M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. J’irai dans le même sens que M. Frimat qui, pour être l’un des auteurs de notre nouveau règlement, sait parfaitement que nous ne sommes plus dans la même situation qu’auparavant : les textes étant désormais adoptés d’abord en commission, tous les amendements que nous examinons en séance publique ont déjà été refusés par cette dernière. Il est donc tout à fait logique qu’ils recueillent de nouveau un avis défavorable, sauf s’ils permettent une amélioration du texte à la marge, comme c’est le cas ici.

Cela s’inscrit dans la logique du nouveau règlement du Sénat, tel qu’il a été rédigé et adopté par nous tous, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. La logique serait, à l’inverse de ce que dit M. Gélard, de régler les détails en commission et de réserver les débats de fond, s’il en reste, à la séance publique.

M. Patrice Gélard. Non, ce n’est pas l’esprit du texte que nous avons adopté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si la juridiction ne s'est pas prononcée à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la présentation du moyen, toute partie à l'instance peut demander, dans le délai d'un mois, au Parlement ou à ses commissions compétentes d'interpréter la disposition législative dans les conditions prévues par l'article 12 de la loi des 16 et 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire. L'interprétation ainsi donnée s'impose tant que le Conseil constitutionnel n'a pas statué ou que la disposition législative n'a pas été modifiée. La décision du Parlement ou de ses commissions compétentes est notifiée aux parties, au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, et aux membres du Conseil constitutionnel.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il serait difficile d'accepter que le Conseil d'État ou la Cour de cassation puissent s'enfermer dans un silence prolongé, constituant un déni de justice et une violation des droits définis par l'article 61-1 de la Constitution.

Si l'on peut admettre qu’il n’est pas souhaitable d’imposer aux juridictions suprêmes des délais trop stricts, l'action engagée par les parties concernées doit néanmoins absolument aboutir à une décision.

Notre éminent collègue Michel Charasse a eu l’idée lumineuse de se référer à la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, dont l'article 12, toujours en vigueur, confère au Parlement un pouvoir d'interprétation de la loi. Nous proposons ainsi que le Parlement ou ses commissions compétentes puisse être saisi, à l’expiration du délai visé, afin de statuer sur l'interprétation de la loi, cette interprétation restant valable tant que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé ou que le Parlement n'a pas décidé de modifier la disposition législative en cause.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. L’insertion de cet amendement après l’alinéa qui traite des juridictions inférieures pose problème : comment pourrait-on demander au Parlement d’interpréter un texte qui fait l’objet d’une procédure juridictionnelle ? C’est une première hérésie du point de vue du principe de la séparation des pouvoirs.

De plus, il est proposé que le Parlement puisse intervenir alors que la procédure se déroule dans les juridictions inférieures, avant transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : c’est une seconde hérésie.

Par conséquent, monsieur Mézard, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 5 rectifié, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L’adoption de cet amendement amènerait le Parlement à intervenir dans une instance en cours en donnant une interprétation de la disposition législative contestée. Or il n’est ni possible ni souhaitable, à mon sens, que le législateur se prononce à l’occasion d’un litige individuel. Monsieur le sénateur, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié est retiré.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Après les mots :

peut statuer

insérer le mot :

provisoirement

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je retire cet amendement, monsieur le président, ainsi que les trois amendements suivants.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse et Mézard, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« En tout état de cause, le Conseil d'État ou la Cour de cassation doivent, lorsqu'il sont saisis de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution ou aux engagements internationaux de la France,…

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Charasse et Alfonsi, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Remplacer les mots :

doit, lorsqu'il est saisi

par les mots :

doivent, lorsqu'ils sont saisis

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Charasse et Alfonsi, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 27, dernière phrase

Remplacer les mots :

est tenu

par les mots :

sont tenus

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 18, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 30, 31 et 32

supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Plus le temps passe, plus je me dis que j’ai eu raison de ne pas voter la révision constitutionnelle, qui aboutit à interdire au juge de soulever la question de constitutionnalité et empêche en outre de poser dans la loi constitutionnelle le problème de possibles conflits d’intérêts, mais dont un texte d’application règle en revanche dans le détail la procédure par laquelle la Cour de cassation doit se prononcer si elle est saisie.

En réalité, il ne s’agit pas, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur le fond, sur la constitutionnalité de la disposition législative visée : il appartient au Conseil constitutionnel de le faire ; il s’agit simplement de jouer un rôle de filtre – filtre que, pour ma part, je trouve un peu épais… Comme l’a dit tout à l’heure M. Cointat, faisons confiance au juge pour décider s’il faut ou non transmettre la requête au Conseil constitutionnel. Nous aurions tout intérêt à alléger le texte en supprimant les alinéas 30, 31 et 32.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. S’il est interdit par la Constitution d’introduire des dispositions qui relèvent de la loi organique dans une loi ordinaire, l’inverse n’est nullement vrai. Les dispositions dont nos collègues demandent la suppression ne sont donc pas contraires à la Constitution et sont au cœur même du dispositif visé par l’article 61–1.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La création de la formation spéciale visée au trentième alinéa de l’article est souhaitée par la Cour de cassation pour assurer un examen rapide des questions de constitutionnalité et pour éviter des divergences de jurisprudence entre les chambres. On ne peut qu’y souscrire.

Cette organisation fonctionne d’ailleurs aujourd’hui de façon très satisfaisante dans le cas, par exemple, des saisines pour avis de la Cour de cassation, où l’avis est rendu par une formation spéciale prévue par le code de l’organisation judiciaire.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je n’ai jamais dit que les alinéas en question étaient anticonstitutionnels ; j’ai simplement soutenu qu’ils étaient parfaitement superfétatoires. Il revient à la Cour de cassation de s’organiser, non pas, je le redis, pour examiner dans de bonnes conditions la requête au fond, avec toutes les précautions que cela suppose, mais pour décider si elle transmet ou non cette dernière au Conseil constitutionnel. La suppression de ces alinéas apporterait une clarification.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi organique doit fixer les conditions dans lesquelles sont examinées les requêtes. Dans cette perspective, les alinéas visés ne me semblent pas superfétatoires.

Monsieur Collombat, vous avez indiqué que vous vous étiez opposé à la révision de la Constitution, mais je ne pense pas que vous étiez défavorable à l’article 61-1.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous vos collègues ont dit qu’il s’agissait d’une bonne réforme !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes donc contre ?

M. Pierre-Yves Collombat. Vous le saurez à la fin des débats !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est intéressant !

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je comprends parfaitement la position de M. le rapporteur, mais j’avoue être embarrassé par la disposition en question, car la volonté du constituant n’était pas, à mon sens, d’organiser les travaux de la Cour de cassation. Dans ces conditions, je m’abstiendrai sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Je voudrais, à la suite de M. Cointat, souligner que nous ne sommes vraiment pas ici au niveau de la loi organique : les alinéas en cause descendent dans le détail d’une façon étonnante.

L’alinéa 30 semble marquer une certaine solennité : « L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre. »

À l’alinéa 31, les choses commencent à se dégrader : « Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre. »

Enfin, l’alinéa 32 procède à une sorte de délégation générale : « Pour l’application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu’il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués, qu’ils désignent parmi les conseillers de la chambre. »

Pensez-vous vraiment nécessaire d’inscrire dans la loi organique les différents niveaux de délégation au sein de la Cour de cassation ? Laissons-la s’organiser : les tendances spontanéistes et révolutionnaires de cette juridiction ne sont guère à redouter… (Sourires.)

En supprimant les alinéas précités, on conférerait à ce texte un peu plus de solennité. C’est d’ailleurs l’opinion profonde et intime de M. Portelli, même s’il dit le contraire…

M. Hugues Portelli, rapporteur. C’est fou ce que l’on me fait dire !

M. Bernard Frimat. Les contraintes de la fonction de rapporteur sont telles qu’il faut quelquefois sacrifier sa liberté d’expression.

Supprimer les alinéas en question ne porterait nullement atteinte au fond du texte qui nous est présenté. C’est simplement une question de niveau : la loi organique doit-elle prévoir la désignation de délégués par les présidents de chambre de la Cour de cassation ? Pour ma part, je ne le pense pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 23-8. - Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat sont avisés par le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, et peuvent présenter des observations. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 21, 20 et 22.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 37, première et deuxième phrases

Supprimer ces phrases.

II. - Alinéa 37, dernière phrase

Supprimer le mot :

également

L'amendement n° 22, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Après le mot :

République

rédiger ainsi la fin de l'alinéa :

, le Premier ministre et les Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, lesquels informent les membres de leur assemblée respective. Les autorités sus nommées peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui leur est soumise. Le même droit est ouvert à soixante députés ou soixante sénateurs.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Sueur. Ces trois amendements relèvent d’une logique commune. Les amendements nos 21 et 20 sont, en quelque sorte, des amendements préjudiciels, qui visent à vous convaincre, mes chers collègues, du bien-fondé de l’amendement n° 22.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale est particulièrement bizarre. Il prévoit que le Conseil constitutionnel, une fois saisi soit par la Cour de cassation, soit par le Conseil d’État, avisera immédiatement le Président de la République et le Premier ministre, qui pourront lui adresser leurs observations sur la question de constitutionnalité soulevée. Le texte précise ensuite que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat seront également avisés par le Conseil constitutionnel, en quelque sorte à titre subsidiaire et sans pouvoir, quant à eux, formuler d’observations.

Or il s’agit de se prononcer sur une loi, toujours votée par le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement ou de parlementaires. Admettons que le Président de la République et le Premier ministre soient avisés par le Conseil constitutionnel, mais il faudrait pour le moins que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat soient placés sur le même plan que le pouvoir exécutif, afin notamment qu’ils puissent eux aussi formuler un avis. Nous serions honorés que MM. Larcher et Accoyer puissent exprimer leur point de vue !

Mes chers collègues, cette rédaction n’est pas digne du rôle dévolu au Parlement par la Constitution. Nous ne pouvons donc pas l’accepter.

Par ailleurs, la saisine du Conseil constitutionnel émane, depuis 1974, de soixante députés ou de soixante sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement !

M. Jean-Pierre Sueur. Par symétrie, nous proposons donc que le même nombre de députés ou de sénateurs puissent exprimer leur avis sur la question de constitutionnalité soulevée à propos d’une loi qui aura été nécessairement adoptée par le Parlement.

Monsieur le secrétaire d'État, je connais les objections qui ont été opposées à cette proposition par Mme le garde des sceaux à l’Assemblée nationale. Il a été affirmé aux députés qu’une telle mesure était inutile, parce qu’ils pouvaient s’adresser par lettre au Conseil constitutionnel. En effet, tout le monde a la possibilité d’écrire à cette haute juridiction ; on peut même lui envoyer des cartes postales : cela fera travailler La Poste ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Néanmoins, on voit bien que cette réponse est quelque peu dilatoire. Inscrire dans la loi organique que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat informeront les membres de leur assemblée respective et que soixante députés ou soixante sénateurs pourront présenter leurs observations au Conseil constitutionnel n’est pas anodin au regard des droits du Parlement. Nous ne doutons pas que le Conseil constitutionnel accordera une toute particulière importance aux remarques qu’ils formuleront.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Portelli, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 23-8.- Le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui est soumise. 

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24 et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 21, 20 et 22.

M. Hugues Portelli, rapporteur. L’amendement n° 24 vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, aux termes duquel le Conseil constitutionnel avise les quatre autorités qui sont informées dans le cadre de la saisine actuellement en vigueur.

Les remarques formulées par M. Sueur nous semblent justifiées. Par ailleurs, nous estimons que l’on ne peut écarter le Premier ministre et le Président de la République, qui participent eux aussi, directement ou indirectement, à la procédure législative, que ce soit à travers l’initiative des lois, leur promulgation ou la demande éventuelle d’une seconde délibération d’un texte de loi. Il est donc normal que ces quatre autorités, toutes actrices du processus législatif, soient avisées par le Conseil constitutionnel et puissent formuler des observations.

Si cette proposition de la commission était adoptée, les autres amendements en discussion commune n’auraient plus d’objet. En ce qui concerne l’amendement n° 22, qui prévoit notamment d’ouvrir le droit à soixante députés ou sénateurs d’adresser leurs observations au Conseil constitutionnel, je souligne que tout parlementaire a cette faculté : il est inutile d’être soixante ou davantage pour prendre une telle initiative. Inscrire une telle disposition dans la loi organique n’est donc pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Bien entendu, je ne vois pas comment le Gouvernement pourrait s’opposer à l’amendement n° 24, qui vise à rétablir son texte initial !

J’ajoute que cette rédaction n’interdit pas aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, s’ils le souhaitent, de recueillir en outre les observations des membres de leur assemblée, selon des modalités qui relèvent du règlement de celle-ci.

En ce qui concerne la possibilité, pour soixante députés ou sénateurs, d’adresser leurs observations au Conseil constitutionnel, je fais mienne l’argumentation de M. le rapporteur.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 24 et défavorable aux amendements nos 21, 20 et 22.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 20 et 22 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art.... - Un membre du Conseil constitutionnel siégeant au titre du deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution peut décider de ne pas participer aux délibérations dans lesquelles est en cause une disposition législative promulguée par lui au titre du premier alinéa de l'article 10 de la Constitution.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 9 rectifié est retiré.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 44

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement est lui aussi retiré, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
Article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions des articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale sont applicables lorsque le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu'il y ait eu sursis à statuer  et a rendu sa décision  sur le fondement d'un texte abrogé par le Conseil constitutionnel.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme je l’ai exposé lors de la discussion générale, le projet de loi organique n’a pas prévu d’introduire dans le code de procédure pénale un mécanisme spécifique de révision permettant de tirer les conséquences de la décision d’abrogation par le Conseil constitutionnel pour l’instance ayant donné lieu à la saisine de ce dernier, lorsque les voies de recours ordinaires et le pourvoi en cassation ne peuvent plus être exercés.

Il existe donc un vide juridique, qu’il nous paraît essentiel de combler, d’autant que les hypothèses visées concerneront, notamment au pénal, des questions touchant aux libertés individuelles, particulièrement lorsqu’une détention est en jeu.

En outre, l’absence d’une telle disposition inciterait les parties à soulever prioritairement la question de conventionalité, ce qui pourrait avoir pour conséquence de vider les dispositions de l’article 61-1 de la Constitution de leur intérêt.

Afin de combler ce vide juridique, la procédure applicable au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme devrait pouvoir s’appliquer également, nous semble-t-il, quand le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu’il y ait sursis à statuer et rendu une décision sur le fondement du texte abrogé par la haute juridiction.

Dans un tel cas de figure, si cet amendement était adopté, le dispositif prévu aux articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale s’appliquerait de la même manière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Monsieur Sueur, la question que vous soulevez est intéressante et importante. Malheureusement, le dispositif que vous proposez est inapplicable en l’occurrence.

En effet, l’article du code de procédure pénale auquel vous faites référence concerne les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Or les décisions de cette juridiction ont pour caractéristique principale de s’appliquer à un litige en particulier et de ne produire des effets que pour ce dernier, même si, bien entendu, la Cour de cassation peut être conduite à s’inspirer, dans sa jurisprudence, des principes dégagés par la Cour européenne de Strasbourg, pour les appliquer à d’autres affaires.

Les articles du code de procédure pénale que vous citez, mon cher collègue, ne visent que cette situation. Or l’abrogation par le Conseil constitutionnel d’une disposition législative constitue un autre cas de figure, car son effet est définitif : la loi en cause a cessé d’exister, alors que, dans le cas d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, elle existe toujours !

Le code de procédure pénale vise donc à répondre au problème posé par une loi qui existe toujours mais dont la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’elle ne s’appliquait pas au litige pour lequel la juridiction a été saisie. Il s'agit de deux cas de figure juridiques totalement différents, et la procédure prévue pour l’un ne peut être transposée à l’autre.

Indépendamment de l’intérêt de la question que vous soulevez, mon cher collègue, la réponse que vous fournissez est inapplicable dans le cadre du texte de loi organique dont nous discutons ce soir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. On ne saurait mieux dire ! Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur, je ne voterai pas cet amendement. J’en suis désolé pour MM. Sueur et Collombat, mais les arguments qui lui ont été opposés sont imparables.

Cela dit, la question soulevée méritait de l’être.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle existe !

M. Christian Cointat. En effet, monsieur Sueur.

Certes, la Constitution comporte tout de même un certain nombre de garde-fous, puisque le Conseil constitutionnel se voit confier une mission claire. Toutefois, j’aurais préféré, je ne le cache pas, que la loi organique prévoie un dispositif garantissant une clarté totale et une complète sécurité juridique en cas d’invalidation d’une disposition législative ayant déjà produit des effets.

Cela étant, puisque la loi organique reste muette sur ce point, il appartiendra au Conseil constitutionnel de préciser clairement, pour chacune de ses décisions, comment sera assurée la sécurité juridique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est déjà prévu dans la Constitution !

M. Christian Cointat. Je le sais, monsieur le président de la commission, mais j’aurais préféré qu’on précise ce point dans la loi organique, même si nous pouvons faire confiance au Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais cela figure déjà à l’article 62 de la Constitution ! Voulez-vous que je relise cet article ? Nous n’allons pas le répéter dans la loi organique !

M. Christian Cointat. Je le répète, j’aurais apprécié qu’une telle disposition figure également dans la loi organique ; néanmoins, puisque tel n’est pas le cas, nous ferons confiance au Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’article 62 de la Constitution dispose qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision […] ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »

Monsieur Cointat, estimez-vous que ce texte n’est pas assez précis et qu’il doit être répété dans la loi organique ? La Constitution est sur ce point tout à fait explicite, me semble-t-il. La question judicieusement posée par M. Sueur trouve sa réponse dans la Constitution.