M. le président. L'amendement n° 217, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase de cet article, après les mots :

participe à

insérer les mots :

la préparation et

II. - Au début de la troisième phrase du même article, après les mots :

Il est organisé

insérer les mots :

, dans les établissements pénitentiaires et dans les services d'insertion et de probation,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à modifier l’article 1er sur deux points.

Notre première modification concerne le champ des missions du service public pénitentiaire.

Aux termes du projet de loi initial, le service public pénitentiaire « participe à la préparation et à l’exécution des décisions pénales et des mesures de détention ». La commission a supprimé les mots « à la préparation », au motif que « la responsabilité de l’administration pénitentiaire en matière de “préparation” des décisions pénales ne lui est pas apparue clairement : dans ce domaine, la responsabilité appartient au premier chef à l’autorité judiciaire ».

Or une grande partie de l’activité des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, est constituée par la conduite d’enquêtes.

Il peut s’agir d’enquêtes avant comparution dans le cadre des permanences d’orientation pénale, ou, dans un cadre pré-sentenciel, d’enquêtes en cas de contrôle judiciaire, de placement en détention provisoire ; dans ce cas, le rôle des SPIP est d’éclairer et d’aider les magistrats dans leur prise de décision.

Les SPIP réalisent également des enquêtes d’aménagement de peine préalables à la mise à exécution des peines d’emprisonnement inférieures à un an, dans le cadre de l’article 723-15 du code de procédure pénale, que l’article 48 du projet de loi modifie par ailleurs.

Le travail effectué par les SPIP ne réside donc pas seulement dans l’exécution des décisions pénales. Leurs connaissances en matière d’individualisation des peines leur permettent de rechercher la peine la plus adaptée à la personne mise en cause et donc de parvenir à un aménagement de peine ab initio.

Ce travail d’enquête a pour objectif d’améliorer les chances de réinsertion sociale et donc la prévention de la récidive.

Faciliter les aménagements de peine ab initio est l’une des ambitions de ce projet de loi, mais comment parvenir à atteindre cet objectif si le projet de loi ne reconnaît plus la mission préparatoire des SPIP ?

Notre amendement vise donc à réaffirmer que la préparation des décisions pénales est une mission du service public pénitentiaire.

Notre seconde modification porte sur la suppression par la commission de la référence à la mission d’insertion et de probation du service public pénitentiaire.

Cette suppression est regrettable, car, bien que l’insertion et la probation fassent partie de l’exécution des décisions pénales, affirmer clairement que la probation est l’une des missions du service public pénitentiaire n’est pas que symbolique. En effet, les missions du service public pénitentiaire ne se limitent pas à l’enceinte de la prison. Avec la probation, les SPIP ont en charge l’exécution des peines dans la société.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis sur le projet de loi pénitentiaire et sa recommandation n° 1, « insiste sur la nécessité d’une clarification de la mission du service public pénitentiaire. Celui-ci doit concilier la mission première d’exécution des décisions et sentences pénales dans l’intérêt de la sécurité publique avec la mission essentielle d’insertion et de réinsertion du service public pénitentiaire […]. »

C’est pourquoi nous avons tenu à préciser – c’est le deuxième point de notre amendement – que le service public pénitentiaire est organisé dans les établissements pénitentiaires et les services d’insertion et de probation de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines afin de pourvoir à cette mission « essentielle » d’insertion et de réinsertion.

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase de cet article, après les mots :

contribue

insérer les mots :

, par des programmes appropriés,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je défendrai en même temps l’amendement n° 4 rectifié, monsieur le président, qui vise également à instaurer dans le cadre des missions du service public pénitentiaire la mise en œuvre de programmes appropriés concernant les activités proposées aux détenus.

On retrouve cette exigence dans plusieurs règles pénitentiaires européennes : la règle 25.1 prévoit que l’administration pénitentiaire met en œuvre des programmes d’activités équilibrés ; la règle 105.4 concerne la participation des détenus à un programme éducatif ; enfin, la règle 106.1 insiste sur la nécessité de mettre en place des programmes éducatifs systématiques.

Mes amendements visent précisément à inscrire dans le projet de loi pénitentiaire le recours systématique à des programmes qui devront être appropriés aux objectifs de la détention, qui ne sont pas seulement de priver l’individu de sa liberté, mais qui doivent également fournir les outils idoines pour sa réinsertion.

La nécessité d’inscrire ces programmes dans le texte découle aussi d’une volonté d’harmonisation des pratiques en la matière dans les différents établissements. Nous le savons, les activités sont très différentes d’un établissement à l’autre, et cette disparité masque en réalité une inégalité des détenus devant les chances de se réinsérer.

Dire que le service public pénitentiaire met en œuvre des programmes appropriés, c’est affirmer une exigence d’uniformité et d’efficacité dans la prise en charge des détenus sur tout le territoire.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase de cet article :

Les établissements pénitentiaires doivent être gérés dans un cadre éthique soulignant l'obligation de traiter tous les détenus avec humanité et respecter la dignité inhérente à tout être humain.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. La règle pénitentiaire européenne 72 souligne l’aspect éthique de l’administration pénitentiaire.

En l’absence d’une éthique forte, une situation où un groupe se voit octroyer un pouvoir substantiel sur un autre peut aisément conduire à une situation abusive. Le respect de l’éthique ne doit pas seulement caractériser le comportement des membres du personnel pénitentiaire à l’égard des détenus.

Les responsables des établissements pénitentiaires doivent faire preuve d’un grand discernement et d’une forte détermination pour assumer dans le respect des plus hautes normes éthiques la gestion des prisons.

Travailler dans les prisons exige donc une combinaison de talent personnel et de compétences professionnelles. Le personnel pénitentiaire doit faire appel à ses qualités humaines lorsqu’il traite avec les détenus afin d’agir avec impartialité, humanité et justice.

Nous proposons donc d’inscrire cette règle européenne dans notre droit.

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Il développe des programmes appropriés pour les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire.

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction proposée par la commission paraît préférable à celle de l’amendement n° 72, car elle est plus complète : elle mentionne à la fois le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’individualisation et l’aménagement de la peine et, grâce à une suggestion de notre collègue Hugues Portelli, le rappel du respect des droits fondamentaux inhérents à la personne.

La commission invite donc les auteurs de cet amendement à le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Soit dit par parenthèse, j’avoue que je n’ai pas très bien saisi le sens des propos de M. Mermaz. Au début de son intervention, je me suis senti très heureux, et je me disais que ma béatification était en bonne voie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais ça s’est vite dégradé ! (Sourires.)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si j’ai compris les raisons pour lesquelles il était satisfait du texte de la commission, j’ai moins bien compris son insatisfaction ultérieure. Peut-être est-ce dû à une question de style, point sur lequel la commission n’a aucune prétention.

En ce qui concerne l’amendement n° 217, je vais reprendre intégralement les propos de M. Mermaz, qui s’apparentaient au départ à une défense bien argumentée du texte de la commission. (Sourires.)

Cet amendement vise à rétablir la référence au rôle du service public pénitentiaire dans la préparation des décisions pénales, que la commission a souhaité supprimer, car il existe un risque de confusion entre les rôles respectifs du juge et de l’administration pénitentiaire.

Pour autant, je rassure Mme Borvo Cohen-Seat : notre volonté n’est pas de supprimer toute référence à la notion de « préparation » dans le projet de loi, puisque nous avons tenu à préciser, à l’article 4 ter, que les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation « sont chargés de préparer et d’exécuter les décisions de l’autorité judiciaire […] ».

Nous n’avions pas d’arrière-pensée, mais simplement nous souhaitions caractériser l’une des responsabilités des SPIP. Cette rédaction fait d’ailleurs suite à une suggestion du Conseil d’État.

Je le répète, généraliser cette notion à l’ensemble des services pénitentiaires risque de créer une ambiguïté avec le rôle du juge. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, mais tient à nouveau à rassurer ses auteurs sur la prise en compte des responsabilités en la matière des services d’insertion et de probation.

J’en viens aux amendements nos 3 rectifié et 4 rectifié.

La précision concernant les « programmes appropriés », qui est issue des règles pénitentiaires européennes, ne nous a pas paru indispensable. Nous craignons même qu’elle ne soit un peu réductrice et bride l’imagination dont il faut parfois savoir faire preuve, notamment en matière d’individualisation des peines.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 73 est un peu en contradiction avec l’amendement n° 72, mais peut-être s’agit-il d’un amendement de repli ?

La commission considère que la préoccupation ainsi exprimée a été satisfaite de manière plus générique par l’amendement de M. Portelli, intégré au texte de la commission, qui garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à sa personne.

La commission demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La rédaction de l’amendement n° 72, pour reprendre les arguments de M. le rapporteur, restreint les missions du service public pénitentiaire puisqu’elle n’intègre ni la prévention de la récidive ni la protection des victimes. La définition plus large retenue dans le texte paraît plus adaptée. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 217 vise, d’une part, à préciser que le service public pénitentiaire participe à la préparation des décisions pénales. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, cela relève du champ d’intervention des services d’insertion et de probation et, à ce titre, figure déjà dans le texte.

La précision apportée au paragraphe II de l’amendement semble restreindre l’intervention du service public pénitentiaire aux seuls établissements pénitentiaires, alors que celui-ci intervient également dans le cadre des directions interrégionales ou au sein de l’administration centrale. La rédaction actuelle du texte nous paraît donc préférable. Nous sommes par conséquent défavorables à cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 3 rectifié, il existe déjà des programmes de prévention de la récidive. Simplement, les modalités de prise en charge ne relevant pas de la loi, nous sommes défavorables à cet amendement.

L’amendement n° 73 serait beaucoup moins protecteur que la rédaction proposée, dans la mesure où celle-ci garantit le respect de l’ensemble des droits fondamentaux inhérents à la personne détenue, et non pas seulement la dignité de la personne humaine. C’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

L’amendement n° 4 rectifié, comme l’amendement n° 3 rectifié, concerne les programmes appropriés, qui, comme je le disais, ne relèvent pas de la loi. Nous y sommes par conséquent défavorables.

M. le président. Monsieur Gautier, les amendements nos 72 et 73 sont-ils maintenus ?

M. Charles Gautier. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote sur l'amendement n° 73.

M. Patrice Gélard. Je ne voterai pas cet amendement, car c’est une mauvaise traduction de l’anglais. D’ailleurs, à la lecture de la plupart des textes reprenant des règles pénitentiaires, chacun peut constater, c’est frappant, combien la langue anglaise est peu adaptée pour faire du droit.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Revenons au latin ! (Sourires.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est du chauvinisme !

M. Patrice Gélard. J’en veux pour preuve, mes chers collègues, le fait même que nous sommes obligés de multiplier les règles pénitentiaires pour expliquer ce qui est énoncé clairement en droit français.

L’amendement qui nous est présenté est la traduction, mot pour mot, d’un texte britannique. Il est selon moi toujours mauvais de reprendre intégralement des textes européens qui sont, la plupart du temps, de mauvaises traductions n’ayant pas véritablement le même sens en anglais et en français. C’est le cas de l’amendement n° 73.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

Le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice, avec le concours des autres services de l'État, des collectivités territoriales, des associations et autres personnes publiques ou privées.

Les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires sont assurées par l'administration pénitentiaire. Les autres fonctions peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 218, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du second alinéa de cet article :

Les fonctions de direction, de surveillance, de greffe des établissements pénitentiaires et des services d'insertion et de probation, ainsi que les fonctions de préparation, d'aménagement, de contrôle et de suivi des peines sont assurées par l'administration pénitentiaire.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le deuxième alinéa de l’article 2, relatif à l’organisation du service public pénitentiaire, laisse supposer que des missions aussi importantes que la préparation, l’aménagement, le contrôle et le suivi des peines pourraient être confiées à des personnes privées, fussent-elles habilitées dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

Or les missions d’insertion, de réinsertion et de probation doivent rester de la compétence exclusive de l’administration pénitentiaire et la loi doit garantir ce principe.

L’exécution des décisions pénales comporte des mesures contraignantes et restrictives de liberté pour les personnes, qu’elles soient condamnées ou en attente de jugement, nous l’avons vu dans le cadre des missions pré-sentencielles des SPIP.

Même si certaines sanctions s’exécutent en milieu ouvert, ce sont des sanctions pénales à part entière et il ne serait pas concevable que l’exécution de ces peines soit déléguée à des personnes privées. Par ailleurs, cela poserait la question de l’égalité de traitement de l’exécution des décisions pénales, aujourd’hui garantie par le service public pénitentiaire.

Cette ambiguïté rédactionnelle ne trahirait-elle pas plutôt la tentation pour le Gouvernement de pallier l’insuffisance des moyens dont souffrent actuellement les SPIP pour justifier, à terme, le recours à des personnes privées ?

Il faut tirer les leçons de l’expérience. Dans son rapport d’information du mois d’octobre 2005, Juger vite, juger mieux ? Les procédures rapides de traitement des affaires pénales, état des lieux, notre collègue François Zocchetto évoquait le fait que certains parquets confiaient la conduite des enquêtes, assurées normalement par les SPIP, à des associations. Il s’interrogeait sur le transfert de charge vers des acteurs extérieurs à l’institution judiciaire, qui n’était pas, à ses yeux, sans susciter certaines craintes : les dépenses non négligeables, l’appréhension du passé pénal du délinquant et la viabilité des associations du secteur pénal, parfois aléatoire.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis du 6 novembre 2008, s’est prononcée en faveur de l’énonciation, dans la loi, du principe selon lequel les fonctions d’insertion et de réinsertion doivent être assurées par des agents de droit public.

Notre amendement vise à garantir que ces missions ne seront pas déléguées à des personnes privées et resteront de la compétence exclusive du service public pénitentiaire.

M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

pénitentiaires

insérer les mots :

et des services pénitentiaires d'insertion et de probation, ainsi que les fonctions de préparation, d'aménagement, de contrôle et de suivi des peines

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. La clarification des conditions dans lesquelles s’exerce le service public pénitentiaire doit être l’occasion d’affirmer le principe selon lequel seuls des fonctionnaires et agents de droit public sont responsables de la prise en charge des personnes détenues, nonobstant la nécessaire mobilisation des autres services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et des personnes publiques ou privées.

Les fonctions régaliennes exercées par l’administration pénitentiaire, que ce soit la direction, la surveillance ou le greffe, ne sauraient en aucun cas être déléguées, comme l’entend le projet de loi dans son article 2, qui énonce que « Les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires sont assurées par l’administration pénitentiaire. »

Toutefois, il ne faudrait pas que le transfert de tout ou partie des fonctions d’insertion et de probation à des personnes de droit privé affaiblisse la nécessaire mobilisation des acteurs publics pour l’exécution des peines et la réinsertion des condamnés.

Le projet de loi prévoit que la prison doit être la sanction de derniers recours, cela a été rappelé à plusieurs reprises, et il faut donc crédibiliser les autres peines. Les peines et aménagements de peines s’exécutant en milieu dit « ouvert » sont des sanctions pénales à part entière qu’il faut traiter comme telles. L’exécution de ces peines relève des missions régaliennes de l’État et doit par conséquent faire partie des fonctions qui ne peuvent être déléguées.

Nous estimons indispensable de rappeler que l’exercice de ces fonctions par des agents de droit privé ne pourrait se concevoir que sous le contrôle et la responsabilité d’agents de droit public. Cet amendement a donc pour objet d’inclure dans les missions qui ne peuvent être déléguées les fonctions de direction des SPIP, ainsi que de suivi et de contrôle des peines s’exécutant dans la communauté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’adoption de ces deux amendements reviendrait à réserver aux seuls services pénitentiaires d’insertion et de probation des missions qui, s’agissant en particulier du contrôle et du suivi des peines en milieu ouvert, peuvent être aujourd'hui confiées à des associations, lesquelles ont démontré leur compétence, leur expérience et leur fiabilité.

Ces propositions sont d’ailleurs en contradiction avec l’amendement n° 71 que nous examinions avant l’article 1er, qui visait à encourager la coopération avec les services sociaux externes et, autant que possible, la participation de la société civile à la vie pénitentiaire.

Pour cette seule raison, la commission est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souscris à l’argumentation de M. le rapporteur.

J’ajoute que le rôle du secteur associatif est essentiel en matière de protection judiciaire de la jeunesse, mais également en ce qui concerne l’aide et l’accompagnement des victimes tout au long de la procédure, en particulier dès le début, ce qui est crucial.

Quant aux associations et aux personnes physiques qui interviennent en matière de réinsertion des personnes détenues, elles réalisent un excellent travail dont il ne faudrait pas se priver.

C’est pourquoi nous sommes également défavorables à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 218.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du second alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les fonctions d'insertion et de réinsertion sont assurées sous la responsabilité des personnes de droit public.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Il s’agit d’un amendement de repli tendant à prévoir que les fonctions d’insertion et de réinsertion sont assurées sous le contrôle des agents de droit public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans la mesure où cette rédaction permet que les fonctions d’insertion puissent être exécutées par des personnes de droit privé, en l’occurrence les associations, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. Charles Gautier. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les mêmes raisons que celles que j’ai indiquées tout à l’heure.

En effet, la rédaction de cet amendement ne me paraît pas suffisamment claire.

M. Charles Gautier. En quoi n’est-elle pas claire ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Aux termes de cet amendement, les fonctions d’insertion et de réinsertion ne peuvent être assurées « que sous » la responsabilité du service public pénitentiaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour moi, cela n’est pas très clair.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très clair !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si ces fonctions sont assurées sous la responsabilité du service public pénitentiaire, qu’en sera-t-il des associations ?

À mon sens, il vaut mieux éviter d’adopter des dispositions qui peuvent prêter à confusion. C’est pourquoi je reste défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

M. Charles Gautier. Je pourrais comprendre l’objection de Mme le garde des sceaux si l’amendement n° 75 rectifié était rédigé comme elle vient de l’indiquer, mais ce n’est pas le cas.

En fait, la rédaction est beaucoup plus simple, puisque l’amendement n° 75 rectifié vise seulement à insérer la phrase suivante : « Les fonctions d’insertion et de réinsertion sont assurées sous la responsabilité des personnes de droit public. »

Par conséquent, l’expression « ne… que » n’est pas dans le texte de l’amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle figure dans l’objet de l’amendement !

M. Charles Gautier. La rédaction est en conséquence parfaitement claire.

Nous envisageons la possibilité que de telles fonctions soient assurées par des acteurs autres que des personnes de droit public, mais sous la responsabilité de celles-ci, par exemple par délégation.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, permettez-moi deux exemples.

D’abord, les services de l’éducation nationale ne sont pas sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire.

Ensuite, prenons le cas d’un juge de l’application des peines qui souhaiterait confier la réinsertion d’une personne condamnée à une association. Dans cette hypothèse, l’administration pénitentiaire pourrait parfaitement opposer un refus, en arguant que, ne connaissant pas l’association concernée, elle ne souhaite pas prendre la responsabilité de contrôler la réinsertion de la personne.

Par conséquent, si je partage l’esprit dans lequel vous défendez cet amendement, monsieur Gautier, je préfère éviter un tel risque.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je souhaite apporter un élément complémentaire.

Les mots sous « la responsabilité des personnes de droit public » ne soulèveront aucun problème s’agissant de l’éducation nationale, puisque nous serons bien en présence de personnes de droit public.

En revanche, une véritable difficulté peut effectivement surgir pour le monde associatif. Une association aura très bien pu commettre des fautes de nature à engager sa responsabilité sans engager pour autant celle des personnes de droit public ayant autorité sur elle.

Dans ces conditions, l’avis de sagesse que la commission a émis sur cet amendement doit plutôt s’interpréter comme un avis de « sagesse négative ». (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)