retard dans la mise en place de la dotation de développement urbain

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 587, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Daniel Reiner. Ma question porte sur le retard très important pris dans la mise en place de la dotation de développement urbain.

L’article 172 de la loi de finances pour 2009, votée en décembre 2008 au Sénat, a instauré une nouvelle dotation de développement urbain, ou DDU, d’un montant de 50 millions d’euros pour l’ensemble du territoire national. Dans l’esprit, cette nouvelle dotation devait permettre aux cent premières communes répondant à trois critères – l’éligibilité à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, une proportion de population résidant en zone sensible supérieure à 20 % et un conventionnement avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU – d’obtenir des financements pour « réaliser des projets d’investissement ou des actions dans le domaine économique et social ». L’utilisation de ces crédits est subordonnée à la signature d’une convention entre le préfet, représentant de l’État dans le département, et les communes ou établissements publics de coopération intercommunale concernés. Dans mon département, quatre communes satisfont à ces critères et sont en conséquence éligibles à cette dotation : elles ont sollicité mon intervention dès la fin du mois de mai, en raison du retard pris dans le versement de cette nouvelle dotation.

En période de crise économique, qui n’épargne naturellement pas les villes répondant aux critères d’attribution de la DDU, il est étonnant que le décret d’application ne soit paru que le 9 juin 2009, soit près de six mois après le vote de la loi. Je m’étonne d’autant plus de ce retard que l’étude d’impact remise par le Comité des finances locales, précisait dès le mois de février : « Les éléments nécessaires au calcul de la DDU seront fournis en totalité par le calcul préalable de la DSU. » La charge de travail supplémentaire se limitait donc aux tâches de notification et de versement de la DDU, qui incombent respectivement aux services préfectoraux et au réseau du trésor public. Cette nouvelle dotation ne représentait donc pas une charge administrative lourde.

Lorsque j’écrivais cette question, en juin dernier, les préfectures n’avaient pas encore reçu de consigne sur la mise en place de cette dotation. Cette question a depuis perdu un peu d’actualité puisqu’elle n’a été inscrite à l’ordre du jour qu’en octobre : les préfectures ont reçu entre-temps des directives, mais les conventions sont toujours en cours de signature à la mi-octobre. Naturellement, le retard pris dans l’application de cette mesure handicape les communes qui auront du mal à mener, d’ici à la fin de l’année, les actions qu’elles avaient définies.

Je m’inquiète aussi de l’utilisation totale des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2009. Il conviendrait d’éviter que les reports de crédit dans la loi de finances pour 2010 ne s’imputent sur la nouvelle dotation. Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que les crédits reportés s’ajouteront bien aux nouveaux crédits alloués ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement exposé le dispositif de la dotation de développement urbain, je n’y reviendrai donc pas. Je vous répondrai sur les problèmes de délais qui fondent votre interrogation.

En premier lieu, les délais que vous mentionnez sont tout à fait explicables. Vous avez évoqué une date de parution tardive du décret d’application, publié le 9 juin 2009. Mais je me permets de vous rappeler qu’il était obligatoire de saisir au préalable, pour avis, le Comité des finances locales. Cette saisine est intervenue dès le 3 février, soit un mois seulement après l’entrée en vigueur de la loi de finances. Ensuite, la Commission consultative des normes a été saisie le 5 mars et, enfin, le Conseil d’État s’est prononcé le 7 avril.

En second lieu, pour tenir compte des enjeux liés à cette dotation et des délais de consultation nécessaires, le Gouvernement a anticipé la parution du décret : dès le 19 mai, il a transmis à l’ensemble des préfets la liste des cent communes éligibles à la DDU en 2009, le montant des enveloppes départementales, ainsi qu’un projet de circulaire relative à cette dotation. Les préfets ont donc pu entamer, de façon informelle, les discussions avec les communes éligibles de leur département, qui ont pu elles-mêmes, dès le printemps, commencer à réfléchir et à programmer leurs dossiers.

La circulaire relative à la DDU, publiée le 15 juin, a fixé au 15 septembre la date limite de signature des conventions. Les préfets pourront donc procéder aux premiers versements de subvention au plus tard au début de l’automne. Enfin, la totalité des autorisations d’engagement de crédits leur a été déléguée.

Vous vous interrogez également, monsieur le sénateur, sur le niveau de consommation des crédits en 2009, compte tenu des délais constatés pour la mise en place des dotations.

Je tiens à vous préciser, d’une part, que les collectivités éligibles à la dotation bénéficient de garanties de paiement. Ainsi, pour anticiper dès à présent l’éventualité d’une sous-consommation des crédits de paiement 2009, il est prévu de reporter sur 2010 le reliquat de crédits restant : les projets retenus en 2009 dans le cadre de cette dotation seront par conséquent financés à hauteur des montants inscrits dans les conventions.

D’autre part, le principe de la DDU est reconduit dans le projet de loi de finances pour 2010 à hauteur de 50 millions d’euros. Cette dernière information répond aux craintes que vous avez exprimées dans votre question.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je remercie Mme la secrétaire d’État de ces précisions, que je transmettrai aux communes qui m’avaient sollicité. J’ai souligné le fait que ma question, rédigée en juin, n’était plus tout à fait d’actualité. Cela dit, votre réponse, madame, m’inspire deux remarques.

En premier lieu, ces délais de mise en œuvre, même s’ils sont normaux, s’avèrent très longs dans la mesure où cette dotation nouvelle est très spécifique et ne concerne que cent communes. Les délais administratifs ne sont pas adaptés à la réalité du terrain : en période de crise, il est nécessaire d’intervenir rapidement. Peut-être serait-il souhaitable de raccourcir les délais de saisine de l’ensemble des organismes concernés.

En second lieu, je persiste à regretter que ces crédits ne soient pas totalement utilisés en 2009 : ils n’auront pas contribué à améliorer la politique de la ville dans ces communes cette année, ni concouru à la mise en œuvre du plan de relance.

Cela étant, j’ai bien noté que les crédits non utilisés seraient reportés en 2010, d’une part, et que des crédits d’un montant identique à celui de 2009 seraient réinscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, d’autre part, sans confusion entre ces deux masses financières.

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

7

Engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi organique

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin (no 634, 2008-2009), déposée sur le bureau de notre assemblée.

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Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Discussion générale (suite)

Loi pénitentiaire

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 1er A

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pénitentiaire (n°  20).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, au-delà de sa mission constitutionnelle d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat s’est toujours particulièrement investi dans la défense des libertés.

Il n’est donc pas étonnant qu’il ait marqué une attention constante à la situation des établissements pénitentiaires et aux conditions de détention dans notre pays. Comment ne pas rappeler une fois encore le rapport issu de la commission d’enquête présidée par Jean-Jacques Hyest, Prisons : une humiliation pour la République, qui, tout en reconnaissant les mutations profondes de notre administration pénitentiaire ces dernières décennies, n’en appelait pas moins à des réformes fondamentales ? Le projet de loi pénitentiaire a naturellement rejoint bon nombre de nos préoccupations et nous nous sommes efforcés, dans un travail largement consensuel, d’en améliorer le contenu.

Le volet relatif aux conditions de détention, à la différence de la partie consacrée aux aménagements de peine, avait suscité une déception largement partagée. Nous nous sommes donc employés à l’enrichir, rééquilibrant ainsi les deux aspects du projet de loi.

L’Assemblée nationale, sous l’impulsion de son rapporteur, Jean-Paul Garraud, a confirmé et conforté l’essentiel des apports du Sénat.

Ont ainsi été approuvés l’institution d’une obligation d’activité avec pour corollaire la possibilité pour les plus démunis d’obtenir en numéraire une partie de l’aide apportée par l’État, la limitation des fouilles, le renforcement des garanties reconnues aux détenus menacés de sanctions disciplinaires, avec la présence d’une personne extérieure à l’administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline, l’obligation de garantir la sécurité des personnes détenues, avec l’instauration d’un régime de responsabilité sans faute de l’État pour les décès en détention survenus du fait d’une agression commise par un autre détenu, et l’extension à tous les détenus du bilan d’évaluation prévu au début de l’incarcération.

Alors que le Sénat prévoyait la possibilité de consultation des détenus par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées, l’Assemblée nationale en a fait une obligation, reconnaissant ainsi un droit d’expression aux personnes détenues. Elle a imposé la motivation du refus d’un permis de visite. Alors que le Sénat avait consacré le droit au respect de la dignité des personnes détenues, l’Assemblée nationale, dans une rédaction plus protectrice, enjoint à l’administration pénitentiaire de garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.

De même, les députés ont très largement validé les modifications introduites dans le projet de loi sur l’initiative de M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales. Ils ont en particulier maintenu la garantie que les fouilles corporelles internes, dont le Sénat avait également prévu qu’elles ne pourraient être réalisées que par un médecin requis à cet effet par l’autorité judiciaire, ne puissent être faites par un médecin affecté à l’établissement.

Si les députés ont supprimé la référence à la permanence des soins, tout en maintenant le principe de qualité et de continuité des soins en milieu pénitentiaire, ils ont garanti aux détenus un accès aux soins d’urgence « dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population ».

Enfin, l’Assemblée nationale a ajouté un certain nombre de dispositions relatives aux femmes détenues, prévoyant par exemple la possibilité d’organisation d’activités de façon mixte et l’obligation que tout accouchement ou examen gynécologique se déroule sans entraves et hors de la présence des personnels pénitentiaires.

Le volet consacré aux aménagements de peine a fait l’objet d’un certain rééquilibrage, rééquilibrage qui a davantage joué par rapport aux dispositions proposées par le Gouvernement dans le projet de loi initial que par rapport aux modifications introduites par le Sénat en première lecture.

Le projet de loi déposé au Sénat portait de un à deux ans le quantum ou le reliquat de peine d’emprisonnement susceptible de faire l’objet, en cours d’exécution, d’un aménagement de peine par la juridiction de jugement ab initio ou par le juge de l’application des peines. L’Assemblée nationale, sans mettre en cause le principe de cette disposition, a souhaité exclure les personnes condamnées en état de récidive légale de son champ d’application.

Cette position, qui se révèle cohérente avec la législation des années récentes, ne met nullement en cause les avancées nombreuses du texte en matière d’alternatives à l’incarcération, qu’il s’agisse de l’élargissement du champ des bénéficiaires, de l’assouplissement de leurs conditions d’octroi ou encore de la simplification des procédures.

En outre, la portée de cette restriction doit être relativisée. Un aménagement de peine n’est jamais automatique et la juridiction de jugement, ou le juge de l’application des peines, apprécie notamment le passé pénal de l’intéressé avant de lui en accorder le bénéfice. Une personne condamnée en état de récidive légale serait donc, de toute façon, moins susceptible de bénéficier d’un aménagement de peine qu’un primo-délinquant.

Au total, le nombre de points de désaccord entre les deux assemblées apparaissait donc limité. Il en était deux principaux portant, d’une part, sur les conditions dans lesquelles une personne détenue peut, à quatre mois de sa libération, être placée sous surveillance électronique et, d’autre part, sur le principe de l’encellulement individuel.

La commission mixte paritaire, réunie le 7 octobre dernier, a, sur le premier point, adopté une proposition de rédaction de ses deux rapporteurs attribuant la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique à quatre mois de la libération au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, sous l’autorité du procureur de la République, auquel il reviendra de fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. En l’absence de décision de placement, la personne condamnée pourra saisir le juge de l’application des peines.

En ce qui concerne les modalités d’encellulement, second point de désaccord, bien que la rédaction de l’Assemblée nationale se rapprochât de celle du Sénat, la commission mixte paritaire est revenue à la rédaction du Sénat et a maintenu la règle de l’encellulement individuel assortie, d’une part, des trois dérogations déjà admises dans notre droit – lorsque les intéressés demandent l’encellulement collectif, lorsque la personnalité des détenus justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls, lorsque les détenus ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent – et, d’autre part, de la reconduction du moratoire pour une période de cinq ans pour la mettre en œuvre.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire, à l’article 1er A relatif au sens de la peine, a complété le texte adopté par l’Assemblée nationale afin d’indiquer que le régime d’exécution de la peine privative de liberté doit être inspiré par l’objectif de permettre à la personne détenue, comme l’avait prévu le Sénat, de mener une vie responsable.

À l’article 2 quinquies, la commission mixte paritaire a précisé, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, le caractère « indépendant » de l’observatoire chargé de collecter et d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l’exécution des décisions de justice en matière pénale, à la récidive et à la réitération.

Elle a en outre repris la disposition adoptée par le Sénat selon laquelle le rapport de cet observatoire devrait comporter une estimation du taux de récidive et de réitération par établissement pour peines afin de pouvoir appréhender l’incidence des conditions de détention sur la récidive et sur la réinsertion.

La commission mixte paritaire a supprimé l’article 12 bis A, issu d’un amendement qu’avait adopté par l’Assemblée nationale et qui tendait à abroger l’article L. 7 du code électoral. Même si cet article, en prévoyant une automaticité de la peine d’inéligibilité, est susceptible de donner lieu à de profondes injustices, le projet de loi pénitentiaire ne constitue pas le cadre adapté pour trancher cette question.

À l’article 20 bis, la CMP a adopté, sur la proposition des parlementaires socialistes et des membres du groupe socialiste, radical et citoyen, une modification qui prévoit que les médecins et personnels soignants intervenant en milieu carcéral ne peuvent être requis d’office pour effectuer une expertise médicale ou un acte dénué de lien avec les soins ou la préservation de la santé du détenu.

Sur l’initiative de notre collègue Nicolas About, la commission mixte paritaire a rétabli l’article 22 quater dans le texte du Sénat, en prévoyant la constitution, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, d’un dossier médical électronique unique pour chaque personne détenue.

À l’article 47, la commission mixte paritaire. a fixé à soixante-dix ans, comme l’avait proposé le Sénat, contre soixante-quinze ans dans le texte de l’Assemblée nationale, l’âge dispensant de l’obligation d’avoir accompli un temps d’épreuve pour pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle.

Enfin, madame la ministre d’État, je me suis engagé, devant la commission mixte paritaire, à vous interroger sur trois points.

Le premier concerne l’article 14 bis, que le Sénat avait introduit dans le projet de loi et qui était relatif à la possibilité de donner, dans le code des marchés publics, une priorité aux productions des établissements pénitentiaires. L’Assemblée nationale a logiquement supprimé cette disposition, qui relevait du domaine du règlement, mais les membres de la commission mixte paritaire ont souhaité savoir si le Gouvernement ne jugerait pas opportun de reconnaître, lors de la passation de marchés publics, un droit de préférence au service pénitentiaire de l’emploi et aux sociétés concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par des personnes détenues.

Le deuxième point est lié à une proposition de modification qui, présentée par le député Philippe Goujon, visait à harmoniser la liste des produits « cantinables » ainsi que les prix de ces produits entre les différents établissements pénitentiaires.

Le troisième point a trait à une proposition de notre collègue Nicolas About tendant à reconnaître à l’administration pénitentiaire la possibilité de rémunérer des détenus faisant fonction d’aidant auprès d’autres détenus en situation de handicap.

Serait-il possible, madame le ministre d’État, de donner satisfaction à nos deux collègues par le biais de l’élaboration, en application de l’article 49 A du projet de loi, d’un règlement intérieur-type, selon les grandes catégories de structures, de manière à limiter les risques d’inégalité tout en permettant aux détenus de mieux appréhender leurs droits et leurs devoirs ?

M. Nicolas About. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame la ministre d’État, mes chers collègues, je vous avais confié, lors du premier examen de ce texte, qu’un échec sur la question pénitentiaire serait la principale déception de ma vie de parlementaire. Je sais bien que tous les problèmes ne sont pas réglés et que le quotidien restera encore longtemps très difficile dans l’univers carcéral. Mais je suis convaincu que nous avons posé ensemble les conditions d’une véritable rupture entre la prison d’hier et celle de demain.

Il nous appartiendra désormais de veiller à ce que les moyens de notre ambition collective ne nous soient pas refusés, afin de faire de l’incarcération un temps utile, et non plus un temps mort, et de se donner les meilleures chances de réussir, grâce aux alternatives à l’incarcération et aux aménagements de peine.

Lorsque, loin des écoles de la récidive, nos prisons deviendront des ateliers de la réinsertion, elles auront cessé à tout jamais d’être une « humiliation pour la République ». (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous vous apprêtez à voter marque l’aboutissement d’un long processus, qui est lui-même l’expression d’une prise de conscience et le signe d’une réelle ambition.

Le texte rappelle que la prison remplit aujourd’hui une triple mission : protéger la société – car on ne saurait oublier cette fonction –, sanctionner les actes de délinquance et les actes criminels, mais aussi, comme vous l’avez tous rappelé, renforcer la lutte contre la récidive en aidant à une réelle réinsertion des détenus.

Ce projet de loi, en favorisant la prise de conscience de l’état lamentable de nos prisons, est cohérent avec la politique de construction de nouveaux établissements qui a été lancée en 2002 et qui nous permettra de disposer, d’ici à 2012, de 63 000 places, nombre qui correspond à celui des détenus.

Ce texte sera concrétisé par des actions destinées à développer les activités en milieu pénitentiaire et à améliorer le suivi médical et social des condamnés.

Je tiens à souligner que le Sénat s’est, d’emblée, pleinement impliqué dans l’élaboration de ce texte fondamental pour l’avenir de nos prisons. Et je me plais à souligner combien les débats ont été riches, fructueux, souvent passionnants, parfois passionnés… Les échanges entre votre assemblée, l’Assemblée nationale et le Gouvernement ont permis à chacun de faire valoir sa vision, ses préoccupations, sa sensibilité et d’apporter son expertise.

Je souhaite saluer, en cette fin de discussion, l’implication de votre rapporteur, M. Jean-René Lecerf. Grâce à lui, avec votre aide et votre soutien, le texte a gagné à la fois en cohérence, en lisibilité et en pertinence.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des avancées obtenues au cours de la discussion au Sénat. Pour autant, trois points, qui ont fait l’objet des discussions les plus longues, méritent d’être soulignés.

D’abord, les devoirs et les droits des détenus ont été clarifiés.

Le respect de dignité humaine, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, ne s’arrête pas aux portes de la prison. En inscrivant dans la loi le droit à des soins médicaux de qualité, le Sénat a montré son attachement à certaines valeurs.

Il est important que les assemblées, ainsi que l’opinion publique, aient toujours conscience que le temps de l’incarcération est un temps de sanction, mais aussi de reconstruction. C’est la raison pour laquelle l’obligation d’activité du détenu doit être reconnue. À cet égard, les améliorations apportées par le Sénat ont permis d’aboutir aujourd'hui à un texte véritablement ambitieux. Il faudra évidemment que les moyens suivent.

Monsieur le rapporteur, vous m’interrogez notamment sur le droit de préférence qui devrait être accordé à certaines entreprises donnant du travail aux détenus. Vous le savez, ces dispositions relèvent du code des marchés publics, mais elles pourraient effectivement y être ajoutées.

La diversification des activités qui peuvent être proposées au détenu me paraît également importante et devrait s’inscrire dans le cadre d’un parcours tourné vers les préoccupations de la société telles que la protection de l’environnement ou le développement durable.

Je souhaite à présent insister sur le principe de l’encellulement individuel, qui est consacré par le texte.

Il s’agit, vous le savez, d’un objectif que nous partageons avec vous. Néanmoins, par respect du caractère normatif de la loi – c’est peut-être mon tropisme d’universitaire – et pour éviter un énième moratoire, j’avais souhaité que le texte soit immédiatement applicable. Cela étant, le Sénat et l’Assemblée nationale ont fait un choix différent et je mettrai bien entendu tout en œuvre pour que soit atteint l’objectif à l’issue des cinq ans du moratoire. Les 5 000 places supplémentaires annoncées par le Président de la République et destinées à prolonger le plan qui est mis en œuvre depuis 2002 nous permettront de nous rapprocher dans les meilleurs délais de l’objectif qui nous est commun.

Soyez assurés, en tout cas, que je ferai le maximum pour respecter ce qui est décidé par le Parlement.

Nous avons également travaillé ensemble sur les règles d’aménagement des peines.

Aujourd’hui, ces règles sont cohérentes avec notre politique pénale et devraient normalement nous permettre d’avancer dans la bonne voie.

Toutefois, je suis préoccupée par l’inexécution des peines prononcées par un juge. Non seulement celle-ci est, à mes yeux, moralement inadmissible, mais elle aussi très négative pour l’image de notre justice, sans compter qu’elle bat en brèche la triple mission de la prison.

Le texte et les actions inscrites en loi de finances nous permettront de faire en sorte que les peines prononcées soient effectivement exécutées. Grâce aux aménagements de peine, notamment en fin de peine, nous pourrons rapidement mettre un terme à ce scandale résultant de la non-exécution de 30 000 peines.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre succès ou notre échec commun – je ne pense pas que l’on puisse, à cet égard, distinguer entre le Parlement et le Gouvernement – se mesurera à la diminution de la récidive. Cela signifiera que l’on a permis à ceux qui ont commis des fautes à un moment donné de se réinsérer.

Pour y parvenir, plusieurs conditions sont requises : à côté du texte, qui donne un cadre, il faut mener des actions concrètes au sein des établissements et à leur sortie.

À cet égard, je souhaiterais répondre à deux interrogations sur des points très concrets.

J’ai constaté, lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, des différences entre les cantines, qui, si elles pouvaient s’expliquer en théorie, n’en étaient pas pour autant justifiables. Je peux d’ores et déjà vous dire que, par voie réglementaire, l’alignement des différents tarifs des produits de cantine est maintenant en cours.

Vous avez également, monsieur le rapporteur, évoqué la rémunération des détenus aidants. Ce point s’inscrit bien dans la logique qui conduit à montrer aux détenus qu’ils peuvent jouer un rôle pour les autres, c’est-à-dire, aussi, dans la société. Il pourra être effectivement intégré sans aucune difficulté dans le décret d’application sur les droits et les devoirs des détenus. Je souligne au passage qu’une aide peut également être attribuée par le biais des conseils généraux puisque ceux-ci interviennent eux-mêmes dans le domaine du handicap.

Je conclurai en soulignant qu’à mes yeux l’efficacité de la réponse pénale, qui est aussi de notre responsabilité, va totalement de pair avec le respect de la dignité de la personne condamnée. C’est la condition sine qua non pour que le temps de l’emprisonnement soit un temps positif, un temps permettant de réparer des échecs passés.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens du texte sur lequel vous allez vous prononcer, tel est le sens de la politique pénale du Gouvernement, tel est aussi, je le pense, le sens de l’avenir de notre société tout entière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)