M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je voudrais, sans personnaliser le débat, m’adresser à M.  Assouline. Puisque les files d’attente sont si longues dans les bureaux de poste du XXe arrondissement, M. Longuet et moi-même, respectivement élus de la Meuse et de la Haute-Marne, invitons les personnes trop lasses à venir s’installer chez nous : tout s’arrangera, car elles trouveront, pour les accueillir, des logements vacants pas chers et des postes où l’attente ne dépasse pas trois minutes !

Mme Marie-France Beaufils. Dans les départements de province aussi, on fait la queue !

M. David Assouline. Vous voulez déporter les populations, peut-être ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Bruno Sido. Je vous en prie, je disais cela pour détendre l’atmosphère !

Notre discussion témoigne d’une curieuse conception de la gestion d’une entreprise. Grâce aux financements que nous venons de prévoir, le service public est assuré, singulièrement en milieu rural, notamment par les points de contact, dans des endroits où la « rentabilité » – on peut quand même citer le mot ! – n’est pas extraordinaire. Dès lors, une entreprise comme La Poste ne manquera pas de réagir là où les attentes aux guichets seraient trop longues, de crainte de voir les concurrents, allemands ou autres, venir s’y installer.

Il est évident que le nombre de 17 000 bureaux de poste est un minimum. Et il n’est absolument pas exclu que La Poste crée des bureaux là où la demande est importante. Avez-vous jamais vu une entreprise refuser des clients ?

Il faut savoir raison garder et admettre que La Poste sera, comme toute entreprise, soucieuse de se développer. Elle créera donc de nouveaux points de contact là où ils sont nécessaires. Je crois que nous pouvons être tranquilles sur ce point !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour explication de vote.

M. Adrien Giraud. Présent dans cette enceinte depuis le début de cette discussion sur La Poste, je l’ai suivie avec beaucoup d’attention et de réserve.

Si je me permets de prendre la parole devant vous, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est parce que j’ai constaté un certain glissement dans nos propos et dans nos comportements.

Monsieur le ministre, vous avez été interrogé tout à l’heure par Mme Khiari au sujet de Nice. Si je faisais la même comparaison entre Nice et Mayotte, je pourrais vous dire que celle-ci a été française avant celle-là et avant la Savoie. Dois-je pour autant vous attribuer le sous-développement de Mayotte ? Je dis que non ! Vous avez trouvé une situation à Mayotte et vous essayez de nous aider.

Je voudrais, mes chers collègues, que nous puissions aujourd’hui remettre le débat sur La Poste.

M. Adrien Giraud. Comme l’a dit tout à l’heure Didier Guillaume, La Poste est un outil que nous avons hérité de nos anciens. Nous devons le choyer, nous employer à son extension et cesser de le critiquer ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Presque tous ici, nous avons exercé des mandats d’élus locaux. Et je ne mets pas en doute le fait que les élus locaux, quels qu’ils soient, partout où ils sont, ont à cœur de défendre leur territoire. Je serais bien en peine pour citer un maire ou un conseiller général qui ne se soit pas battu pour conserver le bureau de poste menacé de fermeture ou l’administration sur le point d’être délocalisée !

Mais, dans les faits, que se passe-t-il avant même le vote de la loi ? Les représentants de La Poste viennent démarcher les maires jusque dans leurs bureaux pour faire un constat « partagé », disent-ils, du fonctionnement du bureau de poste. Le seul but est, arguments à l’appui, de faire admettre aux maires, pris séparément – on évite la confrontation avec l’ensemble des élus du territoire ! –, qu’il faut réduire les heures d’ouverture de leur bureau de poste et commencer à faire perdre de la substance à ce dernier.

Je veux en venir à la commission départementale de présence postale. Un certain nombre de nos collègues y voient le lieu où les choses doivent être débattues. Peut-être ! Probablement ! Mais débattre est une chose, en tirer des conclusions en est une autre.

Ce que je constate, c’est que, jusqu’à présent, ces commissions départementales n’ont pas empêché les réductions d’ouverture des bureaux de poste, voire leur fermeture, même si le cas est plus rare.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Yannick Botrel. Certes, les élus qui cherchent un lieu pour s’exprimer peuvent toujours prendre position dans ce cadre, mais, bien souvent, ils ne sont pas entendus. Si on veut donner du contenu et du sens à ce que l’on fait, il faut que la parole des élus soit entendue là où elle peut porter !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 490.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 4

Articles additionnels après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 575 rectifié, présenté par MM. Maurey, Biwer, Deneux et Détraigne, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au III de l’article L. 518-25-1 du code monétaire et financier, les mots : « bureaux de postes » sont remplacés par les mots : « points de contact ».

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Les 17 000 points de contact concourent d’ores et déjà directement à la mission d’accessibilité bancaire remplie par La Poste au travers du livret A, mais aussi, indirectement, à la prestation d’autres services financiers. En effet, aux termes des conventions d’organisation des agences postales communales et intercommunales, les APC proposent au public des services postaux, mais aussi des services financiers et prestations associées.

Je veux parler du retrait d’espèces sur Postépargne ou livret d’épargne du titulaire dans la limite de 300 euros. Je veux aussi parler du retrait d’espèces, du paiement de mandat, de la transmission au bureau centre pour traitement direct, des demandes de services liées aux CCP, des demandes d’émission de mandat cash d’un montant maximum de 300 euros, des procurations liées aux services financiers, des versements d’espèces sur son propre compte courant postal dans la limite de 300 euros par période de sept jours, des versements d’espèces sur un Postépargne ou livret d’épargne, dans la même limite.

De même, dans le cadre des conventions de gestion des relais Poste, les commerçants reçoivent « mandat d’exécuter » un certain nombre d’opérations telles que le retrait en espèces pour les titulaires de CCP et de livret A dématérialisé – Postépargne – à titre de dépannage, limité à 150 euros par période de sept jours consécutifs et par compte.

Or, ces opérations ne relèvent aujourd’hui que du dépannage, lequel constitue cependant, pour bon nombre de nos concitoyens, le seul accès à des services financiers.

Le présent amendement vise donc à prévoir explicitement que les conditions de dépôt et de retrait sur le livret A seront bien précisées dans la convention entre l’État et la Banque postale pour l’ensemble des points de contact et pas seulement les bureaux de poste. En ce qui concerne les agences communales ou les agences liées aux commerçants, il va de soi que la formation des personnels devrait suivre sous l’autorité de La Poste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement pose un problème avec le code monétaire et financier. En effet, il aurait pour conséquence d’autoriser des agents communaux et des commerçants à effectuer des opérations directement sur les livrets A.

Le système actuel paraît préférable : les opérations effectuées dans les agences postales communales et les relais Poste sont réalisées sur des livrets A « dématérialisés », avec un système de compensation entre La Poste et le point de contact. Ces prestations, certes limitées, nous permettent de respecter le code monétaire et financier.

Monsieur le ministre, j’aimerais savoir si vous partagez mon avis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Je partage pleinement votre avis, monsieur le rapporteur.

M. le président. Monsieur Biwer, l’amendement n° 575 rectifié est-il maintenu ?

M. Claude Biwer. La commission et le Gouvernement demandent-ils le retrait de l’amendement ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ce serait bien que vous puissiez le retirer, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur le sénateur, au regard des prestations bancaires très simples offertes par les points de contact qui ne sont pas toujours organisés pour permettre aux déposants d’effectuer les opérations prévues au titre de l’accessibilité bancaire, il me semble préférable d’en rester à l’équilibre actuel. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Biwer, que décidez-vous en définitive ?

M. Claude Biwer. Je peux comprendre les arguments de M. le ministre, et je retire donc l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 575 rectifié est retiré.

L'amendement n° 576 rectifié, présenté par MM. Maurey, Détraigne, Dubois, C. Gaudin, Merceron, Amoudry, Pozzo di Borgo et Biwer et Mmes Morin-Desailly et Férat, est ainsi libellé :

Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l’article L. 518-25-1 du code monétaire et financier est complété par les mots : «, conformément à la mission de service public de La Poste ».

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Cet amendement vise à réaffirmer le principe d’accessibilité des services financiers de La Poste relevant de sa mission de service public.

En effet, par la capillarité exceptionnelle de son réseau, le groupe La Poste est devenu et reste un acteur de proximité en même temps qu’un « guichet social » pour nos concitoyens ayant des difficultés à s’intégrer dans le système bancaire, notamment au travers de la distribution du livret A.

L’adoption du présent projet de loi ne doit pas remettre en cause cette vocation singulière, par ailleurs reconnue par la Commission européenne dans sa décision du 10 mai 2007.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’article 2 du projet de loi, qui précise, par référence à l’article L. 518-25-1 du code monétaire et financier, que le livret A correspond à une mission de service public.

Je souhaiterais donc que vous acceptiez de le retirer, monsieur Biwer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Cet amendement est en effet totalement satisfait, et j’en demande également le retrait.

M. le président. Monsieur Biwer, l'amendement n° 576 rectifié est-il maintenu ?

M. Claude Biwer. Les choses vont mieux en les disant, mais en les disant une fois et non pas deux ! (Sourires.) Je retire donc l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 576 rectifié est retiré.

Articles additionnels après l'article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 5

Article 4

L’article 9 de la même loi est ainsi rédigé:

« Art. 9. – L’État conclut avec La Poste le contrat d’entreprise mentionné à l’article 140 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. »

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l'article.

M. Jean-François Voguet. Cet article, selon le commentaire qui en est fait dans le rapport de la commission de l’économie sur le projet de loi, précise que l’État conclut avec La Poste un contrat d’entreprise au sens de l’article 140 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques.

Ce contrat d’entreprise se substitue dans la loi à l’actuel contrat de plan, dont l’objet est de définir les objectifs généraux assignés à La Poste, mais également les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.

Cette nouvelle désignation des relations contractuelles unissant l’État et La Poste permet très clairement de désigner le changement d’orientation des objectifs de celle-ci et apparaît comme une conséquence du changement de statut.

Rien n’obligeait en effet la loi à substituer au contrat de plan un contrat d’entreprise. Les deux pouvaient coexister.

De plus, l’actuel contrat de service public respecte les dispositions précitées de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Il n’y avait donc pas d’obligation.

Jusqu’en 2008, le contrat définissant les relations entre la puissance publique et La Poste s’intitulait « contrat de plan » ; mais celui qui est en vigueur possède non plus cette dénomination mais celle de « contrat de service public ». Il est vrai que la notion de planification n’est plus en vogue : le Commissariat général du Plan a été supprimé et les contrats de plan État-région ont été remplacés par des contrats d’objectifs.

Il s’agit dans votre esprit, monsieur le ministre, de supprimer toute référence à la puissance publique. Comme le suggère son intitulé, le nouveau contrat sera celui d’une simple entreprise.

Parce que nous ne voulons pas que La Poste devienne une entreprise comme les autres, nous demandons la suppression de cet article.

Nous estimons que les missions spécifiques remplies par La Poste au titre de ses missions de service public doivent s’incarner dans un contrat spécifique et non dans un simple contrat d’entreprise.

La Poste n’est pas une entreprise comme les autres ; elle reste l’entreprise préférée des Français, qui ont prouvé le 3 octobre dernier leur attachement à ce service public de proximité.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 63 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 292 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 491 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Vera, pour défendre l’amendement n° 63.

M. Bernard Vera. Notre amendement de suppression de l’article 4 est un amendement de cohérence.

En effet, depuis le début de nos travaux, nous n’avons eu de cesse, d’une part, d’exprimer notre opposition résolue au projet de loi, d’autre part, de définir toujours plus précisément dans ce texte les missions de service public de La Poste.

À chaque fois, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous vous y êtes opposés, laissant toujours le soin à divers décrets de préciser les missions et les moyens à mettre en œuvre.

Avec cet article 4, vous allez dans le même sens, en laissant cette fois à un contrat d’entreprise pluriannuel le soin de déterminer les objectifs liés à l’exercice de la mission de service public assignée à La Poste et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre, ainsi que les relations financières entre l’État et l’entreprise.

De facto, vous excluez les parlementaires, donc la représentation nationale, de tous moyens d’intervention réels.

Ainsi, par cet article, vous décidez que l’avenir de La Poste, ses objectifs et ses moyens seront négociés entre le ministre de l’économie et le P-DG de l’entreprise privée La Poste, dans le secret des cabinets ministériels.

Nous avons quant à nous une autre conception du rôle des parlementaires et de la nécessaire transparence dans les relations entretenues entre le pouvoir et les entreprises.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 292.

M. Jean Desessard. Je souhaite la suppression de cet article pour une raison de cohérence, même si je salue l’amélioration rédactionnelle apportée par la commission.

Le changement de statut de La Poste en société anonyme a pour effet l’abandon des contrats de plan au profit d’un contrat d’entreprise, qui se borne à « déterminer les objectifs liés à l’exercice de la mission de service public assignée à l’entreprise, les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre […] et les relations financières entre l’État et l’entreprise ».

Le dernier contrat entre l’État et La Poste, signé pour la période 2008-2012, était déjà révélateur d’une dilatation des liens entre l’État et l’entreprise, car il ne réglait que partiellement la question du financement du surcoût des missions de service public postal.

C’est donc un contrat vidé de son sens et de sa substance, qui consacre le désengagement progressif de l’État de ses responsabilités à l’égard du service public.

On observe la même évolution dans le secteur énergétique, avec une émancipation progressive des entreprises du secteur de la tutelle des ministres qui en sont chargés.

Au vu des crises financières, sociales et environnementales auxquelles nous sommes confrontés, il est inquiétant de voir l’État abandonner, une fois de plus, son rôle de garant des services publics, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 4.

Par ailleurs, je profite non pas de tout le temps de parole qui me reste mais seulement de vingt secondes pour dire que je suis très surpris que ni le rapporteur qui a engagé le débat sur la transformation du statut de La Poste ni le ministre chargé de La Poste ne puissent nous préciser, à nous représentants du peuple, ainsi qu’aux personnes qui suivent nos débats au moyen du net,…

M. Christian Estrosi, ministre. Important le net…

M. Jean Desessard. …quelles sont les activités de diversification qu’envisage La Poste et qui ont nécessité un tel changement législatif.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 491rectifié.

M. Roland Courteau. Nous proposons, nous aussi, la suppression de l’article 4, qui vise à modifier le contenu de l’article 9 de la loi du 2 juillet 1990 du fait du basculement de La Poste dans le droit commun des sociétés anonymes.

À l’heure actuelle, cet article 9 est ainsi rédigé : « Les activités de La Poste s’inscrivent dans un contrat de plan pluriannuel passé entre l’État et l’exploitant public [...].

« Ce contrat détermine les objectifs généraux assignés à l’exploitant public et au groupe qu’il forme avec ses filiales et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre. Le contrat de plan de La Poste précise notamment le cadre financier global, en particulier dans le domaine des investissements, des charges et des règles d’affectation des résultats. »

Quant à l’article 4 du projet de loi, il est soumis à notre examen dans la rédaction suivante : « L’État conclut avec La Poste le contrat d’entreprise mentionné à l’article 140 de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. »

Tout d’abord, permettez-moi de m’interroger sur la notion de « contrat d’entreprise » et de vous demander des précisions, monsieur le ministre, sur les différences de nature de ce nouveau contrat par rapport à l’actuel « contrat de service public » conclu entre l’État et La Poste pour la période 2008-2012.

Le basculement de La Poste dans le droit commun des sociétés anonymes se traduira-t-il par l’abandon du contrat de service public et de son contenu, lequel a précisément pour but, dans un contexte plus concurrentiel, de rappeler l’importance des missions de service public ?

Nous considérons qu’un contrat de service public précis, qui lie l’État et le prestataire de service universel, est indispensable. Ce prestataire sera La Poste pendant quinze ans ; mais ensuite, c'est-à-dire demain, que restera-t-il de ce contrat si le prestataire universel n’est plus La Poste ?

Il ne suffit pas d’assurer qu’il n’y aura pas de privatisation. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons de nous donner aujourd'hui des garanties sur le contenu du « contrat d’entreprise ».

La lecture que, pour notre part, nous en faisons est bien celle de l’amorce du basculement dans le domaine privé, et c’est pourquoi, conformément à notre opposition globale au projet de loi tel qu’il nous est présenté, nous exprimons notre refus de l’abandon de l’actuel contrat de service public et proposons la suppression de l’article 4.

Nous estimons que le nouveau contrat va poursuivre et même renforcer une politique, non seulement intentionnelle mais réelle, d’érosion du service public, tant sur le fond que dans les formes.

Le contrat d’entreprise, à l’image de ceux qui prévalent dans d’anciens EPIC aujourd’hui privatisés, est à nos yeux un cheval de Troie – pardonnez cette expression « homérienne », comme dirait Daniel Raoul, mais l’odyssée dans laquelle nous embarque le Gouvernent, dans sa soif de libéralisation des services publics, l’impose – destiné à forcer les défenses des missions de service public de La Poste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour répondre aux différentes questions, et notamment à celle de M Desessard, sur le contrat d’entreprise État-La Poste, je renvoie tout simplement à mon rapport, qui y consacre deux pages complètes détaillant le contenu du contrat qui sera signé entre La Poste, société anonyme, et l’État.

Je rappelle que, dans le système actuel, il existe déjà un contrat entre l’État et La Poste ; nous connaissons donc déjà les contours du futur contrat, et il s’agit simplement, par cohérence, de donner dans la loi la possibilité à l’État de contractualiser avec La Poste transformée en société anonyme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de m’indiquer que sont exposées dans votre rapport les conditions du contrat d’entreprise, contrat dont, par cohérence, nous proposons pour notre part la suppression, car nous ne souhaitons pas que La Poste devienne une société anonyme. Mais nous ne savons toujours pas, bien que nous ayons déjà présenté plusieurs amendements sur ce sujet, ce que la direction de La Poste a proposé comme activités de diversification à même de justifier un changement de législation.

Pour nous éclairer, et pour éclairer nos concitoyens qui suivent nos débats – le site du Sénat, on le sait, est très regardé en ce moment –, il serait bon que l’on nous fournisse la réponse à cette question que je pose, c’est vrai, pour la troisième fois et à propos de laquelle le rapporteur et le ministre n’ont pas pu manquer d’entendre les cadres dirigeants de La Poste…

Bref, je suis très surpris que personne ne réponde à cette simple question : quelles sont les activités de diversification envisagées par la direction de La Poste qui ont justifié que l’on change la législation ?

Pouvez-vous répondre à ma question, monsieur le rapporteur ? À moins que vous ne disposiez pas de tous les éléments de réponse ? Et vous, monsieur le ministre ? Peut-être devez-vous d’abord rassembler les informations exactes ? Il est vrai que, si votre réponse était sujette à caution, je serais obligé de prendre d’autres renseignements et d’en faire part à mes collègues, ce qui serait dommage.

Si vous me disiez que vous avez besoin de temps pour rassembler les éléments de réponse et pour réfléchir à la question afin de ne pas commettre d’impair, je pourrais comprendre !

Lors du débat sur la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, qui a duré trois semaines, nous étions également défavorables au texte du Gouvernement. Mais, au moins, il y avait débat ! J’ai d’ailleurs félicité Mme Bachelot, à l’issue de nos travaux, car elle nous a répondu à chaque fois, même lorsque je lui posais des questions embarrassantes : elle nous répondait directement, ou alors elle prenait l’engagement de nous répondre le lendemain. En l’occurrence, il n’y a aucune raison que ma question vous embarrasse : les responsables de La Poste ont bien dû vous dire pourquoi ils souhaitaient cette diversification !

Mais ne m’annoncez pas une réponse pour mardi, monsieur le ministre, car il n’est pas prévu que nous siégions aussi longtemps ! (Sourires.) En revanche, si vous pouviez vous engager à me répondre dans une heure ou deux, je serais satisfait. À moins que vous ne me répondiez tout de suite...

Étant donné l’importance de ce débat, il n’est pas normal que vous ne puissiez m’indiquer quelles seront les activités de diversification de la société anonyme La Poste.

Je vais préciser ma pensée : si des activités supplémentaires étaient finalement prévues par rapport à celles que vous me citerez peut-être, je ne vous en tiendrais pas rigueur ! Mais nous aimerions connaître les hypothèses envisagées concernant ces activités, qui ne font pas actuellement partie des missions de La Poste.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je respecte tous les sénateurs, même s’ils ne sont pas toujours respectueux à mon égard, comme vous avez pu le constater voilà quelques instants. Je vais donc vous apporter une fois de plus cette information, même si je l’ai déjà fait à plusieurs reprises depuis des semaines, voire des mois, notamment pour les participants de la commission Ailleret. Il semble que M. Desessard commence seulement à se pencher sur ce texte et n’ait pas suivi les précédents débats !

M. Jean Desessard. Absolument ! J’étudiais d’autres projets de loi !

M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Desessard, vous essayez de monopoliser la parole sur chaque amendement, alors que vous commencez seulement à vous intéresser à l’avenir de La Poste.

M. Jean Desessard. Ce n’est pas vrai !

Mme Évelyne Didier. Il essaie d’obtenir des informations !

M. Christian Estrosi, ministre. En tant que sénateur de la République, votre devoir était de vous intéresser à ce dossier depuis des semaines, et même des mois !

M. Gérard Longuet. Il faut se taire quand on n’y connaît rien !

M. Christian Estrosi, ministre. Bien que vous soyez le seul sénateur à poser cette question, et de façon répétitive, je ne vous soupçonne pas de tentative d’obstruction... (M. Bruno Sido sourit). Je préfère considérer que vous n’avez pas suivi nos débats depuis le début. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Je vais donc répéter ce dont nous n’avons cessé de parler dans cet hémicycle, lors des travaux de la commission Ailleret et de la commission de l’économie, mais aussi au cours de la discussion générale et à l’occasion de la présentation des motions et des prises de parole sur les articles.

Nous avons répété en boucle que La Poste devait, pour compenser la baisse de son activité courrier, concurrencée par internet, se tourner vers les métiers du courrier électronique. Dans cet objectif, La Poste a notamment racheté, en 2008, la société Experian.

Elle doit également, pour devenir une grande entreprise concurrentielle de dimension européenne en matière de colis-express notamment, s’organiser dans les métiers de la logistique en utilisant les infrastructures modernes, en particulier les plates-formes, et l’intermodalité des transports.

Dans le domaine bancaire, La Banque Postale, qui a notamment racheté Tocqueville Finance, doit être consolidée pour pouvoir monter en puissance.

Dans le domaine des services à la personne, La Poste peut jouer un rôle considérable pour accompagner l’avancement vers le grand âge et l’augmentation de la durée de vie, mais aussi en matière d’aménagement du territoire dans les endroits les plus reculés de notre territoire.