M. Patrice Gélard, rapporteur. Sur toutes les travées !

M. Bernard Frimat. Si nous maintenons notre amendement, c’est bien parce que nous sommes attachés à l’indépendance de la commission.

Quant à l’argument des trois cinquièmes, vous savez comme moi, monsieur le secrétaire d'État, que c’est un faux nez.

Étant donné les confidences que nous recueillons sur l’enthousiasme avec lequel les membres de la majorité UMP du Sénat votent conforme, comment imaginer un seul instant que l’on puisse réunir les trois cinquièmes des suffrages exprimés ou même une majorité simple pour s’opposer à une nomination du Président de la République ? La crainte révérencielle, qui nous évoque d’autres disciplines, existe à un tel point dans cette assemblée qu’elle met le Président de la République à l’abri de tout danger. Dès qu’il s’exprime, vous tombez bras en croix, genoux en terre et dites : « Dieu le veut ! ». Il n’y a plus qu’à tirer l’échelle ! Telle n’est pas notre conception de l’indépendance.

Sans doute faudra-t-il demander aux académiciens qui travaillent sur le dictionnaire de revoir leur définition car nous avons une nouvelle définition de l’indépendance : « Est indépendant en France qui est nommé par le Président Sarkozy ». C’est une innovation lexicale intéressante.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est facile !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une pirouette !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« 2° Deux personnalités qualifiées nommées par le président de l'Assemblée nationale dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 4.

Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 4, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« 3° Deux personnalités qualifiées nommées par le président du Sénat dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Bernard Frimat. Nous allons continuer à décliner le même sujet, puisque, sur le premier point, la composition pseudo-indépendante de la commission a été confirmée. Je plaide coupable car la qualité de mes arguments est sans doute d’une telle médiocrité qu’elle n’arrive pas à convaincre mes collègues de la majorité (Sourires), qui, pourtant, sont d’une attention à mon égard que je salue et d’une patience pour laquelle je ne peux que leur rendre hommage, d’autant qu’elle va devoir se poursuivre.

Que demandons-nous ?

Dans ses discours, M. le président du Sénat fait de la transparence et du pluralisme une profession de foi : nous lui offrons la possibilité de mettre ses actes en conformité avec ses paroles.

Le Président de la République nomme une personnalité qualifiée, c’est acquis – je m’incline. Mais nous pouvons faire mieux. C’est pourquoi nous proposons que le président de chaque assemblée nomme deux personnalités qualifiées, l’une sur proposition de qui il voudra – même par transmission de pensée de l’Élysée –, l’autre sur proposition conjointe des groupes d’opposition.

Je sais bien que cela posera un problème à notre assemblée, qui a la spécificité d’avoir des groupes minoritaires…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Frimat. …mais je pense que l’on sera parfaitement capable de les définir ; nous avons une vague idée de qui appartient à l’opposition. (M. Pierre Fauchon s’exclame.)

Dès lors, nous aurons fait un petit progrès sur le caractère pluraliste, qui figure aussi dans la Constitution. Et que l’on ne vienne pas me dire que le pluralisme s’oppose à l’indépendance : le pluralisme conforte l’indépendance.

Quant à l’argument selon lequel il s’agirait d’une nomination partisane, je vous rappelle que le président de l’Assemblée nationale nommerait sur proposition. Vous êtes suffisamment habiles pour savoir que les propositions que les groupes d’opposition pourraient être conduits à formuler répondraient au souci de l’intérêt général, ce qui ne manquerait pas d’être souligné.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Les amendements nos 3 et 4 prévoient la nomination, respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, de deux personnalités qualifiées pour siéger au sein de la commission indépendante, dont une sur proposition conjointe des groupes d’opposition.

M. Frimat s’est bien rendu compte qu’il y a un petit problème avec les groupes minoritaires,…

M. Bernard Frimat. Non ! Il n’y a aucun problème !

M. Patrice Gélard, rapporteur. …mais je n’insiste pas sur ce point.

Le dispositif proposé dans le projet de loi est équilibré, dans la mesure où il prévoit la nomination d’une personnalité qualifiée par le président de chaque assemblée. De surcroît, il est plus conforme aux usages républicains répandus dans de nombreuses autorités administratives indépendantes, qui, à ma connaissance, n’ont jamais fait preuve d’un « partisanisme » quelconque. On ne peut pas accuser le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le Président de la République et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, d’être partisan.

MM. Bernard Frimat et Jean-Pierre Godefroy. Si !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ni d’autres autorités administratives indépendantes, d’ailleurs.

Quand on est membre d’une autorité administrative indépendante, on est totalement libre, car on n’est soumis à personne. On le voit bien dans les décisions prises, qui peuvent parfois surprendre, tant elles montrent que l’indépendance de ceux qui les prennent n’a pas de limite.

Par ailleurs, l’opposition parlementaire pourra s’exprimer dans le choix des personnalités retenues par le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

Comme je l’ai déjà dit et répété, il suffit que court la rumeur, dans les couloirs, un peu à l’américaine, que telle ou telle personnalité ne sera pas acceptée au sein de la commission pour que la candidature soit retirée. Je n’avancerai pas les hypothèses qui sont connues de tous, mais il n’empêche que nous avons là un véritable pouvoir. Il faut faire confiance à la commission compétente, en l’occurrence la commission des lois, qui exercera sa mission avec précision et attention, comme elle l’a fait pour le contrôleur général des prisons. Je fais donc confiance au dispositif prévu dans le projet de loi.

En conséquence, la commission est défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il est vrai que cette idée pourrait paraître intéressante,…

M. Bernard Frimat. Elle l’est, d’ailleurs !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …mais, comme je l’ai indiqué ce matin dans mon intervention liminaire, monsieur le sénateur, il est impossible de prévoir la présence de personnalités représentant des groupes ou des partis politiques au sein d’une telle commission.

M. Bernard Frimat. Je ne l’ai pas demandé !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Si !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce serait contraire au principe d’indépendance…

M. Bernard Frimat. Je ne l’ai pas demandé ! Ce n’est pas ce que prévoient mes amendements !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mais si ! Peut-être s’agit-il d’un autre amendement, mais votre argumentation a porté sur ce point !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Bon, j’y reviendrai sans doute tout à l'heure pour préciser la position du Gouvernement sur un autre amendement…

M. Bernard Frimat. Volontiers, si cela peut vous faire plaisir !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour l’heure, je suis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Lors de la discussion générale, j’ai souligné les mérites de ce mode de nomination, assorti, il faut bien le dire, d’une comparution devant les commissions parlementaires. Il s’agit là d’un excellent processus.

Tout à l'heure, j’ai été tenté, monsieur Frimat, de voter votre amendement – j’ai failli me décider à le faire –, car je suis partisan, vous le savez, de donner des gages concrets, beaucoup plus concrets, de pluralisme. C’est essentiel, notamment pour l’avenir de notre assemblée.

Mais, après avoir entendu M. le rapporteur, je me suis dit qu’il fallait effectivement faire confiance aux hommes, car ils n’accèdent à cette fonction, qui requiert un esprit d’indépendance, qu’après avoir franchi le barrage de la comparution devant les commissions.

Le système que vous proposez, mon cher collègue, risquerait de favoriser une bipolarisation et présenterait l’inconvénient de laisser penser que l’une des deux personnalités serait chargée de défendre les intérêts de la majorité, tandis que l’autre défendrait ceux de l’opposition.

Bien loin de faire preuve d’un esprit d’indépendance – l’avenir n’appartient naturellement à personne et tout dépend de la qualité des hommes ! –, chaque membre pourrait se sentir responsable d’un camp plutôt que d’un autre, ce qui, au total, ne constituerait pas un progrès.

Dans ces conditions, il me semble préférable de nous en tenir au système proposé.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous aussi, nous faisons confiance aux hommes ; d’ailleurs, nous avons de nombreux exemples de personnalités ayant réalisé un bon travail. Mais si l’on veut que la composition de cette commission se fasse hors du champ du combat politique,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est le cas !

M. Richard Yung. …il fallait envisager un autre mode de désignation des candidats, à savoir, comme je l’ai dit tout à l'heure, des représentants de la société civile, des universitaires, etc. Il ne fallait pas prévoir la nomination de ses membres par les trois autorités aussi éminemment politiques que sont le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

Mais dès lors que ce choix a été fait, les amendements proposés visent à améliorer l’expression de la démocratie. Sans doute pensez-vous, dans votre for intérieur, chers collègues de la majorité, que nous essayons de nous placer car nous pensons que les personnes nommées appartiendront à la majorité actuelle. Or, les majorités changent ! Par conséquent, la proposition que nous faisons aujourd'hui est une garantie de pluralisme autant pour nous aujourd'hui que pour vous demain ! Pensez-y ! C’est un progrès dans l’expression de la démocratie. (Mme Claudine Lepage et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je veux revenir sur l’amendement n° 3.

Monsieur Frimat, si je relis votre amendement, vous proposez que la commission comprenne « deux personnalités qualifiées nommées par le président de l'Assemblée nationale dont une sur proposition conjointe des groupes d’opposition ».

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les groupes d’opposition sont des groupes politiques, vous en conviendrez !

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ils sont l’émanation des groupes politiques.

Or, selon l’avis constant du Conseil d’État, la notion d’indépendance est en contradiction avec l’appartenance à un groupe politique. Les personnalités indépendantes qui doivent être nommées ne doivent pas représenter des groupes ou des partis politiques. À tort ou à raison, le Conseil d’État estime qu’il ne peut y avoir de mandat impératif. Il l’a dit sur ce texte, comme sur d’autres en de nombreuses occasions.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. En toute sérénité, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous dire que votre argumentation est extraordinaire.

Nous sommes d’accord avec le fait que les personnalités qualifiées ne doivent pas avoir de mandat électif. Mais pourquoi penser que les groupes d’opposition feraient forcément des propositions partisanes ? Pourquoi leur dénier le souci de l’intérêt général ?

Par ailleurs, il ne s’agit là que de propositions puisque la nomination des membres reviendra au président du Sénat et au président de l'Assemblée nationale.

Pensez-vous que des groupes d’opposition ne puissent pas proposer, dans notre pays, des hommes et des femmes tout simplement connus pour leur indépendance d’esprit ? Point n’est besoin de chercher des missi dominici ou des rémouleurs chirurgiens ! Nous avons besoin de personnes qui aient une hauteur de vue et une indépendance reconnue au-delà de toute appartenance politique. Mais vous, vous nous privez de ce pouvoir.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas le Gouvernement ! C’est la position du Conseil d’État !

M. Bernard Frimat. Nous ne demandons pas la possibilité de faire une proposition partisane ; nous demandons tout simplement qu’il nous soit possible de faire une proposition.

Par quel extraordinaire phénomène les personnalités proposées par les trois autorités appartenant à la même famille politique, en l’occurrence l’UMP,…

M. Pierre Fauchon. Pour le moment !

M. Bernard Frimat. …seraient frappées du sceau de l’indépendance, alors que celles qui seraient proposées conjointement par les groupes d’opposition incarneraient l’horreur partisane ?

Personnellement, j’ai une grande amitié pour Pierre Fauchon – il le sait d’ailleurs – et, sur de nombreux sujets, j’attache beaucoup d’importance à ses avis, mais nous ne sommes pas là dans une démarche partisane.

Nous sommes favorables à un plus grand pluralisme. Un système monocolore a tendance à étouffer la démocratie. Il faut prévoir des fenêtres de respiration. Et pourquoi ne pas le faire au sein de cette commission ? Sinon quel spectacle allons-nous donner ?

À aucun moment, vous l’aurez remarqué, je n’ai mis en cause les magistrats.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ah !

M. Bernard Frimat. J’ai simplement dit que nous pourrions peut-être avoir une démarche plus conforme au débat que nous avions eu lors de la révision constitutionnelle. Nous voulons une commission dont on ne puisse pas dire qu’elle n’est composée que de femmes de César, puisqu’on ne soupçonne pas la femme de César…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai compris que vous êtes pour l’ouverture !

M. Bernard Frimat. Moi, je n’ai pas voté la réforme constitutionnelle ! Je ne m’appelle pas Jack Lang !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° bis Une personnalité qualifiée nommée par chaque groupe parlementaire ;

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La réforme constitutionnelle a créé cette commission afin de conférer plus de transparence aux opérations de redécoupage des circonscriptions. Nous avions alors exprimé des doutes sur cet énoncé de principe, doutes que nous nourrissons encore aujourd'hui.

Mme le garde des sceaux avait tenu à nous rassurer, en affirmant que cette commission serait composée d’experts en la matière, autrement dit des démographes, des statisticiens, des juristes et des géographes.

Aujourd'hui, tout a fondamentalement changé ! Désormais, la commission sera composée de trois magistrats issus du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation et de trois personnalités nommées respectivement par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat. Qui plus est, la personne désignée par le Président de la République présidera cette commission.

Les personnalités qualifiées seront donc nommées par le Président de la République, qui appartient, que je sache, à l’UMP,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ça peut changer !

Mme Josiane Mathon-Poinat. …par le président de l'Assemblée nationale, qui est également membre de l’UMP,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ça peut également changer !

Mme Josiane Mathon-Poinat. …et par le président du Sénat, qui l’est, lui aussi !

En quoi peut-on donc dire que cette commission est indépendante ou neutre ? C’est faux, au vu de l’appartenance politique de ceux qui désigneront les personnalités qualifiées !

Même si je sais que mon amendement sera rejeté, je vous propose, mes chers collègues, d’ajouter une touche de pluralisme dans la composition des membres de cette commission, en prévoyant qu’une personnalité qualifiée sera nommée par chaque groupe parlementaire, et donc notamment par le groupe CRC-SPG et par le groupe socialiste, pour constituer le pendant des personnalités nommées, en l’occurrence, par des membres appartenant à l’UMP.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement déposé par nos collègues du groupe CRC-SPG aggrave le caractère politique de cette commission.

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est un problème d’équilibre !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n’est pas un problème d’équilibre, c’est un problème d’aggravation du caractère politique !

« Une personnalité qualifiée nommée par chaque groupe parlementaire ». De quels groupes s’agit-il ? Ceux de l’Assemblée nationale ? Ceux du Sénat ? Ce ne sont pas les mêmes. Faut-il prévoir une multitude de groupes ? Les six personnalités présentes vont être complètement noyées dans la masse des groupes représentés.

De plus, qui nous dit que les trois magistrats ne seront pas des experts ? Qui nous dit que les trois personnalités choisies respectivement par le chef de l’État, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ne seront pas non plus des experts ? Elles le seront forcément, sinon elles seraient bien évidemment réfutées par la commission compétente.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement qui renforce le caractère politique de la commission, alors que celle-ci doit être impartiale et indépendante.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est conforme à celui de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Nous ne voterons pas l’amendement de Mme Josiane Mathon-Poinat.

M. Bernard Frimat. Nous ne sommes pas en désaccord avec la démarche qui consiste à assurer l’indépendance de la commission. Mais, si l’on suivait votre proposition d’amendement, chère collègue, le critère étant « chaque groupe parlementaire », on se heurterait dans chaque assemblée, après le problème de la composition de ces groupes, à un problème de pondération. On saura, surtout si sont également représentés les groupes politiques de l’Assemblée nationale, qui émet un avis excessivement lié à des intérêts légitimes qui transcendent les partis politiques et qui ont une dimension particulière à propos de laquelle vous avez, dit-on, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup rassuré ces derniers temps, ce qui ne manque pas de m’inquiéter.

Nous nous abstiendrons sur votre amendement par amitié, chère collègue, mais, au-delà de cela, nous ne pouvons pas accepter une telle proposition.

La perspective que nous avions ouverte –  l’amendement de Josiane Mathon-Poinat nous permet bien de mesurer la différence – était beaucoup plus respectueuse d’un souci d’ouverture, non d’une ouverture débauchage comme cela peut se pratiquer, mais d’une ouverture d’esprit, monsieur le secrétaire d’État. Il est vrai que nous nous attendions plus à une fermeture qu’à une ouverture d’esprit dans ce débat et, sur ce point, vous ne nous avez pas déçus !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Avec cet article, et je parle sous le contrôle du rapporteur car mes idées deviennent quelque peu confuses, ce dont je vous prie de m’excuser, le Gouvernement nous propose un décalque de l’article 13 de la Constitution. C’est une façon de reprendre ce faux nez du vote négatif des trois cinquièmes sur la nomination faite par le président de la République pour l’appliquer aux nominations faites respectivement par le président du Sénat et par le président de l’Assemblée nationale.

Nous l’avons dit à de multiples reprises lors de l’examen de la réforme constitutionnelle, réunir ces « trois cinquièmes négatifs » est une illusion ; cela ne fonctionnera pas ! À chaque fois, on nous a répondu – et encore cet après-midi – que ce n’était pas un problème. Il suffirait que la commission émette un avis négatif pour que la personne susceptible d’être nommée soit disqualifiée. M. Patrice Gélard a évoqué ce sujet dans une américanisation du propos et même la rumeur qui courait les couloirs du Sénat sur tel ou tel élément. Je sais parfaitement, étant attaché, si ce n’est à la défense des droits, du moins à la défense des libertés, que les souvenirs qu’il avait étaient les miens. On peut les avoir en aimant le roller ! Tout le monde avait compris de qui et dans quelles conditions il voulait en parler.

Madame la présidente, je vais retirer mon amendement car il a une cohérence avec une double nomination. Et dans une double nomination, il nous semblait qu’il n’y avait pas de nécessité d’émettre un avis autrement qu’à la majorité simple.

Selon moi, il aurait été sain – vous en avez encore la possibilité, monsieur le président Hyest, mais cela briserait le rêve du vote conforme ! – que la commission des lois du Sénat s’exprime à une majorité simple sur la nomination du président du Sénat. Cet élément aurait été suffisant pour éviter ce carcan.

Quoi qu’il en soit, un tel amendement n’ayant de sens que pour une double nomination, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

La désignation ne peut intervenir que si les votes positifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement porte sur la seule garantie de pluralisme de cette commission contenue dans ce texte. Mais cette garantie est à notre sens bien trop faible pour avoir un quelconque impact.

En effet, selon le projet de loi, les personnalités désignées par le président de chaque assemblée le sont après avis de la commission permanente chargée des lois électorales de l’assemblée concernée. Or la désignation ne peut intervenir lorsque les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

D’un point de vue purement institutionnel, cette procédure prévoit donc la possibilité pour les parlementaires d’exprimer leur désaccord. Mais, dans les faits, ce droit n’aura aucune conséquence, tant les freins à l’expression démocratique sont nombreux.

Tout d’abord, les commissions permanentes chargées des lois électorales ne reflètent pas le pluralisme des couleurs politiques de chaque assemblée, à l’avantage de la majorité et au détriment des petites forces politiques.

Ensuite, il faudra réunir les trois cinquièmes de ces commissions pour se prononcer contre ces nominations, ce qui constitue un deuxième filtre assurant aux présidents des assemblées la liberté de nommer qui bon leur semble.

Afin d’instaurer une once de démocratie, nous proposons donc que les nominations au sein de la commission par les présidents des assemblées soient adoptées par les trois cinquièmes des suffrages exprimés, ce qui impliquerait a minima d’associer l’opposition aux nominations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

Tout d’abord, il existe une cohérence dans le dispositif qui est prévu dans le projet de loi et qui est le calque de l’article 13 de la Constitution.

Mais, surtout, le système proposé par le groupe CRC-SPG aboutirait à établir éventuellement des droits de veto pour le choix des candidats aux différentes fonctions, notamment pour les choix du président de l’Assemblée nationale et du président du Sénat, ce que nous ne pouvons accepter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, que je souhaite expliciter, madame la présidente.

À propos de cette avancée que constitue le droit de veto potentiel, permettez-moi de rappeler d’où l’on vient.

En 1985, dans la plus totale opacité et la plus grande discrétion, le Président de la République d’alors avait augmenté de plusieurs dizaines les nominations à sa discrétion, sans que cela suscite le moindre débat, au Parlement ou ailleurs.

La réforme constitutionnelle du 23 juillet – que vous n’avez pas votée, mais qui a été adoptée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles – constitue une grande avancée démocratique. La commission, en qui il faut avoir confiance, se met en place. Elle sera composée, comme il en a toujours été question, de trois représentants des plus hautes juridictions de notre pays – le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes – et de trois personnalités qualifiées.

Selon le dispositif voté, 29 sénateurs pourront opposer leur veto à la nomination de la personnalité désignée par le président du Sénat, tandis que 44 députés pourront faire de même pour la nomination de la personnalité choisie par le président de l’Assemblée nationale et 72 députés ou sénateurs pour la nomination par le Président de la République du président de la commission.

Si la majorité n’est pas atteinte, il sera difficile, que ce soit pour le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, de maintenir la nomination de la personnalité qualifiée qui aura été proposée et soumise à une telle appréciation, personnalité dont la candidature, de plus, pourra sans doute être difficilement présentée une nouvelle fois.

Il est important que cette grande avancée démocratique soit très claire. Or la disposition que vous proposez, et que nous avions envisagée, comporte une impossibilité juridique qui justifie l’avis défavorable du Gouvernement.

En effet, la procédure encadrant le pouvoir de nomination du Président de la République par la consultation de commissions parlementaires ne peut être introduite si elle n’est pas prévue par la Constitution. Or l’article 13, tel qu’il a été rédigé dans la loi constitutionnelle de juillet, comporte un veto négatif, et non un vote positif, à la même majorité qualifiée des trois cinquièmes. (Mme Josiane Mathon-Poinat s’exclame.) Mais cela change tout, madame le sénateur !