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Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle portant modification du titre IX de la Constitution
Article additionnel après l'article unique

Article unique

Le titre IX de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

« TITRE IX

« LA HAUTE COUR

« Art. 67. - Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

« Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.

« Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

« Art. 68. - Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

« La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.

« La Haute Cour est présidée par le Président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.

« Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.

« Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article. »

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, remplacer les mots :

en cette qualité

par les mots :

en rapport direct avec la conduite des affaires de l'État

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement concerne le point très important du champ de l'irresponsabilité du chef de l'État. A contrario, il vise à établir, de manière claire et nette, le domaine de sa responsabilité pénale, civile et administrative.

Lors de la discussion générale, j'ai présenté la position des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sur l'ensemble du texte. Pour nous, ce qui n'est pas acceptable, c'est l'inviolabilité temporaire accordée au président de la République pour tous les actes relevant des tribunaux de droit commun.

Dans quelques instants, nous présenterons un amendement important, le plus significatif, qui tend à supprimer cette inviolabilité temporaire pour autoriser une compétence immédiate des juridictions.

Selon le projet de loi, seuls les actes commis en qualité de Président de la République déclenchent l'irresponsabilité. Nous estimons que les termes « en qualité de » ne sont pas encore assez précis. J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, votre explication. Actuellement, l'irresponsabilité concerne les actes accomplis « dans » l'exercice des fonctions.

Le projet de loi institue donc une irresponsabilité pour les actes commis « en qualité de chef de l'État ». Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que cette évolution se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 26 juin 1995. Cette institution, « appelée à se prononcer sur la responsabilité des membres du Gouvernement - qui relèvent de la Cour de la justice de la République pour les « actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions » -, a défini ces actes comme « ceux qui ont un apport direct avec la conduite des affaires de l'État ». »

Un texte constitutionnel doit être clair, mais, dans ce domaine particulièrement sensible, il faut lever toute ambiguïté. Voilà pourquoi nous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je confirme ce que j'avais dit et vous venez de répondre vous-même à la question que vous posez !

L'amendement prévoit que l'irresponsabilité du chef de l'État ne vaut que pour les actes « en rapport direct avec la conduite des affaires de l'État ». La rédaction proposée dans le projet de loi répond, semble-t-il, aux préoccupations que vous avez exprimées.

Il prévoit, en effet, que le chef de l'État est irresponsable pour les actes accomplis « en qualité » de président de la République. Cette formulation est plus satisfaisante que celle qui est actuellement retenue par le texte constitutionnel, lequel vise l'irresponsabilité pour les actes commis « dans » l'exercice des fonctions, ce qui pourrait laisser entendre que l'irresponsabilité couvre tous les actes accomplis pendant l'exercice du mandat. Il apparaît donc que, lorsqu'il agit en tant que personne privée, le président n'est pas couvert par l'irresponsabilité.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement et, si ce n'était pas le cas, j'émettrais un avis défavorable.

M. le président. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon - Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deuxième et dernier alinéas du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution :

« Pour les actes relevant des juridictions ou des autorités administratives françaises, qu'ils aient été commis antérieurement ou au cours de son mandat, et qui sont sans rapport direct avec la conduite des affaires de l'État, le Président de la République est responsable. Les poursuites ne peuvent être engagées contre lui que sur décision d'une commission des requêtes, saisie par le parquet ou la partie qui se prétend lésée. Celle-ci ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au parquet.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement reprend, en l'adaptant au texte dont nous débattons, la proposition de loi déposée par les députés du groupe socialiste et adoptée par l'Assemblée nationale en 2001. À l'époque, nous avions voté cette proposition en soulignant qu'il n'y avait pas beaucoup d'espoir qu'elle prenne force de loi ! La majorité du Sénat s'était d'ailleurs opposée frontalement à cette proposition, bloquant de fait toute évolution.

Comme l'a rappelé ma collègue au cours de la discussion générale, la doctrine a longtemps défendu l'idée que les tribunaux de droit commun étaient compétents pour tous les actes ne relevant pas de la fonction de chef de l'État. C'est parallèlement au renforcement de la présidentialisation du régime que l'idée a fait son chemin du privilège de juridiction ou de l'inviolabilité temporaire.

Refuser que le Président de la République puisse relever des tribunaux de droit commun conforte la dérive monarchique de nos institutions. Bien entendu, l'importance de la fonction exige l'instauration d'un filtre pour que le Président ne soit pas poursuivi pour tout et n'importe quoi. C'est pour cela que nous proposons la mise en place d'une commission des requêtes. Il faut surtout entendre l'aspiration du peuple à la justice, à l'égalité devant la justice, à la transparence !

Avant d'en terminer, je voudrais ajouter, en faveur de notre proposition, un argument de cohérence : instaurer l'inviolabilité temporaire, comme il est proposé dans ce texte, tendra inévitablement à élargir le champ de la destitution.

La moindre affaire plus ou moins relayée par les journaux à sensation ou par la presse dite politique pourra être utilisée par des parlementaires à des fins politiciennes. En clair, ce qui nous est présenté ici comme la mise en oeuvre d'une responsabilité politique, la destitution, deviendrait le seul moyen de mettre en cause, sur le plan judiciaire, un Président en exercice.

En tout état de cause, nous estimons que la transparence, la recherche de la justice exigent l'adoption de la proposition que nous vous soumettons à présent.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Bel, Badinter et Frimat, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus - Schmidt, C. Gautier, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution :

Il ne peut, durant son mandat, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite, par une juridiction française dans le cadre d'une procédure pénale.

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement recoupe celui qui a été déposé par MM. Fauchon et Zocchetto.

Il vise à limiter au domaine pénal, de procédure pénale pour être plus précis, le champ de l'immunité juridictionnelle du Président de la République pendant la durée de son mandat. C'est la reprise de la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Fauchon et Zocchetto, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, après les mots :

Il ne peut,

insérer les mots :

en matière pénale,

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Cet amendement a pour objet de limiter l'inviolabilité du chef de l'État, au cours de son mandat, à la seule matière pénale. Mon confrère et collègue Pierre Fauchon s'est longuement exprimé sur ce sujet.

En effet, l'immunité civile, qui ne semble pas avoir d'équivalent à l'étranger non plus que de précédent en France, apparaît contestable dans son principe. Elle crée une dissymétrie entre les droits respectifs des tiers et du chef de l'État, puisque ce dernier pourrait engager une action civile contre une personne, alors que celle-ci serait privée de toute possibilité en la matière.

À titre d'exemple, le Président pourrait demander le divorce, mais son conjoint n'en aurait pas la faculté. Les droits des tiers ne pourraient être exercés qu'à l'issue du mandat présidentiel : de longues années pourraient se passer - en particulier dans l'hypothèse d'un mandat renouvelé, ce qui est plausible lorsque ce dernier est de cinq ans - avant même que le justiciable qui s'estime lésé ne puisse saisir la justice. Dans certains cas, le préjudice causé peut se révéler irrémédiable, dans une affaire conjugale par exemple, mais pas seulement.

Au regard des atteintes portées à l'équilibre du procès civil, les bénéfices attendus de cette protection pour le chef de l'État n'apparaissent pas clairement. En effet, il ne semble pas que la fonction du Président de la République ait jamais été mise en cause par un contentieux civil et, si des litiges sont déjà survenus dans cette matière, il semble qu'ils aient toujours été réglés sans que ni la personne du Président ni le mandat qu'il assume ne soient fragilisés. L'immunité civile ne semble donc aucunement proportionnée à l'objectif recherché par la révision constitutionnelle.

En outre, l'immunité civile opère un effet rétroactif, contraire aux principes fondamentaux du droit, puisqu'elle peut concerner des actions dont la cause est antérieure à l'élection du président, voire des actions en cours lors de cette élection.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, supprimer les mots :

d'information

L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 67 de la Constitution, supprimer les mots :

instances et

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter ces deux amendements.

M. Jean-René Lecerf. La concision doit effectivement être l'une des qualités premières d'un texte constitutionnel. Or je crains parfois que ce projet de loi ne soit quelque peu bavard, pour reprendre l'expression d'un président de Conseil constitutionnel.

J'ai trouvé deux exemples qui font l'objet des amendements nos 4 et 5.

L'amendement n° 4 concerne l'extrait de l'article 67 dans lequel il est dit que le président « ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite ».

Lorsque je lis l'excellent rapport de notre président rapporteur, j'y vois notamment - et je rejoins cette opinion - que l'information n'a de sens qu'en matière pénale où elle se confond avec l'instruction préparatoire. C'est la raison pour laquelle je considérais que le terme « d'information » était superflu.

Il en est de même pour l'amendement n° 5. Dans l'alinéa suivant du même article, il est précisé que les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre le président à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ses fonctions.

Encore une fois, je rejoins le rapport lorsqu'il y est dit que la notion de procédure recouvre celle d'instance. Maintenant, si l'on me démontre que j'ai tort, et je pense que l'on y parviendra aisément, je retirerai bien volontiers ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avec l'amendement n° 12, madame Assassi, vous en revenez clairement à un autre dispositif, puisque les poursuites devraient être autorisées par une commission des requêtes. Comme l'écrivait le professeur Chagnollaud, le système de la Haute Cour de justice est mort avant d'avoir commencé !

La commission est donc défavorable à cet amendement en contradiction avec le principe approuvé par la commission.

S'agissant de l'amendement n° 8, nous avons déjà longuement débattu de l'immunité civile ; je n'y reviens pas, même s'il est vrai que la société a évolué. Les Présidents de la République ont certainement eu des litiges d'ordre civil au cours de leur mandat, mais ceux-ci ont été réglés à l'amiable. Le Président de la République, en raison de ses fonctions, doit en effet avoir un comportement d'une dignité exemplaire. Le contraire serait grave !

Par conséquent, de tels propos me semblent exagérés. Manifestement, pour certains de nos collègues, le Président de la République devrait systématiquement être un voyou. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Bien entendu, des dispositions peuvent être adoptées pour éviter que le Président de la République ne fasse l'objet de litiges en matière civile pendant son mandat. Je pense notamment, et cela a déjà été évoqué, à des transferts de contrats ou à certaines propositions, par exemple en matière d'assurances, que certains pourraient émettre prudemment.

En outre, on peut très bien admettre que des actions soient intentées pour des litiges portant sur la vie privée. D'ailleurs, plusieurs dispositifs existent. Je vous le rappelle, la procédure de divorce a tout de même évolué depuis de nombreuses années. Je ne vois donc pas pourquoi cela poserait un problème pour le Président de la République.

En revanche, la « perméabilité » entre les procédures civiles et les procédures pénales est un phénomène à la fois nouveau et de plus en plus fréquent. À terme, il pourrait donc exister un risque de harcèlement permanent du chef de l'État, notamment dans des affaires de responsabilité civile.

Tout bien pesé, il y aurait, me semble-t-il, plus d'inconvénients que d'avantages à extraire la responsabilité civile de l'immunité juridictionnelle du président de la République pendant la durée de son mandat.

C'est la raison pour laquelle je soutiens totalement la position du Gouvernement, qui me paraît sage et prudente. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 8 et 6 rectifié.

Par ailleurs, M. Lecerf a déposé les amendements nos 4 et 5 tendant à supprimer des mentions qu'il juge inutiles dans le présent projet de loi constitutionnelle.

M. Michel Mercier. Il n'a pas tort !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est vrai, mais il n'a pas entièrement raison non plus.

Sans doute la rédaction du projet de loi constitutionnelle aurait-elle pu être différente, mais elle est parfaitement claire actuellement. D'ailleurs, comme je l'avais souligné à propos d'un précédent amendement, le terme « instances » permet de préciser celui de « procédures ».

C'est pourquoi je souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 4 et 5, même si je suis personnellement enclin à demander à leur auteur de bien vouloir les retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le dispositif que l'amendement n° 11 tend à instituer renvoie à un autre texte et M. le rapporteur vient de s'exprimer sur le sujet.

Bien entendu, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Les amendements nos 8 et 6 rectifié visent à exclure la responsabilité civile du champ de l'immunité juridictionnelle du président de la République. Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur cette question, me permettant même d'interrompre, avec son accord, M. Badinter. La position du Gouvernement est donc connue de tous et j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

Je le rappelle, nous ne faisons que reprendre les propositions de la commission présidée par M. Pierre Avril ; nous assumons ce choix.

M. le rapporteur a souhaité connaître la position du Gouvernement sur les amendements nos 4 et 5.

L'amendement n° 4 vise à supprimer les mots « d'information », qui, selon M. Lecerf, pourraient être redondants avec le mot « instruction ». Or les deux notions ne sont pas identiques ; je voudrais vous en fournir quelques illustrations.

D'abord, le réquisitoire aux fins d'informer est un acte d'information préalable à la saisine du juge d'instruction. Ce n'est donc pas la même chose qu'une instruction.

Ensuite, alors que la notion de mesure d'instruction a un sens en procédure civile, celle de mesure d'information n'existe nullement.

Par ailleurs, l'amendement n° 5 tend à supprimer la notion d'« instances », que M. Lecerf juge voisine de celle de « procédures ». Or, je vous le rappelle, contrairement à une instance, qui débute lorsqu'une demande est formulée, une procédure, du moins en matière pénale, peut être entamée avant toute demande, voire en l'absence de demande, notamment lors de l'ouverture d'une enquête de flagrance ou préliminaire par le parquet.

Il y a donc bien une distinction entre les « instances » et les « procédures ».

C'est pourquoi, monsieur Lecerf, je vous suggère de retirer les amendements nos 4 et 5.

M. le président. Monsieur Lecerf, les amendements nos 4 et 5 sont-ils maintenus ?

M. Jean-René Lecerf. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 4 et 5 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote, sur l'amendement n° 6 rectifié.

M. Pierre Fauchon. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je voudrais répondre à quelques-uns des arguments qui ont été avancés.

Selon certains, il n'est pas grave que le président de la République ne puisse pas faire l'objet d'une action civile, puisqu'il peut avoir la sagesse d'accepter lui-même une telle action.

Pour ma part, je suis un peu sceptique quant à une telle « sagesse ». (M. le rapporteur s'exclame.) Certes, je ne doute pas qu'elle habite M. le président de la commission des lois, mais il n'est pas président de la République. Lorsqu'il le sera, nous pourrons certainement nous fier à sa sagesse (Sourires), mais je demeure un peu dubitatif quant à celle des autres.

De toute façon, nous inscrivons un principe d'ordre public dans la Constitution. Il n'est pas possible à un juge d'y contrevenir. Par conséquent, une action civile, même si elle était acceptée par l'intéressé, serait tout simplement irrecevable.

Ensuite, M. le garde des sceaux s'est réfugié dans une formule que je trouve plutôt curieuse. Il a affirmé s'en être remis à l'avis des juristes sur les questions relatives à la Constitution. Très bien ! C'est son droit. Voilà un grand témoignage de confiance. (Sourires sur les travées de l'UC-UDF et sur les travées du groupe socialiste.) Mais, jusqu'à nouvel ordre, les projets de loi constitutionnelle sont adoptés par le Parlement. Bien entendu, l'avis des juristes est très intéressant, mais, dans la mesure où il est rarement unanime - vous l'avez vous-même souligné, monsieur le garde des sceaux -, nous sommes bien tenus de prendre nous-mêmes nos décisions.

Certains invoquent la commission Avril pour justifier leur position. Il est vrai que l'on ne trouve d'explications sur l'extension de l'immunité juridictionnelle du président de la République au domaine civil ni dans les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale ni dans l'exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle.

J'ai voulu moi-même connaître les conclusions de cette commission. J'ai donc consulté le rapport issu de ses travaux, qui dit ceci : « Naturellement, doivent être prévues dans la loi organique, parce que c'est impératif, les dispositions destinées à protéger effectivement et immédiatement les droits des tiers qui pourraient être lésés par l'impossibilité d'engager des poursuites. »

Pour ma part, je ne vois pas comment une loi organique pourrait revenir sur un principe d'immunité juridictionnelle énoncé par la Constitution.

Le rapport continue ainsi : « L'existence d'assurances obligatoires doit normalement suffire à régler l'essentiel des problèmes, grâce à l'intervention des compagnies d'assurance pour des cas aussi variés et prosaïques que des dommages accidentels, tels que des dégâts des eaux trouvant leur origine dans l'appartement privé du chef de l'État. »

Comme je le soulignais voilà quelques instants, une telle confiance envers les assurances n'est tout simplement pas sérieuse. Les assurances font ce qu'elles veulent. Si elles souhaitent attendre avant qu'un litige soit résolu, ce qui peut prendre cinq ans, voire dix ans, elles pourront toujours le faire. Je ne crois donc pas qu'il faille leur faire trop confiance.

Le rapport poursuit ainsi : « En revanche, pour ce qui n'est pas normalement couvert par une assurance, » - en l'occurrence, il s'agit des cas les plus graves - « ni réglé par une transaction, sans doute serait-il sage de prévoir un dispositif particulier, tel que, par exemple, l'obligation faite au président de la République, dès après son élection, de transférer à un tiers tout contrat de travail dans lequel il serait employeur, afin d'éviter des contentieux prud'homaux, ou de désigner un mandataire. »

Ainsi, le rapport de cette commission reconnaît l'existence d'un problème et recommande d'adopter des dispositions particulières pour le résoudre, mais sans préciser lesquelles, à l'exception d'une seule mesure, au demeurant un peu farfelue, relative aux contentieux prud'homaux.

En réalité, la commission Avril ne règle en rien la situation ; elle laisse simplement la question ouverte en disant qu'il faudra imaginer un dispositif particulier. Et, comme cela n'a pas été fait, il y a une véritable lacune dans le présent projet de loi constitutionnelle.

Ainsi, monsieur le garde des sceaux, non seulement le prétendu support que vous invoquez n'existe pas, mais, en plus, la lecture du rapport que vous mentionnez se retourne contre vous, puisque vous n'avez même pas suivi ses recommandations concernant la nécessité d'instituer un dispositif spécifique en ce qui concerne ces actions civiles.

M. Patrice Gélard. Mais il y aura une loi organique !

M. Pierre Fauchon. J'ai également entendu un autre argument curieux.

Selon certains, l'impossibilité d'intenter une action en responsabilité civile contre le président de la République le préserverait de tout risque de harcèlement par la presse. Mais depuis quand la presse a-t-elle besoin qu'une affaire fasse l'objet d'une procédure judiciaire pour en parler ?

D'ailleurs, et j'insiste sur ce point, lorsqu'une affaire sera importante, par exemple dans le cas d'un accident ou d'un conflit familial, l'impossibilité d'intenter une action en responsabilité civile contre le président de la République aura vraisemblablement pour effet d'inciter la presse à en parler davantage. Cela risque donc de faire beaucoup plus de bruit qu'une procédure civile. Vous le voyez, votre argument se retourne contre vous.

Enfin, certains ont osé affirmer, et cela m'a beaucoup surpris, qu'il n'y avait que peu de différences entre le civil et le pénal.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Pierre Fauchon. Sans doute ces personnes ne perçoivent-elles pas la différence entre le fait de passer devant une juridiction civile et une comparution devant une chambre correctionnelle ou entre une convocation chez le juge d'instruction et un rendez-vous avec un avocat pour préparer des conclusions. (Sourires sur les travées de l'UC-UDF et sur les travées du groupe socialiste.)

Pourtant, à l'exception de ceux qui osent employer de tels arguments, la plupart de nos concitoyens savent parfaitement la différence entre une procédure pénale et une procédure civile.

Je souhaite donc que, dans sa sagesse, la Haute Assemblée adopte cet amendement. De mon point de vue, l'extension de l'immunité juridictionnelle du président de la République au domaine civil est totalement dépourvue de fondement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 101 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue des suffrages exprimés 153
Pour l'adoption 133
Contre 171

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Lecerf et Fauchon, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Le président, dont il est ainsi mis fin au mandat, ne peut siéger au Conseil constitutionnel.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Si cet amendement peut paraître, sur certains points, similaire à un amendement qui a déjà été rejeté, je me permettrai de faire observer, d'une part, qu'il ne porte pas sur le même article de la Constitution et, d'autre part et surtout, qu'il n'a absolument pas la même portée. En effet, il ne concerne pas un Président de la République qui aurait été condamné par la Cour pénale internationale.

Pour le reste, ce problème a déjà été assez largement abordé. Nous voulons empêcher les anciens Présidents de la République qui auraient été destitués de siéger au Conseil constitutionnel.

Divers arguments ont été échangés, qui ne m'ont pas pleinement convaincu. Je crains que, vers trois heures du matin, on ne finisse par nous expliquer que la Constitution peut être modifiée par circulaire !

Lors des auditions qui ont été organisées par notre président-rapporteur, M. Didier Maus, président de l'Association française des constitutionnalistes, avait fait observer que la Constitution aurait pu être utilement modifiée sur ce point afin que les Présidents destitués ne soient plus membres de droit à vie du Conseil constitutionnel.

Hier soir, je participais à un débat sur Public Sénat avec un autre professeur de droit qui partageait le même sentiment, alors qu'il était favorable à la réforme dans son ensemble. Selon lui, le Sénat réglerait cette question sans difficulté par le vote d'un amendement !

À mon humble avis, nous ne devons pas légiférer seulement pour les candidats au concours de l'agrégation de droit public, mais aussi pour le peuple français. Nous aurons beaucoup de difficultés à faire comprendre à ce denier qu'un Président de la République dont les parlementaires auraient considéré qu'il a outrepassé ses fonctions puisse être membre de droit à vie du Conseil constitutionnel.

Je suis prêt à accepter bien des choses, notamment les opinions qui ont été émises sur l'article 10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, auquel je me réfère d'ailleurs dans l'objet de mon amendement. Dans certaines hypothèses, le Conseil constitutionnel pourra constater la démission d'office de celui de ses membres qui n'aurait pas la jouissance de ses droits civils et politiques. Mais il existe bien sûr toute une série d'hypothèses où la destitution du Président de la République résultera de l'appréciation des autres pouvoirs constitutionnels sans qu'aucune infraction ait été commise et donc sans que le Président ainsi destitué perde ses droits civils et politiques.

C'est la raison pour laquelle je maintiendrai cet amendement !

M. le président. Compte tenu des votes qui sont intervenus, il me semble que cet amendement peut être considéré comme n'ayant plus d'objet. J'aimerais cependant recueillir l'avis de M. le rapporteur sur ce point.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Habilement, M. Lecerf a fait porter son amendement sur l'article 68 ; il aurait également pu l'insérer dans les dispositions concernant le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, tous les arguments ont été développés. Nous avons déjà voté à plusieurs reprises sur le fait qu'il n'y avait pas lieu, dans la révision constitutionnelle, d'évoquer la question d'un Président destitué.

D'une part, Hugues Portelli nous a rappelé qu'il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel. D'autre part, ce problème peut être réglé dans la loi organique, car c'est une question d'application. Aujourd'hui, la Constitution comporte très peu de dispositions relatives au Conseil constitutionnel.

Imaginez un peu la confusion si nous adoptions cet amendement, alors que nous en avons rejeté un précédent qui revenait exactement au même !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas le même article !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'avis de la commission ne peut donc qu'être défavorable puisque nous avons déjà rejeté un amendement qui visait les anciens Présidents de la Républiques destitués.

M. le président. Vous me confirmez donc que cet amendement tombe, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est donc sans objet.

La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, lorsqu'un amendement tombe, la règle voudrait qu'on l'annonce immédiatement après le vote qui le fait tomber.

Après avoir discuté d'un autre amendement, on s'aperçoit soudain que celui-ci tombe. Dans ce cas, ne dites pas qu'il tombe mais qu'il est déjà tombé ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution :

« La proposition de réunion de la Haute Cour n'est recevable que si elle est signée par un cinquième au moins des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Si elle adoptée par une des assemblées du Parlement, elle est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours. »

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Si j'ai bien compris, monsieur le président, pour que l'amendement n° 2 rectifié ne devienne pas sans objet, j'aurais dû voter un amendement allant plus loin, prévoyant ainsi la possibilité d'interdire à un ancien Président de devenir juge constitutionnel dans des hypothèses que je n'envisageais même pas. C'est une manière assez curieuse d'envisager les choses !

M. Bernard Frimat. En commission, cet amendement n'était pas tombé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il avait été rejeté !

M. Bernard Frimat. Oui, mais après un vote ; il n'était pas tombé !

M. Jean-René Lecerf. L'amendement n° 1 tend, à l'exemple de ce qui est prévu par l'article 49 de la Constitution, à imposer l'exigence d'un certain nombre de signatures pour qu'une proposition de résolution de mise en accusation devant la Haute Cour puisse être recevable.

Il me semble en effet qu'il serait fâcheux que les mêmes personnes déposent, de manière systématique et récurrente, des propositions de résolution. Ce serait particulièrement déstabilisant pour le titulaire de la fonction de chef de l'État.

Cela dit, si cet amendement peut être interprété comme un appel à la loi organique, je n'en serai pas particulièrement fâché.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Bel et Frimat, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après les mots :

Haute Cour

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution :

est adoptée par l'Assemblée nationale

II. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du même texte, remplacer les mots :

l'assemblée concernée

par les mots :

l'Assemblée nationale

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement a pour objet de réserver à la seule Assemblée nationale l'initiative de convoquer la Haute Cour. Nous avons développé ce point dans la discussion générale.

La commission Avril, qui a tant d'importance et réunit des gens de si grande qualité, explique que la mise en accusation devant la Haute Cour n'a rien à voir avec un procès et que le Président de la République qui comparaîtra devant les 908 parlementaires ne sera pas du tout dans la position d'un justiciable. C'est dire qu'il s'agit bien de la mise en cause d'une responsabilité politique ! Lors des auditions que M. le président de la commission des lois a organisées et auxquelles il a eu l'amabilité de nous convier, la quasi-totalité des personnes entendues l'ont déclaré de la manière la plus claire.

Nous envisageons donc la destitution potentielle de la personne qui détient la plus grande légitimité dans notre pays, puisqu'elle est élue au suffrage universel direct par la totalité du peuple souverain. Or la mise en jeu de la responsabilité politique n'est pas dans les pouvoirs du Sénat, elle est le monopole de l'Assemblée nationale, qui, seule, peut voter une motion de censure et, seule, encourt la dissolution. Tel n'est pas le cas du Sénat !

Vous rompez l'équilibre des pouvoirs de manière indiscutable. À une mise en jeu de ce nouvel article 68 par l'Assemblée nationale, le Président de la République peut répondre par la dissolution et laisser le peuple trancher. Si le Sénat engage cette procédure, le Président ne peut rien faire : il n'a aucune arme contre le Sénat.

Soit, dans la même logique, vous proposez - ce qui serait une innovation intéressante - la dissolution du Sénat comme contrepartie de la mise en jeu de la responsabilité politique du Président. Soit vous restez dans l'équilibre actuel des pouvoirs, ce qui me semblerait plus normal, et vous ne donnez pas au Sénat le pouvoir de déclencher la procédure de destitution.

Ce sera plus clair et le combat se déroulera, d'une certaine façon, à armes plus égales : nous ne voulons pas qu'un des combattants, dont les spécificités et les résistances à l'alternance ont été mesurées par tous les instruments de précision imaginables, puisse rester totalement irresponsable de ses actes tout en jouissant du privilège de pouvoir remettre en cause l'existence même du Président de la République élu, lui, au suffrage universel direct - car le Sénat est élu au suffrage universel, nous ne le contestons pas, mais il n'est pas élu au suffrage universel direct.

En aucune façon cet amendement ne remet en question le bicamérisme ni les pouvoirs législatifs du Sénat. Il tend simplement à le situer dans son équilibre : la responsabilité politique de l'exécutif ne peut être mise en cause devant le Sénat car le Sénat ne peut être dissous.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Borvo Cohen - Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution, remplacer les mots :

une des assemblées du Parlement

par les mots :

l'Assemblée nationale

et les mots :

à l'autre

par les mots :

au Sénat

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 1 est tout à fait pertinent dans la mesure où il convient effectivement de préciser le nombre de signataires d'une proposition de résolution de mise en accusation dans chaque assemblée.

Aujourd'hui, je le rappelle, chaque assemblée décide de la mise en accusation du Président par la Haute Cour de justice à la majorité absolue de ses membres. En ce qui concerne le nombre de signataires de la proposition de résolution portant mise en accusation, cette condition n'est même pas fixée par la loi organique, puisqu'elle se trouve dans les règlements des assemblées : pour être recevable, la résolution doit être signée par au moins un dixième des membres de l'assemblée. D'ailleurs, ce seuil est peut-être insuffisant.

Faire figurer cette condition dans la loi organique serait indispensable. Nous devrons forcément adopter une loi organique et celle-ci concernera le Sénat : nous aurons donc l'occasion d'exercer un contrôle. Dans cette loi organique, le Gouvernement pensera sans doute à préciser les conditions de recevabilité et nous pourrons, non seulement prévenir, grâce à la règle des deux tiers, les coups politiques et partisans, mais aussi empêcher l'action des trublions, des Saint-Just de chef-lieu de canton...

M. Bernard Frimat. Des Caton de service !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Exactement ! Il faut bien encadrer la procédure.

Je propose donc à M. Lecerf de retirer son amendement.

S'agissant de l'amendement n° 10, je suis étonné, monsieur Frimat, de votre raisonnement. Vous parlez de la mise en jeu de la responsabilité politique du Président de la République, que vous comparez immédiatement à la motion de censure. Veuillez m'excuser, mais vous avez tort ! La mise en cause du Président de la République en raison de ses fonctions parce qu'il a manqué aux devoirs de sa charge n'a rien à voir avec la responsabilité politique.

S'agissant de la Haute Cour de justice, les deux assemblées étaient à égalité. Or cette cour avait, elle aussi, à juger des faits de « haute trahison », qui correspondaient également à un manquement grave du président de la République à ses fonctions. Je ne vois pas au nom de quoi, aujourd'hui, sous prétexte que l'on distingue bien la responsabilité pénale du chef de l'État de la mise en cause de sa responsabilité pour manquement grave dans l'exercice de ses fonctions, les deux assemblées ne seraient plus à égalité.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 1 et 10, car je crois qu'il s'agit d'un mélange entre deux choses très différentes. C'est pourquoi votre raisonnement, monsieur Frimat, quoiqu'il soit très subtil, ne tient pas.

Sur l'amendement n° 13, l'avis de la commission est également défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président Hyest a tout dit !

J'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 1 de M. Lecerf. Effectivement, la loi organique prévoira le nombre de signatures requis.

L'avis du Gouvernement est également défavorable sur les amendements nos 10 et 13.

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il va être minuit trente ; je vous rappelle que je vais devoir impérativement lever la séance, le Sénat devant entendre demain matin, à neuf heures trente, le rapport de M. le Premier président de la Cour des comptes. (Vives protestations sur l'ensemble des travées.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je crois qu'il est important que la discussion, qui est presque achevée, puisse se terminer sans report.

M. le président. Dans ce cas, j'invite chacun à faire preuve de concision.

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. L'argumentation de M. Frimat me semble parfaitement réversible.

M. le rapporteur a en effet très bien expliqué pourquoi la procédure de destitution n'avait rien à voir avec une procédure d'engagement de la responsabilité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Hugues Portelli. En revanche, si on réserve cette procédure à la seule Assemblée nationale, on fait tout pour créer une procédure nouvelle de responsabilité politique du Président devant l'Assemblée, ce qui est totalement contraire à l'esprit des institutions.

Le fait que le Sénat participe à cette procédure constitue précisément une garantie puisque lui-même ne peut justement pas engager la responsabilité politique

En outre - j'ai déjà évoqué l'idée tout à l'heure - dans la Constitution, il n'existe actuellement qu'une seule procédure dans laquelle le peuple souverain, qui élit le Président de la République, peut être remplacé par le Sénat et l'Assemblée réunis en Congrès : c'est la révision de la Constitution. Désormais, il y aura un deuxième cas. Ainsi, quand le peuple souverain ne se prononce pas, il est remplacé non pas par l'Assemblée nationale, mais par le Congrès.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. le président. M. Lecerf, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Jean-René Lecerf. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président de la commission, il faut que les mots aient un sens.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils en ont un !

M. Bernard Frimat. Vous nous avez expliqué que les pouvoirs des deux assemblées étaient égaux quand il s'agissait d'une procédure judiciaire devant la Haute Cour de justice. Mais alors il n'était pas question d'une mise en cause politique, il s'agissait d'une affaire judiciaire, ce qui est totalement différent.

Je pense que l'argument développé avec beaucoup de talent par M. Portelli n'est pas fondé. Tout au moins, mon cher collègue, nos interprétations sont différentes.

La responsabilité politique ne se divise pas. Notre amendement porte sur la mise en jeu de cette responsabilité. Nous ne mettons pas en cause votre conception du Congrès. En revanche, ce que nous contestons, c'est la mise en jeu de la responsabilité politique. En effet, si une telle mise en jeu s'effectue à l'initiative de l'Assemblée nationale, le Président de la République dispose d'un instrument de contre-attaque, ce qui n'est pas le cas s'agissant du Sénat. Nous faisons donc bien la différence.

Votre argumentation n'a que l'apparence de la logique. Elle est intéressante, mais elle ne porte pas sur le contenu de notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne me situe pas dans la même logique que celle qui vient d'être exposée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De mon point de vue, l'assemblée élue au suffrage indirect ne peut pas engager la procédure de destitution du Président de la République élu au suffrage direct. C'est tout ! Cela n'a donc rien à voir avec le droit de dissolution qui vient d'être évoqué.

Je parle bien de la question de l'engagement de la procédure. Je ne dis pas que le Sénat ne peut pas participer à la procédure elle-même dans le cadre d'un Congrès.

Le problème est que l'engagement de la procédure par le Sénat n'aurait lieu que pour un Président de gauche ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) C'est l'évidence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 68 de la Constitution :

La Haute Cour est présidée par le président du Sénat.

La parole est à M. Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. La commission Avril avait envisagé, par une référence à la IIIe République et au système américain, que la Haute Cour soit en fait le Sénat, avant qu'il ne lui apparaisse que la représentation nationale dans son ensemble devait être associée à une procédure qui la concerne tout entière. Cette commission n'avait vraisemblablement écarté la présidence de la Haute Cour par le président du Sénat que dans la mesure où celui-ci, dans le texte initial, était amené à exercer l'intérim des fonctions de Président de la République.

Cette disposition ne figure plus dans le projet de loi constitutionnelle, puisqu'elle a été supprimée par l'Assemblée nationale.

Il ne paraît donc pas totalement incongru, dans le cadre d'un bicamérisme modéré et partageant le pouvoir, que la présidence de la Haute Cour soit dévolue au président du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, vous vous doutez bien que je suis fortement tenté de donner un avis favorable à cet amendement. (Sourires.) Mais je ne suis pas persuadé que ce serait une bonne chose...

M. Portelli a évoqué tout à l'heure, à juste titre, le Congrès : c'est le président de l'Assemblée nationale qui préside le Congrès. Il doit en être de même pour la Haute Cour.

Au demeurant, je ne pense pas qu'une navette ouverte sur ce sujet grandirait particulièrement notre assemblée.

Je demande donc à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Lecerf, l'amendement est-il maintenu ?

M. Jean-René Lecerf. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

(L'article unique est adopté.)