M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur le titre II du projet de loi, titre consacré aux transports.

À l’occasion des débats sur le premier volet législatif du Grenelle de l’environnement, j’avais salué les objectifs retenus en matière de transports, objectifs que nous avons depuis lors gravés dans le marbre de la loi, notamment la réduction de 20 % d’ici à 2020 des émissions de gaz à effet de serre, la promotion du transfert modal de la route vers les autres modes de transport, ou encore la possibilité donnée aux autorités organisatrices de transport, les AOT, de définir une politique globale et cohérente de mobilité durable.

Je n’avais cependant pas manqué de souligner que, si les lettres étaient belles, les chiffres, eux, suivraient bien difficilement.

Pourquoi ne pas le dire, le groupe socialiste attendait beaucoup du projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Sur les sept articles qui forment son titre II, plusieurs dispositions constituent incontestablement des avancées.

J’en vois principalement trois.

La première porte sur l’évolution des compétences des AOT. Les dispositions de l’article 16 devraient en effet permettre une meilleure articulation des compétences en matière de transport, d’urbanisme et de voirie sur les territoires des établissements publics de coopération intercommunale dotés de plans de déplacements urbains et faciliter, par ailleurs, le développement du vélo en libre-service.

Autrement dit, nous pouvons de plus en plus nous orienter non plus simplement vers la gestion des flux, mais vers la génération des flux – d’où viennent ces déplacements ? – et, par un aménagement raisonné du territoire, influer sur ces déplacements contraints.

Il m’est difficile de ne pas saluer, dans un deuxième temps, la reprise de ma proposition de loi tendant à promouvoir l’autopartage. Il est vrai que le développement de cette activité va indiscutablement dans le sens de l’intérêt général, dans la mesure où elle contribue à réduire la pollution automobile, à améliorer la fluidité des circulations sur la voirie et, enfin, à diminuer l’espace urbain consacré au stationnement, permettant ainsi la reconquête d’une qualité urbaine que l’omniprésence automobile avait détériorée.

Je vois une troisième avancée dans la possibilité qui sera donnée aux AOT d’instituer une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains et des immeubles bâtis en vue de la réalisation d’infrastructures de transports en commun en site propre, ou TCSP. C’est là un moyen pour les collectivités territoriales de trouver d’autres sources de financement si l’on considère, d’une part, l’immensité des investissements qu’elles devront réaliser à l’horizon de la prochaine décennie et, d’autre part, une participation de l’État en deçà de ses engagements initiaux. En effet, l’aide de 4 milliards d’euros promise par le Président de la République, destinée à mettre en place 1 500 kilomètres de lignes nouvelles de TCSP hors Île-de-France d’ici à 2020, a été réduite par la suite à 2,5 milliards d’euros, dont 800 millions d’euros ont effectivement été programmés à ce jour dans le cadre du premier appel à projets.

Est-ce à dire que le texte qui nous est soumis est de nature à répondre aux défis gigantesques auxquels nous sommes confrontés ?

Je vous rappelle, monsieur le ministre d’État, qu’il faut 4 milliards d’euros pour permettre la remise à niveau du réseau ferré national, de 4 à 5,5 milliards d’euros d’ici à 2020 pour aménager les « grandes gares » en régions, et 4,5 milliards d’euros pour l’Île-de-France, comme l’a suggéré fort justement ma collègue Fabienne Keller dans son rapport au Premier ministre.

Il faut aussi plus de 40 milliards d’euros pour les TCSP, dont 26 milliards d’euros pour l’Île-de-France à l’horizon 2020, et environ 10 milliards d’euros à l’horizon 2015 à la charge des collectivités territoriales pour la mise en accessibilité des véhicules et des infrastructures terrestres de transport public, comme le prévoit la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, sans oublier le financement du matériel roulant nécessaire à l’accroissement de la capacité des réseaux de transport urbain.

De ce point de vue, monsieur le ministre d’État, le projet de loi que vous soumettez à la représentation nationale n’est manifestement pas à la hauteur de ces immenses enjeux.

Nous aurons donc à discuter de mesures essentiellement techniques qui, bien sûr, ne suscitent pas d’hostilité et ne soulèvent aucune objection fondamentale. Je présenterai cependant un certain nombre d’amendements destinés à améliorer et à enrichir votre texte. Je pense notamment à la dépénalisation et la décentralisation du stationnement, une vieille revendication du Groupement des autorités responsables de transport, le GART, tous courants politiques confondus, mon cher Louis Nègre, ou encore à la possibilité d’expérimenter le péage urbain.

Au passage, monsieur le rapporteur, je salue votre travail opiniâtre sur le volet « transports » du projet de loi.

M. Dominique Braye, rapporteur. Merci pour lui ! (Sourires.)

M. Roland Ries. Il est mon premier vice-président, au sein du GART ! (Nouveaux sourires.)

M. Dominique Braye, rapporteur. C’est du clientélisme, alors ! (Rires.)

M. Roland Ries. Notre collègue a lui-même remarqué dans son rapport que le « texte n’allait pas assez loin, tout particulièrement en matière de financement ». Nous partageons bien évidemment ce point de vue. C’est même un doux euphémisme : en réalité, les AOT, littéralement étranglées, rencontrent aujourd’hui bien des difficultés pour financer l’ensemble de ces investissements, indispensables pour favoriser le report modal.

De plus, monsieur le ministre d’État, les AOT ont des inquiétudes quant à la pérennité de certaines ressources acquises. Je pense en particulier aux incertitudes qui pèsent actuellement sur le versement transport, lequel constitue la principale ressource des AOT pour financer leurs investissements.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, au nom duquel je parle en cet instant, exprime ses plus vives réticences et dénonce le manque d’ambition du volet « transports » du présent projet de loi, lequel, je le répète, est largement en deçà de ce que nous attendions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi en premier lieu de remercier l’ensemble des rapporteurs et rapporteurs pour avis, et tout particulièrement M. Dominique Braye, non pas parce qu’il serait en quelque sorte le meilleur des rapporteurs (Sourires.),…

M. Didier Guillaume. Ah ça non ! (Nouveaux sourires.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … mais parce que, dans la mesure où il a traité du titre Ier, « Bâtiments et urbanisme », il a bien entendu retenu toute l’attention de mon département ministériel.

M. Bernard Frimat. Si ce n’est pas le meilleur des rapporteurs, c’est le plus calme ! (Rires.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’un des meilleurs, c’est certain ; le plus calme, je ne sais pas si je peux partager cette appréciation. (Nouveaux rires.)

La qualité du travail accompli en commission nous a permis de progresser sur de nombreux points. Nous avons réussi, au fil du temps et par le dialogue, à trouver un équilibre entre le texte présenté par le Gouvernement et les souhaits de la Haute Assemblée. Nous sommes parvenus à un texte équilibré qui nous permettra d’avancer dans les bonnes directions.

Le Grenelle II consacre des évolutions majeures en matière d’urbanisme. La méthode que nous avons suivie, y compris avec le Sénat, fut celle du dialogue et de la concertation. Avec ce texte, nous faisons deux choix majeurs.

Le premier choix, et le plus important, est de « verdir » l’ensemble des documents d’urbanisme, de permettre d’intégrer les enjeux de développement durable, de définir un véritable projet transversal qui réunit l’ensemble des documents d’urbanisme.

Le second choix, c’est de simplifier l’ensemble des outils d’urbanisme afin de raccourcir les délais de réalisation des projets. En ce sens, les quatre ordonnances relatives à l’urbanisme nous permettront de simplifier de façon durable nos outils d’urbanisme afin d’améliorer la qualité et la rapidité de la construction de logements.

En qualité d’élu local et d’ancien parlementaire, je tiens à ce que, par le biais d’un groupe miroir, les parlementaires soient associés à la rédaction des ordonnances. Cet engagement a été pris par Jean-Louis Borloo en commission ; je veillerai à ce qu’il soit tenu.

M. Daniel Soulage et Mme Élisabeth Lamure se sont interrogés sur l’urbanisme en milieu rural, sujet qui a été régulièrement évoqué.

Je tiens à préciser que le Grenelle ne stérilise pas le milieu rural. Nous ne souhaitons pas opposer le milieu urbain et le milieu rural. Une telle opposition serait d’ailleurs contreproductive.

Le Grenelle II permet de développer le milieu rural. Les mesures qui visent à limiter la consommation foncière doivent nous permettre de préserver des terres et des exploitations agricoles qui, sinon, pourraient être morcelées et réduites à des surfaces qui les situeraient en deçà du seuil de l’économiquement viable.

Le présent projet de loi n’interdit pas la construction en zone rurale, mais nous considérons que, comme en milieu urbain, la construction doit se faire en maîtrisant le niveau de consommation foncière et en associant la politique de déplacement – elle ne se limite évidemment pas à implanter le tramway partout – et de logement. Tel est l’objet du « verdissement » des outils d’urbanisme : intégrer la dimension rurale.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis, a interpellé le Gouvernement sur l’économie des sols. Je lui répondrai en deux temps.

En premier lieu, le SCOT reste une orientation et ne devient pas un instrument normatif de gel des sols.

En second lieu, nous n’avons jamais été aussi attentifs à la protection des espaces agricoles. C’est un enjeu partagé que les documents de planification prendront mieux en compte en mettant en avant une gestion économe du foncier.

Permettez-moi de revenir d’un mot sur la notion de densité, évoquée par les uns comme par les autres à plusieurs reprises. Il ne faut pas confondre densification et dévalorisation : l’une n’entraîne pas nécessairement l’autre. Le VIe arrondissement de Paris, par exemple, connaît une très forte densification mais ne souffre d’aucune dévalorisation, vous en conviendrez.

C’est un élément fondamental de la politique de l’urbanisation que nous souhaitons mener. Oui, nous souhaitons densifier un certain nombre de constructions, mais cette densification ne doit pas entraîner une dévalorisation des quartiers.

Mme Nicole Bricq, MM. Daniel Raoul et Didier Guillaume ont évoqué les outils financiers qui permettront de financer les dispositions du Grenelle II.

On nous a reproché à plusieurs reprises de ne pas avoir les moyens financiers de nos ambitions.

M. Didier Guillaume. C’est notre crainte !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Vous me permettrez donc de vous présenter une nouvelle fois l’ensemble des outils que nous avons mis au service de nos ambitions.

Les particuliers bénéficieront de l’éco-prêt à taux zéro et du crédit d’impôt, mesures qui sont d’ores et déjà des réussites.

Les bailleurs sociaux seront exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, et auront accès à l’éco-prêt à 1,9 % de la Caisse des dépôts et consignations.

M. le ministre d’État a exposé aujourd’hui à Toulouse les moyens que nous mettons à la disposition des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux pour leur permettre de conduire la réhabilitation énergétique des bâtiments et du logement social.

Les collectivités locales pourront conclure plus facilement des contrats de performance énergétique et auront la possibilité de produire de l’électricité à partir des ressources renouvelables.

Comme vous pouvez le constater, ce projet de loi prévoit les outils financiers qui permettront aux différents acteurs de répondre à l’ambition du volet « habitat » porté par le Grenelle II.

Le plan « bâtiment » de ce projet de loi prévoit un diagnostic de performance énergétique généralisé, notamment dans les copropriétés, un affichage de cette performance énergétique dans les annonces immobilières et une amélioration du processus de construction qui nous permettra de vérifier à chaque étape que la réglementation thermique est prise en compte.

Cela donnera la garantie à l’acquéreur d’un logement neuf que le bien qu’il achète correspond à la performance énergétique attendue. Il s’agit évidemment d’une avancée majeure.

Enfin, une adaptation des règles applicables aux copropriétés facilitera la réalisation des travaux d’économie d’énergie.

Monsieur Biwer, le Gouvernement partage votre souci d’améliorer la fiabilité du diagnostic de performance énergétique. C’est aujourd’hui un outil fondamental pour l’information des propriétaires et des locataires. On peut, certes, en déplorer les insuffisances, mais il faut savoir que le coût d’un DPE est de 150 euros, contre 1 500 euros pour l’autre outil à disposition.

Il faut améliorer l’information de nos concitoyens, mais avec un outil efficace, le DPE, et d’un coût relativement limité. Opter pour l’autre solution, celle du diagnostic thermique, c’est porter la facture à 1 500 euros, ce qui n’est sans doute pas votre intention.

M. Ambroise Dupont, également rapporteur pour avis, a évoqué, comme nombre d’autres intervenants, le fameux article 14 et la nécessité de demander l’avis, qui sera conforme ou non, de l’architecte de Bâtiments de France sur les opérations qui sont menées dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP.

Vous avez soulevé de nombreux points très justes et représentatifs du débat passionné qui a eu lieu lors de l’examen du Grenelle I sur ce fameux article 14 relatif à l’avis des ABF.

Sachez qu’il n’y a pas de volonté de discréditer la profession d’architecte des Bâtiments de France. Leur expertise est indispensable, mais nous devons éviter des situations bloquées, sans dialogue possible, parfois perçues comme le résultat de décisions arbitraires. Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans un dialogue de sourds.

La décision du ministre de la culture de créer une commission répondra à l’attente des sénateurs et des députés et nous permettra de donner un véritable « chef » – c’est le terme utilisé par M. Dominique Braye en commission – aux ABF.

La création d’une voie de recours, via le préfet, me semble constituer une bonne solution. Il reste à définir si elle interviendra à l’échelon départemental ou à l’échelon régional et à estimer l’opportunité d’une commission préalable. Nous travaillerons sur toutes ces questions avec le ministère de la culture.

Mme Évelyne Didier a évoqué la suppression, proposée par le Gouvernement, de l’article 2 ter.

Le Gouvernement ne souhaite pas que les locataires subissent des hausses de loyers. Son objectif est au contraire d’améliorer leur pouvoir d’achat en réduisant la facture énergétique. C’est la raison pour laquelle il soutiendra la suppression de l’article 2 ter. En revanche, il apparaît tout à fait légitime que les locataires qui réaliseront des économies d’énergie reversent une partie des sommes ainsi économisées aux propriétaires qui ont financé les travaux.

Nous travaillons en ce sens. Un décret est en cours de préparation et j’espère que nous pourrons rapidement aboutir sur ce sujet.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Nous aurons bien évidemment, tout au long de la discussion des articles, l’occasion de revenir plus dans le détail sur les différents points qui ont été abordés dans cette discussion générale.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à la tradition de cette maison, la discussion à laquelle nous venons d’assister a été riche d’observations, de propositions et de remarques qui viendront utilement nourrir le débat pour les semaines à venir.

Votre implication, sur toutes ces travées, prouve, s’il en était encore besoin, à quel point les objectifs du Grenelle de l’environnement sont désormais partagés. Comme l’a rappelé Jean-Louis Borloo, il est urgent de se concentrer sur le « comment faire », afin que la « boîte à outils » du Grenelle soit la plus complète et la plus efficace possible.

Sur le titre VI, traitant de la gouvernance, qui est la partie du texte que j’aurai le plaisir de défendre devant vous, M. Daniel Dubois, rapporteur, a complètement intégré cette préoccupation.

Monsieur Dubois, vous avez fait le choix du pragmatisme et la simplification. Permettez-moi de saluer ce travail d’harmonisation et de cohérence qui se traduit par de nombreuses améliorations apportées au texte initial, sur votre initiative.

Je pense notamment à l’introduction de façon systématique dans les rapports annuels des critères environnementaux retenus dans le choix des politiques d’investissement des SICAV ou de sociétés de gestion de portefeuilles.

Je pense aussi à la normalisation de la présentation des informations sociales et environnementales fournies par les entreprises dans le cadre de leur rapport de gestion, de façon à permettre des comparaisons intersectorielles, sur le plan français comme aux échelons européen et international, au fur et à mesure que les normes progresseront.

L’objectif est de donner, à terme, la même place aux informations environnementales et sociales qu’aux informations financières.

Monsieur Raoul, je considère qu’il n’est pour l’instant ni possible ni souhaitable d’aller plus loin dans la contrainte. Nous serons particulièrement attentifs à l’amélioration de la qualité des informations fournies et à leur utilisation par les entreprises elles-mêmes afin de progresser vers un développement plus durable dans toutes ses composantes.

Le même souci d’efficacité a guidé la commission de l’économie lorsqu’elle a transformé la faculté d’exécution directe par la société mère des obligations de prévention ou de réparation dans le domaine de l’environnement incombant à l’une de ses filiales par une faculté de prise en charge financière.

À cet égard, monsieur le rapporteur de la commission des lois, j’ai pris acte de vos propositions pour améliorer la sécurisation de cet important dispositif. Ces questions sont très complexes et nous aurons sans aucun doute l’occasion d’y revenir au cours de la discussion, car je ne doute pas qu’elles susciteront de nombreux échanges.

Votre commission a bien voulu approuver les dispositions prévues par le Gouvernement pour l’affichage progressif, à partir de 2011, d’un « prix carbone » des produits tout au long de leur cycle de vie. C’est une disposition essentielle pour que nous nous dirigions progressivement vers une économie de plus en plus « décarbonée », car le consommateur pourra, par ses choix, influer sur l’économie.

Cependant, madame Didier, je ne pense pas que tout repose sur le consommateur : de nombreuses dispositions du projet de loi visent à obliger les producteurs à réduire leurs émissions.

Le titre VI réforme également en profondeur les études d’impact et les enquêtes publiques. Nous le faisons bien sûr afin de nous mettre en conformité avec nos obligations européennes, mais cela présentera aussi et surtout l’avantage de rendre ces procédures plus lisibles et plus transparentes.

Soumettre certains projets à une étude d’impact par un examen « au cas par cas » nous permettra à la fois de nous conformer à la directive européenne et d’introduire une plus grande flexibilité. Cela évitera de recourir à une évaluation systématique pour des projets de moindre ampleur, tout en gardant un filet de sécurité.

La procédure de cadrage préalable sur l’initiative du porteur de projet, adoptée par votre commission, apportera un élément de sécurité supplémentaire pour le porteur de projet, qui saura précisément et très tôt ce qui sera attendu de lui, tout en laissant place au dialogue par l’instauration d’une concertation le plus en amont possible, là aussi sur l’initiative de ce porteur de projet. Lorsque l’on est un élu local, on mesure toute l’importance de cette mesure.

J’en viens aux enquêtes publiques.

Il n’y aura plus que deux types d’enquête, contre 180 actuellement, ce qui évitera bien des erreurs et des contentieux. Par ailleurs, toutes les propositions qui visent à éviter certains allongements de délais tout en donnant une cohérence plus grande à l’enquête publique sont bienvenues. Ainsi devient-il possible, par exemple, de suspendre une enquête pour compléter le dossier et d’éviter ainsi l’application des délais administratifs en cas d’évolution nécessaire du projet. Une enquête complémentaire peut être conduite au vu de ces modifications.

Dans le cas de procédures multiples, il est désormais possible de procéder à une enquête publique conjointe unique plutôt que de recourir à plusieurs enquêtes publiques simultanées, ce qui représente un gain pour les citoyens en termes de lisibilité.

Dans cette logique, il est clair que les propositions de votre commission pour faciliter l’expérimentation d’une communication en ligne de l’évaluation environnementale et d’un résumé non technique du dossier d’enquête vont également dans le sens d’une simplicité et d’une transparence plus grandes.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions relatives à l’information et à la concertation, enjeu essentiel, comme vous l’avez bien compris, monsieur le rapporteur, il est clair que notre objectif est de parvenir, par la concertation avec les acteurs du Grenelle, aux solutions les plus équilibrées possible pour tendre vers une « démocratie écologique ».

C’est en ce sens que nous nous félicitons de toutes les avancées adoptées par la commission pour élargir aux représentants des collèges du Grenelle les différentes instances de concertation comme la Commission nationale du débat public ou d’autres commissions locales, telles que les nouvelles commissions locales d’information autour des infrastructures linéaires.

Nous avons également été sensibles aux clarifications qui ont été introduites, d’une part, dans la définition des associations représentatives qui auront vocation à participer aux instances consultatives traitant des politiques touchant à l’environnement, d’autre part, dans le contenu des rapports sur la situation en matière de développement durable que les communes de plus de 50 000 habitants devront établir préalablement aux discussions sur leur budget. Ces rapports viseront tant le fonctionnement de la collectivité que ses politiques.

La définition des critères de représentativité des acteurs environnementaux est aussi un sujet qui fera l’objet d’amendements. Je pense que le débat en séance publique pourra nous permettre de confronter utilement les points de vue.

Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de cette discussion générale, qui a d’ores et déjà été particulièrement intéressante et constructive, permettez-moi de vous remercier de la qualité de nos échanges.

La discussion des articles devrait nous permettre d’enrichir encore le projet de loi et de déboucher sur des instruments qui rendront demain l’accès au développement durable plus simple et plus transparent pour l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.-M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de vous retrouver après cette brève interruption estivale. Ayant été retenue, avec M. le ministre d’État, par une audition de l’Assemblée nationale sur la taxe carbone, je n’ai pu assister à l’ensemble de la discussion générale. Je le regrette et vous prie de m’en excuser.

Je procéderai de manière sans doute assez scolaire, mais j’envisagerai les titres les uns après les autres.

Je commencerai par le titre III, concernant l’énergie et le climat.

Je souhaiterais au préalable souligner l’apport de la commission, et tout particulièrement de M. Bruno Sido, rapporteur, qui, comme à son habitude, a fait preuve d’un esprit d’ouverture et de critique constructive, afin de nous faire partager ses lumières sur le sujet. Qu’il en soit remercié.

La question de l’éolien a fait l’objet de plusieurs développements, notamment de la part de M. Tropeano. Notre doctrine n’a absolument pas varié sur le sujet : il s’agit bien d’améliorer la planification territoriale et d’introduire dans les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie un volet « développement des énergies renouvelables ».

S’agissant des parcs éoliens, nous avons pour logique d’éviter le mitage. À défaut, nous n’atteindrions pas nos objectifs et nous risquerions de voir se développer des contestations.

Nous travaillons dans cet esprit, et M. Bruno Sido, rapporteur, a d’ailleurs présenté des amendements sur ce sujet.

M.  Raoul a affirmé tout à l’heure que le bilan carbone des panneaux photovoltaïques était négatif. Je profite de l’occasion pour préciser que, au contraire, ils ont un bilan carbone positif dès lors que leur durée d’exploitation est comprise au minimum entre six mois et deux ans, en fonction des différentes techniques.

J’aborderai maintenant le titre IV, concernant la biodiversité.

Là encore, nous partageons la conviction de M. Bruno Sido, rapporteur, et nous le remercions de son appui et de la détermination dont il fait preuve sur cette question.

La commission a notamment proposé, concernant les produits phytosanitaires, toute une série d’ajustements et de corrections très utiles sur la prescription, la collecte ou l’épandage aérien.

De plus, les dispositions qui concernent les compensations lors d’opérations d’aménagement foncier sont absolument déterminantes pour le développement de l’agriculture biologique dans notre pays.

Madame Didier, vous avez souligné le risque de confusion, pour le consommateur, entre la certification Haute Valeur Environnementale, ou HVE, et le « bio ». Un tel risque pourrait effectivement exister si les labels HVE pouvaient se développer sans aucun contrôle et si leurs critères d’attribution étaient banalisés. Nous serons extrêmement vigilants en la matière. Des groupes de travail ont d’ores et déjà été mis en place afin d’apporter la plus grande attention au développement du label HVE.

Je voudrais aussi rassurer M. Soulage. Notre ministère n’est absolument pas opposé au développement de retenues collinaires ou de barrages lorsqu’il existe de vrais conflits d’usage et, surtout, une ressource insuffisante. Néanmoins, les enjeux environnementaux nous imposent de restaurer les cours d’eau et de veiller à la bonne qualité des eaux. En outre, si des retenues collinaires sont créées, il est normal que chaque bénéficiaire de la nouvelle ressource puisse contribuer à l’investissement et au fonctionnement de ces ouvrages.

Mme Herviaux a demandé que l’on encadre plus fortement l’usage des produits phytopharmaceutiques dans les zones non agricoles, en particulier par les « jardiniers du dimanche ».

Nous souscrivons pleinement à cet objectif. Des travaux sont en cours avec les ONG et les professionnels, afin de mettre au point un arrêté d’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment dans les lieux fréquentés par le public.

M. Muller a fait part de sa déception en ce qui concerne les avancées introduites par le projet de loi sur le modèle agricole français, notamment s’agissant de l’utilisation des pesticides. Monsieur le sénateur, nous ne souhaitons vraiment pas promouvoir l’utilisation des pesticides par la publicité, et les dispositions du texte ne relèvent pas de cet esprit. Nous sommes à l’écoute de toutes les propositions qui pourront être faites par la Haute Assemblée en la matière.

Je souhaiterais maintenant dire un mot de la trame verte et de la trame bleue.

M. Gilles en a rappelé les principaux objectifs, et il a entièrement raison. Leur rôle est absolument déterminant si l’on veut avancer sur la question de la biodiversité. La boîte à outil est compliquée, mais nous sommes sur la bonne voie.

Le dispositif de la trame verte et de la trame bleue sera opposable aux infrastructures nationales, mais il ne le sera pas aux infrastructures locales, même s’il est pris en compte par ces dernières. C’est un point sur lequel il est important de poursuivre la pédagogie.

Enfin, M. Biwer a fait part de son inquiétude à propos de l’agriculture. Or la trame verte et la trame bleue ne s’opposent en rien à une agriculture respectueuse de l’environnement, bien au contraire.

J’en viens au titre V, qui concerne les risques, la santé et les déchets.

Je commencerai par les questions de santé environnementale.

Je voudrais remercier M.  Louis Nègre, rapporteur, d’avoir introduit dans le projet de loi les conclusions de la table ronde « radiofréquences, santé, environnement » et d’être même allé plus loin en interdisant la publicité pour les moins de quatorze ans et, surtout, l’utilisation du téléphone portable, y compris au collège. Nous vous suivrons sur ce sujet aussi loin que vous irez, monsieur le rapporteur !

Concernant les déchets, je voudrais remercier M. Dominique Braye, rapporteur, dont je connais l’engagement personnel sur le sujet. Je suis, comme lui, convaincue qu’il faut se méfier des effets de mode : il n’y a pas une solution unique !

M. Muller a formulé plusieurs interrogations sur les objectifs de ce projet de loi. Je vous rappelle toutefois qu’ils ont été votés dans le cadre de la loi Grenelle I. Certains les jugent ambitieux ; je pense pour ma part qu’ils sont tout à fait réalistes et nous ne revenons pas dessus.

M.  Antoinette a évoqué plusieurs sujets de préoccupation concernant les DOM. Il est vrai que le projet de loi dit « Grenelle II » ne comporte pas expressément de dispositions spécifiques propres à l’outre-mer, notamment concernant les déchets. Mais cela ne signifie pas que nous serons inactifs pour autant sur ce sujet. Au contraire, le plan de soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui est issu du Grenelle, prévoit de favoriser la mise en œuvre des dispositions pour l’outre-mer.

Quant à la biodiversité, vous savez combien nous y sommes attentifs. Sans l’outre-mer, la France ne serait pas l’un des meilleurs spots au monde pour la biodiversité.

Enfin, je souhaiterais dire un mot de la réforme de l’affichage publicitaire.

Je voudrais remercier tout particulièrement M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, de sa grande disponibilité et le féliciter pour le travail qu’il a mené sur un sujet extrêmement délicat.

En l’espèce, nous souhaitons équilibrer le dispositif, avec une responsabilisation accrue et une clarification des règles. Ce sont les maires qui seront responsables de la police de l’affichage. Les procédures seront simplifiées et démocratisées et, surtout, la publicité sera fortement limitée hors agglomération. Enfin, les pouvoirs de police, voire les sanctions, seront renforcés.

Le débat concernant ce dispositif relève tout à fait de la Haute Assemblée. Nous devons progresser sur ce sujet, et nous serons totalement disponibles pour examiner l’ensemble des propositions qui iront dans ce sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)