M. le président. L'amendement n° 222 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est retiré, je n’y reviens pas. Je veux malgré tout insister sur le fait que ceux qui, en définitive, auraient payé cette taxe, ce sont les téléspectateurs, c'est-à-dire les usagers.

Tous nos débats sur la redevance occultent la seule question qui vaille : qui va payer ?

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 302 bis MA du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa (2°) du III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3° La diffusion de tous messages publicitaires par communication au public par voie électronique, telle que définie à l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, hors radio et télévision. »

2° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il est fixé à 3 % de ce même montant pour les dépenses visées au 3° du III. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 227 rectifié, présenté par MM. Maurey, Biwer, Amoudry, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Deneux, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 30 septembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le financement de France Télévisions et l'évolution des taxes prévues aux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations nécessaires de la présente loi.

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement s’inscrit dans la logique des amendements de suppression des rapports présentés aux articles 18, 20 et 21.

Il semble utile, au moment où la publicité disparaîtra complètement sur les chaînes publiques de faire un bilan sur le financement de France Télévisions et sur le rendement des deux nouvelles taxes créées par ce projet de loi.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à compenser la perte de recettes publicitaires pour les trois années à venir. Au-delà, aucune garantie n'est donnée. C'est pourquoi il est d'autant plus important de dresser un bilan exhaustif des différentes sources de financement de France Télévisions à l'issue de ce délai.

Il s’agit donc, encore une fois, de permettre une réflexion beaucoup plus complète sur le financement de l’audiovisuel public.

M. le président. Le sous-amendement n° 460, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de l'amendement n° 227 rectifié, insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un VIII ainsi rédigé :

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 227 rectifié.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 227 rectifié sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, qui vise à insérer la disposition prévue dans la loi du 30 septembre 1986.

J’en profite pour rassurer M. Pozzo di Borgo, qui regrette que la question du financement ne fasse pas l’objet d’une plus grande expertise. C’est dans cette perspective que vos rapporteurs ont proposé la création d’un comité de suivi parlementaire, mais ont également confié une mission très spécifique au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, en renforçant ses pouvoirs d’investigation.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous remercie !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 227 rectifié ainsi sous-amendé.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 460.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.

L'amendement n° 378, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport étudiant les possibilités de participation au financement des sociétés publiques du secteur audiovisuel par la taxation des différents supports permettant la réception de services de télévision. Ce rapport précise notamment le rendement envisagé de la taxe, les modalités de son affectation aux sociétés et son adéquation à l'évolution des besoins de celles-ci.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement est semblable à celui que M. Pozzo di Borgo a présenté tout à l’heure.

Il tenait compte du principe qui sous-tendait le projet de loi au début de nos travaux, à savoir la non-augmentation de la redevance. Depuis, il a été décidé d’indexer la redevance et de la relever de deux euros.

Il visait également à proposer une solution de remplacement à une disposition qui nous paraissait injuste, en prévoyant une taxe sur l’ensemble des récepteurs et non plus seulement sur les téléviseurs, ce qui aurait permis de disposer d’une assiette beaucoup plus large.

Si nous taxons les fabricants de téléviseurs, Mme Borvo Cohen-Seat l’a souligné, ceux-ci répercuteront ces surcoûts sur les consommateurs ; nous ne nous faisons aucune illusion ! Or nous ne voulons pas alourdir les charges des ménages pour un produit qui relève de la consommation populaire, de masse, voire peut être considéré comme de première nécessité aujourd'hui.

Pour ce motif, comme pour les raisons que nous avons précédemment évoquées, nous retirons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 378 est retiré.

TITRE III

TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS  DE LA DIRECTIVE 89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989 MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 2007/65/CE DU 11 DÉCEMBRE 2007

Articles additionnels après l'article 21
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article 23

Article 22

L'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« On entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ainsi que toute communication au public de services de médias audiovisuels à la demande. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Est considéré comme service de médias audiovisuels à la demande tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service. Sont exclus les services qui ne relèvent pas d'une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts, ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire, ceux consistant à éditer du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échanges au sein de communautés d'intérêt, ceux consistant à assurer, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le seul stockage de signaux audiovisuels fournis par des destinataires de ces services et ceux dont le contenu audiovisuel est sélectionné et organisé sous le contrôle d'un tiers. Une offre composée de services de médias audiovisuels à la demande et d'autres services ne relevant pas de la communication audiovisuelle ne se trouve soumise à la présente loi qu'au titre de cette première partie de l'offre. »

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite prendre la parole sur cet article pour deux raisons.

D’une part, bien qu’il n’en ait pas du tout été question jusque-là au cours de nos travaux, cet article est extrêmement important. Lorsque vous avez présenté ce projet de loi, madame la ministre, vous avez indiqué qu’il marquait une véritable rupture. Vous avez raison, il ouvre une nouvelle page dans l’histoire de la télévision française.

Cet article a une portée historique, car il nous oblige à faire le départ entre ce qui relève du domaine audiovisuel et ce qui appartient au domaine des nouveaux services. De ce point de vue, il est même capital.

D’autre part, nos débats sur cet article auront sans doute un aspect très technique et les amendements vous sembleront peut-être de nature purement rédactionnelle. S’il en est ainsi, c’est parce qu’il s’agit d’une matière juridique, avec une terminologie spécifique.

Il ne faut pas se fier à ces apparences. Les décisions que nous prendrons seront lourdes de conséquences : elles freineront l’explosion des nouveaux services, ou bien l’encourageront.

Il s’agit de tracer la frontière la plus nette possible entre ce qui relève de l’audiovisuel et ce qui n’en relève pas. Ce qui est en jeu derrière cette problématique, c’est la convergence entre ces deux univers et l’avenir des nouveaux services. Vous le savez, le marché de la vidéo à la demande double tous les ans depuis trois ans. Nous sommes donc en présence d’évolutions extrêmement fortes.

La délimitation prévue à l'article 22 aura des effets extrêmement sensibles sur les nouveaux services. En outre, il nous faut décider à quel type de régulation ils seront soumis.

Si nous considérons qu’il s’agit de services audiovisuels, le CSA sera l’instance de régulation, conformément à la loi de 1986. Ce dispositif, s’il est pertinent pour l’audiovisuel, ne l’est pas du tout pour les nouveaux services internet.

Dans le cas contraire, c’est la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui s’applique : ces nouveaux services auront alors pour régulateurs – car il y en a toujours – le juge et le Conseil de la concurrence.

Dans un avis très éclairant, le CSA a mis en garde contre les conséquences d’une mauvaise délimitation entre les deux sphères : celle-ci conduirait soit à inciter ces nouveaux services à se délocaliser, ce qui est encore plus simple sur internet qu’ailleurs, soit à brider la création, la créativité et l’innovation.

Ce débat n’a donc rien de théorique ou de juridique ! Il est au contraire capital.

Par ailleurs, cet article transpose une directive européenne, qui a fait l’objet de débats importants au sein des grandes institutions européennes : Conseil européen, Parlement européen, Commission européenne.

L’équilibre auquel est parvenue la directive européenne me semble satisfaisant. Le texte du Gouvernement s’en approche, il faudra le conforter.

Par conséquent, les amendements que je présenterai au nom de la commission des affaires économiques visent à revenir au plus près à l’équilibre trouvé par la directive.

Oui, la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande font partie des services audiovisuels. C’est ce que proclame la directive ; c’est ce que souhaite le Gouvernement. Toute autre extension pour d’autres motifs, par exemple la protection des mineurs, non seulement ne permettrait pas d’atteindre l’objectif recherché, mais contredirait les intentions de la directive européenne.

C'est la raison pour laquelle j’ai tenu à insister sur les enjeux de cet article. S’il peut sembler confus au premier abord, l'article 22 est en fait décisif pour l’avenir de l’économie numérique en France.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 190 est présenté par M. Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 163 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 240 rectifié est présenté par MM. Maurey, Amoudry, Pozzo di Borgo et Deneux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Dans la deuxième phrase du second alinéa du 2° de cet article, remplacer le mot :

éditer

par les mots :

fournir ou à diffuser

La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 190.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement illustre parfaitement mon propos et montre l’importance qu’il faut accorder à la terminologie. Il vise à remplacer le mot : « éditer » par les mots : « fournir ou à diffuser », verbes dont le sens n’est pas sujet à interprétation.

Il s’agit, vous l’avez compris, d’éviter toute confusion entre les services qui relèvent de l’audiovisuel et les autres.

Or, la clé qui permet de tracer sans ambiguïté la frontière entre eux, c’est la capacité éditoriale.

Si, par cet amendement, nous proposons une substitution de mots, c’est parce que le mot « éditer » renvoie à une réalité juridique qui est piégée.

Le Gouvernement a souhaité adapter le champ de la directive tout en respectant cette dernière, mais avoir une capacité éditoriale suppose que l’on a une maîtrise préalable du contenu.

Je m’explique : un journaliste, quand il rédige un éditorial, y fait passer ses idées, assume la responsabilité de ce qu’il écrit et en contrôle la publication. Par définition, un éditorial suppose cette responsabilité.

A contrario, un site offrant un service en ligne de partage et de visionnage de clips vidéos, Dailymotion, par exemple, n’a aucun moyen d’exercer sa responsabilité ex ante à propos d’une vidéo ou d’un message : on ne peut pas lui imputer une quelconque responsabilité de ce qu’il propose. Il peut éventuellement, au regard de la loi, en avoir une ex post, mais certainement pas ex ante.

« Éditer » suppose un contrôle préalable.

Mes chers collègues, c’est là une précision très importante. Toute l’économie d’internet repose sur la distinction juridique qui a été opérée aux termes de la loi pour la confiance dans l’économie numérique entre le statut de l’hébergeur et celui de l’éditeur.

Depuis trois ans, la bataille fait rage, et les jurisprudences sont parfois contradictoires.

La dernière d’entre elles, celle du tribunal de grande instance de Paris, va dans le bon sens, mais toute erreur de notre part entraînerait une insécurité juridique, ce qui risquerait de brider le développement du désormais célèbre web 2.0, le web participatif, en particulier celui des sites de réseaux sociaux, qui en sont emblématiques, et qui proposent aux internautes de publier du contenu et de le partager avec les autres membres de diverses communautés.

L’enjeu est déterminant : ou bien le Gouvernement souhaite que la responsabilité éditoriale existe sur le web 2.0 et il s’agira de services audiovisuels – c’est ce que, selon nous, il ne faut pas faire : c’est d’ailleurs contraire à la directive, et telle n’est certainement pas l’intention du Gouvernement –, ou bien il veut, conformément à la directive, exclure du champ des services audiovisuels tous ces nouveaux services, et la commission vous prie alors, mes chers collègues, de ne pas retenir le terme « éditer », qui suppose une maîtrise et une responsabilité du contenu.

Dans le domaine de l’économie numérique, responsabilité éditoriale et viabilité des plates-formes d’échanges communautaires sont incompatibles.

Préciser dans la loi que les plates-formes d’échanges communautaires ont une responsabilité éditoriale condamnera leur développement et les incitera à une délocalisation.

Telle est la raison pour laquelle la commission est à ce point attachée à remplacer un terme qui est piégé par des termes qui renvoient à une réalité juridique certaine et précise.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l'amendement n° 163.

M. Jack Ralite. Cet amendement est d’ordre sémantique et il vise à apporter des précisions importantes.

Dans la directive européenne « Services de médias audiovisuels », que le présent article vise à transposer, a été clairement définie la notion de « services de médias audiovisuels à la demande ».

Ce sont des services fournis pour le visionnage de programmes à un moment librement choisi par l’utilisateur.

Ils le sont, en outre, sur demande individuelle et sur la base d’un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias.

Grâce à la précision de la directive, sont ainsi exclus de cette définition un certain nombre de services.

Or, dans le projet de loi qui nous est soumis est utilisé un terme différent, celui d’« éditer », à propos des sites fournissant un contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échange.

Les termes « fournir » et « diffuser », qui sont ceux de la directive, correspondent, eux, à la notion d’édition au sens de la loi du 30 septembre 1986.

Ils permettent clairement d’exclure du champ d’application de la directive les sites internet personnels et ce que l’on appelle d’un terme barbare les « blogs », qui contiennent des vidéos.

Cette précision n’est pas un détail : elle concerne des millions d’internautes dans notre pays et chez nos voisins de l’Union européenne, qui seront rassurés de savoir qu’ils seront bien exclus, par la loi française, du champ de la définition communautaire des services de médias à la demande.

Tel est l’objet de cet amendement que nous vous demandons d’adopter.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l'amendement n° 240 rectifié.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement, étant identique aux deux précédents, a donc, de fait, été défendu par mes collègues. Toutefois je vais ajouter une touche personnelle aux arguments déjà invoqués.

Cet amendement vise à ce que figurent dans la loi les termes utilisés dans la directive européenne 2007/65/CE du 11 décembre 2007 sur les services de médias audiovisuels, et dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique –  à savoir « fournir ou à diffuser » –, qui permettent d’éviter tout risque de confusion quant à la liste des services qui sont exclus de la définition des services de médias audiovisuels à la demande, au lieu du mot « éditer ».

Le choix du terme le plus adéquat suscite un grand débat ce matin.

L’utilisation du terme « éditer » est inappropriée, puisque l’un des principaux enjeux de la définition de ces exclusions est de tracer la frontière entre les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande et les autres catégories de fournisseurs de services.

L’utilisation du terme « éditer » crée une confusion pour les diffuseurs de contenus vidéos générés par les utilisateurs, alors que le maintien du statut d’hébergeur est déterminant pour le modèle technico-économique de cette activité et que la jurisprudence française qualifie désormais clairement les plates-formes de contenus générés par les utilisateurs d’hébergeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission estime que le terme « éditer », utilisé dans le présent article, doit être pris dans son sens le plus large possible et non dans celui de la loi de 1986.

Néanmoins, ayant été convaincue par l’argumentation de M. Retailleau, elle émet un avis favorable à son amendement, mais souhaite cependant connaître l’avis du Gouvernement.

Elle rappelle que, par cohérence, elle a adopté à l’article 27 un amendement illustrant son opposition à la soumission des contenus d’internet au CSA dans un avenir proche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. La définition des services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD, dont nous débattons, prévoit très clairement certaines exclusions, en particulier celle des sites de partage comme Dailymotion et YouTube, qui permettent l’échange de contenus créés par leurs utilisateurs.

Si je comprends la proposition des auteurs de ces amendements, j’ai toutefois le sentiment que la rédaction souhaitée pourrait aller à l’inverse de ce qu’ils recherchent.

En effet, la phrase visée débute ainsi : « Sont exclus les services qui ne relèvent pas d’une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts, ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire, ceux consistant à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges… ». Remplacer « éditer » par « fournir ou à diffuser », risque, je le crains, de faire entrer dans le champ des SMAD, dès lors qu’un contrôle éditorial serait exercé, des contenus créés par les utilisateurs. Je pense, par exemple, aux sites personnels qui contiendraient des vidéos.

Tel n’est pas ce qui est prévu par la directive et telle n’est pas l’intention du Gouvernement.

Pour cette raison, il est défavorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je vous exhorte, mes chers collègues, à faire preuve de la plus extrême fermeté, s’agissant de l’interprétation de la loi.

Madame la ministre, nous avons le même objectif – je l’ai bien compris – (Mme la ministre fait un signe d’assentiment.), à savoir clarifier la loi et faire en sorte que les nouveaux services, les plates-formes de partages communautaires, les blogs, notamment, n’entrent pas dans le champ de la loi de 1986.

Vous m’avez opposé deux arguments. Je vais vous démontrer qu’ils sont vains.

En premier lieu, vous avez évoqué le risque, pour les blogs comportant quelques images, de se trouver inclus dans le champ des services des médias audiovisuels à la demande. Or, selon le présent texte, « sont exclus les services qui ne relèvent pas d’une activité économique ». Les blogs, qui ne relèvent pas d’une telle activité, ne sont donc pas concernés : cela est dit au tout début de la phrase de la façon la plus ferme qui soit, comme dans la directive.

En second lieu, vous craignez qu’en voulant trop bien faire, en remplaçant le verbe « éditer » par les mots « fournir ou à diffuser », nous ne fassions entrer dans le champ de la loi de 1986 les plates-formes communautaires.

J’affirme que c’est l’inverse. La phrase débute irréfutablement par une notion d’exclusion, alors que le verbe « éditer » renvoie à une capacité éditoriale qui suppose une responsabilité et un contrôle ex ante du contenu.

Aucune plate-forme communautaire n’a une responsabilité ex ante du contenu.

Voilà des années que tous les tribunaux de France se battent pour une jurisprudence stable et claire dans ce domaine.

Pour classer les services audiovisuels, il faut reprendre les termes des directives européennes. C’est là un argument sans appel.

La commission des affaires économiques, compétente sur ce type de questions, ne bougera pas d’un iota, pardonnez-moi, madame la ministre ! J’ai, jusqu’à présent, été plutôt arrangeant. Sur ce point, nous ne transigerons pas, car c’est l’avenir d’internet qui est en jeu.

Je le répète, dans le domaine de l’économie numérique, viabilité des plateformes d’échanges communautaires et responsabilité éditoriale sont incompatibles.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. A priori, j’approuve ces amendements, convaincue par les explications de M. Ralite sur la protection du volet libertaire et foisonnant : le partage d’images, fussent-elles mobiles, entre internautes, ne saurait évidemment entrer dans le champ de l’édition au sens professionnel et encore moins relever du CSA.

Ce faisant, monsieur Retailleau, je me trouve en situation de voter les termes vous avez proposés, vous qui entendez affranchir les opérateurs de leurs responsabilités si, par hasard, ils venaient à inventer du contenu.

J’ai bien noté que, dans votre prise de parole sur cet article, faite d’ailleurs à titre personnel, vous avez souligné le risque qu’il y avait à brider ces trois notions ainsi juxtaposées : « l’innovation » – nous vous suivons sur ce point –, « la créativité » – nous vous suivons toujours – et « la création » ; pour cette dernière, je brandis le carton rouge, car c’est vous qui franchissez la frontière !

Si nous considérons effectivement que, dans le domaine des télécommunications, on fait de la « création », on entre alors dans le champ de la création. Mieux vaut donc retirer ce terme. Votre proposition n’est recevable que si chacun reste dans son métier. Une grande vigilance sera alors de mise pour l’avenir.

Lors des débats sur les droits d’auteurs, j’ai le souvenir qu’on avait déjà revendiqué une frontière très stricte entre ce qui relève des télécommunications et ce qui relève de la télévision et des services associés. Très bizarrement, cette même frontière, que vous défendez avec pertinence pour les internautes, a eu l’effet collatéral suivant : une chanson diffusée dans un café par un juke-box ou une télévision est soumise à des droits d’auteurs, tandis que, diffusée dans ce même café sur un écran numérique, elle en est totalement exonérée, en raison de la nature du tuyau par lequel elle est passée, c’est-à-dire les télécommunications !

Tel est donc l’un des risques inhérents à l’adoption de ces amendements, que je qualifierai de « libertaires-libéraux ». Pour ma part, je les voterai, car les termes proposés me paraissent justes, mais j’en appelle à une vigilance extrême de la part de chacun pour contenir les opérateurs dans leur métier. Si ces derniers se mettent à en changer, alors ils tomberont notamment sous la coupe des droits d’auteurs, des redevances sur la création et du contrôle des contenus.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Je maintiens ce que j’ai dit. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous fais remarquer que certains blogs, à l’image de Skyblog, ont malgré tout est une activité économique et contiennent de la publicité.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je parlais des blogs personnels !

Mme Christine Albanel, ministre. En outre, le recours au terme « éditer » ne vise évidemment, à aucun moment, à qualifier d’éditeurs les sites de partage dans leur ensemble et à revenir sur notion d’hébergeur telle qu’elle a été définie dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Nous sommes donc d’accord !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Si la commission des affaires culturelles a bien compris les préoccupations exprimées par Mme la ministre sur ce sujet, elle a toutefois été rassurée par les précisions très claires apportées par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Elle émet donc un avis favorable sur ces trois amendements identiques.