compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

La commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.

La liste de ces candidats a été affichée conformément à l'article 12 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Yves Fréville pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

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Article 5 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs
Article 6

Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée) (nos 363, 385).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 6.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs
Article 7

Article 6

Au-delà de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative. Elle est ouverte aux salariés qui sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis et porte sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 6 permet l'organisation d'une consultation concernant la poursuite, ou non, de la grève quand celle-ci dure depuis déjà huit jours.

Cette disposition suscite de notre part un certain nombre de remarques et d'interrogations.

Tout d'abord, alors que le droit de grève est un droit individuel, son exercice serait en quelque sorte soumis à une décision collective. Certes, il en est déjà ainsi en pratique, et ce n'est pas choquant, surtout si cela permet de sortir d'un conflit. Pour autant, est-ce vraiment à la loi d'officialiser cette pratique ?

Par ailleurs, considérant que, dans les périodes de grève, les consultations se font la plupart du temps à main levée, un certain nombre d'observateurs en tirent la conclusion que la pression exercée sur les salariés ne leur permet pas de se prononcer en toute liberté ; d'où la possibilité offerte par le projet de loi d'une consultation à bulletin secret. Or, j'appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues : cette disposition ne garantit pas davantage que tout salarié sera vraiment maître de sa décision, une consultation à bulletin secret n'empêchant pas forcément que des pressions puissent s'exercer ; au contraire, elle peut aussi créer un climat difficile et, en définitive, peu propice au développement du dialogue social dans les entreprises.

Enfin, s'il est précisé que la « consultation peut être organisée par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative », les modalités pratiques de sa mise en oeuvre restent très imprécises puisque chaque entreprise est laissée libre de définir les conditions du vote.

J'en viens brièvement à la proposition de Mme le rapporteur de désigner un médiateur dès le début de la grève.

Cette proposition ne nous paraît pas logique. En effet, si les salariés se sont mis en grève, c'est dans la majorité des cas parce que les négociations n'ont pas abouti ; il est donc très peu probable qu'ils acceptent immédiatement la désignation d'un médiateur ! En revanche, et c'est l'objet de nos propositions d'amendements, la désignation d'un médiateur prend tout son sens si le mouvement dure depuis déjà huit jours.

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 33 est présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mmes Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 72 est présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 33.

M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 6 pose à nouveau l'intéressante question du recours au suffrage universel direct et au référendum dans l'entreprise.

Le recours au suffrage universel est considéré comme indiscutable en matière politique, même si l'histoire nous apprend que l'auteur de la question, la teneur de celle-ci, la manière dont les choses sont présentées à l'opinion, peuvent aboutir à des effets inattendus.

En ce qui concerne la démocratie dans l'entreprise, il faut distinguer deux moments pour le recours au référendum - appelons ainsi, par commodité, la consultation.

S'il s'agit de demander au personnel de se prononcer à froid sur le contenu d'un accord, on peut considérer que les conditions sont réunies pour que la démocratie directe s'exerce dans des conditions sereines. Même en l'absence de consensus des organisations syndicales sur les termes de l'accord, le débat peut avoir lieu et les explications sur les différents points de vue peuvent être discutées. On est, toutes proportions gardées, dans le même cheminement que dans la démocratie politique : chacun fait valoir son opinion et, à l'issue de ces exposés, les citoyens, ici les salariés, se déterminent dans le secret de l'isoloir.

En revanche, si ce que prévoit l'article 6 est apparemment la même chose, c'est en réalité strictement l'inverse. En effet, la consultation sera organisée, dans des conditions sur lesquelles nous aurons à revenir, au plus fort de la crise interne à l'entreprise.

Si, après tous les obstacles que pose le projet de loi à l'exercice du droit de grève, les salariés, ou un nombre non négligeable d'entre eux, décident de se mettre en grève, il leur aura fallu une réelle détermination ! Il aura fallu aussi que l'état des relations sociales dans l'entreprise soit à ce point dégradé que la procédure de négociation préalable ne permette pas d'aboutir à un accord, fût-ce a minima, conduisant à éviter la grève. Et c'est dans ces circonstances difficiles, monsieur le ministre, que vous prétendez qu'une consultation soit organisée !

Bien entendu, il ne s'agit que d'une faculté, d'un pari en quelque sorte. Dans un climat particulièrement lourd, le remède peut s'avérer pire que le mal : le résultat de la consultation pourrait être à ce point négatif pour l'employeur qu'il obérerait toute tentative de dialogue. De votre point de vue, il convient donc de laisser une certaine latitude à l'employeur, qui risque sinon d'être placé dans une situation à peu près intenable.

En revanche, si un accord a été trouvé, et même s'il ne satisfait que partiellement les revendications des salariés, grévistes ou non, une consultation est tout à fait superflue. La grève prend fin parce qu'une majorité se dessine très vite en assemblée générale pour choisir la reprise du travail. De plus, vous le savez, les syndicats ont toute capacité pour expliquer ce qu'ils ont pu obtenir et ne pas conduire les salariés dans des impasses.

Mais là n'est pas l'essentiel. Il est évident que l'article 6 parie sur les difficultés financières qui peuvent apparaître dans certaines familles au bout de huit jours de grève. Il est vrai que le niveau des salaires dans les services de transport publics permet d'espérer cette réaction ! Cet article, dans la plus pure tradition réactionnaire, vise donc à exploiter les difficultés des grévistes pour les conduire à accepter eux-mêmes de reprendre le travail, même s'ils n'ont rien obtenu.

L'objet de la consultation n'est pas seulement de parvenir à un résultat immédiat : il s'agit de diviser durablement les salariés, entre les plus déterminés et ceux qui sont le plus en difficulté. Il s'agit de casser toute dynamique revendicative dans l'entreprise en pariant sur le découragement des uns et la soumission des autres, il s'agit aussi de permettre à l'employeur de tenter de jouer sur d'éventuelles divisions syndicales. Sinon, pourquoi préciser qu'une seule organisation syndicale peut demander l'organisation d'une telle consultation ?

Au demeurant, une question se pose : quelle sera la portée juridique du résultat du vote, quel qu'il soit ?

La grève est un droit individuel. Il ne peut donc être soumis à une décision collective. La rédaction du projet de loi précise, avec prudence, que le résultat de la consultation « n'affecte pas l'exercice du droit de grève ». C'est une évidence !

La Cour de cassation, dans ses deux arrêts de 1985 et 1987, a bien précisé sur ce point que, « malgré un vote en faveur de la reprise du travail, une fraction minoritaire peut poursuivre la grève. Le droit de grève constitue un droit personnel que chacun peut exercer sans être lié par la loi de la majorité. Lorsque les revendications ont été considérées comme satisfaites par la majorité du personnel, la grève ne saurait être poursuivie par une minorité sans revendications nouvelles. » C'est dire que, si une majorité du personnel se prononce pour la reprise du travail, rien n'empêchera une minorité de poursuivre la grève au motif de revendications non satisfaites !

Nous voyons dans cette affaire deux conséquences fâcheuses, monsieur le ministre. D'une part, vous conduisez les entreprises dans une impasse juridique puisque le résultat du vote n'aura pas, et ne peut constitutionnellement pas avoir de portée contraignante. C'est une excellente chose sur le plan des libertés ; sur le plan de la logique de votre texte et de vos objectifs, toutefois, c'est une démonstration flagrante d'inutilité. D'autre part, sur le plan pratique, c'est un piège : des réactions jusqu'au-boutistes, émanant y compris de salariés ou de membres de syndicats représentatifs dans l'entreprise, sont possibles.

Les effets pervers de cette mesure sont donc nombreux, au détriment tant des salariés que de l'employeur, de l'entreprise dans son ensemble et, par conséquent, des usagers.

Ce que votre volonté de réduire le droit de grève met le plus en lumière, c'est que, dans une entreprise gérée de manière responsable, le dialogue social doit être permanent. Le respect et l'écoute des salariés sont un moyen beaucoup plus responsable et efficace de prévenir les conflits que ces mesures de contrainte qui interviennent forcément trop tard, dans un climat social dégradé. Pour les employeurs comme pour les syndicats et les salariés, elles ne feront que rendre les choses plus difficiles dans l'avenir.

L'intitulé du projet de loi apparaît comme une antiphrase : le texte constitue un obstacle au développement du dialogue social et peut donc déboucher sur une sévère interruption du service public.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 6 et demandons un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 72.

M. Michel Billout. L'article 6 institue donc la possibilité pour la direction de l'entreprise d'organiser une consultation à bulletin secret au bout de huit jours de grève, sur son initiative ou sur celle de toute organisation syndicale représentative. Seuls les salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis sont amenés à y participer.

De l'avis des syndicats, cette nouvelle disposition n'a d'autre objet que de faire pression, d'intimider et de diviser les salariés entre eux, puisque, selon le texte, son résultat ne sera pas contraignant et que son application est facultative. À quoi servira donc une telle mesure si ce n'est à stigmatiser un peu plus les grévistes ?

De plus, s'il appartient à la direction de l'entreprise d'organiser cette consultation et d'en définir les modalités, il y a fort à parier qu'elle mettra l'accent sur l'aspect symbolique du vote des salariés et cherchera à faire pression sur chaque agent au moment du scrutin, et ce malgré son caractère secret ou la désignation d'un médiateur.

Il est également douteux que l'entreprise puisse disposer d'une telle compétence concernant l'exercice du droit de grève. En effet, cet article confère à l'entreprise le soin de définir une modalité du droit de grève tenant aux modalités particulières de sa continuation.

Par ailleurs, l'objet même de cette consultation ne nous paraît pas satisfaisant. En effet, celle-ci se fait sur l'opportunité ou non de continuer le mouvement de grève et non sur les revendications portées par les grévistes et les syndicats. La différence est de taille. Le résultat sera donc tronqué.

De plus, au-delà de son inutilité, cette mesure entraînera une détérioration du climat social dans les entreprises et générera un climat de suspicion généralisée.

Pour finir, je vous rappellerai que les syndicats eux-mêmes organisent régulièrement lors de mouvements de grève, un vote pour sa reconduction ou non ; il s'agit donc d'une mesure relativement redondante.

Pourtant, cette consultation organisée par les syndicats est d'une certaine manière plus légitime, car il appartient aux grévistes et aux organisations syndicales qui soutiennent la grève de décider de sa reconduction.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 6.

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d'un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.

II. - Au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné par les parties peut décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation sur la poursuite de la grève, ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. L'amendement n° 11 rectifié est, à mon sens, l'un des plus importants de ce projet de loi, puisqu'il vise à favoriser la médiation en cas de conflit. Or ce principe n'existait pas dans le texte initial du Gouvernement.

La médiation en tant que telle, qui est une pratique déjà répandue dans le monde du travail, est introduite dans cet article, mais avec des modalités plus souples que celles qui existent déjà dans le code du travail. Ce sont les parties elles-mêmes qui vont désigner le médiateur. Les syndicats nous avaient demandé éventuellement un garant, mais ils ont trouvé que l'idée du médiateur était plutôt intéressante.

Par ailleurs, cet amendement vise à mettre à égalité les syndicats et les employeurs. C'était bien l'intention du Gouvernement, mais la formulation n'était pas aussi précise. Nous avons donc modifié le dispositif de telle sorte que l'employeur, les syndicats représentatifs ou le médiateur puissent demander cette consultation. Bien entendu, nous ne reviendrons pas sur le vote à bulletin secret.

Si la grève a été décidée, c'est parce que toute la procédure préalable n'a pas abouti. Un médiateur sera là pour apaiser le conflit et trouver très rapidement un terrain d'entente.

M. le président. Le sous-amendement n° 35, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

I. Au début du I de l'amendement n° 11 rectifié, remplacer les mots :

Dès le début de la grève

Par les mots :

Au-delà de huit jours de grève

II. Dans le II du même amendement, remplacer les mots :

une organisation syndicale représentative ou le médiateur

par les mots :

les organisations syndicales représentatives et le médiateur

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Ce sous-amendement vise à reporter au-delà du huitième jour de grève la désignation d'un médiateur. Il n'est pas logique de prévoir que des salariés, qui ont eu la détermination de se mettre en grève malgré le dispositif restrictif auquel ils ont déjà dû faire face, vont accepter de désigner un médiateur, dès le premier jour de grève. En revanche, cette disposition a toute sa place au bout d'une semaine, si la situation est bloquée au point de ne plus permettre un dialogue direct entre l'employeur et les salariés.

Par ailleurs, pour permettre que l'éventuelle consultation directe des salariés se déroule dans la clarté et un climat apaisé, il est souhaitable que l'ensemble des parties au conflit décident, conjointement, de son organisation.

L'employeur, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et non pas une seule et, le cas échéant, le médiateur, seraient donc collectivement organisateurs d'une éventuelle consultation. Cela permettrait d'éviter tout soupçon de la part des salariés quant aux modalités du vote. Quel que soit le résultat de celui-ci, la consultation n'ajouterait pas un sujet de conflit de plus.

Les salariés ne seraient pas seulement consultés sur la reprise du travail ou la poursuite de la grève, ce qui est en soi une formule vide, ils le seraient sur un texte ou un projet d'accord, c'est-à-dire sur un contenu que les parties leur présenteraient.

Ne pas terminer une grève avec un sentiment de défaite, de la rancoeur et de l'amertume, mais au contraire savoir gérer les conflits dans un esprit où chacun obtient quelque chose est fondamental pour les salariés mais aussi pour la vie de l'entreprise. Les auteurs de ce projet de loi ignorent manifestement ou veulent ignorer ces aspects que je considère pourtant comme essentiels.

M. le président. Le sous-amendement n° 86, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste - UDF est ainsi libellé :

Compléter le I de l'amendement n° 11 rectifié par une phrase ainsi rédigée :

Il facilite la mise en oeuvre du plan de transport adapté en incitant les parties à maintenir le plus haut niveau de service compatible avec l'exercice du droit de grève.

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Après l'amendement n° 6, l'amendement n° 11 rectifié, comme l'a dit Mme le rapporteur, est un des piliers du texte. Il vise à ajouter une prérogative qui serait donnée au médiateur pour encourager les salariés grévistes à reprendre le travail tout en restant solidaires du mouvement. Dans une entreprise où il y a un conflit, le médiateur peut jouer ce rôle de facilitateur et de pacificateur pour permettre aux parties de retrouver un dialogue de sorte que le conflit cesse le plus rapidement possible.

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Au-delà de huit jours de grève, l'inspection du travail peut décider d'enclencher une procédure de médiation aux fins de favoriser le règlement amiable du conflit. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Notre amendement vise à revenir aux procédures prévues par le code du travail en matière de règlement des conflits collectifs.

Le code du travail prévoit une procédure de médiation dont on peut se demander pourquoi le projet de loi n'y fait pas référence. En réalité, c'est une question à laquelle nous avons, je crois, clairement répondu. L'objectif de ce texte est non pas de mettre fin dans de bonnes conditions à un conflit et à une grève, mais de contourner les partenaires sociaux, de les diviser et de diviser les salariés. Peu importe qu'un conflit se termine dans des conditions désastreuses, avec des conséquences durablement négatives pour l'entreprise !

Nous proposons au contraire d'utiliser la médiation. En présence d'un conflit qui dure, qui s'enlise, qui peut déraper, l'intervention d'un médiateur permet de revenir aux revendications centrales et de remettre les parties en négociation.

À l'inverse de la consultation, qui ne résout rien et qui comporte de nombreux effets pervers, la médiation ramène de la sérénité, une approche et une écoute nouvelles.

Notre amendement prend en compte, comme d'ailleurs l'amendement de la commission, le fait que la procédure de médiation telle qu'elle est prévue par le code du travail est trop lourde. Elle n'est donc pas assez réactive en présence d'un conflit d'entreprise.

Nous divergeons cependant sur un point : le fait de permettre directement aux parties de désigner un médiateur, peut créer une éventuelle nouvelle difficulté.

C'est d'ailleurs pourquoi, aujourd'hui, le code du travail prévoit une procédure trop lourde et complexe de l'avis général.

Il faut donc trouver une solution efficace. Nous proposons que le médiateur soit désigné par l'inspection du travail. Cela permet de préserver une approche neutre, locale, par quelqu'un connaissant déjà l'entreprise et les protagonistes au conflit. En même temps, la désignation se fait sous la garantie que le médiateur sera choisi sur la liste prévue à cet effet.

M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont est ainsi libellé :

Dans la première phrase de cet article, remplacer le mot :

peut

par le mot :

doit

La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Cette consultation, qui est très utile, permettra aussi bien aux employeurs des services publics de transport qu'aux organisations salariales d'avoir une information capitale pour la poursuite du mouvement. Par conséquent, nous souhaitons la rendre obligatoire et non pas facultative.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative

par les mots :

conjointement par l'employeur et les organisations syndicales représentatives

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Il est défendu !

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mme Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase de cet article, remplacer les mots :

sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis

par les mots :

ont été consultés sur leur intention de participer à la grève

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, cet amendement n° 37 fait suite à une question que je vous avais posée en commission et à laquelle vous n'avez pas répondu. Il s'agit d'un amendement technique qui doit permettre un échange. C'est un amendement d'équilibre et de précision. Il s'agit de faire en sorte que les salariés consultés sur la poursuite de la grève soient ceux à qui l'on aura précédemment demandé s'ils avaient l'intention de participer à la grève.

La rédaction actuelle, qui fait référence aux motifs du préavis, peut permettre une consultation large, bien au-delà des grévistes et des personnels consultés quarante-huit heures à l'avance.

II en résulte que des salariés qui n'auraient pas été concernés directement par le conflit et n'auraient donc pas été consultés au moment de se mettre en grève, pourraient être interrogés sur la reprise du travail des salariés concernés par la grève.

II y a là une imprécision qui pourrait sans doute être corrigée par une légère modification du texte, monsieur le ministre.

Par ailleurs, je souhaiterais revenir sur deux questions qui vous ont été posées, l'une par moi en commission et l'autre par M. Desessard hier soir en séance et qui sont restées sans réponse...

M'écoutez-vous, monsieur le ministre ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais oui, je vous écoute, j'essaie de convaincre M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les salariés doivent se prononcer quarante-huit heures à l'avance. S'agira-t-il d'une déclaration verbale ou d'un document écrit qui sera opposable ?

On risque de mettre l'entreprise dans un processus difficile. Car, s'il y a un document écrit, la responsabilité de la personne sera engagée. Si c'est par oral, on peut toujours dire que l'on s'est mal compris.

M. Philippe Nogrix. On en a déjà parlé hier soir !

M. Jean-Pierre Godefroy. Hier soir, nous n'avons pas eu de réponse, mon cher collègue, et il devrait être possible de passer cinq minutes sur un problème aussi important !

M. Xavier Bertrand, ministre. On peut y passer plus de temps !

M. Jean-Pierre Godefroy. S'agira-t-il d'une déclaration verbale ou d'un document écrit ? N'oublions pas qu'une sanction disciplinaire peut être encourue.

Pour l'entreprise, le projet de loi précise que l'article 226-13 du code pénal s'applique. C'est donc clair. Mais qu'en est-il des salariés ? Chaque entreprise décidera-t-elle de la sanction disciplinaire. La sanction pourra aller du simple au quintuple. Il me semble que, dans ce cas, la sanction devrait être prévue par la loi.

Tout cela doit être bien précisé dans la mesure où malheureusement votre texte sera adopté.

M. Jean Desessard. Ce n'est pas sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. Avec votre soutien ?

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler et Papon, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :

exercice

insérer le mot :

individuel

La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Il s'agit de rappeler que l'exercice du droit de grève est individuel.

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Si une majorité de travailleurs concernés a voté la reprise du travail, le fait d'empêcher celle-ci tombe sous le coup de l'article 431-1 alinéas 1 et 2 du code pénal.

La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Cet amendement vise à rappeler que l'entrave à la reprise du travail tombe sous le coup du code pénal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. S'agissant des amendements nos 33 et 72, la commission estime que l'article 6 du projet de loi est un engagement fort, approuvé par les Français, par les salariés. Cette consultation a une portée indicative et n'est pas obligatoire. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi elle suscite l'ire de nos collègues. La commission émet donc un avis défavorable sur les deux amendements de suppression de l'article.

Le sous-amendement n° 35 est incompatible avec l'amendement de la commission dans la mesure où il prévoit l'intervention du médiateur au-delà de huit jours de grève. De plus, l'organisation de la consultation sur la poursuite de la grève devrait être décidée conjointement par les organisations syndicales représentatives et le médiateur. Mais, dans une période de conflit entre l'entreprise et les syndicats, pourquoi vouloir ajouter une condition supplémentaire alors que l'accord sera déjà difficile à obtenir ?

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Quant au sous-amendement n° 86, la commission ne l'a pas examiné. Elle s'en remet donc à la sagesse du Sénat.

S'agissant de l'amendement n° 34, la procédure prévue, qui existe déjà dans le code du travail, est beaucoup plus complexe que celle que nous proposons dans la mesure où elle est laissée à l'appréciation du directeur de l'entreprise ou du ministre. Pourquoi laisser ce conflit s'enliser, alors que l'on pourrait choisir beaucoup plus rapidement un médiateur au niveau local ?

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 20 rectifié est incompatible avec l'amendement n° 11 rectifié, sauf à le présenter sous la forme d'un sous-amendement, comme je l'avais d'ailleurs indiqué à M. Portelli en commission.

M. Laurent Béteille. C'est encore possible, madame le rapporteur !

M. le président. Monsieur Béteille, accédez-vous au souhait de Mme le rapporteur ?

M. Laurent Béteille. Tout à fait, monsieur le président. Ainsi, je pourrais entendre l'argumentation de la commission !

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 20 rectifié bis.

Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Béteille, ce sous-amendement vise à rendre obligatoire la consultation sur la poursuite de la grève. Or, à nos yeux, il convient d'être souple en la matière et de prévoir qu'une consultation est possible si l'un des intervenants le décide. La rendre obligatoire au-delà de huit jours de grève revient à demander aux intervenants de régler le conflit dans ce laps de temps, alors qu'ils peuvent avoir besoin d'une ou de deux journées supplémentaires pour le faire. Cette disposition me paraît donc dénaturer la souplesse que nous avons introduite.

M. Jean-Pierre Godefroy. Autant la rendre obligatoire dès le premier jour !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. En conséquence, la commission est défavorable à ce sous-amendement.

L'amendement n° 36 prévoit que la consultation peut être organisée conjointement par l'employeur et les organisations syndicales représentatives. Il est également contraire à la logique sous-tendue par l'amendement n° 11 rectifié. La commission y est donc défavorable.

L'amendement n° 37 ne nous semble pas indispensable, d'autant qu'il restreint le champ d'application de l'article. Mais peut-être s'agit-il là d'améliorer le texte proposé ? Aussi demanderai-je l'avis du Gouvernement.

Quant à l'amendement n° 21 rectifié, il est, lui aussi, incompatible avec l'amendement de la commission. La grève est un droit individuel, mais qui est exercé dans un cadre collectif. Cette proposition ne me semble pas indispensable. En conséquence, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

Enfin, la rédaction de l'amendement n° 23 rectifié nous paraît dangereuse. Si l'on procède à un raisonnement a contrario, cela signifie que la liberté du travail ne peut être protégée que si une majorité de travailleurs se prononce contre la grève. Dans le cas où la majorité des salariés souhaite faire grève, le droit des salariés minoritaires à la reprise du travail n'est pas garanti.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression nos 33 et 72. Au-delà de huit jours de grève, il importe au Gouvernement de connaître l'état d'esprit des salariés, et ce dans la transparence et, surtout, dans la sérénité. Voilà pourquoi il est prévu d'organiser une consultation dans ces conditions.

S'agissant de l'amendement n° 11 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

En effet, la première partie de l'amendement ne pose aucune difficulté, mais la seconde me laisse un sentiment mitigé dans la mesure où elle vise à instaurer une compétence liée sur l'organisation de la consultation. Or, en la matière, la rédaction initiale de l'article 6 me semble préférable. Toutefois, compte tenu de l'intérêt que présente en soi la médiation, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Quant au sous-amendement n° 35, le Gouvernement souscrit totalement à l'argumentation qui a été développée par Mme le rapporteur et émet un avis défavorable.

S'agissant du sous-amendement n° 86, le médiateur a une fonction sociale et non pas organisationnelle, monsieur Nogrix, et telle n'est d'ailleurs pas la répartition des rôles souhaitée par la commission. De plus, il importe de ne pas exonérer l'entreprise de sa responsabilité. Pardonnez-moi l'expression, mais c'est à elle de faire le boulot ! Il lui revient de mettre en oeuvre le plan de transport adapté.

Monsieur Nogrix, vous demandez au médiateur de sortir de sa fonction. Or il ne s'agit pas là d'un partage des rôles, d'un équilibre à trouver entre la direction de l'entreprise et les organisations syndicales. Il y va tout simplement de la responsabilité de l'entreprise elle-même, et je ne veux pas qu'elle puisse s'en exonérer.

Tout en comprenant bien votre objectif, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 20 rectifié bis, ainsi qu'aux amendements nos 34 et 36.

Concernant l'amendement n° 37, sur lequel Mme le rapporteur a demandé l'avis du Gouvernement, il s'agit bien, en l'espèce, de l'ensemble des personnels concernés par le préavis de grève. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Monsieur Béteille, s'agissant des amendements nos 21 rectifié et 23 rectifié, le fait de rappeler le caractère individuel de la grève peut entraîner des difficultés juridiques par rapport à l'exercice du droit de grève dans un cadre collectif. D'un point de vue juridique, des interprétations de cette disposition pourraient être gênantes.

Quant à l'amendement n° 23 rectifié, le Gouvernement souscrit totalement aux propos de Mme le rapporteur. L'entrave à la liberté du travail est régulièrement sanctionnée par les tribunaux devant lesquels toute affaire peut être portée. La jurisprudence en la matière est à la fois abondante et claire.

Voilà pourquoi le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 72.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 116 :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 123
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 35.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Nogrix, le sous-amendement n° 86 est-il maintenu ?

M. Philippe Nogrix. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 86 est retiré.

Monsieur Béteille, le sous-amendement n° 20 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Laurent Béteille. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 20 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé, et les amendements nos 34, 36, 37, 21 rectifié et 23 rectifié n'ont plus d'objet.