Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avions déjà tenté de changer le processus lors de l’examen de loi constitutionnelle !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« La commission élit son président en son sein.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. L’avancée de la loi ordinaire fait que la commission pseudo-indépendante est maintenant constituée. Mais son indépendance ne réside que dans la formulation de l’article 25 de la Constitution. Et, cerise sur le gâteau, elle est tellement indépendante que son président est nommé, par le Président de la République !

Pour qu’un petit vent de liberté vienne caresser cette commission et lui donne un léger soupçon d’indépendance, il conviendrait qu’elle puisse élire son président en son sein. Ce serait, selon nous, un signe intéressant et sans doute pas très coûteux...

Mais, dans votre vision, le président aura voix prépondérante, ce qui vient parfaire le verrouillage de la commission après les nominations politiques de l’Élysée, du Palais du Luxembourg et du Palais-Bourbon ! Certes, les magistrats, élus, échappent à cette critique. Mais les membres issus des nominations politiques auront, de fait, la majorité au sein de cette commission avec la voix prépondérante du président.

Circulez, y’a rien à voir ! Nous savions depuis le début qu’il n’y aurait sans doute pas grand-chose à voir. Telle n’est pas notre conception de la transparence, et c’est parce que nous souhaitions que la commission ait le droit d’élire son président que nous avons déposé cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« La commission est présidée par un de ses membres élu en son sein.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, M. Sarkozy s’était présenté comme un candidat en rupture avec les pratiques les plus archaïques du pouvoir. Il avait ainsi affirmé qu’il voulait que « les nominations aux fonctions les plus importantes de l’État se fassent sur des critères de compétences et de hauteur de vue, et non pas sur des critères de proximité avec le pouvoir politique en place ». Il avait ajouté : « Les candidats à ces nominations seront auditionnés publiquement par le Parlement et celui-ci pourra mettre son veto à leur nomination. » Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, je me contente d’agir conformément aux souhaits de M. le Président de la République !

En guise de rupture, les nominations personnelles, unilatérales et opaques se multiplient, à l’image de la nomination du président-directeur général de France Télévisions, qui sera désormais désigné par le Président de la République lui-même, et non plus par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, renouant ainsi avec les vieilles pratiques de l’ORTF.

En prétendant rompre avec les méthodes archaïques, le Président de la République fait donc pire que ses prédécesseurs. Cela laisse un goût amer !

Toujours par souci de garantir une certaine indépendance à cette commission, nous proposons donc, comme nos collègues du groupe socialiste, qu’elle élise en son sein son président.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La solution proposée tant par le groupe socialiste que par le groupe CRC-SPG était envisageable. Il s’agit en effet de poser le principe selon lequel la commission indépendante élit son président en son sein. Ce principe ayant été adopté pour d’autres organismes, il est donc défendable.

Cependant, le Gouvernement a choisi une autre voie, qui est celle de la nomination par le Président de la République, accompagnée de l’ensemble des garanties liées à l’intervention des commissions parlementaires compétentes et que j’ai déjà rappelées.

La majorité de la commission s’étant ralliée à la proposition gouvernementale, j’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Monsieur Frimat, je vais vous faire plaisir !

M. Bernard Frimat. Le pire n’est pas exclu ! (Sourires.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous allez voir ! Nous avions effectivement prévu, dans le texte initial, une élection au sein de la commission. Cette disposition figurait d’ailleurs dans le texte que nous avions présenté au Conseil d’État, qui l’a rejetée, estimant qu’il existait un risque d’affrontement interne au moment de l’élection du président, ce qui serait préjudiciable au bon fonctionnement ultérieur de ladite commission.

Le Conseil d’État, à tort ou à raison, mais il a toujours raison, a adopté cette position, évoquant à cette occasion le précédent de la CNCL, la Commission nationale de la communication et des libertés, mise en place en 1986, pour laquelle l’élection interne du président avait empêché le bon déroulement des travaux ultérieurs.

Madame Mathon-Poinat, monsieur Frimat, nous avons failli vous donner satisfaction. Mais, au final, nous avons naturellement suivi l’avis du Conseil d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.

M. Bernard Frimat. Je ne peux rester indifférent à votre explication, dont je vous donne acte, monsieur le secrétaire d’État. Cependant, en vous voyant prendre la parole, je me disais que le pire n’était pas exclu !

Je vous suis d’autant plus reconnaissant que nous avions souhaité que les avis du Conseil d’État soient publics, parce qu’ils nous semblaient constituer des éléments de nature à améliorer notre compréhension. Je vous remercie donc de lever le voile sur ce point.

Si je tente de me figurer – vous savez que l’imagination peut quelquefois fonctionner de manière très efficace ! – le rapporteur qui s’est prononcé sur ce texte, il me vient à l’esprit un proverbe kabyle : « quand on veut, on cherche un moyen ; quand on ne veut pas, on cherche une excuse » ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir donné la raison pour laquelle le Conseil d’État a émis un avis défavorable ou une recommandation défavorable sur ce point, en se fondant sur un argument qui paraît un peu limite. Mais nous n’avons pas à juger les décisions du Conseil d’État.

Cela étant, vu de l’extérieur, au regard de l’indépendance de cette commission et de sa capacité à prendre des décisions de son propre chef, c’est un curieux message que vous envoyez ! En effet, cette commission sera présidée par une personnalité nommée par le Président de la République, et non pas par une personne élue en son sein.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-2 du code électoral par deux phrases ainsi rédigées :

Ils sont réunis en deux collèges, l'un composé par les magistrats et l'autre par les personnes qualifiées, élus dans les conditions prévues à l'article L. 567-1 du code électoral. Les membres de cette commission sont renouvelés par collège tous les trois ans, sous réserve des dispositions du paragraphe II de l'article 1er.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, je vais retirer cet amendement, que nous avions déposé par cohérence avec les amendements précédents.

Si, dans un moment de sagesse et d’intelligence décuplées, nos collègues nous avaient suivis (M. Pierre Fauchon s’exclame), nous aurions créé une commission composée de sept membres, c'est-à-dire en nombre impair. Il aurait alors fallu régler le problème de la réélection. C’est pour cette raison que nous avions réuni en deux collèges les membres de cette commission, l’un composé par les magistrats et l’autre par les personnalités qualifiées. Les membres de la commission auraient été renouvelés par collège tous les trois ans. Par respect pour les personnalités qualifiées, nous proposions de renouveler d’abord le collège des magistrats, puisqu’ils étaient issus d’une élection.

Or cette présentation en collèges n’a plus grand sens, puisque l’indépendance de la commission sera encore réduite par le fait que son président, qui sera nommé par le Président de la République, occupera cette place pendant six ans. Cessons donc d’essayer d’améliorer les conditions de fonctionnement de cette commission et d’introduire de l’indépendance là où existe la dépendance !

Dans ces conditions, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

L'amendement n° 8, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après le mot :

si

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-6 du code électoral :

la totalité de ses membres sont présents sauf cas de force majeure.

II. - Rédiger comme suit le second alinéa du même texte :

Elle délibère à la majorité absolue de ses membres.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement repose sur l’idée que cette commission sera de taille réduite et qu’elle se réunira vraisemblablement de façon peu fréquente. Pour la première révision électorale, elle va jouer, en quelque sorte, les carabiniers, parce qu’elle interviendra après toute une série d’événements.

Il nous semblait donc important que, sauf cas de force majeure – je ne parle pas de ceux que nous pratiquons au sein des commissions sénatoriales ! –, la totalité de ses membres soit présente et qu’elle délibère à la majorité absolue de ses membres. En effet, les opérations de redécoupage constituent un sujet tellement sensible qu’il ne nous semble pas choquant que, sauf cas de force majeur, la commission délibère au complet.

Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous auriez pu accepter cet amendement, mais le texte doit être adopté conforme ! Le Président de la République attend ! M. Xavier Bertrand veut pouvoir retrouver son siège à l’Assemblée nationale, avant de retourner à l’UMP prendre les fonctions définitives de secrétaire général. Nous comprenons bien toutes vos contraintes ! Je disais à midi, sous forme de boutade, que nous nous sentions en quelque sorte les défenseurs de M. Copé en faisant retarder l’adoption du texte. Au demeurant, chacun a ses querelles ! Nous avons les nôtres, elles sont suffisamment publiques. Chacun son tour !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut pas atteindre les sommets auxquels vous êtes parvenus !

M. Bernard Frimat. Ne préjugez de rien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, parce que cet amendement prévoit des contraintes excessives pour une instance amenée à rendre des avis sur des sujets complexes dans les deux mois suivant sa saisine. Il paraît irréaliste d’imposer de telles contraintes.

Par conséquent, nous proposons d’en rester à la rédaction actuelle du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-7 du code électoral, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cet avis relate les positions divergentes éventuellement émises au sein de la commission.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cette commission, à l’indépendance proclamée par la Constitution, doit travailler sur une matière très délicate, car éminemment politique.

Cela ne l’empêchera peut-être pas de faire preuve d’un esprit d’indépendance et de neutralité, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle prévoit que l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques.

Selon nous, il n’y a donc pas d’avantages à ce que l’avis public de cette commission soit bridé. Il y aura un débat et, si jamais nous allons ce soir jusqu’au vote sur l’ensemble du projet de loi, ce qui semble assez vraisemblable, j’aurai l’occasion d’interroger tout à l’heure M. le secrétaire d’État sur les conditions de ce débat.

Il nous semble que l’avis public de la commission sera plus riche s’il présente les problématiques soulevées en son sein. Nous ne réclamons pas un procès-verbal qui consignerait les propos tenus par chacun. Les obligations de réserve qui incombent aux membres de cette commission ne nous choquent pas, à condition qu’elles s’appliquent à tous et que nous n’ayons pas, d’un côté, la communication et, de l’autre, le silence.

Si des avis divergents argumentés se sont exprimés au sein de la commission, il serait décent que la représentation nationale en soit avertie. Sans vouloir rompre la confidentialité des débats, je pense que ces opinions divergentes devraient figurer dans l’avis public.

De la même manière, peut-être nous orienterons-nous vers la publication des positions divergentes dans les avis émis par les commissions de notre assemblée. Je pense que nous ferions ainsi un progrès en termes de transparence et de démocratie.

Je noterais donc simplement, si d’aventure vous étiez défavorable à cette proposition, monsieur le secrétaire d’État, que vous refusez la transparence. Mais serait-ce vraiment une découverte ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Une fois encore, notre collègue Frimat propose une fausse bonne solution. Cet amendement, qui a pour objet de publier les positions divergentes tenues au sein de la commission indépendante, ne paraît pas utile, pour deux raisons.

Premièrement, la publication des opinions divergentes ne constitue pas une tradition française mais une tradition anglo-saxonne, utilisée à la Cour internationale de justice de La Haye ou à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Mais, franchement, il y a à boire et à manger dans ces opinions divergentes, et cela nuit grandement à la clarté des décisions de justice. On peut certes les admettre, mais elles requièrent une culture particulière qui n’est pas dans notre tradition.

Je prendrai l’exemple récent du rapport Balladur sur la révision de la Constitution, au sein duquel figuraient des opinions divergentes. Bizarrement, celles-ci n’avaient aucun rapport avec le sujet principal abordé par le comité Balladur, leur vocation étant d’élargir le débat. Je pense notamment à l’opinion divergente de M. Mazeaud.

Deuxièmement, si l’on veut éviter tout risque de dérive, la commission doit parler d’une seule voix. Il ne saurait y avoir des interprétations divergentes qui, par exemple, critiqueraient le découpage effectué dans tel ou tel département. Ce serait la porte ouverte à des contentieux interminables.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il est également défavorable. La commission est un organisme collégial auquel la Constitution confie le soin d’exprimer un avis, celui-ci devant obligatoirement être rendu public. Cet avis ne peut donc pas contenir d’opinions divergentes minoritaires, conformément à la tradition juridique nationale et à ce qui se passe au Conseil d'État ou au Conseil constitutionnel.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela étant dit, l’avis public collectif, voire collégial, émis par la commission pourra être très circonstancié et très argumenté. C’est un point très important. C’est en effet l’existence même de la commission qui se joue au travers de cet avis, et celle-ci aura tout le loisir de lui donner un maximum de publicité.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - Pour la première commission prévue à l'article 25 de la Constitution et par dérogation à l'article L. 567-2 du code électoral, le collège des magistrats effectue un mandat de trois ans non renouvelable.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je retire cet amendement, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Article 2

13

Décision du conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de ce jour, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Acte est donné de cette décision.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

14

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d’urgence

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, adopté par l’Assemblée nationale.

Projet de loi (suite)

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Article 3

Article 2

I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi :

1° À fixer le nombre total de députés élus par les Français établis hors de France ; à mettre à jour le tableau annexé à la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, répartissant les sièges de députés élus dans les départements ; à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans le ressort de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ; 

2° À mettre à jour la délimitation des circonscriptions législatives dans chaque département et en conséquence le tableau n° 1 annexé au code électoral en application de l'article L. 125 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi ;

3° À mettre à jour la délimitation des circonscriptions législatives en Nouvelle-Calédonie et dans chaque collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution et en conséquence le tableau n° 1 bis annexé au code électoral en application de l'article L. 125 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi ;

4° À délimiter les circonscriptions législatives des Français établis hors de France et à arrêter le tableau n° 1 ter annexé au code électoral en application de l'article L. 125 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi.

II. - Les opérations conduites en vertu du I se conforment aux règles suivantes :

1° Elles sont mises en œuvre sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général en fonction notamment de l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Le nombre de députés ne peut être inférieur à deux pour chaque département.

Sauf exception justifiée par des raisons géographiques ou démographiques, les circonscriptions sont constituées par un territoire continu. Sont entièrement compris dans la même circonscription pour l'élection d'un député d'un département toute commune dont la population est inférieure à 5 000 habitants ainsi que tout canton constitué par un territoire continu, dont la population est inférieure à 40 000 habitants et qui est extérieur aux circonscriptions des villes de Paris, Lyon et Marseille. Est entièrement comprise dans la même circonscription pour l'élection d'un député élu par les Français établis hors de France toute circonscription électorale figurant au tableau n° 2 annexé à l'article 3 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger, dès lors que cette circonscription électorale ne comprend pas de territoires très éloignés les uns des autres.

Les écarts de population entre les circonscriptions ont pour objet de permettre la prise en compte d'impératifs d'intérêt général ; en aucun cas la population d'une circonscription ne peut s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département, de la collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution ou de la Nouvelle-Calédonie ;

2° La population des départements est celle authentifiée par le premier décret publié en application du VIII de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ;

3° L'évaluation de la population de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution se fonde sur le dernier recensement réalisé en application des articles 156 à 158 de la même loi ;

4° L'évaluation du nombre de Français établis dans chaque pays étranger prend en compte les données inscrites au registre des Français établis hors de France dans chaque circonscription consulaire.

III. – Supprimé.

IV. - Les dispositions prises par ordonnance sur le fondement du présent article prennent effet lors du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant la publication de la présente loi.

V. - Le projet de loi portant ratification des ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant celui de leur publication.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.

M. Michel Magras. Dès le début de ce débat, il est apparu que nous étions tous d’accord pour considérer que chacune de nos interventions n’avait d’autre objet que de permettre au Conseil constitutionnel d’apprécier la constitutionnalité de ce projet de loi. À cette fin, je souhaite apporter quelques arguments complémentaires concernant l’article 2.

Il convient en premier lieu de rappeler que le principe de proportionnalité entre la représentation à l’Assemblée nationale et la réalité démographique est susceptible de connaître des dérogations pour des motifs d’intérêt général, à condition, toutefois, qu’une telle dérogation à cette « règle fondamentale » n’intervienne que « dans une mesure limitée ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel admet ainsi que chaque département puisse, quelle que soit sa population, élire deux députés à l’Assemblée nationale, afin « d’assurer un lien étroit entre l’élu d’une circonscription et l’électeur. »

Toutefois, les inégalités de représentation qui résultent de ce dispositif dérogatoire ne doivent pas conduire à accroître « sensiblement » les inégalités de représentation « au sein d’un même département ». Il faut rappeler ici que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne sont ni un département ni un archipel.

Ces règles générales doivent en outre être appréciées au regard d’un certain nombre de précédents.

Le Conseil constitutionnel a déjà admis la représentation par un siège de député à l’Assemblée nationale de collectivités d’outre-mer faiblement peuplées : les îles de Wallis et Futuna, peuplées aujourd’hui de 15 000 habitants, n’en comptaient que 8 000 à la date de leur accession au statut de territoire d’outre-mer ; Saint-Pierre-et-Miquelon est représenté à l’Assemblée nationale, ainsi que Mayotte.

La loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a créé deux nouveaux sièges de député pour les deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Le Conseil constitutionnel n’a pas condamné cette création, ce qu’il aurait pu faire, en théorie, en se fondant sur la faible population de Saint-Barthélemy ; il l’a simplement différée dans l’attente d’un remodelage général des circonscriptions législatives, ce sur quoi nous débattons aujourd’hui.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel n’admet les écarts de représentation que « dans une mesure limitée ». Or les trois sièges des trois « petites » collectivités représentent au total 0,51 % des 577 sièges de députés. Le président Jean-Jacques Hyest l’a rappelé tout à l’heure en prenant le cas de Saint-Barthélemy.

À l’occasion de la réforme de la composition du Sénat, le Conseil constitutionnel a expressément admis le maintien, au profit de la Creuse et de Paris, d’inégalités démographiques à caractère exceptionnel et portant sur un nombre limité de sièges – 4 sur 346 : « en conservant aux départements de la Creuse et de Paris leur représentation antérieure, le législateur a apporté une dérogation au mode de calcul qu’il avait lui-même retenu ; que, toutefois, pour regrettable qu’elle soit, cette dérogation, qui intéresse quatre sièges, ne porte pas au principe d’égalité devant le suffrage une atteinte telle qu’elle entacherait d’inconstitutionnalité la loi déférée ». Or la proportion de 4 sur 346, soit 1,15 %, est bien supérieure à celle de 3 sur 577, soit 0,51 %.

Aussi, si l’on extrapole, fusionner les circonscriptions de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin reviendrait à accepter le principe de circonscriptions « interdépartementales ». Cette évolution devrait alors conduire, en métropole, à la création de circonscriptions englobant deux départements – ou un département et une partie d’un autre – faiblement peuplés.

Mes chers collègues, je m’apprête à présenter un deuxième amendement s’inscrivant dans la suite logique de ma démarche initiale consistant à rétablir dans la loi le principe selon lequel toute collectivité est représentée par au moins un député.

J’ai écouté les avis des uns et des autres. Monsieur le rapporteur, votre message a été très clair et très précis. Monsieur le président de la commission, j’ai apprécié la force de votre engagement. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends que, à ce stade de l’examen de ce projet de loi, il vous soit difficile d’apporter des réponses plus concrètes à mes interrogations. Néanmoins, votre propos témoigne, me semble-t-il, d’un engagement du Gouvernement, lequel a été réitéré par plusieurs ministres ces derniers temps. Dans ces conditions, il est fort probable que je retire l’amendement que j’ai déposé. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)