M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous faire observer que, en 1958, les constituants n’avaient pas non plus décidé que le Président de la République serait élu au suffrage universel.

Votre argument me paraît donc un peu faible, tout comme celui sur la facilité qu’apporte le fait de ne pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Mais alors, pourquoi inscrire dans cette dernière le nombre de députés et de sénateurs ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Pierre-Yves Collombat. Il faudrait un peu plus de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le secrétaire d’État nous dit qu’il ne faut pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Les Anglais, eux, n’ont pas de Constitution, et tout se passe pourtant comme s’ils en avaient une qui prévoyait à tout jamais, comme mode de scrutin, le scrutin majoritaire à un tour. Le résultat, c’est que, de temps en temps, les travaillistes sont majoritaires alors qu’ils ont moins de voix que les conservateurs, ou l’inverse. C’est peut-être déjà un avantage.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’est arrivé qu’une fois !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour moi, une pincée de proportionnelle, cela ne suffit pas. Je souhaiterais une proportionnelle intégrale…

M. René Garrec. Comme avant 1958 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est le système des petits arrangements.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. …avec report de la circonscription sur la région, puis sur la nation.

M. Henri de Raincourt. Bonjour les dégâts !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Olivier Duhamel avait proposé un tel système pour le Sénat.

M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas une référence !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Selon lui, la proportionnelle a des inconvénients lorsque l’assemblée ainsi élue peut renverser le Gouvernement, ce qui n’est pas le cas pour le Sénat. Pourquoi donc ne pas élire ce dernier à la proportionnelle intégrale ?

On lui rétorquait que l’opinion publique ne comprendrait pas qu’on accorde le dernier mot dans la procédure parlementaire à l’Assemblée nationale qui ne serait pas élue à la proportionnelle intégrale. Il répondait que cette dernière serait obligée de tenir compte de la position adoptée par le Sénat.

Même si je sais que la Constitution ne sera pas révisée sur ce point cette fois-ci tant il y a déjà de choses nombreuses et confuses, je tenais à rappeler cette idée d’Olivier Duhamel, qui me paraît bonne et intéressante. (Sourires ironiques sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Intéressante, en effet !

M. Éric Doligé. Vous êtes bien le seul à gauche à penser cela !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Étant à titre personnel favorable à la proportionnelle, et donc très minoritaire au sein de l’UMP, j’ai eu pendant un moment la tentation de voter ces amendements, d’autant plus qu’un rapide calcul me prouvait que mon vote n’aurait en tout état de cause rien changé.

Mais, monsieur Dreyfus-Schmidt, les explications que vous avez apportées m’ont finalement convaincu du contraire, et ce pour la raison suivante. Vous proposez que 10 % des députés soient élus à la représentation proportionnelle, mais vous n’évoquez pas la façon dont seront élus les autres membres de l’Assemblée nationale, ce qui est pourtant très important. Pour ma part, et dans la lignée de Raymond Marcellin ou d’Édouard Balladur, je suis favorable au scrutin majoritaire à un tour, compensé par une dose de proportionnelle.

Mais si nous ouvrons véritablement le débat sur ce sujet, nous devrons alors le traiter dans son intégralité. Or tel n’est pas l’objet de cette réforme de la Constitution. Il me paraît donc raisonnable de suivre M. le secrétaire d’État, et de ne pas aborder cette question aujourd'hui.

M. René Garrec. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage les vues exprimées par mes collègues qui ont défendu ces amendements. J’ai entendu M. le secrétaire d’État nous dire qu’il avait été décidé en 1958 de ne pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Certes, mais puisque nous révisons la Constitution, nous pouvons très bien décider du contraire !

Il y a bien un problème que vous ne voulez pas du tout aborder : la simple mention du fait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en tenant compte de la population » vous hérissait à tel point que vous vous êtes empressés de supprimer cet ajout !

Or, l’adoption d’une telle disposition revenait non pas à inscrire le mode de scrutin dans la Constitution, mais tout simplement à prévoir qu’une assemblée est représentative de ceux qui l’élisent, ce qui paraît tout à fait normal dans une démocratie. Il en est de même pour l'Assemblée nationale, sujet que vous ne voulez pas non plus aborder.

Pendant la campagne présidentielle, plusieurs candidats, dont le Président de la République, s’étaient engagés à introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale. Le comité Balladur avait lui aussi suggéré cette proposition et formulé le souhait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population ».

Je ne comprends donc pas le blocage à cet égard, alors que les propos que j’ai repris des uns et des autres datent non pas de 1958, mais de la dernière campagne présidentielle !

Même si vous ne voulez pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution, vous pourriez envoyer un signe montrant que vous n’êtes pas fermés sur le sujet : vous pourriez, en vue de rétablir l’égalité du suffrage, instaurer une dose de proportionnelle dans le mode d’élection de l'Assemblée nationale, ainsi d’ailleurs que dans celui du Sénat.

Vos propos sur l’impossibilité d’inscrire le mode de scrutin dans la Constitution ne servent qu’à une chose, à cacher le fait que vous ne voulez surtout pas, en réalité, que l’on modifie dans un sens un peu plus démocratique les modes de scrutin des deux assemblées ; en effet, ils sont bien évidemment favorables à la majorité actuelle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 44 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 104 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :

en fonction de leur population

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 14.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La question de l’élection des sénateurs et de la représentativité du Sénat a été traitée ici même, lors de la première lecture, avec une provocation et une condescendance qui m’ont un peu choquée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oh !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le président de la commission des lois, avouant lui-même avoir poussé le bouchon un peu trop loin, a consenti à revenir sur sa position.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, c’est ce que la presse m’a fait dire !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Résultat : le statu quo ante.

Je le répète, le manque de volonté politique et le souci de préserver certains privilèges qui sont aux mains de la droite française depuis une cinquantaine d’années nous ont conduits à une situation devenue intolérable.

Le Sénat doit représenter la population de la manière la plus fidèle. Elle doit être non pas « la chambre des territoires pauvres en démographie », mais, au contraire, le reflet exact de cette démographie, dans un souci de justice électorale.

La question reste intacte : comment expliquer que 60 % des Français vivent dans des communes administrées par la gauche et que cela ne se reflète pas au niveau du Sénat ?

Nous nous serions contentés de la proposition initiale du projet de loi ; mais, depuis, le texte a fait du chemin et subi des coupes. Ces dernières ont complètement dénaturé l’idée de départ, qui, je le rappelle, était présente dans les préconisations du rapport Balladur.

L’amendement n° 14 a donc pour objet d’inscrire dans la Constitution que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population ».

Tant que le Sénat sera élu selon les mêmes règles, il demeurera un verrou dans l’adoption de toute grande réforme. Si vos intentions de révision étaient sincères, vous ne pourriez qu’accepter les amendements visant à modifier le mode d’élection des sénateurs, car ils vont dans le sens d’un déverrouillage de nos institutions.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Robert Bret. Cet article 9 est important, car c’est de sa rédaction que dépend le positionnement du Sénat face à cette révision constitutionnelle.

En première lecture, la majorité sénatoriale a multiplié les gestes de mauvaise humeur à l’égard du Gouvernement en adoptant – on peut même dire en acceptant ! – quatre-vingt-dix amendements. Un point était déterminant : le mode de scrutin sénatorial.

Dans ce contexte, la décision prise par la majorité de la commission des lois d’accepter une adoption conforme du projet de loi constitutionnelle pourrait paraître surprenante si l’on ne connaissait pas l’objectif supérieur : conserver à droite le Sénat, écarter tout risque de basculement à gauche, même si des régions, des départements et nombre de communes sont majoritairement, voire très majoritairement, acquis à l’opposition.

Est-il acceptable qu’une chambre du Parlement disposant de pouvoirs étendus, quasiment égaux à ceux que détient la chambre élue au suffrage universel direct, et même complètement égaux en matière constitutionnelle ou organique, soit désignée par un collège de moins de 150 000 grands électeurs ?

La désignation de sénateurs à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin par respectivement dix et dix-neuf grands électeurs souligne de manière caricaturale ce scandale démocratique. Puisque tout se justifie au Sénat, vous avez été capables d’expliquer qu’un parlementaire pouvait être élu par dix ou dix-neuf grands électeurs !

Le Gouvernement, dans son projet initial, s’était déjà éloigné de la proposition du comité Balladur en inscrivant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », et non plus « en fonction de la population ».

Cette première manœuvre de recul a abouti à la capitulation finale face à une majorité sénatoriale qui ne veut pas renoncer à son privilège exorbitant du droit commun démocratique.

Autrement dit, cet article 9 est la clé du succès ou de l’insuccès de la révision, ou tout du moins du vote conforme.

Cela doit être su, cela doit être dit : M. Sarkozy renforce les droits du Parlement en maintenant le Sénat dans un autre temps, seule chambre d’Europe à être élue par aussi peu de monde tout en disposant d’autant de pouvoirs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est faux !

M. Robert Bret. Notre amendement est donc politiquement important. Son contenu ne fait que reprendre une proposition du comité Balladur : « [Le Sénat] assure la représentation des collectivités territoriales de la République en fonction de leur population. »

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 104.

M. Bernard Frimat. Le consensus fait des progrès dans cette assemblée : le groupe CRC, les Verts et le groupe socialiste arrivent à présenter un amendement identique !

M. Alain Lambert. Quel jour de chance ! (Rires.)

M. Bernard Frimat. La majorité doit être relativement satisfaite, puisque j’ai cru comprendre que vous étiez à la recherche du consensus ! (Rires et exclamations sur les travées de lUMP.)

Cet après-midi, lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion de montrer que le Gouvernement avait reculé sur la question du mode d’élection du Sénat : une première fois par rapport à la proposition du comité Balladur, mais la formulation plus souple qu’il avait présentée – « en tenant compte de leur population » – était recevable ; une seconde fois pour se soumettre aux injonctions des sénateurs et de la majorité UMP du Sénat. Cela ne nous semble pas acceptable : la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui est ainsi implicitement constitutionnalisée, verrouille le collège électoral du Sénat.

J’ai bien entendu notre excellent collègue Michel Mercier nous annoncer le dépôt d’une future proposition de loi à l’automne.

Nous aurons l’occasion de vérifier si ce que déclarent les constitutionnalistes est vrai ou faux. En effet, Mme Levade – j’en prends à témoin M. Jean-René Lecerf – nous disait, en tant que membre du comité Balladur, combien il était nécessaire, à ses yeux, de faire sauter les verrous.

C’est pourtant précisément ce que vous vous refusez à faire. Mais on comprend pourquoi…

Ainsi, vous préservez les privilèges, vous maintenez les blocages, vous conservez vos pouvoirs en matière de révision : tout est bien !

Dormez braves gens, le Sénat veille sur vous ! Rien ne changera, tous les blocages et tous les verrous sont là ! Votez comme bon vous semble pour élire les collectivités locales. Peu importe, car, même si cela ne figure pas noir sur blanc dans la Constitution, le Sénat restera à droite !

Voilà qui nous semble suffisamment grave et caractérisé pour que nous demandions sur ces amendements identiques un vote par scrutin public. Chaque groupe pourra ainsi se déterminer en toute conscience, en toute sérénité et en toute clarté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons déjà tant débattu de ces questions ! L’avis de la commission est naturellement défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14, 44 et 104.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 139 :

Nombre de votants 299
Nombre de suffrages exprimés 298
Majorité absolue des suffrages exprimés 150
Pour l’adoption 125
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 105, présenté par M. Yung et Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase rédigée :

Les députés représentant les Français établis hors de France sont élus au scrutin proportionnel de liste à un tour dans le cadre de deux circonscriptions comprenant le même nombre de sièges.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement fait suite aux considérations que j’ai exposées tout à l’heure sur l’article. Il vise à préciser que l’élection des députés représentant les Français établis hors de France se ferait, d’une part, à la proportionnelle, et, d’autre part, selon un découpage en deux grandes circonscriptions.

Lors des différentes discussions que nous avons eues sur ce sujet, M. le secrétaire d’État nous a laissé entendre qu’il serait favorable au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, c’est-à-dire au scrutin qui prévaut en France métropolitaine.

Ce choix nous éloignerait, bien sûr, du scrutin à la proportionnelle, que nous appelons de nos vœux. Il y a pourtant là la possibilité de voir douze sièges pourvus à la proportionnelle. Certes, nous n’en sommes pas encore à 10 %, taux que j’ai entendu évoquer au cours des discussions, mais c’est un début ! Nous regrettons donc, bien sûr, que vous ne saisissiez pas cette occasion.

Par ailleurs, le scrutin uninominal à deux tours n’est pas applicable à l’étranger pour la raison qu’il est impossible, même sur un plan strictement matériel, de l’organiser dans beaucoup de pays. En effet, d’un dimanche au suivant, le délai est trop court, compte tenu du temps d’acheminement du matériel électoral par une poste qui fonctionne mal, sans compter tous les autres obstacles qui peuvent s’opposer au bon déroulement du scrutin.

Par conséquent, votre proposition de retenir ce système ne nous semble tout simplement pas raisonnable : cela ne fonctionnera pas. Vous avez donc sans doute un plan B en réserve, mais nous ne le connaissons pas.

Cet amendement est un texte d’appel en vue de lancer le débat sur la question, même si je connais d’avance l’argument que vous m’opposerez : vous allez en effet me répondre que les modes de scrutin et les techniques de découpage des circonscriptions ne relèvent pas de la Constitution. Ma collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga et moi-même avons tout de même souhaité engager le débat, espérant obtenir ainsi un éclaircissement sur le mode de scrutin, de la part de M. le secrétaire d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Yung connaît la réponse, qu’il a d’ailleurs devancée : la détermination du mode de scrutin ne relève pas de la Constitution.

Par ailleurs, il s’agit ici du mode d’élection des députés. Nous ne nous en occupons pas, souhaitant que nos collègues de l’Assemblée nationale fassent de même à notre égard ! (Sourires.) C’est d’ailleurs la règle habituelle.

Le principe de l’élection de députés représentant les Français établis hors de France a été posé. Le Président de la République en a exprimé le souhait, de même que les délégués à l’Assemblée des Français de l’étranger et les sénateurs représentant les Français établis hors de France, dont vous êtes, monsieur Yung. Il convient maintenant de laisser aux députés le soin de préciser les choses. Mais, en tout état de cause, ce n’est pas au stade de la révision constitutionnelle qu’il faut le faire. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. M. Yung a été beaucoup plus précis que moi dans sa présentation. Je n’ai jamais dit, pour ma part, que le mode de scrutin pour les députés des Français de l’étranger serait un scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

J’ai toujours indiqué qu’il s’agirait probablement du scrutin majoritaire, mais il convient naturellement de renvoyer cette question à une loi organique qui, pour le moment, n’est pas encore prête.

Nous allons étudier le sujet en fonction de ce qui se pratique sur le territoire métropolitain, d’abord pour le nombre précis de sièges à pourvoir – on a parlé de dix ou douze sièges, et cela devrait être de cet ordre-là – et ensuite pour le mode de scrutin que nous retiendrons.

Par conséquent, monsieur Yung, je ne peux guère aller plus loin aujourd’hui dans mes explications. Dès que j’en saurai plus, vous en serez informé.

Toutefois, sur l’amendement n° 105, le mode de scrutin ne relevant pas de la Constitution, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° 105 est-il maintenu ?

M. Richard Yung. Non, je le retire, monsieur le président, même si je ne suis guère rassuré par les propos de M. le secrétaire d’État !

M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat de membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est incompatible avec l'exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou de conseil régional ainsi que de toute fonction exécutive locale. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n°          du               de modernisation des institutions de la Ve République en ce qui concerne le Sénat. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement nous donne l’occasion de revenir sur la question du cumul des mandats, que nous persistons à considérer comme un grand mal français, nuisant gravement à la bonne marche de notre démocratie.

Je ne répéterai pas les arguments expliquant la nécessité de poser une règle stricte de limitation du cumul des mandats.

Certains parlementaires siégeant dans cet hémicycle sont titulaires de plusieurs mandats.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et ils font bien leur travail !

Mme Alima Boumediene-Thiery. En limitant strictement le cumul des mandats, nous distinguerons nettement entre les fonctions exécutives locales et la fonction législative. Ce faisant, nous renforcerons les pouvoirs du Parlement, pour lequel le cumul constitue une gangrène ou un souffle au cœur qu’il faut soigner.

Cessons d’abord d’être hypocrites : si les parlementaires souhaitent continuer à cumuler les mandats, ils doivent exercer pleinement ces derniers, sans quoi, avec l’absentéisme que nous constatons tous, ils donneront à nos concitoyens l’impression qu’ils ne cumulent qu’une seule chose, les indemnités.

J’estime, pour ma part, que l’on ne peut être à la fois le maire d’une grande ville et un parlementaire impliqué, sauf à posséder des dons surnaturels ! (Sourires.)

C’est la raison pour laquelle, puisque nous est donnée l’occasion de moderniser notre Constitution, il convient à mon avis de mettre fin au cumul des mandats, ou, au moins, de le limiter de façon que cessent les abus constatés aujourd’hui.

Nous pourrions, par exemple, limiter le cumul à un mandat national législatif et un seul mandat local non exécutif, ce qui serait déjà bien suffisant. Ce serait aussi une manière de démocratiser nos assemblées et de rendre à notre fonction de législateurs toute la dignité qu’elle mérite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On rouvre très souvent le débat sur cette question, alors que des décisions, qui nous ont paru équilibrées, ont déjà été prises quant à la limitation du cumul des mandats et des fonctions.

Il n’y a pas lieu de revenir aujourd’hui sur ce débat ; la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Même avis défavorable : le débat sur le cumul a déjà eu lieu longuement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 46, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Le mode de scrutin proportionnel assure une juste représentation du peuple. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Avec cet amendement, nous voulons revenir sur la question essentielle des modes de scrutin.

J’insisterai une nouvelle fois sur l’un des éléments qui contribuent fortement au divorce entre, d’une part, les citoyens et, d’autre part, leurs institutions, leurs élus. Il y a, nous l’avons dit, une crise de la représentation politique. Nos concitoyens ne se sentent pas bien représentés, et pour cause : la moyenne d’âge est de soixante ans, la proportion de femmes de 18 %. Le taux d’ouvriers n’est que de 1 %, tandis que les professions libérales et les hauts fonctionnaires sont surreprésentés, et la diversité d’origine absente.

Accroître la participation des citoyens à l’exercice de leur souveraineté implique la démocratisation de leur représentation à tous les niveaux. Or, nous le savons tous, seule la proportionnelle permet d’assurer une juste représentation du corps électoral.

On nous objecte souvent l’impossibilité à gouverner qui en résulterait, ce qui revient à faire perdurer l’idée – irrecevable à nos yeux, car incompatible avec toute conception respectueuse de la souveraineté populaire – que le peuple serait incapable de faire des choix électoraux conformes à ses intérêts, autrement dit à l’intérêt général.

Sur ce point, le débat sur la révision constitutionnelle révèle, depuis le début, votre méfiance à l’égard du peuple. Ce que nous avons entendu à propos de l’article 3 bis est à cet égard emblématique.

Nous voyons bien aussi, pourtant, que la déformation systématique de la représentation populaire brouille le sens même de l’acte électoral en rompant le lien démocratique entre vote et représentation.

Et les crises antérieures ont été causées non par la proportionnelle, mais par l’inadéquation d’un système politique, les choix opérés par les élites contre la volonté du peuple et les promesses non tenues.

Selon le principe de souveraineté, seul le peuple est à même de dénouer une éventuelle crise politique. Toute tentation de contourner cette exigence, même au nom de l’efficacité, conduit à des dérives dangereuses.

Nous nous prononçons donc pour l’instauration adaptée à toutes les élections d’un mode de scrutin rigoureusement proportionnel assurant, par le biais de l’égalité des voix, l’égalité des citoyens.

Alliée à la parité, à la limitation du cumul et du renouvellement des mandats, à un véritable statut de l’élu, la proportionnelle permettrait enfin au Parlement d’être représentatif de la population.

Ce sont là autant de dispositions qui garantiraient qu’aucune fraction du peuple ne se sente mise à l’écart de la vie publique.

Si nous voulons véritablement faire entrer dans les faits l’article 3 de la Constitution, il est urgent d’effectuer des avancées dans ce sens.

Le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons non seulement ne prend pas ce chemin, mais il accentue encore le bipartisme. Renvoyer une nouvelle fois à l’examen d’autres projets de loi l’étude des modes de scrutin n’a pas d’objet, monsieur le secrétaire d'État, alors que vous aviez envisagé d’inscrire dans la Constitution qu’une loi organique fixerait le nombre maximum de ministres, et que le projet de loi constitutionnelle mentionne le nombre de députés et de sénateurs qui ne peut être excédé.

Aussi, nous vous proposons d’adopter cet amendement, qui, vous l’aurez compris, n’est pas un amendement d’appel.