Article 6
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
Article additionnel avant l'article 7

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu privatif de liberté. À sa demande, le contrôleur général des lieux de privation de liberté est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement rejoint un amendement déposé par la commission.

Il s'agit de faire en sorte que le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses délégués informent le procureur de la République lorsqu'ils constatent des infractions au cours de leur mission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme M. Badinter l'a rappelé, la commission a déposé un amendement similaire, sur l'article 7.

À mon sens, l'amendement de la commission est préférable. Je propose donc aux auteurs de l'amendement n° 72 de le retirer au profit de l'amendement de la commission ou, puisqu'il s'agit d'un amendement tendant à insérer un article additionnel, d'en différer l'examen.

M. le président. Monsieur Badinter, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?

M. Robert Badinter. Non, monsieur le président. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je retire l'amendement n° 72.

M. le président. L'amendement n° 72 est retiré.

Article additionnel après l'article 6
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Article 7

Article additionnel avant l'article 7

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général adresse ses observations et recommandations aux responsables des lieux visités. Ceux-ci ont un mois pour adresser leur réponse au contrôleur et, le cas échéant, l'informer des mesures qu'ils envisagent de prendre. À défaut de réponse dans le délai imparti, le contrôleur peut rendre publiques ses recommandations et observations.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement tend à faire en sorte que, à l'issue de chaque visite, le contrôleur général adresse ses observations et ses recommandations aux responsables des lieux inspectés.

Ces derniers disposeront alors d'un délai d'un mois pour lui faire part des mesures envisagées en vue de remédier aux problèmes soulevés par le contrôleur.

Dans un souci d'efficacité et de réactivité, à défaut de réponse dans le délai imparti d'un mois, le contrôleur général des lieux de privation de liberté aurait la possibilité de rendre publiques ses recommandations et observations, afin que celles-ci ne restent pas lettre morte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, il ne faut pas restreindre les pouvoirs du contrôleur général, cela ne me paraîtrait pas cohérent.

L'amendement n° 53 prévoit que le contrôleur général peut rendre publiques ses recommandations si les responsables des lieux visités n'ont pas répondu dans un délai d'un mois à ses observations. Cet amendement est plus restrictif que le projet de loi qui prévoit, dans son article 8, que le contrôleur général peut rendre publiques ses observations sans autre condition que d'en informer au préalable les autorités concernées.

Ne restreignons pas ses pouvoirs ! Surtout pas ! (M. Yves Détraigne proteste.) Mais si, c'est ce que vous faites !

Je trouve dommage d'encadrer l'exercice de cette prérogative dans le délai d'un mois, d'autant que certains cas peuvent relever de l'urgence ! Tout cela nous ramène à des débats qui ont déjà eu lieu.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Je maintiens mon amendement, car il n'est pas restrictif par rapport à l'article 8, contrairement à ce que vient de dire M. le rapporteur. Il tend au contraire à rendre obligatoire, dans un délai d'un mois, la réponse de l'administration aux observations formulées par le contrôleur général.

Mon amendement va donc plus loin que la seule formulation d'observations dont on ignore quelle suite leur sera réservée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 7
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Article 8

Article 7

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Le ministre peut formuler des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, sur l'article.

M. Charles Gautier. L'article 7 du présent projet de loi prévoit que le contrôleur général pourra, après chaque visite, adresser des observations aux ministres concernés.

Le rôle du contrôleur général est non pas de modifier l'existant, mais d'informer les ministres des conditions de vie des personnes détenues. Nous sommes d'accord sur ce point. C'est ensuite aux ministres concernés de prendre toutes mesures utiles. Encore faut-il que les ministres aient l'obligation de répondre, et ce dans un délai précisé, sinon tout cela devient inutile.

De plus, madame la ministre, je souhaiterai obtenir une précision. En effet, le rôle du contrôleur général se borne à un pouvoir d'information, mais ce pouvoir est décuplé s'il peut diffuser auprès du grand public ce qu'il observe ! Ainsi, l'article 8 prévoit la possibilité de publier les avis et recommandations aux autorités publiques, et l'article 9 en fait une obligation pour ce qui concerne le rapport annuel. En revanche, l'article 7 ne précise pas si les observations adressées aux ministres, ainsi que leurs réponses, peuvent être rendues publiques. Pourriez-vous nous préciser ce point, madame la ministre, qui est d'une grande importance ?

Souvenez-vous que c'est la publication d'un rapport de l'Observatoire international des prisons, l'OIP, sur des faits graves survenus à la maison d'arrêt de Beauvais qui a provoqué le réveil de l'opinion publique et la prise de conscience des difficultés que rencontraient les détenus et leurs familles. Toutes les initiatives prises depuis 1999 découlent de la publication de ce rapport. Je vous remercie pour les précisions que vous nous apporterez.

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 94, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître au ministre intéressé ou à l'administration concernée ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Il peut formuler des recommandations afin d'améliorer le traitement des personnes privées de liberté. Le ministre et l'administration compétente sont tenus, dans un délai fixé par le contrôleur général, de rendre compte à celui-ci de la suite donnée à ces observations et ces recommandations. Ces réponses sont annexées au rapport de visite, qui est ensuite rendu public.

Lorsque le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il porte à la connaissance du garde des sceaux les dysfonctionnements constatés à l'occasion des visites effectuées dans les lieux de privation de liberté.

Le contrôleur général des prisons est informé par le procureur de la République des poursuites engagées sur le fondement d'infractions commises au sein d'un lieu de privation de liberté. À sa demande, le contrôleur général est entendu par la juridiction de jugement. Il peut également, sur décision du juge d'instruction, être entendu au cours de l'information.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Notre amendement tend à réécrire l'ensemble de l'article 7 afin de donner au contrôleur général de réels pouvoirs.

Tout d'abord, l'efficacité du contrôle serait renforcée si le contrôleur avait la possibilité de s'adresser plus directement aux administrations intéressées et non pas seulement aux ministres. Nous proposons donc d'intégrer une disposition en ce sens.

Par ailleurs, le protocole facultatif, dans son article 19, prévoit que les mécanismes nationaux puissent « formuler des recommandations à l'intention des autorités compétentes afin d'améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté [...] ». Nous proposons de tenir compte de cette formulation.

Nous souhaitons aussi, à l'instar de nombreuses organisations, donner au contrôleur un réel pouvoir d'injonction qui, seul, peut apporter une réelle efficacité par rapport aux contrôles déjà existants. Selon nous, le dispositif actuel est loin d'être suffisant. Il est trop souvent mis en oeuvre de manière assez formelle. Les autorités judiciaires, par exemple, si elles peuvent visiter les établissements de leur ressort, n'ont aucun pouvoir d'injonction.

S'il suffisait que les ministres concernés soient au fait des problèmes existant dans les lieux de détention pour qu'ils soient réglés, la surpopulation carcérale aurait disparu depuis longtemps ! Combien d'observations, combien de condamnations, combien de rapports sont restés sans effet ?

Aussi, pour que les contrôles soient suivis d'effets concrets, il faut les assortir d'une contrainte : une obligation de réponse dans un délai fixé par le contrôleur, comme peut le faire, par exemple, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS.

Ainsi, la commission Canivet proposait que chaque visite fasse l'objet d'un rapport remis au garde des sceaux, qui disposerait d'un délai pour présenter ses observations. Elle suggérait également que les rapports de contrôle, « quelle qu'en soit la nature », soient publiés avec les observations du garde des sceaux, sur l'initiative du contrôleur général des prisons, afin de « conférer au contrôle son efficacité et sa crédibilité ». Nous proposons donc de prendre en compte ces orientations, d'ailleurs conformes aux dispositions internationales.

Enfin, à l'instar de la commission des lois, nous proposons de réintégrer dans le projet de loi les dispositions votées en 2001 qui prenaient en compte l'objectif de protection des personnes privées de liberté, à savoir la possibilité pour le contrôleur de saisir l'autorité hiérarchique, voire la justice, de toute infraction dont il jugerait nécessaire la poursuite disciplinaire ou pénale.

Nous pensons aussi qu'il faut maintenir le dernier alinéa de l'article 7 de la proposition de loi de 2001 qui prévoyait l'information du contrôleur par le procureur de la République en cas de poursuites ayant pour objet des infractions commises sur les lieux privatifs de liberté.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur

par les mots :

concernant en particulier

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit d'une simplification rédactionnelle, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Compléter la première phrase de cet article par les mots :

ainsi que la condition des personnes privées de liberté

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à étendre à la condition des personnes privées de liberté la possibilité ouverte au contrôleur général de faire connaître ses observations et ses demandes d'éclaircissements.

Il est certes important que le contrôleur fasse état de ses observations sur l'agencement des locaux, l'organisation du travail, notamment, mais ce qui compte, ce sont les hommes ! Le plus important est donc ce que le contrôleur pourra dire sur la situation des personnes dans les établissements, à la fois les personnes privées de liberté mais aussi tous ceux qui travaillent dans ces établissements.

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Lecerf et Portelli est ainsi libellé:

Remplacer la seconde phrase de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Le ministre formule des observations en réponse chaque fois qu'il le juge utile et lorsque le contrôleur général l'a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. L'article 7 laisse un pouvoir totalement discrétionnaire au ministre pour répondre ou non aux observations du contrôleur général.

Cet amendement tend à imposer une réponse systématique du ministre lorsqu'elle est souhaitée par le contrôleur général des lieux privatifs de liberté, lorsque les circonstances lui semblent l'imposer, et de laisser toute latitude au ministre dans les autres cas.

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :

Dans un délai d'un mois, le ministre formule des observations en réponse qui sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement vise, d'une certaine manière, à imposer au ministre de répondre aux observations formulées par le contrôleur général en lui fixant un délai d'un mois.

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase de cet article, remplacer les mots :

peut formuler

par les mots :

formule

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement étant très proche des précédents, je considère qu'il a été défendu.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

L'amendement n° 54 est présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Si le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement s'inspire de l'article 7 de la proposition de loi relative aux conditions de détention et au contrôle général des prisons adoptée par le Sénat en 2001.

Il reprend des dispositions traditionnelles figurant dans le statut de nombreuses autorités administratives indépendantes et permettant, d'une part, la saisine du procureur de la République pour des faits laissant présumer une infraction et, d'autre part, la saisine de l'autorité disciplinaire pour des faits susceptibles d'appeler des poursuites disciplinaires.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement identique n° 54.

M. Yves Détraigne. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Lecerf et Portelli est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général face à une situation d'extrême gravité peut adresser des injonctions aux autorités pénitentiaires.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Cet amendement tendait à conférer un pouvoir d'injonction au contrôleur général à l'égard des autorités pénitentiaires, dans des situations d'extrême gravité.

J'ai écouté très attentivement les observations des uns et des autres depuis ce matin. Mon souci était de pouvoir répondre à des situations extrêmement particulières où des informations, en possession du seul contrôleur général et non de l'administration pénitentiaire, lui permettent de savoir que la vie ou la santé d'un prévenu est en danger.

Je serais tenté de rectifier mon amendement pour permettre au contrôleur général, face à une situation d'extrême gravité, d'ordonner la mise en cellule individuelle d'une personne, mais ce serait trop complexe.

Je préfère donc retirer mon amendement. Nous pourrons peut-être reparler de ces problèmes lors de la discussion du projet de loi pénitentiaire.

M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.

L'amendement n° 48, présenté par M. Yung est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le rapport de visite établi par le contrôleur général est transmis aux autorités responsables du lieu de privation de liberté, qui doivent mettre en oeuvre un plan d'action dans un délai de deux mois, sur la base des recommandations formulées par le contrôleur.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Notre amendement vise à imposer aux autorités de répondre aux observations du contrôleur.

J'ose à peine le formuler, car je connais la réponse ! On va me dire que nous en demandons toujours trop, que nous sommes maximalistes !

Nous cherchons à améliorer le projet de loi et cet amendement s'inspire des dispositions de l'article 22 du protocole facultatif, qui dispose que « les autorités compétentes examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent le dialogue avec lui ».

Ce dispositif est également calqué sur le mécanisme de contrôle qui prévaut actuellement en Angleterre et au Pays de Galles, dont nous avons beaucoup parlé. À l'issue de chaque visite, l'inspecteur des prisons britanniques transmet son rapport aux autorités de l'établissement visité, qui doivent décider d'un plan d'action dans un délai de deux mois. Signalons d'ailleurs que les autorités publiques se sont engagées à répondre à 95 % des rapports. Ce chiffre est d'ailleurs assez curieux, car on ne sait pas ce deviennent les 5 % restés en chemin !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils n'ont pas assez d'argent !

M. Richard Yung. Le principe général reste, malgré tout, que les autorités répondent à presque toutes les observations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a elle-même déposés ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 94 est très complet, car il réécrit l'article 7. Je suis d'accord sur un certain nombre de ses dispositions, mais pas sur la totalité. La commission a demandé son retrait au profit d'autres amendements.

S'agissant de l'amendement n° 73, l'article 7 prévoit que le contrôleur général peut faire connaître ses observations sur « l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité ». Il peut être utile, comme le prévoit l'amendement, de préciser que ces observations peuvent aussi porter sur la condition des personnes privées de liberté.

L'avis de la commission est donc favorable.

L'amendement n° 23 rectifié bis introduit une injonction soft, mais c'est bien ! Il prévoit en effet une réponse du ministre aux observations du contrôleur général lorsque celui-ci l'a demandée.

L'avis de la commission est donc également favorable.

L'amendement n° 58 va dans le même sens que l'amendement n° 23 rectifié bis, mais il fixe un délai. Or il peut être parfois nécessaire d'obtenir une réponse dans un délai plus court. Je demanderai donc à son auteur de retirer cet amendement, sinon j'émettrais un avis défavorable.

L'amendement n° 74 s'inspire des mêmes arguments que l'amendement n° 23 rectifié bis. Je demanderai donc son retrait, dans la mesure où la rédaction de cet amendement n° 23 rectifié bis recueille l'accord général.

L'amendement n° 54 est satisfait par l'amendement n° 14 de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 48, monsieur Yung, il est difficile de faire la même lecture que vous de l'article 22 du protocole facultatif, qui prévoit que les autorités responsables « examinent les recommandations du mécanisme national de prévention et engagent le dialogue avec lui au sujet des mesures qui pourraient être prises pour les mettre en oeuvre ». Le dispositif de l'article 7, qui s'inscrit dans le cadre du dialogue et de la persuasion, paraît préférable à la formulation proposée dans votre amendement.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 13, 73, 23 rectifié bis et 14.

En revanche, il est défavorable aux amendements nos 94, 58, 74, 54 et 48.

M. Charles Gautier. Les amendements nos 14 et 54 sont identiques !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 58 et 74 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 54.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis et formule des recommandations aux autorités publiques. Il propose également au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.

Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. Si l'on ne peut qu'être d'accord, me semble-t-il, avec les dispositions du premier alinéa de l'article 8, il n'en va pas de même, en revanche, avec celles du deuxième alinéa, selon lequel, après en avoir informé les autorités responsables - pourquoi pas ? -, le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publics ses avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités si elles en font la demande.

Si je comprends bien, il faut donc que les autorités visées donnent leur accord à la publication de leurs observations : je trouve qu'il s'agit là d'une restriction n'ayant pas de raison d'être.

Le troisième et dernier alinéa de l'article prévoit que le contrôleur général « ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle ».

Cette disposition me paraît tout à fait superfétatoire. Personne n'a jamais envisagé que le contrôleur général puisse intervenir dans les procédures judiciaires.

Cependant, s'il constate un fait grave mettant en danger la dignité d'un détenu, voire sa vie, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas saisir immédiatement les autorités compétentes et le ministère.

On m'objectera qu'il appartient au juge d'application des peines d'intervenir, mais, si ce dernier ne s'est pas rendu compte de la situation, il revient au contrôleur général de déclencher immédiatement l'alerte.

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Yung, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa de cet article :

Dans le cadre de ses compétences, le contrôleur général émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et établit des rapports sur toute question qu'il juge utile à une meilleure connaissance du fonctionnement des lieux de privation de liberté.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. J'ai repris, au travers de cet amendement, une idée qui avait été formulée dans le rapport de M. Canivet, à savoir que le contrôleur général puisse entreprendre des études sur des thèmes qu'il estime utiles au complément de son information, à l'évaluation de l'administration ou à la résolution d'une question pendante.

Les motivations de cet amendement me semblent assez claires. Le contrôleur général et les contrôleurs pourront tirer de leur pratique et de leurs nombreuses visites sur le terrain un certain nombre d'enseignements plus généraux pouvant intéresser l'administration pénitentiaire et le ministre de la justice, et leur en faire part au moyen de rapports thématiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La rédaction présentée au travers de l'amendement constitue, me semble-t-il, un réel apport au regard du texte du Gouvernement. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, car le dispositif, dans la rédaction actuelle du texte, permet déjà de mener de telles études.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

En cas d'atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a le pouvoir d'enjoindre aux autorités responsables, de prendre toute mesure qui lui paraît nécessaire au respect de ces droits.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, nous souhaitons conférer au contrôleur général un pouvoir d'injonction.

Nous pensons que le contrôleur général, s'il constate une atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, doit pouvoir agir et, dans un tel cas, enjoindre aux autorités responsables de prendre toutes mesures lui paraissant nécessaires pour faire respecter ces droits.

Là encore, il s'agit de savoir si l'on veut donner leur plénitude aux prérogatives du contrôleur général. Ce dernier doit, nous semble-t-il, avoir la faculté d'exercer un pouvoir d'injonction dans les cas où il observerait des faits vraiment choquants, scandaleux au regard des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, qu'il a pour mission de préserver.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur la fausse bonne idée consistant à octroyer un pouvoir d'injonction au contrôleur général. Je maintiens cette position, car c'est à mon avis par le dialogue, par l' « apprivoisement » des lieux préventifs de liberté par le contrôleur général que nous progresserons. Le rôle de ce dernier ne doit pas être de surveiller l'administration et de prendre des décisions à sa place. Telle n'est pas notre conception de sa mission.

De surcroît, la constitutionnalité d'un tel pouvoir d'injonction est douteuse. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Peut-on imaginer que le contrôleur général ordonne l'élargissement d'un détenu ayant été condamné ? Peut-on considérer que, lors d'une garde à vue, il puisse lever cette dernière en vertu d'un pouvoir d'injonction qui lui aurait été conféré ? Il est très difficile d'envisager d'accorder au contrôleur général un tel pouvoir, qui est aujourd'hui, pour l'essentiel, dévolu au juge.

Le contrôleur général a un pouvoir de recommandation, la faculté d'émettre des avis. En Grande-Bretagne, les recommandations de l'inspecteur en chef des prisons sont débattues avec les administrations, qui les acceptent dans 95 % des cas et s'y conforment dans les deux années qui suivent dans 75 % des cas. Tout cela est mis en oeuvre et contrôlé dans le cadre de visites inopinées.

Laissons donc le contrôleur général formuler ses avis et ses recommandations dans le cadre d'un échange, d'un dialogue et d'une concertation, plutôt que de voir s'établir des rapports de force. En effet, c'est bien dans cette perspective que serait perçu par les administrations concernées un pouvoir d'injonction du contrôleur général.

Je rappelle en outre que le sous-comité de la prévention instauré par le protocole facultatif à la convention des Nations unies n'est pas doté d'un tel pouvoir.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit des cas d'atteinte flagrante aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté !

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. On voit bien là que deux visions différentes du dispositif s'opposent.

Certains souhaitent que le contrôleur général soit nommé à la discrétion du Gouvernement,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !

M. Louis Mermaz. ... même si l'on entoure cela de quelques précautions. Il serait alors un personnage dont on attend qu'il rende des services, mais auquel on ne veut pas véritablement conférer une autorité.

Pour notre part, nous souhaitons que le contrôleur général soit désigné après un avis de l'Assemblée nationale et du Sénat liant le Président de la République, nous voulons qu'il soit une personnalité morale incontestable, avec un passé professionnel garantissant qu'il pourra exercer ses fonctions de manière convenable, avec toute l'efficacité nécessaire.

Il s'agit donc d'une perspective tout à fait différente, et Mme le garde des sceaux nous « embrouille » d'ailleurs lorsqu'elle fait mine de s'interroger sur l'identité d'un personnage qui pourrait décider l'élargissement d'un détenu ayant été condamné.

En effet, il n'est pas du tout question de cela, il est question d'accorder au contrôleur général un pouvoir d'injonction dont il pourra user afin d'obliger les pouvoirs publics à intervenir en cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour reprendre l'intitulé du protocole facultatif à la convention des Nations unies, de menace contre la vie ou les droits élémentaires de personnes privées de liberté.

Il s'agit donc, grâce à une injonction immédiate, d'empêcher que de telles situations perdurent, et nullement d'interférer dans la procédure judiciaire. Je suis sûr que Mme le garde des sceaux a l'esprit suffisamment clair pour comprendre ce que j'ai essayé de dire.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je n' « embrouille » personne, monsieur le sénateur : ce n'est ni ma fonction ni ma mission, encore moins s'agissant d'un texte qui est à mes yeux très important et qui est attendu depuis de nombreuses années. Il ne s'agit pas d' « embrouiller », il s'agit de rédiger clairement !

Un pouvoir d'injonction est un pouvoir quasiment juridictionnel. Veut-on donner un pouvoir quasiment juridictionnel à une autorité indépendante ? Non, parce que ce ne serait pas constitutionnel.

Le contrôleur général formulera donc des recommandations et émettra des avis. S'agissant d'atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, il pourra toujours et à tout moment saisir l'autorité judiciaire.

Il ne s'agit pas d' « embrouilles », je le répète, il s'agit d'une réponse claire à une question qui l'était beaucoup moins ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je voudrais abonder dans le sens de Mme le garde des sceaux.

Une autorité administrative indépendante est créée pour un objet particulier, mais pas en vue d'exercer un pouvoir d'injonction. Un tel pouvoir relève soit de l'administration, au travers de l'autorité hiérarchique, soit du pouvoir juridictionnel.

M. René Garrec. Tout à fait !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. La création d'une autorité administrative indépendante résulte, il ne faut pas l'oublier, d'un démembrement de l'action gouvernementale, le Gouvernement acceptant de confier certains de ses pouvoirs à une telle instance.

Or si l'on attribue des pouvoirs régaliens à une autorité administrative indépendante, la démocratie disparaîtra, parce que l'autorité en question, précisément de par son indépendance, pourra faire ce qu'elle veut pendant la période pour laquelle elle est nommée, en s'imposant à ceux qu'elle contrôle.

Par conséquent, nous allons tout à fait dans le sens de Mme le garde des sceaux. Il n'y a pas de possibilité de conférer le pouvoir d'injonction à l'une quelconque des quelque quarante autorités administratives indépendantes existant à l'heure actuelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René Garrec. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

au Gouvernement

insérer les mots :

ainsi qu'aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le pouvoir d'initiative en matière législative n'est pas réservé au Gouvernement. L'Assemblée nationale et le Sénat sont à même de proposer des modifications législatives concernant les lieux de privation de liberté, et usent d'ailleurs de cette prérogative.

La preuve en est que ce sont les parlementaires, et non pas le Gouvernement, qui ont pour la première fois, au travers de propositions de loi, demandé l'institution d'un contrôleur général des prisons.

Aujourd'hui, le Gouvernement se voit obligé, pour respecter les conventions internationales signées par la France, de mettre en oeuvre les dispositions de ces propositions de loi.

Il serait donc normal de prévoir que le contrôleur général présente également à l'Assemblée nationale et au Sénat les modifications législatives qu'il estime nécessaires.

Cette faculté n'interdit bien sûr pas au Gouvernement d'intervenir dans son champ de compétence, tel que fixé par l'article 34 de la Constitution. Pour le reste, tant le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif peuvent proposer des modifications.

Puisque le Gouvernement souhaite mieux associer l'opposition à son action, qu'il lui laisse la possibilité de prendre connaissance des propositions du contrôleur général par l'entremise des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Après tout, les parlementaires ne sont-ils pas déjà, en quelque sorte, des contrôleurs des lieux de privation de liberté, en tout cas depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ?

Cet amendement permet donc aux parlementaires de prendre connaissance, en même temps que le Gouvernement, des propositions de modifications législatives ou réglementaires formulées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Ne pas admettre que les parlementaires sont étroitement impliqués dans l'amélioration des conditions de privation de liberté, c'est les priver de leur droit d'information en la matière.

Ce serait également contraire à la loi précitée, qui place les parlementaires au coeur de la recherche d'une meilleure prise en compte de la condition des personnes privées de liberté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Traditionnellement, les statuts des autorités administratives indépendantes prévoient que les propositions de modifications législatives ou règlementaires sont transmises au Gouvernement.

En outre, une transmission spécifique aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ne semble pas nécessaire dès lors que le rapport annuel prévu à l'article 9 est remis au Parlement.

Je vous signale d'ailleurs que des propositions de modifications législatives émises par un certain nombre d'autorités administratives indépendantes dans leurs rapports ont été suivies d'effets.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Après en avoir informé les autorités responsables, il rend publics ces avis, recommandations ou propositions. Les observations des autorités responsables sont recueillies et publiées dans les mêmes conditions.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à réécrire partiellement le deuxième alinéa de l'article afin de rendre obligatoire la publication des avis et recommandations du contrôleur, mais aussi des réponses apportées par les autorités responsables de la privation de liberté.

Le pouvoir d'injonction du contrôleur général des lieux de privation de liberté doit résider dans sa capacité à mettre les autorités face à leurs responsabilités. La transparence du travail du contrôleur est fondamentale pour son indépendance.

Il est tout à fait inacceptable que les autorités responsables puissent décider à la place du contrôleur général si leurs observations peuvent être publiées. Elles doivent rendre des comptes et s'expliquer sur les conclusions du contrôleur, et, le cas échéant, admettre les dysfonctionnements que le contrôleur aurait pu remarquer.

Donner une telle liberté de réponse aux autorités responsables de la privation de liberté vide complètement de son contenu le pouvoir du contrôleur général. Vous lui refusez déjà le pouvoir d'injonction ; le suivi de ses avis et recommandations ne pourra plus jamais être effectif si le contrôleur n'a pas lui-même le pouvoir de publier son avis et les réponses qui lui ont été apportées.

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Il peut rendre publics ces avis, recommandations, injonctions ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Le projet de loi prévoit que le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publics ses avis, recommandations, ou propositions, ainsi que les observations des autorités responsables. Deux réserves ont été posées : il faut que le contrôleur général en informe les autorités responsables et que les observations de celles-ci ne soient publiées que si elles en font la demande.

Notre amendement a pour objet de supprimer ces deux réserves et de prévoir que le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut rendre publiques des injonctions.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

I. Au début du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

Après en avoir informé les autorités responsables,

II. Après le mot :

observations

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :

des autorités responsables si elles en font la demande.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme je l'ai déjà signalé, la publication des avis, recommandations ou propositions du contrôleur ne peut être soumise au bon vouloir des autorités responsables.

Le contrôleur doit pouvoir, sans restriction ni limitation, publier les conclusions de ses visites.

Cette exigence garantit la transparence du processus de contrôle des lieux de privation de liberté et permet une diffusion large et importante des avis, recommandations, et propositions du contrôleur. Elle consolide également l'indépendance de ce dernier.

Le projet de loi laisse entendre que la consultation des autorités responsables est une obligation. Or, dans ce domaine, le contrôleur général ne peut disposer d'une compétence liée : il doit être libre de publier ses conclusions, sans en aviser les autorités responsables du lieu de privation de liberté.

Les contrôleurs doivent être indépendants : limiter leur pouvoir de publication des avis et recommandations, c'est limiter leur pouvoir, et donc leur indépendance.

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut rendre

par le mot :

rend

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Par cet amendement, nous voulons rendre obligatoire, comme nous l'avons proposé pour les rapports de visite, la publication des avis, recommandations et propositions du contrôleur.

Une telle disposition serait conforme aux préconisations des règles pénitentiaires européennes : la règle 93-1 prévoit que « les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques ».

La commission Canivet soulignait l'importance de la transparence ; elle indiquait que l'opinion publique devait être informée de l'état des prisons et du niveau de réalisation des objectifs. Il était également nécessaire, selon elle, d'informer les personnels pénitentiaires et les détenus sur les constats effectués, les résultats obtenus, les améliorations possibles, et les efforts restant à accomplir. Du point de vue des membres de la commission, cela devait contribuer à amener les organes de contrôle à rendre compte de l'exécution de leur mission.

Il est évident que, en provoquant le débat public, la transparence sur l'état et le fonctionnement des établissements concernés ne pourrait que renforcer l'efficacité des contrôles en contraignant notamment l'administration, placée sous le regard de l'opinion, à prendre les mesures exigées par la situation, que ce soit en termes d'investissements, d'équipements, d'organisation, de suppression de pratique, voire de poursuites disciplinaires ou pénales si des fautes étaient constatées.

L'article 8 du projet de loi -  comme d'ailleurs l'article 7 -, s'il n'est pas modifié, n'aura pas ces effets. Ces deux articles révèlent une volonté d'en rester à une configuration minimale.

La France est, hélas ! connue et montrée du doigt pour l'état désastreux de ses prisons et de ses centres de rétention ; elle a fait preuve de trop longues réticences à mettre en oeuvre le protocole, et à créer, sous la pression, un contrôleur général.

Alors que la question est ici de contribuer à ce que les problèmes inacceptables trouvent une solution, il ne serait pas très glorieux pour la France de continuer à faire preuve de frilosité.

Aussi, nous proposons que les avis, les recommandations et les observations du contrôleur général des lieux de privation de liberté soient systématiquement rendus publics.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :

Après les mots :

ces autorités

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 42, 75, 38 et 95.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La rédaction du projet de loi pourrait laisser entendre que la publicité des observations jointes aux recommandations ou avis du contrôleur général est laissée à la discrétion des autorités responsables des lieux de privation de liberté.

Dès lors que ces recommandations ou avis sont publics, il est souhaitable, dans l'intérêt des administrations elles-mêmes, que leurs observations le soient également.

Tel est l'objet de cet amendement, qui a pour effet de satisfaire, partiellement ou totalement, un certain nombre d'amendements de nos collègues.

M. Robert Bret. Partiellement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 42 me paraît satisfait par l'amendement n° 15 de la commission, tout comme l'amendement n° 75.

S'agissant de l'amendement n° 38, le projet de loi prévoit que le contrôleur général peut rendre publics les avis et recommandations après en avoir informé les autorités responsables. L'amendement tend à supprimer cette information préalable alors que cette dernière ne s'assimile absolument pas à une autorisation préalable. Le contrôleur général est entièrement libre de ses choix.

Par ailleurs, l'amendement maintient le principe selon lequel la publicité des observations faites par les administrations est laissée à leur discrétion. La commission n'étant pas d'accord avec cette proposition, elle demande le retrait de l'amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 95, il est préférable de laisser au contrôleur général le choix des avis ou des observations qu'il décide de rendre publics, car cela peut ainsi entrer dans une stratégie de discussion avec l'administration. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15, qui améliore la rédaction de l'article 8.

Les amendements nos 42 et 75 seront satisfaits par l'amendement n° 15, s'il est adopté.

Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 38 et 95.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 77, présenté par MM. C. Gautier, Badinter, Mermaz, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. La disposition prévoyant que le contrôleur général des lieux de privation de liberté « ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle » est tout à fait inutile au regard des règles de la procédure pénale. En conséquence, nous proposons de supprimer cet alinéa.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut formuler des observations écrites jointes à toute procédure, quelle qu'en soit la nature, consécutive au contrôle d'un lieu de privation de liberté et peut présenter des observations orales devant la juridiction pénale éventuellement saisie. Il ne peut remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le projet de loi ne permet pas au contrôleur général des lieux de privation de liberté d'intervenir dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction.

On peut comprendre que le contrôleur général ne puisse remettre en cause le bien-fondé d'une décision. Mais nous aimerions savoir ce que signifie au juste cette assertion : ne peut-il pas commenter une décision de justice ? Ne peut-il pas publier un avis qui viendrait contredire une décision de justice ?

Pour le reste, compte tenu des pouvoirs assez larges dont dispose le contrôleur général, le fait d'interdire à ce dernier d'intervenir dans le cadre d'une procédure, ne serait-ce que par voie écrite, revient, nous semble-t-il, à négliger son travail.

Le contrôleur sera un acteur de premier plan dans la recherche d'une amélioration des conditions de privation de liberté. De ce point de vue, il est, de fait, dans la situation d'un amicus curiae: il est le seul susceptible d'apporter des éléments importants dans des affaires encore pendantes.

Qui pourra juger des conditions d'une personne privée de liberté ? La personne privée de liberté ou le personnel ? Ce sera un peu la vérité de l'un contre celle des autres.

Nous aimerions donc avoir quelques éclaircissements sur ces points.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La disposition prévue par l'amendement n° 77 figure traditionnellement dans les statuts des autorités administratives indépendantes. À titre d'exemples, je citerai l'article 8 de la loi relative à la commission nationale de déontologie de la sécurité et l'article 10 de la loi instituant un défenseur des enfants. Cette disposition constitue le rappel des prérogatives de l'autorité judiciaire et marque bien qu'une autorité indépendante ne peut s'immiscer dans une procédure judiciaire.

Je souhaiterais cependant obtenir l'avis du Gouvernement sur cet amendement : une telle disposition est-elle réellement indispensable ?

Quant à l'amendement n° 39, il prévoit la faculté pour le contrôleur général, d'une part, de formuler des observations écrites jointes à toute procédure consécutive au contrôle d'un lieu de privation de liberté, et, d'autre part, de présenter des observations orales devant la juridiction pénale.

Les organes juridictionnels comme les organes disciplinaires peuvent déjà actuellement, s'ils le souhaitent, avoir communication des avis des autorités administratives indépendantes. De même, la juridiction pénale peut entendre ces dernières comme témoins.

Il est vrai que ces possibilités sont laissées à l'initiative des organes juridictionnels. Mais faut-il donner cette initiative au contrôleur général ? Il serait utile de recueillir sur ce point l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant de l'amendement n° 39, l'autorité judiciaire peut entendre qui elle veut, à tout moment, comme elle le veut. Cet amendement est inutile, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 77. Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, le statut de cette autorité prévoit qu'elle ne peut pas commenter une décision de justice.

S'il s'agit d'une décision de première instance, cette dernière n'est pas définitive et il convient de ne pas la commenter. En cas d'enquête en cours, s'il s'agit d'une procédure pénale, l'autorité n'est pas partie à l'affaire ; dans le cas d'une procédure civile, elle ne peut s'immiscer dans la procédure.

Rien n'empêche au demeurant, dans le cadre d'une procédure pénale, le contrôleur indépendant d'informer l'autorité judiciaire et de lui apporter des éléments qu'il juge utiles pour contribuer à améliorer ou à faciliter l'enquête.

Cet amendement est donc inutile : comme les autres autorités indépendantes, cette autorité ne peut pas s'immiscer dans une procédure à laquelle elle n'est pas partie à l'affaire, comme le rapport Canivet, page 179, le relevait déjà.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La loi prévoit qu'elle ne peut pas commenter une décision de justice.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 77.

M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet le même avis défavorable que le Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est habilité à saisir de tout manquement aux prescriptions déontologiques la Commission nationale de déontologie de la sécurité instituée par la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. En l'état actuel, le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté de saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale qu'il aurait pu constater au cours de ses visites.

Cet amendement vise à permettre au moins que le contrôleur général puisse saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui dispose quant à elle du pouvoir de saisir le procureur de la République.

Les informations fournies par les avis, recommandations et conclusions du contrôleur général peuvent constituer des éléments pouvant donner lieu à des poursuites pénales.

Sans ce pouvoir indirect de saisine du procureur de la République, le pouvoir d'injonction du contrôle restera une coquille vide. Son rôle se limitera à constater et à proposer à titre consultatif.

Il convient d'aller beaucoup plus loin en octroyant au contrôleur général le pouvoir de saisir la commission nationale de déontologie de la sécurité lorsqu'il le juge nécessaire et lorsque les faits entrent dans le champ de sa compétence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons adopté un amendement n° 8 qui a le même objet mais qui va plus loin puisqu'il ouvre cette possibilité au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants ainsi qu'au président de la HALDE. Cet amendement est donc satisfait, et la commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 40 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.

L'amendement n° 41, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Si le contrôleur général des lieux de privation de liberté estime que les faits mentionnés dans ses avis ou recommandations laissent présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Le procureur de la République informe le contrôleur général des lieux de privation de liberté de la suite donnée aux transmissions faites en application de l'alinéa précédent.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons adopté une disposition comparable s'agissant du procureur ; l'amendement est donc satisfait.

M. le président. Madame Alima Boumediene-Thiery, l'amendement n° 41 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.

L'amendement n° 96, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsque le contrôleur général est saisi de faits donnant lieu à une enquête judiciaire ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, il doit recueillir l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 6 relatives à la communication de pièces.

Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'autorité mise en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'article 9 et publié au Journal officiel.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Le dernier alinéa de l'article 8 dispose que le contrôleur général ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction. Soit. Mais, dans la réalité, il ne manquera pas d'être saisi de faits donnant lieu à enquête, information ou poursuites judiciaires, et cela ne doit pas pour autant paralyser son action.

Nous proposons donc de lui permettre, comme c'est le cas pour la commission nationale de déontologie de la sécurité, d'avoir communication des pièces du dossier en question, sous réserve de l'accord préalable des juridictions saisies ou du procureur.

Par notre amendement, nous souhaitons également donner au contrôleur général un réel pouvoir d'injonction en cas de décisions de justice non exécutées, afin que les contrôles soient suivis d'effet. Le contrôleur pourrait enjoindre à l'autorité mise en cause de se conformer à la décision de justice, et ce dans un délai qu'il fixerait.

Ce pouvoir d'injonction serait assorti d'un pouvoir de sanction, à savoir la rédaction d'un rapport spécial portant sur l'inexécution de la décision de justice, rapport publié au Journal officiel.

J'ai bien entendu vos arguments, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mais notre proposition ne fait que reprendre par exemple des compétences d'ores et déjà accordées au Médiateur de la République.

Décidément, mes chers collègues, si l'on devait en rester là, le projet de loi accorderait au contrôleur général des pouvoirs en deçà de ceux du Médiateur de la République et du président de la commission nationale de déontologie de la sécurité, alors que les enjeux, on le sait, ne sont pas moindres et qu'ils pourront bien souvent concerner un nombre important d'individus.

Comme nous l'avons souligné aux côtés de nombreuses organisations et personnalités, si l'on veut que les contrôles effectués aient une réelle efficacité, ils doivent avoir une suite ; sinon je me demande ce que nous faisons ici, y compris ce soir !

Mais cette suite n'est jamais spontanée, nous en avons la preuve, et nous ne le savons que trop bien dans le domaine des prisons, par exemple.

Nous vous proposons d'adopter cet amendement, qui représenterait tout de même une amélioration significative, madame le garde des sceaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement vise tout d'abord à donner au contrôleur général un droit d'accès au dossier judiciaire, ce qui ne paraît pas compatible avec les dispositions de l'article 6 relatives au secret.

En outre, il confère un pouvoir d'injonction au contrôleur.

Nous avons déjà longuement dit que nous étions contre ces dispositions. La commission émet donc un avis défavorable.

M. Robert Bret. Écoutez au moins nos arguments et ne répondez pas de manière mécanique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne réponds pas de manière mécanique, monsieur Bret ! Nous avons examiné avec attention vos amendements, et je fais la synthèse pour ne pas faire perdre trop de temps à la Haute Assemblée !

M. Robert Bret. On est en dessous des compétences et des pouvoirs du Médiateur. Cela devient ridicule !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement comporte deux parties.

S'agissant de la communication de pièces demandées à l'autorité judiciaire, comme je l'ai déjà indiqué précédemment s'agissant du secret de l'instruction, le contrôleur ne peut pas demander des pièces qui pourraient être couvertes ou soumises au secret de l'instruction.

M. Robert Bret. Sous le contrôle de la justice !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. On ne peut pas mélanger les deux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si une information est ouverte, l'autorité judiciaire ne pourra pas communiquer les pièces. Elle n'est pas partie à l'affaire.

S'agissant des pouvoirs d'injonction donnés dans le cadre de l'inexécution d'une décision de justice, les juridictions administratives veillent à l'exécution des décisions de justice, et le pouvoir d'injonction est donné aux juridictions administratives.

Si l'on compare avec les pouvoirs du Médiateur, ce dernier est saisi de cas individuels, il aide des personnes à régler un différend, il peut donc demander l'exécution d'une décision de justice, et, quand ce n'est pas le cas, il fait un rapport. Par conséquent, nous ne sommes pas dans le même cas de figure.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

M. Robert Bret. Mieux vaut conserver le Médiateur !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il ne faut pas confondre médiation et contrôle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)