M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur de Rohan, je vous donnerai quelques précisions supplémentaires concernant l’OTAN.

Je vous confirme que, sur la période 2010-2015, le coût est estimé à 540 millions d’euros environ. Notre contribution financière au budget de fonctionnement et d’investissement de l’OTAN était de 119 millions d’euros en 2009 et s’élèvera à 138 millions d’euros en 2010. En année pleine, ce montant sera de 165 millions d’euros.

En ce qui concerne les dépenses d’investissement, la participation française au paquet « capacités OTAN » passera progressivement de 56 millions à 72 millions d’euros. Vous le savez, nous ne participons pas au paquet capacitaire qui a précédé notre réintégration dans le commandement militaire. Le surcoût en termes d’investissement est donc faible.

Il est évident que la question se poserait autrement si nous lancions de grands programmes d’investissement comme la construction d’un système de défense antimissile que Jean-Pierre Chevènement évoquait tout à l’heure. D’ailleurs, je l’ai dit à l’Assemblée nationale, je fais exactement la même analyse que lui, au mot près.

Sur la RGPP de l’OTAN, je « remets le couvert » à chaque réunion. Je ne suis pas le seul à défendre l’idée d’une refonte en profondeur de l’ensemble des structures de l’OTAN. Il existe en effet 312 comités et sous-comités, avec des effectifs de 15 000 à 16 000 personnes ! Au fil des ans, de nombreux organismes ont été mis en place, auxquels mes homologues ministres de la défense sont aussi attachés que les parlementaires à leur caserne… Nous retrouvons les mêmes réflexes au sein des pays de l’Alliance que lors d’un débat parlementaire, sur le maintien de telle ou telle unité militaire dans telle ou telle circonscription.

Nous devons mettre en place un réel contrôle politique sur les structures de l’alliance, pour qu’elles évoluent, soient rationalisées et réorganisées. Dans ce combat régulier et permanent, nous sommes soutenus essentiellement par deux pays, la Grande-Bretagne et les États-Unis.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le ministre, lors de la présentation à Genève, le 12 novembre dernier, du rapport mondial des ONG sur la lutte contre les mines antipersonnel, l’association Handicap international a accusé notre pays de porter le « bonnet d’âne du financement de l’action contre les mines ».

Que répondre à de telles affirmations ? En clair, cette association prétend que nous aurions considérablement diminué notre aide dans ce domaine.

Alors que les financements internationaux ont atteint un niveau record cette année, il est vrai que nous avons été relégués au vingt-troisième rang mondial, ce qui, proportionnellement, nous place loin derrière l’Allemagne, la Grande Bretagne ou les Pays-Bas.

Je sais, monsieur le ministre, que la contribution de la France dans ce domaine ne se mesure pas uniquement en termes de subventions versées à des associations. Cette contribution est en effet diluée dans notre aide publique au développement ; au demeurant, celle-ci est elle-même en baisse.

En revanche, le ministère de la défense, grâce à l’expertise et aux compétences des personnels de l’arme du génie, joue un rôle important dans l’élimination de ces armes.

Puisque, conformément aux engagements internationaux que nous avons pris, notre programme de destruction des stocks de mines antipersonnel est maintenant terminé, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les actions que vous menez en matière de dépollution des terrains, de formation des démineurs, mais aussi de déminage humanitaire dans le cadre de nos opérations extérieures. Tout cela figure d’ailleurs dans les traités que nous devons honorer.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord vous rappeler que, en matière de destruction des stocks de mines, les armées qui avaient débuté le démantèlement de leurs armes avant même l’entrée en vigueur de la convention l’ont achevé le 20 décembre 1999.

En matière de dépollution, le dernier chantier a été achevé en mai 2008. Nous avons donc consenti un énorme effort de destruction et de dépollution.

En application de la convention, la France conserve aujourd’hui un stock limité de 5 000 mines antipersonnel, non pas pour en faire un usage militaire, mais pour l’entraînement de ses démineurs et pour le développement des techniques de déminage ou des moyens de protection.

Par ailleurs, dois-je vous rappeler l’importance, à côté de l’apport financier, de la contribution humaine ? Vous avez fait référence à l’effort de nos militaires, de nos sapeurs, de nos hommes du génie, envoyés en permanence sur les théâtres d’opérations extérieures, notamment au Sud-Liban et dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, afin de former les équipes de démineurs. Récemment, l’adjudant Travadon, un démineur du 13e régiment du génie du Valdahon, a perdu une main à la suite d’une opération de déminage au Liban.

Nous faisons donc, à travers nos soldats, un effort considérable et permanent, à la fois dans des opérations de déminage et dans la formation de personnels d’autres pays.

Enfin, le recul des financements que vous mettez en exergue doit être relativisé, car il existe un effet d’optique. En effet, la grande partie de l’aide française passe désormais par les canaux de l’Union européenne, au sein desquels l’action contre les mines n’est pas distinguée des autres actions humanitaires. Je précise que ces crédits ne dépendent pas directement du budget du ministère de la défense.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. « Rigoureusement conforme à la loi de programmation militaire 2009-2014 », comme vous l’avez annoncé, monsieur le ministre, ce budget de la mission « Défense » serait donc l’expression concrète de la stratégie élaborée par la présidence de la République dans le Livre blanc sur la défense.

Concernant la restructuration en cours du ministère de la défense, je ne vois a priori rien de choquant, à l’heure où les finances de la France présentent un déficit abyssal, à ce que l’on cherche à mutualiser les moyens, à ce que l’on réexamine l’organisation territoriale et fonctionnelle des armées, à condition, bien sûr, que cela réponde à une stratégie claire et cohérente.

Laissons de côté les doutes que l’on peut avoir sur la sincérité de ce budget. L’expérience a montré que les prévisions de recettes exceptionnelles ne correspondent pas aux montants finalement récoltés. On sait aussi que le coût des opérations extérieures est, d’une façon chronique, sous-évalué. Enfin, nous restons dans l’expectative quant à la facture consécutive au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, dont vous avez vous-même admis ne pas savoir exactement où elle pourrait nous mener…

Venons-en plutôt à votre stratégie.

Vous avez, au cours des derniers mois, déployé des trésors d’argumentation pour essayer de nous faire croire que le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN allait permettre à notre pays de gagner en influence, que ce retour pourrait paradoxalement permettre à l’Europe de la défense de se développer de façon plus sûre. Il aura suffi de quelques mois pour vérifier qu’il n’en est rien.

D’ailleurs, en relisant votre intervention à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, j’ai été étonné de constater que, en l’absence d’interrogations des parlementaires, vous n’aviez pas spontanément évoqué cette question.

Vous venez de reconnaître que la France s’en remettait désormais entièrement à l’OTAN et aux États-Unis pour décider de la teneur des opérations militaires en Afghanistan, et, après nous avoir expliqué que l’effort ne serait pas augmenté en Afghanistan, vous opérez une sorte de retournement sur l’aile en disant qu’il pourrait finalement en aller autrement.

Vous nous dites également que c’est par le biais de l’Agence européenne de défense, en réalité dépourvue de moyens et d’objectifs, que nous pourrons contribuer à la construction de l’Europe de la défense.

Vous semblez gêné pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, en nous disant que la France a fait l’essentiel et qu’elle est un moteur et un modèle pour ses partenaires.

M. le président. Il est temps de vous orienter vers votre conclusion, ma chère collègue.

Mme Dominique Voynet. En fait, les moyens considérables attribués à la dissuasion ne contribuent pas à nous protéger des menaces actuelles. Nos partenaires européens, qui le savent bien, sont plus gênés qu’enthousiastes, au grand dam de M. Chevènement, devant la prétention française à vouloir contribuer par ce biais à la sécurité de l’Union.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, quels sont les points forts de votre stratégie ? Comment entendez-vous adapter le budget de la mission « Défense » aux réalités actuelles et à la dimension européenne que nous appelons de nos vœux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Comment pourrais-je répondre en deux minutes à vingt-cinq questions ? Je crois y avoir déjà répondu largement, que ce soit en commission ou tout à l'heure à la tribune.

La stratégie du ministère de la défense sur la structuration est extrêmement simple. C’est en demandant aux personnels de fournir un effort – et j’ai bien conscience qu’il est considérable – pour obtenir un format plus resserré que nous pourrons dégager des moyens suffisamment importants pour préserver notre indépendance et la sécurité du pays.

Je voudrais simplement signaler que l’effort d’équipement, qui était auparavant, en moyenne, de 15 milliards d’euros, sera de 18 milliards d’euros dans la loi de programmation actuelle. Cet effort de 3 milliards d’euros supplémentaires, qui est bien supérieur à l’inflation, nous permettra de maintenir une dissuasion indépendante, de demeurer leader en Europe, d’être un pays qui compte et qui est capable d’entraîner les Européens vers la construction d’une défense et d’une sécurité autonomes, à laquelle nous aspirons tous ensemble.

C’est parce que les Français seront exemplaires dans l’organisation, dans l’adaptation et dans la modernisation de leur outil de défense qu’ils pourront emporter la conviction des autres Européens et participer avec eux à cette belle aventure de la construction d’un système autonome, symbole de leur destin commun !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour la réplique.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, vous venez finalement de valider mon intuition : nous aurons à investir beaucoup pour assumer la décision de retour au sein du commandement intégré de l’OTAN.

Nous ne savons pas exactement quelle sera la teneur de notre engagement au niveau européen.

La France a choisi de soutenir la nomination de M. Van Rompuy au poste de président du Conseil européen, alors même que nous ne savons pas exactement quelles sont ses options en matière de politique étrangère et de sécurité.

Le choix de soutenir Mme Ashton au poste de Haut représentant pour la politique étrangère, alors qu’elle est dépourvue d’expérience sur ces questions et qu’elle ne s’est pas exprimée fortement pour dire quelles étaient ses positions, est un choix ambigu.

La dissuasion nucléaire française nous coûte plus de 3 milliards d’euros par an et n’a pas l’air de satisfaire la plupart de nos partenaires européens.

Ainsi, les grands axes de notre engagement dans la construction de la politique étrangère et de sécurité européenne ne me paraissent pas du tout stabilisés.

M. le président. La parole est à M. André Dulait.

M. André Dulait. Le 10 juin dernier, l’agence de reconversion « Défense mobilité » a été créée. Ce dispositif est un élément essentiel de la reconversion. Aussi, les pôles régionaux de reconversion et les futures antennes locales ne doivent pas être considérés comme de simples bureaux pour l’emploi, car leur public est bien différent.

On ne peut que se féliciter de l’innovation que vous avez mise en place, monsieur le ministre, mais j’attire votre attention sur l’étape de « pré-reconversion », qui conditionne la reconversion tant professionnelle que sociale.

À ce titre, l’exemple du retour des vétérans américains âgés de trente ans qui sont passés par le centre de recherche de la santé militaire est éloquent : 300 000 vétérans présentent des symptômes de stress post-traumatique et des lésions cérébrales traumatiques, dont la prise en charge par l’État représenterait plusieurs milliards de dollars, et leur reconversion professionnelle se solde par des échecs.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas aux États-Unis, mais je souhaiterais savoir quels sont les protocoles mis en place pour les vétérans d’Afghanistan. Avons-nous des études sur ce sujet ? Ces vétérans sont jeunes. Leur expérience des théâtres d’opérations difficiles les a imprégnés de valeurs réelles telles que le dépassement de soi, la tolérance et le respect, valeurs qui manquent parfois cruellement à la société civile.

De quels moyens disposons-nous pour qu’ils puissent bénéficier d’un soutien psychologique et d’un accompagnement personnalisé afin non seulement de commencer une nouvelle carrière mais, surtout, de la réussir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, un dispositif de suivi et de soutien a été mis en place pour l’ensemble des militaires et pour toutes les opérations, dont l’Afghanistan. Le service de santé est chargé, au sein de mon ministère, de cette prise en charge, qui débute dès l’engagement et se poursuit pendant toute la période d’activité du militaire.

Soucieux de venir en aide aux militaires qui présenteraient une souffrance d’ordre psychologique au retour d’OPEX, le ministère de la défense a ensuite institué un ensemble complet de mesures de soutien et de prise en charge, s’articulant autour d’une surveillance permanente et d’une capacité d’intervention, en cas de besoin, par des médecins psychiatres qui peuvent rejoindre dans les plus brefs délais un théâtre d’opérations si cela se révèle nécessaire. Pour certains théâtres, d’ailleurs, comme l’Afghanistan, un médecin psychiatre est déployé en permanence au sein de la chaîne de soutien médical.

Les militaires bénéficient par ailleurs d’un dispositif de prise en charge, notamment par un suivi médical annuel réalisé par un médecin. À ce titre, tout militaire, à tout instant, spontanément ou par l’intermédiaire de son unité, peut être pris en charge dans l’un des neuf hôpitaux d’instruction des armées qui disposent d’un service de psychiatrie. Une fois qu’ils sont revenus dans le monde civil, un recours au sein de nos hôpitaux reste et demeure toujours possible.

Par ailleurs, l’Observatoire de la santé des vétérans a été créé en 2004 par Michèle Alliot-Marie pour répondre aux problèmes des vétérans et mener des enquêtes épidémiologiques permettant d’améliorer la prise en charge et le suivi médical des militaires.

Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas encore d’enquête globale, mais c’est un sujet que nous suivons pour trouver en permanence des solutions adaptées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, nous travaillons en temps réel !

« Obama demande à Sarkozy 1 500 soldats supplémentaires en Afghanistan.

« Le président Barack Obama a demandé à Nicolas Sarkozy de renforcer de 1 500 hommes les effectifs français déployés en Afghanistan, lors d’une conversation téléphonique lundi 30 novembre. »…

Un sénateur de l’UMP. C’est aujourd’hui !

M. Jean-Louis Carrère. … « Tout en exposant sa stratégie pour l’Afghanistan, le président américain a confirmé une demande formulée jeudi 26 novembre par la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, au ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner […].

« Au total, les Américains souhaitent que leurs alliés envoient environ 10 000 hommes supplémentaires, tandis que M. Obama augmenterait ses propres effectifs de 30 000 hommes […].

« La France dispose actuellement de 3 750 soldats déployés dans le conflit afghan, ainsi que de 150 gendarmes. Jusqu’à présent, elle avait expliqué qu’elle n’enverrait pas de soldats supplémentaires à Kaboul […]. »

En cohérence avec la position exprimée par le groupe socialiste le lundi 16 novembre ici même – je la rappelle : la « clarification des objectifs de l’intervention », le changement de méthode, la « définition, en lien avec les partenaires européens de la France dans la coalition internationale, d’une stratégie et d’un processus de sortie progressive d’Afghanistan » –, je vous interroge, monsieur le ministre : la France participera-t-elle au renforcement envisagé, et de quelle manière ? Quelle est la participation de la France à la prise de décision au sein de l’OTAN ? La France a-t-elle travaillé avec les Européens à l’élaboration d’une position commune ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Je vais répéter pour la énième fois ce que j’ai déjà dit, monsieur le sénateur !

Mme Michelle Demessine. Et vous pouvez vous préparer à recommencer !

M. Jean-Louis Carrère. Pour avoir une chance de convaincre, il faut savoir pratiquer l’art de la répétition ! (Sourires.)

M. Hervé Morin, ministre. J’ai expliqué tout à l’heure que la France avait effectué un effort considérable depuis deux ans – et si ce n’est pas aujourd’hui que je l’ai dit, c’était dans un débat précédent. Nous avons engagé plus de 1 000 hommes supplémentaires, dont 300 pour la formation de l’armée nationale afghane, et nous avons complété notre dispositif d’environ 700 hommes dans le district de Surobi et en Kapisa.

M. Jean-Louis Carrère. Et les 1 500 que demande le président Obama ?

M. Hervé Morin, ministre. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le sénateur !

M. Jean-Louis Carrère. Alors, répondez à mes questions !

M. Hervé Morin, ministre. J’explique les choses !

Donc, la France soutient qu’elle a consenti un effort important depuis deux ans et que, en vertu de cet effort, elle n’a aucune intention d’augmenter ses effectifs.

En même temps, je l’ai indiqué tout à l’heure, elle se situe dans un cadre précis : elle considère qu’il n’y a pas de solution qui soit seulement militaire, qu’au contraire doit être menée concomitamment au retour de la sécurité et de la stabilité dans les districts et dans les vallées une action de développement, d’accompagnement à la population, de construction de ponts, de routes, d’écoles, permettant à la population afghane d’avoir confiance dans le lien qui l’unit aux forces de la coalition, alors qu’aujourd’hui elle se sent prise entre le marteau et l’enclume.

J’ai ajouté que, si, dans ce cadre, la France devait faire un effort, celui-ci devrait, selon moi, porter sur la formation de la police ou de l’armée, qui sont les institutions dont l’État afghan a besoin pour qu’un jour, en effet, nous soyons en état de considérer que le travail a été effectué et que nous pouvons nous désengager d’Afghanistan.

Voilà ce que je crois. Je pense qu’il n’y a pas de réponse seulement militaire à la situation actuelle.

Mme Michelle Demessine. Ça, on le savait !

M. Hervé Morin, ministre. La réponse est plus globale, elle passe par des efforts complémentaires en matière de formation et d’aide au développement.

M. Robert Hue. Combien d’hommes ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour la réplique.

M. Jean-Louis Carrère. Je suis un peu étonné de votre réponse, même s’il m’a été très agréable de la réentendre. (M. le ministre rit.)

Je poursuis la lecture que j’ai commencée tout à l’heure : « Le ton a sensiblement changé. “Nous ne disons pas non à Obama, nous applaudissons à l’orientation qu’il s’apprête à annoncer et nous attendons la conférence du 28 janvier à Londres pour voir ce que les Afghans sont prêts à faire. Nous verrons comment faire pour compléter si nécessaire notre dispositif, notamment en matière de formation”, indique-t-on en haut lieu à Paris. »

Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce sont des esquives, monsieur le ministre !

Le président de la commission, et je suis en accord avec lui, vous a demandé d’informer le plus rapidement possible le Parlement et ses différentes commissions,…

M. Didier Boulaud. Est-ce qu’on votera ?

M. Jean-Louis Carrère. … et de discuter avec nous, en amont, pour déterminer la position de la France. Alors seulement, cela présenterait un véritable intérêt !

Et si vous ne voulez pas, monsieur le ministre, que je me répète encore et toujours, soyez aimable, répondez à nos questions !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le ministre, nos armées sont présentes sur de nombreux théâtres d’opérations sur plusieurs continents, tant au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, qu’au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS, et d’Enduring Freedom en Afghanistan, ou encore de la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, la MINURCAT.

Le professionnalisme et le comportement de nos soldats, notamment vis-à-vis des populations locales, sont exemplaires et salués par nos partenaires de l’Alliance. Il faudrait d’ailleurs, à cet égard, que notre pays en soit conscient et apporte tout son soutien à ses soldats en OPEX, réaffirmant la valeur de l’héroïsme qui est au cœur de l’usage de la force armée.

Si, en Afrique et au Liban, nos soldats assurent des missions dans un cadre francophone, il n’en demeure pas moins qu’au cours de ces missions multinationales ils sont amenés à collaborer avec des troupes étrangères.

Concernant les missions en Afghanistan, nos soldats bénéficient d’une formation préparatoire de six mois ainsi que, je le sais, d’un soutien solide de leur chef de corps, celui-ci veillant également à l’accompagnement des familles pendant l’absence. Chacun sait combien l’esprit de corps est nécessaire au moral des troupes, esprit de corps qui repose essentiellement sur l’unicité du commandement. Ce principe ne peut être remis en cause. Le chef commande et répond aux besoins de ses subordonnés.

En Afghanistan, les soldats se retrouvent dans un contexte culturel, linguistique, religieux très complexe. Cette préparation spécifique est nécessairement axée sur le développement de capacités physiques exceptionnelles et sur les fondamentaux du combat, mais pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur le contenu global de cette préparation ? Nos soldats reçoivent-ils en outre un enseignement sur les réalités de l’Afghanistan, de ses populations et de son histoire ?

Et si gagner le cœur des populations locales passe par la mise en place d’un volet « civilo-militaire », nos soldats doivent être en mesure de maîtriser quelques rudiments, sinon de pachtou, du moins d’anglais. Ces autres fondamentaux, monsieur le ministre, sont-ils pris en compte ? Certes, je le sais, tout cela a un coût. Celui-ci limite-t-il les moyens des régiments concernés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Madame la sénatrice, la préparation des unités est en effet, avant leur départ pour les théâtres d’opérations extérieures, un souci permanent.

Vous avez évoqué la mise en condition préparatoire. Il s’agit de la formation spécifique. Elle dure plusieurs mois ; pour l’Afghanistan, elle dure six mois. C’est une formation extrêmement exigeante qui est dispensée à nos unités et qui se place plus globalement dans le cadre de l’entraînement de nos forces.

Pour ce qui est de l’aspect culturel, la connaissance de l’environnement afghan est inculquée aux unités par trois moyens principaux.

Premier moyen : l’École militaire de spécialisation de l’outre-mer et de l’étranger de Rueil-Malmaison, l’EMSOME. Elle dispense, comme pour tous les théâtres d’opérations extérieures, des éclairages géographiques, ethniques, religieux, économiques et culturels.

Deuxième moyen : le témoignage des cadres qui rentrent du théâtre. C’est le retour d’expérience, qui prend place à chaque nouvelle relève et permet d’actualiser la connaissance du milieu.

Troisième moyen : tous les exercices sont réalisés en ambiance réaliste, avec reconstitution des points d’appui, des camps de base, et appel à des acteurs en tenue. Je tiens par ailleurs à souligner, puisque vous m’avez interrogé sur ce point précis, que les cadres de contact, c’est-à-dire les sous-officiers et les officiers, sont systématiquement remis à niveau en anglais avant leur départ et que même des notions de pachtou sont enseignées, via des interprètes, dans les unités.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Monsieur le ministre, le document intitulé Modernisation de la défense : le nouveau dispositif territorial prévoyait initialement la création de quatre-vingt-quinze bases de défense. Au 1er janvier de cette année, onze bases expérimentales ont été créées. Vous aviez annoncé pour l’été un premier retour d’expérience qui devait permettre d’identifier les ajustements nécessaires du plan initial en matière d’organisation et de fonctionnement.

Or vous envisagez de retenir sept nouvelles bases de défense qui, avec les onze bases expérimentales, formeront dix-huit bases de défense pilotes et donc, on peut l’imaginer, préfiguratrices. Avant même que nous n’ayons connaissance du retour d’expérience, vous annoncez que vous renoncez à trente projets de base de défense !

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles raisons vous amènent à diminuer de 30 % le nombre des bases de défense alors qu’elles sont aussi censées suppléer la suppression d’implantations militaires, qui, elles, ne sont pas revues à la baisse ? Êtes-vous en mesure de nous fournir un premier bilan financier ? Quels sont les critères qui président à votre décision de revoir ainsi vos projets à la baisse, de retenir telle implantation plutôt que telle autre pour accueillir une base de défense ?

Pour illustrer mes propos, permettez-moi de citer le transfert annoncé dans la presse locale dès le 11 avril 2009, soit avant même l’évaluation intermédiaire, du siège de la base de défense prévue à la base aérienne 709 de Cognac à la base aérienne 721 de Rochefort, quand la base aérienne de Cognac est la seule plate-forme militaire de la région supportant plus de 60 000 mouvements par an, disposant d’une piste homologuée OTAN et capable d’accueillir tous types d’avions de combat, qu’elle est à même de servir de support et d’apporter tout le soutien nécessaire à des unités de passage, ce qui l’amène, entre autres, à recevoir régulièrement nos forces spéciales, qui y trouvent des conditions optimales pour leur préparation.

C’est aussi une base qui s’est résolument placée sur la voie de l’innovation, avec l’externalisation réussie – cela vient d’être souligné par le chef d’état-major de l’armée de l’air à l’occasion du salon du Bourget – de la maintenance de la flotte des avions-écoles TB-30 Epsilon et de la mise à disposition par l’industriel de nouveaux appareils Grob 120A ainsi que d’entraîneurs FNPT2.

Enfin, cette base est déjà le pôle de mutualisation des soutiens aux autres bases du Poitou-Charentes, dans la mesure où elle est le siège du service spécialisé des bases aériennes de l’équipement, qu’elle assure le service aérodrome des aéroports de Saintes et Rochefort ainsi que le support technique de l’École d’enseignement technique de Saintes.

Alors, monsieur le ministre, l’expérience accumulée et les éléments rationnels ont-ils leur place dans vos critères de sélection ?