projet de fusion des cpam et caf du doubs

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 449, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis aujourd’hui le porte-parole des élus qui se battent pour faire vivre leur commune, leur territoire, et qui, dans le même temps, voient disparaître, souvent de façon insidieuse et sans concertation, des services publics essentiels à la vie quotidienne de leurs concitoyens.

Or, nous le savons, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, est engagée, avec une volonté de rationalisation budgétaire de l’État. Nous pensons que d’autres dépenses plus idéologiques pourraient être remises en cause, mais nous constatons que l’État et les entreprises publiques diminuent leur présence dans nos départements, notamment dans le Doubs.

Un jour, c’est la justice de proximité qui est visée, le lendemain, ce sont les boutiques EDF, le surlendemain, les antennes postales : croyez-moi, les élus ont envie de travailler aux côtés de l’État plutôt que de devoir livrer des batailles contre lui en permanence et de parer les coups qui leur viennent de tous côtés !

Je veux aujourd'hui vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, et essayer de trouver une solution pour arrêter un processus qui est sur le point d’être enclenché.

Votre administration a programmé la fusion des caisses primaires d’assurance maladie de Montbéliard et de Besançon pour le 1er janvier 2010. Parallèlement, dès 2011, les habitants du Doubs n’auront plus qu’une seule caisse d’allocations familiales pour tout le département. Ce projet de fusion est vécu comme un véritable abandon de l’État.

L’attachement de nos concitoyens à la présence physique de la CAF et de la CPAM est très important. Face à des situations exceptionnelles – la maladie, la précarité, un emménagement, la naissance d’un enfant –, nos administrés, en particulier les plus fragiles d’entre eux, apprécient de trouver des services publics de proximité ainsi que des interlocuteurs susceptibles de répondre rapidement à leurs demandes et à leurs problèmes.

L’informatisation et le recours à des services par internet et par téléphone sont certes très utiles, mais ils ne remplaceront jamais le contact humain. Je doute que nos administrés vivent comme un progrès le fait de devoir parcourir quatre-vingts à cent vingt kilomètres pour se rendre à leur caisse primaire d’assurance maladie !

Ces deux fusions programmées iront malheureusement de pair avec des réductions d’effectifs qui nuiront au délai de traitement des dossiers et mettront en danger la situation financière d’administrés qui comptent beaucoup sur ces prestations sociales.

La crise qui nous affecte aujourd’hui est très inégale. Elle entame certains territoires plus durement que d’autres, mais elle n’en épargne totalement qu’un très petit nombre. L’augmentation du chômage est très supérieure à la moyenne nationale dans le département du Doubs, en raison d’une mono-industrie automobile. Nous sommes donc en droit d’attendre de l’État une attention particulière.

Comme aime à le déclarer le Président de la République, la question n’est ni de droite ni de gauche, c’est une question de démocratie et de solidarité sociale, et surtout de solidarité territoriale : allez-vous, oui ou non, monsieur le secrétaire d’État, arrêter le projet de fusion des CAF et des CPAM du Doubs ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur le projet de fusion des caisses primaires d’assurance maladie et des caisses d’allocations familiales du Doubs.

Comme tous les services publics, les réseaux des caisses de sécurité sociale doivent améliorer leur efficacité au regard des enjeux auxquels ils sont confrontés : améliorer la qualité de service aux usagers ; tenir compte de l’évolution du métier, notamment du fait de l’intégration des nouvelles technologies ; assurer une meilleure maîtrise des coûts ; faire preuve de davantage de réactivité et de capacité d’adaptation. De ce point de vue, une caisse de petite taille ne dispose généralement pas des marges qui lui permettent de faire face aux fluctuations d’activité.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le Parlement s’est fait l’écho de ces préoccupations. En effet, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale a souligné, dans son rapport de 2005, consacré à l’organisation des branches de la sécurité sociale, que « la carte des organismes date, sauf modifications à la marge, de 1945. Elle n’a donc pas pu tirer parti des profondes évolutions démographiques, économiques et sociales intervenues depuis. »

Le projet de création d’une caisse primaire d’assurance maladie unique dans le département du Doubs regroupant les caisses de Montbéliard et de Besançon s’inscrit dans ces objectifs. Ce projet sera soumis pour avis le mois prochain aux conseils des caisses concernées. Notre objectif est de le mettre en œuvre le 1er janvier 2010. Les directeurs des caisses ont écrit au début du mois de janvier aux élus locaux pour présenter et expliquer ce projet.

S’agissant en revanche de la fusion des caisses d’allocations familiales, je veux souligner qu’il ne s’agit que de pistes de travail et qu’aucune mise en œuvre n’est prévue avant 2011.

Vous souhaitez légitimement que le projet de fusion des caisses ne s’effectue pas au détriment du maintien d’un service public de qualité et de proximité dans le Doubs. Je veux donc pleinement vous rassurer : la fusion des caisses porte sur les entités juridiques, elle n’implique aucunement la suppression des points de contact dont disposent les assurés. Le site de Montbéliard sera donc maintenu, ainsi que les centres de paiement de Morteau et de Pontarlier.

S’agissant des personnels, les deux directions actuelles se sont engagées à ce que la fusion ne s’accompagne d’aucune obligation de mobilité géographique. Je veux d’ailleurs souligner que les instances de représentation du personnel seront naturellement consultées et associées à l’élaboration de ce projet.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. En ce qui concerne les CAF, monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse. Il reste à démontrer que la fusion aura bien lieu sans compression d’emplois publics ni fermeture de points d’accueil.

S'agissant des CPAM, monsieur le sénateur, je voudrais souligner que l’on ne peut pas demander aux élus d’en faire plus, d’investir et d’économiser encore plus, et leur enlever dans le même temps des services publics. C’est un coup de canif dans le contrat passé entre l’État et les collectivités locales !

Dans ces conditions, comment voulez-vous que les élus abordent en toute confiance le débat sur les collectivités locales prévu à la rentrée ?

Nous sommes dans une région très fortement dominée par l’automobile ; nous avons perdu plus de 4 000 emplois en quelques mois et nous avons besoin de ces emplois de service.

Est-il raisonnable de supprimer des milliers d’emplois dans les services publics, alors même que des centaines de milliers d’emplois sont supprimés dans l’industrie et les services ? J’ajoute que ces emplois, compte tenu de la pyramide des âges dans la fonction publique, étaient destinés à des jeunes.

C’est pourquoi il est temps de revoir votre copie sur les CPAM. Et ne parlons pas de rationalisation : un département de cent vingt kilomètres de long mérite deux caisses primaires d’assurance maladie, comme il y en a toujours eu historiquement !

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Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement économique des outre-mer.

La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean Arthuis, Éric Doligé, Charles Guené, Jean-Paul Virapoullé, Marc Massion, Jean-Claude Frécon et Thierry Foucaud.

Suppléants : MM. Joël Bourdin, Jean-Pierre Fourcade, Pierre Bernard-Reymond, Mmes Anne-Marie Payet, Michèle André, Nicole Bricq et M. Daniel Marsin.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Hommage solennel au président René Monory

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.), il est des disparitions dont la force symbolique marque une assemblée telle que la nôtre. Celle de René Monory, notre ancien président – je le dis devant son épouse et sa famille rassemblée –, est de celles-ci.

René Monory nous a quittés le 11 avril dernier. C’est avec une vive émotion et une grande tristesse que notre assemblée s’incline devant celui qui fut son président durant six années, de 1992 à 1998, et qui a tant apporté au Sénat, dont il fut l’un des membres pendant trois décennies.

Un hommage émouvant lui a été rendu à l’occasion de ses obsèques, le jeudi 16 avril, au milieu de ses concitoyens, dans sa chère ville de Loudun dont il a été le maire tant d’années durant. J’ai eu à cette occasion le douloureux privilège de prononcer, au nom du Sénat de la République auquel il a tant apporté, son éloge funèbre en présence de M. le Président de la République et des plus hautes personnalités de l’État.

J’ai aussi vu les habitants de sa ville se presser en foule dans l’église où avait lieu la cérémonie, ainsi qu’autour, regardant sur de grands écrans ce dernier hommage rendu à leur ancien maire.

En ces moments lourds d’émotion, la nation et la ville se sont unies dans un même recueillement et une même attitude de reconnaissance envers un homme hors du commun.

Il est vrai que la vie de René Monory fut un destin sans guère de précédent dans notre vie politique. Il fut à la fois un élu local visionnaire, un homme d’État remarquable et un président du Sénat qui a contribué à faire entrer la Haute Assemblée dans le XXIe siècle. Il nous laisse le souvenir d’une œuvre exemplaire.

René Monory aura toujours conservé de ses origines et de sa formation un goût inlassable du travail et de l’effort. Il y ajoutera, sa vie durant, une capacité d’initiative, une force d’imagination et un dynamisme hors du commun.

Après avoir développé l’entreprise familiale jusqu’à en faire l’une des plus prospères de la région, il fut conduit par son attention aux autres, sa générosité, son goût pour l’action, à se mettre très tôt au service de ses concitoyens de Loudun. Il entra en politique par la porte municipale. Il exerça ainsi sans discontinuer de 1959 à 1999, avec un enthousiasme toujours renouvelé, les fonctions de maire de Loudun, qui étaient les plus chères à son cœur.

Conseiller général de la Vienne dès 1961, il occupa ces fonctions jusqu’en 2004 au sein de l’assemblée départementale, dont il fut le président incontesté durant un quart de siècle. Il a laissé une empreinte profonde dans ce département de la Vienne : c’était un homme de territoire, un porteur de projets, un fondateur inspiré.

René Monory fut un élu local visionnaire. Il a été un bâtisseur déterminé à changer le cours des choses, comme l’illustre l’exceptionnelle réalisation du Futuroscope. Ce fut en effet une idée de génie que d’avoir osé et réalisé ce pari, envers et contre tous, quand personne ne croyait possible d’ériger cette cité du futur au milieu des champs de la Vienne. Ce site futuriste, associant au parc européen de l’image la formation de haut niveau et les nouvelles technologies, fut le fruit de l’imagination lumineuse et de la détermination à toute épreuve qui caractérisaient le « vulgarisateur d’idées nouvelles » qu’était René Monory.

Les plus hautes autorités de l’État n’avaient pas attendu le succès du Futuroscope pour distinguer les qualités exceptionnelles de René Monory. Si son engagement local l’avait conduit à être élu, dès 1968, sénateur de la Vienne, il vit son mandat de parlementaire interrompu à deux reprises pour lui permettre d’exercer, de 1977 à 1981, puis de 1986 à 1988, des responsabilités ministérielles au sein des gouvernements dirigés respectivement par Raymond Barre, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, et par Jacques Chirac, sous la présidence de François Mitterrand.

Ministre de l’industrie, du commerce et de l’artisanat en 1977, il fut dès l’année suivante appelé à occuper les éminentes responsabilités de ministre de l’économie et des finances, avant d’exercer, de 1986 à 1988, les lourdes fonctions de ministre de l’éducation nationale.

Dans ses fonctions gouvernementales successives, René Monory démontra sans cesse son pragmatisme et son efficacité, mis au service de sa personnalité atypique et de son inlassable dynamisme. Rappelons-nous qu’au ministère de l’économie et des finances, dans un contexte économique pourtant difficile, il conduisit avec détermination une politique de libération des prix tout en favorisant les investissements de l’épargne dans l’industrie et en imaginant un système d’épargne populaire auquel son nom reste encore attaché, les SICAV.

En 1988, après l’élection présidentielle, René Monory rejoignit le Palais du Luxembourg. Élu de la famille centriste, européen convaincu, acteur majeur, aussi, de la construction de l’Union pour un mouvement populaire, cet homme de fidélité, tourné vers le futur, fut un sénateur de premier plan. Nous connaissions et apprécions tous son indépendance d’esprit. Sa personnalité et son parcours politique pouvaient impressionner, mais il avait gardé une simplicité souriante et un intérêt pour les autres qui font qu’il a toujours été proche de ses collègues.

Il démontra, au sein de notre assemblée, toutes ses qualités en exerçant notamment les importantes fonctions de rapporteur général du budget. Toujours ouvert aux idées neuves et manifestant une attention scrupuleuse aux évolutions de la dépense publique, il fut aussi l’un des premiers à mesurer l’ampleur des bouleversements induits par la mondialisation, notamment par une prise de conscience aiguë de la nécessité de créer une monnaie unique pour l’Europe.

C’est en octobre 1992 que René Monory fut élu à la présidence du Sénat, succédant ainsi à Alain Poher, qui avait exercé sans discontinuer ces fonctions depuis 1968.

Durant les six années où il exerça les fonctions éminentes de président du Sénat, il n’eut de cesse de donner de notre assemblée l’image d’une institution moderne et ouverte sur le monde. Il développa ses moyens d’action sur le plan international. Il incita à une réflexion constante sur l’avenir.

Ce passionné des nouvelles technologies fit entrer très tôt l’informatique et internet au Sénat. Si le site du Sénat peut aujourd’hui afficher plus de vingt millions de visites par an, c’est en grande partie à l’initiative de précurseur de René Monory que nous le devons.

René Monory fut au Sénat, au début des années 1990 – sachons nous en souvenir –, l’un des grands acteurs de la relance des politiques d’aménagement du territoire. Permettez-moi, de manière personnelle, de dire aussi que ce fut pour moi un honneur et une expérience forte que d’être l’un de ses vice-présidents. Il était un grand politique qui a toujours su rester humain, et je garde en mémoire le souvenir d’échanges passionnants que nous avions eus notamment autour du texte portant sur l’aménagement du territoire.

René Monory a beaucoup apporté à la Haute Assemblée. Il a été, pour le Sénat, un modernisateur. Nous devons, mes chers collègues, une grande reconnaissance à l’homme pragmatique et généreux, avisé et compétent qu’il était.

Le président René Monory, homme de caractère, de décision et d’imagination, était un homme engagé au sens plein du terme. Je ne peux d’ailleurs pas évoquer son souvenir – et je crois que c’est le cas de tous ceux qui, dans cet hémicycle, l’ont connu – sans revoir sa haute et puissante silhouette légèrement courbée se déplacer dans nos travées, saluant les uns et les autres d’une poignée de main ou d’un hochement de tête complice, avec une lueur au fond des yeux.

Je renouvelle à cet instant à Mme Monory, son épouse, à sa fille, à sa famille et à ses proches, à ses anciens collaborateurs, aujourd’hui dans la douleur, les condoléances très sincères et émues de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République. Permettez-moi d’y ajouter ma peine personnelle et ma gratitude pour l’œuvre que René Monory a accomplie pour le Sénat de la République et pour la France.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement tient à s’associer à l’hommage que le Sénat, par votre voix, monsieur le président, rend aujourd’hui à René Monory, ancien président de la Haute Assemblée et ancien sénateur de la Vienne.

Celui qui nous a quittés le 11 avril dernier était en effet un véritable homme d’État qui aura fortement imprimé sa marque à la Haute Assemblée.

Monsieur le président, vous avez rappelé l’itinéraire et le parcours exceptionnels de René Monory, depuis sa ville de Loudun, passant par le conseil général de la Vienne et les gouvernements de Raymond Barre et de Jacques Chirac, jusqu’à son élection à la présidence du Sénat. Ce parcours est tout à fait emblématique de ce qu’est la République, la France dans ses meilleurs aspects.

Ce Sénat qu’il a présidé, modernisé – je peux en témoigner à titre personnel pour avoir, pendant un certain temps, siégé sous sa présidence parmi vous –, ouvert sur l’extérieur et sur les nouvelles technologies, il y a consacré la plus grande part de sa carrière nationale.

En effet, quelle plus belle incarnation de notre idéal républicain que l’ascension sociale et politique de René Monory, avançant de ce pas volontaire que vous avez décrit à l’instant vers son destin, qui le verra passer du jeune réfractaire au service du travail obligatoire, le STO, simplement titulaire d’un certificat d’études, jusqu’au rang de deuxième personnage de l’État ?

Et quel meilleur ambassadeur de la vocation du Sénat à représenter les collectivités de la République que cet éminent élu local, qui n’a cessé de s’impliquer, de s’engager, d’imaginer des projets d’avenir comme le Futuroscope, de travailler pour façonner les territoires dont ses concitoyens lui ont maintes fois confié les destinées ?

La grande compétence que lui reconnaissaient ses électeurs n’a pas échappé aux plus hauts responsables politiques de son temps, qui lui ont confié – vous l’avez rappelé, monsieur le président – l’économie, puis l’éducation nationale de notre pays.

Dans des contextes chaque fois difficiles, René Monory a toujours fait face avec volonté et intelligence. Avec l’ouverture d’esprit comme méthode et le bon sens pour boussole, il avait ainsi très souvent une grande longueur d’avance sur l’évolution du monde et sur les défis à venir.

Avec sa disparition, la République dit adieu à un serviteur de talent, et le Sénat à l’une des personnalités qui auront sans doute le plus marqué son histoire.

À sa famille, à son épouse et à sa fille, à tous ses anciens collègues et amis du Sénat, aux électeurs et aux citoyens de la Vienne, j’exprime au nom du Gouvernement nos condoléances très sincères et le témoignage de notre fidélité.

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à partager un moment de recueillement en mémoire du président René Monory. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants en signe de deuil.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

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Débat sur la politique agricole commune

M. le président. L’ordre du jour appelle un débat sur la politique agricole commune.

Mes chers collègues, je tiens à vous rappeler la nécessité du respect des temps de parole fixés par la conférence des présidents, afin de permettre non seulement aux orateurs inscrits de s’exprimer mais aussi à M. le ministre de nous apporter les éclairages nécessaires; j’y veillerai, et Roger Romani, qui me succédera au fauteuil de la présidence, fera de même.

La parole est à M. Henri de Raincourt, au nom du groupe UMP, auteur de la demande d’inscription à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans le cadre de la semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques que j’ai demandé, au nom du groupe UMP, l’inscription d’un débat sur les nouvelles orientations de la politique agricole commune, la PAC.

Après l’accord du 20 novembre 2008 sur le bilan de santé de la politique agricole commune, vous avez annoncé, le 23 février dernier, monsieur le ministre, plusieurs décisions, prises au nom du Gouvernement, relatives à un rééquilibrage des aides européennes qui seront versées à partir de 2010. Ces décisions doivent fixer un cap nouveau à la politique agricole commune et préparer l’après-2013.

Ne pas attendre davantage pour élaborer un nouveau cadre politique pour l’agriculture en Europe était l’un des objectifs que le Président de la République avait fixés lors de la présidence française de l’Union européenne. L’année 2009 pourrait donc entrer dans les annales comme l’année ayant bouleversé les grandes orientations économiques de notre agriculture.

L’agriculture mondiale se trouve à un tournant. Tandis que la demande explose, l’offre peine. La politique agricole doit donc reprendre la main dans le jeu communautaire et y trouver une nouvelle légitimité.

L’accroissement de la demande mondiale, notamment des pays émergents, a créé un déséquilibre face à une offre contrainte par les modifications climatiques, les impératifs environnementaux et les nouvelles exigences sanitaires.

La crise alimentaire aura néanmoins permis de restaurer l’agriculture en tant que secteur décisif dans l’activité économique, et donc dans l’alimentation des êtres humains. Elle aura par ailleurs permis de réhabiliter l’usage des outils de régulation publics que nombre d’experts et d’institutions internationales avaient eu tendance à négliger un peu rapidement. Enfin, c’est la souveraineté alimentaire qui retrouve une légitimité.

Le modèle de la révolution « verte », avec la mécanisation, les remembrements, les doses d’engrais, les subventions à la production, est un modèle épuisé. Une nouvelle révolution s’impose aujourd’hui, à la fois écologique et technologique. L’agriculteur a dû se transformer au fil du temps en chef d’entreprise, en comptable, et, enfin, en ingénieur biologiste.

À ces bouleversements s’ajoute une révolution culturelle. En effet, les exigences croissantes en matière de santé et d’environnement plaident en faveur de nouvelles normes et de nouveaux investissements, sans alourdir pour autant la note budgétaire.

Pour satisfaire les exigences d’un consommateur qui réclame des produits « zéro défaut », le Gouvernement a décidé de diminuer de moitié, d’ici à dix ans, le recours aux pesticides, et de tripler, par ailleurs, les surfaces d’agriculture biologique d’ici à 2012.

Après cinquante ans de productivisme, le Gouvernement a trois défis à relever : renégocier la politique agricole commune en réussissant à convaincre nos homologues européens de prolonger un modèle souvent en butte aux critiques ; cultiver autrement, car l’enjeu est de nourrir la planète tout en préservant l’environnement ; enfin, abandonner peu à peu les produits aujourd'hui considérés comme nocifs en trouvant des solutions alternatives.

Pour sauver un système qui a souvent fait l’objet de critiques de la part des autres pays européens – en raison de son coût, car la politique agricole commune représente environ 40 % des dépenses dans le budget européen, mais peut-être aussi parce que la France en est l’un des principaux bénéficiaires –, vous avez décidé, monsieur le ministre, de jouer la carte de l’aménagement du territoire et du développement durable. Les systèmes de production à base d’herbe seront donc très largement soutenus.

Les revenus des éleveurs sont bien bas, car ils subissent de plein fouet la hausse des prix de l’alimentation animale à base de céréales. C’est pourquoi ceux-ci réclament aujourd’hui plus d’aides.

Le secteur ovin, dont les difficultés sont anciennes – il a perdu, je le rappelle, un tiers de ses brebis en vingt ans –,…

M. Henri de Raincourt. …va ainsi être l’un des premiers bénéficiaires de ce rééquilibrage.

Les exploitations laitières de montagne, dont la production est plus faible et la collecte est plus difficile, donc plus chère, vont également être soutenues.

L’objectif du Gouvernement est de maintenir une activité économique créant des emplois et de la richesse et offrant à notre pays une diversité de produits, et ce dans le respect des critères environnementaux.

En subventionnant les grandes cultures, Bruxelles soutenait indirectement les éleveurs qui pouvaient acheter des céréales à bas prix pour nourrir leurs bêtes. Mais de nouvelles perspectives, comme le développement des biocarburants entre autres, ont rompu cet équilibre.

Sous la présidence française de l’Union européenne, le Président de la République a donc proposé de changer le cap et posé les jalons d’une nouvelle politique agricole commune pour la prochaine programmation budgétaire communautaire de l’après-2013. Les Vingt-Sept se sont entendus sur un compromis technique, celui du 20 novembre 2008, afin d’adapter la politique agricole commune au contexte actuel des marchés mondiaux. Ce premier accord à Vingt-Sept engageant l’agriculture européenne traduit la volonté des États membres d’adapter la politique agricole aux évolutions de son environnement.

L’heure est aujourd’hui à la construction d’une agriculture durable. Telle est l’ambition affichée du Président de la République, et partagée par tous, avec « Objectif Terres 2020, pour un nouveau modèle agricole français », plan annoncé le 19 février dernier dans le Maine-et-Loire. C’est dans ce contexte que vous avez fait état, monsieur le ministre, d’une réorientation des aides à hauteur de 1,4 milliard d’euros, ce qui correspond à 18 % des aides directes, afin de procéder à un rééquilibrage au profit des productions et des zones les plus fragiles.

Cette réorientation doit participer à une meilleure légitimation de la politique agricole commune pour l’après-2013, en rééquilibrant les aides au regard des revenus et en accroissant le soutien aux systèmes de production durables. Chacun connaît les enjeux et les risques de cette échéance, et nous sommes bien conscients du fait que ces décisions s’imposent à nous pour préserver notre politique agricole après 2013.

Cette réorientation a pour objectif de consolider l’économie agricole et l’emploi sur l’ensemble de notre territoire, en soutenant les productions et les territoires fragiles. Elle vise également à mettre en place un nouveau mode de soutien pour l’élevage à l’herbe, à accompagner un mode de développement durable de l’agriculture, et enfin à instaurer des outils en matière de couverture des risques climatiques, sanitaires et économiques.