M. Jean-Pierre Sueur. C’est déplorable !

Mme Nicole Bricq. J’ai essayé de démontrer que nos propositions n’étaient pas improvisées.

M. Bernard Frimat. Elles sont réalistes !

Mme Nicole Bricq. Les commissions du Sénat en ont été saisies à plusieurs reprises, mais nos avancées se sont toujours heurtées au mur de l’indifférence, voire à l’hostilité.

Nous utilisons les armes, encore très modestes, dont nous disposons dans l’opposition. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Le dépôt d’une proposition de loi est l’une de ces armes.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle est pacifique !

Mme Nicole Bricq. Je remarque qu’elle est d’ores et déjà utile puisque, dans son rapport, le président de la commission des lois s’engage à évaluer d’ici à la fin du premier trimestre de l’année 2009 les effets attendus du code de bonne conduite prôné par le MEDEF sur le comportement des sociétés cotées. Cependant, cela ne suffit pas à répondre à l’ampleur du mal. Il convient de le mesurer. À l’heure actuelle, dans notre pays, la confiance entre le peuple et ses élites dirigeantes est rompue. Cette situation est extrêmement grave.

Je vous imagine très mal, chers collègues de la majorité, dire à nos concitoyens, dans vos départements, qu’il n’y a pas urgence à agir. En vous dérobant, vous choisiriez de laisser faire. En acceptant de mener le débat à son terme, vous rendriez un grand service à l’institution sénatoriale. De grâce, faites le bon choix ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, en remplacement de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le président de la commission, qui est rapporteur de ce texte, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il doit nous rejoindre, mais il a été convoqué par le président du Sénat pour participer au groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du Parlement. (Nous aussi ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq a eu l’élégance de rappeler que ce texte avait été étudié rapidement par la commission des lois. Il est vrai que le président rapporteur n’a eu qu’une semaine pour rédiger son rapport et que le texte a été inscrit le plus rapidement possible à l’ordre du jour, ce qui présente évidemment quelques risques.

M. Yannick Bodin. On va voir immédiatement ce que va donner la réforme constitutionnelle : premier exercice !

M. François Zocchetto, rapporteur. Pour en venir à la proposition de loi que Mme Bricq nous a exposée, nul ne peut nier qu’il existe aujourd’hui des dérives réelles en matière de rémunération des dirigeants.

M. François Zocchetto, rapporteur. La presse se fait d’ailleurs largement l’écho des montants astronomiques que des dirigeants ont ainsi pu se voir conférer, certains d’entre eux, d’ailleurs, s’étant directement attribué ces rémunérations.

M. François Zocchetto, rapporteur. Ces dérives étaient difficilement acceptables dans une période de croissance économique, tant certaines rémunérations de dirigeants apparaissaient disproportionnées par rapport à la prise de risque personnelle qui caractérise les fonctions de mandataire social.

Ces pratiques sont devenues encore plus inacceptables dans le contexte de crise économique et financière que nous connaissons.

M. François Zocchetto, rapporteur. Pourtant, convenez-en, ces dérives ne se rencontrent que dans un certain nombre de grandes sociétés cotées,…

M. Jean-Pierre Sueur. Raison de plus pour s’en occuper !

M. François Zocchetto, rapporteur. …souvent des groupes financiers, loin des réalités du monde industriel. Ces sociétés jettent l’opprobre sur l’ensemble des sociétés françaises, alors que la plupart d’entre elles ont un comportement irréprochable.

M. Yannick Bodin. Le code de la route, c’est fait pour les chauffards !

M. François Zocchetto, rapporteur. Ces dérives ne sont le fait que d’une poignée de dirigeants de quelques grandes sociétés cotées. Même très circonscrites, ces dérives doivent évidemment cesser et ne sont pas acceptables.

À l’évidence, certaines pratiques doivent changer. J’en retiendrai deux.

La première est le cumul d’un contrat de travail avec des fonctions de direction.

La pratique l’a montré, pour certains dirigeants, l’absence de prise de risque personnel résultant du cumul d’un contrat de travail avec un mandat de direction peut ne pas inciter à une gestion toujours responsable des affaires de la société.

La question de la légitimité de ce cumul doit donc être posée, tout particulièrement lorsque, dans les faits, le dirigeant salarié n’est pas dans une situation de dépendance juridique à l’égard de la société. Chacun sait bien que, pour être salarié, il faut être en état de subordination. Or il n’y a pas de dépendance juridique, par exemple, dans le cas du président du conseil d’administration et du directeur général, ou du président du directoire et du directeur général unique, ou encore du gérant pour les sociétés en commandite par actions.

La seconde pratique qu’il convient de modifier est celle des conditions actuelles d’attribution et d’exercice des stock-options, ainsi que les fameuses « retraites chapeaux » et les « parachutes dorés ».

Le mécanisme des stock-options tire sa raison d’être de la volonté de créer entre son bénéficiaire et la société une communauté d’intérêts. Aussi, comme cela a pu se révéler trop souvent dans les faits, il ne doit pas être conçu comme un élément de rémunération exceptionnel avec lequel on gagne à tous les coups, notamment lorsque l’entreprise est en difficulté.

M. Jean Desessard. C’est pourtant le cas !

M. François Zocchetto, rapporteur. Cela paraît évident, mais nous avons malheureusement dû récemment constater que des entreprises en difficulté attribuaient des stock-options permettant des rémunérations élevées pour les dirigeants.

De même, les retraites chapeaux et les parachutes dorés tirent leur légitimité du fait que les mandataires sociaux sont révocables « ad nutum », c'est-à-dire à tout moment et sans motif. Encore faut-il que les garanties restent proportionnées au risque.

De fait, la certitude d’obtenir, en cas de cessation de fonctions, des indemnités ou des avantages d’une valeur parfois considérable n’est certainement pas un élément d’incitation à une gestion responsabilisante de la société.

Si une modification de telles pratiques doit intervenir, à quel niveau convient-il de fixer les « normes de référence » ? En d’autres termes, l’intervention législative est-elle nécessaire pour régler l’ensemble des problèmes que vous avez exposés, madame Bricq, et que j’ai rappelés en partie ?

En tant qu’auteur de la proposition de loi, vous avez déjà tranché : vous souhaitez que le législateur fixe des règles extrêmement concrètes et précises, par des dispositions qui dénotent, il faut le dire, une réelle défiance envers non seulement les règles en vigueur mais aussi les sociétés elles-mêmes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. On peut en discuter !

M. Yannick Bodin. Elles n’ont qu’à respecter les règles !

M. François Zocchetto, rapporteur. Vous convenez donc que les règles existent à l’heure actuelle et qu’elles pourraient suffire dans un certain nombre de cas !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a des abus scandaleux !

M. François Zocchetto, rapporteur. Votre proposition de loi reprend d’ailleurs plusieurs dispositions présentées par le groupe socialiste du Sénat depuis plusieurs années. (Mme Nicole Bricq acquiesce.) La plupart des éléments ne sont donc pas nouveaux.

La proposition de loi s’articule autour de trois axes.

Il s’agit, tout d’abord, de la réforme du statut de dirigeant et de mandataire social.

Parmi les principales modifications envisagées – je ne les reprendrai pas toutes –, figure l’interdiction généralisée de cumuler les fonctions dirigeantes et un contrat de travail avec la société et ses administrateurs, président du conseil d’administration et directeur général, même dans une filiale, cumul possible actuellement dans certaines conditions.

Plusieurs dispositions visent, par ailleurs, à encadrer les rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux

Le texte institue un avis conforme du comité d’entreprise sur la rémunération du président du conseil d’administration.

Il soumet la rémunération du président du conseil d’administration et du directeur général au régime des conventions réglementées.

Ces règles existent d’ailleurs dans certains cas, par exemple, dans les sociétés à responsabilité limitée, ou SARL, où les commissaires aux comptes ont pris l’habitude de signaler la situation des gérants dans les rapports spéciaux sur les conventions réglementées.

Il impose, dans le domaine législatif, l’intervention d’un comité des rémunérations, composé d’administrateurs indépendants délibérant en l’absence des dirigeants, chargé d’élaborer un rapport sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise.

Le texte vise également à renforcer la responsabilité personnelle des dirigeants et mandataires sociaux, tout en accentuant la limitation actuelle du cumul des mandats sociaux en l’abaissant de cinq à trois mandats.

Le deuxième axe de la proposition de loi vise l’encadrement des stock-options et des actions gratuites.

La proposition de loi tend à limiter le montant des stock-options susceptible d’être accordé au président du conseil d’administration et au directeur général au montant de la rémunération fixe de ces derniers.

Elle modifie, par ailleurs, les conditions de levée des options ou de cession des actions gratuites.

Enfin, troisième axe, le texte proposé prévoit d’alourdir la fiscalité des rémunérations différées des dirigeants sociaux. Je ne reviendrai pas sur les détails, puisque vous les avez exposés tout à l'heure.

Face à ces propositions, une intervention législative est sans doute appropriée, …

M. Jean-Pierre Sueur. Donc, on doit débattre !

M. François Zocchetto, rapporteur. … mais pas sur l’ensemble du sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est bien pour cela qu’il faut débattre !

M. François Zocchetto, rapporteur. En outre – et j’ai bien conscience que ma remarque vous fera bondir – une telle intervention nous apparaît prématurée aujourd’hui. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Il y a de beaux bébés prématurés !

M. Yannick Bodin. Vous attendez la prochaine crise !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je m’explique : en matière de statut des dirigeants sociaux, tout comme en ce qui concerne leur rémunération, la voie législative n’est pas nécessairement la plus pertinente. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)

La diversité des situations dans chaque société et la flexibilité indispensable au fonctionnement des équipes dirigeantes de sociétés en concurrence permanente avec des grands groupes étrangers militent pour un mode de régulation qui ne soit pas que législatif ou réglementaire.

Convenez que nous ne partons pas de zéro. Des modifications substantielles sont intervenues encore récemment dans le droit des sociétés.

M. Jean-Louis Carrère. Cela ne marche pas !

M. François Zocchetto, rapporteur. Si l’on appliquait à la lettre tout ce que vous proposez, je fais le pari que la plupart des entreprises du CAC 40 iraient s’installer aux Pays-Bas ou dans des pays où les conditions sont similaires.

Plusieurs sénateurs sur les travées du groupe socialiste. Ah, ça y est !

M. Jean-Pierre Bel. Il va nous faire le coup de l’Armée rouge !

M. Bernard Frimat. Des chars russes !

M. François Zocchetto, rapporteur. Un certain nombre de ces entreprises y sont déjà ! Nous ne ferions donc qu’aggraver ce système !

Face à cette préoccupation du tout législatif qui vous anime, vous avez dit vous-même que les entreprises ont pris des engagements de conduite.

Mme Catherine Tasca et M. Yannick Bodin. Pas de bonne conduite !

M. François Zocchetto, rapporteur. Premières concernées par ce phénomène et premières confrontées à la réprobation grandissante de l’opinion publique, les associations représentant les sociétés faisant appel public à l’épargne, soit tout de même six cent quatre-vingt-huit sociétés, et non des moindres, ont adopté un code de conduite – je n’ai pas dit de bonne conduite – le 6 octobre dernier.

Mme Nicole Bricq. On n’y croit pas trop !

M. François Zocchetto, rapporteur. Leurs engagements portent sur les points suivants.

Premièrement, s’agissant du cumul d’un contrat de travail et d’un mandat social, il est recommandé de mettre fin, soit par rupture conventionnelle, soit par démission, au contrat liant à la société le président, le président-directeur général, le directeur général, le président du directoire ou du directeur général unique et les gérants.

M. Yannick Bodin. C’est une recommandation !

M. François Zocchetto, rapporteur. Si ce code est appliqué, il vous donne totalement satisfaction. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Quelle est la sanction ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Deuxièmement, ce code prévoit que le versement d’indemnités de départ à un dirigeant mandataire social doit être exclu – c’est très clair ! – s’il quitte sur son initiative la société pour exercer de nouvelles fonctions, ou s’il change de fonctions à l’intérieur d’un groupe, ou encore s’il a la possibilité de faire valoir à brève échéance ses droits à la retraite.

M. François Zocchetto, rapporteur. L’indemnité de départ ne doit pas pouvoir excéder, le cas échéant, deux ans de rémunération, part fixe et part variable additionnées.

Troisièmement, les retraites supplémentaires à prestations définies sont soumises à la condition que le bénéficiaire soit mandataire social ou salarié de l’entreprise lorsqu’il fait valoir ses droits à la retraite en application des règles en vigueur.

Le groupe de bénéficiaires potentiels doit être sensiblement plus large que les seuls mandataires sociaux. C’est une disposition intéressante.

M. Jean-Louis Carrère. Très ! Allez expliquer cela à l’opinion publique !

M. Jean-Pierre Bel. Cela vient du MEDEF !

M. François Zocchetto, rapporteur. Les bénéficiaires doivent satisfaire des conditions raisonnables d’ancienneté dans l’entreprise.

Les droits potentiels ne doivent représenter, chaque année, qu’un pourcentage limité de la rémunération fixe du bénéficiaire.

M. Yannick Bodin. Mais oui, c’est ça…

M. François Zocchetto, rapporteur. Quatrièmement, les attributions d’actions, par stock-options ou distribution d’actions gratuites, aux dirigeants mandataires sociaux doivent être soumises à des conditions de performance. Les attributions gratuites d’actions sans conditions de performance doivent être réservées aux salariés, j’allais dire aux « vrais » salariés, c'est-à-dire à ceux qui sont dans une situation de subordination.

D’autres précisions sont données dans ce code de bonne conduite, notamment concernant les conditions d’attribution et de levée de ces options d’actions. Je n’en donne pas le détail, car vous êtes suffisamment avertis de la question.

M. Yannick Bodin. En plus, nous ne sommes pas crédules !

M. François Zocchetto, rapporteur. Enfin, cinquièmement, l’ensemble des éléments constitutifs de la rémunération doit être rendu public sur une base individuelle pour les dirigeants, selon une présentation standardisée. Ces éléments doivent être rendus publics immédiatement après la réunion du conseil les ayant arrêtés et non pas au moment de la présentation du rapport annuel, comme c’est le cas aujourd'hui.

Là encore, vous devez l’admettre, la loi a rendu obligatoire, depuis quelque temps maintenant, la publication de la rémunération pour des montants individualisés du président et du directeur général des sociétés cotées en bourse dans le rapport annuel. À ma connaissance toutes les sociétés respectent cette obligation.

Il est vrai que ces engagements de conduite ne sont pas juridiquement contraignants.

M. Yannick Bodin et Mme Nicole Bricq. Eh oui !

M. François Zocchetto, rapporteur. Vous l’avez dit avant moi !

Cependant, depuis la loi du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, les sociétés doivent se justifier de la non-application des codes de gouvernement d’entreprise définis par leurs associations représentatives.

Mme Nicole Bricq. Devant qui ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Les sociétés doivent se justifier devant les actionnaires et leurs associations, devant les tiers…

M. Jean-Louis Carrère. L’assemblée des pères Noël !

M. François Zocchetto, rapporteur. Ce n’est pas devant le ministère public, certes, mais devant les propriétaires de l’entreprise et ses partenaires.

M. Jean Desessard. Mais pas devant les citoyens !

M. François Zocchetto, rapporteur. Les représentants des salariés sont aussi appelés à contrôler l’application de ces dispositions.

M. François Zocchetto, rapporteur. De plus, l’Autorité des marchés financiers est chargée, dans un cadre annuel, d’analyser le comportement des sociétés cotées au regard des règles de gouvernement d’entreprise et de leur politique en matière de rémunération des dirigeants.

Dans les faits, aucun dirigeant d’entreprise cotée ne peut actuellement ignorer l’enjeu qui s’attache à la pleine application de ce code de gouvernement d’entreprise.

Je pense sincèrement qu’il faut laisser aux entreprises au moins quelques mois pour se conformer à ces règles nouvelles.

Mme Nicole Bricq. Et vous croyez que cela ira mieux ! (M. Yannick Bodin rit.)

M. François Zocchetto, rapporteur. Pour ma part, je ne doute pas que nous allons assister à des changements d’attitude.

Les nouvelles règles de conduite ont été rendues publiques le 6 octobre dernier. Laissons aux intéressés le temps de les appliquer.

Quant à nous, il nous faut le temps de contrôler leur bonne application.

S’il apparaît que ces mesures ne sont pas correctement appliquées, rien n’empêchera de constituer une mission d’information…

M. François Zocchetto, rapporteur. … ou d’examiner ultérieurement un texte. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mais oui, je vous le proposerai d’ailleurs tout à l'heure.

Au vu d’une évaluation de la mise en œuvre de ces recommandations, nous pourrons alors décider, plus sereinement et non dans l’urgence, des modifications à apporter à notre législation sur les sociétés commerciales.

Je l’ai dit tout à l'heure, le rapporteur a eu moins d’une semaine pour examiner cette proposition de loi.

Mme Nicole Bricq. Cela fait des années que nous en parlons !

M. François Zocchetto, rapporteur. C’est un texte très dense, dont les dispositions nécessiteraient de nombreuses modifications, ne serait-ce que sur le plan juridique.

Je le dis tout net, certaines des dispositions de cette proposition de loi, notamment celles qui concernent le rôle du comité d’entreprise ou le cumul des mandats sociaux, ne peuvent qu’être rejetées tant elles mettraient à mal le fonctionnement quotidien de nos entreprises.

Mme Nicole Bricq. Eh bien bravo ! Les salariés apprécieront !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je donne un exemple : votre proposition d’abaisser la limitation du cumul de mandats sociaux de cinq à trois mandats me paraît déraisonnable au regard de l’organisation de la plupart des groupes français.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ne déposez-vous pas un amendement ?

M. François Zocchetto, rapporteur. En outre, je le répète, avec une telle disposition, nous courons le risque de voir ces groupes s’installer dans les pays limitrophes.

Mme Nicole Bricq. Ils ont une législation plus sévère que nous !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je vais vous donner maintenant partiellement satisfaction : une intervention législative immédiate s’impose vraisemblablement dans certaines matières, mais la proposition de loi n’est pas le vecteur le plus approprié. (Mme Nicole Bricq proteste.)

Sans doute est-il nécessaire de légiférer sur d’autres points que ceux couverts par le code de gouvernement d’entreprise. C’est le cas en matière fiscale et sociale.

La proposition de loi comporte, certes, des dispositions en cette matière. Mais le moment n’est pas opportun…

M. Jean-Louis Carrère. Ah bon, ce n’est pas le moment ?

M. Yannick Bodin. Ce n’est jamais le moment !

M. François Zocchetto, rapporteur. … car plusieurs initiatives parlementaires et gouvernementales sont en cours d’examen dans le cadre de trois projets de loi actuellement soumis au Parlement.

Premièrement, l’article 7 bis de la première partie du projet de loi de finances pour 2009, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 octobre dernier, comme vous l’avez d’ailleurs vous-même souligné, prévoit la limitation de la déductibilité du bénéfice imposable pour les rémunérations différées accordées aux dirigeants et mandataires sociaux, selon un dispositif identique à celui que vous proposez dans le présent texte. Donc, il vous suffira de voter l’article 7 bis de la première partie du projet de loi de finances pour 2009 pour avoir satisfaction sur ce point. Je ne doute pas que vous le ferez.

M. Bernard Frimat. C’est insuffisant !

M. François Zocchetto, rapporteur. J’en viens au deuxième exemple de télescopage avec des initiatives actuellement examinées par le Parlement.

M. Jean-Louis Carrère. C’est laborieux comme démonstration !

M. François Zocchetto, rapporteur. Non, je vais donner un exemple précis ! Il s’agit de l’assujettissement des éléments de rémunération des dirigeants à certaines contributions destinées au financement de la protection sociale. En effet, et vous l’avez signalé, l’article 13 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale – ce qui prouve que ce ne sont pas des chimères -, majore les contributions sociales applicables aux parachutes dorés, désormais taxés dès le premier euro lorsqu’ils dépassent la somme de 1 million d’euros.

Cela me paraît tout à fait dissuasif, et c’est très bien !

Le troisième exemple d’initiative législative en cours est celui de l’article 2 quindecies du projet de loi en faveur des revenus du travail, que le Sénat lui-même a adopté, en première lecture, le 27 octobre dernier.

Introduit sur l’initiative du Gouvernement, cet article lie désormais l’attribution de stock-options ou l’attribution gratuite d’actions aux mandataires sociaux à une double conditionnalité : soit à l’application d’une attribution de stock-options ou d’actions gratuites à l’ensemble des salariés de la société, soit à l’existence d’un accord d’intéressement, de participation dérogatoire ou de participation volontaire au sein de la société.

Ces trois exemples montrent qu’il serait de bonne technique législative d’attendre au moins l’issue de la navette parlementaire sur ces différentes réformes pour s’interroger sur la pertinence de légiférer à nouveau sur ces mêmes sujets.

Si ces trois articles n’étaient pas adoptés, en particulier si le groupe socialiste ne votait pas en leur faveur (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), il y aurait peut-être un intérêt à reprendre les propositions de Mme Bricq !

M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Louis Carrère. C’est de la commedia dell’arte !

M. François Zocchetto, rapporteur. Pour le reste, la commission des lois à décidé, sur proposition de son rapporteur, Jean-Jacques Hyest, de ne pas présenter de conclusions et de vous soumettre, mes chers collègues, avant la discussion des articles, une motion tendant au renvoi du texte en commission.

Je vous demande donc de bien vouloir adopter cette motion, sur laquelle j’apporterai quelques précisions ultérieurement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Frimat. Peut mieux faire !

M. Jean-Louis Carrère. Appliqué, mais pas convaincant !

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Yannick Bodin. Il va essayer de faire mieux qu’à la Snecma hier !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ordre du jour appelle aujourd’hui l’examen de cette proposition de loi déposée par Mme Bricq.

Mme Nicole Bricq. Et le groupe socialiste !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela nous permet d’aborder un sujet sur lequel le Gouvernement et le Parlement ont entamé une réflexion depuis plusieurs mois : la rémunération des dirigeants.

Aujourd’hui, le groupe socialiste nous présente un texte sur cette question. Il a donc décidé de se joindre aux efforts que mènent le Président de la République et le Gouvernement depuis maintenant un an et demi. ((Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Rires et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Bricq. Le Président de la République ne fait que parler !

M. Xavier Bertrand, ministre. S’agit-il d’un texte d’affichage ? Chacun sera juge !

Je remercie Jean-Jacques Hyest et la commission des lois d’avoir mené ce travail d’expertise dans des délais très courts.

La rémunération des dirigeants d’entreprise est un sujet auquel nos concitoyens attachent une légitime attention.

M. Yannick Bodin. C’est sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ils sont à juste titre choqués de voir que ces rémunérations sont parfois dépourvues de lien avec la performance de l’entreprise.

Pour ma part, je l’ai dit à différentes reprises, je ne veux plus qu’un dirigeant puisse partir avec un parachute doré de 6 millions d’euros alors même que l’action de son entreprise a chuté de 57 % en un an. J’assume : je fais référence à Alcatel-Lucent.

Mme Nicole Bricq. Vous êtes sourds, ça fait des années qu’on le dit !

M. Xavier Bertrand, ministre. On vous entend maintenant, mais vous avez été bien discrets au moment précis où cette affaire s’est produite ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. C’est honteux !

M. Jean-Louis Carrère. Si vous voulez du bazar, vous allez en avoir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est nécessaire de tirer toutes les conclusions : c’est ce que nous avons, pour notre part, voulu faire !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement travaille depuis plusieurs mois sur ce sujet.

M. Yannick Bodin. C’est de l’affichage ! Qu’avez-vous fait depuis que vous êtes ministre ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous le savez, nous avons fait de la valeur « travail » l’élément central de la politique que nous menons depuis mai 2007. (Exclamations sur les travées socialistes qui se prolongent par un brouhaha persistant.)

Pour revaloriser le travail, il est évident que les rémunérations des dirigeants doivent être en rapport avec leurs performances.

Les excès de quelques-uns sapent la confiance que nous devons placer dans nos entreprises et dans nos entrepreneurs.