compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Journée de mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui 10 mai a été déclaré par le Président de la République comme journée de « mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions ». Le Sénat s'associe d'autant plus pleinement à cette première célébration que la date choisie est celle de l'adoption définitive par le Sénat, en 2001, à l'unanimité, de la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.

Depuis la Révolution française, notre assemblée s'honore d'avoir compté dans ses rangs les principales personnalités ayant oeuvré à l'abolition de l'esclavage : l'abbé Grégoire, le sénateur Victor Schoelcher, le sénateur Auguste Scheurer-Kestner.

Nous nous rappelons que le Sénat, en 1998, a déjà célébré avec une solennité particulière le 150e anniversaire du décret d'abolition en organisant une journée entière de commémoration et une séance exceptionnelle à l'issue de laquelle a été dévoilée une médaille à l'effigie du président Gaston Monnerville, à la place qu'il occupait dans notre hémicycle.

Aujourd'hui même, le Sénat prend toute sa part à cet indispensable travail de mémoire grâce à deux expositions : la première, sur la Forêt des Mânes, dans le jardin du Luxembourg, inaugurée ce matin même par le Président de la République, sensibilisera un large public ; la seconde, dans le Palais du Luxembourg, sur La route des abolitions de l'esclavage, est une exposition itinérante qui passera par l'Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté et qui est due à l'initiative de nos collègues élus des départements de ces régions, pionnières de ce combat. Cette dernière exposition sera inaugurée tout à l'heure, à 17 heures, dans le foyer Clemenceau, par notre excellent collègue le questeur René Garrec.

Par-delà leur symbolique, toutes ces actions contribuent à lutter contre l'oubli et à assurer notre devoir de mémoire. Je tiens cependant à dire, mes chers collègues, que, si la mémoire est importante pour comprendre le présent, elle doit être surtout un moyen de regarder vers l'avenir avec confiance et détermination.

M. Michel Charasse. On peut préciser que c'est aussi aujourd'hui, et c'est tout un symbole, l'anniversaire de la naissance de Rouget de Lisle à Lons-le-Saunier, dans le Jura.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, je vous remercie des propos que vous avez tenus sur cette célébration nationale. Elle a été un moment très fort de rassemblement et d'affirmation, par le Président de la République, du respect dû aux victimes de la barbarie et du crime contre l'humanité que constitue l'esclavage. Elle est également venue rappeler la nécessité de forger pour l'avenir une détermination nouvelle.

Nous avons entendu un immense artiste, Jacques Martial, déclamer avec foi et fougue des textes magnifiques d'Aimé Césaire, et ce parcours dans l'oeuvre qui a été créée dans le jardin du Luxembourg, parce qu'elle est destinée à construire une identité et une conscience, est tout à fait magnifique.

Le travail ne s'arrête pas aujourd'hui : vous l'avez indiqué, c'est une première étape. Le Président de la République m'a d'ailleurs chargé d'organiser un concours pour créer un lieu de mémoire, afin que personne n'oublie jamais.

M. Michel Charasse. Mais on n'est pas obligé, à l'issue du concours, de sélectionner une horreur, comme c'est généralement le cas ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur le ministre, le Sénat tout entier s'associe à ces travaux.

3

Article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information
Article additionnel avant l'article 7 bis

Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (nos 269, 308).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 18 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 7 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information
Article 7 bis

Article additionnel avant l'article 7 bis

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 7 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 331-4 du code de la propriété intellectuelle, sont insérés deux articles L. 331-5-1 et L. 331-5-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 331-5-1. - L'Autorité de régulation des mesures techniques de protection visées à l'article L. 331-5 veille à ce que la mise en oeuvre des mesures techniques n'ait pas pour conséquence, du fait de leur incompatibilité mutuelle ou de leur incapacité d'interopérer, d'entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles expressément décidées par le titulaire d'un droit d'auteur, d'une oeuvre, autre qu'un logiciel, d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme.

« Art. L. 331-5-2. - Tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service qui souhaite améliorer l'interopérabilité des systèmes et des services existants peut demander à l'autorité de favoriser ou de susciter une solution de conciliation, dans le respect des droits des parties, pour obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à l'interopérabilité.

« On entend par informations essentielles à l'interopérabilité, la documentation technique et les interfaces de programmation nécessaires pour obtenir une copie protégée d'une reproduction protégée par une mesure technique et une copie protégée des informations sous forme électronique jointes à cette reproduction.

« Le procès-verbal de conciliation dressé par l'autorité précise le format dans lequel sont délivrées ces informations essentielles, dans des conditions équitables et non discriminatoires et moyennant une rémunération appropriée. Il précise les engagements pris par le bénéficiaire pour garantir la préservation de l'efficacité et de l'intégrité de la mesure technique, ainsi que le respect des conditions d'accès et d'usage du contenu protégé défini par les titulaires de droit.

« Le titulaire des droits sur la mesure technique ne peut imposer au bénéficiaire de renoncer à la publication du code source et de la documentation technique de son logiciel indépendant et interopérant que s'il apporte la preuve que celle-ci aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique.

« Le procès-verbal de conciliation a force exécutoire ; il fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal d'instance.

« À défaut de conciliation, l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection prend une décision motivée de rejet de la demande, ou émet une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte, les conditions dans lesquelles le demandeur peut obtenir l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité, et les engagements qu'il doit respecter pour garantir l'efficacité et l'intégrité de la mesure technique, ainsi que les conditions d'accès et d'usage du contenu protégé. L'astreinte, prononcée par l'autorité, est liquidée par cette dernière.

« Ces décisions, ainsi que le procès-verbal de conciliation, sont rendues publiques dans le respect des secrets protégés par la loi. Elles sont notifiées aux parties, qui peuvent introduire un recours devant la cour d'appel de Paris. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Cet amendement a pour objet de regrouper dans un nouvel article additionnel avant l'article 7 bis le dispositif que je vous propose de substituer à celui qu'a retenu l'Assemblée nationale pour garantir l'interopérabilité des mesures techniques.

La mise en place des mesures techniques risque de rendre incompatibles certains systèmes, par exemple une plate-forme de téléchargement et un baladeur. Pour remédier à cela, l'Assemblée nationale a imaginé un système reposant sur l'obligation faite aux fournisseurs de mesures techniques de fournir à autrui les informations essentielles à l'interopérabilité : documents techniques et interfaces de programmation.

L'idée est conservée dans cet amendement, mais vous sont proposées des modalités de mise en oeuvre différentes, plus respectueuses à la fois de la propriété industrielle et des dispositions de la directive européenne de 1996 sur les logiciels.

Nous vous proposons donc, tout d'abord, de définir dans un article L. 331-5-1 ce que nous attendons de l'interopérabilité : elle ne doit pas surajouter aux conditions que les auteurs ont posées pour l'accès à leurs oeuvres des conditions supplémentaires et indépendantes de leur volonté qui tiendraient à la configuration des mesures techniques.

Nous apportons ensuite une nouvelle réponse à la question de savoir qui doit statuer sur la fourniture des informations essentielles.

L'Assemblée nationale avait d'abord confié cette responsabilité cruciale au Conseil de la concurrence, dont ce n'est pas véritablement la vocation et qui n'aurait pu statuer que sous l'angle un peu réducteur des atteintes à la concurrence. En deuxième délibération, les députés en ont chargé le tribunal de grande instance, de façon à permettre à tout intéressé d'obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité. Cette solution nous paraît aller cette fois trop loin dans l'autre sens : la documentation technique et les interfaces de programmation correspondent à des secrets industriels qu'une entreprise ne peut accepter de livrer à tout un chacun sans garantie ni contrepartie.

Notre amendement vise donc à confier cette responsabilité à l'autorité régulatrice que nous instituons et dont la saisine sera limitée aux éditeurs de logiciels, aux fabricants des systèmes techniques, notamment ceux de l'électronique grand public, et aux exploitants de services - les plates-formes de téléchargement légales - qui souhaitent améliorer l'interopérabilité des systèmes existants. En contrepartie, ils se verront imposer de garantir la préservation de l'efficacité de la mesure technique et le respect des conditions d'accès et d'usage du contenu partagé.

Notre amendement institue une procédure en deux temps : d'abord, une procédure de conciliation entre le titulaire des droits sur la mesure technique et ses partenaires qui souhaitent la rendre interopérable avec leurs systèmes, sous l'égide de notre autorité de régulation ; ensuite, en cas d'échec, celle-ci aurait la possibilité de recourir à une décision contraignante, mais susceptible de recours devant la cour d'appel de Paris.

Je me permettrai d'insister sur cet amendement, qui, nous l'indiquions cette nuit, garantit l'interopérabilité tout en lui donnant les moyens de son effectivité.

M. le président. Le sous-amendement n° 185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Dans le texte proposé par cet amendement pour l'article L. 311-5-1 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

Autorité de régulation des mesures techniques de protection

par les mots :

Autorité de régulation des mesures techniques

II. - Procéder à la même substitution dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet amendement pour l'article L. 331-5-2 du même code et dans l'ensemble du projet de loi.

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Ce sous-amendement vise à modifier l'appellation de l'autorité créée par l'amendement n° 18 en la désignant par les termes : « autorité de régulation des mesures techniques », et non : « autorité de régulation des mesures techniques de protection ».

Cette nouvelle appellation paraît plus appropriée. En effet, les mesures techniques n'ont pas pour seule fonction de protéger les droits : elles servent également à gérer ces droits pour permettre la mise en ligne de nouveaux modèles au bénéfice du consommateur.

La constitution de cette autorité s'inscrit pleinement dans l'esprit du texte voté par l'Assemblée nationale. Je tiens à rappeler une fois encore combien le travail de la commission des affaires culturelles, de son président Jacques Valade et de son rapporteur a été déterminant pour organiser et renforcer cette autorité de façon qu'elle soit pleinement à la mesure des enjeux : concilier et garantir le droit d'auteur, la copie privée et l'interopérabilité tout en étant en phase avec la rapidité de l'évolution technologique, qui crée chez les internautes des comportements nouveaux s'imposant vite comme des habitudes.

M. le président. Le sous-amendement n° 194, présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-1 du code de la propriété intellectuelle :

I. - Remplacer les mots :

la mise en oeuvre des mesures techniques n'ait

par les mots :

les mesures techniques n'aient

II. - Après les mots :

de celles expressément décidées par le titulaire d'un droit d'auteur

rédiger comme suit la fin du texte :

sur une oeuvre autre qu'un logiciel ou par le titulaire d'un droit voisin sur une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme ou un programme.

La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Le présent sous-amendement a pour objet d'apporter deux modifications au texte de l'article L. 331-5-1 du code de la propriété intellectuelle proposé par l'amendement n° 18 de la commission.

La première est d'ordre purement rédactionnel ; la seconde a pour objet de mieux distinguer le rôle respectif des titulaires de droit d'auteur et des titulaires de droits voisins.

M. le président. Le sous-amendement n° 237 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et Goujon, Mme Gousseau, MM. Houel, Portelli et Longuet, Mme Malovry, MM. Guené, Courtois et Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-1 du code de la propriété intellectuelle :

I. - Remplacer les mots :

la mise en oeuvre des mesures techniques n'ait

par les mots :

les mesures techniques n'aient

II. - Après les mots :

expressément décidées

rédiger comme suit la fin du texte :

et approuvées par le titulaire d'un droit d'auteur sur une oeuvre autre qu'un logiciel, ou d'un droit voisin sur une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme ou un programme.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Afin de mettre en conformité l'article additionnel proposé par la commission des affaires culturelles avec l'article 6 A, l'amendement proposé vise à rappeler que les ayants droit et titulaires de droits voisins sont seuls autorisés à déterminer les droits octroyés au consommateur, conformément à la loi.

M. le président. Le sous-amendement n° 238 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et Goujon, Mme Gousseau, MM. Houel, Portelli et Longuet, Mme Malovry, MM. Guené, Courtois et Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle :

Tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service qui souhaite accomplir l'interopérabilité des systèmes et des services existants pour permettre aux consommateurs de contenu acquis légalement d'accéder au contenu en conformité avec les droits octroyés par les titulaires de droit et le droit d'auteur peut demander à l'autorité de favoriser ou de susciter une solution de conciliation, dans le respect des droits des parties, pour obtenir du distributeur du contenu utilisant la mesure technique les informations essentielles à l'interopérabilité.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. L'interopérabilité doit se faire dans le respect des droits associés à l'oeuvre et ne doit en aucun cas devenir un alibi à l'acquisition illégale de musique ou de vidéo.

En effet, si le succès du développement des offres commerciales de téléchargement dépend largement du confort d'utilisation - de l'interopérabilité - qu'elles seront capables d'offrir au consommateur, le second pilier de cette réussite est certainement à trouver dans un autre élément : la sécurité de la diffusion des oeuvres apportée par les mesures techniques de protection.

Afin que cette sécurité de diffusion ne soit pas remise en cause, l'amendement proposé vise à rappeler le cadre légal dans lequel doit s'opérer l'interopérabilité. Ainsi, il est précisé qu'elle ne concerne que les oeuvres acquises légalement et doit s'exercer conformément aux droits octroyés par les titulaires de droit et le droit d'auteur.

Par ailleurs, étant donné que le déploiement des MTP est opéré par les distributeurs de contenu, qui procèdent à leur paramétrage au moyen des informations qui leur sont communiquées par le ou les fournisseurs de MTP qu'ils ont choisis, l'amendement proposé vise à assurer que les solutions de conciliation orchestrées par l'autorité de régulation des MTP rassemblent les bons interlocuteurs, à savoir les éditeurs de logiciels, les fabricants de systèmes techniques et les distributeurs de contenu.

M. le président. Le sous-amendement n° 268, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle :

Tout intéressé peut demander à l'autorité...

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. L'amendement n° 18 vise à donner à l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection une nouvelle compétence, à savoir veiller au respect de l'interopérabilité.

A priori, nous ne pouvons que souscrire à l'objectif de clarté poursuivi par la commission en scindant en deux parties distinctes les mesures techniques de protection et le principe de l'interopérabilité. Toutefois, nous avons déjà eu l'occasion de l'exprimer hier soir, nous éprouvons quelques inquiétudes s'agissant de cette scission.

Aussi avons-nous souhaité que des principes et des règles claires soient établis au préalable, notamment pour donner une ligne de partage entre l'utilité des mesures techniques de protection et l'impératif d'interopérabilité afin de garantir le libre usage de l'oeuvre et la liberté de créer des logiciels à code source ouvert, dans le respect du droit d'auteur.

Quelques règles importantes ont été adoptées hier soir, comme celle qui précise que les composantes d'une mesure de protection telles que le cryptage ou les protocoles ne peuvent être considérées comme des mesures en tant que telles. Nous nous en réjouissons, mais il nous semble que nous aurions pu aller plus loin.

Si l'amendement n °18 de la commission était adopté, ces principes rappelés hier permettraient également de guider l'Autorité de régulation dans son rôle de gardien de l'interopérabilité.

S'agissant de l'amendement n° 18 en tant que tel, je voudrais exprimer notre scepticisme. En effet, confier à cette autorité le rôle de gardien de l'interopérabilité nous paraît dangereux. Nous connaissons les enjeux économiques majeurs s'agissant de cette question. C'est pourquoi, sans sous-estimer les compétences certaines des futurs membres de cette autorité, nous craignons qu'ils ne soient sujets à des pressions qui pourraient nuire à son indépendance et à sa neutralité.

Alors que l'interopérabilité devrait être un droit, un principe, avec cette autorité il devient une éventualité. En définitive, on renverse la règle, nous semble-t-il.

Enfin, nous créons une nouvelle fois une autorité administrative indépendante, donc une institution supplémentaire, ce qui ne manquera pas de générer pour l'État des coûts non négligeables.

Le recours à ces autorités sous-tend aussi l'idée que l'État n'est plus à même de remplir ses missions, d'être garant des intérêts de citoyens et d'établir des règles générales dans l'intérêt de tous, se destituant au profit d'experts.

Certes, la rédaction proposée par la commission pour remplacer l'Autorité présente des avancées certaines, notamment dans sa composition ; j'y reviendrai plus tard.

Mais s'agissant de l'interopérabilité, à défaut du refus de cette nouvelle compétence, il nous semble que des améliorations peuvent encore être apportées.

Tout d'abord, ce sous-amendement n° 268 vise à permettre à tout intéressé qui souhaite améliorer l'interopérabilité des systèmes de saisir l'Autorité de régulation pour lui demander de favoriser ou de susciter une solution de conciliation pour obtenir des titulaires des droits sur la mesure technique les informations essentielles à l'interopérabilité.

En effet, limiter la saisine à trois catégories de personnes, à savoir « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service » ne nous paraît pas satisfaisant.

Tout d'abord, la nouvelle formulation que nous vous proposons se rapprocherait, dans une mesure partiellement satisfaisante, d'un de nos amendements repoussés hier et qui prévoyait que les fournisseurs de mesures techniques donnent l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité. Il s'agirait ainsi de poser le principe d'une interopérabilité de droit dans la mesure où celle-ci permet, dans le respect du droit des parties, et notamment du droit d'auteur, d'utiliser l'oeuvre dans des conditions normales.

De plus, ce principe justifierait que toute personne qui ne peut utiliser dans des conditions normales une oeuvre soit en droit d'en demander les informations nécessaires à l'interopérabilité comme elle peut le faire pour le bénéfice de l'exception pour copie privée.

En effet, il nous semble important de respecter un certain parallélisme des formes en ce qui concerne les règles de saisine de cette Autorité de régulation.

L'Autorité de régulation peut être saisie par tout intéressé pour veiller à ce que la mise en oeuvre des mesures techniques de protection n'ait pas pour effet de le priver du bénéfice des exceptions pour copie privée.

M. le rapporteur parle des consommateurs. Mais les consommateurs ne sont pas les seuls à avoir intérêt à connaître ces informations : nombre de chercheurs se trouveraient dans l'impasse si on ne leur donnait pas accès à ces sources d'informations essentielles.

Il y a derrière cette question des mesures techniques de protection un enjeu majeur en termes industriel et de recherche. À trop vouloir encadrer ce principe au profit d'une protection quasi-absolue, ne risque-t-on pas de limiter le droit des consommateurs ?

Par ailleurs, la conciliation n'est pas forcément synonyme de diffusion dans le public de ces informations essentielles, puisque l'Autorité peut préciser les conditions dans lesquelles se fera cette conciliation et qui devront privilégier des diffusions restreintes des informations.

Telles sont les raisons pour lesquelles il nous semble important que tout intéressé puisse saisir l'Autorité. À elle ensuite de déterminer l'opportunité de son intérêt à agir et de sa demande.

M. le président. Le sous-amendement n° 112, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n°18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle, remplacer le mot :

améliorer

par le mot :

assurer

La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel : nous proposons de remplacer le mot : « améliorer » par le mot : « assurer », qui est plus précis sur le plan juridique.

M. le président. Le sous-amendement n° 239 rectifié bis, présenté par M. Karoutchi, Mme Gousseau, MM. Goujon,  Houel,  Portelli et  Longuet, Mme Malovry, MM. Guené,  Courtois et  Lecerf, est ainsi libellé :

Après les mots :

l'interopérabilité,

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle :

l'information requise pour avoir la capacité à lire une oeuvre protégée.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. L'interopérabilité doit non pas être entendue comme la capacité à copier une oeuvre, mais doit permettre le plus largement possible à l'utilisateur de l'écouter ou de la visionner librement dans le respect des droits qui y sont associés.

Conforme à cet impératif, le sous-amendement proposé vise à assurer les droits des consommateurs tout en améliorant la lisibilité du texte.

M. le président. Le sous-amendement n° 240 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et  Goujon, Mme Gousseau, MM. Houel,  Portelli et  Longuet, Mme Malovry, MM. Guené,  Courtois et  Lecerf, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« On entend par interopérabilité la capacité à lire une oeuvre sur un système conformément à l'état de l'art, dans la limite des droits accordés par les détenteurs des droits et qui maintient la protection de l'oeuvre dans des conditions d'efficacité, de robustesse et de conformité d'exécution équivalentes à celles assurées par le système originel. 

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Ce sous-amendement vise à donner une définition de l'interopérabilité qui garantisse le droit des consommateurs en assurant la sécurité de la diffusion en ligne et la pérennité des offres légales.

M. le président. Le sous-amendement n° 264 rectifié, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour insérer un article L. 331-5-2 dans le code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité recueille l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes lorsque le litige peut avoir un impact sur l'interopérabilité des réseaux et des services de communications électroniques relevant de la compétence de cette dernière. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes rend son avis dans les trente jours.

La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Ce sous-amendement vise à encourager la collaboration entre les autorités de régulation, en créant une passerelle entre l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP.

En effet, la compétence existante de l'ARCEP en matière d'interopérabilité peut utilement être mise au service de l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection, par le biais du recueil obligatoire de l'avis de l'ARCEP lorsque le litige peut avoir un impact sur l'interopérabilité des réseaux et des services de communications électroniques relevant de sa compétence.

A l'heure de la convergence entre les secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l'information, la commission des affaires économiques et son groupe d'études sur la poste et les télécommunications, que j'ai l'honneur de présider, ne pouvaient se désintéresser de ce texte, et plus particulièrement de cet article additionnel avant l'article 7 bis, qui a des implications tant industrielles que strictement culturelles.

Quelle est notre ambition ? Concilier les formidables potentialités qu'offre la révolution numérique pour la diffusion des oeuvres avec le respect de la propriété intellectuelle.

Les mesures techniques de protection, en permettant aux auteurs de contrôler l'utilisation de leurs oeuvres, sont un outil au service de cette ambition. Et leur consécration juridique dans ce texte est conforme à nos obligations communautaires.

Mais l'interopérabilité, qui permet de lire sur n'importe quel support la reproduction numérique d'une oeuvre légalement acquise, est elle aussi un outil au service de cette même ambition. La directive que nous transposons l'encourage explicitement. Et la neutralité technologique est un principe que le législateur ne doit jamais perdre de vue. En effet, il est entièrement légitime de protéger le droit de l'auteur, comme il est entièrement légitime de favoriser la liberté du consommateur.

Comment résoudre cette tension entre les intérêts commerciaux de grands groupes en oligopoles, qui tendent à sacraliser les mesures techniques de protection au nom d'une légitime protection de la propriété intellectuelle, et les exigences croissantes et tout aussi respectables des consommateurs pour une plus grande fluidité entre les produits du marché et une concurrence plus ouverte ?

La commission des affaires culturelles propose de confier à une autorité de régulation le soin de résoudre cette tension au cas par cas et de déterminer quelles sont les informations essentielles à l'interopérabilité. Je considère qu'il s'agit d'une proposition judicieuse.

Il serait illusoire de se reposer sur le tribunal de grande instance pour résoudre des litiges comme celui qui oppose depuis de longues années Microsoft à l'Union européenne et qui lui a déjà valu une amende approchant les 500 millions d'euros.

De même, comment s'en remettre au Conseil de la concurrence qui, dans sa décision de novembre dernier relative à Apple, n'a pas fait droit à l'exigence d'interopérabilité au motif qu'il ne devait tenir compte de l'intérêt du consommateur qu'en cas de pratique anticoncurrentielle avérée ?

Il s'agit pourtant d'une mission capitale : sans interopérabilité, les petits éditeurs de logiciels propriétaires et les auteurs de logiciels libres se trouvent exclus de pans entiers du marché de l'accès aux oeuvres culturelles. Or le logiciel libre est en pleine croissance dans notre pays et représente assurément une opportunité pour déverrouiller le marché très concentré de l'édition de logiciels. L'interopérabilité est d'ailleurs la pierre angulaire du réseau Internet, qui s'appuie sur un protocole permettant des échanges d'informations entre des systèmes différents.

C'est pourquoi il est opportun de recourir à l'arbitrage d'une autorité de régulation. L'expertise et l'indépendance d'une telle autorité doivent permettre, en effet, de mettre en oeuvre une interopérabilité raisonnée.

Je m'interroge néanmoins sur la multiplication des autorités de régulation dans le domaine de la communication. C'est pourquoi je propose de sous-amender l'amendement n° 18 de la commission des affaires culturelles, afin, je le répète, d'encourager la collaboration entre les autorités de régulation, en créant une passerelle entre l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

En effet, l'ARCEP est déjà compétente en matière d'interopérabilité, notion que l'on retrouve dans le code des postes et des communications électroniques, par exemple aux articles L. 32, 12°, L. 33-1 et D. 98-10.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Hérisson !

M. Pierre Hérisson. Je termine, monsieur le président !

Cette compétence peut utilement être mise au service de l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection, par le biais du recueil obligatoire de l'avis de l'ARCEP lorsque le litige peut avoir un impact sur l'interopérabilité.

En proposant d'intégrer l'ARCEP dans le dispositif, j'ouvre un débat qui me paraît important sur le nombre et le champ de compétence des autorités de régulation. C'est un débat ancien, mais qui est rendu plus vif avec le développement d'Internet, qui brouille les domaines juridiques de compétence et qui fait émerger de nouvelles questions.

La réponse n'est pas évidente : elle se situe sans doute entre l'autorégulation et la corégulation.

M. le président. Le sous-amendement n° 269, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle, insérer une phrase ainsi rédigée :

On entend par rémunération appropriée les frais de logistique engagés pour la mise à disposition des informations essentielles à l'interopérabilité.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sous-amendement a le même objet que l'un de nos amendements présentés hier : il vise à encadrer la rémunération qui peut être demandée à la personne qui bénéficie de la transmission d'informations essentielles à l'interopérabilité.

Aussi, afin de garantir l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité à tout développeur, il convient d'indiquer que le prix de ces informations ne peut excéder le coût logistique de leur mise à disposition.

Toute autre modalité de calcul du prix des informations nécessaires reviendrait à créer une nouvelle forme de propriété intellectuelle aux effets inconnus.

Sans précision du législateur, les auteurs de logiciels interopérant avec des mesures techniques pourraient se voir imposer des conditions de prix que seuls quelques grands éditeurs pourraient acquitter.

Ce serait désastreux, notamment pour les auteurs indépendants, les bénévoles, les associations et les petites entreprises françaises créant des logiciels libres. Il faut savoir que 58 % des 28 500 entreprises du secteur comptent deux employés au maximum.

M. le président. Le sous-amendement n° 241 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et  Goujon, Mme Gousseau, MM. Houel,  Portelli et  Longuet, Mme Malovry, MM. Guené,  Courtois et  Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-52 du code de la propriété intellectuelle :

« Le bénéficiaire de l'interopérabilité ne peut publier le code source et la documentation technique de son logiciel indépendant et interopérant  que s'il apporte la preuve avec certitude que celle-ci n'aurait pas pour effet de porter atteinte à l'intégrité du contenu, et à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure technique.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Tout développeur est libre de publier ou non le code source de ses logiciels. Cependant, si le développeur est libre de diffuser le code du logiciel de lecture indépendant qu'il a développé, il ne saurait en faire de même du code source du logiciel de protection qui a été développé par un tiers.

En fait, en matière de MTP, la diffusion du code à proprement parler ne paraît pas envisageable. Alors que les MTP sont, par essence, destinées à offrir une protection aux oeuvres, la diffusion du code en tant que tel permettrait en pratique à chacun de contourner cette protection. Dès lors, la diffusion sécurisée des oeuvres en ligne ne serait pas assurée et le développement des offres commerciales de téléchargement fortement compromis.

Pour éviter une telle issue et assurer la pérennité des offres légales, le bénéficiaire de l'interopérabilité doit être empêché de toute diffusion de codes source qui porterait atteinte à l'efficacité et à la sécurité des MTP.

À cette fin, le sous-amendement proposé vise à conditionner la diffusion du code à la preuve de certaines garanties par le bénéficiaire de l'interopérabilité.

M. le président. Le sous-amendement n° 270 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Nogrix et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le quatrième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle :

« La publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique de protection de l'oeuvre ne peut être interdite.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Ce sous-amendement est également une reprise d'un amendement présenté hier.

Il est pour nous fondamental parce qu'il fixe un principe en matière de publication de code source, à savoir que l'on ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant interopérant avec une mesure technique de protection de l'oeuvre.

La formulation présentée par la commission nous semble trop restrictive et trop contraignante. C'est pourquoi il vous est proposé d'opter pour la rédaction que nous proposons. Hier, monsieur le rapporteur, vous nous avez répondu que notre amendement était satisfait par celui de la commission. Malheureusement, nous n'en sommes pas complètement convaincus.

Si nous partageons le même souci, alors, je vous suggère d'adopter ce sous-amendement, qui a l'avantage de poser le principe d'un droit à la publication du code source d'un logiciel interopérant avec une mesure technique.

Ce que nous voulons, c'est affirmer avec force le principe d'une interopérabilité obligatoire et non pas facultative.

S'agissant des logiciels libres, le principe, je le rappelle, est de publier les codes sources. Sans cette liberté, c'est l'existence même du logiciel libre qui est remise en cause. Ce à quoi nous devons réfléchir, c'est le champ de la liberté que nous allons accorder ou refuser à ce secteur de l'économie française.

L'Autorité de régulation serait alors garante du respect de ce principe. Je doute toutefois de la capacité de cette Autorité à appréhender avec justesse l'enjeu industriel majeur que représente cette question.

Par ailleurs, comme je le soulignais hier soir, interdire la publication de ces codes reviendrait à porter atteinte à la liberté des auteurs des logiciels protégés par le droit d'auteur de disposer de leurs oeuvres.

En effet, comme le dispose l'article L. 121-2, qui fonde le droit moral de divulgation, l'auteur a seul le droit de divulguer son oeuvre. Il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. Sans cette précision, il reviendrait à l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection le pouvoir de revenir sur la liberté de publication d'un code source par des auteurs de logiciels à code source ouvert.

M. le président. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et  Goujon, Mme Gousseau, MM. Houel,  Portelli et  Longuet, Mme Malovry, MM. Guené,  Courtois et  Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le cinquième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle, après les mots :

Le procès-verbal de conciliation

insérer les mots :

tel qu'approuvé entre le distributeur de contenu et le bénéficiaire

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Ce sous-amendement vise à assurer que les solutions de conciliation orchestrées par l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection rassemblent les bons interlocuteurs, à savoir les éditeurs de logiciel, les fabricants de systèmes techniques et les distributeurs de contenu.

M. le président. Le sous-amendement n° 280, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle, après les mots :

mesures techniques de protection

insérer les mots :

, après avoir mis les intéressés à même de présenter leurs observations,

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. La commission a souhaité parfaire la création du collège de médiateurs voulu par le Gouvernement pour suivre l'état d'application de la loi. Pour en faire une véritable autorité indépendante, elle a élargi son champ de compétence à la question essentielle de l'interopérabilité, dont chacun dans cet hémicycle affirme la validité et non le caractère optionnel.

Pour être efficace, cette autorité doit, comme c'est le cas d'un premier niveau de juridiction, être en mesure d'agir vite et disposer de pouvoirs étendus, notamment de la possibilité de prononcer une injonction sous astreinte. Or le prononcé d'une telle injonction doit être précédé d'une procédure contradictoire permettant de recueillir les observations des parties. Une telle garantie doit figurer dans la loi. Tel est l'objet du présent sous-amendement.

J'ajoute qu'un sous-amendement identique viendra préciser la procédure pour garantir la copie privée.

M. le président. Le sous-amendement n° 242 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi et  Goujon, Mme Gousseau, MM. Houel,  Portelli et  Longuet, Mme Malovry, MM. Guené,  Courtois et  Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle :

I - À la fin de la première phrase, supprimer les mots :

dans le respect des secrets protégés par la loi

II - Dans la seconde phrase, après le mot :

recours

insérer le mot :

suspensif

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 23 janvier 1987, a eu l'occasion d'affirmer que l'existence d'une voie de recours suspensive à l'égard des décisions d'organes de nature non juridictionnelle constitue une garantie essentielle des droits de la défense.

L'étendue des injonctions de l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection et leur portée sur l'activité économique des acteurs concernés rendent de surcroît indispensable le caractère suspensif du recours qui pourra être introduit devant la cour d'appel de Paris.

M. le président. Je suis maintenant saisi de deux sous-amendements identiques.

Le sous-amendement n° 74 est présenté par M. Charasse.

Le sous-amendement n° 196 rectifié est présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle par une phrase ainsi rédigée :

Le recours a un effet suspensif.

La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 74.

M. Michel Charasse. Ce sous-amendement vise à apporter une précision technique.

Il n'est pas indiqué dans l'amendement n° 18, et je pense qu'il s'agit d'une omission, que le recours a naturellement un effet suspensif. Je propose donc de compléter le dernier alinéa de l'amendement de la commission par cette précision. Cela rejoint d'ailleurs une des deux parties du sous-amendement qui vient d'être présenté à l'instant.

Monsieur le rapporteur, bien que votre dispositif ne le prévoie pas expressément, je pense que le délai de recours est identique à celui qui s'applique pour une juridiction de première instance par rapport à la cour d'appel.

Cela me semble aller de soit dans la mesure où votre amendement nous fait passer du système retenu par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le tribunal de grande instance, dont les délais de recours sont connus, à un système avec une autorité administrative indépendante. Je pense donc que, logiquement, le délai de recours est identique. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas déposé de sous-amendement sur ce point. Toutefois, si le rapporteur voulait bien préciser ce point dans le débat, ce serait sans doute plus clair.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour présenter le sous-amendement n° 196 rectifié.

M. Jacques Pelletier. Je partage totalement l'argumentaire de M. Charasse.

M. le président. Le sous-amendement n° 113, présenté par M. Dufaut et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 18 pour l'article L. 331-5-2 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de l'Autorité de régulation des mesures techniques saisit le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le secteur des mesures techniques. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d'une procédure d'urgence, auquel cas le Conseil de la concurrence est appelé à se prononcer dans les trente jours ouvrables suivant la date de la saisine. Il peut également le saisir pour avis de toute autre question relevant de sa compétence. Le Conseil de la concurrence communique à l'autorité toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et recueille son avis sur les pratiques dont il est saisi dans le secteur des mesures techniques.

La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, ce sous-amendement, que vous avez déjà évoqué par deux fois cette nuit, recueille votre approbation.

Les mesures proposées visent à articuler les missions de l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection avec celles du Conseil de la concurrence, comme c'est le cas pour d'autres autorités de régulation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces sous-amendements?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 185 du Gouvernement.

La commission est également favorable au sous-amendement n° 194, qui apporte une précision utile et améliore la rédaction de l'amendement n° 18.

En revanche, la commission est défavorable au sous-amendement n° 237 rectifié bis. Finalement, celui-ci est proche du sous-amendement n° 194 et on peut estimer qu'il est satisfait.

Le sous-amendement n° 238 rectifié bis vise à apporter deux modifications au dispositif prévu dans l'amendement n° 18.

La première est dictée par le souci de garantir que l'interopérabilité permettra au consommateur d'accéder au contenu de l'oeuvre protégée en conformité avec les droits octroyés par les titulaires de droit et le droit d'auteur.

La commission s'est efforcée de prendre en compte cette préoccupation en précisant, dans le texte proposé pour le troisième alinéa de l'article L.331-5-2, que le procès-verbal de conciliation dressé par l'Autorité de régulation devait préciser les engagements pris par le bénéficiaire pour garantir le respect des conditions d'accès et d'usage du contenu défini par les titulaires de droit.

La commission estime donc qu'il n'est pas nécessaire d'en affirmer le principe dès le premier alinéa de l'article L.331-5-2.

Je m'interroge davantage sur la seconde modification qui met l'obligation de fournir les informations essentielles à la charge du distributeur du contenu utilisant la mesure technique. Le fait que celui-ci procède, le cas échéant, au paramétrage de la mesure technique ne lui donne pas pour autant le droit de céder à des tiers certains de ses éléments constitutifs. Il semble donc que seul l'utilisateur des droits sur les mesures techniques est habilité, comme le prévoit l'amendement de la commission, à fournir ces informations essentielles.

La commission n'a pas examiné ce sous-amendement mais, sous réserve des précisions que pourrait apporter M. le ministre, j'émets un avis défavorable.

Concernant le sous-amendement n° 268, la commission a souhaité prévoir une saisine très large de l'Autorité de régulation en matière de différends portant sur le bénéfice effectif des exceptions en l'ouvrant à tout bénéficiaire desdites exceptions.

Elle a, en revanche, souhaité réserver la possibilité de saisir l'Autorité de régulation en matière d'interopérabilité aux trois catégories de personnes physiques ou morales qui ont les capacités, notamment techniques, d'assurer une interopérabilité, à savoir les éditeurs de logiciels, les fabricants de systèmes techniques et les exploitants de services.

La saisine de l'Autorité en matière d'interopérabilité a vocation à déboucher sur la fourniture d'informations essentielles qui présentent deux caractéristiques principales. Il s'agit d'abord d'une forte technicité, qui les rendrait sans doute peu utilisables pour la très grande majorité des consommateurs. Il s'agit ensuite d'un caractère sensible qui explique que le propriétaire de la mesure technique ne peut les livrer sans obtenir en contrepartie un minimum de garanties quant à l'usage qui en sera fait, ne serait-ce que pour assurer le maintien de l'efficacité de la mesure.

Le dispositif proposé par la commission n'a pas pour objet de permettre à tout consommateur de demander aux fabricants industriels de mesures techniques leurs secrets de fabrication. Il vise plutôt à permettre à des professionnels, y compris les jeunes éditeurs de logiciels libres, d'obtenir des informations qui leur serviront à mettre au point des interfaces permettant au grand public de jouir de l'interopérabilité.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

En revanche, la commission est favorable au sous-amendement de précision n° 112.

Quant au sous-amendement n° 239 rectifié bis, la commission n'a pas eu l'occasion de l'examiner. Il tend à prévoir une autre définition des informations essentielles à l'interopérabilité en la limitant à l'information requise pour avoir la capacité de lire une oeuvre protégée.

Dans la logique des positions qui ont été précédemment prises par la commission, je ne puis qu'émettre un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Je comprends la préoccupation des auteurs du sous-amendement n° 240 rectifié bis, qui souhaitent inscrire dans le projet de loi de nouvelles garanties pour que l'interopérabilité ne menace ni l'efficacité ni la robustesse des mesures techniques de protection. C'est un souci auquel nous nous sommes efforcés de répondre dans notre rédaction - notamment à l'article L.331-5-2 - qui paraît équilibrée.

Il ne me paraît pas opportun de multiplier les précautions. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ce sous-amendement.

Concernant le sous-amendement n° 264 rectifié, personne ne doute de l'intérêt des avis que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes pourra donner à l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection. En revanche, nous ne sommes pas persuadés de l'utilité d'inscrire dans la loi le recueil obligatoire des avis de l'ARCEP, car cela risquerait de contribuer à un alourdissement et à un allongement des procédures ainsi qu'à une dilution des responsabilités.

Dans l'attente de l'avis du Gouvernement, j'émets un avis de sagesse sur ce sous-amendement.

La commission est défavorable au sous-amendement n° 269 pour des raisons identiques à celles que nous avons évoquées lors de la discussion du sous-amendement n  261.

Le sous-amendement n° 241 rectifié bis, que la commission n'a pas examiné, témoigne d'une volonté de surprotéger les fournisseurs de mesures techniques de protection au détriment de leurs partenaires qui tenteraient de réaliser des logiciels ou des dispositifs interopérants.

Dans la mesure où l'amendement n° 18 est un amendement d'équilibre, la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

La commission est également défavorable au sous-amendement n° 270 pour les raisons qui ont été évoquées hier soir, lors de l'examen du sous-amendement n° 272 rectifié.

La commission est défavorable au sous-amendement n° 243 rectifié bis. Il est en effet contraire à l'amendement de la commission qui prévoit que c'est au titulaire des droits sur les mesures techniques de fournir des informations essentielles et non pas au distributeur de contenu.

La commission est favorable au sous-amendement n°280, qui apporte une précision utile pour garantir le caractère contradictoire des procédures conduites devant l'Autorité de régulation.

La commission est défavorable au sous-amendement n° 242 rectifié bis, car il nous paraît satisfait par les sous-amendements identiques nos 74 de M. Charasse et 196 rectifié de M. Pelletier, auxquels nous avons donné un avis favorable.

Enfin, la commission est favorable au sous-amendement n° 113, qui permettra une utile complémentarité entre l'action du Conseil de la concurrence et celle de l'Autorité de régulation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 18 et au sous-amendement n° 194.

En revanche, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 237 rectifié bis.

Si la première partie du sous-amendement est identique au sous-amendement n° 194, auquel le Gouvernement est favorable, la seconde partie laisse entendre que les outils de lecture doivent avoir été approuvés par contrat avec les titulaires de droits. Or une telle disposition peut vider de son sens le principe de l'interopérabilité. Il appartiendra donc à l'Autorité de régulation de s'assurer que l'interopérabilité respecte les intérêts légitimes des titulaires de droit. Cela me paraît de nature à répondre à votre légitime préoccupation, monsieur Lecerf, ainsi qu'à celle qu'a exprimée M. Retailleau.

Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 238 rectifié bis qui vise à réaliser l'interopérabilité des systèmes et services existants, ce qui paraît trop restrictif puisque l'interopérabilité doit aussi permettre de créer de nouveaux systèmes.

Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 268.

En revanche, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 112.

Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 239 rectifié bis qui tend à limiter la portée de l'interopérabilité à la seule lecture des oeuvres, ce qui paraît insuffisant dans la mesure où nous nous attachons à garantir également la copie privée.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 240 rectifié bis.

Si je partage le souci de garantir l'interopérabilité au profit des consommateurs, je pense qu'il serait imprudent de figer les critères de cette notion et qu'il est préférable de laisser à l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection le soin de la préciser et d'en adapter le contenu en fonction notamment des évolutions technologiques.

J'en viens au sous-amendement n° 264 rectifié. Les mesures techniques sont appliquées à des oeuvres et sont indépendantes des réseaux de communication électroniques. Toutefois, la saisine de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est toujours possible. C'est pourquoi j'émets un avis de sagesse sur ce sous-amendement.

J'ajoute que ce sous-amendement étant satisfait, il pourrait être retiré, mais je n'ai pas à formuler d'avis en ce sens.

S'agissant du sous-amendement n° 269, il est clair que les conditions de fourniture et d'accès aux informations essentielles doivent répondre à des conditions équitables et non discriminatoires. Néanmoins, ce sous-amendement va trop loin quant au calibrage du prix adéquat. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.

Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 241 rectifié bis. Si je comprends le souci d'assurer une diffusion sécurisée des oeuvres en ligne grâce à des mesures techniques efficaces, je considère néanmoins que l'amendement n° 18 de la commission préserve mieux le nécessaire équilibre entre la diffusion du logiciel libre et la préservation de l'efficacité et de l'intégrité des mesures techniques.

Par ailleurs, la rédaction proposée par la commission, telle qu'elle sera modifiée, correspond, me semble-t-il, à la préoccupation exprimée dans le sous-amendement n° 270 rectifié. Le Gouvernement y est donc défavorable.

S'agissant du sous-amendement n° 243 rectifié bis, le procès-verbal fera l'objet d'une approbation par l'instance elle-même. La conciliation suppose, par définition, l'accord des parties ; l'ajout proposé n'est donc pas nécessaire. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 242 rectifié bis. En effet, le respect des secrets doit être garanti de façon spécifique, afin de clarifier la portée des pouvoirs de l'Autorité de régulation.

Pour ce qui est du caractère suspensif du recours, le sous-amendement n° 196 rectifié de M. Pelletier, auquel le Gouvernement est favorable, répond à cette préoccupation.

Sur le fond, je suis favorable au sous-amendement n° 74, qui vise à préciser que le recours devant l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection a un effet suspensif. Mais il est satisfait par le sous-amendement n° 196 rectifié de M. Pelletier. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 74.

En revanche, le Gouvernement est favorable au sous-amendement nos 113.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Afin de faciliter le déroulement de la séance et compte tenu de l'intervention de M. le ministre, je ne maintiens pas le sous-amendement n° 74, qui est identique à celui de mon vieil ami M. Pelletier.

Le fait que le Gouvernement préfère son amendement au mien, bien que le sien ait été déposé après le mien, ne pose aucun problème entre nous. Tout cela n'est pas très grave !

Par ailleurs, monsieur Hérisson, accepteriez-vous de modifier le sous-amendement n° 264 rectifié, dont je comprends très bien l'intérêt et à propos duquel le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat, dans le sens suivant : « L'autorité peut recueillir l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes » ? De cette manière, une telle démarche ne serait plus une obligation.

Puisque vous avez indiqué, monsieur le ministre, que l'autorité pourra toujours recueillir cet avis, on peut donc prévoir cette faculté dans la loi.

Si M. Hérisson acceptait de modifier son sous-amendement dans ce sens, l'avis de sagesse du Gouvernement pourrait peut-être, monsieur le ministre, évoluer vers un avis favorable.

M. le président. Le sous-amendement n° 74 est retiré.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 185.

Mme Catherine Morin-Desailly. Nous sommes favorables au sous-amendement du Gouvernement, qui permet d'élargir le rôle de l'autorité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je ne peux passer à côté de l'occasion de saluer une telle unanimité. Je suis donc favorable à la proposition de M. Charasse relative au sous-amendement n° 264 rectifié de M. Hérisson.

En effet, une possibilité n'est pas une obligation. Une telle faculté était d'ores et déjà prévue, mais le fait de le rappeler a une vertu pédagogique. N'est-ce pas l'objet de la loi ?

M. le président. Monsieur le ministre, pour l'instant, nous en sommes au sous-amendement n° 185.

Je le mets aux voix.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 194.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 237 rectifié bis n'a plus d'objet.

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 238 rectifié bis.

M. Jean-René Lecerf. Les différents sous-amendements que j'ai présentés exprimaient une musique un peu différente de celle de la commission.

Après les réponses qui ont été apportées, je retire les sous-amendements nos 238 rectifié bis, 239 rectifié bis, 240 rectifié bis, 241 rectifié bis, 243 rectifié bis et 242 rectifié bis.

M. le président. Les sous-amendements nos 238 rectifié bis, 239 rectifié bis, 240 rectifié bis, 241 rectifié bis, 243 rectifié bis et 242 rectifié bis sont retirés.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 268.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 112.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Hérisson, souhaitez-vous modifier le sous-amendement n° 264 rectifié dans le sens proposé par M. Charasse ?

M. Pierre Hérisson. Je remercie non seulement M. Charasse de sa proposition de rectification, mais aussi M. le  ministre de l'avis de sagesse qu'il a émis, lequel était cependant assorti d'un souhait de retrait.

Je pense, monsieur le ministre, que vous comprendrez l'intérêt de ce sous-amendement modifié, qui constitue le premier pas d'un long chemin : une réflexion - un jour, une décision sera probablement prise - devra être menée concernant le rapprochement des autorités de régulation dans le domaine des communications électroniques.

Sur ce point, j'agis en complicité avec le président de la commission des affaires culturelles.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir émettre un avis favorable sur ce sous-amendement modifié.

M. le président. Dois-je comprendre, monsieur Hérisson, que vous acceptez la rectification proposée par M. Charasse ?

M. Pierre Hérisson. Absolument !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 264 rectifié bis ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 18 pour insérer un article L. 331-5-2 dans le code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité peut recueillir l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes lorsque le litige peut avoir un impact sur l'interopérabilité des réseaux et des services de communications électroniques relevant de la compétence de cette dernière. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes rend son avis dans les trente jours.

Selon le dicton chinois, « tout grand voyage commence par un premier pas » ! (Exclamations amusées.)

La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Comme le dit Samuel Butler, « il faut savoir changer d'avis avec aisance et grâce pour l'amour de son prochain. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 264 rectifié bis.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, je ne suis pas opposé à ce sous-amendement, surtout au moment où il reçoit la bénédiction ministérielle.

Simplement, je considère que l'on s'engage dans un processus d'une complexité extraordinaire, puisque nous sommes en train de réguler la régulation des autorités de régulation. Il faudra bientôt créer un secrétariat d'État chargé des relations entre les autorités de régulation. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Retailleau applaudit également.)

M. Ivan Renar. Un grand régulateur !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Mon intervention concerne également le sous-amendement n° 113, dans lequel notre collègue Alain Dufaut propose que le Conseil de la concurrence soit également saisi.

Finalement, nous nous interrogeons sur le fonctionnement de cette future Autorité de régulation et sur sa capacité, en dépit des membres éminents qu'elle comprendra, à exercer ses missions. On peut concevoir qu'elle prenne conseil auprès d'autres instances, comme celles qui ont été évoquées. Mais, dès lors, pourquoi ne pas proposer que la CNIL elle-même puisse être saisie pour avis ?

Sachant que l'Autorité de régulation aura toujours la possibilité de consulter ces instances, nous nous abstiendrons lors du vote des sous-amendements nos 264 rectifié bis et 113.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Les choses sont simples : toute instance a toujours le droit d'entendre ou de consulter qui elle veut.

Notre collègue Catherine Morin-Desailly a donc parfaitement raison quand elle affirme qu'il n'est pas besoin d'apporter une telle précision dans la loi.

Pourquoi, dès lors, serait-il nécessaire de prévoir la consultation de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ?

Comme l'ont dit à la fois M. Hérisson et M. le président de la commission en aparté, ces deux autorités sont sans doute destinées à fusionner un jour.

Par ailleurs, Mme Morin-Desailly le comprendra, le Sénat n'attache sans doute pas le même intérêt à ces autorités, même si toutes deux sont importantes. En effet, le Sénat a beaucoup travaillé sur l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Cette instance doit beaucoup à son apport, et notamment à celui de notre collègue Pierre Hérisson.

Pour toutes ces raisons, il me semble que l'on peut « faire une fleur » à notre collègue Pierre Hérisson, d'autant que la mesure proposée est facultative, sans pour autant ignorer que l'autorité peut consulter qui elle veut et que n'importe quelle instance qui se juge qualifiée peut toujours envoyer spontanément un avis à l'autorité compétente.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 264 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 269.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 270 rectifié.

Mme Marie-Christine Blandin. L'interopérabilité ne se quémande pas ; c'est un droit que l'on aurait dû imposer aux constructeurs et qui doit, à défaut, rester accessible par des interventions encadrées. Ni l'arbitrage de ce qui doit être fait ni la justice ne peuvent s'exporter. La démocratie ne peut s'accommoder de la multiplication d'autorités, dont le travail, nous le savons tous, sera fonction de ses membres, de leur équilibre et/ou de leur impartialité. Or qui les nommera ?

Leur travail sera également fonction de leurs moyens de fonctionnement. Or l'on sait combien la fluctuation de ceux-ci peut minorer l'efficacité. Souvenons-nous des restrictions dont fut victime l'année dernière la Commission nationale de déontologie de la sécurité !

Si certains sous-amendements sont sympathiques - je pense notamment à la saisine de l'Autorité par un citoyen - ou souhaitables - la publication des codes sources, par exemple -, la rédaction d'un certain nombre d'entre eux révèle, par les termes employés, la faiblesse de l'outil.

Je citerai le sous-amendement n° 238 rectifié bis, qui a été retiré : « Tout éditeur de logiciel [...] peut demander à l'autorité de favoriser ou de susciter une solution de conciliation ». On aurait dû écrire : « Si votre Grâce le permet » !

Par conséquent, je m'abstiens sur l'ensemble des sous-amendements et je voterai contre l'amendement de la commission, modifié.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. À l'instar de Mme Blandin, je profite de cette explication de vote pour exposer la position générale du groupe socialiste sur cet article additionnel.

Dans la suite des débats, nous présenterons une alternative à la proposition de l'Assemblée nationale concernant le collège des médiateurs.

Nous sommes résolument contre la proposition de M. le rapporteur visant à créer dans notre pays une autorité administrative, véritable usine à gaz, puisque nous sommes incapables de faire l'inventaire de tout ce qu'elle devra réguler, notamment dans le domaine technique. Nous voterons donc contre l'amendement qui a été déposé à ce sujet à l'article 9.

Par conséquent, nous ne participerons pas au vote des dispositions - amendement ou sous-amendement - se rapportant à une instance que nous combattons et contre laquelle nous allons voter.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite lever toute ambiguïté : nous ne créons pas une nouvelle autorité indépendante et de référence pour le plaisir de créer !

Le texte adopté par l'Assemblée nationale procède à la création d'un collège de médiateurs constitué de juges dont la mission est limitée aux problèmes que l'on pourrait confier à une instance de ce type.

La loi qui s'appliquera sera celle que nous allons voter. Or les technologies vont évoluer au fil du temps et notre préoccupation est de prendre en compte ces modifications que nous ne pouvons pas prévoir aujourd'hui.

Nous sommes donc favorables à la création d'une instance de référence, mais celle-ci ne peut pas, à notre sens, être seulement un collège ayant un rôle de médiation. C'est la raison pour laquelle nous suggérons la création, que M. le ministre a bien voulu accepter, d'une autorité indépendante dont la mission sera, mieux que ne peut le faire le législateur, de suivre davantage et au quotidien les évolutions susceptibles d'intervenir.

Il ne s'agit ni d'une réduction du rôle de législateur, donc du pouvoir législatif, ni d'un transfert de l'autorité de l'État, donc du pouvoir exécutif, vers une autorité indépendante. Nous voulons seulement que soit assuré un suivi permanent des évolutions qui ne manqueront pas de se produire dans un domaine qui est éminemment et heureusement mobile.

Par conséquent, ne nous faites pas de procès d'intention par rapport aux autorités indépendantes : le Conseil de la concurrence, par exemple, existe toujours et on pourra le saisir. Naturellement, la justice sera également saisie, si tant est qu'il faille le faire. Mais, avec l'Autorité de régulation, nous disposerons d'une instance dotée de compétences juridiques, mais aussi techniques, et c'est la raison pour laquelle nous insistons sur sa création.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 270 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 280.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 196 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 113.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l'amendement n° 18.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je serai brève. Comme je l'ai largement expliqué dans la discussion sur l'article, par cohérence avec ce que nous avons voté hier, nous ne voterons pas cet article additionnel.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je ferai deux remarques générales et une brève démonstration.

Première remarque générale, pour la clarté de nos débats, il aurait été plus utile de commencer par l'examen de l'amendement n° 21 rectifié de M. le rapporteur relatif au principe même de création et de composition de l'Autorité de régulation. Malheureusement, nous ne l'avons pas fait : nous avons d'abord abordé les missions de cette autorité.

Je n'ai aucune phobie contre les autorités administratives indépendantes. Toutefois, comme je l'avais souligné lors de la discussion générale, si le travers du xxe siècle a été la création de commissions, celui du xxie siècle est bien parti pour que ce soit la création d'autorités administratives indépendantes. Ce travers nous vient du monde anglo-saxon : une autorité administrative indépendante est nécessairement plus indépendante que l'administration en raison du spoil system, qui n'existe pas dans notre tradition française.

Comme mon excellent collègue Yann Gaillard, j'observe que l'Autorité de régulation, ce « machin » supplémentaire, devra à l'évidence s'appuyer sur deux béquilles, les deux autres autorités indépendantes que sont l'ARCEP et le Conseil de la concurrence. En matière d'action publique, on aurait pu procéder d'une autre façon !

Ma seconde remarque générale porte sur le principe même d'interopérabilité.

Je vous remercie de la patience dont vous avez fait preuve pour tenter de me convaincre, monsieur le ministre, mais vous n'y êtes pas parvenu. L'amendement n° 18 constitue vraiment, selon moi, un recul. Pour reprendre la métaphore chinoise que vous avez utilisée, je dirai que, loin d'être un premier pas en avant, c'est plutôt un pas en arrière.

Face à la conception du droit latin, fondée sur l'affirmation du principe d'opérabilité, il y a la conception du common law, qui repose sur la conciliation, la négociation. Cela m'amène à la rapide démonstration que je voudrais faire.

Le texte proposé pour l'article L. 331-5-1 par l'amendement n° 18 ne mentionne pas l'interopérabilité. Il fait seulement allusion à l'incapacité d'interopérer. Cette définition par une antiphrase, en quelque sorte, est très révélatrice de ce passage d'une interopérabilité de droit et à une interopérabilité véritablement amoindrie.

Elle l'est encore dans le paragraphe suivant, l'article L. 331-5-2, où il est précisé qu'il peut être demandé à l'Autorité de régulation de favoriser ou de susciter une solution de conciliation. La conciliation tournera à l'avantage du « plus gros », celui qui disposera de budgets énormes permettant de faire durer la conciliation, la négociation.

Pierre Hérisson a cité tout à l'heure l'amende de près de 500 millions d'euros concernant Microsoft. Je vous signale que le budget de cette même entreprise pour le lobbying en Europe est aussi de 500 millions d'euros. Cela vous donne une idée des sommes qui sont en jeu ! Et lorsque l'Autorité de régulation devra favoriser ou susciter une solution de conciliation, le poids ne sera pas égal dans la balance selon les budgets de l'un ou de l'autre !

Vous auriez pu accepter le sous-amendement que nous avons présenté hier soir sur le droit d'entrée, repris dans le sous-amendement n° 269 proposé par ma collègue Mme Morin-Desailly. Pourquoi, en effet, ne pas concevoir une interopérabilité gratuite, uniquement facturée selon les frais de logistique, au lieu de laisser à l'Autorité de régulation le soin de prévoir un ticket d'entrée sur le marché ? C'était peu de chose, mais vous l'avez refusé. Cela en dit long !

L'interopérabilité est amoindrie, car l'Autorité de régulation pourra, à défaut de conciliation, prendre une décision motivée de rejet de la demande, comme le mentionne l'avant-dernier alinéa de l'amendement.

Enfin, il n'y aura pas de décompilation et c'est la vraie menace dans les cas qui seront extrêmement compliqués à juger et où les sommes en jeu seront énormes. Si ce principe n'est pas clairement affirmé, les autorités du monde entier ne pourront pas faire respecter une interopérabilité effective et de droit.

Monsieur le ministre, j'ai un grand respect pour le combat que vous avez mené à l'Assemblée nationale, avec beaucoup d'élégance et de ténacité, afin de concilier le principe personnaliste du droit d'auteur, par rapport au copyright, avec la liberté des internautes. Il ne faudrait pas gâcher ce que vous avez obtenu par vos efforts à l'Assemblée nationale en diminuant au Sénat l'interopérabilité, qui est l'emblème même de la conception que vous vous faites de la liberté en la matière.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. J'ai indiqué tout à l'heure les raisons pour lesquelles nous allons voter contre amendement n° 18.

Le président de la commission nous a expliqué que cette Autorité de régulation n'était pas créée pour le plaisir de créer : dans un monde qui évolue en permanence et où des technologies nouvelles vont faire leur apparition, elle sera finalement un observatoire qui ne se substituera ni au législateur ni à l'administration. J'en doute ! Il fallait alors mettre en place un observatoire pour éclairer le monde politique, en particulier les parlementaires qui ont de grandes lacunes sur le plan technique et qui, dans cette affaire, ont des difficultés à assumer leur rôle en toute connaissance de cause.

L'Autorité de régulation va devoir arbitrer l'interopérabilité, alors que le Gouvernement devait lui donner - nous l'avions demandé hier en pointant les insuffisances par rapport aux engagements - un caractère contraignant, afin de ne pas laisser en héritage une somme considérable de contentieux à cette instance, qui devra arbitrer tout et n'importe quoi ! L'interopérabilité devrait être un droit, le juge ne se prononçant qu'en cas de problème en s'appuyant sur la loi. Or tel n'est pas le cas !

Soyons clairs : heureusement que l'article 40 n'est pas évoqué ici, car il faudra dégager des moyens considérables pour rendre cette autorité efficace. Je sais que vous ne les avez pas débloqués. Vous tentez de rendre un peu plus crédible un projet fait de bric et de broc. Mais les évolutions techniques nécessiteront de toute façon non pas une Autorité, mais une nouvelle loi !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je n'ai pas entendu la commission répondre à la question que j'avais posée tout à l'heure, mais c'est probablement un oubli de sa part : le délai de recours est-il bien celui qui existe dans le droit commun entre le tribunal de première instance et la cour d'appel ? (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)

Vous ne l'avez pas précisé dans votre texte, monsieur le rapporteur, mais je pense que cela va de soi et je vous remercie de votre accord. Il vaut mieux que cela figure dans les travaux préparatoires de la loi.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, je n'avais pas l'intention de prendre la parole pour explication de vote, mais M. Bruno Retailleau m'a, en quelque sorte, alerté.

Nous voterons contre l'amendement n° 18. Mais il faudra bien qu'à un moment donné nous ayons une réflexion sur les pouvoirs qui sont les nôtres : les parlementaires ne s'acquittent pas suffisamment, me semble-t-il, de la mission de contrôle du Gouvernement qui leur est confiée dans le cadre de la Ve République : les questions, les commissions d'enquêtes, les missions d'information.

Il est un autre moyen que nous avons mis en pratique sur les questions de recherche scientifique : l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Il s'agit, en quelque sorte, d'une commission d'enquête permanente formée à parité de députés et de sénateurs et qui s'est adjoint la compétence d'une trentaine de scientifiques renommés tels que des prix Nobel français et des directeurs de laboratoire. En fait, cet office s'est donné les moyens scientifiques et techniques de fonctionner, car les parlementaires n'ont pas la prétention d'être des techniciens de haut vol ou des chercheurs scientifiques.

À l'avenir, si le Parlement veut encore avoir un certain poids s'agissant de ses activités de contrôle, il devra non plus créer des comités Théodule, mais s'orienter vers de telles structures. Ces instances existent d'ores et déjà dans les domaines de l'énergie ou du traitement des déchets nucléaires. J'avais d'ailleurs déjà fait cette remarque lors de la création du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Nous devons nous donner les moyens politiques et techniques d'accomplir nous-mêmes ces missions, ce qui éviterait de vaines discussions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Avant que cet amendement ne soit mis aux voix, je souhaite vous apporter quelques précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que vous vous prononciez en toute connaissance de cause.

Il s'agit de garantir concrètement l'interopérabilité. Les mesures techniques de protection ne peuvent s'opposer au libre usage de l'oeuvre ou de l'objet protégé dans les limites des droits accordés par les détenteurs de droits. Ce principe est clairement défini et affirmé par la loi.

Deux voies seront possibles pour mettre en oeuvre l'interopérabilité.

D'une part, il faudra autoriser les développeurs de logiciels à accéder aux informations essentielles à l'interopérabilité en décompilant les mesures techniques. Cette solution est gratuite et n'est pas négociable. L'unanimité de la Haute Assemblée en la matière témoigne de sa volonté d'avancer sur ce point.

D'autre part, l'autorité indépendante devra engager une conciliation - c'est très important - et, à défaut, ordonnera sous astreinte l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité aux éditeurs qui en feront la demande.

La mission de cette instance est donc d'ouvrir des portes, d'appliquer les dispositions de la loi que vous allez adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, afin de rendre ce principe opérationnel.

Ainsi, le transfert de propriété intellectuelle d'un éditeur à un autre exige que, dans certains cas, une rémunération appropriée soit réclamée dans des conditions équitables et non discriminatoires.

En inscrivant l'interopérabilité dans le texte, l'Assemblée nationale a d'abord adopté un principe. Aujourd'hui, nous sommes tous, me semble-t-il, acquis à ce principe et, comme vous, je suis le premier à le défendre.

Une question se posait eu égard à la rédaction du texte : comment faire en sorte que ce principe puisse être effectif, afin que l'interopérabilité ne reste pas une abstraction ? Si l'interopérabilité n'est pleine et entière que sur le papier parce que nous serons incapables de la mettre en oeuvre, alors elle ne sera pas seulement diminuée, elle demeurera un rêve. Si, comme moi, vous êtes convaincus de sa nécessité, vous devriez avoir à coeur de donner des pouvoirs à une instance qui respectera les principes que vous aurez fixés en tant que législateurs.

Ma priorité - et je sais que cet objectif est partagé par la commission des affaires culturelles - est de rendre l'interopérabilité effective, et c'est l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection qui le garantira. Nous faisons le choix d'une interopérabilité qui sera rendue possible, d'abord par des conciliations, sinon des injonctions, au besoin sous astreinte. Tel est l'enjeu !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 188 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 164
Contre 159

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 7 bis.

M. Ivan Renar. Le coup est passé très près !