons les avancées thérapeutiques, ou du moins, me semble-t-il, nous en courrons le risque.

Pourquoi aussi parler de « dissémination volontaire », au lieu d'« ensemencement volontaire », et d'« organismes génétiquement modifiés » plutôt que de « plantes génétiquement modifiées » ? Parmi ces dernières, il aurait sans doute d'ailleurs fallu distinguer celles dont la vocation est agro-alimentaire et celles qui reçoivent une autre destination, qu'elles deviennent des médicaments ou des biocarburants.

Je ne veux pas croire qu'il s'agisse là simplement d'un problème de traduction de la directive communautaire, qui introduirait une confusion entre les termes « dissipation » et « ensemencement ».

La discussion qui a eu lieu ce matin en commission au sujet des périmètres des AOC est tout à fait révélatrice et ne fait que confirmer notre ardent souhait d'information et de transparence. À cet égard, j'évoquerai l'amendement de notre collègue René Beaumont, à travers lequel se révèle toute l'inquiétude des exploitants riverains. Il nous faut réfléchir plus avant au périmètre des AOC.

Nous devons, à travers cette transposition, assurer l'information et la transparence, grâce à une expertise indépendante qui porterait, je le répète, à la fois sur l'évaluation du risque de dissémination des OGM dans l'environnement et sur les avantages économiques de tel ou tel couple « gène-plante ». En effet, j'imagine que ceux-ci existent, et je ne pense pas seulement ici aux médicaments, mais aussi aux biocarburants et à d'autres applications.

Monsieur le ministre, qu'avez-vous à craindre de la transparence, surtout si vous êtes intimement persuadé de l'innocuité des expériences menées en externe ? En la rejetant, vous prenez à coup sûr le risque de conforter ceux qui, pour différentes raisons, qu'elles soient idéologiques, politiques ou autres, refusent les progrès que pourrait apporter cette technologie.

Tant que cette condition de transparence ne sera pas remplie, nous ne pourrons admettre le passage à la culture en plein champ, qui risque de mettre à mal la biodiversité et, en tout cas, la coexistence des différentes formes de cultures.

Enfin, nous ne pouvons accepter que seuls les exploitants aient l'obligation de cotiser et de s'assurer contre les risques éventuels. À titre de comparaison, je prendrai l'exemple du secteur automobile, dans lequel plusieurs types de responsabilités sont prévus : la responsabilité du conducteur, pour la faute de conduite ou le non-respect du code de la route ; celle du constructeur, pour les vices cachés ; celle du service des mines, pour l'autorisation de mise sur le marché.

Il conviendrait donc de faire de même en ce qui concerne les PGM. Nous pourrions prévoir de sanctionner la faute de l'exploitant, pour le non-respect des bonnes pratiques, celle de l'obtenteur, pour le défaut de la semence, et celle de l'autorité administrative, pour l'autorisation de mise en culture. D'ailleurs, pourquoi prévoir un fonds d'indemnisation, abondé à hauteur de cent euros l'hectare, si le risque est considéré comme quasiment nul ?

Au reste, nous le savons, le risque zéro n'existe pas. Il faut donc constituer une grille de lecture présentant les avantages, les inconvénients et les risques, avant de songer à passer à la troisième phase qu'évoquait notre collègue Pastor. Cela pourra être obtenu après une expertise réalisée par une structure indépendante, qui ne peut être qu'un établissement public, sans doute l'INRA ou une structure équivalente.

En outre, comment définir un produit assuranciel tant que les expérimentations n'auront pas évalué les avantages et les risques pour chaque couple « gène-plante » ?

Pour toutes ces raisons, puisque les conditions ne sont pas actuellement réunies pour nous permettre de passer à la troisième phase, nous ne pourrons accepter les dispositions prévues par ce texte pour assurer la culture en plein champ et la mise sur le marché des OGM. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque vous effectuez une recherche sur Internet à propos des organismes génétiquement modifiés, vous obtenez deux catégories de sites : ceux qui vous les présentent comme l'avenir d'un nouveau monde radieux et ceux qui vous mettent en garde contre les horreurs qu'ils recèlent. Entre ces deux approches, il n'y a rien !

Les organismes génétiquement modifiés sont devenus un symbole, symbole d'une époque qui fait peur, où chaque pas semble nous entraîner vers l'inconnu. Pour nombre de nos concitoyens, les OGM évoquent surtout la fable de l'apprenti sorcier. Pouvons-nous vraiment les blâmer quand nous lisons, ici et là, des histoires à propos de fruits qui ne pourrissent jamais ou qui ne gèlent plus, ou encore de saumons génétiquement modifiés pour être plus gros et moins manger ?

Dans un tel climat, les fantasmes prennent le pas sur l'information, chaque camp soupçonnant l'autre des plus noirs desseins. Dépassionner le débat est donc le préalable nécessaire à toute réflexion sereine.

Pour illustrer le phénomène des OGM, je citerai quelques chiffres significatifs.

La surface mondiale des cultures de plantes transgéniques a couvert 90 millions d'hectares en 2005. Depuis 1996, elle a augmenté de 11 % par an en moyenne. Entre 2003 et 2004, sa croissance fut de 20 %. Les six principaux producteurs de plantes transgéniques, tous non européens, cultivent 94,8 % de la surface consacrée aux plantes génétiquement modifiées. En 2005, le nombre des pays cultivateurs de plantes génétiquement modifiées a progressé de quatre unités, pour passer à vingt et un. Parmi ces nouveaux entrants, la France et le Portugal ont repris la culture du maïs Bt en 2005, après respectivement quatre et cinq ans d'arrêt, ce qui porte à cinq le nombre des pays de l'Union européenne commercialisant ce type de maïs.

Ces chiffres le prouvent : les OGM et les PGM font maintenant partie de notre quotidien.

Une telle expansion rend caduc le débat manichéen opposant les défenseurs et les adversaires des OGM. Désormais, la question se pose en termes de maîtrise : maîtrise savante par la connaissance scientifique, maîtrise citoyenne par le contrôle des finalités recherchées.

Avec le projet de texte qui nous est soumis, le Gouvernement s'inscrit bien dans cette voie puisqu'il conforte la recherche et accroît l'information du citoyen. Il promeut le dialogue entre ces deux mondes, en réunissant, dans une instance unique, une section scientifique et une section sociale et économique. Il serait d'ailleurs intéressant de préciser comment celles-ci s'articulent, même si je présume que la section scientifique sera garante de la sécurité et que la section économique et sociale pourra, quant à elle, orienter sa réflexion vers la finalité des produits présentés, sans se limiter à leurs seules conséquences économiques.

Sur le fond, je ne doute pas que l'on se soit posé la question somme toute essentielle : les OGM, pour quoi faire ? En effet, quelle est leur véritable finalité : abaisser les coûts de revient, développer des produits commerciaux, améliorer la vie des hommes ?

« En doutant, on atteint la vérité », écrivait Cicéron. Il n'est donc pas interdit de douter du bien-fondé des OGM. Ceux-ci n'ont en effet de sens que s'ils représentent une avancée pour les hommes, laquelle, pour l'instant, n'est pas totalement démontrée.

Le Gouvernement, lui-même, n'est pas exempt d'un certain doute, comme en témoigne sa volonté de créer un fonds d'indemnisation pour les exploitants de cultures non génétiquement modifiées. Il laisse ainsi entendre que les OGM pourraient constituer un préjudice donnant lieu à indemnisation. Le caractère limité dans le temps de ce fonds n'a-t-il pour justification que de rassurer et d'en montrer, finalement, l'inutilité ? N'entraînera-t-il pas des expertises complexes, ainsi que des difficultés supplémentaires, pour les agriculteurs comme pour les consommateurs ? Par exemple, que deviendront nos AOC dans ce monde « OGMisé » ? N'oublions pas que la loi de 1990 a été votée à l'unanimité et que ses dispositions ont été reprises par l'Europe. Dans ces conditions, comment protégerons-nous les AOC ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous exposer mes doutes, que je crois partagés par le public, me conduit à évoquer le délicat sujet de la transparence et de la circulation de l'information concernant les OGM et les biotechnologies.

Dans son projet de loi, le Gouvernement, à juste titre, pose clairement les règles d'information du public. Un effort immense d'explication est en effet nécessaire à l'égard des citoyens consommateurs. Cet effort incombe aux pouvoirs publics, mais aussi aux professionnels des différentes filières des biotechnologies. Je conçois qu'il soit très difficile pour les néophytes d'appréhender des sujets aussi techniques et complexes que « l'incidence du gène Bt sur la contamination du maïs par les mycotoxines ». Pourtant, il faut nous attacher à expliquer, clairement et honnêtement, les bénéfices et les risques des OGM.

Aussi les pouvoirs publics devraient-ils prendre l'initiative de publier des documents d'information et d'explication. À mes yeux, il s'agit d'un complément nécessaire à l'étiquetage, qui, lui aussi, doit être clair.

J'ai conscience que le principe de transparence en matière d'OGM est une arme à double tranchant, car il est régulièrement utilisé à des fins malveillantes par les destructeurs d'essais en plein champ. Or, seuls ces essais permettent d'appréhender les effets des OGM sur l'environnement.

M. Ambroise Dupont. Les questions demeurent encore nombreuses et justifient donc la circonspection. L'exemple du maïs Bt en est une bonne illustration : il s'agit d'une plante modifiée pour résister aux insectes ravageurs tels que la pyrale ; ses propriétés de résistance sont bien supérieures à celles qui sont apportées par la lutte biologique ou chimique. Selon le rapport de l'AFSSA publié en 2004, le maïs résistant aux insectes permet de diminuer considérablement la quantité de traitements insecticides.

À première vue, cela pourrait constituer une réponse aux pollutions de l'environnement que causent tous les produits phytosanitaires. Mais cette apparente solution soulève à son tour de nouvelles questions. C'est en effet désormais la plante qui produit son propre insecticide de manière continue. Finalement, le remède ne sera-t-il pas pire que le mal ? Par essence, une telle plante n'est-elle pas par essence toxique ? Quels en seront les effets à long terme sur le corps humain ?

De telles questions restent sans réponse, car nous n'avons pas le recul nécessaire pour pouvoir présenter des travaux concluants. À l'heure actuelle, les tests sur la toxicité de ces plantes restent insuffisants et leur diffusion encore très confidentielle.

D'une manière générale, le silence génère la peur. Informer, c'est restaurer la confiance ; associer à la prise de décision, c'est responsabiliser. Il me semble donc essentiel, malgré les risques, d'exiger une transparence totale sans, bien entendu, porter atteinte au secret industriel.

Répondre aux questions, informer, assurer la transparence, tout cela suppose nécessairement un développement vigoureux de la recherche scientifique, qui est le préalable à toute maîtrise en la matière. Cependant, si la recherche fondamentale est nécessaire pour ouvrir la voie de la connaissance et de l'innovation, la recherche appliquée, organisée et maîtrisée, avec des buts définis, l'est tout autant.

Il faut donc s'orienter vers un approfondissement des connaissances sur les OGM, pour pouvoir disposer d'une évaluation exhaustive de leurs avantages, de leurs inconvénients et des critères objectifs pour décider de leur utilisation. En effet, nous ne pouvons nous en remettre uniquement aux lois du marché pour juger de la pertinence des innovations et des suites à leur donner.

Monsieur le ministre, le projet de loi de programme pour la recherche, adopté par le Sénat le 21 décembre 2005, a prévu les conditions de la mise en oeuvre d'une politique de recherche offensive et ambitieuse. Une réflexion particulière devrait être consacrée aux biotechnologies. À cet égard, je fais mienne l'idée d'un « Grenelle des biotechnologies » qui a été lancée.

Pour que la France devienne un acteur majeur des biotechnologies, il faut faire preuve d'une volonté stratégique forte.

Notre pays fut parmi les pionniers en la matière. Il fut notamment le premier à mettre en place, dès avant 1990, des mesures d'évaluation des risques liés aux OGM. Mais le climat conflictuel et le simplisme binaire du « pour ou contre » ont fini par provoquer un certain désintérêt. Ainsi, le nombre d'essais baisse, les chercheurs ne sont plus motivés, faute de perspectives de carrière, et les soutiens nationaux faiblissent.

Malgré tout, l'exemple de la Belgique montre que la tendance peut être inversée : érigeant les biotechnologies en priorité, ce pays a battu le rappel de ses chercheurs exilés à l'étranger, en leur offrant des salaires et des équipements équivalents.

Du reste, faute de relancer les investissements dans les biotechnologies, la France en perdra la maîtrise et se condamnera à la dépendance.

M. François Goulard, ministre délégué. C'est vrai !

M. Ambroise Dupont. Étant donné que les États-Unis investissent déjà trois fois plus que l'Europe des Quinze en ce domaine, nous pouvons mesurer l'ampleur de l'effort qui est nécessaire.

En 2000, l'Europe a affiché des ambitions élevées dans la stratégie de Lisbonne. Essayons donc de faire de la France un moteur dans le développement de la connaissance, qui est la condition indispensable tant au progrès économique qu'à la protection de la santé publique et de l'environnement ! Déjà principale promotrice d'une agriculture européenne efficace, moderne et respectueuse des traditions, la France est en excellente position pour être l'un des phares de la recherche dans le domaine des biotechnologies en Europe.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est encore temps d'agir !

Si nous réussissons, par exemple, à faire comprendre et à faire admettre que les citoyens ont le droit de décider par eux-mêmes de la manière dont ils souhaitent cultiver et consommer des OGM, qu'ils sont libres de refuser d'être mis devant le fait accompli face aux importations de produits « OGM » canadiens, brésiliens ou chinois, la France aura alors bien mérité de la démocratie, de la science et, même, des OGM. Quant à l'Europe, elle tient là une occasion formidable de s'affirmer aux yeux de ses citoyens comme l'espace pertinent d'influence et des grands choix.

En définitive, la transposition de ces directives est, à mon sens, une très belle occasion pour notre pays de marquer notre temps. Mais il faut le vouloir, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, mes chers collègues, lorsque M. le ministre a évoqué les apports considérables des organismes génétiquement modifiés dans le domaine médical, je n'ai pas entendu une seule critique.

Pour ma part, je voudrais aborder un autre aspect du sujet : le risque majeur pour l'humanité, c'est le changement climatique. Il s'agit d'un risque certain, et non d'un simple aléa ou d'une simple éventualité pour lesquels il suffirait de prévoir une application du principe de précaution.

Les premières manifestations d'un tel changement sont d'ores et déjà constatées : au Bangladesh, avec des inondations catastrophiques ; en Chine, où le désert avance. Ainsi, les réserves en eau souterraines de la ville de Pékin ont tellement diminué que les autorités sont en train de lancer un programme de grands travaux pour diriger les eaux du Yang-Tsé-Kiang jusqu'au nord de la Chine. Le risque est également manifeste dans les Caraïbes, y compris au sud des Etats-Unis, où il prend de l'ampleur.

Les compagnies d'assurance et de réassurance ont pris la mesure du phénomène. D'après leurs calculs, elles constatent que le risque augmente de façon exponentielle, à tel point qu'elles seront bientôt contraintes d'augmenter, voire de doubler, les primes d'assurance pour couvrir les dégâts potentiels. D'ailleurs, les risques de dégâts non couverts par une assurance augmentent également.

Mon collègue Claude Saunier et moi-même présenterons, avant la fin du mois de juin, les conclusions d'une étude de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui a donné lieu à une centaine d'heures de réunions, d'auditions, puis d'études et de visites dans tous les grands pays. Riches de cette expérience, nous démontrerons dans ce rapport que ce sujet grave peut être résolu par la science et la technologie, ainsi que par une volonté politique forte.

Bien entendu, les mesures sont multiples et ne se résument pas aux organismes génétiquement modifiés. Parmi les technologies à développer dans d'autres secteurs, je citerai notamment la captation du gaz carbonique à partir des centrales à effet de serre et son stockage en sites géologiques, les économies d'énergie ou les recherches sur les batteries, etc. Pour le sujet qui nous occupe aujourd'hui, il importe de mentionner l'usage de la biomasse enrichie par les avancées des biotechnologies et du génie génétique, les plantes qui consomment moins d'eau, les plantes qui peuvent utiliser de l'eau salée ou encore celles qui fixent l'azote de l'air grâce à des gènes existants dans la luzerne. Ce sont autant d'exemples d'organismes génétiquement modifiés, qui permettront à l'agriculture de participer activement à la diminution des émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère.

Faut-il laisser ces nouvelles utilisations aux seules multinationales d'Outre-Manche ? Je rejoins sur ce point Gérard Le Cam. Il faut leur préparer des compétiteurs industriels européens avec l'appui de la recherche publique si l'on ne veut pas que ces entreprises monopolisent les nouvelles utilisations.

Je rejoins également les orateurs qui ont évoqué la nécessité de renforcer la recherche et je me réjouis que nous ayons, ici même, le 21 décembre 2005, voté une loi de programme pour la recherche et l'innovation, loi que nous avons améliorée avec votre accord, monsieur le ministre ; nous avons ainsi montré la voie.

Je souhaite enfin qu'une volonté d'information et de transparence permette l'information du public. C'est fondamental, la population doit savoir que les OGM ne sont pas les objets diaboliques que certains leur présentent en annonçant l'arrivée de l'enfer sur terre avec des imprécations hostiles, des arguments réactionnaires et parfois obscurantistes, voire antiscientifiques.

M. Jean Bizet, rapporteur. Très juste !

M. Pierre Laffitte. L'opacité et le manque de capacité à simplifier de certains experts ne facilitent pas les choses et il est absolument nécessaire de mener un effort renforcé de culture scientifique et technique. Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises au sein de la commission des affaires culturelles, notamment dans un rapport que j'ai dirigé avec, pour rapporteurs, Mme Blandin et M. Renar, preuve que nous sommes éclectiques au Sénat et que nous percevons la nécessité de la vulgarisation.

L'INRA et le CEA ont montré la voie, notamment sous forme de bande dessinée, mais la diffusion en est restée confidentielle.

Un effort important doit être réalisé par la Cité des sciences comme par les fondations, notamment par la fondation spécialisée que vous avez créée, monsieur le ministre, et cet effort doit être relayé par les centres de culture scientifique technique et industrielle régionaux et par les multiples associations du type de celle des Petits Débrouillards, avec l'appui des collectivités locales.

M. Raoul a fait des propositions qui sont à mon sens utiles, mais qui n'ont pas besoin d'une loi pour exister.

Ne risquons-nous pas de vivre la même situation qu'en Allemagne, où, sous la pression obscurantiste des élus des Verts, les chercheurs en biotechnologie ont pratiquement tous dû émigrer aux États-Unis pendant un certain nombre d'années, renforçant ainsi les sociétés qui ont suscité les foudres de M. Le Cam ?

Je souhaite pour ma part que la France, conformément aux lois en vigueur, poursuive et renforce son action équilibrée, prudente, sereine et efficace dans ce domaine, en associant les secteurs publics et privés, y compris dans les pôles de compétitivité compétents. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Le débat qui nous réunit aujourd'hui est capital à plus d'un titre. En effet, nous devons concilier plusieurs nécessités qui sont aussi importantes les unes que les autres.

Tout d'abord, notre agriculture doit relever un nouveau défi et passer le cap des biotechnologies avec succès. Nous ne pouvons nous permettre d'accumuler un retard par rapport à certains pays situés, non seulement de l'autre côté de l'Atlantique, où, je le rappelle, les États-Unis cultivent quelque 50 millions d'hectares, sans compter l'Argentine et le Brésil, mais aussi à notre porte, puisque l'Espagne cultive également plusieurs dizaines de milliers d'hectares de plantes génétiquement modifiées.

Ensuite, cette étape doit être franchie avec le maximum de transparence et d'information vis-à-vis des Français afin que chaque citoyen puisse avoir confiance en l'opportunité des décisions qui vont être prises en la matière.

Enfin, la coexistence des cultures doit être garantie dans la pratique par des mesures adéquates qui permettent à chaque type d'agriculture de continuer à exister.

En ce qui concerne les enjeux économiques, la France ne doit pas adopter une position de repli et refuser tout ce qui a trait aux OGM. D'une part, pour connaître les risques réels, il faut pouvoir expérimenter et, à ce titre, je regrette profondément tous les actes qui visent à empêcher les chercheurs de faire de la recherche appliquée. D'autre part, un encadrement strict, une information publique et des mesures d'isolement efficaces sont des éléments indispensables pour que des essais puissent avoir lieu dans de bonnes conditions et que des autorisations de mise en culture soient données.

En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau, les OGM pourront certainement apporter des réponses dans l'avenir, au même titre que les semences hybrides par le passé. Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !

Concernant l'information et la transparence, comme l'ont rappelé mes collègues Françoise Férat et Christian Gaudin, c'est grâce à notre exigence, à notre rigueur - notamment en matière de transparence et d'accès à l'information pour tous - que nous pourrons dépassionner le débat et en finir avec une peur qui est très souvent sincère mais pas toujours raisonnée.

Selon un sondage récent, 78 % des Français sont hostiles aux OGM. Il y a derrière ce chiffre un rejet qui vient pour beaucoup du manque d'information et de l'impression que ces cultures vont nous être imposées sans concertation ni moyen d'action. La transparence est donc le premier axe qui doit nous guider dans l'amélioration de ce projet de loi et dans sa mise en application.

Je voudrais développer un troisième point qui me paraît fondamental : la coexistence des cultures. Ce qui doit être réaffirmé haut et fort par ce projet de loi, c'est que chaque agriculture, qu'elle soit traditionnelle, biologique ou transgénique, a sa place et doit toujours l'avoir. Nous devrons être particulièrement exigeants et vigilants à cet égard.

Le projet de loi doit permettre à chaque agriculture de vivre, à chaque agriculteur de choisir le type d'agriculture qu'il souhaite développer sur son exploitation sachant que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle du voisin. Aujourd'hui, pour la sauvegarde des agricultures traditionnelle et biologique, les mesures préventives sont trop modestes. Il faut agir sur deux points.

Premièrement, les mesures d'isolement doivent permettre de mieux lutter contre les disséminations possibles. Pourquoi ne pas reprendre les distances d'isolement prévues lors des périodes d'essais et qui peuvent aller jusqu'à 300 ou 400 mètres ? C'est un ordre de grandeur qui est reconnu en matière de production de semences.

Deuxièmement, à l'image de ce qu'une loi avait prévu pour la production de semences de maïs, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où les OGM ne pourraient pas être produits ? C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé et auquel j'attache une grande importance.

Je vois ici le problème avec les yeux d'un agriculteur du Sud-Ouest, et plus précisément du Lot-et-Garonne, où, en simplifiant à l'extrême, on passe des plaines les plus riches aux coteaux les plus secs, avec la possibilité ou non d'irriguer. Les différentes situations ont entraîné la formation d'exploitations diverses et une multitude de productions végétales et animales.

Cette diversité, qui était une richesse, engendre aujourd'hui bien des difficultés, notamment en matière d'organisation économique. L'équilibre trouvé dans cette région, qui n'est certainement pas un cas unique, où chacun a longtemps cherché ses orientations, est extrêmement fragile. C'est pourquoi il est à mon sens fondamental de veiller à ce que les nouvelles productions des uns ne mettent pas en danger les réalités économiques actuelles.

C'est à ce titre que je souhaite que nous réfléchissions aux moyens de mieux protéger des agricultures qui n'auront plus les moyens d'exister si d'aventure les mesures destinées à éviter la dissémination d'OGM ne s'avéraient pas suffisantes.

Par ailleurs, j'ai déposé des amendements destinés à garantir une séparation des filières plus efficace à tous les stades de la chaîne de production et une meilleure évaluation du préjudice économique.

Ainsi, pourquoi prévoir des mesures contraignantes pour les producteurs d'OGM afin que les disséminations soient limitées au niveau de la mise en culture et de la production et ne rien envisager sur les étapes en aval, à savoir la récolte, le stockage et le transport ?

Enfin, concernant le fonds d'indemnisation créé par la loi, j'ai deux remarques et propositions à faire.

D'une part, les exploitants ne doivent pas alimenter seuls le fonds ; M. le rapporteur a déposé un amendement en ce sens. Pour autant, si l'amendement de la commission supprime le caractère aléatoire de la contribution des organisations professionnelles et interprofessionnelles, il me semble que nous devons clairement spécifier que les obtenteurs et les producteurs de semences doivent participer au financement de ce fonds.

D'autre part, concernant la détermination du préjudice économique subi par les exploitants dont la production a été contaminée, l'évaluation actuelle est trop restrictive et ne prend pas en compte les multiples conséquences que peut avoir cette contamination sur une exploitation. Dans l'évaluation du préjudice économique, il faut intégrer tous les éléments suivants : la dépréciation du prix du produit, le type de production contaminée, la filière de commercialisation à laquelle était initialement destinée la récolte, ainsi que les conséquences financières résultant de la perte d'un signe de qualité.

Un producteur biologique, dont la récolte est contaminée, ne subit pas seulement un préjudice du fait de la dépréciation de sa production.

Dernier point sur lequel je veux insister : la disparition, au terme de cinq ans, du fonds d'indemnisation. À l'échéance de ce délai, les assureurs et les réassureurs vont-ils effectivement se positionner sur ce marché ou faudra-t-il maintenir ce fonds pendant des années ? Le rapporteur de la commission des affaires économiques a très justement proposé qu'un bilan d'étape ait lieu dans trois ans et qu'un rapport soit fait au Parlement sur le sujet. Nous suivrons avec beaucoup d'attention ce point pour que le secteur des assurances soit en mesure de prendre le relais.

Le groupe UC-UDF a fait des propositions d'amélioration sur les deux piliers de ce texte, qui sont la transparence et la coexistence des cultures. Nous souhaitons que le projet de loi aille plus loin sur ces deux aspects. J'espère, monsieur le ministre, que ce débat nous permettra d'apporter des garanties satisfaisantes à tous. Cette loi doit être claire et lisible pour que chacun puisse se rendre compte du cadre dans lequel les OGM seront autorisés sur notre territoire. C'est la condition nécessaire pour que, des agriculteurs aux consommateurs, les décisions que nous allons voter soient acceptées, et c'est dans cet esprit que nous abordons cette loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Il faut distinguer, dans ce projet de loi, les articles qui concernent l'expérimentation en milieu confiné et les articles qui permettent l'expérimentation en plein air et la commercialisation des plants transgéniques.

M. Bizet a évoqué le vaccin contre le virus H5N1 comme un exemple de consensus.

M. Jean Bizet, rapporteur. Ce n'est pas le seul !

M. Jean Desessard. Certes, pour confectionner ce vaccin, il a fallu modifier le virus pathogène et lui enlever son gène responsable de la mort de l'oeuf sur lequel on devait le cultiver. Mais il ne faut pas faire l'amalgame entre l'opération que l'on pratique sur un virus dont on enlève un gène mortel en milieu hyperconfiné, un laboratoire P4 à environnement dépressurisé où l'on ne pénètre qu'en combinaison pressurisée, et la possibilité de promouvoir des cultures à risque en plein champ, sans finalité pour l'utilité publique, mais pour le bénéfice économique de certaines entreprises.

M. Jean Bizet, rapporteur. C'est réducteur comme analyse !

M. Jean Desessard. Notre critique du projet de loi porte donc sur la culture en champ et la production en vue de la commercialisation des cultures OGM.

M. Barraux se définit comme un Français moyen. Vous vous trompez, monsieur Barraux : 74 % des citoyens français refusent les OGM (Mais non ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) et 85 % des Français veulent une agriculture AOC, biologique, labellisée, sans OGM. Qui va consommer les OGM ?

Les agriculteurs ne veulent pas des OGM,...

M. Jean Bizet, rapporteur. Si !

M. Jean Desessard. ...redoutant que leurs cultures ne soient contaminées. Les élus ne veulent pas des OGM ; les conseils régionaux ont voté contre ; des conseils généraux ainsi que certaines villes ont pris des arrêtés anti-OGM...

M. Jean Bizet, rapporteur. Illégaux !

M. Jean Desessard. Même la justice s'est prononcée contre les OGM. Le tribunal d'Orléans a acquitté des faucheurs volontaires. Le 9 décembre 2005, il a reconnu le danger actuel de la diffusion incontrôlée de gènes provenant des OGM dont la dissémination avait été autorisée, contrairement au droit constitutionnel à un environnement sain.

Cet acquittement de faucheurs volontaires...

M. Jean Bizet, rapporteur. En première instance !

M. Jean Desessard. ...a été renouvelé par le tribunal de Versailles le 12 janvier dernier.

Il est à noter que 74 % des Français attendent des élus qu'ils respectent le principe de précaution...

M. Jean Bizet, rapporteur. Principe que vous n'avez pas voté !

M. Jean Desessard. Si, les Verts l'ont voté !

M. Jean Bizet, rapporteur. Cela m'étonnerait !

M. Jean Desessard. Je le sais mieux que vous, monsieur le rapporteur !

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous faites référence au principe de précaution garanti dans la Constitution. Vous avez affirmé que toutes les précautions étaient prises, notamment le respect d'un certain espace entre les cultures, l'instauration de demandes d'autorisations. Mais ce n'est pas cela le principe de précaution ! Il doit résulter de l'analyse écologique environnementale.

Certains collègues ont soutenu que nous refusions le progrès et que, voilà trois cents ans, nous aurions été contre les évolutions. Mais ce qui change, c'est qu'aujourd'hui le progrès menace la planète. En effet, certains progrès techniques peuvent être extrêmement dangereux d'un point de vue planétaire. Il en est ainsi du nucléaire qui peut tout faire sauter. Les armes utilisées voilà dix siècles ne mettaient pas toute la planète en péril même si, bien évidemment, des vies humaines étaient en jeu.

De nos jours, en raison de la circulation des marchandises et des hommes, si une épidémie se déclare, elle se répand à grande vitesse à travers le monde. Mes chers collègues, je ne vais pas vous citer des exemples, car vous les connaissez aussi bien que moi.

M. Dominique Mortemousque. L'énergie nucléaire est une bonne chose !

M. Jean Desessard. Aujourd'hui, dès qu'un risque existe, il peut être catastrophique pour l'environnement planétaire. De ce fait, lorsqu'il y a doute, le principe de précaution doit s'appliquer et la nouvelle technologie qui devait être mise en oeuvre doit être abandonnée. Tel est le principe de précaution.

M. Jean Bizet, rapporteur. Ce n'est pas cela ! Relisez l'article 5 !

M. Jean Desessard. Il ne suffit pas, dans le cas des cultures d'OGM, par exemple, d'installer une barrière ou d'imposer des distances entre les plantations et d'aviser ultérieurement de la suite à donner à l'expérimentation.

Si tel était le principe de précaution, on pourrait soutenir qu'il n'y aura plus d'accidents d'avion puisque, a priori, les précautions nécessaires sont prises en la matière. On pourrait également affirmer qu'une catastrophe du type de celle qui est survenue à Tchernobyl ne pourra pas se reproduire puisque les précautions nécessaires ont de même été prises.

Mais le principe de précaution consiste non pas à prendre des précautions en cas de danger, mais à décider, lorsque l'on estime qu'une mesure est dangereuse et menaçante pour l'environnement planétaire, de ne pas la mettre en oeuvre parce que le risque est trop grand et, une fois avéré, irréversible.

M. Jean Bizet, rapporteur. Vous avez mal lu l'article 5 !

M. Jean Desessard. Eu égard aux arguments développés par certains, on peut se demander ce qu'ils auraient fait au moment où a été signalé le danger de l'amiante ? Mes chers collègues, diriez-vous aujourd'hui que l'on peut recourir à l'amiante, compte tenu du nombre de décès dus à l'amiante et du coût économique qui en a résulté ? Faites donc preuve d'un peu de mesure vis-à-vis de ceux qui soutiennent que la culture des OGM est dangereuse ! (Mme Dominique Voynet applaudit.)

L'étude nutritionnelle relative au maïs MON 863, qui était restée secrète à la demande de la société productrice Monsanto, a été publiée en 2005 à la suite de la décision prise par un tribunal allemand. Le lot de rats qui consommaient le maïs en question présentait des anomalies telles qu'une inflammation des reins, une augmentation des globules blancs chez les mâles, une baisse des globules rouges et une augmentation de la glycémie chez les femelles, évoquant des pathologies de type inflammatoire. Ces dysfonctionnements hépatiques induisaient des risques de cancer.

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de vous parler de l'étude australienne relative au gène toxique de haricot inséré dans les pois. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir au cours du débat.

Aujourd'hui, même les assurances refusent de couvrir ce risque, ce qui montre bien qu'elles n'ont pas idée du coût que peut engendrer le recours aux OGM.

M. Jean Bizet, rapporteur. Ce n'est pas ce qui ressort de nos auditions !

M. Jean Desessard. À partir du moment où l'on estime qu'une mesure est très dangereuse pour la planète, le principe de précaution conduit à ne pas la mettre en oeuvre.

Par ailleurs, est-il possible de faire coexister différentes agricultures, en particulier une agriculture respectueuse de l'environnement et une agriculture d'OGM cannibale ? Vous reconnaissez que les OGM seront partout, puisque le projet de loi soumet à étiquetage le produit d'une récolte contenant plus de 0,9 % d'OGM, ce qui sous-entend la banalisation des OGM dans tous les produits.

Nous savons qu'il y a dissémination. En voici un exemple : il est maintenant acquis que le transfert de transgènes par les pollens est inévitable, y compris pour le maïs. Le conseil national de la recherche des États-Unis admet qu'il est impossible d'empêcher le flux génique entre espèces sexuellement compatibles qui habitent la même région parce que le pollen et les graines se dispersent trop facilement et trop loin pour rendre praticable un confinement reproductif complet.

Les distances d'isolement classiques de 100 mètres sont largement insuffisantes. Le National Research Council a déterminé qu'à un kilomètre le taux d'hybridation du maïs pollen lourd atteint encore 0,1 %. Cela signifie qu'il y a risque de dissémination et qu'il ne sera plus possible de conserver une agriculture traditionnelle.

M. le président. Mon cher collègue, vous avez déjà dépassé votre temps de parole. Je veux vous rendre attentif à ce fait afin que vous n'empiétiez pas trop sur celui qui est attribué à Mme Voynet.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je suis en parfait accord sur ce point avec ma collègue Dominique Voynet, mais, ne vous inquiétez pas, je vais interrompre mon propos.

J'aurais pourtant bien souhaité parler de la transparence. Cette transparence est assurée, selon le projet de loi, sauf lorsque l'information, dont la divulgation pourrait porter préjudice aux intérêts de l'exploitant, est couverte par le secret industriel et commercial.

M. Jean Bizet, rapporteur. Eh oui !

M. Jean Desessard. Cela signifie donc qu'il n'y aura pas de transparence.

En conclusion, nous réclamons un moratoire pour la culture d'OGM en plein champ et pour la commercialisation des produits génétiquement modifiés. Si vous le souhaitez, nous sommes prêts à organiser un référendum avec vous pour que ce soient les citoyennes et les citoyens français qui tranchent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à étudier le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, sujet sensible qui touche des aspects à la fois scientifiques, techniques, éthiques et politiques.

Compte tenu de la difficulté de faire cohabiter ces différents critères, je veux féliciter M. le rapporteur, Jean Bizet, qui, par sa compétence, sa connaissance de la matière et sa rigueur sur ce sujet passionnel, nous a permis, et m'a permis personnellement, de mieux appréhender l'enjeu des cultures issues des biotechnologies.

Je n'ai pas de dogme ni de certitude sur ce sujet ; j'ai plutôt une vision pragmatique.

Nous devons avoir une approche dynamique mais respectueuse d'éléments de précaution en nous référant, si besoin est, à certaines règles de la Charte de l'environnement. Nous devons également faire un effort de communication, rassurer la population, éclairer notre société sur les atouts et les faiblesses de cette technique, sur son évolution et sur les risques éventuels. Enfin, nous devons assurer la traçabilité de chacune des filières.

Aujourd'hui, nous avons l'obligation de transposer les textes des directives européennes relatives à l'utilisation confinée d'OGM et à la dissémination volontaire de tels organismes.

Ce projet de loi dépasse largement les clivages politiques habituels, puisque ces directives européennes ont été établies sous un gouvernement de gauche.

M. Jean Bizet, rapporteur. C'est exact !

M. Rémy Pointereau. Chacun sait qu'une pénalité de 168 000 euros par jour est imposée en cas de non-application en France desdites directives.

À partir de ce moment, nous devons tous ensemble, à travers ce texte, assurer la sécurité et la transparence à la fois pour les consommateurs et pour les producteurs, tout en garantissant la possibilité de coexistence des filières et en préservant nos capacités de recherche et d'innovation. Or nous avons pris un retard considérable dans le domaine des biotechnologies et nous n'avons pas le droit de bloquer la recherche dans le domaine médical, pharmaceutique ou agro-industriel.

Il nous faut également organiser la concertation avec les consommateurs, dont l'inquiétude est vive face aux OGM. Leur crainte est due, en grande partie, au manque d'information. Malgré la réglementation, l'étiquetage reste flou. Nombre d'affirmations, de contrevérités sont énoncées.

Il faut également rappeler que, jusqu'à cette réglementation, nous avons tous plus ou moins consommé des OGM sans le savoir, par le biais notamment de la lécithine de soja, OGM américain souvent présent dans de nombreux produits alimentaires français.

Monsieur le ministre, en France, la recherche des risques induits sur la santé humaine par la consommation d'OGM doit être fiable, transparente et opérée dans de bonnes conditions. Or, compte tenu de la destruction systématique des plantes transgéniques par les « faucheurs », les recherches sont limitées aux études effectuées en laboratoire.

Prenons un exemple de protocole type. Si vous nourrissez un rat uniquement avec du maïs génétiquement modifié pendant six mois, il ne se portera pas très bien. Mais si vous l'aviez alimenté avec du maïs classique pendant le même laps de temps, son état de santé aurait-il été meilleur ? Si, à titre de contre-test, vous vous nourrissiez exclusivement avec du chocolat pendant six mois, vous n'iriez pas bien non plus. De quelle fiabilité disposons-nous ? Il semble que la recherche sur la nature véritable du risque soit devenue quasiment impossible en Europe.

On peut se poser une autre question : est-il moins dangereux de consommer des céréales traditionnelles ayant reçu deux herbicides et trois fongicides et insecticides que des céréales génétiquement modifiées, que leurs propriétés permettent de cultiver en ayant recours à deux fois moins d'herbicide, à aucun insecticide et demain, peut-être, à aucun fongicide ?

Quant aux produits « bio », qui sont peut-être une solution alternative, les consommateurs accepteront-ils d'en payer le prix ? En effet, pour assurer une rentabilité aux agriculteurs, il faut multiplier par trois le prix des céréales. Sans compter que les mycotoxines sont davantage présentes dans les produits « bio ».

Mes chers collègues, comme vous le pouvez le constater, l'équilibre entre les différents éléments qui doivent être pris en considération est difficile à trouver.

Alors, pour rassurer les consommateurs, pourquoi ne pas consacrer les cultures d'OGM à la filière industrielle, aux biocarburants, aux bioénergies, aux isolants, aux produits industriels innovants ? Les perspectives en la matière sont importantes.

Les consommateurs ont besoin d'être rassurés, éclairés. Il leur faut des garanties et ils souhaitent que leurs choix soient respectés. Il y a une méfiance à l'égard des scientifiques en raison du manque d'information.

Il faut, en outre, organiser la concertation entre les agriculteurs et les producteurs de semences qui demandent depuis plusieurs années la mise en place d'un cadre clair et réaliste permettant à chaque agriculteur de choisir son mode de production car il faut respecter cette possibilité de choix entre les différentes filières : filière traditionnelle, filière biologique ou filière OGM.

Pour cela, nous devons faire confiance à la profession et à l'interprofession et souhaiter qu'elles soient davantage représentées dans les différents comités scientifiques et socio-économiques, par l'intermédiaire notamment de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences, la FNAMS, ou du Conseil national de l'information statistique, le CNIS.

Nous devons également appliquer des périmètres de sauvegarde, notamment pour protéger les cultures biologiques, à l'image de ce qui existe pour les semences porte-graines et les semences maïs de façon à éviter la contamination d'une parcelle à l'autre.

Que dire de la contribution maximale de 100 euros payée par les agriculteurs utilisant les semences d'OGM ? Soit on estime que les productions d'OGM doivent se développer, auquel cas cette taxe est beaucoup trop élevée par rapport à ce qu'elle est dans les autres pays européens - elle est, par exemple, de 16 euros au Danemark -, soit on est d'avis que le risque est élevé, et il ne faut alors pas s'engager dans cette voie des OGM. En ce qui concerne cette contribution, qui devrait d'ailleurs être également prise en charge par les opérateurs semenciers, il faut donc jouer la modération.

Enfin, il faut instituer une concertation avec les chercheurs en biotechnologies et les opérateurs, c'est-à-dire les firmes semencières.

Les difficultés auxquelles les opérateurs français doivent faire face sont intolérables. Je ne citerai que la destruction systématique de leurs programmes de recherche par une minorité d'anti-OGM. Ces arrachages ont des coûts humains et financiers énormes pour les entreprises et les agriculteurs ; ils mettent gravement en péril le potentiel d'expertise de la France en matière de recherche sur les biotechnologies végétales.

De nombreuses firmes ont, d'ailleurs, déjà délocalisé une partie de leurs capacités de recherche. Il conviendrait que la future loi contribue à restaurer la confiance dans la volonté de recherche de la France, sous peine de voir notre dépendance s'accentuer, en particulier vis-à-vis des États-Unis, qui n'attendent que cela.

Cet aspect des choses enlève d'ailleurs du crédit à l'un des arguments des anti-OGM : ils font beaucoup allusion au monopole, mais il faut savoir que si nous ne faisons rien, ce seront les firmes américaines qui imposeront leurs produits, au détriment de ceux des agriculteurs et des opérateurs français,...

M. Gérard César. Très juste !

M. Rémy Pointereau. ... ce qui se soldera par l'impossibilité de ressemer des semences de ferme, ce que l'on appelle des semences stériles, dites Terminator, et l'obligation d'acheter des semences à un tarif forcément élevé, puisqu'il n'y aura plus de concurrence.

Il faut donc jouer « gagnant-gagnant » entre opérateurs et agriculteurs et rassurer les consommateurs.

Ce texte doit éviter les dérives et il serait souhaitable de prévoir qu'après trois ans d'application nous fassions le point pour étudier l'ensemble des problèmes rencontrés et y porter remède.

Les enjeux sont d'importance. Je ne doute pas que, dans l'intérêt général, nous pourrons amender ce projet de loi, qui me paraît bon mais peut être encore amélioré : nous devons en effet faire coexister plusieurs notions essentielles, parfois divergentes et, en tout cas, rassurer par une meilleure information les consommateurs. Telle est notre mission et la vôtre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment le nier, nous ressentons un profond malaise à l'idée de devoir à nouveau nous prêter à ce qui ressemble, au regard de l'exigence démocratique, à une sorte de mascarade.

Ainsi, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui a été élaboré dans le secret des cabinets. Nous ne l'aurions probablement découvert dans la presse qu'à l'occasion de son adoption en conseil des ministres si une fuite rocambolesque n'avait permis à Geneviève Perrin-Gaillard, députée des Deux-Sèvres, d'en prendre connaissance, au moment même où vous affirmiez, monsieur le ministre, que le projet avait « fait l'objet d'une vaste consultation ».

Vous le savez mieux que personne, les organisations regroupant des agriculteurs qui ne veulent ni ne peuvent utiliser des OGM - agriculteurs biologiques, apiculteurs - alors même qu'ils peuvent en être les victimes directes ou indirectes, les gestionnaires d'espaces naturels et les défenseurs de la biodiversité susceptibles d'être la cible involontaire de transgènes non désirés, les associations de consommateurs que rien n'a pu convaincre de l'intérêt de ces techniques, les scientifiques, qui, sans être forcément hostiles au principe même des OGM, restent perplexes quant aux modalités même de leur développement actuel, ont été consultés, comme les syndicats de salariés et les organisations étudiantes l'ont été sur le CPE ou l'apprentissage à quatorze ans, c'est-à-dire...pas du tout !

Le grand débat démocratique promis n'a pas eu lieu. Certes, et contrairement à ce qu'affirma hier la rumeur, le texte ne sera pas examiné selon la procédure d'urgence. Pourtant - il faut l'avouer ! - cette rumeur, nous lui avons accordé du crédit, tant la procédure d'urgence est utilisée de façon routinière par le Gouvernement : sur la loi mort-née sur l'éducation, sur la loi dite pour l'égalité des chances, sur la loi sur le contrôle et la transparence des activités nucléaires, sur la loi sur les obtentions végétales, qui dormait depuis dix ans sur les bureaux du Sénat et qui entérina en quelques heures la toute- puissance des obtenteurs de semences.

Monsieur le ministre, je regrette qu'un débat approfondi n'ait pas eu lieu, non seulement sur le texte lui-même, mais aussi sur le type d'agriculture qu'il sous-tend et encourage.

Vous ironisez, monsieur le rapporteur, sur la façon dont les médias rendraient compte du débat sur les OGM - « réduit par les médias à des images de fauchage » -, mais comment en serait-il autrement alors qu'il n'a jamais été possible de débattre sereinement de cette orientation majeure et probablement irréversible de l'agriculture en France, en Europe et dans le monde ? Le tribunal d'Orléans n'a-t-il pas, en décembre dernier, relaxé des faucheurs, invoquant l'article 122-7 du code pénal et l'état de nécessité dans lequel ils se trouvaient ?

Le débat sera-t-il possible ici ? En vous écoutant, monsieur le ministre, j'ai douté un moment.

Comment pouvez-vous céder à la tentation d'amalgames aussi grossiers ? Les OGM, le génie génétique, les biotechnologies, tout cela, c'est la même chose pour vous ? Que croyez-vous prouver en rappelant qu'on utilise depuis plus de vingt ans, en milieu confiné, des levures et cellules génétiquement modifiées pour produire des facteurs de coagulation ou de l'insuline ? Que penseriez-vous d'un scientifique qui justifierait le recours à l'arme nucléaire ou la dissémination tous azimuts de déchets nucléaires par le fait bien réel, et que personne ne conteste, qu'on peut tuer des cellules cancéreuses par l'irradiation ciblée, en milieu très protégé, des tissus malades ?

Monsieur le ministre délégué à la recherche - l'absence des ministres de l'agriculture, de la santé et de l'écologie reste totalement mystérieuse à mes yeux -, vous avez également jugé bon de nous faire rêver un peu, invoquant l'utilité des OGM pour faire reculer la faim ou faire en sorte que les cochons qui empoisonnent la Bretagne excrètent moins de phosphates.

Quelle crédulité, monsieur le ministre ! Une crédulité inattendue, à vrai dire, chez un homme aussi expérimenté que vous : en d'autres temps, vous auriez cru aux avions renifleurs ! La réalité est tout autre : la quasi-totalité des dossiers d'autorisation concerne des plantes rendues résistantes aux herbicides ou qui se comportent elles-mêmes comme des herbicides.

Mme Dominique Voynet. Enfin, ce texte ne répond pas réellement aux exigences des directives 98/81/CE et 2001/18/CE.

Il faut bien préciser de quoi on parle, monsieur le rapporteur. Vous avez tenu à préciser que la directive 2001/18/CE avait été négociée alors que vos amis n'étaient pas aux responsabilités ; j'en conviens.

Je regrette d'ailleurs que vous n'ayez pas jugé utile de me rencontrer. J'ai eu, en effet, à gérer et à assumer les conséquences de décisions prises en 1996 par le gouvernement de M. Alain Juppé : il avait demandé et autorisé la commercialisation mais pas la mise en culture d'un maïs Bt. Le Conseil d'État a confirmé la compétence liée ; j'ai dû l'assumer. J'ai eu à conduire, pendant la présidence française de l'Union européenne, au cours de l'été 2000, la procédure de co-décision entre le Conseil et le Parlement européen.

J'aurais pu vous expliquer quelles difficultés avait rencontrées le Conseil, très réservé sur les OGM, face au Parlement européen, qui ne partageait pas cette prudence.

J'aurais pu vous expliquer comment j'ai, au nom du gouvernement français, engagé la France, aux côtés de l'Allemagne, du Danemark, de l'Italie, de la Grèce, de la Belgique, dans la voie d'un moratoire européen, qui fit l'objet d'un contentieux devant l'OMC.

Comme vous le savez, le panel de l'OMC a donné largement raison aux Européens, reconnaissant notamment ceci : « Si de nouvelles preuves scientifiques apparaissent qui contredisent les faits scientifiques disponibles et qui concernent directement les produits transgéniques en phase d'autorisation, nous pensons qu'il pourrait être justifiable de suspendre toutes les autorisations en cours le temps d'évaluer les nouvelles preuves ». Encore faut-il disposer des informations, même si elles ont été conduites dans l'ombre des laboratoires des firmes.

Je veux le dire ici avec la plus grande netteté : la directive européenne n'a pas pour objet d'encourager l'usage des OGM ni de demander aux gouvernements de sacrifier leur agriculture. Elle propose d'encadrer cette pratique, avec une obsession, la transparence, et deux exigences, la santé et l'environnement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Ce qu'elle dit est intéressant !

M. Jean Bizet, rapporteur. Je ne dis pas autre chose en ce qui concerne la santé !

Mme Dominique Voynet. Si mon propos vous semble tellement insupportable et tellement douloureux à entendre, mes chers collègues de la majorité, c'est le moment d'aller prendre un café ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Deux questions méritent d'être posées : pourquoi les OGM en agriculture ? Pourquoi un projet de loi ?

Pourquoi les OGM ? S'agit-il de répondre aux attentes des consommateurs, qui saliveraient à l'idée de découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles textures ? Bien sûr que non ! Ils sont hostiles, pour une partie non négligeable d'entre eux, prudents, à une écrasante majorité, et interloqués de constater que tant de moyens sont développés pour protéger les intérêts de quelques firmes et leur permettre de revendiquer la propriété commerciale d'éléments du patrimoine de l'humanité.

Dans un contexte marqué par des « controverses passionnées et irrationnelles » - ce sont vos propres mots, monsieur le ministre ! - ces citoyens, ces consommateurs, sont probablement victimes de la scandaleuse désinformation d'« obscurantistes faucheurs » !

Soyons sérieux, monsieur le ministre ! Les ONG disposent de beaucoup moins de moyens que vous, que Limagrain ou Monsanto, que les grandes coopératives agricoles, pour informer et influencer le citoyen.

S'agit-il de faire reculer la faim ? Non plus ! Il faut d'ailleurs souligner que les industriels, qui invoquaient, la main sur le coeur, le sort des enfants affamés du continent africain, se sont faits plus discrets sur ce terrain. Plus discrets que vous, qui semblez ignorer que ce n'est pas pour des céréales moins gourmandes en eau ou pour des riz enrichis en vitamines diverses qu'on dépose des brevets !

S'agit-il de limiter l'usage des pesticides, herbicides ou insecticides ? Évidemment pas ! Au lieu d'apporter avec doigté et mesure les produits nécessaires à la plante aux différentes étapes de sa croissance, on se propose de la gorger du pesticide maison, vendu « en kit » avec la semence, apporté en une seule fois, idéalement par voie aérienne. C'est « super » ! On cultive des surfaces plus importantes, avec moins de travail humain.

Cependant, est-ce une si bonne nouvelle pour des pays dont la plus grande partie de la population vit de l'agriculture ? Est-ce un si grand progrès de proposer à des paysans habitués depuis toujours à sélectionner et reproduire leurs semences d'acheter au prix fort les semences OGM ?

S'agit-il de renforcer l'agriculture ? On manque évidemment de recul pour apprécier l'impact des OGM en Europe, mais il faut regarder ce qui se passe ailleurs. En Argentine, par exemple, où le soja transgénique a été introduit il y a dix ans, les 710 000 actifs que comptait ce secteur en 1996 ne sont plus que 257 000 aujourd'hui, soit trois fois moins.

Vous affirmez, monsieur le ministre, que la transparence doit être assurée, que l'information doit être totale. N'avez-vous pas demandé à la Commission européenne, par une note qui n'avait pas vocation à être rendue publique, que l'article 25 de la directive 2001/18/CE soit interprété d'une façon plus conforme aux intérêts des firmes ? C'est en Allemagne qu'ont été publiées des données démontrant que l'ingestion de maïs MON 863 par des rats n'était pas exempte de conséquences sur leur santé. Pourquoi ce silence ?

Prenez des initiatives, monsieur le ministre ! Ouvrez le débat ! De quoi, de qui avez-vous peur ? Pas de José Bové, tout de même !

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je n'ai pas l'intention de chercher à amender votre projet de loi. Il est faible, parce qu'il n'apporte aucune réponse concrète aux problèmes posés par la cohabitation des cultures et ne mentionne même pas le principe de précaution ; il est dangereux, parce qu'il consacre le droit des firmes face aux besoins des peuples. Il doit être retiré.

La charte de l'environnement a été votée en grande pompe, à Versailles, il y a un an à peine. Je ne résiste pas au plaisir de vous en rappeler les principaux considérants.

« Considérant,

« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ;

« Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ;

« Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;

« Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;

« Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ; ».

Ce ne sont que des mots, mais ils nous obligent, et nous conduiront à revenir sur les dispositions qui nous sont proposées aujourd'hui. Le plus tôt sera le mieux, monsieur le ministre, pour les citoyens et pour la planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué. Je vais apporter quelques éléments de réponse aux différents orateurs. J'aurai bien entendu l'occasion, lors de l'examen des articles, de répondre plus en détails.

Monsieur le rapporteur, vous avez bien fait de dire que nous courrions le risque d'accumuler un retard en matière de recherche et que nous donnions de nous au reste du monde une image assez peu flatteuse, du fait d'un certain nombre d'actes qui sont particulièrement condamnables. Vous avez bien fait, également, de rappeler, parce que c'est une réalité historique, que les directives dont nous parlons ont été adoptées sous une autre législature, qu'on le veuille ou non.

Monsieur Le Cam, vous avez critiqué - j'en ai l'habitude, venant de vous - le renvoi aux décrets. Il faudrait que vous vous habituiez enfin à notre Constitution, en vigueur depuis 1958 et dont l'article 34 établit une ligne de partage entre la loi et le décret : certaines dispositions sont législatives, d'autres, réglementaires.

Vous avez fait une mauvaise interprétation de nos intentions en ce qui concerne la confidentialité des données : on ne peut évidemment opposer un quelconque secret commercial ou industriel quand il s'agit de questions touchant à la santé humaine ou à l'environnement.

Je passe sur les intentions que vous prêtez aux grands groupes internationaux. Nous avons entendu ce type de propos à plusieurs reprises, dans la bouche de Mme Voynet voilà quelques instants.

Les grands groupes internationaux, c'est une chose, un texte de loi, c'en est une autre. Quand des normes précises sont posées par une loi, chacun s'y soumet, agriculteurs, petits entrepreneurs, simples citoyens ou responsables de grands groupes internationaux. C'est cela, la vertu de la loi dans une République : nous sommes un certain nombre à y croire profondément.

Monsieur Christian Gaudin, vous avez à très juste titre rappelé l'ancienneté de la pratique de l'amélioration génétique : si les technologies étaient, certes, différentes, l'intention était la même qu'aujourd'hui, à savoir la création d'espèces qui, antérieurement, n'existaient pas.

Vous avez rappelé aussi un certain nombre de grandes vérités scientifiques élémentaires. À entendre certains discours, on se rend compte que ces rappels étaient nécessaires, comme le rappel de cette évidence : l'absorption d'aliments issus de végétaux ou d'animaux dont les gènes ont été modifiés n'a aucun impact sur le patrimoine génétique de celui qui les ingère.

Monsieur Pastor, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Vous avez évoqué un rapport du Sénat auquel vous avez apporté une contribution éminente. Or il se trouve que les conclusions de M. le rapporteur et les miennes ne rejoignent pas les vôtres. Pour notre part, nous nous situons dans la droite ligne des conclusions du Sénat et de l'Assemblée nationale, qui s'inspirent directement de vos travaux.

S'agissant des dépenses de recherche, nous n'allons pas refaire le débat, ô combien positif, que nous avons eu au sein de la Haute Assemblée lors de l'examen de la loi de programme pour la recherche. Les dépenses de recherche en matière de sciences du vivant, comme dans les autres domaines, sont en progression. Du point de vue budgétaire, je rappelle que les sciences du vivant « se taillent la part du lion », puisqu'elles représentent environ 40 % de la totalité des dépenses publiques de recherche : cela montre bien notre volonté d'éclairer ce grand débat sur les OGM. Environ 60 millions d'euros de dotations sont prévus pour financer des programmes de l'Agence nationale de la recherche, récemment créée, qui concernent de près ou de loin le débat qui nous occupe à présent.

Je suis d'accord avec vous sur ce point : il est tout à fait certain que la recherche doit éclairer les questions que vous vous posez, les uns et les autres, sous des formes parfois différentes.

Monsieur Barraux, vous avez fait preuve d'une grande ouverture d'esprit et d'une totale absence d'a priori à l'égard de ce texte. Vous avez ainsi rappelé un certain nombre de vérités, qui tiennent du simple bon sens, et je ne résiste pas au plaisir d'en citer une : « L'ignorance crée l'affabulation et les fantasmes ». Il était utile que cela fût dit !

J'ai eu un peu de mal à saisir le sens de la conclusion de M. Fortassin, car il semblait hésiter entre diverses positions. (Sourires.)

Je souhaite lui rappeler que les plantes stériles ne sont pas l'apanage exclusif des OGM puisqu'on peut également en créer par des croisements obtenus à l'aide des technologies traditionnelles. Il n'y a donc pas de spécificité des OGM de ce point de vue.

Madame Férat, comme vous l'avez dit, l'information scientifique est la clef du débat et il est absolument nécessaire de s'en servir pour éclairer nos concitoyens. (MM. Gérard César et Dominique Mortemousque approuvent.) Il s'agit pour nous d'un impératif, et nous avons la volonté d'y parvenir. Mais nous reviendrons sur le sujet, je l'espère, dans le cours du débat.

M. Raoul a exposé des arguments assez proches de ceux de M. Pastor, ce qui n'étonnera personne.

La définition des OGM existe d'ores et déjà dans la loi et le texte que nous examinons actuellement la précise. Ainsi, les termes de « dissémination volontaire » figurent en tant que tels dans la directive. Nous n'avons donc pas innové : nous nous sommes conformés strictement à la directive.

S'agissant du fonds de garantie, je pense que nous aurons de longues discussions sur le sujet. Loin d'épuiser à lui seul toutes les questions de responsabilité, qui peuvent être nombreuses et diverses, il vise un type particulier de responsabilité. Là encore, nos débats permettront d'éclairer la réalité des faits.

M. Ambroise Dupont a également posé une question fondamentale : les OGM constituent-ils une avancée pour les hommes ? Il est vrai que c'est une bonne question. En effet, si les OGM ne procurent pas d'avantages, pourquoi faudrait-il y recourir ? Mais il nous faut aussi garder l'esprit ouvert et ne pas oublier que la recherche peut nous permettre de progresser, dans ce domaine comme dans d'autres.

Vous avez eu raison, monsieur Dupont, de poser la question de la nature du fonds de garantie. En effet, si la seule existence des OGM ne constitue pas un préjudice, ceux-ci peuvent en revanche être à l'origine, sur le plan économique, d'une perte de valeur qu'il conviendra d'indemniser.

En ce qui concerne le maïs Bt et la production de toxine insecticide, les études sont nombreuses. En tout état de cause, la disparition de cette toxine dans le sol, par métabolisme, est infiniment plus rapide que celle de tout autre produit, notamment d'origine chimique.

Vous avez également réaffirmé la priorité de la recherche. Vous avez d'ailleurs été nombreux à le faire, mesdames, messieurs les sénateurs, à très juste titre.

M. Laffitte, comme à son habitude, s'est fait l'apôtre de la science et de la recherche, en évoquant d'autres sujets qui y sont liés et dont les problématiques, assez voisines, concernent notre débat, comme les biocarburants et l'utilisation de plantes pour d'autres usages que l'alimentation.

Vous avez eu raison, monsieur le sénateur, de fustiger l'obscurantisme et de rappeler que nous aspirons à une diffusion de la culture scientifique et technique. Nous en avons besoin, en effet, ne serait-ce que pour éclairer le présent débat.

Monsieur Soulage, vous avez bien fait d'affirmer le principe de coexistence des formes d'agriculture. Il s'agit en effet d'un droit, qui doit être reconnu : nos agriculteurs doivent pouvoir choisir la forme d'agriculture qu'ils souhaitent pratiquer.

Vous vous êtes dit convaincu qu'il ne fallait pas se fermer au progrès et avez évoqué d'autres possibilités pour alimenter le fonds de garantie. Je suis pour ma part très ouvert à ces propositions, sur lesquelles nous reviendrons à l'occasion de la discussion des amendements.

Monsieur Desessard, vous avez eu des phrases définitives.

M. Paul Raoult. Il a été très bon !

M. François Goulard, ministre délégué. Ainsi, vous avez prétendu que les agriculteurs ne voulaient pas des OGM. Or il se trouve que la principale organisation représentative des agriculteurs dans notre pays est favorable au développement des OGM, à condition bien sûr que soient respectées un certain nombre de précautions. Mais nous sommes tous des partisans du principe de précaution.

M. Gérard César. Tout à fait !

M. François Goulard, ministre délégué. Nos informations sont donc divergentes.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, une de vos phrases m'a particulièrement choqué. Vous avez dit textuellement et de façon catégorique : « Le progrès menace la planète ».

M. Paul Raoult. Oui ! C'est une banalité de dire cela !

M. François Goulard, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que cette phrase mérite réflexion et je vous invite à considérer la portée philosophique d'une telle pétition de principe.

M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut pas sortir cette phrase de son contexte !

M. François Goulard, ministre délégué. Nous avons, monsieur le sénateur, une divergence fondamentale à cet égard. Chacun peut légitimement penser ce qu'il veut. Pour notre part, nous avons des principes différents des vôtres et ils sont, je crois, partagés par la majorité de cette assemblée : nous croyons au progrès, un progrès contrôlé et évidemment respectueux de l'environnement et de la santé de nos compatriotes. Oui, nous pensons que le progrès existe et qu'il est souhaitable !

Monsieur Pointereau, vous acceptez, vous aussi, les apports de la science, et vous avez eu raison de le dire. Vous en appelez à la fiabilité de la recherche, c'est en effet un point essentiel.

Je suis totalement d'accord avec vous quand vous évoquez la nécessité de rassurer les consommateurs. L'éclairage scientifique peut y contribuer.

Madame Voynet, vous avez qualifié de mascarade l'examen de ce texte par les assemblées parlementaires.

Mme Dominique Voynet. Sans concertation !

M. François Goulard, ministre délégué. J'ai l'impression que de tels propos deviennent habituels par les temps qui courent. Et pourtant, dans une démocratie, à qui revient la tâche de fixer les termes de la loi, et ce dans tous domaines, sur tous les sujets, sinon au Parlement, élu démocratiquement ?

M. Paul Raoult. Comme pour le CPE !

M. François Goulard, ministre délégué. Quel lieu de débat est-il plus ouvert, plus transparent et plus démocratique que le Parlement, c'est-à-dire le Sénat et l'Assemblée nationale ? C'est en ces lieux que doivent s'échanger les arguments des uns et des autres. C'est là que se pratique la démocratie, c'est là que nos concitoyens peuvent être éclairés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Louis Carrère. Dites-le aux syndicats et aux étudiants !

M. François Goulard, ministre délégué. C'est en tout cas en ces lieux que réside la légitimité pour arrêter des décisions.

Madame la sénatrice, vous avez fait état de jugements, au demeurant fort peu nombreux. Je vous rappelle que le Parquet a fait appel de ces jugements.

Par ailleurs, je répéterai que nous ne sommes ni pour ni contre les OGM. Nous voulons simplement que des dispositions législatives soient prises afin de mettre en oeuvre le principe de précaution, d'envisager objectivement, scientifiquement les menaces et les risques éventuels pour la santé ou pour l'environnement, puis d'en informer la société. Tel est notre projet.

Je réfute d'emblée et catégoriquement les procès d'intention que vous avez faits, car j'estime qu'il n'est pas légitime de considérer nos positions comme systématiquement hostiles à l'intérêt des consommateurs et des citoyens. Même si telle est votre opinion, vous ne pouvez pas vous appuyer sur cet a priori pour qualifier un projet de loi qui est avant tout et principalement un texte de protection et de mise en oeuvre du principe de précaution.

Enfin, Mme Voynet et M. Desessard ont évoqué un article de presse paru il y a quelque temps et relatant des essais effectués sur des rats ayant consommé du maïs MON 863 et présentant un certain nombre de symptômes. En vérité, le seul fait que l'on peut reprocher à la société Monsanto, c'est d'avoir tenu secrets ces essais et l'étude nutritionnelle en question ! (M. Jean Desessard et Mme Dominique Voynet s'esclaffent.) Justement, le principe de transparence figure en tant que tel dans ce projet de loi : plus rien ne sera donc caché à nos concitoyens. C'est ainsi que nous rétablirons la confiance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean Desessard. Comme le nuage nucléaire qui s'est arrêté à la frontière !

M. François Goulard, ministre délégué. En l'occurrence, ces animaux provenaient d'une lignée de rats qui présentaient tous une anomalie des reins, due à la faiblesse de leur taille et non à une quelconque consommation d'OGM.

Il faut savoir utiliser à bon escient les éléments scientifiques et fournir des informations complètes ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, d'une motion n° 208, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (n° 200, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la motion.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, avant de présenter cette motion, je tiens à dire que vous avez sorti une phrase de son contexte. Les écologistes ne sont pas opposés à toute forme de progrès ; nous sommes pour le progrès social par exemple, et cette forme de progrès ne menace pas la planète. Mais nous disons qu'aujourd'hui l'humanité a les moyens de sa propre destruction.

Il est vain d'attendre un bienfait social d'une poursuite effrénée et sans limite du progrès, poursuite qui conduira un jour la planète à sa perte. En fait, il faut réfléchir pour déterminer quel progrès est souhaitable, quel progrès est soutenable et quel progrès nous souhaitons maîtriser ou mettre en oeuvre. Ainsi, nous sommes, bien sûr, pour le progrès médical.

J'en viens à la motion.

La volonté du Gouvernement de commercialiser les cultures OGM a pour principale justification un empressement à satisfaire les exigences du lobby pro-OGM. De fait, ce projet de loi, qui prévoit la mise en culture des OGM alors que les trois quarts des Français s'y opposent, a été élaboré sans concertation.

Nous pouvons très bien transposer la directive européenne relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés car, effectivement, sa transposition tardive nous expose à des amendes. En revanche, il est urgent d'attendre avant de transposer les aspects de la directive relatifs à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés en raison des controverses scientifiques qui sèment le doute sur les effets des OGM pour la santé et l'environnement.

Ce projet de loi, en particulier ses articles 11 à 27, entre en contradiction avec l'article 5 de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution française, qui exige que, « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Ce projet de loi ne respecte pas le principe de précaution. Il précise ainsi noir sur blanc que les informations liées aux propriétés des OGM seront toutes publiques, à l'exception de celles « dont la divulgation pourrait porter préjudice aux intérêts de l'exploitant ».

Ce projet de loi est une atteinte à la liberté d'entreprise et à la liberté des consommateurs. En effet, il fixe un seuil de contamination légal à 0,9 % et légalise de fait la banalisation des OGM. Voudrait-on tuer l'agriculture biologique que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Je rappelle que les cahiers des charges de l'agriculture biologique interdisent les traces d'OGM, alors que le seuil de détection est compris entre 0,05 % et 0,005 %! Les agriculteurs n'auront donc plus, à terme, la liberté de garantir à leurs clients que tous les critères de l'agriculture biologique sont respectés.

Vous allez donc tuer l'agriculture biologique. Êtes-vous si sûrs de l'intérêt, même strictement économique, des OGM ? Les promoteurs de la dissémination des OGM sont des irresponsables du point de vue marchand, du point de vue de l'intérêt même de l'économie française. Au Canada, il est aujourd'hui impossible de cultiver du colza biologique, parce que l'ensemble des semences est contaminé. Les graines de colza, très légères, voyagent facilement et peuvent germer dix ans plus tard après être tombées dans un champ.

Vous cherchez à organiser la coexistence des OGM et des non-OGM. Or mettre en place deux filières hermétiquement ségréguées nécessiterait un dédoublement de tous les équipements, de toutes les machines qui transforment les produits, de tous les silos... Les mesures proposées par la directive européenne sont très lourdes à prendre en charge. Pourtant, elles ne garantissent absolument pas que cette coexistence sera assurée sans dommages pour l'agriculture non-OGM.

Les contaminations sont toujours possibles en raison des flux de gènes sur moyennes distances, des possibilités de contaminations hors champs - semence, transport, stockage, transformation -, d'impuretés dans les semences, de pollinisation croisée, de germinations spontanées... Bref, l'agriculture transgénique est totalitaire, dans le sens où elle a tendance à cannibaliser les cultures non-OGM autour d'elle.

Le moratoire de cinq ans que je vous propose ne s'oppose pas à la directive européenne 2001/18/CE, dont l'article 23 prévoit une clause de sauvegarde permettant aux États de se prononcer pour un moratoire. La Grèce, la Suisse, la Roumanie ou l'Autriche - et 78 % des Français - sont favorables à un moratoire.

Je cite ladite clause : « Lorsqu'un État membre, en raison d'informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l'autorisation a été donnée et qui affectent l'évaluation des risques pour l'environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, a des raisons précises de considérer qu'un OGM en tant que produit ou élément de produit ayant fait l'objet d'une notification en bonne et due forme et d'une autorisation écrite conformément à la présente directive présente un risque pour la santé humaine ou l'environnement, il peut limiter ou interdire, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire. »

M. Jean Bizet, rapporteur. À titre provisoire !

M. Jean Desessard. Cinq ans, c'est provisoire...

M. Jean Bizet, rapporteur. Soixante jours !

M. Jean Desessard. ...et, puisque certains considèrent que deux ans pour une période d'essai, ce n'est pas long, cinq ans pour un moratoire sur les OGM, c'est très acceptable !

Nous avons des informations nouvelles. Elles se multiplient même. Chaque mois apporte de nouvelles révélations, chaque fois plus inquiétantes et irréversibles, car on ne sait pas comment revenir en arrière une fois qu'on a mis le doigt dans l'engrenage. L'Argentine a foncé tête baissée dans le soja transgénique ; elle s'en mord les doigts. À cause de l'utilisation systématique du Roundup vendu en kit avec le soja transgénique, les mauvaises herbes s'adaptent et il se crée de super-mauvaises herbes. L'utilisation des herbicides augmente démesurément et la biodiversité s'appauvrit.

Un article intitulé « Nouveaux soupçons sur les OGM », paru dans Le Monde voilà quelques semaines, continue à entretenir le doute, raison pour laquelle je propose un moratoire de cinq ans sur toute opération de dissémination volontaire, un moratoire sur les essais en plein champ et sur toute autorisation de mise sur le marché d'OGM.

En contradiction avec le principe de précaution inscrit dans la Constitution, le présent projet de loi est donc irrecevable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je regrette que les auteurs de cette motion semblent si mal renseignés.

Premièrement, le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence sur ce texte. Il aurait aussi pu transposer par ordonnances les directives communautaires adoptées en 1998, époque à laquelle la famille politique des auteurs de cette motion était aux affaires. Il ne le fait pas. Ce gouvernement courageux a préféré mettre fin à la loi du silence qui a régi le dossier jusqu'en 2002. Il a fait le choix de soumettre un projet de loi à la représentation nationale. Mieux, il décide de permettre au débat démocratique de se déployer largement en n'interdisant pas plusieurs lectures de ce texte dans chaque assemblée.

Deuxièmement, je tiens à rappeler aux auteurs de la motion que la France fait l'objet d'une condamnation en manquement sur la transposition des directives communautaires que, précisément, le présent projet de loi transpose : la directive 90/219/CE, qui aurait dû être transposée avant octobre 1991, mais aussi la directive 2001/18/CE, qu'il fallait transposer avant octobre 2002. Les auteurs de la motion ne sont donc pas fondés à exiger un délai supplémentaire avant de transposer cette dernière directive. De toute façon, il ne serait pas raisonnable d'attendre que soit prouvée l'absence de risques. Par essence, cette absence de risques ne pourra jamais être démontrée scientifiquement, et la mission d'information menée par Jean-Yves Le Déaut à l'Assemblée nationale en est, elle aussi, convenue. Je ne rappellerai pas les orientations politiques de notre collègue député, avec qui nous avons sur ce sujet précis une identité totale de vue...

Troisièmement, je m'interroge sur la lecture que font les auteurs de la motion de l'article 5 de la Charte de l'environnement. Quel est l'objet du présent projet de loi si ce n'est de veiller « à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » éventuel ? C'est même la raison d'être de ce projet de loi que d'organiser des procédures, de mettre en place des instances et de fixer des règles qui assureront une utilisation maîtrisée et prudente des biotechnologies sur notre territoire.

J'émets donc un avis défavorable sur la motion.

M. Charles Revet. Bien entendu !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souscris évidemment totalement à l'avis qui vient d'être exprimé par M. le rapporteur.

Je l'ai dit, ce projet de loi est la stricte application du principe de précaution. Nous ne débattrions pas d'un tel texte si nous n'avions pas adopté récemment la Charte de l'environnement : le présent projet de loi résulte directement, je le répète, de la modification constitutionnelle que vous avez adoptée l'année dernière.

J'ajoute que la constitutionnalité de ce texte est en quelque sorte renforcée par le fait que nous transposons deux directives qui étaient en attente depuis plusieurs années et qui auraient pu être transposées par la majorité que les auteurs de la motion soutenaient à l'époque si elle en avait eu le souhait et si elle avait voulu procéder à la transposition suivant ses conceptions, s'agissant au moins de la directive de 1998.

M. Georges Gruillot. Elle a manqué de courage !

M. François Goulard, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'y a naturellement aucun motif d'irrecevabilité dans le projet de loi qui vous est soumis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Notre groupe s'abstiendra lors du vote de cette motion. J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer pourquoi au cours de la discussion générale : notre groupe est tout à fait favorable à la première partie du projet de loi relative à l'application de la directive 98/81/CE et, plus exactement, à la recherche en milieu confiné. Il est question de prolonger la démarche liée à la recherche, d'aller jusqu'au bout de la recherche.

Nous déposerons une série d'amendements tendant à conforter cette démarche car nous souhaitons qu'elle soit soutenue plus qu'elle ne l'est actuellement.

Aussi, nous ne saurions à la fois soutenir une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité contre ce projet de loi et adopter tout à l'heure des articles liés à la transposition d'une des directives concernées.

M. Jean Bizet, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 208 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 66, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (n° 200, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Évelyne Didier, auteur de la motion.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen a décidé de déposer cette motion tendant à opposer la question préalable pour exprimer son opposition à un texte de loi qui ne traite que partiellement le sujet des OGM et qui vise à transposer deux directives européennes, en évitant de poser les questions de fond.

La première question de fond est liée à l'exercice de la démocratie. Rappelons tout d'abord que plus de 70 % des Français ne sont pas favorables à la culture de produits génétiquement modifiés. De très nombreux élus régionaux, départementaux et communaux refusent les cultures d'OGM sur leurs territoires. Les agriculteurs « bios » s'inquiètent, on l'a dit.

Le 27 novembre 1997, le Gouvernement français avait pourtant annoncé un débat public sur les OGM ainsi qu'une conférence, sous l'égide de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce débat n'a malheureusement pas eu véritablement lieu.

Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est que ce débat soit amplifié, qu'il soit prolongé et que l'on y associe la population.

Nous ne pouvons pas légiférer sur cette grande question sans rechercher la confiance du peuple français, sauf à penser, encore une fois, que le Gouvernement a raison et que le peuple a tort. Ce n'est pas notre conception de la démocratie.

M. François Goulard, ministre délégué. Ce n'est pas le Gouvernement, c'est le Parlement qui a raison.

Mme Évelyne Didier. Or les propositions d'amendements visant à tenir compte des commissions locales d'information ont été rejetées par la commission.

De nombreuses dispositions sont, de plus, renvoyées à des décrets ultérieurs.

Je rappelle qu'à l'occasion de l'examen de certains projets de lois, les ministres communiquaient relativement rapidement les projets de décrets : nous savions alors déjà quelle direction nous prenions lorsque nous débattions du projet de loi.

Nous voyons bien, à travers ces deux exemples, que la transparence ne fait pas partie des objectifs de ce texte.

On voudrait en outre faire de la question des OGM une question de spécialistes. En témoigne la composition du Conseil des biotechnologies. On voudrait nous faire croire qu'il s'agit seulement d'une question de recherche scientifique. J'en veux pour preuve la présence de M. le ministre de la recherche, qui défend ce projet de loi. D'autres scénarios étaient envisageables.

M. Charles Revet. Le ministre est là !

Mme Évelyne Didier. Oui, mais ce projet de loi ne concerne pas seulement la recherche. C'est l'angle d'attaque que l'on a choisi.

M. Charles Revet. Le ministre est là, et vous le lui reprochez ?

Mme Évelyne Didier. Non je ne lui reproche pas d'être présent : monsieur le ministre, rassurez-vous ! Mais il s'agit bien d'un choix, et j'imagine que vous l'assumez.

M. François Goulard, ministre délégué. Généralement, j'assume !

Mme Évelyne Didier. La deuxième grande question que pose ce texte est celle de la mainmise des grands groupes mondiaux sur toute la production alimentaire.

Ces groupes imposent leurs produits d'un bout à l'autre de la chaîne, obligeant les agriculteurs du monde entier à adopter les mêmes schémas, les rendant prisonniers d'un système productiviste, dangereux peut-être, au mépris de la biodiversité et de la santé des hommes.

On ose appeler cela de la concurrence libre et non faussée ? En fait, rien n'est libre et tout est faussé.

Se pose une troisième grande question : celle de la responsabilité. Qui est responsable et de quels types de désordres ?

Le projet de loi évoque uniquement la responsabilité des agriculteurs et seulement pour les préjudices économiques. Rien ne concerne les semenciers, c'est-à-dire ceux qui fabriquent et commercialisent ces produits.

Monsieur le ministre, nous sommes pour une recherche sur les OGM, mais dans certaines conditions. Nous sommes pour une recherche en milieu confiné, qui fasse progresser la science, la médecine, qui apporte des solutions à des problèmes de santé publique, par exemple.

Cette recherche se doit d'être publique, elle doit être encadrée, contrôlée, elle doit être prudente et dépourvue d'intention mercantile.

En conclusion, monsieur le ministre, nous vous demandons de retirer ce projet de loi et de lancer sans plus tarder un grand débat national qui permettrait à tous les citoyens de se saisir de cette question en connaissance de cause, afin que le travail parlementaire s'appuie sur la volonté populaire, dans une démarche véritablement démocratique.

Nous demandons également la mise en place d'un moratoire sur la production et sur la mise en circulation à but commercial des OGM.

Nous demandons enfin que les moyens nécessaires soient donnés à la recherche publique, dont l'indépendance vis-à-vis des lobbies internationaux serait ainsi garantie.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Les auteurs de cette motion souhaitent que le Sénat ne poursuive pas le débat sur ce texte. Que se passerait-il dans ce cas, madame Didier ? La France serait tout simplement condamnée à payer une astreinte de 168 800 euros par jours. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez, mes chers collègues ? Je ne le pense pas.

Après ce rappel du contexte, j'en viens au fond.

Le projet de loi vise à transposer les directives 98/81/CE et 2001/18/CE. Opposer la question préalable, c'est considérer qu'il ne faut pas transposer ces directives.

Mme Évelyne Didier. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Jean Bizet, rapporteur. Je dois avouer que je ne saurais comprendre cette position. Je rappellerai à nouveau que ces deux textes ont été adoptés sous le gouvernement de M. Jospin, alors soutenu par votre groupe.

On ne peut laisser dire, non plus, que ce projet de loi entraînerait une logique de domination libérale sur l'agriculture. Bien au contraire, je crois que c'est une trop longue inaction dans le domaine des biotechnologies qui handicape l'agriculture française. Si cette inaction devait perdurer, elle pourrait tout simplement compromettre notre sécurité alimentaire.

En effet, pendant que les chercheurs et les semenciers français voyaient s'éroder l'avance et le savoir-faire qu'ils avaient acquis en matière de sélection végétale, la recherche en biotechnologies se concentrait autour de quelques groupes, de quelques groupes américains plus précisément.

C'est sur cette situation qu'il faut revenir ; le projet de loi le permet. Il y a urgence à relancer la recherche dans ce domaine. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Ce n'est pas la première fois depuis cet après-midi, madame la sénatrice, que j'entends développer l'argument selon lequel le débat que nous avons à l'heure actuelle à la Haute assemblée et qui se tiendra dans quelques semaines à l'Assemblée nationale ne serait pas démocratique. Je voudrais m'inscrire en faux contre une telle assertion.

Quand un projet de loi est soumis aux assemblées parlementaires par le Gouvernement, c'est l'essence même de la démocratie qui s'exprime.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. François Goulard, ministre délégué. C'est ici que le débat sur les questions les plus graves qui agitent notre société et concernent nos concitoyens doit se dérouler. C'est à vous, mesdames, messieurs les parlementaires, d'éclairer ce débat, d'exprimer les positions et les sentiments de nos concitoyens.

J'entends dire qu'il n'y a pas eu de débat public : c'est faux. Deux missions parlementaires ont entendu toutes les opinions possibles, ont auditionné toutes les associations, les chercheurs, les agriculteurs, les entreprises concernées.

Le débat est d'initiative publique : chacun peut le mener, personne ne se prive de le faire et les médias apportent à leur manière leur contribution.

Que serait une démocratie dans laquelle les sondages feraient la loi ? Vous nous dites que 70 % des Français refusent les OGM, mais comment étayez-vous cette affirmation ? Quelles questions ont été posées ? Quelle est la fiabilité d'un sondage ? Dans quel contexte a-t-il été effectué, sur quel type d'échantillon ? Les choses étaient-elles présentées de façon à garantir une réponse objective ?

Quand les parlementaires adoptent un projet de loi, madame la sénatrice, croyez-vous qu'ils le feraient s'ils considéraient que les deux tiers ou les trois quarts des Français y sont hostiles ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Il me semble qu'il est du rôle des parlementaires d'exprimer ce que pense la population française et qu'ils le font en leur âme et conscience. Vous allez le faire, les députés le feront. Cette manière de s'exprimer, de trancher les débats de sociétés et d'adopter la loi porte un nom : cela s'appelle tout simplement la démocratie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Ce débat peut sembler difficile. Il est vrai que, si les directives dont il est question n'ont pas été transposées en droit français, c'est qu'elles posaient un certain nombre de problèmes, aussi bien à l'époque où la gauche était aux affaires qu'à celle où la droite l'a remplacée. Vous avez tout de même pris quatre ans, mesdames, messieurs de la majorité, pour effectuer cette transposition. Ce fut également le cas pour la loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Il me semble donc que nous sommes à égalité à ce sujet.

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques. Non, la transposition, nous sommes en train de la faire !

M. Paul Raoult. Cela dit, que M. le rapporteur répète cet après-midi, par deux fois, que l'on aurait pu recourir aux ordonnances pour légiférer sur cette question, me semble véritablement inacceptable. Si cet argument était valable, pourquoi ne pas toujours légiférer par ordonnance ? Le Parlement ne servirait alors plus à rien. On ne peut sincèrement considérer l'ordonnance comme un moyen normal et régulier de légiférer ou alors je ne comprends plus ce qu'est la démocratie parlementaire.

Vous dites, monsieur le ministre, que c'est le Parlement qui décide. Je voudrais vous rappeler que, s'agissant d'un certain nombre de textes importants - et le projet de loi sur les OGM est un texte important, qui nous concerne tous et touche à un problème de société -, vous avez su arpenter les régions, les provinces, afin de convaincre les Français et les forces vives de la nation. Vous avez agi ainsi, par exemple, pour convaincre de la nécessité de la décentralisation.

Le thème des OGM n'a pas fait l'objet d'une telle mobilisation,...

M. Charles Revet et M. Jean Bizet, rapporteur. Mais si !

M. Georges Gruillot. Et les 35 heures ?

M. Paul Raoult. Vous n'avez pas circulé dans les départements, dans les régions, pour expliquer l'intérêt de ce projet de loi.

M. Jean Bizet, rapporteur. Nous l'avons fait avec M. Pastor !

M. Paul Raoult. Non, vous ne l'avez pas fait alors que ce texte me semble mériter une attention particulière.

Si aujourd'hui, dans les sondages, on sent un tel décalage entre les objectifs du texte que vous présentez et la position des Français à l'égard des OGM, c'est parce que, collectivement, nous n'avons pas expliqué les choses comme c'était notre devoir en tant qu'élus.

Aussi longtemps que l'on négligera l'information, que l'on restera dans l'obscurantisme, subsistera ce décalage entre la réalité des évolutions scientifiques et le sentiment qu'en a la population. Nous avons un devoir d'information vis-à-vis de la population tout entière.

Au-delà de l'adoption du projet de loi par le Parlement, si, demain, nous ne parvenons pas à persuader nos concitoyens de l'intérêt des OGM, mais aussi de l'importance des précautions qui doivent en accompagner la culture, nous ne ferons qu'accroître le décalage qui existe entre notre conviction et le sentiment de la population, et nous n'aurons pas avancé.

Nous avons déjà eu un débat de ce type à propos des fameux pylônes de téléphonie mobile : même si les scientifiques affirment qu'ils ne présentent aucun danger, il n'empêche que, sur le terrain, nous sommes confrontés aux craintes de la population,...

M. Henri Revol. Chacun veut pouvoir utiliser son portable, mais avec une antenne chez le voisin !

M. Paul Raoult. ... et si elle éprouve des craintes, c'est parce qu'elle manque d'informations. Nous devons donc aller au-devant d'elle pour lui expliquer l'absence de danger.

Tel est le point où nous en sommes aujourd'hui concernant les OGM, et vous verrez, mes chers collègues, que, quel que soit notre vote sur ce texte, sur le terrain, il sera difficile à appliquer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Je ne peux pas laisser notre collègue Paul Raoult affirmer qu'il n'y a pas eu de débat et que nous ne sommes pas allés à la rencontre des régions.

Nous avons mené à cet égard trois opérations. D'abord, en 1998, s'est tenue, sur l'initiative de Jean-Yves Le Déaut, la conférence de citoyens. Ensuite, tant l'Assemblée nationale que le Sénat ont établi différents rapports, et il est à relever que celui qu'a publié la Haute Assemblée en juin 2003 avait obtenu l'aval de tous les groupes politiques qui la composent ; vous passez par pertes et profits, mon cher collègue, une réflexion qui nous a conduits à auditionner quatre-vingts, voire quatre-vingt-dix personnalités, tous les membres de notre assemblée ayant pu prendre connaissance de ces auditions. Enfin, avec Gérard Larcher, qui était alors président de la commission des affaires économiques, et Jean-Marc Pastor, son rapporteur, nous avons pu nous rendre dans les différentes régions à la rencontre des associations, à la rencontre des agriculteurs.

Mais il est vrai que nous vivons dans une société d'inquiétude et d'irrationnel, et nous nous heurterons à cette difficulté tant que nous serons confrontés à une aussi forte désinformation.

J'ai effectivement dit que le Gouvernement aurait pu choisir de procéder par ordonnances ; il ne l'a pas fait. Cela étant, ce n'est pas un péché mortel de rappeler que c'était possible ! De fait, le débat démocratique a bien lieu.

En tout état de cause, je ne peux pas laisser dire que nous n'avons jamais abordé cette question au cours des dix dernières années. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 66, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Articles additionnels avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi, par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, d'une motion n° 209, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques les articles 11 à 27 du projet de loi n° 200 relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la motion.

M. Jean Desessard. Je demande le renvoi à la commission du projet de loi, en particulier de ses articles 11 à 27.

Nous comprenons et acceptons l'urgence de la transposition de la directive européenne de 1998 à propos des micro-organismes génétiquement modifiés, mais en milieu confiné, c'est-à-dire limitée aux seuls laboratoires. Il ne faut pas tout mélanger, et nous n'allons pas accepter les OGM en plein champ en prenant les médicaments pour prétexte !

De plus, la commission des affaires économiques n'a même pas pu auditionner le ministre de la recherche, ce qui est tout de même étonnant.

M. François Goulard, ministre délégué. Je n'ai jamais été convoqué !

M. Jean Desessard. Le rapport présenté au nom de la commission des affaires économiques, par son indigence, n'est pas de nature à éclairer les sénateurs confrontés à un choix capital à propos de l'autorisation ou non de la dissémination volontaire des OGM. En particulier, des études tendant à montrer les risques pour la santé publique et pour l'environnement ne sont pas mentionnées. Il faut rappeler qu'aucun suivi épidémiologique n'a été effectué dans les régions du monde où les OGM ont été introduits dans l'alimentation.

Je vous donne lecture d'un passage tiré d'un article récent, au titre évocateur, « Nouveaux soupçons pour les OGM » -, paru dans Le Monde : « En novembre 2005, des chercheurs australiens publiaient un article dans une revue scientifique expliquant que le transfert d'un gène exprimant une protéine à effet insecticide d'un haricot vers un pois avait suscité des problèmes inattendus : chez les souris nourries du pois transgénique, les chercheurs du CSIRO - l'équivalent australien du CNRS français - ont constaté la production d'anticorps, qui sont des marqueurs d'une réaction allergénique. L'affaire, qui a fait les gros titres de la presse australienne et anglaise, a conduit le CSIRO à arrêter le développement de ce pois transgénique, tandis que le ministre de l'agriculture de l'État d'Australie-Occidentale, Kim Chance, annonçait que son gouvernement financerait une étude indépendante sur l'alimentation d'animaux par des OGM : "Le gouvernement de l'État est conscient de l'inquiétude relative à la sûreté des OGM, alors que la plupart de la recherche dans ce domaine est menée ou financée par les compagnies mêmes qui promeuvent les OGM", a expliqué M. Chance, en novembre 2005, dans un communiqué. »

Et pourtant, ce pois transgénique avait passé tous les tests, en Australie. Admettons donc que nous savons peu de chose ; ce sera le début de la sagesse. (Sourires.)

Avant 2000, il n'y avait pas de preuve concernant la toxicité des aliments OGM tout simplement parce que les dossiers toxicologiques étaient très incomplets : faisaient notamment défaut des études à moyen terme, sur 90 jours, pour étudier les effets toxiques sur des animaux nourris avec des OGM ; les études s'arrêtaient à 30 jours... Depuis, les rares essais sur 90 jours qui ont été publiés montrent des anomalies pouvant provoquer jusqu'à 30 % de mortalité. Concernant les habitants de pays qui, comme les États-Unis ou l'Argentine, ont autorisé la consommation d'OGM par l'homme, on ne peut affirmer qu'il ne se passe rien, car on se prive du moyen indispensable pour mener une veille sanitaire et des enquêtes épidémiologiques : la traçabilité !

Les tests proposés dans le projet de loi sont insuffisants pour mesurer les effets à long terme de la dissémination des OGM dans l'environnement et dans l'alimentation. Des essais qui durent quelques mois sur des parcelles de quelques mètres carrés n'ont aucune signification : en matière d'OGM, c'est la quantité et le temps qui font la différence. Or cela ne peut pas faire l'objet d'une évaluation, car aucun retour en arrière n'est possible.

De plus, le projet de loi ne prévoit que des tests sur un OGM en général, non dans un milieu précis, dans un écosystème local précis.

Je propose donc un moratoire de cinq ans pour étudier les conséquences des OGM...

M. François Goulard, ministre délégué. Comment faire, alors ?

M. Jean Desessard. ... dans les pays où ils sont, hélas ! déjà en place, monsieur le ministre. Nous ne voulons pas servir de cobayes à l'industrie des biotechnologies.

Pourquoi cet acharnement à imposer les OGM alors que la population s'y oppose ? La France a-t-elle un besoin urgent de produire des aliments OGM ? Je croyais que nous avions atteint l'autosuffisance alimentaire, que nous produisions même trop, au point d'inonder les marchés des pays pauvres ! Les vendeurs d'OGM veulent nous vendre leurs produits chimériques en prétendant que ceux-ci permettraient de répondre aux urgences de la faim dans le monde ou de lutter contre les pollutions. Les réponses à ces problèmes ne sont pas techniques, elles sont sociales.

Pour combattre la malnutrition, tout le monde le sait, il faut mieux répartir les terres et les richesses, il faut réformer l'OMC pour que les pays riches ne ruinent pas les agricultures des pays pauvres à coups d'exportations subventionnées.

De même, s'agissant de la consommation, on veut nous faire croire que les carences alimentaires disparaîtront avec les OGM alors qu'elles proviennent en réalité d'une alimentation trop peu diversifiée et socialement mal répartie, et que les OGM sont en outre porteurs d'une uniformisation non seulement des modes de production, mais aussi des comportements alimentaires.

Les plantes génétiquement modifiées sont adaptées aux grandes exploitations intensives en monoculture ; elles ne sont pas adaptées à la France. Elles servent, pour 90 %, à nourrir les animaux d'élevage des pays riches, avec un rendement ridicule de 5 à 8 calories végétales pour produire 1 calorie animale. Elles conduisent, à travers la volonté de réaliser des économies d'échelle, à l'uniformisation des cultures puisqu'elles permettent de déverser partout les mêmes engrais chimiques, les mêmes pesticides. Car les agricultures paysannes et biologiques, les systèmes agraires diversifiés, constituent autant de micromarchés, autant d'obstacles à la mainmise de l'agrobusiness sur l'agriculture. C'est cette généralisation de la monoculture qui tend à chasser les paysans de leurs terres.

Les OGM sont l'aboutissement d'une vision scientiste et productiviste de l'agriculture, une agriculture « marchandisée » à l'extrême. C'est contre cette vision que, avec les paysans, les écologistes ont toujours lutté en faisant la promotion de l'agriculture biologique, moins gourmande en eau et en pesticides (M. Charles Revet manifeste son scepticisme), favorisant les circuits courts de distribution, dans un monde rural diversifié assurant la qualité de vie des paysans en même temps que la qualité de leurs produits.

M. François Goulard, ministre délégué. Cher ami, remettez vos sabots ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. La différence, aujourd'hui, c'est que, avec les OGM, les choses sont irréversibles. Les promoteurs des OGM franchissent allégrement les barrières entre espèces. Sélectionner et croiser des espèces, les paysans le font depuis des milliers d'années, mais intervenir dans le génome des plantes, manipuler l'ADN au coeur des cellules, cela soulève des questions fondamentales.

À chacun de prendre ses responsabilités, car les conséquences seront lourdes pour l'avenir. Nous prendrons les nôtres en nous opposant farouchement à ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Sans plus ample commentaire, je tiens à faire part de mon étonnement à la lecture de cette motion, dont les auteurs n'hésitent pas à dénoncer l'« indigence du rapport » que j'ai présenté devant la commission des affaires économiques.

M. Michel Charasse. C'est aimable !

M. Jean Bizet, rapporteur. Je constate, mon cher collègue, que la courtoisie ne vous étouffe pas (Sourires), et je le regrette.

Je vous rappelle, ainsi qu'à vos amis, que l'étude approfondie du projet de loi et les nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé en vue de son examen s'appuient sur un travail de longue haleine mené par la commission des affaires économiques au sujet des OGM. Elle y a en effet consacré - pardon de me répéter - deux rapports d'information en cinq ans : le premier a été établi en 1998 ; le second, rédigé par Jean-Marc Pastor en 2003, fut au demeurant adopté, encore une fois, à l'unanimité par la commission.

Je ne peux que regretter, mon cher collègue, que vous ayez préféré tout à l'heure organiser une conférence de presse ou pique-niquer dans les jardins plutôt que de participer à la réunion de la commission consacrée à l'examen des amendements nombreux, dont les vôtres, qui ont été déposés sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Raoult. Ça, c'est un argument scandaleux !

M. Jean Bizet, rapporteur. Quant aux informations scientifiques délivrées par certains quotidiens et dont vous faites état, je laisse au conseil des biotechnologies, qu'il est effectivement urgent de mettre en place, le soin d'en vérifier la validité. Pour ma part, j'ai siégé pendant trois ans à la commission du génie biomoléculaire, la CGB : croyez-moi, nous y avons travaillé avec beaucoup d'assiduité.

Par ailleurs, je me permets de vous renvoyer à la dernière étude en date, celle de l'organisme britannique Genetic Modification Science Review Panel, qui, s'appuyant sur des données internationales, conclut qu'aucun laboratoire n'a signalé d'effet toxique ou délétère résultant de la consommation d'aliments ayant pour origine des cultures génétiquement modifiées, consommation qui concerne des millions de personnes dans le monde depuis dix ans.

M. Gérard Le Cam. Il s'agit d'effets à court terme !

M. Jean Bizet, rapporteur. Vous avez également fait état de l'alimentation des animaux. J'avoue ma surprise, monsieur Desessard : vous n'ignorez sans doute pas que la France importe 78 % des protéines végétales dont elle a besoin pour nourrir son bétail.

Mme Évelyne Didier. Eh oui, c'est bien le problème !

M. Jean Bizet, rapporteur. Ainsi, on accepterait les importations provenant majoritairement de pays qui utilisent ces technologies, et on voudrait en priver nos agriculteurs !

M. Paul Raoult. Supprimez la jachère !

M. Jean Bizet, rapporteur. J'avoue que je ne comprends absolument pas !

Quoi qu'il en soit, j'émets un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 209, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Intitulé du titre Ier

Articles additionnels avant le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les importations de denrées agricoles génétiquement modifiées sont interdites et le gouvernement s'engage à ouvrir un débat public national au sujet des organismes génétiquement modifiés.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement a pour objet de stopper, dans un premier temps, l'importation de denrées agricoles génétiquement modifiées.

En effet, au nom de la « libéralisation du commerce », I'OMC vient d'inciter fermement l'Union européenne à importer des produits génétiquement modifiés en provenance, notamment, des États-Unis et du Brésil.

Même si l'Europe n'a pas été formellement condamnée, cette injonction vise en fait à accroître les débouchés commerciaux des grands propriétaires fonciers, agro-managers qui ont fait le choix de la production d'OGM, au détriment des petits agriculteurs familiaux des pays du Sud. Tout en méconnaissant les risques environnementaux qu'est éventuellement susceptible de faire peser la culture d'OGM, cette décision tend à favoriser l'enrichissement de ces riches propriétaires fonciers, bien souvent responsables de l'expulsion de leurs terres de petits paysans, et donc de la détresse de ces millions de sans-terre.

En interdisant ces importations, l'Europe pourrait encourager la constitution de filières agricoles émancipées de la tutelle des grands semenciers.

En outre, le non-contrôle de ces importations pose de véritables problèmes aux paysans français. Ainsi, le groupe Carrefour a signé avec de nombreux éleveurs des chartes de qualité leur garantissant un débouché en échange de diverses obligations, parmi lesquelles figure le fait de ne pas nourrir leur bétail avec des OGM.

Or, comme la France importe de grandes quantités de protéagineux et de maïs pour les animaux, de plus en plus d'éleveurs éprouvent les pires difficultés à trouver une nourriture qui soit garantie « hors OGM ». En interdisant les importations de produits OGM, on aiderait donc considérablement ces éleveurs.

Enfin, cet amendement vise à ouvrir un véritable débat sur le modèle agricole que nous voulons et sur les modes alimentaires que nous devrions privilégier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour de nombreuses raisons. La première - et qui se suffit à elle-même - est que cet amendement nous mettrait en infraction totale avec les règles européennes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 110, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le gouvernement s'engage à promouvoir au niveau international le principe de licences gratuites ou à des prix très avantageux pour les petits agriculteurs des pays en développement, ainsi que l'introduction de clauses de sauvegarde en leur faveur.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. En déposant ce projet de loi, le Gouvernement a prétendu reprendre les préconisations de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les OGM, rendues publiques au printemps dernier.

En fait, le Gouvernement a simplement repris les propositions qui lui convenaient et a subtilement oublié celles qui n'avaient pas ses faveurs. Ces dernières faisaient pourtant le relatif équilibre de ce rapport parlementaire.

Cet amendement reprend l'une d'entre elles, à nos yeux fondamentale : le principe de licences gratuites ou bon marché pour l'utilisation, par les petits paysans, de semences à leur disposition. En effet, personne ici ne peut nier combien les OGM constituent, potentiellement, une véritable arme alimentaire, à disposition évidemment de puissantes multinationales américaines ou européennes.

Plus les OGM seront cultivés dans le monde, plus ces paysans seront dépendants de ces firmes, des produits qui leur seront vendus, du prix de ces produits. Leur droit naturel à replanter ces semences leur sera évidemment nié et, petit à petit, ces firmes s'approprieront toutes ces cultures, privatisant de facto le vivant. L'appropriation de la nature par quelques groupes privés n'est pas une lubie : c'est un risque qui nous menace.

Aussi est-il nécessaire de promouvoir le principe de licences gratuites ou bon marché, afin de réduire ce risque économique.

Plus largement, il convient de réaffirmer le droit fondamental des paysans à utiliser le produit de leurs cultures, et donc à utiliser des semences fermières. Pour cela, il est urgent d'abroger la loi du 8 décembre 2004 relative à la protection des inventions biotechnologiques et instituant la brevetabilité du vivant.

Nous avons obtenu en commission que l'avis du Gouvernement soit demandé sur cet amendement humanitaire de bon sens. Tous les espoirs semblent permis pour qu'il soit adopté au bénéfice de tous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Sur cet amendement que nous avons trouvé pertinent, nous souhaiterions en effet connaître l'avis du Gouvernement.

Il est vrai que le développement des biotechnologies va de pair avec la multiplication des brevets. Sans aller jusqu'à imaginer une appropriation importante du vivant, il convient de préciser que seule est brevetable l'association entre un gène, une fonction et une application.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger le fait que le brevet garantit une rémunération à son détenteur : il s'agit de la juste compensation des investissements consentis en amont et des efforts de recherche déployés pour parvenir à l'invention brevetée.

Ces grands principes étant rappelés, la commission fait observer qu'une telle injonction au Gouvernement ne saurait figurer dans un texte de loi.

Toutefois, elle souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement sur le fond de l'amendement, c'est-à-dire sur les voies et moyens permettant de faciliter l'accès des pays en développement aux plantes génétiquement modifiées. Il y a là un certain parallélisme avec la discussion qu'a suscitée, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, la problématique du médicament.

M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Je partage l'avis qui vient d'être exprimé par la commission concernant la rédaction : une telle injonction ne saurait trouver place dans la loi.

S'agissant maintenant du fond, le Gouvernement est tout à fait favorable à la promotion des certificats d'obtention végétale, qui permettent en effet d'exonérer les petits agriculteurs des frais liés aux licences.

Par conséquent, nous allons dans le sens de la commission et, je crois pouvoir le dire, dans celui des auteurs de l'amendement. Nous pensons en effet qu'il convient de faire en sorte que l'accès aux certificats d'obtention végétale soit gratuit pour les petits agriculteurs.

Dans ces conditions, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission partage l'avis du Gouvernement.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 110 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Dans la mesure où le Gouvernement est d'accord, il ne s'agirait plus d'une injonction : il s'agirait de montrer le caractère volontaire d'une telle mesure.

Il ne me paraît pas inutile de savoir comment le Sénat se prononce sur un tel amendement ; par conséquent, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Quelque chose m'a peut-être échappé, mais il s'agit, à mon avis, d'un débat éminemment politique et non pas technique. Et sauf à ce qu'il y ait un empêchement majeur, si l'on introduisait cet amendement dans la loi - au demeurant, sa rédaction peut toujours être améliorée -, cela aurait certainement beaucoup plus de portée que des mesures prises par voie réglementaire.

À titre personnel, je ne comprends pas que la Haute Assemblée, qui est avant tout une assemblée politique, ne considère pas qu'il peut s'agir d'un signe fort en direction des petits agriculteurs et peut-être encore plus fort en direction des grands semenciers : il ne serait pas inutile de montrer à ces derniers que, lorsqu'il s'agit d'alimentation, notamment dans les pays pauvres, cette affaire a une réelle portée politique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE TITRE III DU LIVRE V DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT

Articles additionnels avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Chapitre Ier

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :

Dispositions générales relatives aux organismes génétiquement modifiés et à leur utilisation

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Il s'agit de rendre plus lisible l'intitulé du titre Ier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé.

CHAPITRE IER

MODIFICATIONS DU CHAPITRE IER RELATIF AUX DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Intitulé du titre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :

Dispositions générales

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Là encore, il s'agit d'améliorer la lisibilité du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.

Chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 145, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Aucune autorisation de dissémination volontaire ou de mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés ne sera délivrée avant le 1er janvier 2012.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. L'article 23 de la directive européenne 2001/18/CE prévoit une clause de sauvegarde permettant aux États de se prononcer pour un moratoire. La Grèce, la Suisse, la Roumanie ou l'Autriche et 78 % des Français, selon un sondage BVA, sont favorables à un moratoire.

Depuis la mise en place du moratoire de l'Union européenne, en 1999, la controverse scientifique n'a pas été résolue. Au contraire, de nouvelles découvertes scientifiques suscitent des doutes légitimes à propos des effets possiblement néfastes des organismes génétiquement modifiés sur l'environnement, la diversité des cultures et la santé des consommateurs.

Cet amendement vise ainsi à se conformer à l'article 5 de la Charte de l'environnement, adossée à la Constitution française, et dont je rappelle les termes : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

Permettez-moi de citer quelques exemples de travaux scientifiques dont les conclusions ne vont pas du tout dans le sens d'une innocuité des OGM.

Le York Nutritional Laboratory, qui surveille les allergies en Grande-Bretagne, a montré que les allergies au soja ont augmenté de 50 % entre 1998 et 1999, période qui correspond à l'introduction de soja génétiquement modifié dans l'alimentation britannique.

En Irlande, le docteur Cullen, vice-président de Irish Doctors, a rapporté une augmentation des allergies au soja chez les enfants depuis l'importation de soja GM.

Aux États-Unis, depuis l'introduction des OGM dans l'alimentation, les maladies liées à l'alimentation ont doublé au cours des sept dernières années. Ce n'est pas moi qui le dis : c'est le New York Times.

De nombreuses études scientifiques montrent qu'une nourriture à base d'OGM peut être toxique

L'équipe du professeur Biggiogera, de l'université d'Urbino en Italie, a réalisé plusieurs études sur l'impact sanitaire des OGM dans l'alimentation humaine et animale.

Les résultats d'une première étude montrent qu'une alimentation à base de soja transgénique pendant un à cinq mois entraîne une modification de l'activité enzymatique dans les testicules de souris, une modification des cellules impliquées dans le fonctionnement des testicules, ainsi qu'une forte activité de l'ADN témoignant d'une synthèse de protéines accrue.

M. François Fortassin. Abandonnez-moi ça rapidement ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je vous conseille effectivement d'abandonner les OGM ! (Nouveaux sourires.)

Une autre étude du même laboratoire montre les effets secondaires d'une alimentation à base de soja transgénique sur les cellules du foie : modifications de composants du noyau de ces cellules impliqués dans les processus de synthèse de protéines.

Enfin, monsieur le rapporteur, je tiens à préciser que, lorsque j'ai parlé d'« indigence du rapport », je visais le fait que celui-ci minimise les risques des OGM. Je viens de vous donner quelques exemples qui montrent que ces risques existent bel et bien, et la suite du débat me fournira l'occasion d'en évoquer d'autres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Les auteurs de l'amendement souhaiteraient revenir à la logique du moratoire qui avait prévalu de 1999 à 2004. Mais il convient de rappeler que, lorsque la France, le Danemark, la Grèce, l'Italie et le Luxembourg avaient, en juin 1999, demandé un moratoire, c'était tout simplement dans l'attente de l'adoption de dispositions garantissant effectivement un étiquetage fiable de l'ensemble des produits issus des OGM, de manière à assurer une complète traçabilité. C'est en septembre de la même année que le fameux seuil de 0,9 % déclenchant l'étiquetage a fait l'objet d'une réglementation, laquelle est toujours en vigueur depuis.

La Commission a adopté, le 22 septembre 2003, deux règlements relatifs, d'une part, aux denrées alimentaires et aliments constitués d'OGM, en contenant ou en dérivant, et, d'autre part, à la traçabilité et à l'étiquetage des OGM. La levée effective du moratoire a été marquée par la reprise des autorisations en 2004.

Les auteurs de l'amendement invoquent, comme ils le font régulièrement, la clause de sauvegarde figurant à l'article 23 de la directive 2001/18/CE.

Je crains, monsieur Desessard, qu'il n'y ait, dans votre analyse, une confusion sur ce point précis. Vous y faites référence pour justifier le retour au moratoire. Pourtant, cet article ne permet à un État membre de limiter ou d'interdire provisoirement l'utilisation d'un OGM que si des informations nouvelles, connues après l'autorisation de cet OGM, amènent à considérer que ce dernier présente un risque pour la santé ou l'environnement. C'est donc un cas bien précis et non un cas général.

Vous invoquez également l'article 5 de la Charte de l'environnement. Or le principe de précaution ne saurait être compris comme un principe d'inaction et la Charte de l'environnement exige la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques, certes, mais aussi l'adoption de mesures provisoires et proportionnées pour parer à la réalisation d'un dommage susceptible d'affecter de manière grave et irréversible l'environnement.

L'objectif du présent texte est précisément de mettre en place une évaluation fiable des risques grâce au conseil des biotechnologies ainsi que de prévoir des mesures de prudence pour accompagner l'utilisation des OGM et éviter tout dommage irréversible.

Voilà pourquoi, monsieur Desessard, la commission émet un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, la directive 2001/18/CE prévoit, dans son article 34, un délai de transposition expirant au 17 octobre 2002, échéance que nous avons manifestement dépassée.

En second lieu, comme vient de le rappeler M. le rapporteur avec beaucoup de pertinence, l'interprétation qui est faite de l'article 23 est totalement erronée. Il s'agit d'une clause de sauvegarde et non pas d'une possibilité d'instaurer un moratoire d'une manière arbitraire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article 2

Article 1er

L'article L. 531-1 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et de l'article L. 125-3, » sont supprimés ;

2° Au 1°, après les mots : « y compris les virus », sont ajoutés les mots : «, les viroïdes et les cultures de cellules végétales et animales » ;

3° Au 3°, après le mot : « stockés, » est inséré le mot : « transportés, » et après le mot : « éliminés » sont insérés les mots : « ou utilisés de toute autre manière ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 73 est présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste.

L'amendement n° 146 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour présenter l'amendement n° 73.

M. Jean-Marc Pastor. Le 1° de l'article 1er prévoit la suppression de l'article L. 125-3 du code de l'environnement. C'est tout de même assez surprenant, surtout après que nous avons entendu M. le ministre affirmer, à juste titre d'ailleurs, l'exigence de transparence et la nécessité d'une information permanente. Supprimer l'article L. 125-3, c'est retirer du code de l'environnement une disposition qui vise précisément à assurer transparence et information.

Cet amendement a donc pour objet de maintenir la référence à l'article L. 125-3 du code de l'environnement, qui consacre le droit du public à l'information quant aux effets potentiels de la dissémination d'OGM sur la santé publique ou l'environnement.

Alors que, dans tous les domaines de la vie publique, des citoyens, de mieux en mieux informés, demandent davantage de transparence, la suppression par le projet de loi du droit général à l'information sur un sujet aussi important et controversé constitue un grave recul démocratique. (M. le ministre fait un signe de dénégation.).

Monsieur le ministre, vous faites signe qu'il ne s'agit pas tout à fait de cela. Vous nous corrigerez si nous avons commis une erreur. Dans ce cas, nous rectifierons ou retirerons notre amendement. Mais vous comprendrez la surprise que nous avons ressentie à la lecture de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 146.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de maintenir la référence à l'article L. 125-3 du code de l'environnement, qui consacre le droit du public à l'information quant aux effets potentiels de la dissémination des OGM sur la santé publique ou l'environnement.

À l'heure où, dans les domaines les plus variés, des citoyens demandent davantage de transparence, la suppression de cette référence, non seulement constitue un grave recul démocratique, mais encore ne peut que contribuer à renforcer la suspicion envers ces produits.

Cela étant, je comprends que l'information du public ne constitue pas la priorité du Gouvernement, car l'opinion publique va, monsieur le ministre, à l'encontre de votre projet, qui est aussi le projet du lobby pro-OGM, de développer les biotechnologies à tout prix.

Vous avez démontré au moins à deux reprises que l'information du public n'était pas votre priorité.

Tout d'abord, l'an dernier, une note - triste note ! - des autorités françaises demandait à la Commission européenne de garder confidentielles des informations liées à la toxicité des maïs Bt 11, en France, et MON 863, en Allemagne, qui seraient susceptibles d'entacher la confiance de l'opinion publique dans le processus de gestion du risque, mais également de nuire à la position concurrentielle de l'entreprise.

Il est en effet apparu que le maïs MON 863, produit par la société Monsanto, avait des effets désastreux : inflammation des reins, augmentation du nombre de globules blancs chez les mâles, baisse du nombre de globules rouges et augmentation de la glycémie chez les femelles, évoquant des pathologies de type inflammatoire.

Des recherches approfondies sont en cours pour faire toute la lumière sur la nocivité de ce maïs.

Ensuite, la volonté de désinformation du Gouvernement s'est dirigée vers les enfants, et je tiens à exprimer mon désaccord avec de telles méthodes.

Un ouvrage intitulé Explique-moi les OGM est paru l'an dernier aux éditions Nane. Destiné en particulier aux centres de documentation et d'information des collèges et des lycées, il vante les mérites de la culture des OGM. La préface fut d'abord signée par Claudie Haigneré, ancien ministre de la recherche, puis par son successeur, François d'Aubert. Les OGM y sont présentés comme la solution à la faim dans le monde et comme des produits ne présentant aucun danger, ni pour la santé ni pour la planète.

Cette brochure a été réalisée en partenariat avec Proléa et Biogema, filiales de Limagrain, une des cinq multinationales qui sont en train de se partager le contrôle de la totalité des semences mondiales,...

M. Jean Bizet, rapporteur. C'est une entreprise française !

M. Michel Charasse. Auvergnate, même !

M. Jean Desessard. ... et Unigrains, firme multiplicatrice de semences, au service des premières.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je crois que l'approche des auteurs des amendements résulte d'une confusion.

M. Jean-Marc Pastor. Absolument, monsieur le rapporteur, je m'en rends maintenant compte. Je retire donc l'amendement n° 73, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 73 est retiré.

En est-il de même pour l'amendement n° 146, monsieur Desessard ?

M. Jean Desessard. Non, monsieur le président, car je souhaite entendre les explications de M. le rapporteur et celles de M. le ministre.

M. le président. Alors, veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Il est vrai que l'article L. 125-3 organise le droit d'information du public sur les effets de la dissémination volontaire d'OGM pour la santé publique ou l'environnement.

En revanche, la suppression de la référence à l'article L. 125-3 dans l'article L. 531-1 ne peut pas être lue comme la suppression du droit général à l'information sur les effets potentiels de la dissémination d'OGM. Soit les auteurs de ces amendements se sont fourvoyés - il semble que ce soit le cas de M. Pastor, ainsi que celui-ci vient de le reconnaître implicitement en retirant le sien - soit ils se fondent sur une argumentation fallacieuse.

L'objet de la suppression de la référence à l'article L. 125-3 est simplement d'assurer une logique interne dans le code de l'environnement.

L'article L. 125-3 renvoie à la définition des OGM figurant au titre III du livre V du code de l'environnement. Or, l'article L. 531-1 de ce même titre III définit précisément les OGM au sens du titre III du livre V, mais aussi au sens de l'article L. 125-3.

Le renvoi croisé entre les deux articles n'est pas opportun. C'est précisément pour en finir avec cette structure juridique prêtant à confusion que le Gouvernement propose de définir les OGM seulement dans le titre III du livre V.

L'article L. 125-3 reste néanmoins entièrement valable et le droit à l'information sur les effets de la dissémination volontaire d'OGM se trouve même clarifié puisqu'il renvoie à une définition désormais bien bordée.

Les auteurs de l'amendement restant en discussion peuvent donc être rassurés. Il s'agit en fait d'un article de clarification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Comme M. le rapporteur vient de l'expliquer, l'article L. 125-3 n'est pas abrogé. C'est une référence à cet article qui était mal placée dans le code que nous proposons au Sénat de supprimer. La confusion est totale et l'amendement n° 146 est dépourvu d'objet.

M. Desessard va sans doute nous citer à nouveau un article d'un grand quotidien du soir qui faisait état de suspicions pesant sur la consommation d'OGM.

Monsieur le sénateur, s'agissant de questions scientifiques complexes, permettez-moi de vous faire une recommandation très simple.

Le grand quotidien du soir que vous évoquez n'est pas une revue scientifique à comité de lecture. Or ce sont de telles revues qui constituent la référence pour les communautés scientifiques et pour les chercheurs de tous les pays du monde. Les articles qui paraissent dans ces revues sont passés par un certain nombre de filtres. Ces filtres ne sont certes pas parfaits : il arrive que certains articles comportent des erreurs, mais les revues sont alors amenées à faire amende honorable.

Avant d'accorder une crédibilité scientifique à une information, il faut à tout le moins que cette information ait subi le crible de la communauté scientifique. Cette règle est acceptée par toutes les femmes et tous les hommes de science, dans tous les pays. Nous gagnerions en clarté en nous référant à des informations scientifiques fiables plutôt qu'à des supputations qui n'ont pas fait l'objet des vérifications scientifiques les plus élémentaires.

M. Michel Charasse. Belle leçon pour la presse !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. J'ignore si tout le monde a bien compris, mais reconnaissez que le renvoi d'une partie de l'article 1er à un autre article est tout juste clair. D'une certaine façon, nous faisons ce soir, en séance publique, un travail qui aurait dû être effectué en commission.

M. Michel Charasse. Ou au Conseil d'État !

M. Jean-Marc Pastor. Notre débat y aurait gagné en clarté !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Si j'ai bien compris, M. le ministre a dénoncé la nocivité des articles génétiquement modifiés ! (Sourires.)

M. François Goulard, ministre délégué. C'est un peu facile !

M. Jean Desessard. Mais je reviens, monsieur le ministre, sur la recommandation que vous avez cru devoir me faire.

N'y a-t-il pas 750 chercheurs dans le monde qui demandent que l'on arrête la commercialisation des OGM ?

Ne connaissez-vous pas vous-même un exemple qui montrerait que les OGM peuvent justifier des craintes ? En effet, à vous entendre, il est inutile de prendre quelque précaution que ce soit puisqu'il n'y a aucun danger !

M. François Goulard, ministre délégué. Je n'ai jamais dit cela !

M. Jean Desessard. Si les exemples que je cite ne sont pas recevables, ne pouvez-vous pas, vous, en citer de bons, qui permettraient de conclure à un risque de toxicité ?

M. Michel Charasse. Le Monde est un excellent exemple de toxicité ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je pourrais alors vous faire confiance puisque vous auriez eu le courage d'admettre que les problèmes existent.

Cela dit, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 146 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 147, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° Les 1° et 2° sont remplacés par neuf alinéas ainsi rédigés :

« 1° « organisme » : toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique ;

« 2° « organisme génétiquement modifié » : un organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle.

« Aux fins de la présente définition :

« a) la modification génétique se fait au moins par l'utilisation des techniques énumérées à l'annexe I A, première partie de la directive 2001/18/CE ;

« b) les techniques énumérées à l'annexe I A, deuxième partie, de la directive 2001/18/CE ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique ;

« ... ° « notification » : la présentation des informations requises par la directive 2001/18/CE à l'autorité administrative compétente ;

« ... ° « notifiant » : la personne qui soumet la notification ;

« ... ° « produit » : une préparation consistant en un OGM ou une combinaison d'OGM, ou en contenant, mise sur le marché ;

« ... ° « évaluation des effets et des risques pour la santé et l'environnement » : l'évaluation des risques, directs ou indirects, immédiats ou différés, locaux, distants ou généraux, que la dissémination volontaire ou la mise sur le marché d'OGM peut comporter pour la santé publique et l'environnement, effectuée conformément à l'annexe II de la directive 2001/18/CE. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à mettre en conformité le projet de loi avec les définitions données par la directive 2001/18/CE. Il paraît en effet difficile de parvenir à une harmonisation des législations des États membres de l'Union européenne sans un accord préalable sur l'objet de l'harmonisation.

Le non-respect des définitions proposées par la directive, qui en sont des éléments substantiels, aurait pour effet d'en dénaturer le contenu et rendrait le texte de transposition français contraire au droit européen.

Le Gouvernement affirme qu'il faut respecter la directive de l'Union européenne ; je vous propose donc de le faire vraiment.

Comme nous le verrons tout au long de ce débat, le Gouvernement transpose ce qui l'intéresse et néglige ce qui ne va pas dans l'intérêt des firmes productrices de semences.

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

I. Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« organisme génétiquement modifié : organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle.

« Aux fins de la présente définition :

« a) la modification génétique se fait au moins par l'utilisation des techniques énumérées à l'annexe I A, première partie de la directive 2001/18/CE ;

« b) les techniques énumérées à l'annexe I A, deuxième partie, de la directive 2001/18/CE ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique. »

II. Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° évaluation des effets et des risques pour la santé et l'environnement : l'évaluation des risques, directs ou indirects, immédiats ou différés, locaux, distants ou généraux, que la dissémination volontaire ou la mise sur le marché d'organismes génétiquement modifiés peut comporter pour la santé publique et l'environnement, effectuée conformément à l'annexe II de la directive 2001/18/CE. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Le projet de loi ne nous paraît pas exhaustif et il mériterait d'être complété de manière à prévoir une panoplie globale. Je reprends donc à mon compte les arguments que M. Jean Desessard a présentés en défendant son amendement, qui est proche du nôtre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. J'apprécie la lecture scrupuleuse que les auteurs de l'amendement ont faite de la directive 2001/18/CE. Il me semble toutefois que les propositions qui sont présentées sont ou bien superflues, ou bien lacunaires, ou bien non conformes à la directive.

En effet, la définition des OGM figurant dans le présent projet de loi reprend strictement celle du code de l'environnement, à une nuance près, les auteurs souhaitant que l'être humain soit explicitement écarté du champ de la définition.

L'exclusion des êtres humains est prévue par la directive, mais elle n'exige pas de dispositions expresses dans notre ordre juridique national. En effet, le principe selon lequel la personne est sujet de droit s'oppose à toute possibilité de la considérer comme un OGM.

L'article 16-4 du code civil dispose en effet :

« Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine.

« Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite. [...]

« Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée au caractère génétique dans le but de modifier la descendance de la personne. »

C'est parfaitement clair.

En interdisant de modifier les caractéristiques génétiques de l'espèce humaine, le droit national est donc déjà en harmonie avec la législation communautaire.

S'agissant des techniques de modification génétique, le renvoi que proposent les auteurs des amendements aux annexes de la directive 2001/18/CE est lacunaire. En effet, ils font seulement référence aux techniques énumérées à l'annexe I A, deuxième partie, de la directive 2001/18/CE, alors qu'il faudrait également mentionner celles qui sont répertoriées à l'annexe I B de la directive 98/81/CE.

J'ajoute que d'autres techniques de modification génétique sont exclues par la directive du champ de la réglementation spécifique aux OGM. Il s'agit de techniques qui ont fait l'objet d'une utilisation traditionnelle, sans inconvénients avérés pour la santé publique ou l'environnement. Ces techniques sont listées à l'annexe II A de la directive 98/81/CE et à l'annexe I B de la directive 2001/18/CE.

Concernant les définitions que les amendements, en particulier l'amendement n° 147, tendent à insérer dans le code de l'environnement, je ferai deux remarques.

D'une part, il n'est pas dans notre tradition juridique de multiplier les définitions. Le projet de loi a retenu celles qui étaient nécessaires à la compréhension du texte, laissant opportunément de côté la définition des mots « notifiant », « notification », « produit », « évaluation des risques », d'autant plus que la définition de l'évaluation des risques est largement tautologique dans l'ensemble de la directive.

D'autre part, la définition de l'évaluation des effets et des risques pour la santé et l'environnement proposée par les auteurs des amendements s'écarte de celle qui figure dans la directive. En effet, elle intègre l'évaluation des effets, et non seulement celle des risques, et elle exige d'évaluer des risques « locaux, distants ou généraux », que la directive ne prévoit pas d'examiner.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Je ne vais pas répéter ce que M. le rapporteur a dit excellemment et de manière très détaillée.

J'ajouterai simplement qu'on ne transpose pas une directive en la réécrivant en droit français, sans autre forme de procès. Si les instances européennes avaient voulu que les États membres procèdent ainsi, elles auraient adopté un règlement et non pas une directive.

Chacun le sait, l'exercice auquel nous nous livrons présentement consiste en une réécriture de notre législation nationale pour la rendre conforme aux objectifs fixés par des directives. J'ai aussi siégé dans l'opposition : je sais donc comment on rédige les amendements ; mais ces deux-ci appellent évidemment un avis défavorable de la part du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 74, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 3° de cet article :

3°) Au 3°, après le mot : « génétiquement modifiés sont », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « cultivés, stockés, transportés, détruits, éliminés ou mis en oeuvre de toute autre manière ».

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. La question que soulève la présente transposition ne vise pas uniquement la culture des OGM. Les précautions à prendre concernent également toute la chaîne du transport, du stockage, etc. Des disséminations peuvent intervenir à tous les stades de cette chaîne. D'où la nécessité de procéder, dès le départ, à une définition globale de la problématique des OGM, y compris les plantes génétiquement modifiées.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au quatrième alinéa (3°) de cet article, après les mots :

Au 3°,

rédiger ainsi la fin de la phrase :

après le mot: « sont », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « cultivés, stockés, transportés, détruits, éliminés ou mis en oeuvre de toute autre manière ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à élargir, conformément à la directive 2001/18/CE, le champ juridique des opérations soumises à la réglementation spécifique aux OGM disséminés, en ajoutant les termes « de toute autre manière » aux mots « mis en oeuvre », tout en abandonnant le terme voisin « utilisés », qui est redondant pour définir l'utilisation et donc bien peu éclairant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 74 ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement sous réserve qu'il soit rectifié pour devenir identique à l'amendement n° 3.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 3. Comme sa rédaction nous paraît meilleure que celle de l'amendement n° 74, j'exprimerai un avis défavorable sur ce dernier, tout en comprenant les intentions de ses auteurs.

M. le président. Monsieur Pastor, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 74 pour le rendre identique à l'amendement n° 3 ?

M. Jean-Marc Pastor. Bien sûr, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 74 rectifié.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié et 3.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Article 3

Article 2

L'article L. 531-2 est ainsi modifié :

1° Les mots : « et de l'article L. 125-3 » sont remplacés par les mots : «, de l'article L. 125-3 et de l'article L. 515-13 » ;

2° Les mots : « de la commission de génie génétique » sont remplacés par les mots : « du conseil des biotechnologies ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 76, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 1° de cet article :

1° Le premier alinéa de l'article L. 531-2 du code de l'environnement est rédigé comme suit :

« Les ministres en charge de l'Agriculture et de l'Environnement fixent, après avis du Conseil des biotechnologies, la liste des produits composés en tout ou partie d'organismes qui - par référence aux techniques énumérées à l'annexe I B, deuxième partie, de la directive 2001/18/CE - ne sont pas considérés comme génétiquement modifiés. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative ne suit pas l'avis du Conseil des biotechnologies, sa décision doit être motivée. »

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Cet amendement vise à mettre le projet de loi en conformité avec les prescriptions de l'article 3.1 de la directive 2001/18/CE concernant les types de techniques qui n'entraînent pas de modification génétique. L'actuel article L. 531-2 du code de l'environnement fait référence à des critères d'exclusion dont la définition n'est pas très claire et qui ne sont absolument pas conformes au droit communautaire.

De plus, afin que la sollicitation de l'avis du conseil des biotechnologies ne se réduise pas à une simple formalité, l'autorité administrative devra motiver sa décision lorsqu'elle fera le choix de trancher dans un sens contraire à cet avis.

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Remplacer le 1° de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le premier alinéa de l'article L. 531-2 du code de l'environnement est rédigé comme suit :

« Les ministres en charge de l'agriculture et de l'environnement fixent, après avis du conseil des biotechnologies, la liste des produits composés en tout ou partie d'organismes qui - par référence aux techniques énumérées à l'annexe I B, deuxième partie de la directive 2001/18/CE - ne sont pas considérés comme génétiquement modifiés. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative ne suit pas l'avis du conseil de biotechnologie, la décision  doit être spécialement motivée. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je me rallie à la rédaction de l'amendement défendu par M. Pastor et rectifie mon amendement en conséquence.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 148 rectifié, identique à l'amendement n° 76.

L'amendement n° 4, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. Au début du deuxième alinéa (1°) de cet article, ajouter les mots :

Au premier alinéa,

B. Au début du dernier alinéa (2°) de cet article, ajouter les mots :

Au second alinéa,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. César,  Grignon,  Doublet,  Pointereau et  Mortemousque, Mme Gousseau, MM. Bécot,  Leroy,  de Raincourt,  Juilhard,  Barraux,  Martin et  Gouteyron, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° À la fin de la seconde phrase, les mots : « après avis de la commission de génie génétique » sont supprimés.

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement vise à mettre l'article 2 en conformité avec les directives ici en cause.

Les organismes génétiquement modifiés sont définis en fonction d'une liste de techniques fixée au niveau communautaire dans les annexes des directives. Le conseil des biotechnologies, qui reprendra les missions de la commission du génie génétique, n'a donc pas à intervenir dans la définition de cette liste.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que le sien ?

M. Jean Bizet, rapporteur. En ce qui concerne les amendements nos 76 et 148 rectifié, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer en présentant l'avis de la commission sur l'amendement n° 75, le champ juridique non concerné par ce projet de loi ne peut se réduire aux techniques considérées par la directive comme n'entraînant pas de modifications génétiques.

Le texte de l'article L. 531-2 du code de l'environnement est, pour sa part, conforme aux critères d'exclusion définis par le droit communautaire ; il n'y a donc pas de raison de le modifier sur ce point. La commission est, par conséquent, défavorable à ces amendements.

Monsieur César, les directives communautaires établissent effectivement dans leurs annexes la liste des techniques considérées comme ne relevant pas de la réglementation spécifique aux OGM. C'est le cas des annexes I B et II A de la directive 98/81/CE et des annexes I A, deuxième partie, et I B de la directive de 2001/18/CE.

Néanmoins, la liste des techniques figurant dans ces annexes pourrait se trouver décalée par rapport aux évolutions technologiques, très rapides dans le domaine des sciences du vivant. Le Gouvernement devra donc solliciter l'expertise scientifique du haut conseil des biotechnologies pour parvenir à déterminer si telle ou telle technique doit ou non entrer dans le champ de la réglementation spécifique aux OGM.

Je n'entrerai pas dans le détail des diverses techniques concernées, mais il est certain que la ligne de partage tracée par le législateur européen entre les techniques considérées comme donnant lieu à modifications génétiques et les autres est subtile. La compréhension fine de cette ligne de partage exige une compétence scientifique pointue.

En conséquence, monsieur César, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 50 rectifié ; à défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 76 et 148 rectifié pour les raisons qui ont été invoquées par M. le rapporteur.

Sur l'amendement n° 4 de M. le rapporteur, l'avis du Gouvernement est favorable.

J'en viens à l'amendement n° 50 rectifié. Il est vrai que l'on peut s'interroger sur l'utilité de la consultation du conseil. Cependant, comme l'a indiqué M. le rapporteur, l'interprétation de l'annexe de la directive peut être parfois scientifiquement délicate. Par conséquent, l'avis du conseil des biotechnologies pourrait nous être utile. C'est la raison pour laquelle j'émets le même avis que M. le rapporteur.

Certes, monsieur César, le bon sens pourrait nous inciter à vous suivre, mais la rédaction des annexes nous donne à penser que l'avis du conseil ne sera pas nécessairement superflu.

M. le président. Monsieur César, l'amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard César. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des arguments que M. le ministre et M. le rapporteur ont développés.

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 76 et 148 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Articles additionnels après l'article 3 (début)

Article 3

Les articles L. 531-3, L. 531-4 et L. 531-5 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 531-3. - Le conseil des biotechnologies éclaire les choix du gouvernement en matière de biotechnologies.

« Il est chargé d'évaluer les risques pour la santé publique ou l'environnement liés à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés, aux procédés mis en oeuvre pour leur obtention, à l'utilisation de techniques de génie génétique et à la dissémination volontaire de ces organismes, sous réserve des compétences exercées par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en application de l'article L. 1323-1 du code de la santé publique.

« Il est consulté sur les demandes d'agrément, les déclarations et les demandes d'autorisation en vue de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés. Il propose les mesures de confinement nécessaires à la prévention des risques pour la santé publique ou pour l'environnement liés à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés. Il propose également, les mesures destinées à prévenir ou limiter les risques liés à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés. 

« Art. L. 531-4. - Le conseil des biotechnologies comprend, outre son président, une section scientifique et une section économique et sociale.

« La section scientifique est composée de personnalités désignées en raison de leur compétence scientifique et technique dans les domaines se rapportant au génie génétique, à la protection de la santé publique, aux sciences agronomiques et aux sciences appliquées à l'environnement.

« La section économique et sociale est composée de représentants d'associations, de représentants d'organisations professionnelles et de personnalités scientifiques.

« Art. L. 531-5. - Un décret précise la composition, les attributions et les règles de fonctionnement du conseil des biotechnologies. »

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement :

« Art. L. 531-3.- Le haut conseil des biotechnologies éclaire les choix du Gouvernement en matière de biotechnologies et contribue au dialogue entre la science et la société. Il établit un rapport annuel d'activité adressé au Gouvernement qui le transmet aux deux assemblées. Ce rapport est rendu public. 

B. En conséquence, dans l'ensemble du projet de loi, remplacer les mots :

conseil des biotechnologies

par les mots :

haut conseil des biotechnologies

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à marquer l'importance du conseil des biotechnologies en le dénommant « haut conseil des biotechnologies ».

L'amendement tend en outre à préciser la double mission de cet organisme : éclairer les choix du Gouvernement et lui permettre de dialoguer avec les experts scientifiques, ce qui n'est pas aisé.

Il vise enfin à prévoir l'établissement d'un rapport annuel par le haut conseil ainsi que sa publication pour assurer l'information de tous.

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement :

« Art. L. 531-3. - Le Conseil des biotechnologies éclaire les choix du gouvernement en matière de biotechnologies, et contribue au dialogue entre la science et la société. Il établit un rapport annuel d'activité adressé au gouvernement qui le transmet aux deux assemblées. Ce rapport est rendu public.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Le projet de loi substitue le conseil des biotechnologies à la commission du génie génétique, à la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire et au comité de biovigilance. Le regroupement de ces trois instances en une seule structure permettra d'avoir une vision d'ensemble de la thématique des OGM sur le territoire national. Nous espérons qu'elle fonctionnera d'une manière plus satisfaisante que l'ensemble des trois précédents organismes.

Afin de garantir la transparence de ce conseil, il est indispensable que ses divers travaux et avis soient rendus publics. Le fait de transmettre chaque année un rapport sur ses activités aux deux assemblées permettra à la représentation nationale d'exercer un droit de regard sur un sujet qui concerne l'ensemble de la société.

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement :

« Art. L.. 531-3 - I. Le conseil des biotechnologies a pour mission d'éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les décisions et politiques publiques en matière de biotechnologies.

« Le conseil des biotechnologies peut se saisir de toute question qu'il juge pertinente dans le cadre de sa mission, y compris de sujets généraux ou fondamentaux.

« II. Le conseil des biotechnologies est chargé d'évaluer les risques directs, indirects et induits, et notamment, d'identifier et d'apprécier les dangers objectifs, intrinsèques ou potentiels que présentent les produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés destinés à être utilisés de façon confinée et les procédés utilisés pour leur obtention ainsi que ceux liés à l'utilisation de techniques de génie génétique. Il propose les mesures de confinement souhaitables pour prévenir les effets nocifs, avérés ou potentiels pour la santé publique ou l'environnement liés à l'utilisation de ces produits, procédés et techniques. Il peut déléguer à un ou plusieurs des membres le soin de visiter les installations dans le cadre de l'examen des déclarations ou de l'instruction des demandes d'agrément.

« III. Le conseil est également chargé d'évaluer les risques directs, indirects et induits, et notamment d'identifier et d'apprécier les effets avérés ou potentiels sur la santé publique ou l'environnement liés à la dissémination volontaire de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés effectuée à toute autre fin que la mise sur le marché et de proposer les mesures destinées à prévenir ou limiter ces effets. Il contribue, en outre, à l'évaluation des risques liés à la mise sur le marché de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés ainsi qu'à la définition de leurs conditions d'emploi et de leur présentation, sous  réserve des compétences exercées par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en application de l'article L. 1323-1 du code de la santé publique.

« Le conseil des biotechnologies formule un avis dans le cadre de l'examen des demandes d'autorisation notamment en vue de procéder aux analyses des conséquences sociales et économiques que présente la dissémination volontaire de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative ne suit pas l'avis du conseil de biotechnologie, la décision  doit être spécialement motivée.

« Le conseil des biotechnologies ne peut rendre d'avis qu'au vu de l'intégralité des pièces constitutives des dossiers de demande d'autorisation de mise en culture ou de mise sur le marché de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiées.

« À réception de chaque dossier de demande d'autorisation, le conseil des biotechnologies désigne, dans les conditions définies par décret, deux rapporteurs en son sein et un expert extérieur particulièrement qualifié dans le domaine concerné, tous trois étant en charge de la contre expertise dudit dossier.

« IV. Dans le cadre de la surveillance visant à identifier l'apparition éventuelle d'effets du fait de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés sur la santé humaine, sur la santé animale et sur les écosystèmes agricoles ou naturels, le conseil des biotechnologies est chargé de formuler des avis au vu des résultats des opérations de surveillance qui lui sont transmis mensuellement et sur les protocoles et les méthodologies de surveillance mis en oeuvre. Il alerte les ministres intéressés lorsque des événements indésirables ou susceptibles de présenter un danger sont mis en évidence.

« Les avis formulés par le conseil de biotechnologie prennent en compte les analyses des conséquences sociales et économiques que présente la dissémination volontaire de produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés.

« Chaque personne compétente pour effectuer ces opérations de surveillance est désignée sur avis conforme du conseil des biotechnologies.

« V. Le conseil des biotechnologies est saisi pour avis pour chaque évènement de transformation dans chaque fond génétique différent.

«  VI. Le conseil des biotechnologies dispose de toutes les informations nécessaires au bon accomplissement de sa mission, notamment celles relatives aux expérimentations antérieures déjà réalisées, en France ou sur le territoire d'un autre pays, sur les organismes génétiquement modifiés qui font l'objet de son appréciation.

 « Les avis du conseil des biotechnologies sont rendus à la majorité qualifiée de l'ensemble des membres désignés et réunis en formation plénière. Les avis comportent, la liste de chaque avis individuel avec, à tout le moins, la mention  « favorable, défavorable, abstention » et les contributions des membres qui souhaitent exprimer une opinion minoritaire ou une explication de vote.

« Le conseil établit un rapport annuel qui est transmis par le Gouvernement au Parlement. Les membres du conseil peuvent joindre une contribution personnelle au rapport annuel. Le rapport doit être mis à disposition du public. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Dans le projet de loi, la commission du génie génétique, la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire et le comité de biovigilance sont remplacés par le conseil des biotechnologies. Le fonctionnement de ces trois instances n'étant pas satisfaisant aujourd'hui, il est légitime de les regrouper en une seule structure qui aura une vision d'ensemble sur la thématique des OGM sur le territoire national.

Toutefois, les missions confiées au conseil des biotechnologies par le projet de loi sont très en retrait au regard des enjeux sanitaires, environnementaux et économiques en la matière. Au-delà de sa mission d'évaluation des risques, le conseil doit donc être reconnu comme compétent dans d'autres domaines. En particulier, il doit jouer un rôle clé en matière de surveillance ou d'analyse des conséquences sociales, économiques, sanitaires et environnementales liées à la dissémination volontaire. La légitimité du conseil dépendra de sa capacité à intervenir et à réagir sur l'ensemble des sujets liés aux biotechnologies. Pour ce faire, il est impératif qu'il ait accès aux informations indispensables à la formulation de ses avis.

Par ailleurs, afin de garantir la transparence de cet organisme dans une matière où règne l'incertitude, il convient que les avis du conseil des biotechnologies fassent apparaître les positions de ses différents membres, même si elles sont minoritaires, et qu'ils soient rendus publics.

Quand je disais, lors de la discussion générale, qu'il fallait remettre en question la croyance dans les bienfaits du « progrès », cela signifie aussi que « le » progrès et/ou « la » science n'existent pas en dehors des conflits sociaux, des controverses politiques. Il faut donc faire connaître ces controverses, ces débats entre scientifiques tels qu'ils se font jour au sein du conseil des biotechnologies. En effet, en droit constitutionnel comme en expertise scientifique, il y a rarement consensus autour de « la vérité ». Admettre cela, c'est le premier pas vers la remise en cause du scientisme.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. César,  Grignon,  Doublet,  Pointereau et  Mortemousque, Mme Gousseau, MM. Bécot,  Leroy,  de Raincourt,  Juilhard,  Barraux,  Martin et  Gouteyron, est ainsi libellé :

I - Au début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

Il est chargé

par les mots :

La section scientifique du conseil définie à l'article L. 531-4 est chargée

II - Au début du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, remplacer les mots :

 Il est consulté

par les mots :

Elle est consultée

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement vise à distinguer clairement les missions des deux sections composant le conseil des biotechnologies. La section scientifique, composée de personnalités aux compétences reconnues, a la légitimité requise pour assurer l'évaluation des risques au sens de la directive 2001/18/CE, dont le projet de loi porte transposition.

Par conséquent, je crois utile de préciser clairement les missions des deux instances.

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement, après les mots :

chargé d'évaluer les risques

insérer les mots :

et les bénéfices éventuels attendus

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Dans nos débats, revient fréquemment la question des risques, environnementaux et sanitaires, des OGM. Ces risques ne sont pas avérés, nous le savons, mais il n'en demeure pas moins que nous devons envisager qu'ils puissent l'être.

Ce constat impose évidemment, au regard du principe de précaution et de l'article 5 de la Charte de l'environnement, d'évaluer la réalité de ces risques et de mettre en oeuvre des « mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Évidemment, cette évaluation des risques n'a de sens qu'au regard du bénéfice éventuel de l'OGM découvert. À quoi sert-il de cultiver un OGM qui n'accroît les rendements agricoles que de 3 % ou 4 % s'il existe un risque environnemental ?

Ainsi, les OGM actuels, dits de première génération, uniquement à buts herbicides ou insecticides, sont en effet conçus avec le double objectif d'augmenter la productivité de l'agriculture et d'accroître les profits des industries qui les ont conçus. Autant dire qu'ils ne servent à rien, que nous n'en avons pas besoin et donc que leur culture ne devrait pas être autorisée en France. C'est bien pourquoi nous défendons l'idée d'un moratoire sur les cultures commerciales - je dis bien « commerciales » - d'OGM.

Il reste que la recherche en biotechnologies offre d'autres perspectives : des OGM dits de seconde génération pourraient être créés dans quelques années, visant à faciliter l'agriculture dans certains milieux naturels hostiles ou à créer des plantes aux capacités nutritionnelles supérieures. Ce potentiel de recherche existe ; il ne doit être ni négligé ni surestimé. C'est pourquoi il nous paraît important que la loi prenne en compte autant les risques que les bénéfices éventuels des OGM.

M. le président. L'amendement n° 151, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement après les mots :

ou l'environnement

insérer les mots :

, au sens des écosystèmes agricoles ou naturels

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement restaure une définition plus adaptée de l'environnement, telle qu'elle était mentionnée dans le premier avant-projet de loi. Il s'agit ainsi d'inciter le conseil des biotechnologies à procéder à des études locales sur l'impact des OGM, en tenant compte des contextes locaux.

Cette logique va à l'encontre du projet de l'agriculture OGM, qui uniformise tout sur son passage. Si les plantes génétiquement modifiées sont adaptées aux grandes exploitations intensives en monoculture, elles ne sont pas adaptées à l'agriculture française. Elles servent, à 90 %, à nourrir les animaux d'élevage des pays riches, avec un rendement ridicule de 5 à 8 calories végétales pour produire une calorie animale. Elles favorisent une uniformisation des cultures, condition des économies d'échelle qui sont réalisées en déversant partout les mêmes engrais chimiques, les mêmes pesticides.

Les agricultures paysannes et biologiques, les systèmes agraires diversifiés constituent autant de micromarchés, autant d'obstacles à la mainmise de l'agrobusiness sur l'agriculture.

M. le président. L'amendement n° 64 rectifié, présenté par MM. César,  Grignon,  Leroy,  Mortemousque,  Martin,  Pointereau et  Doublet et Mme Gousseau, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Il remet un rapport annuel sur les résultats des études d'évaluation des risques pour la santé publique et pour l'environnement des organismes génétiquement modifiés autorisés au titre des articles L. 533-3 ou L. 533-4. »

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Chacun ici connaît mon allergie profonde aux rapports. Toutefois, compte tenu des problèmes qui peuvent un jour se poser, je propose que soit remis un rapport annuel sur les résultats des études d'évaluation des risques pour la santé publique et pour l'environnement des OGM autorisés.

M. le président. L'amendement n° 68 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est chargé de concourir à l'information du public par tout moyen qu'il jugera approprié et d'assurer la plus grande transparence sur les éventuels risques liés à l'utilisation des organismes génétiquement modifiés , dans la limite des dispositions relatives au secret industriel ou commercial. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Par cet amendement, il est proposé de confier au conseil des biotechnologies une mission générale d'information du public.

M. le président. L'amendement n° 69 rectifié bis, présenté par Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Il établit un rapport annuel transmis par le Gouvernement au Parlement, puis mis à la disposition du public. Les membres du conseil des biotechnologies peuvent joindre une contribution personnelle à ce rapport. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Par cet amendement, il vous est proposé de confier au conseil des biotechnologies la charge de rédiger un rapport annuel transmis au Parlement et mis à la disposition du public.

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le Conseil des biotechnologies est doté de moyens, notamment d'expertise, nécessaires à son fonctionnement.

« Il assure en pleine transparence la publication de toutes ses conclusions, et répond aux demandes d'information et d'expertise des Commissions locales d'information et de suivi (CLIS).

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Le conseil des biotechnologies a notamment pour mission d'évaluer les risques en matière d'OGM et doit pouvoir fournir aux CLIS toute information ou expertise concernant la sécurité alimentaire, l'impact sur l'environnement, les conséquences économiques pour les filières sans OGM.

En d'autres termes, il doit avoir un rôle important en matière de surveillance et/ou d'analyse des conséquences sociales, économiques, sanitaires et environnementales de l'utilisation d'OGM.

La légitimité du conseil des biotechnologies dépendra de sa capacité à intervenir et à réagir sur l'ensemble des sujets liés aux biotechnologies. C'est pourquoi il doit évidemment être doté de moyens nécessaires pour remplir ses missions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Nous sommes fiers de recevoir le soutien que nous manifeste le groupe socialiste avec l'amendement n° 77, qui est, à une virgule près, identique à notre amendement n° 5.

Sous réserve de cette légère modification, dont nous avons parlé en commission ce matin, la commission serait favorable à l'amendement n° 77.

M. le président. Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de vous faire remarquer qu'il existe une autre différence, un peu plus substantielle que la virgule dont vous avez fait état, entre l'amendement n° 77 et le vôtre : celui-ci tend à faire aussi du conseil des biotechnologies le « haut conseil des biotechnologies ».

M. Jean Bizet, rapporteur. Nous nous étions également, en commission, mis d'accord sur la notion de haut conseil.

M. Michel Charasse. Il n'y a jamais de « bas conseil » ! Les hauts conseils, c'est le métro à six heures du soir ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur Raoul, acceptez-vous de rectifier votre amendement et sur la virgule et sur le « haut conseil », pour le rendre identique à l'amendement n° 5 ?

M. Daniel Raoul. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 77 rectifié.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Avec l'amendement n° 149, M. Desessard et ses collègues proposent de faire du conseil des biotechnologies une sorte de clone de la commission du génie biomoléculaire, un clone dans lequel on aurait néanmoins inséré les gènes de la commission du génie génétique.

En effet, selon cet amendement, le conseil des biotechnologies réunirait en une seule enceinte des experts scientifiques et des représentants de la société civile, et il serait compétent aussi bien sur l'utilisation confinée que sur la dissémination volontaire d'OGM.

Pour avoir siégé quelques années au sein de la CGB, je dois reconnaître qu'il est temps d'en finir avec la cacophonie que provoque nécessairement la cohabitation entre une expertise scientifique très poussée et des discours généraux et militants sur les OGM. Croyez-moi, ce n'est pas cohérent.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement, car elle ne peut retenir la proposition d'un conseil ne comportant pas deux sections distinctes : l'une scientifique, l'autre socio-économique.

La commission a d'ailleurs jugé nécessaire de distinguer clairement les missions des deux sections composant le haut conseil des biotechnologies et de confier à la section scientifique l'évaluation des risques. C'est l'objet de l'amendement n° 10 rectifié de la commission, qui donne ainsi satisfaction aux auteurs de l'amendement n° 51 rectifié, et je demande à ces derniers de bien vouloir le retirer.

M. Gérard César. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Monsieur Le Cam, ce n'est qu'à la section socioéconomique du conseil que pourrait être assignée la mission d'analyser le rapport entre les risques et les bénéfices des OGM. La section scientifique, pour sa part, a pour unique vocation l'évaluation des risques ; il ne lui revient pas de juger de l'opportunité d'un OGM. Sinon, il ne resterait plus de mission à la section socio-économique ! C'est pourquoi la commission est défavorable à l'amendement n°  111.

M. Michel Charasse. Le scientisme, voilà l'ennemi ! (Sourires.)

M. Jean Bizet, rapporteur. Les auteurs de l'amendement n° 151 souhaitent définir l'environnement comme un ensemble d'écosystèmes agricoles ou naturels. C'est précisément ce à quoi tend l'amendement n° 10 rectifié de la commission, qui charge la section du conseil des biotechnologies de donner son avis sur les protocoles de suivi de l'apparition éventuelle d'événements indésirables ou d'effets non intentionnels sur les « écosystèmes agricoles et naturels », à la suite de la dissémination d'OGM.

On peut donc considérer que l'amendement n° 151 est satisfait par l'amendement n° 10 rectifié. La commission émet toutefois un avis défavorable puisqu'elle propose une nouvelle rédaction de l'article L. 531-3 qui entre en concurrence avec celle de l'amendement n° 151.

Comme M. César, la commission est convaincue que la transparence est l'une des clés de l'acceptation des OGM. C'est pourquoi elle a également prévu, dans l'amendement n° 5, la publication d'un rapport annuel par le haut conseil des biotechnologies. Je vous demande donc, monsieur César, de bien vouloir retirer l'amendement n° 64 rectifié, qui est satisfait. Dans le cas contraire, j'émettrais un avis défavorable.

M. Gérard César. Si j'ai bien compris, l'amendement n° 51 rectifié était satisfait par l'amendement n° 10 rectifié de la commission et cet amendement n° 64 rectifié l'est par l'amendement n° 5 ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Exactement !

M. Gérard César. Je suis donc satisfait ! (Sourires.)

Je retire l'amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 64 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Madame Férat, la commission considère que le haut conseil des biotechnologies joue un rôle charnière entre l'expertise scientifique et la société. On constate, depuis une dizaine d'années, combien il est difficile de dialoguer avec la société civile. C'est le pourquoi et le comment du haut conseil et de sa section socio-économique.

La commission vous propose donc d'obliger le haut conseil à publier un rapport annuel - c'est notamment l'objet de l'amendement n° 5 - ainsi que les avis qu'il rendra avant toute dissémination d'OGM, ce que prévoient les amendements nos 23 rectifié et 27 rectifié.

On peut estimer que le souci de transparence qui sous-tend l'amendement n° 68 rectifié bis - et qui honore Mme Férat - est satisfait par les amendements présentés par la commission. Je lui demande par conséquent de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission y serait défavorable.

M. le président. Madame Françoise Férat, l'amendement n° 68 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 68 rectifié bis est retiré.

M. Jean Bizet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 69 rectifié bis, je rappelle à ses auteurs que la commission propose déjà, dans son amendement n° 5, la publication d'un rapport annuel par le haut conseil des biotechnologies.

En revanche, pour ce qui est de la contribution personnelle, la commission estime nécessaire que l'avis rendu par la section scientifique du conseil soit unique. Publier les avis scientifiques divergents brouillerait les esprits. Et Dieu sait si, en la matière, on a besoin de clarification et de cohérence ! Il est bien évident que les scientifiques auront des approches différentes, mais il reviendra à la section scientifique de se mettre unanimement d'accord sur un texte.

En ce qui concerne la section socio-économique, la commission envisage, à l'inverse, la publication de la multiplicité des avis de ses membres, car la problématique est différente. En effet, cette section est, de par sa nature même, le lieu du débat public : elle est précisément créée pour permettre à divers points de vue de s'exprimer.

Dans ces conditions, je demande à Mme Férat de bien vouloir retirer également cet amendement ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

M. le président. Madame Férat, l'amendement n° 69 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Férat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 69 rectifié bis est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Comme les auteurs de l'amendement n° 78, la commission a le souci de permettre au haut conseil des biotechnologies de rémunérer les experts scientifiques auxquels il aura recours.

En effet, la technicité des dossiers et le niveau requis pour leur examen légitiment le versement de vacations aux experts de la section scientifique. L'amendement n° 8 de la commission le prévoit d'ailleurs expressément.

S'agissant du deuxième volet de l'amendement n° 78, qui concerne la transparence de l'information, la commission estime que celle-ci est assurée par la communication du rapport annuel et des avis requis pour toute autorisation nationale de dissémination. Il n'y a donc pas lieu de prévoir une obligation d'information locale supplémentaire.

Certes, cette idée peut, dans un premier temps, paraître séduisante, mais il faut se mettre à la place des élus locaux et de la population locale.

Si l'on porte sur le terrain, au plus près des populations un sujet qui suscite autant de passions, frisant parfois l'irrationnel, on va, me semble-t-il, créer une cacophonie et déclencher des guerres picrocholines, auxquelles notre collègue François Fortassin ne voudrait pas, j'en suis intimement persuadé, se trouver mêlé. (Sourires.)

M. François Fortassin. Cela ne me gênerait pas ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Bizet, rapporteur. Soit, mais, pour ma part, je ne le souhaiterais pas !

Avec ces missions locales d'information et de suivi, nous perdrions la clarification que nous avons obtenue au travers du haut conseil des biotechnologies.

Mettons, en matière de décision et d'information, le plus possible de distance entre les élus locaux et ce genre de sujet parce qu'il s'agit de décisions qui sont prises au niveau national.

M. Pierre-Yves Collombat. On est loin de la démocratie participative !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement est totalement d'accord avec les avis émis par la commission.

En conséquence, il est favorable aux amendements identiques n°s 5 et 77 rectifié et il est défavorable aux amendements n°s 149, 111, 151 et 78.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 5 et 77 rectifié.

M. Michel Charasse. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État nous reprochant de faire des lois bavardes, je voudrais signaler amicalement - ce n'est pas une critique ! - aux auteurs de ces amendements que, à partir du moment où un rapport est transmis au Parlement, il est nécessairement public. Il est donc inutile d'écrire, d'une part, que ce rapport annuel d'activité est transmis aux assemblées et, d'autre part, qu'il est rendu public parce que, de fait, tous les rapports transmis au Parlement sont publics. On peut donc parfaitement supprimer la phrase : « Ce rapport est rendu public. »

En revanche, pour éviter toute confusion avec les deux sections du conseil, on pourrait préciser qu'il est transmis aux deux assemblées du Parlement ou, tout simplement, au Parlement.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je ne partage pas l'analyse de M. le rapporteur.

Dans ce pays, les scientifiques sont excellents en matière de recherche, mais ils sont quasiment nuls en matière d'information.

M. Jean Bizet, rapporteur. Chacun son métier !

M. François Fortassin. D'ailleurs, si nous rencontrons tant de problèmes, c'est parce que nous avons été dans l'incapacité totale de faire passer un certain nombre de messages.

Je ne crois pas que ce soit en éloignant les élus locaux de ces problèmes que l'on va rassurer l'opinion publique !

Soyons clairs : dans cette affaire, il y a des coups à prendre ! Les uns et les autres, nous sommes d'ailleurs habitués à en prendre : songez, par exemple aux problèmes de l'hydraulique. Et nous savons pourtant en parler !

Quelles que soient nos divergences, nous avons donc intérêt à faire en sorte que ce débat ne soit pas exclusivement passionnel et irrationnel. Il faut faire preuve de transparence, et cela suppose un travail d'explication, un effort de pédagogie.

Si, en tant qu'élus, nous avons quelque mérite, c'est bien celui de faire passer des messages. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, nous ne serions pas là : nos électeurs nous auraient renvoyés dans nos foyers ! (Sourires.)

Alors, ne soyons pas frileux ! Prenons le taureau par les cornes et allons au combat, car c'est de cela qu'il s'agit !

J'ai écouté ce soir une personne que je qualifierai, pour ma part, d'« associatif visionnaire ». Elle a énoncé pendant plus d'une heure sur une chaîne de télévision un certain nombre de billevesées et autres contrevérités.

M. Michel Charasse. Diafoirus !

M. François Fortassin. Il n'en reste pas moins que cette personne, dont je tairai le nom pour ne pas lui faire de publicité, ...

M. Jean Desessard. Mais si, dites-le !

M. François Fortassin. Non, mon cher collègue !

M. Gérard César. Soyez plus précis, monsieur Fortassin !

M. François Fortassin. Au fond, je souhaiterais que certains élus prennent position autrement qu'au travers de ces débats qui n'apportent rien.

M. Jean Desessard. C'est Nicolas Hulot ?

M. François Fortassin. Nous jouons ici un rôle majeur et, je le répète, nous ne devons pas être frileux. Nous ne devons pas non plus craindre quelque réaction que ce soit de la part de l'opinion publique. (Applaudissements sur quelques travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Michel Charasse. Tiens ! Il faut le noter !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur Fortassin, s'agit-il de Nicolas Hulot, président de la Fondation pour la nature et l'homme, lequel affirme dans un journal : « Avec nos folies d'aujourd'hui, on construit les malheurs de demain » ?

M. François Fortassin. Non, ce n'est pas lui !

M. Jean Desessard. Et il ajoute : « On bafoue le principe de précaution. »

M. le président. Monsieur Desessard, le règlement du Sénat ne vous autorise pas à interpeller directement l'un de vos collègues !

M. Michel Charasse. Nicolas Hulot n'est pas sénateur !

M. Charles Revet. Pas encore ! Il siégera peut-être un jour à côté de M. Desessard ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, procédez-vous à la rectification de votre amendement n° 5 suggérée tout à l'heure par M. Charasse ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et vous, monsieur Raoul, faites-vous de même avec l'amendement n° 77 rectifié?

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, que ne ferait-on pas, sur toutes les travées de cette assemblée, pour faire plaisir à M. Charasse ? (Sourires.)

M. Charles Revet. Il faut bien trouver des consensus de temps en temps !

M. le président. Je suis donc saisi de deux amendements identiques n°s 5 rectifié et 77 rectifié bis.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

A. Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-3 du code de l'environnement :

« Art. L. 531-3.- Le haut conseil des biotechnologies éclaire les choix du Gouvernement en matière de biotechnologies et contribue au dialogue entre la science et la société. Il établit un rapport annuel d'activité adressé au Gouvernement qui le transmet au Parlement.

B. En conséquence, dans l'ensemble du projet de loi, remplacer les mots :

conseil des biotechnologies

par les mots :

haut conseil des biotechnologies

J'imagine, monsieur le ministre, que l'avis du Gouvernement reste favorable...

M. François Goulard, ministre délégué. Bien sûr, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 77 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 149, 111, 151 et 78 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 150, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L.531-4 du code de l'environnement :

« Art. L. 531-4 - I. - Le conseil des biotechnologies est placé sous la présidence conjointe du ministre chargé de l'agriculture, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'environnement.

« La présidence du conseil des biotechnologies en désigne, après appel public à candidatures, les membres. Lors du renouvellement de sièges, la liste des candidats est soumise à l'avis préalable du conseil des biotechnologies.

« Le conseil des biotechnologies est composé pour moitié et à proportions égales de personnalités désignées en raison de leur compétence scientifique et technique dans les domaines se rapportant au génie génétique, à la protection de la santé publique et aux sciences agronomiques, d'une part, et de personnalités désignées en raison de leur compétence dans les domaines se rapportant aux sciences appliquées à l'environnement, notamment microbiologie des sols, fonctionnement des écosystèmes, écotoxicologue et diversité biologique, d'autre part.

« Le conseil des biotechnologies est composé pour l'autre moitié de représentants d'associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1, d'associations de consommateurs, de représentants des syndicats agricoles, de personnalités compétentes en sciences humaines, d'un représentant de la production industrielle et agricole, d'un représentant de la transformation et de la distribution, d'un membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, d'un professionnel du droit.

« II. Lors de leur désignation, les membres du conseil des biotechnologies procèdent à une déclaration de conflit d'intérêts, publiée sur internet. Cette déclaration comporte notamment l'indication des travaux de recherche réalisés et les conditions de leur financement. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de garantir un fonctionnement équilibré, pluraliste et indépendant du haut conseil des biotechnologies, condition sine qua non de sa légitimité, sans laquelle il ne pourra mener à bien les missions qui lui sont dévolues.

De plus, cet amendement prévoit que le conseil est également placé sous la présidence du ministre chargé de la santé, pour montrer la priorité donnée au principe de précaution sanitaire.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Ses membres sont nommés par décret pris sur proposition des ministres chargés de la recherche et de l'agriculture, après avis des ministres chargés de l'environnement, de la défense et de la santé.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le mode de désignation des membres du haut conseil des biotechnologies.

Il est logique que les ministres chargés de la recherche et de l'agriculture, les plus concernés par les recherches en laboratoire, d'une part, et la mise en culture d'OGM, d'autre part, détiennent le pouvoir de nomination, après avoir consulté leurs collègues de l'environnement, de la défense et de la santé, également intéressés.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4, après les mots :

compétence scientifique et technique

insérer les mots :

et reconnues pour leur excellence

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à établir que le seul critère sur lequel il faut fonder la sélection des personnalités désignées pour devenir membres de la section scientifique du haut conseil des biotechnologies est l'excellence scientifique. Celle-ci peut aisément se mesurer de manière objective, et j'insiste sur ce terme, en prenant en compte le niveau de publications dans les revues à comité de lecture, la notoriété de l'équipe dans laquelle travaille la personnalité en question, etc. Ces critères ne sont donc pas arbitraires ; ils sont au contraire très sérieux.

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, après les mots :

compétence scientifique et technique

insérer les mots :

et de leur indépendance

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement porte sur les critères de composition du haut conseil des biotechnologies, et notamment de sa section scientifique.

Le projet de loi étant trop imprécis sur ce point, nous devons préciser et la composition exacte de ce conseil et son mode de fonctionnement. Il nous paraît intéressant de scinder ce conseil en deux sections : l'une devrait évaluer les risques environnementaux et sanitaires que font courir les OGM et l'autre, les risques économiques, leur utilité agronomique, etc.

Toutefois, se pose évidemment la question de l'indépendance des personnes membres de ce conseil, et notamment de ses scientifiques, fussent-ils excellents, monsieur le rapporteur.

En effet, nous savons tous combien nos concitoyens sont aujourd'hui méfiants à l'égard des experts ou des scientifiques. Combien de fois n'avons-nous entendu que tel ou tel scientifique était « acheté » par une multinationale (M. le ministre s'exclame), qu'il cachait ce qu'il savait pour défendre les intérêts de ces entreprises !

Même si de tels scientifiques ne sont qu'une minorité, il s'en trouve quelques-uns, hélas ! C'est la raison pour laquelle il importe qu'ils ne puissent pas être nommés au haut conseil des biotechnologies. Aussi la loi doit-elle préciser que les personnalités scientifiques doivent être totalement indépendantes.

Comme je l'ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, je regrette que, pour le moment, il soit prévu de fixer par décret la qualité des personnalités qui seront appelées à siéger dans ce haut conseil. Je vous signale au passage, monsieur le ministre, que, lors de l'examen d'autres textes, notamment du projet de loi d'orientation agricole, nous avions eu connaissance du contenu des futurs décrets. Aujourd'hui, c'est apparemment le blackout.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par quatre phrases ainsi rédigées :

Ces personnalités adressent à l'autorité administrative, à l'occasion de leur désignation, une déclaration mentionnant leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence du haut conseil des biotechnologies, ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs. Cette déclaration est actualisée à leur initiative dès qu'une modification intervient concernant ces liens ou que de nouveaux liens sont noués. Elles perçoivent des vacations en rémunération des travaux, rapports et études qu'elles réalisent pour le haut conseil. Elles sont astreintes au secret professionnel pour les informations dont elles ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer la fonction de membre de la section scientifique du haut conseil des biotechnologies par des règles largement calquées sur celles qui sont applicables aux experts collaborant aux travaux de l'AFSSA, à savoir : l'obligation pour ces experts de faire une déclaration de conflits d'intérêts - cela répond à l'interrogation et à l'inquiétude de notre collègue Le Cam ; nous espérons l'avoir convaincu -, sur le modèle de ce qui se pratique donc déjà à l'AFSSA, mais aussi à l'INSERM et bientôt à l'INRA ; la possibilité, pour ces mêmes experts, de percevoir des vacations, afin de rémunérer justement les travaux qu'ils réaliseront pour le haut conseil ; enfin, l'obligation de discrétion professionnelle.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, après le mot :

composée

insérer les mots :

de membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement tend à compléter la composition de la section socio-économique en y adjoignant des parlementaires membres de l'OPECST de chacune des deux assemblées, afin d'assurer la présence de la représentation nationale dans cette enceinte de débat public que sera cette section du haut conseil des biotechnologies.

M. le président. Le sous-amendement n° 80, présenté par MM. Pastor, Raoul, Collombat, Trémel, Lejeune, Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 9 par les mots :

de deux sénateurs et de deux députés,

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Ce sous-amendement a pour objet de fixer le nombre de parlementaires de l'OPECST qui seront membres de la section économique et sociale, à savoir deux sénateurs et deux députés. Cela ne constitue pas une révolution.

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

La section économique et sociale est composée de représentants d'associations de consommateurs, d'associations de protection de l'environnement, de représentants d'associations professionnelles, notamment agricoles, de personnalités scientifiques et d'un représentant de chaque groupe parlementaire.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à préciser la composition du conseil des biotechnologies, notamment celle de sa section économique et sociale.

En effet, le projet de loi renvoie cette question pourtant fondamentale à un décret. C'est pourquoi nous demandons que d'importantes précisions soient apportées dans la loi.

Il convient ainsi de préciser que les représentants des associations de défense de l'environnement ou de défense des consommateurs seront bien membres de ce conseil. Ces associations sont en effet tout à fait légitimes et disposent des compétences nécessaires pour contribuer positivement aux débats qui auront lieu dans ce conseil des biotechnologies.

Il convient également de préciser que des représentants d'associations professionnelles agricoles devront figurer dans ce conseil. Les paysans sont en effet les premiers concernés par toute dissémination dans la nature de plantes génétiquement modifiées. C'est pourquoi ils doivent être consultés préalablement à toute autorisation éventuelle de dissémination d'OGM.

Les représentants de syndicats agricoles devraient également être issus de diverses organisations - ce n'est malheureusement pas toujours ou pas souvent le cas -, afin de bien refléter toute la diversité du syndicalisme paysan.

Enfin, il convient d'assurer la représentation de chacun des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat.

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par MM. Pastor, Raoul, Collombat, Trémel, Lejeune, Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les deux sections du Conseil des biotechnologies doivent être représentatives de la diversité des points de vue connus de la communauté scientifique d'une part, et de la société civile, d'autre part. »

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Cet amendement a pour objet de préciser la composition et les modalités de fonctionnement du conseil de biotechnologies, en particulier le rôle de ses deux sections, dont la composition doit tenir compte de la diversité des points de vue dans le domaine scientifique.

Ce sujet a été évoqué précédemment à diverses reprises. Même si la section scientifique ne doit effectivement émettre qu'un avis unique, il n'en demeure pas moins que sa composition doit être plurale. Le même raisonnement doit être appliqué à la section économique et sociale, dont la composition doit représenter la diversité de la société civile.

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les avis du conseil des biotechnologies sont rendus à la majorité qualifiée de l'ensemble de ces membres désignés et réunis en formation plénière. Ils comportent les contributions des membres qui souhaitent exprimer une opinion minoritaire ou une explication de vote. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à préciser la manière dont seront prises les décisions au sein du conseil des biotechnologies.

En effet, après la lecture du projet de loi, il subsiste de réelles interrogations sur son mode concret de fonctionnement. Ainsi, le dispositif prévu à l'article 3 ne prévoit pas de réunion plénière de ce conseil, bien qu'une telle configuration soit évoquée dans l'exposé des motifs.

Le rôle spécifique de chacune de ses sections n'est pas précisé. La section économique et sociale sera-t-elle consultée pour autoriser une simple recherche en milieu confiné ? Laquelle de ces deux sections aura le dernier mot en cas d'avis contradictoire ? Qui donc, des scientifiques ou des représentants de la société civile, aura le premier rôle dans le fonctionnement au jour le jour de ce conseil ? Il me semble, d'après ce que nous avons entendu jusqu'à présent dans ce débat, que la section scientifique aura un rôle particulièrement prédominant.

C'est en partie pour répondre à quelques-unes de ces questions fondamentales que nous vous invitons à adopter cet amendement. En exigeant que les avis soient rendus à la majorité qualifiée, nous proposons notamment que les décisions de ce conseil soient prises de façon relativement consensuelle, sans qu'aucune des deux sections puisse prendre le dessus, les questions scientifiques et les questions économiques et sociales étant aussi importantes.

C'est également par souci de transparence et pour assurer la bonne information du public que nous suggérons que des avis minoritaires ou des explications de vote de membres du conseil des biotechnologies puissent être publiés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Comme je l'ai déjà indiqué lors de l'examen de l'amendement n° 149, le conseil des biotechnologies tel que l'imaginent les auteurs de l'amendement n° 150 souffrirait d'un handicap structurel identique à celui qui est dénoncé dans le système actuel d'évaluation.

En effet, le conseil idéal, selon M. Desessard et ses collègues, serait composé pour moitié de scientifiques et pour moitié de représentants de la société civile.

J'ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles la commission est réservée sur ce point.

Par ailleurs, cet amendement vise à placer le conseil des biotechnologies sous la présidence conjointe des ministres de l'agriculture, de la santé et de l'environnement, chargés d'en désigner les membres. Étant donné que le présent texte est défendu en séance par le ministre de la recherche, ce dernier me paraît avoir une certaine légitimité à intervenir dans la désignation des membres du conseil des biotechnologies.

Enfin, et pour finir sur une note plus positive, l'amendement n° 8 de la commission satisfait la demande des auteurs de l'amendement n° 150 que soit publiée une déclaration de conflit d'intérêts. En effet, la commission partage avec M. Desessard et ses collègues le souci d'assurer l'indépendance du conseil des biotechnologies.

Aussi, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 112, la désignation des membres de la section scientifique doit exclusivement reposer sur un critère de compétence - et même d'excellence - dans les matières concernées. Il s'agit d'une condition nécessaire pour être un expert scientifique susceptible de contribuer efficacement à l'évaluation des risques.

Il est vrai que cette condition n'est pas suffisante. Il est légitime d'attendre aussi de ces experts scientifiques une indépendance que votre commission exige dans son amendement n° 8, par lequel elle tend à obliger ces experts à produire une déclaration de conflit d'intérêts.

Aussi, l'amendement n° 112 semblant ainsi satisfait, la commission demande son retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

S'agissant du sous-amendement n° 80, la commission propose déjà, avec son amendement n° 9, d'intégrer des membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques au sein de la section économique et sociale du conseil.

Ce sous-amendement est donc redondant, qui prévoit aussi la participation de parlementaires au haut conseil, sans d'ailleurs préciser s'ils doivent être membres de l'Office, ce qui garantit pourtant leur souci de contribuer à l'évaluation des choix publics en matière de biotechnologies.

La commission demande par conséquent le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 113, la rédaction proposée par le projet de loi a le mérite d'être assez générale pour permettre la nomination, au sein de la section économique et sociale, de représentants des catégories socioprofessionnelles les plus concernées par les OGM.

Les auteurs de cet amendement peuvent donc être rassurés : tant les consommateurs que les agriculteurs, en passant par les associations protégeant l'environnement, seront représentés au sein de cette section du conseil. Cet ensemble enrichira précisément la section économique et sociale.

Quant à la représentation parlementaire, si l'on retenait la proposition des auteurs de l'amendement de nommer un représentant de chaque groupe parlementaire, le nombre d'élus au conseil serait disproportionné et, de plus, fluctuerait au gré des échéances électorales - on ne sait ce que réserve l'avenir à chacun d'entre nous. (Sourires.)

Il paraît plus raisonnable à votre commission - comme elle le propose avec son amendement n° 9 - de prévoir simplement la présence de membres de l'Office, sans préciser leur nombre. Il reviendra au Gouvernement de prendre le décret qui fixera le détail de la composition de cette section socio-économique.

La commission émet par conséquent un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 79, il n'est pas contestable que la section économique et sociale du conseil doive refléter la diversité des points de vue de la société civile. C'est même là son objet, puisqu'il s'agit bien d'une enceinte de débats.

En revanche, la section scientifique n'a pas la même vocation et sa composition doit obéir à un critère d'excellence scientifique dans les domaines appropriés à l'expertise des OGM. Aucun autre critère de sélection des membres de cette section ne serait légitime aux yeux de la commission.

Aussi, et dans la mesure où, de surcroît, elle s'est largement exprimée sur ce sujet, elle émet un avis défavorable.

Enfin, l'amendement n° 114, qui a pour objet de prévoir des décisions à la majorité qualifiée au sein du conseil des biotechnologies ainsi que la publication des explications de vote, réduirait à néant l'intérêt de constituer deux sections au sein du conseil. Je ne reviendrai pas sur ce point, qui a déjà été longuement abordé. Il a été démontré à quel point la composition de la commission du génie génétique était incohérente et les dérives qui en ont résulté. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Je rejoins totalement les explications qui ont été données par le rapporteur. De même, je fais mienne sa philosophie s'agissant du haut conseil.

Avant d'exprimer l'avis du Gouvernement sur chacun des amendements et sur le sous-amendement, je vais vous donner quelques éléments d'information sur la composition du haut conseil.

Celle-ci sera donc fixée tant par voie législative que par voie réglementaire. Or, s'agissant de cette dernière, certains d'entre vous ont estimé qu'il serait souhaitable que le Gouvernement fasse part de ses intentions.

La composition du conseil scientifique est particulièrement sensible. Doivent y figurer les représentants de toutes les disciplines et spécialités utiles pour éclairer valablement à la fois les décisions du Gouvernement et l'opinion publique.

Nous prévoyons de créer deux sous-sections au sein de la section scientifique : l'une sera consacrée au confinement, c'est-à-dire aux autorisations d'essais confinés, et l'autre à la dissémination, afin de faire face à des problématiques qui ne sont pas du même ordre.

Nous prévoyons que la première sous-section sera composée d'un spécialiste de médecine - plus spécialement de parasitologie -, d'un vétérinaire, spécialiste des zoonoses, de deux spécialistes d'oncogenèse et de différenciation cellulaire, d'un spécialiste de pathologie végétale - champignons ou virus -, d'un spécialiste de génétique animale et de transgenèse animale, de trois spécialistes de microbiologie et de génie génétique, de deux spécialistes d'écologie microbienne du sol, de deux spécialistes de virologie et des prions, d'un spécialiste de thérapie génique, des lentivirus et des rétrovirus, et d'un spécialiste de génétique et de physiologie du développement.

Nous prévoyons que la seconde sous-section sera composée de deux toxicologues, de deux spécialistes de génétique des populations et de génétique, de deux spécialistes de l'amélioration des plantes d'agronomie et de biologie végétale, de deux spécialistes en biologie moléculaire, de deux écologues, de deux écotoxicologues, de deux entomologistes et d'un botaniste.

Telle est la composition, selon nous très complète, de ces deux sous-sections. La Haute Assemblée peut ainsi constater que toutes les spécialités utiles seront représentées dans le haut conseil.

La section économique et sociale est composée de trente membres selon la répartition suivante : dix représentants d'organisations professionnelles - production industrielle et agricole mais également, c'est important, industries de transformation et de distribution, qui sont directement concernées par les réactions des consommateurs -; dix représentants du monde associatif - associations de protection de l'environnement, associations de protection des consommateurs et associations de personnes malades - ; quatre parlementaires de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; enfin, six personnalités scientifiques, qui éclaireront, en interne, les débats de la section économique et sociale afin que ceux-ci se déroulent dans de bonnes conditions.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que le Gouvernement souhaitait apporter pour que vous connaissiez ses intentions quant à la composition précise du haut conseil.

J'en viens aux amendements proprement dits.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 150.

En revanche, il est favorable aux amendements nos 6 et 7.

Sur l'amendement n° 112, le Gouvernement émet un avis défavorable. Monsieur Le Cam, un amendement ultérieur présenté par M. Bizet vise précisément à assurer l'indépendance des scientifiques. L'indépendance de ces femmes et de ces hommes de science, dont l'excellence est garantie, ne peut pas être mise en cause. Les grands scientifiques sont, par essence, indépendants. À défaut, leurs opinions seraient entachées et la communauté scientifique ne leur reconnaîtrait pas ce niveau d'excellence.

Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 8 et 9.

Enfin, il est défavorable au sous-amendement n° 80, ainsi qu'aux amendements nos 113, 79 et 114.

M. le président. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier, au nom du Sénat, des précisions que vous avez apportées. En effet, vous nous avez indiqué très clairement la façon dont vous souhaitez organiser le haut conseil. Vous avez ainsi répondu au voeu du Sénat, exprimé à plusieurs reprises, d'être informé en amont des décrets d'application.

Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je voudrais formuler quelques observations, de forme plus que de fond, sur les amendements nos 6 et 8, ainsi que sur le sous-amendement n° 80.

Je comprends bien l'intention de M. le rapporteur et de la commission en ce qui concerne l'amendement n° 6, qui tend à ce que les membres du haut conseil soient nommés par décret pris sur proposition de deux ministres. Mais je ne vois pas très bien, compte tenu du fait qu'un décret est signé par le Premier ministre et contresigné par les ministres concernés, comment on peut mentionner dans le décret les avis des autres ministres consultés.

Peut-être faudrait-il prévoir, au lieu de l'expression « après avis », les termes « après consultation » en sachant que, de toute façon, cela n'apparaîtrait pas dans les visas du décret. C'est une simple observation que je formule au passage.

Ma deuxième observation concerne l'amendement n° 8 de M. Bizet.

Cet amendement pose problème, parce qu'il vise les personnalités de la section scientifique. Or on n'a pas la même exigence pour les personnalités de l'autre section.

Cela voudrait-il dire, par exemple, qu'un membre de la section scientifique ayant connaissance d'informations secrètes à l'occasion de ses fonctions serait pénalement poursuivi alors que, pour le même motif, une personne de l'autre section ne le serait pas ?

C'est pourquoi, monsieur Bizet, compte tenu de la façon dont votre amendement est rédigé, il vaudrait mieux insérer ces dispositions à la fin de l'article L. 531-4 du code de l'environnement pour qu'elles s'appliquent aux deux sections.

Il n'y a aucun inconvénient pour que les membres de chaque section procèdent à la déclaration de lien avec des entreprises, pour qu'ils actualisent celle-ci et perçoivent des vacations. On n'imagine pas que des travaux soient rémunérés pour les uns et pas pour les autres, ou que les dispositions du code pénal ne s'appliquent qu'à certains et pas à tous.

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Michel Charasse. Par conséquent, monsieur Bizet, si les dispositions contenues dans l'amendement n° 8 étaient insérées à la fin de l'article L. 531-4 du code de l'environnement, elles pourraient s'appliquer à l'ensemble des membres des deux sections. Il suffirait de commencer l'article par « Les membres du haut conseil » au lieu de « Ces personnalités ».

Ma dernière observation concerne le sous-amendement n° 80. J'ai bien compris que le Gouvernement ne voulait pas entrer dans les détails et qu'il souhaitait au contraire s'arrêter à la simple mention de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Mais il faudrait au moins veiller, à cette occasion, à ce qu'il y ait autant de députés que de sénateurs. Je siège au Conseil de surveillance de l'Agence française de développement : cet organisme comprend plusieurs députés, mais il n'y a qu'un seul sénateur. Quand le titulaire ou son suppléant ne peuvent pas être présents, le Sénat n'est pas représenté. Il faudrait donc que deux sénateurs au moins soient membres de l'Office.

M. Paul Raoult. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 6, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement, parce que je suis un peu hésitant.

Quant à l'amendement n° 8, j'imagine mal d'assurer des vacations aux différents membres des associations qui participent au haut conseil, en vertu de la modification que souhaite notre collègue Charasse.

Donc, je sollicite l'avis du Gouvernement sur ces deux modifications.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué. Je n'ai pas voulu être puriste tout à l'heure. Il est vrai que la rédaction de l'amendement n'est pas tout à fait traditionnelle, comme l'a relevé M. Charasse. Je l'interprète comme la nécessité d'avoir le contreseing des autres ministres.

M. Michel Charasse. C'est cela !

M. François Goulard, ministre délégué. C'est ainsi que cela se passera, en pratique, pour les ministres chargés de l'environnement, de la défense et de la santé. Cela ne gêne en rien la bonne marche de l'administration, vous en conviendrez.

M. Michel Charasse. Il fallait cette explication !

M. François Goulard, ministre délégué. Cela correspond exactement à l'intention de l'auteur de l'amendement.

Sur l'amendement n° 8, j'ai la même opinion que M. le rapporteur. Je comprends que les questions relatives au secret ou à la déclaration de liens concernent l'ensemble des membres du haut conseil. Cela étant, si nous avons des représentants de l'industrie - c'est nécessaire -, leurs liens seront évidents et publics compte tenu de leur origine.

S'il est normal, compte tenu des investigations qu'ils devront mener, des dossiers parfois très complexes qu'ils travailleront, et des expertises qu'ils conduiront, et en particulier pour assurer leur totale indépendance, de rémunérer les experts scientifiques - je sais que vous êtes soucieux des deniers publics et de leur bon usage -, en revanche, les représentants d'associations ou d'organisations professionnelles sont habitués à siéger à titre gratuit dans ce type d'instance.

Par conséquent, monsieur Charasse, je ne suis que partiellement d'accord avec votre remarque et je partage le point de vue de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.

M. Michel Charasse. Je comprends très bien les explications données par M. le rapporteur et M. le ministre concernant les vacations.

Je me permets de recommander de placer à la fin de l'article L. 531-4 du code de l'environnement les dispositions relatives au secret professionnel et aux sanctions pénales, afin qu'elles soient communes aux membres des deux sections.

On peut se trouver dans une situation ou deux membres commettent la même erreur ou la même fuite. Seul celui qui appartient à la section scientifique sera poursuivi. C'est une injustice épouvantable.

Donc, monsieur Bizet, si vous étiez d'accord, on pourrait placer la dernière phrase de l'amendement n° 8 à la fin de l'article L. 531-4 pour qu'elle s'applique à tous les membres du haut conseil.

M. Michel Moreigne. C'est le bon sens même !

M. Michel Charasse. Sinon, ce serait injuste, monsieur le ministre. Dans ce cas, il faudrait écrire : « Les membres du haut conseil sont astreints au secret professionnel ».

M. Jean Desessard. Transparence !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué. Pour satisfaire à la remarque de M. Charasse et pour rester en accord avec ce qu'a exprimé M. le rapporteur, je suggérerai de déposer un sous-amendement pour remplacer la phrase suivante : « Elles perçoivent des vacations en rémunération des travaux, rapports et études qu'elles réalisent pour le haut conseil », par les termes : « Les membres de la section scientifique perçoivent des vacations en rémunération des travaux... »

M. le président. On pourrait aussi rectifier l'amendement n° 8 et insérer la dernière phrase dans un nouvel amendement, qui porterait le numéro 222,...

M. Michel Charasse. Ce serait la meilleure solution !

M. le président. ...lequel serait ainsi rédigé : « Les membres du haut conseil sont astreints au secret professionnel... ».

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Pour résumer, l'amendement de M. Bizet irait jusqu'au secret professionnel. Et cela s'applique à l'endroit où il le met.

M. François Goulard, ministre délégué. C'est cela !

M. Michel Charasse. Donc, cela concerne le conseil scientifique. Je suggère que la dernière phrase, qui concerne le secret professionnel et vise tous les membres du conseil, soit mise à la fin de l'article L. 531-4 et que les termes : « Elles sont astreintes » soient remplacés par : « Les membres du haut conseil sont astreints ».

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n°  8 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.531-4 du code de l'environnement par quatre phrases ainsi rédigées :

Ces personnalités adressent à l'autorité administrative, à l'occasion de leur désignation, une déclaration mentionnant leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence du haut conseil des biotechnologies, ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs. Cette déclaration est actualisée à leur initiative dès qu'une modification intervient concernant ces liens ou que de nouveaux liens sont noués. Elles perçoivent des vacations en rémunération des travaux, rapports et études qu'elles réalisent pour le haut conseil.

Je suis donc également saisi de l'amendement n° 222, présenté par M. Bizet, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 par un alinéa ainsi rédigé :

Les membres du Haut conseil sont astreints au secret professionnel pour les informations dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 rectifié ?

M. François Goulard, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur l'amendement n° 8 rectifié.

M. Gérard Le Cam. J'ai relu attentivement cet amendement.

On ne peut être à la fois juge et partie. À l'instar du fonctionnement de nos assemblées élues, même s'il s'agit en l'occurrence d'une assemblée nommée, la moindre des choses serait de prévoir, dans le cadre du règlement du haut conseil des biotechnologies, qu'un scientifique s'abstienne de voter sur les produits d'une société à laquelle il serait lié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 80.

M. Daniel Raoul. À la suite des explications fournies par M. le ministre sur la composition de la section scientifique, nous retirons ce sous-amendement, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 80 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-4 du code de l'environnement, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. 531-4-1. - I. - La section scientifique est chargée d'évaluer les risques pour la santé publique ou l'environnement  liés à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés, aux procédés mis en oeuvre pour leur obtention, à l'utilisation de techniques de génie génétique et à la dissémination volontaire de ces organismes, sous réserve des compétences exercées par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, en application de l'article L. 1323-1 du code de la santé publique. Elle propose les mesures de confinement nécessaires à la prévention des risques pour la santé publique ou pour l'environnement liés à l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés ou à la mise en oeuvre de procédés permettant leur obtention. Elle propose également les mesures destinées à prévenir ou limiter les risques liés à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés.

« À ce titre, elle rend au ministre un avis, au cas par cas, sur chaque demande d'agrément, déclaration ou demande d'autorisation en vue de l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés ou de leur dissémination volontaire.

« Elle donne son avis à l'autorité administrative sur les protocoles de suivi de l'apparition éventuelle d'événements indésirables ou d'effets non intentionnels, résultant de cette dissémination, sur les écosystèmes agricoles et naturels, suit les résultats des opérations de surveillance visées à l'article L. 251-1 du code rural et propose, le cas échéant, des mesures correctrices.

« II.- La section économique et sociale est chargée d'émettre des avis sur les conséquences économiques et sociales des différentes applications des biotechnologies, de suivre le développement des biotechnologies, tant au plan national qu'international, en fonction des réglementations adoptées, et de contribuer à la connaissance et au débat publics sur les biotechnologies. À cette fin, sur le fondement de l'information que lui transmet la section scientifique et en s'appuyant, notamment, sur les résultats des opérations de surveillance visées à l'article L. 251-1 du code rural, elle est saisie de chaque demande d'autorisation de dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés.

B. En conséquence, rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

Les articles L. 531-3, L. 531-4 et L. 531-5 sont remplacés par quatre articles L. 531-3, L. 531-4, L. 531-4-1 et L. 531-5 ainsi rédigés :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser les missions respectives des deux sections du haut conseil des biotechnologies.

La section scientifique est chargée d'évaluer au cas par cas et de prévenir les risques liés à l'utilisation d'OGM, en milieu confiné ou non, de se prononcer sur les protocoles de biovigilance - ce qui est nouveau par rapport à la commission du génie biomoléculaire - et de proposer des mesures correctrices en cas de besoin.

La section socio-économique est chargée d'émettre des avis sur les conséquences économiques et sociales des biotechnologies, de suivre leur développement et de contribuer à la connaissance et au débat publics sur les biotechnologies. À cet effet, sur le fondement de l'information que lui transmet la section scientifique et en s'appuyant notamment sur les résultats de la biovigilance, elle est saisie de chaque demande d'autorisation de dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés.

M. le président. Le sous-amendement n° 101, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi le texte proposé par l'amendement n° 10 pour l'article L. 531-4-1 du code de l'environnement :

1) Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I, remplacer les mots :

mesures de confinement

par le mot :

prescriptions

2) Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du I.

3) À la fin du deuxième alinéa du I, supprimer les mots :

ou de leur dissémination volontaire

4) Rédiger ainsi la dernière phrase du II :

Elle rend des avis sur chaque demande d'autorisation en vue de l'utilisation confinée d'organismes génétiquement modifiés.

M. Daniel Raoul. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 101 est retiré.

Je suis saisi de deux sous amendements identiques.

Le sous-amendement n° 212 est présenté par M. Charasse.

Le sous-amendement n° 218 est présenté par MM. César, Juilhard et Pointereau.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Supprimer la dernière phrase du II du texte proposé par le A de l'amendement n° 10 rectifié pour l'article L. 531-4-1 du code de l'environnement.

La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre le sous-amendement n° 212.

M. Michel Charasse. Je ne sais pas si j'ai bien compris ce que souhaite exactement la commission au II du texte proposé par le A de l'amendement n° 10 rectifié.

En effet, en lisant ce dernier, j'ai le sentiment que la section économique et sociale pourra donner une sorte d'avis sur l'avis de la section scientifique et que c'est le sien qui prévaudra sur celui des scientifiques. Comme ce n'est sans doute pas ce qu'on veut faire, mon sous-amendement vise à supprimer la dernière phrase de ce II.

Il faut au minimum prendre la précaution de ne pas placer la section scientifique, directement ou indirectement, sous la tutelle de la section économique et sociale.

Si le rapporteur tient absolument à son texte et pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, au lieu de dire dans cette dernière phrase que la section économique et sociale est saisie de chaque demande d'autorisation de dissémination, il faudrait écrire : « elle est saisie pour information ».

Ainsi, la section économique et sociale n'aura pas la tentation d'émettre un avis allant à l'encontre de l'avis scientifique, car elle n'a aucune compétence dans ce domaine.

Par conséquent, monsieur le rapporteur, ou bien le sous-amendement n° 212 est retenu, auquel cas la dernière phrase du II de l'amendement n° 10 rectifié est supprimée, ou bien la fin de cette phrase est complétée comme suit : « elle - il s'agit de la section économique et sociale - est saisie pour information de chaque demande d'autorisation de dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés. ».

Ainsi, il n'y a pas de tutelle de la section économique et sociale sur la section scientifique.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour présenter le sous-amendement n° 218.

M. Gérard César. J'apporte sans réserve mon concours à Michel Charasse. En effet, la saisine de la section socio-économique au cas par cas pose le problème réel de la confidentialité, qui a été abordé par notre rapporteur, de certains éléments contenus dans les dossiers de demande d'autorisation. Il importe que le secret soit respecté par rapport à d'autres filières, mais aussi au regard d'autres données scientifiques pouvant être rendues publiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je salue la pertinence de la réflexion de M. Charasse. Notre souci est effectivement de faire en sorte que la section socio-économique n'handicape pas le travail de la section scientifique.

Aussi, la commission émet un avis très favorable sur ce sous-amendement, et donc sur le sous-amendement identique n° 218.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 10 rectifié, ainsi qu'aux sous-amendements identiques nos 212 et 218, qui sont parfaitement fondés.

Soyons clairs. La section scientifique sera saisie d'un très grand nombre de demandes d'avis correspondant à des demandes d'autorisation, en particulier pour les essais en milieu confiné qui sont extrêmement nombreux.

M. François Goulard, ministre délégué. Chaque cas réclame de la part des scientifiques un avis particulier, alors que, aux yeux du profane, les différences sont peu sensibles.

La section économique et sociale a pour mission d'éclairer les pouvoirs publics, mais aussi l'opinion publique, à travers son rapport, sur les grandes questions posées par les OGM de toutes catégories.

En revanche, elle n'aura pas vocation à s'exprimer sur chaque avis scientifique. En effet, elle devrait alors se réunir en permanence et, en outre, elle ne serait pas en mesure de nuancer ses avis, comme les scientifiques, sur des sujets extrêmement voisins.

Cela n'enlève rien à ses compétences, puisqu'elle pourra naturellement débattre de tous les sujets, notamment de la politique générale en matière de délivrance d'autorisations. À chaque fois qu'elle estimera devoir rendre un avis sur les avantages et les inconvénients des autorisations données, elle pourra retracer, dans un bref bilan, l'historique des semaines, voire des mois précédents.

La section économique et sociale exercera donc complètement sa mission, mais dans des conditions évidemment différentes de celle de la section scientifique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote sur les sous-amendements nos 212 et 218.

M. Jean-Marc Pastor. J'ai bien entendu les propositions de M. le ministre délégué sur cette question de transparence et d'information.

Nous sommes pleinement conscients du fait que la section économique et sociale du conseil des biotechnologies ne pourra pas se réunir tous les trois jours. Il est donc nécessaire de trouver un lieu d'échange avec la société civile, la population dans son ensemble. C'est ce que nous avons proposé avec les CLIS dans le cadre d'un amendement qui est tombé, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de notre amendement n° 91 rectifié tendant à insérer un article additionnel avant l'article 11.

Je regrette que les sous-amendements donnent la priorité à la section scientifique, même si je reconnais son importance dans les matières concernées.

Toutefois, parallèlement, il conviendrait de compléter l'action de la section économique et sociale par des actions plus ciblées localement. C'est la raison pour laquelle nous préconisons la mise en place des CLIS afin de compenser ce que ne pourra pas faire la structure nationale.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Je comprends les interrogations de M. Pastor.

Cela étant, pour avoir vu de l'intérieur comment fonctionnait la commission du génie biomoléculaire, je considère que le sous-amendement de notre collègue Michel Charasse permet d'optimiser véritablement le fonctionnement de l'ensemble du haut conseil des biotechnologies.

Ce n'est pas minimiser la mission de la section socio-économique que de lui donner un véritable rôle de prospective et d'analyse sur l'aspect économique et social des biotechnologies. La saisir au cas par cas conduirait à pénaliser l'ensemble de la structure.

En outre, vouloir aller au plus proche du territoire au travers des CLIS et demander aux élus locaux de se prononcer sur tel ou tel projet...

M. Jean-Marc Pastor. Ce ne sont pas les élus locaux !

M. Jean Bizet, rapporteur. ...reviendrait à créer des disparités entre territoires.

C'est une mission qui me paraît relever du niveau national. Il me semble que le débat est encore trop passionnel, trop irrationnel, pour le repositionner sur le plan local. Ce ne serait pas rendre service à la population sur le terrain.

Je remercie une nouvelle fois M. Charasse, tout comme M. César, de nous avoir permis d'optimiser le fonctionnement de ce haut conseil, grâce à l'apport de leurs sous-amendements.

M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 212 et 218.

(Les sous-amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par M. Le Cam, Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-5 du code de l'environnement, après les mots :

un décret

insérer les mots :

en Conseil d'Etat

 

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Il s'agit toujours d'exiger une plus grande transparence dans la définition des missions et du mode de fonctionnement du conseil des biotechnologies.

Un décret en Conseil d'État offre davantage de garanties d'indépendance et d'expertise qu'un décret simple.

En effet, nous ne pouvons pas exclure que la rédaction du décret simple prévu dans le projet de loi soit soumise à de fortes pressions de divers groupes d'intérêts, qui sont capables, on le sait, de dénaturer le vote du Parlement.

En imposant un contrôle du Conseil d'État, nous pourrions prévenir certaines de ces dérives potentielles.

L'avis favorable de la commission sur cet amendement nous laisse espérer son adoption par notre assemblée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Étant convaincue de l'importance du rôle assigné au conseil des biotechnologies, la commission verrait d'un oeil favorable le renvoi à un décret en Conseil d'État des modalités de fonctionnement de ce conseil. Aussi, elle émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. J'étais a priori plutôt défavorable à cet amendement, l'usage assez constant étant de ne pas avoir recours à un décret en Conseil d'État pour la fixation des règles de fonctionnement. Toutefois, après avoir entendu M. le rapporteur, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. César,  Grignon,  Doublet,  Pointereau et  Mortemousque, Mme Gousseau, MM. Bécot,  Leroy,  de Raincourt,  Juilhard,  Barraux,  Martin et  Gouteyron, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-5 du code de l'environnement par cinq alinéas ainsi rédigés :

« La section économique et sociale du conseil définie à l'article L. 531-4 est chargée de :

« 1° Procéder aux analyses des conséquences sociales et économiques que pourrait présenter la mise sur le marché des différentes catégories d'organismes génétiquement modifiés au titre de l'article L. 533-4 ;

« 2° Procéder aux analyses de l'impact des réglementations françaises et internationales sur le développement des biotechnologies en liaison avec les autorités administratives ;

« 3° Contribuer au développement de la connaissance publique des biotechnologies ;

« 4° Proposer des mesures de soutien et de développement des biotechnologies en liaison avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. »

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement de précision vise à distinguer clairement les missions des deux sections composant le conseil des biotechnologies, sujet dont nous venons de discuter longuement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission a également considéré que le projet de loi méritait d'être complété afin de déterminer les missions qui seront confiées à la section socio-économique du conseil.

Tel est précisément l'objet de l'amendement n° 10 rectifié de la commission, qui a pour objet d'assigner à cette section des missions très proches de celles que proposent les auteurs du présent amendement, à savoir émettre des avis sur les conséquences économiques et sociales des différentes applications des biotechnologies, suivre le développement des biotechnologies sur le plan tant national qu'international en fonction des réglementations en vigueur et, enfin, contribuer à la connaissance et au débat publics sur les biotechnologies.

L'amendement n° 53 rectifié est donc globalement satisfait. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que ses auteurs veuillent bien le retirer ; à défaut, la commission ne pourrait qu'émettre un avis défavorable.

M. le président. L'amendement est-il maintenu monsieur César ?

M. Gérard César. Si cet amendement est globalement satisfait, c'est que, par définition, il ne l'est pas totalement !

Cela étant dit, je le retire, par amitié pour notre rapporteur, qui, je l'espère, réservera un sort favorable à nos futurs amendements.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'article 3.

M. Pierre-Yves Collombat. Notre objectif commun est de permettre une approche la plus rationnelle, la plus dépassionnée possible sur une question dont les enjeux sont tellement essentiels qu'ils ne peuvent que susciter la passion.

L'article 3 du projet de loi est particulièrement important dans la mesure où la crédibilité du dispositif mis en place, crédibilité qui repose elle-même sur celle que l'on peut accorder au haut conseil des biotechnologies, dépend des dispositions qui y sont contenues.

En outre, cette approche dépassionnée dépend aussi de la façon dont seront acceptées par nos concitoyens les conclusions qui seront rendues par le haut conseil.

Je considère, à titre personnel, que cette crédibilité du haut conseil repose sur un certain nombre d'éléments dont, tout d'abord, la représentativité de ses membres, qui doit refléter la diversité des points de vue scientifiques.

Nous avons évoqué ce problème tout à l'heure, lors de l'examen de l'amendement n° 79. On nous a alors répondu en nous donnant la liste des spécialistes qui seront représentés au sein de ce haut conseil.

Or là n'est pas la question. En fait, il s'agit d'assurer une représentativité des diverses opinions pouvant être émises sur ces sujets délicats.

C'est la raison pour laquelle je suis quelque peu étonné de la façon dont sont présentées ici la pensée et la méthode scientifiques.

Nous avons, en effet, l'impression qu'à partir du moment où des scientifiques sont réunis, ceux-ci doivent assener une vérité. Cependant, sur des questions controversées, il peut exister différents points de vue, et ce n'est certainement pas au nombre de publications, ou de diplômes des uns ou des autres, que l'on peut se fier. Sinon, monsieur le ministre, Copernic n'aurait pu siéger dans un haut conseil de l'astronomie.

L'un des principaux problèmes réside donc, s'agissant de questions controversées, dans la possibilité de disposer d'un panel suffisamment large pour refléter les diverses opinions. Il n'y a rien de scandaleux dans le fait que tous les scientifiques ne soient pas d'accord. En effet, ce qui fait la science, c'est non pas le résultat, mais la méthode utilisée. Sur ce point, nous n'avons donc pas obtenu satisfaction.

Par ailleurs, il s'agit d'une question de moyens.

L'amendement n° 78 visait à donner au haut conseil les moyens de mener des expertises. Il nous a été répondu que des vacations seraient payées. Or la question ne se résume pas à des vacations. Il faut avoir la possibilité de mener des expertises complémentaires, si elles s'avèrent nécessaires.

Enfin, j'évoquerai la question de la publicité. En d'autres termes, il faut que tout soit vraiment transparent, que tous les arguments puissent être discutés, que toutes les informations - même celles qui relèvent du secret industriel - puissent être communiquées au haut conseil. Or, sur ce point également, je n'ai, personnellement, pas obtenu satisfaction.

Quant au problème de l'acceptabilité, notamment à travers les commissions locales d'information et de suivi, la réponse existe déjà : puisqu'il s'agit de guerres picrocholines, il ne faut pas enflammer les passions. Tous ces braves gens seraient incapables de comprendre ce qu'on leur propose. Or, s'il en est ainsi, ils n'accepteront jamais les propositions qui leur seront présentées et l'on restera toujours dans l'irrationnel.

Pour ma part, je pense, au contraire, qu'il convient de miser sur le bon sens et sur la rationalité des gens. À cet égard, la mise en place des commissions locales d'information et de suivi est donc absolument indispensable.

Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je ne voterai pas l'article 3.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Articles additionnels après l'article 3 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 81, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 531- 5 du code de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ...  - L'État organise et assure le financement de la recherche scientifique fondamentale en ce qui concerne le fonctionnement du vivant, la biologie végétale et des invertébrés, la toxicologie, l'épidémiologie et l'entomologie. »

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il s'agit d'un amendement d'appel destiné à réitérer la demande pressante faite par notre collègue Jean-Marc Pastor au cours de la discussion générale et concernant la recherche scientifique fondamentale.

En effet, il ne peut y avoir d'évaluation totalement indépendante sans l'apport de spécialistes appartenant à nos établissements publics de recherche - je pense notamment à l'INRA, que je connais bien.

C'est la raison pour laquelle il faut, selon moi, donner de réels moyens à ces établissements publics afin qu'ils puissent procéder aux expertises et ne s'en remettent pas aux seuls dossiers des obtenteurs.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 531- 5 du code de l'environnement, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L'État encourage, organise et assure le financement de la recherche scientifique fondamentale en ce qui concerne notamment le fonctionnement du vivant, la biologie végétale et des invertébrés, la toxicologie, l'épidémiologie, l'entomologie.  

« Le Gouvernement prend toute mesure par voie de décret afin d'encadrer strictement la constitution des partenariats public-privé et d'assurer, d'une part, l'indépendance des équipes scientifiques, d'autre part, la transparence des sources de financement. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de rappeler que l'État apporte son soutien aux activités de recherche sur le vivant et veille à ce que celles-ci puissent être conduites indépendamment des intérêts privés.

Les Verts, en mettant en avant le principe de précaution, ne s'opposent pas à la recherche scientifique, bien au contraire. Ils en font même la promotion pour être sûrs de ne pas s'aventurer dans les nouvelles technologies sans assurance et sans expertise.

Dans le domaine des OGM, l'expertise est très largement entre les mains du secteur privé qui parvient, grâce à un lobbying apparemment très efficace, à imposer ses idées au monde politique, à défaut de les imposer à l'opinion publique.

Il s'agit donc, en l'occurrence, de revaloriser la recherche publique pour que les parlementaires, par exemple, puissent s'appuyer sur des informations fiables et « impartiales ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Les auteurs de l'amendement n° 81 affichent leur souci de voir se développer durablement la recherche scientifique publique en matière de sciences du vivant, de biologie végétale, de toxicologie, d'épidémiologie et d'entomologie.

Votre rapporteur, mes chers collègues, partage entièrement cette préoccupation. Une juste compréhension du principe de précaution doit effectivement conduire à développer la recherche relative aux OGM en vue d'en évaluer sérieusement les risques et d'éclairer au mieux la décision publique en matière de politique des biotechnologies.

Toutefois, la disposition proposée par les auteurs de cet amendement ne relève pas véritablement du texte dont nous discutons et aurait sans doute mieux trouvé sa place dans la loi de programme pour la recherche.

Dans ces conditions, la commission ne peut que s'en remettre à la sagesse de notre assemblée.

À plusieurs reprises, j'ai d'ailleurs dit - c'était presque une boutade -, que j'aurais souhaité que l'INRA recrute plus de scientifiques et moins de sociologues - il faudrait effectivement inverser quelque peu la tendance. Au sein de la délégation pour l'Union européenne, nous avions inscrit les sciences du vivant dans la « stratégie de Lisbonne ». Cette une réalité qui a pris corps récemment et je tiens à saluer les efforts accomplis par le Gouvernement dans le cadre du récent projet de loi de programme pour la recherche.

Pour ce qui est de l'amendement n° 152, s'il reprend en partie le dispositif proposé dans l'amendement n° 81, il prévoit, en revanche, la mise en place d'un encadrement réglementaire strict des partenariats public-privé, alors que personne n'ignore le rôle considérable joué par Génoplantes dans la recherche en sciences du vivant. D'ailleurs, j'invite notre collègue Desessard - cette visite serait certainement très instructive pour lui - à venir se rendre compte par lui-même du travail extraordinaire réalisé par Génoplantes, qui, certes, est une multinationale, mais d'origine française ; elle est même la propriété d'agriculteurs, puisqu'il s'agit d'une coopérative.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 152.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Comme l'a dit M. le rapporteur, l'amendement n° 81 est totalement satisfait par la rédaction actuelle du code de la recherche. Il ne me semble pas utile d'éparpiller entre divers codes les dispositions concernant la recherche. Il existe un code de la recherche, les dispositions qui ont trait à la recherche doivent y figurer.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, au nom de la bonne écriture de la loi.

Cela étant dit, il me semble que les intentions des auteurs de cet amendement rejoignent très largement les nôtres, à savoir que l'État doit avoir toute sa place dans le financement et l'organisation de la recherche dans les domaines dont nous parlons.

En revanche, s'agissant de l'amendement n° 152, même si sa rédaction peut paraître très proche, le Gouvernement est, cette fois, en désaccord avec l'argumentation développée par M. Desessard.

Je ferai d'abord un rappel qui sonne comme une évidence : dans ces domaines, les capacités de recherche d'un pays comme le nôtre sont des capacités publiques et les scientifiques qui seront nommés au sein de la section scientifique du haut conseil viendront de l'INRA, du CNRS, de l'INSERM, de l'université, autant d'organismes publics de recherche.

La recherche est donc, en la matière, principalement publique, même si elle associe, sur un certain nombre de thèmes, et en particulier pour des recherches finalisées, la recherche privée, ce qui, somme toute, est bien naturel.

D'ailleurs, j'ai cru comprendre que sur la plupart des travées de la Haute Assemblée, et pas seulement dans les rangs de la majorité, nombreux sont ceux qui se prononcent en faveur d'une association fructueuse entre le public et le privé, au profit de notre industrie.

Cela vaut d'ailleurs pour tous les secteurs économiques, et donc pas seulement pour celui des sciences du vivant ou des productions végétales. Nous avons besoin de l'association du secteur public et du secteur privé pour accroître, grâce à la recherche, la performance de nos entreprises. C'est tout l'esprit du pacte pour la recherche qui vous a été présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui a recueilli une large approbation de votre part. Il n'est donc pas question de couper ces secteurs l'un de l'autre.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 152.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Alors que dans un premier temps je m'en étais remis à la sagesse de la Haute Assemblée, je demande à présent à M. Raoul de retirer son amendement, faute de quoi la commission, à la suite du Gouvernement, émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 81 est-il maintenu ?

M. Daniel Raoul. Oui, je le maintiens, monsieur le président. J'en suis navré, mais je ne ferai pas à M. le rapporteur le plaisir de retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications, mais je ne les comprends pas !

Monsieur le ministre, j'ai cherché ce qui avait provoqué votre charge contre mon amendement, alors que vous aviez considéré avec bienveillance le texte présenté par M. Raoul.

Je lis, dans le texte proposé par l'amendement n° 81, que « l'État organise et assure le financement de la recherche scientifique fondamentale en ce qui concerne le fonctionnement du vivant, la biologie végétale et des invertébrés, la toxicologie, l'épidémiologie et l'entomologie. »

Je cherche ce qui le différencie de l'amendement n° 152 que j'ai défendu, et je constate que dans ce dernier figure une phrase en sus, à savoir : « l'État encourage, organise et assure le financement ».

Monsieur le ministre, je ne comprends donc pas votre charge contre mon amendement. Certes, je vois bien que vous tentez d'amadouer certains de nos collègues. Si vous aviez accepté l'amendement n° 152 tout aurait été clair pour moi, mais comme vous l'avez rejeté, je ne comprends plus !

S'agissant du second alinéa de l'amendement que j'ai défendu, pour répondre à M. le rapporteur, je ne me suis jamais opposé à la conclusion de partenariats entre la recherche publique et la recherche privée ! J'ai seulement souhaité préciser, à travers cet amendement, que « le Gouvernement prend toute mesure par voie de décret afin d'encadrer strictement la constitution des partenariats public-privé et d'assurer, d'une part, l'indépendance des équipes scientifiques, d'autre part, la transparence des sources de financement ».

Qu'est-ce qui vous gêne, monsieur  le rapporteur ? Est-ce la « transparence des sources de financement » ?  Je n'ai pas compris vos explications. Je ne vois pas pourquoi vos émettez des avis différents sur deux amendements que seul le terme « encourage » distingue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, j'ai entendu vos explications, qui ont conduit M. le rapporteur à modifier l'avis de la commission sur l'amendement n° 81, ce que, franchement, je regrette.

En effet, même si les dispositions que nous proposons peuvent paraître redondantes avec celles qui figurent dans le code de la recherche, évoquer la recherche fondamentale et publique à l'occasion de l'examen de ce projet de loi n'est tout de même pas incongru. Sur tout le territoire, les différents partenaires de la recherche scientifique seront attentifs à ce texte. Il serait donc utile de rassurer les chercheurs, en mettant en place un dispositif qui identifie les responsabilités des organismes publics.

Monsieur le ministre, lors de nos auditions, nous avons rencontré des scientifiques complètement désabusés. Vous affirmez que les membres du haut conseil des biotechnologies, notamment, seront choisis parmi des scientifiques travaillant pour la recherche publique.

Toutefois, comment l'INRA pourra-t-il proposer des candidats à ce conseil, alors qu'aucune mission ne lui a été confiée dans le domaine des OGM ? Apparemment - c'est ce que l'on nous a affirmé lors des auditions en commission -, un seul chercheur aujourd'hui y est identifié comme étant spécialiste de ces questions ! Seuls deux projets de recherche étaient envisagés par l'INRA, dont l'un, qui portait sur la vigne et devait être mené autour de Colmar, a été abandonné.

Nous sommes donc inquiets, et si nous avons souhaité repositionner la recherche publique, à travers cet amendement déposé sur un texte relatif aux OGM, c'est parce qu'il existe incontestablement une attente forte de la société et des scientifiques, qui veulent être rassurés.

Ne dites pas le contraire, chers collègues ! J'en vois ici qui font des signes de dénégation, mais c'est pourtant ce qui nous a été affirmé. En effet, des chercheurs nous ont décrit cette situation, même si je ne citerai aucun nom, car notre rôle n'est pas de « fliquer » ni de dénoncer ceux que nous avons rencontrés. Si c'est nécessaire, la commission pourra organiser des auditions complémentaires, et comptez sur nous d'ailleurs pour en réclamer.

Il est regrettable que ce projet de loi, dont la recherche publique constitue tout de même une dimension essentielle, ne réponde pas aux préoccupations des scientifiques !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 83, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 531-6 du code de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ...  - Les expérimentations sur animaux, pour études complémentaires de toxicité ou pour production de substances nécessaires à la santé humaine, sont subordonnées à une exigence de proportionnalité et à l'accord du Comité consultatif national d'éthique, après consultation préalable du Centre européen pour la validation des méthodes alternatives (CEVAM). Le respect des règles du bien-être animal est impératif.

« La production de substances indispensables à l'amélioration de la santé humaine est subordonnée, lorsqu'elle ne peut être réalisée que par l'intermédiaire d'animaux, à la validation, par le Comité consultatif national d'éthique, des méthodes employées. Le respect des règles du bien-être animal est impératif. ».

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il ne vous aura pas échappé que dans ce projet de loi, jusqu'à présent, il n'est nulle part fait référence aux expérimentations sur les animaux.

Il nous semble qu'il faut compléter ce texte, en imposant le respect de certaines précautions, et définir ce qu'il est permis ou non de faire, en conciliant la production des substances indispensables à l'amélioration de la santé humaine avec le bien-être des animaux.

M. le président. L'amendement n° 153, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 531-6 du code de l'environnement, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - La transgénèse sur les animaux à finalité commerciale est interdite.

« Les expérimentations sur animaux pour études complémentaires de toxicité ou pour production de substances nécessaires à la santé humaine sont subordonnées à une exigence de proportionnalité et à l'accord du Comité consultatif national d'éthique, après consultation préalable du Centre européen pour la validation des méthodes alternatives (CEVAM). Le respect des règles du bien-être animal est impératif.

« La production de substances indispensables à l'amélioration de la santé humaine est subordonnée, lorsqu'elle ne peut être réalisée que par l'intermédiaire d'animaux, à la validation, par le Comité consultatif national d'éthique, des méthodes employées. Le respect des règles du bien-être animal est impératif. »

 

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet d'encadrer les expérimentations génétiques sur les animaux. Celles-ci ne pourraient être autorisées que si elles répondent à une nécessité pour la santé humaine.

Dans tous les cas, ces expérimentations devraient être validées par le Comité consultatif national d'éthique et respecter le bien-être animal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Je comprends le point de vue exprimé par notre collègue Daniel Raoul, mais l'amendement n° 83 tend à imposer aux expérimentations en laboratoire le respect des règles du bien-être animal. Or de telles dispositions ne correspondent en aucune façon à l'objet du présent projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 153, quant à lui, est presque identique au précédent, mais il vise en outre à interdire complètement la transgénèse sur les animaux à finalité commerciale. Là encore, cette disposition n'est en rien compatible avec la directive communautaire qu'il s'agit ici de transposer. Celle-ci concerne les organismes génétiquement modifiés, c'est-à-dire non seulement les plantes mais aussi les virus ou même, potentiellement, les animaux. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 83. En effet, lors des expérimentations sur les animaux, les exigences en matière de tests de toxicité suivent les lignes directrices de l'AFSSA, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, et de l'AESA, l'autorité européenne de sécurité des aliments, qui ont été harmonisées en 2004.

Les études toxicologiques menées dans le cadre de l'évaluation des risques pour la santé animale ou humaine sont conduites selon des protocoles internationaux agréés et elles sont réalisées dans le respect des bonnes pratiques de laboratoire prévues par la réglementation communautaire.

Monsieur Pastor, la disposition que vous proposez est donc étrangère à l'objet de ce projet de loi. En outre, elle est inopportune, me semble-t-il, eu égard à la réglementation déjà applicable et aux bonnes pratiques suivies.

S'agissant de l'amendement n° 153, le Gouvernement émet également un avis défavorable. Je le rappelle, dans de nombreux domaines il est nécessaire de réaliser des tests sur les animaux, qui constituent un facteur de sécurité sanitaire et qui ne sont pas incompatibles avec le respect de bonnes pratiques, attentives au bien-être animal.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par MM. Pastor,  Raoul,  Collombat,  Trémel,  Lejeune,  Courteau et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé:

Il est créé une Commission locale d'information et de suivi (CLIS) pour chaque site expérimental.

Elle est une première barrière, un filtre essentiel entre la recherche en milieu confiné et en milieu externe.

- Elle se prononce sur l'opportunité ou le refus de poursuivre la recherche en externe (deuxième phase) ;

- Elle assure l'information, la transparence, la communication,

- Elle participe à la mise en place éventuelle du protocole de culture et de précaution pour une recherche menée en externe. Ceci concerne les emplacements, les espèces, les variétés, et les moyens à mettre en oeuvre.

Elle est dotée de moyens nécessaires pour assurer sa mission.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Nous avons exprimé à de nombreuses reprises notre souhait d'instituer des commissions locales d'information et de suivi, par exemple lorsque nous avons discuté du fonctionnement de la section économique et sociale du haut conseil des biotechnologies. Je comprends bien que cette dernière ne puisse être consultée au cas par cas pour chaque expérimentation. Toutefois, il est nécessaire, dans le cas d'expérimentations en plein champ, que les exploitants riverains soient pleinement informés de la nature du couple « gène-plante ».

En effet, vous le savez, les risques ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit de maïs, de colza ou d'une plante de la famille des crucifères. Nous savons pertinemment que les OGM peuvent se disséminer, et même que certaines plantes sont susceptibles de repousser quelques années plus tard, ce qui, en principe, ne se produit jamais avec le maïs.

Les exploitations riveraines d'un site expérimental doivent donc pouvoir compter sur une instance d'information et de suivi. J'insiste particulièrement sur ce point. N'agissez pas à la hussarde, comme les opérateurs téléphoniques, qui ont tenté, notamment, de dissimuler leurs antennes derrière des paravents (Sourires), suscitant les réactions que l'on sait, jusqu'à l'adoption d'une charte qui a permis à la fois la transparence et l'information de tous les habitants des zones concernées !

Lorsqu'une charte garantit l'information et la transparence, me semble-t-il, une attitude constructive succède aux réactions irrationnelles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Bizet, rapporteur. La décision d'autoriser la dissémination des OGM relève de chaque État membre de l'Union européenne et elle est valable sur tout son territoire national.

Autant il est légitime d'assurer l'information des maires qui accueillent sur le territoire de leur commune un essai expérimental et de prévoir une consultation nationale du public, autant il n'est pas fondé, me semble-t-il, de soumettre l'opportunité d'une expérimentation en milieu ouvert à une commission ad hoc créée localement pour chaque site concerné. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur cette question.

M. Jean Desessard. Mais nous sommes têtus ! (Sourires.)

M. Jean Bizet, rapporteur. J'ajoute que le nouveau haut conseil des biotechnologies exercera, notamment, les missions qui étaient celles du comité de biovigilance institué par la loi d'orientation agricole de 1999. Pour la première fois, une véritable biovigilance sera mise en place.

Les sites expérimentaux seront donc bien suivis en permanence, mais par des personnalités « qualifiées », qui pourront fournir des expertises et apporter des explications. Si cette mission était exercée au niveau local stricto sensu, nous verrions de nouveau apparaître des ambiguïtés, des incohérences et des craintes, car les expérimentations seraient alors suivies par des gens qui ne disposeraient pas de la « culture scientifique » nécessaire pour les comprendre. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 82 rectifié.

M. Jean Desessard. Et elle a tort !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur.

Quand il faut donner un avis sur une autorisation d'expérimentation des OGM, les riverains ne sont pas les seuls concernés : toute la communauté nationale est impliquée, et la décision adoptée ne doit pas varier selon que le site retenu se trouve dans tel ou tel département.

Il s'agit ici d'exprimer une opinion scientifique. La section socio-économique du haut conseil des biotechnologies débattra de l'opportunité des OGM, de leurs avantages et de leurs inconvénients, mais les facteurs locaux ne seront jamais décisifs.

À mon avis, il serait tout à fait inapproprié et restrictif de prévoir dans la loi l'intervention d'une commission locale. En effet, celle-ci se verrait attribuer des pouvoirs particuliers, notamment celui de donner son avis, alors même qu'elle ne pourrait pas valablement se prononcer sur des questions d'ordre général, qui, par définition, nous concernent tous.

D'une manière générale, chaque autorisation qui est donnée vaut pour une expérimentation précise, à un endroit précis, selon des conditions précises. Mais il va sans dire que les autorisations seront souvent identiques sur plusieurs points du territoire, parce qu'il est rare que les conditions scientifiques soient très différentes.

M. Jean Desessard. Les sols ne sont pas les mêmes !

M. François Goulard, ministre délégué. Certes, mais le fait de créer une telle commission dans la loi n'est de toute manière pas une solution adéquate.

En revanche, il est tout à fait possible d'envisager une information au niveau local, qui serait totalement accessible. D'ailleurs, nos concitoyens ont pris aujourd'hui l'habitude de s'informer très complètement, notamment par la voie électronique qui leur permet d'accéder à nombre d'explications.

À l'évidence, les autorisations feront l'objet de débats locaux. En tout état de cause, je le répète, ce n'est pas à la loi de donner à des instances locales des pouvoirs particuliers dans une affaire qui est, à la fois, européenne et nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. En la matière, il y a manifestement une différence d'approche entre nous. Sur ce sujet des OGM, la vraie question qui se pose à tous est de trouver un biais afin de pouvoir être en phase avec la population et l'ensemble de la société. Or, depuis dix ans, je constate avec regret que nous persistons dans la même voie. Dans ce domaine, je le dis très honnêtement, ni les uns ni les autres n'avons démontré que nous détenions la vérité, qui, seule, aurait permis d'obtenir l'adhésion de toute la société.

Depuis dix ans, nous persistons à nous convaincre que la classe scientifique est la seule à détenir la vérité, sous prétexte qu'elle a l'intelligence de s'exprimer avec un vocabulaire propre. D'un côté, il y a donc la communauté scientifique, qui vit et évolue à l'intérieur d'une bulle, et, de l'autre, il y a la société. Entre les deux, le gouffre qui s'est créé continue à se creuser. Finalement, une telle situation est compréhensible, puisque, notre collègue François Fortassin l'a rappelé fort à propos tout à l'heure, les scientifiques ont du mal à communiquer.

Malgré ce constat, nous, élus, représentants du peuple, continuons à faire la même erreur depuis dix ans. Alors que nous devrions être capables de franchir le pas, nous butons sur cette question, en refusant de changer notre fusil d'épaule. Nous ferions mieux de nous interroger pour trouver le moyen de rétablir la communication avec nos populations.

C'est pourquoi, aujourd'hui, nous vous proposons la création d'une commission locale d'information et de suivi. Pour autant, nous n'entendons pas entrer dans les détails et déterminer, dès à présent, son périmètre d'intervention et les acteurs concernés. Nous souhaitons justement laisser le champ libre à toutes les initiatives dans ce domaine, car nous avons pleinement conscience qu'il faudra bien plus que quelques minutes pour régler toute la question.

Du reste, il importe de reprendre la balle au bond, sous la forme d'une commission locale ou sous une autre. En tout état de cause, même si le conseil des biotechnologies fonctionne correctement, ce n'est pas cette instance qui, de Paris, permettra, tout à coup, de mieux faire comprendre la situation aux habitants de ma région, au plus profond du Tarn, de l'Aveyron ou des Pyrénées. Si nous ne mettons pas en place des déclinaisons de cette structure au niveau local, dans dix ans nous serons toujours confrontés au même problème de communication avec nos populations.

Si nous ne prétendons absolument pas détenir la vérité sur cette question, nous souhaitions profiter de ce débat pour la poser, par le biais de cette commission locale. De grâce ! monsieur le ministre, -  et j'insiste sur ce point - ne croyez pas qu'il y ait des gens qui soient vraiment contre les OGM. En ce qui nous concerne, nous nous interrogeons avec vous, sans avoir la moindre certitude, sauf celle de notre incapacité, jusqu'à présent, à être en phase avec nos populations.

Si vous nous proposez un schéma intangible, à quel point en serons-nous dans cinq ans ? Ce n'est pas parce que nous aurons transposé une directive européenne que nous aurons avancé sur la question des OGM dans notre pays ! Nous en reparlerons s'il le faut. Mais, si rien ne change, dans quelques années la situation sera malheureusement toujours la même.

En définitive, monsieur le ministre, je formulerai une double remarque.

Premièrement, à l'occasion de ce texte de loi, il était urgent et nécessaire de garantir non seulement à la classe scientifique, mais aussi à l'ensemble de la population, que les OGM feraient l'objet d'une expertise scientifique réalisée par un organisme public. Or vous venez à l'instant de rejeter notre proposition d'amendement tendant à cette fin, sous prétexte que cela était déjà prévu. Si c'était vrai, pourquoi les scientifiques seraient-ils alors si démobilisés, pourquoi le peuple de France exprimerait-il son incompréhension et ses inquiétudes ?

Deuxièmement, alors que nous vous proposons de trouver un accord, à partir d'un projet que nous sommes prêts à revoir et à corriger, vous le rejetez purement et simplement.

Ce faisant, vous marquez votre refus sur les deux points majeurs qui expliquent le blocage actuel. Le moment est pourtant venu de régler non seulement la question scientifique à proprement parler, mais aussi la question de société, car, je le répète, nous ne sommes plus capables aujourd'hui d'être en phase avec notre société. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous le dis très honnêtement : vous faites erreur !

Nous avons voulu profiter de ce débat pour lancer cette idée de commission locale d'information de manière officielle, car elle mérite un vrai travail de fond. J'espère que nous y reviendrons en deuxième lecture, car il serait regrettable que vous n'acceptiez pas une telle ouverture. Encore une fois, il est urgent de trouver un biais pour régler la question et éviter qu'une poignée de scientifiques et quelques autres prennent les décisions depuis Paris. Ce n'est pas ainsi que nous réussirons à mieux faire comprendre les OGM et leurs enjeux à nos populations.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Même si l'amendement peut être retravaillé, il faut tout de même regarder les choses en face. L'année dernière, dans mon département du Puy-de-Dôme, de nombreuses expérimentations ont eu lieu, provoquant énormément d'incidents et de troubles graves à l'ordre public, avec, notamment, des bagarres entre agriculteurs et opposants aux OGM. La gendarmerie départementale a ainsi été bloquée pendant cinq mois, ne pouvant assurer aucune autre mission de sécurité dans le département.

Monsieur le ministre, une fois la décision prise, une fois l'autorisation donnée, que je ne n'entends pas du tout remettre en cause pour ma part, le maire est informé. Mais, le pauvre, que peut-il faire ? Il est tout seul ! Il interroge le préfet ? Pas de réponse, ou quasiment ! Il souhaite rencontrer le directeur départemental de l'agriculture ou celui de l'environnement ? Pas de réponse non plus !

M. Michel Charasse. Il est lui-même questionné par ses administrés, mais que peut-il leur dire puisqu'il ne sait rien ? Il n'est sûr que d'une chose : il est en première ligne si l'ordre public est troublé ; malheureusement, c'est souvent le cas.

M. Bernard Barraux. Il a raison !

M. Michel Charasse. Par conséquent, mes chers collègues, sans aller jusqu'au bout de la logique de l'amendement déposé par Jean-Marc Pastor et mes amis du groupe socialiste, vous pourriez au moins accepter le principe de la création d'une commission locale, une fois la décision prise et une fois le maire informé, puisque, de toute façon, il le sera.

Une commission locale serait créée pour chaque site expérimental et présidée par le maire, ou par les maires concernés si l'expérimentation porte sur un champ situé à cheval sur deux communes. Afin d'éviter toute mauvaise interprétation, cette commission devrait, pour reprendre une partie de l'amendement n° 82 rectifié, être au moins informée sur la mise en place éventuelle du protocole de culture et de précaution pour les recherches menées en externe, en ce qui concerne notamment les emplacements, les espèces, les variétés et les moyens à mettre en oeuvre. Il faut également renvoyer à un décret le soin de préciser les conditions d'application de ce système.

Il conviendrait, à tout le moins, de prévoir une telle instance, placée sous la présidence du maire. Celui-ci pourrait donc organiser une réunion d'information, à laquelle participeraient le directeur départemental de l'agriculture et celui de l'environnement, ou l'un de leurs représentants, mais aussi des chercheurs, s'il y a une université à proximité du site d'expérimentation, ainsi que le représentant de l'entreprise concernée.

Monsieur le ministre, je vous en supplie, nous ne pouvons pas en rester à la situation actuelle ! Dans cette affaire, les maires de France sont en première ligne, sans avoir le moindre moyen de répondre aux questions qu'ils se posent et qu'on leur pose. Or, vous le savez, c'est ainsi que les fantasmes surgissent, et, dans ce domaine, croyez-moi, cela part dans tous les sens ! Quand tout est entouré de mystère, quand le maire et ses conseillers municipaux ne savent rien, quand il s'agit d'une petite commune, les histoires de village se multiplient et la rumeur part comme une flamme.

Par conséquent, monsieur le président, je souhaite sous-amender l'amendement de mon ami Jean-Marc Pastor.

M. Jean Desessard. Il n'a pas le droit !

M. Michel Charasse. Il m'en voudra peut-être, mais il faut au moins qu'il reste quelque chose de concret de notre discussion. Le texte de l'amendement ainsi sous-amendé est le suivant :

« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Il est créé une Commission locale d'information et de suivi (CLIS) pour chaque site expérimental, présidée par le maire de la commune concernée ou par les maires des communes concernées.

« Elle est informée de la mise en place éventuelle du protocole de culture et de précaution pour une recherche menée en externe, en ce qui concerne, notamment, les emplacements, les espèces, les variétés, et les moyens à mettre en oeuvre.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

Par conséquent, c'est l'exécutif qui précisera les compétences de la commission et son domaine d'intervention. Jean-Marc Pastor l'a souligné avant moi, il faut à tout le moins assurer l'information du public, car, à partir de là, tout le monde peut discuter dans la ou les communes concernées. Quand aucune information précise n'est fournie, on fausse le débat et il se raconte n'importe quoi.

Monsieur le président, je vous fais donc porter le texte de l'amendement que je souhaite sous-amender.

M. le président. Monsieur Charasse, selon notre règlement, en tant que cosignataire de l'amendement n° 82 rectifié, vous ne pouvez pas le sous-amender.

M. Michel Charasse. Vous avez raison, monsieur le président.

M. le président. Cela étant, M. Pastor, qui a défendu l'amendement, pourrait, le cas échéant, accepter de le modifier lui-même.

Je vous propose donc de lui transmettre votre proposition. Vous pourriez alors tenir un conciliabule avec lui pour le convaincre.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, je transmets tout de suite ma proposition à mon ami Jean-Marc Pastor, faisant confiance à sa sagesse légendaire ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. Nous sommes à un moment crucial de notre débat. En réalité, il y a deux raisons principales qui expliquent la situation actuelle, après ces dix années de tergiversations sur les OGM.

Premièrement, nous avons souhaité avant tout afficher une vraie transparence au niveau des expérimentations. Or, chacun a pu le constater, une fois sur deux les plantations concernées ont été détruites. M. Charasse vient de relater de tels incidents dans son département, car il sait combien la coopérative Limagrain et la société Meristem Therapeutics en ont souffert. D'ailleurs, cette dernière risque de quitter le territoire national.

M. Michel Charasse. C'est déjà fait !

M. Jean Bizet, rapporteur. Cela entraînerait donc le départ de quatre-vingts chercheurs de très haut niveau, ceux-là mêmes qui ont mis au point les succédanés du sang ou la fabrication de la lipase gastrique pour améliorer le confort de vie des enfants atteints de mucoviscidose, même s'ils n'ont malheureusement pas réussi, pour l'instant, à les guérir totalement.

Telle est la situation actuelle : ce souci de transparence que les uns et les autres avons souhaité a été mis à mal par les faucheurs volontaires.

Deuxièmement, la commission du génie biomoléculaire, la CGB, a fonctionné dans la plus grande cacophonie. Composée à la fois de scientifiques et de membres de la société civile, elle n'a jamais réussi à dégager des orientations claires. Je le répète, j'y ai moi-même siégé pendant pratiquement quatre ans. L'ambiance était assez désagréable : les scientifiques de très haut niveau ne se sentaient pas bien, hors de leur milieu habituel ; quant aux membres de la société civile, ils n'avaient précisément pas le niveau d'expertise requis pour travailler efficacement sur ces questions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vraiment saluer l'honnêteté intellectuelle de notre collègue Jean-Marc Pastor. Nous nous connaissons bien, pour avoir travaillé ensemble au sein de la mission d'information sur les OGM. Je sais sa volonté d'essayer de trouver une solution.

Il importe de sortir de la situation actuelle, pour n'avoir plus à déplorer la cacophonie de la CGB et les conflits avec les faucheurs volontaires. Or, la création du haut conseil des biotechnologies est à mes yeux une véritable avancée en la matière.

Ainsi, madame Férat, la section socio-économique de cette instance aura un rôle fondamental à jouer, celui de dialoguer avec la société civile.

Ce n'est pas facile, M. Fortassin l'a dit, les scientifiques ne savent pas faire cela, ce n'est pas leur métier, ils ne parlent pas avec nos mots à nous, ce n'est pas leur rôle.

Pour établir un dialogue, j'attends beaucoup de la section économique et sociale, dont le rôle est aussi important que celui de la section scientifique.

J'attends beaucoup également du comité de biovigilance, qui a été créé par la loi d'orientation agricole de 1999, et qui n'a jamais été mis en place. En effet, ce sont les agents chargés de la biovigilance qui iront régulièrement constater ce qui se passe sur le terrain, et qui fourniront des informations au maire afin que celui-ci ne soit plus complètement dans l'ignorance.

M. Michel Charasse. Il est tout nu !

M. Jean Bizet, rapporteur. Il ne le sera plus, monsieur Charasse, puisqu'il bénéficiera d'informations sur la biovigilance. Sur ces questions, même un directeur départemental de l'agriculture et un directeur régional de l'agriculture et de la forêt étaient complètement démunis.

Si l'on veut que le mécanisme soit pertinent, les explications doivent également être apportées par des personnalités qualifiées, dont l'expertise est avérée, et qui peuvent s'exprimer localement. Ce sera le rôle des membres du conseil chargés de la biovigilance. Rien n'empêchera alors un maire, s'il le souhaite, de s'immiscer dans le débat. Certains ne le voudront absolument pas, chacun est libre, certains maires seront - courageux, allais-je dire - intéressés, impliqués,...

M. Michel Charasse. Responsables !

M. Jean Bizet, rapporteur. Soit !

Rien n'empêchera un maire de se rapprocher du haut conseil et de décliner à l'échelon local toutes les informations que le conseil sera tenu de lui fournir.

Ne compliquons pas les choses, laissons le haut conseil des biotechnologies opérer.

Certes, l'idée qui sous-tend cet amendement est bonne, mais la mise en oeuvre serait très compliquée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué. Cette discussion est intéressante, car il me semble que nous sommes animés des mêmes intentions. Nous souhaitons améliorer la compréhension des OGM et les faire accepter par nos concitoyens, que nous devons convaincre de l'intérêt d'expérimentations réalisées avec les précautions de rigueur.

J'ai été assez sensible aux explications qui viennent d'être données. Cependant, je mesure la difficulté de confier des responsabilités bien identifiées à une commission locale, qui risque fort d'être très vite dépassée faute d'expertise, et qui ne pourra donc pas assumer les responsabilités telles qu'elles ont été définies par MM. Pastor et Raoul.

Aussi, je suggère, comme le rapporteur, de ne pas adopter cet amendement, même rectifié.

Dans quelques heures, nous reprendrons nos travaux. Je vous proposerai alors, sous une forme qui reste à définir, un dispositif organisant l'intervention du haut conseil dans le débat local, selon des modalités variables afin de tenir compte de la diversité des communes et de la personnalité des maires. Il me semble en effet nécessaire de préciser la mission du haut conseil dans l'information locale en association avec les élus communaux.

M. le président. Dans ces conditions, l'amendement n° 82 rectifié est-il maintenu, monsieur Pastor ?

M. Jean-Marc Pastor. M. le ministre ayant dit qu'il proposerait une solution dans quelques heures, je suis tenté de donner ma réponse dans quelques heures également. (Sourires.)

Vous semblez, les uns et les autres, être inquiets de ce que pourrait être un mécanisme local. Permettez-moi de vous donner un exemple précis. En 2003, un rapport, à l'élaboration duquel j'ai participé avec Jean Bizet et d'autres collègues, a été adopté à la quasi-unanimité par les membres de la Haute Assemblée.

Lorsque je suis retourné dans mon département, dans les deux mois qui ont suivi, j'ai organisé douze réunions pour expliquer ce rapport. À la première réunion, mon nom a été tagué sur les murs, mais je n'ai eu aucun problème pour les onze autres réunions.

Je me suis alors rendu compte que pour parler des OGM, il n'était pas nécessaire d'être un spécialiste de haut niveau, d'être une « excellence », pour reprendre un mot qui a été employé tout à l'heure, et que l'on pouvait aussi expliquer à la population un certain nombre de choses la concernant à partir de sujets banals.

M. Jean Bizet, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Marc Pastor. Un grand nombre de personnes ont assisté à ces réunions, et je n'ai jamais été aussi bien élu que depuis cette période-là. (Sourires.)

M. Jean Bizet, rapporteur. C'est grâce au rapport !

M. Jean-Marc Pastor. Je suis convaincu que l'on a toujours raison de parler aux gens, et chaque fois que l'on a peur de le faire, les conséquences sont très négatives.

Nous ne faisons pas de proposition définitive, mais nous constatons que le schéma doit être changé.

Cela étant dit, à ce stade de la discussion, nous ne retirons pas notre amendement, mais nous serons attentifs à la proposition de M. le ministre car un s'agit d'un point fondamental sur lequel nous devons nous interroger.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je vais troubler le consensus qui règne dans cet hémicycle : 74 % des Français sont opposés aux OGM. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Charles Revet. Ils sont comptés par vous !

M. Jean Desessard. Même si vous arrivez à convaincre un certain nombre de personnes, il y a tout de même beaucoup de gens qui sont hostiles aux OGM.

Je suis inquiet de la façon dont vous en parlez les uns et les autres. Certains ont parlé d'irrationnel, d'autres ont dit que ce n'était pas sérieux, d'autres encore affirment que la population n'a pas compris et que l'on doit lui fournir des explications.

Or nous avons un problème de société, nous devons déterminer vers quelle société nous voulons aller. Il y a également un problème de choix par rapport au progrès, un problème de principe de précaution dont on ne tient pas assez compte.

Je ne peux laisser dire qu'il s'agit uniquement d'un problème de pédagogie et d'irrationnel. Certaines personnes s'opposent aux OGM pour des raisons de choix de société et parce qu'elles considèrent que l'on ne maîtrise pas la course technologique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82 rectifié.

M. Jean Desessard. Je m'abstiens.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels après l'article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés
Discussion générale