Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la corruption
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Badinter, Mme M. André et Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour et Yung, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 113-5 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois cette dernière condition n'est pas requise pour les infractions visées aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-3, 435-1 à 435-4, 435-7 à 435-10, 445-1 et 445-2 ».

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. L'article 113-5 du code pénal limite l'applicabilité de la loi pénale française par la mise en jeu de deux conditions : d'une part, le crime ou le délit doit avoir été commis à l'étranger et faire l'objet d'une double incrimination, c'est-à-dire être puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère ; d'autre part, la commission du crime ou du délit doit avoir été constatée par une décision de la juridiction étrangère.

Cette dernière condition nous met donc à la discrétion des diligences d'une juridiction étrangère qui peut être mal armée pour poursuivre l'infraction en question, ou peu motivée.

Je pense donc que, dès l'instant où il y a double incrimination et où les exigences de la loi française sont satisfaites, il faut permettre à la justice française de poursuivre, afin qu'elle ne soit pas suspendue aux diligences et à la décision d'une juridiction étrangère.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

D'une part, la double incrimination a toujours été un principe du droit français.

D'autre part, le risque est, si l'on écarte l'exigence d'une décision de justice définitive prononcée à l'étranger, que les juridictions françaises soient conduites à juger un complice dans une affaire alors que l'auteur présumé de l'infraction jugé à l'étranger aurait été relaxé ou n'aurait pas encore été reconnu coupable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Même si je partage les préoccupations de notre collègue Robert Badinter sur ce point, comme sur bon nombre d'autres, d'ailleurs, je ne suis pas insensible à l'argumentation de M. le rapporteur.

Je pense en effet que, en matière de lutte contre la corruption, les politiques pénales ne peuvent plus être nationales. Ce qui nous manque, c'est une politique pénale européenne, qui nous permettrait à tous d'avoir une attitude cohérente vis-à-vis de l'étranger. Un excès légitime de sévérité de notre part constituerait nécessairement un handicap pour le développement de nos affaires nationales.

Si nous voulons faire entendre raison dans le monde, il faut non pas le faire au seul nom de la France - dans le contexte de la mondialisation, cela serait d'une portée assez limitée -, mais au nom de l'Europe.

Dans l'attente d'une politique pénale européenne cohérente et efficace, je m'abstiendrai sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Je partage évidemment le point de vue de M. Badinter s'agissant des « difficultés » - il les a évoquées avec beaucoup d'élégance et de diplomatie - que peuvent rencontrer certaines juridictions étrangères.

Toutefois, il me semble que nous ne pouvons pas aller dans le sens qu'il propose, car le risque serait alors que des décisions contradictoires fussent prises.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Laurent Béteille. On toucherait, me semble-t-il, à la souveraineté des États concernés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Khiari, M. Badinter, Mme M. André et Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 2312-7 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :  

« Le refus de déclassification ne peut être opposé par l'autorité administrative indépendante que dans l'hypothèse où les intérêts de la France sont en péril dans le domaine de la défense nationale. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai également l'amendement n° 7.

M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° 7, présenté par Mme Khiari, M. Badinter, Mme M. André et Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le  premier alinéa de l'article L. 2312-7 du code de la défense, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce refus de déclassification doit être motivé. »

Veuillez poursuivre, madame Khiari.

Mme Bariza Khiari. La possibilité pour le pouvoir politique de classifier des informations « secret de la défense nationale » afin d'en restreindre la diffusion est bien entendu nécessaire à la protection des intérêts fondamentaux de la nation dans le domaine de la défense, de la diplomatie, du renseignement ou des technologies.

Or l'utilisation de la classification « secret de la défense nationale » a été gravement mise en cause lorsqu'elle est apparue comme un obstacle délibérément placé sur la route des magistrats chargés d'enquêter dans le cadre d'affaires où la corruption et/ou le trafic d'influence étaient susceptibles d'impliquer de hautes personnalités.

Le mécanisme mis en place, sous le gouvernement de Lionel Jospin, par la loi du 8 juillet 1998, qui a créé la Commission consultative du secret de la défense nationale, a permis de restaurer la légitimité du recours à la notion de secret défense. Néanmoins, le nombre d'avis défavorables reste élevé : vingt-sept sur cinquante en 2004. Les juges se trouvent alors bloqués dans leur procédure d'enquête, le « besoin d'en connaître » des magistrats n'est pas satisfait et ces derniers ne sont pas réellement informés des causes ayant motivé le refus de déclassification.

Il importe donc que la motivation de ce refus soit communiquée par l'autorité administrative indépendante à la juridiction.

De surcroît, l'article 4 de la loi du 8 juillet 1998 impose au juge de motiver sa demande de déclassification. Dans ces conditions, le parallélisme devrait s'appliquer. La commission devrait elle aussi fournir des motifs justifiant son refus de déclassification.

Si la mission de la Commission consultative du secret de la défense nationale est de définir, au cas par cas, le meilleur compromis possible entre les deux inconvénients que sont l'entrave potentielle au bon fonctionnement de la justice et la déclassification d'informations sensibles, il importe que l'équilibre ainsi trouvé fasse l'objet, en cas de refus, d'une notification écrite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Outre le fait qu'il se situe à la limite du sujet dont nous débattons, l'amendement n° 6 pose deux problèmes.

En premier lieu, il met indirectement en cause la façon dont travaille une autorité administrative indépendante, dont on ne peut pas, me semble-t-il, contester la compétence et la rigueur déontologique.

En second lieu, la modification qu'il tend à introduire n'en est pas véritablement une.

Après tout, pour ne pas déclassifier, il suffira d'invoquer les périls que ferait peser la déclassification sur les intérêts de la France dans le domaine de la défense nationale. On en resterait donc au même point qu'actuellement !

En fin de compte, tout cela est très subjectif. Pour aller au bout de votre raisonnement, il faudrait supprimer le secret de la défense nationale. Sinon, quelle que soit la façon dont vous libellerez votre texte, le résultat sera le même.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Comme M. le rapporteur, je pense que ces deux amendements n'ont rien à voir avec l'objet du projet de loi.

L'amendement n° 6 vise à lever les obstacles que la Commission consultative du secret de la défense nationale placerait, selon vous, madame la sénatrice, sur la route des magistrats.

Cette commission, dont la composition est extrêmement équilibrée - elle compte des juristes, des conseillers d'État de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, un député, un sénateur -, est chargée de veiller à la protection des intérêts de la sécurité nationale tout en permettant la manifestation de la vérité dans le cadre d'une procédure judiciaire.

En pratique, on constate que, lorsqu'ils sont saisis par les juges d'une demande de déclassification, les ministres suivent à plus de 90 % l'avis de la Commission consultative.

J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l'amendement n° 7, il vise à imposer à l'autorité administrative indépendante de motiver son refus de déclassifier. Or motiver ce refus, c'est indiquer pourquoi on ne déclassifie pas et donc, d'une certaine manière, lever le secret.

Je rappelle que l'avis de la commission « prend en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. »

Si l'on motive le refus en invoquant l'objet du secret, c'est bien qu'il n'y a plus de secret. Nous préférons préserver d'abord les intérêts de l'État.

J'émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Je ne pense pas, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que ces amendements soient hors sujet. Lutter contre la corruption, c'est lutter jusqu'au bout. Il s'agit d'une exigence démocratique, comme l'a rappelé tout à l'heure notre éminent collègue Robert Badinter.

Les affaires qui ont défrayé la chronique ces dernières années avaient toutes pour toile de fond des opérations de corruption, des trafics d'influence, voire, plus grave, le versement de rétro-commissions.

On peut discuter le fond de ces amendements, mais ils ne me semblent pas hors sujet. Il s'agit bien, en l'occurrence, de lutter contre la corruption internationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la corruption
Article 2

Article 1er

I. - Le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal est complété par les mots : « pour elle-même ou pour autrui ».

bis. - Dans le dernier alinéa de l'article 432-17 du même code, les mots : « le cas prévu par l'article 432-7 » sont remplacés par les mots : « les cas prévus par les articles 432-7 et 432-11 ».

II. - Les articles 433-1 et 433-2 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. 433-1. - Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, afin :

« 1° Soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

« 2° Soit qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte visé au 1° ou d'abuser de son influence dans les conditions visées au 2°.

« Art. 433-2. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder aux sollicitations prévues à l'alinéa précédent ou de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne, pour elle-même ou pour autrui, afin qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »

III. - L'article 434-9 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par :

« 1° Un magistrat, un juré ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle ;

« 2° Un fonctionnaire au greffe d'une juridiction ;

« 3° Un expert nommé soit par une juridiction soit par les parties ;

« 4° Une personne chargée par l'autorité judiciaire ou par une juridiction administrative d'une mission de conciliation ou de médiation ;

« 5° Un arbitre exerçant sa mission sous l'empire du droit national sur l'arbitrage, 

« de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, en vue de l'accomplissement ou de l'abstention d'un acte de sa fonction, ou facilité par sa fonction. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : «, à tout moment, » sont supprimés ;

b) Les mots : « à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « aux 1° à 5° » ;

c) Après les mots : « de proposer », sont insérés les mots : «, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, » ;

d) Après les mots : « avantages quelconques », sont insérés les mots : «, pour elle-même ou pour autrui, » ;

e) Après les mots : « de sa fonction », sont insérés les mots : «, ou facilité par sa fonction » ; 

3° Dans le troisième alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier à septième alinéas ».

IV. - Après l'article 434-9 du même code, il est inséré un article 434-9-1 ainsi rédigé :

« Art. 434-9-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une des personnes visées à l'article 434-9 toute décision ou tout avis favorable.

« Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, à tout moment, de céder aux sollicitations prévues à l'alinéa précédent ou de proposer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne, pour elle-même ou pour autrui, afin qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une des personnes visées à l'article 434-9 une décision ou un avis favorable. »

V. - La section 4 du chapitre IV du titre III du livre IV du même code est ainsi modifiée :

1° L'article 434-44 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, la référence : « 434-8 » est remplacée par la référence : « 434-9-1 » ;

b) Dans le deuxième alinéa, après les mots : « aux articles », sont insérées les références : « 434-9, 434-9-1, » ;

c) Dans le troisième alinéa, les mots : « à l'article 434-33 » sont remplacés par les mots : « aux articles 434-9, 434-9-1 et 434-33 » ;

2° Dans l'article 434-46, les mots : « deuxième alinéa de l'article 434-9, à l'article 434-30 » sont remplacés par les mots : « huitième alinéa de l'article 434-9, aux articles 434-9-1 et 434-30 » ;

3° Les deux premiers alinéas de l'article 434-47 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2, des infractions prévues au huitième alinéa de l'article 434-9, au deuxième alinéa de l'article 434-9-1 et aux articles 434-39 et 434-43 encourent les peines suivantes : ».

VI. - Les articles 445-1 et 445-2 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. 445-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'obtenir qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.

« Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.

« Art. 445-2. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. »  - (Adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre la corruption
Article 3

Article 2

Le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal est ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Des atteintes à l'administration publique et à l'action de la justice des Communautés européennes, des États membres de l'Union européenne, des autres États étrangers et des autres organisations internationales publiques

« Section 1

« Des atteintes à l'administration publique

« Sous-section 1

« De la corruption et du trafic d'influence passifs

« Art. 435-1. - Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Art. 435-2. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public au sein d'une organisation internationale publique.

« Sous-section 2

« De la corruption et du trafic d'influence actifs

« Art. 435-3. - Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public dans un État étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'obtenir qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« Art. 435-4. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne, pour elle-même ou pour autrui, afin qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public au sein d'une organisation internationale publique.

« Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à toute personne qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable d'une personne visée à l'alinéa précédent.

« Sous-section 3

« Dispositions communes

« Art. 435-5. - Les organismes créés en application du traité sur l'Union européenne sont considérés comme des organisations internationales publiques pour l'application des dispositions de la présente section.

« Art. 435-6. - La poursuite des délits mentionnés aux articles 435-1 à 435-4 ne peut être engagée qu'à la requête du ministère public, sauf lorsque les offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques sont soit proposés ou accordés à une personne qui exerce ses fonctions dans un des États membres de l'Union européenne ou au sein ou auprès des Communautés européennes ou d'un organisme créé en application du traité sur l'Union européenne, soit sollicités ou agréés par une telle personne, en vue de faire obtenir une décision favorable, ou d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction ou facilité par ses fonctions.

« Section 2

« Des atteintes à l'action de la justice

« Sous-section 1

« De la corruption et du trafic d'influence passifs

« Art. 435-7. - Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par :

« 1° Toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles dans un État étranger ou au sein ou auprès d'une cour internationale ;

« 2° Tout fonctionnaire au greffe d'une juridiction étrangère ou d'une cour internationale ;

« 3° Tout expert nommé par une telle juridiction ou une telle cour ou par les parties ;

« 4° Toute personne chargée d'une mission de conciliation ou de médiation par une telle juridiction ou par une telle cour ;

« 5° Tout arbitre exerçant sa mission sous l'empire du droit d'un État étranger sur l'arbitrage, 

« de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, en vue de l'accomplissement ou de l'abstention d'un acte de sa fonction, ou facilité par sa fonction.

« Art. 435-8. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir toute décision ou tout avis favorable d'une personne visée à l'article 435-7, lorsqu'elle exerce ses fonctions au sein ou auprès d'une cour internationale ou lorsqu'elle est nommée par une telle cour.

« Sous-section 2

« De la corruption et du trafic d'influence actifs

« Art. 435-9. - Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à :

« 1° Toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles dans un État étranger ou au sein ou auprès d'une cour internationale ;

« 2° Tout fonctionnaire au greffe d'une juridiction étrangère ou d'une cour internationale ;

« 3° Tout expert nommé par une telle juridiction ou une telle cour ou par les parties ;

« 4° Toute personne chargée d'une mission de conciliation ou de médiation par une telle juridiction ou une telle cour ;

« 5° Tout arbitre exerçant sa mission sous l'empire du droit d'un État étranger sur l'arbitrage,

« pour lui-même ou pour autrui, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir l'accomplissement ou l'abstention d'un acte de sa fonction, ou facilité par sa fonction.

« Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à une personne mentionnée aux 1° à 5° qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, en vue de l'accomplissement ou de l'abstention d'un acte de sa fonction.

« Art. 435-10. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne, pour elle-même ou pour autrui, afin qu'elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir toute décision ou avis favorable d'une personne visée à l'article 435-9, lorsqu'elle exerce ses fonctions au sein ou auprès d'une cour internationale ou lorsqu'elle est nommée par une telle cour.

« Est puni des mêmes peines le fait, par quiconque, de céder à toute personne qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons ou des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une personne visée à l'alinéa précédent toute décision ou tout avis favorable.

« Sous-section 3

« Dispositions communes

« Art. 435-11. - La poursuite des délits mentionnés aux articles 435-7 à 435-10 ne peut être engagée qu'à la requête du ministère public, sauf lorsque les offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques sont soit sollicités ou agréés par une personne qui exerce ses fonctions dans un des États membres de l'Union européenne ou au sein ou auprès des Communautés européennes, soit proposés ou accordés à une telle personne, en vue de faire obtenir une décision ou un avis favorable, ou d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction ou facilité par ses fonctions.

« Sous-section 4

« Des autres entraves à l'exercice de la justice

« Art. 435-12. - Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait, par quiconque, d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices à l'occasion d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice, dans un État étranger ou devant une cour internationale, afin de déterminer autrui soit à fournir une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère soit à s'abstenir de fournir une déposition, une déclaration ou une attestation, même si la subornation n'est pas suivie d'effet.

« Art. 435-13. - Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende le fait, par quiconque, d'user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation pour obtenir d'un magistrat, d'un juré, de toute personne siégeant dans une formation juridictionnelle ou participant au service public de la justice, ou d'un agent des services de détection ou de répression des infractions dans un État étranger ou dans une cour internationale, qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission, ou facilité par sa fonction ou sa mission.

« Section 3

« Peines complémentaires et responsabilité des personnes morales

« Art. 435-14. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

« 2° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 3° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 ;

« 4° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.

« L'interdiction du territoire français peut en outre être prononcée dans les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger qui s'est rendu coupable de l'une des infractions prévues au présent chapitre.

« Art. 435-15. - Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2, des infractions prévues aux articles 435-3, 435-4, 435-9 et 435-10 encourent les peines suivantes :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2° Pour une durée de cinq ans au plus, les peines prévues aux 2° à 7° de l'article 131-39 ;

« 3°  La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

« 4°  L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Badinter, Mme M. André et Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Rainaud, Sueur, Sutour et Yung, Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article 435-2 du code pénal, après les mots :

d'un mandat électif public

insérer les mots :

dans un Etat étranger ou

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. J'ai déjà longuement évoqué, dans la discussion générale, les raisons pour lesquelles la distorsion entre les dispositions concernant la corruption et celles qui sont applicables au trafic d'influence me paraissait inexplicable, ou plutôt injustifiable.

Dans un cas, la corruption, on retient les décideurs étrangers, y compris les élus, en même temps que les agents internationaux. Dans l'autre, le trafic d'influence - qui est, je le rappelle, un mode de corruption -, on ne retient que les fonctionnaires internationaux, en se gardant bien de toucher aux décideurs étrangers nationaux. C'est injustifiable !

L'amendement n° 1 vise à corriger cette distorsion.

Si j'ai été un peu long dans mon intervention liminaire, monsieur le président, c'est parce que je redoutais, non pas le couperet - j'ai supprimé ce mot de mon vocabulaire ! -, mais le butoir du temps de parole, à savoir les cinq minutes qui sont imparties à chacun pour présenter un amendement.

M. le président. Vous avez de la mémoire, mon cher collègue ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Comme cela a été rappelé tout à l'heure, nombre d'États n'incriminent pas le trafic d'influence. Dès lors, le fait que la France exerce son droit de réserve sur ce type d'infraction ne constitue pas une remise en cause fondamentale de notre attitude à l'égard de la corruption.

À ce propos, je rappelle - cela est indiqué dans le rapport - que 80 % des affaires traitées sont des cas de corruption proprement dite, qu'il s'agisse de corruption active ou de corruption passive, alors que le trafic d'influence ne représente que 20 % des infractions constatées. La corruption pure et simple est donc bien le fait le plus incriminé.

Par ailleurs, le point essentiel du dispositif juridique que nous souhaitons instituer réside non pas dans la simple définition du délit de corruption ou de trafic d'influence, mais dans les moyens qui seront attribués aux magistrats et à la police judiciaire pour mener des investigations approfondies et prouver des faits de corruption, moyens qui leur font défaut aujourd'hui.

Actuellement, parmi les dix-sept affaires dont sont saisis les tribunaux spécialisés, aucune ne fait l'objet d'une incrimination pour corruption ou trafic d'influence. En l'absence de preuves, la seule qualification juridique sur laquelle les magistrats concernés travaillent est celle d'abus de bien social.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.