Mme Virginie Klès. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour revenir sur le répertoire des données à caractère personnel dont on a parlé hier et pour lequel aucun moyen n’est mis en œuvre – ni même prévu d’ailleurs – en vue de l’alimenter au départ, ce qui m’amène à me demander comment il pourra être éventuellement utile.

L’article 5 quinquies a pour objet de modifier le champ d’application du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

Avant de procéder à cette extension, il aurait été souhaitable d’évaluer son efficacité au regard de son coût, car, à la différence du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, il ne permet pas de résoudre les affaires ni d’améliorer les suivis.

Monsieur le rapporteur, vous avez sensiblement amélioré, il est vrai, le dispositif proposé par l'Assemblée nationale. Vous avez notamment adopté un amendement visant à revenir sur les modifications touchant les obligations de justification d’adresse : vous avez maintenu un délai d’un an, et un délai de six mois pour les crimes et les délits punis de dix ans d’emprisonnement. Vous avez également supprimé le dispositif spécifique permettant l’utilisation de la force publique dans le cadre de l’enquête préliminaire.

Toutefois, on peut regretter que les personnes ne puissent plus faire connaître leur adresse par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf si elles résident à l’étranger. Elles seront donc contraintes de se présenter au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie, ce qui nous semble une mesure inutile, vexatoire et susceptible d’occasionner des contentieux avec celles qui rencontreront des difficultés pratiques pour se soumettre à cette formalité.

Par ailleurs, vous avez maintenu, en cas de crime ou délit puni de dix ans d’emprisonnement, l’obligation de déclaration pour les personnes qui n’auront pas été condamnées définitivement, et ce en violation de la présomption d’innocence.

Vous avez enfin maintenu la possibilité pour les enquêteurs de consulter le FIJAIS pour ce qui concerne les personnes qui ne sont pas placées en garde à vue. Le recours au fichier est donc étendu à des personnes contre lesquelles on ne dispose pas aujourd'hui de « raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ».

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Est ici posé le problème de l’efficacité du FIJAIS. Or la commission des lois n’est pas convaincue de son inefficacité, tant s’en faut.

Créé par la loi du 9 mars 2004, le FIJAIS a pour finalité de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et de faciliter l’identification de leurs auteurs. Toutes les personnes poursuivies ou condamnées, même non définitivement, pour crime ou délit sexuel doivent y être inscrites, de même que celles qui sont déclarées pénalement irresponsables en raison d’un trouble mental. Selon la gravité des faits, cette inscription est obligatoire ou résulte d’une décision expresse de la juridiction, et sa durée est de vingt ou trente ans.

Les personnes inscrites dans le FIJAIS – elles étaient au nombre de 48 479 au 30 novembre 2009 –, personnes auxquelles l’inscription a été dûment notifiée, doivent justifier de leur adresse une fois par an et déclarer tout changement d’adresse dans les quinze jours soit par lettre recommandée, soit en se présentant auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie de leur domicile ; les craintes exprimées par Mme Klès sur l’interdiction qui leur serait aujourd'hui faite de procéder par lettre recommandée ne sont donc pas fondées. Les auteurs condamnés pour un crime ou un délit passible de dix ans d’emprisonnement doivent justifier, en personne, de leur adresse tous les six mois ou tous les mois.

Ce fichier doit ainsi son efficacité à son caractère de mesure de sûreté.

Par ailleurs, la commission a souhaité rétablir les conditions actuelles de fréquence de justification d’adresse ou de présentation que les députés voulaient rendre plus rigoureuses.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur les amendements identiques nos 31 et 58.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Les modifications du code de procédure pénale qui sont ici introduites sont issues des réflexions du comité technique interministériel gérant le FNAEG, lequel, depuis 2006, réunit chaque trimestre un certain nombre de gestionnaires et de représentants des services de police et de gendarmerie.

Je tiens à souligner que ces propositions ont fait l’objet d’un avis favorable à la fois du Conseil d’État et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans la mesure où elles ont pour objet de rendre plus efficace et plus simple le fonctionnement du fichier, qui correspond à un véritable besoin.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 et 58.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Les alinéas que nous proposons ici de supprimer nous paraissent très imprécis, notamment quant au délai dans lequel la déclaration doit être effectuée pour la première fois au greffe, alors même que le non-respect de cette obligation constituera un délit passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le cinquième alinéa a pour objet d’obliger la personne à justifier de son adresse dès lors qu’elle a été informée des obligations auxquelles elle est soumise. Actuellement, il est simplement prévu qu’elle doit justifier de son adresse une fois par an.

La modification introduite par le projet de loi est apparue utile à la commission des lois et mérite d’être conservée. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Le délai dans lequel la personne inscrite doit justifier pour la première fois de son adresse est inscrit dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Il est de quinze jours et a été retenu, là aussi, sur avis conforme du Conseil d’État et de la CNIL. Il est important de le rappeler pour que le non-respect puisse être pénalisé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Le sixième alinéa prévoit d’étendre l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes de personnes dont la condamnation n’est pas définitive.

Nous nous étonnons de cette disposition qui va à l’encontre des principes généraux du droit et qui contourne l’autorité de la chose jugée, seule susceptible d’emporter des effets juridiques péremptoires définitifs.

Cette disposition risque d’alourdir encore les contraintes des forces de police et de gendarmerie, alors que les obligations incombant aux personnes inscrites au FIJAIS sont déjà particulièrement lourdes, avec des contrôles d’adresse tous les six mois, délai abaissé à trois mois par l’article 5 quinquies.

De plus, ces charges nouvelles ne sont pas accompagnées des garanties financières indispensables à leur exécution. Aussi, pour prévenir une inconstitutionnalité manifeste, nous demandons la suppression de cet alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’exigence d’une condamnation définitive pour l’application des obligations liées à l’inscription au FIJAIS ne vaut actuellement que pour les personnes condamnées pour un crime ou un délit passible de dix ans d’emprisonnement, et non pour celles qui sont passibles d’une peine moins lourde, ce qui est quelque peu paradoxal.

En tout état de cause, la référence à une condamnation doit être effacée en cas de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.

La commission souhaite le retrait de l’amendement.

Mme Françoise Laborde. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 5 quinquies.

(L'article 5 quinquies est adopté.)

Chapitre II

Dispositions diverses

Article 5 quinquies
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article 6 A

Article additionnel avant l'article 6 A

M. le président. L'amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Avant l'article 6 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er janvier 2011 un rapport sur l’opportunité et les modalités de conception d’un bracelet de surveillance électronique mobile plus léger et moins stigmatisant.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement a pour objet de transposer la recommandation n° 21 du rapport Lamanda consacré à l’amoindrissement des risques de récidive criminelle des condamnés dangereux.

On le sait, l’enfermement d’un condamné doit, en principe, constituer l’ultime recours. Toutefois, dans les faits, nous sommes encore loin de la mise en œuvre d’une réelle politique d’alternative à l’emprisonnement. La faute est due, bien sûr, au manque de moyens alloués à de telles mesures, mais aussi à une logique répressive, avec les effets désastreux qu’elle comporte sur la réinsertion et qui ont été soulignés dans nombre de rapports.

Le bracelet électronique fut introduit dans notre droit par la loi du 30 décembre 1996, puis étendu par la loi du 19 décembre 1997 sur l’initiative de l’ancien président de notre groupe, Guy-Pierre Cabanel.

Or, si la surveillance électronique est loin de constituer une solution miracle, elle a au moins le mérite d’offrir la possibilité à des personnes condamnées de rester insérées dans leur milieu et de les soustraire ainsi à la désocialisation.

Nous en convenons, ce dispositif reste lourd, eu égard à la complexité des contraintes techniques, qu’il s’agisse du bracelet mobile ou de la surveillance électronique prévue par la loi du 9 mars 2004.

À l’heure actuelle, la surveillance électronique mobile est peu utilisée. D’après les statistiques du ministère de la justice, il apparaît que, depuis le début de l’expérimentation, vingt équipements de surveillance électronique mobile ont été posés, onze au titre de libérations conditionnelles et neuf au titre de surveillances judiciaires. On a déploré quatre échecs, dont une révocation de libération conditionnelle et trois retraits de surveillance judiciaire. En 2008, quatorze dispositifs seulement étaient activés, alors que les autorités judiciaires disposaient d’un stock de cent cinquante appareils. L’objectif est donc d’en augmenter l’utilisation.

Des améliorations pourraient, bien sûr, être apportées du fait de l’évolution de la technologie. Dans ces conditions, il apparaît opportun de mettre à l’étude la conception d’un bracelet électronique se présentant sous la forme d’un dispositif plus simple, plus léger et donc moins stigmatisant, fonctionnant grâce à une puce électronique qui pourrait être incluse dans un équipement comparable à un bracelet-montre étanche, fonctionnant en parallèle avec un téléphone portable spécifique donnant l’alerte dès que la proximité de la puce électronique ne serait plus détectée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les propos de Mme Laborde sont tout à fait pertinents. Il est exact qu’un grand espoir avait été placé dans le bracelet électronique mobile. Aujourd’hui, je serais tenté de dire que ce dispositif est encore en quasi-expérimentation et qu’un important développement de cette technique répondrait à nombre des souhaits que nous avions émis lors de l’examen de la loi pénitentiaire.

Le rapport du Premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, comporte une proposition tout à fait intéressante sur la mise en place d’un « bracelet de surveillance électronique mobile plus léger et moins stigmatisant » que celui qui existe aujourd’hui. Il serait également beaucoup moins cher et peut-être plus efficace.

La commission se félicite que cet amendement donne l’occasion d’interroger Mme le ministre d’État sur un problème qui est réellement important, mais elle ne souhaite pas un rapport supplémentaire. Par conséquent, elle appelle Mme Laborde à retirer son amendement une fois que nous aurons entendu les explications de Mme le garde des sceaux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, notamment lors de la discussion de la loi pénitentiaire, nous sommes, au ministère de la justice, favorables au développement du bracelet électronique, notamment mobile, le développement du bracelet fixe étant déjà important.

Bien entendu, cela exige un certain nombre de perfectionnements. Mais soyez assurée, madame le sénateur, que l’administration pénitentiaire se tient d’autant plus au courant de cette technique qu’elle représente un avantage pour tout le monde.

Vous demandez que le Gouvernement remette un rapport au Parlement. Or, je vous le rappelle, cette question est déjà systématiquement évoquée dans les rapports annuels de l’administration pénitentiaire. De plus, l’intérêt qu’elle présente étant partagé, nous pouvons tout à fait y revenir lors des discussions budgétaires annuelles.

Pour toutes ces raisons, madame Laborde, je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 90 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Dans la mesure où il s’agissait d’un amendement d’appel, je le retire, mais nous reviendrons régulièrement à la charge !

M. le président. L'amendement n° 90 rectifié est retiré.

Article additionnel avant l'article 6 A
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
Article 6

Article 6 A

Après l’article 719 du code de procédure pénale, il est inséré un article 719-1 ainsi rédigé :

« Art. 719-1. – Selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, l’identité et l’adresse des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans sont communiquées par l’administration pénitentiaire aux services de police ou aux unités de gendarmerie du lieu de résidence de l’intéressé lorsque leur incarcération prend fin. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 32 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 61 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 32.

Mme Éliane Assassi. L’article 6 A prévoit la communication par l’administration pénitentiaire aux services de police et aux unités de gendarmerie de l’identité et de l’adresse des personnes condamnées pour une infraction pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, lorsque leur incarcération a pris fin.

Un amendement du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale allait même jusqu’à proposer d’étendre les dispositions de l’article 6 A à tous les sortants de prison. C’est dire l’obsession de fichage qui sous-tend ce projet de loi ! Fort heureusement, les députés ne l’ont pas retenu, non plus que l’information aux maires, souhaitée par certains d’entre eux.

Notre commission des lois, quant à elle, a suivi le rapporteur et limité le champ d’application de cet article. Elle a fixé le quantum de peine prononcé à cinq ans d’emprisonnement. Nous ne pouvons qu’approuver cette limitation, que le rapporteur justifie par le fait que les personnes sous suivi socio-judiciaire ne sont pas obligatoirement les plus dangereuses.

Je veux souligner au passage que le chapitre II pose tout de même quelques problèmes.

Le but affiché de ce projet de loi était la lutte contre la récidive d’actes très graves. Or, avec ce chapitre, il nous est proposé toute une série de dispositions qui vont plus loin et dont certaines auraient pu attendre la réforme annoncée de la procédure pénale. La volonté d’aller vite en besogne, bien trop vite, a même fait se croiser les deux textes en cours d’examen au Parlement : celui-ci et le projet de loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure, dit LOPSI.

Pour en revenir à l’article 6 A, je doute fort qu’il soit concrètement applicable, d’abord en raison de l’inflation de données à laquelle contribue d’ailleurs ce projet de loi, mais aussi parce qu’il n’est pas prévu, semble-t-il, de cohérence dans le traitement de la collecte des informations en question.

Je note aussi qu’une nouvelle fois les modalités d’application sont renvoyées à un décret en Conseil d’État : finalités, délai, accès à l’information...

Surtout, il est question ici de personnes condamnées. Or le casier judiciaire est précisément destiné à recueillir les condamnations. Pourquoi, alors, inventer un nouveau système d’information venant se surajouter à ceux qui existent ?

En conséquence, nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour présenter l’amendement n° 61.

Mme Virginie Klès. L’article 6 A, introduit par l’Assemblée nationale, tend à insérer un nouvel article dans le code de procédure pénale, afin de prévoir que les services de police et de gendarmerie sont informés de la libération d’une personne condamnée pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

La commission a fixé un quantum de peine à cinq ans et a prévu que les informations seraient communiquées par l’administration pénitentiaire. En dépit de ces précisions, nous estimons que cet article témoigne d’une frénésie de fichage que nous n’approuvons pas. En effet, tout fichage établi à partir de la transmission de données à caractère personnel nécessite, pour être justifié, un équilibre entre les bénéfices attendus de ces informations et les contraintes liées à leur transmission et à leur stockage.

En l’occurrence, à quoi vont servir ces informations ? Elles vont s’empiler dans les services évoqués tout à l’heure sans jamais pourvoir être exploitées, d’autant qu’elles ne seront ni contrôlées, ni triées, ni corrigées si nécessaire, ni même mises à jour. Les policiers et les gendarmes qui n’ont déjà pas aujourd’hui les moyens suffisants pour mener les enquêtes dans des délais raisonnables ne pourront rien faire à partir de ces informations. Trop d’information tue l’information !

Soit la personne est inscrite au FIJAIS, et l’information est déjà fournie aux forces de l’ordre qui peuvent l’utiliser suivant les voies légales, soit il n’en est rien, et le suivi proposé ne sert à rien.

Enfin, nous ne disposons pas des éléments chiffrés qu’aurait pu nous donner une étude d’impact.

Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 91 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Notre argumentation va, bien sûr, dans le même sens.

Les dispositions de cet article, qui renvoie à un décret en Conseil d'État les modalités de transmission à la police et à la gendarmerie de l’identité et de l’adresse de personnes condamnées, sont bien trop vagues et encourent un risque d’inconstitutionnalité pour incompétence négative du législateur.

De plus, alors que les forces de l’ordre ne disposent pas aujourd'hui des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, cet article ajoute de nouvelles charges à celles de fonctionnaires déjà très occupés, d’autant que le Gouvernement va nous proposer d’abaisser de cinq ans à trois ans la durée de la peine à partir de laquelle ces dispositions s’appliqueront. C’est beaucoup de travail en plus pour peut-être pas grand-chose !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. « Frénésie de fichage », dites-vous… Mes chers collègues, il faut raison garder !

Il ne s’agit que de communiquer, par l’intermédiaire de l’administration pénitentiaire, l’identité et l’adresse de personnes ayant été condamnées à une lourde peine aux services de police et de gendarmerie. Avouez que c’est bien anodin par rapport à ce que vous avez prétendu décrire !

Cela dit, la commission des lois n’a pas souhaité stigmatiser les délinquants sexuels, notamment en ne considérant que les personnes condamnées pour une infraction entraînant un suivi socio-judiciaire. Elle a estimé que d’autres types de délinquants pouvaient présenter des éléments de dangerosité au moins aussi importants. C’est la raison pour laquelle elle a préféré retenir le nombre d’années d’incarcération plutôt qu’une catégorie de délinquants.

En revanche, sur le principe, la commission des lois n’est absolument pas défavorable à la communication de l’identité et de l’adresse de ces personnes aux forces de l’ordre. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements.

Il s’agit simplement de donner des moyens supplémentaires aux forces de police et de gendarmerie, qui en ont d’ailleurs exprimé le besoin.

Les personnes ayant été condamnées à un certain nombre d’années d’emprisonnement ont le plus souvent commis des faits graves. Elles sont donc susceptibles de représenter un véritable danger. Récemment, la personne qui a tué sa compagne et enlevé un enfant n’avait été condamnée qu’à quatre mois de prison, alors même qu’elle avait commis plusieurs agressions et proféré des menaces. Il faut bien se rendre compte des cas qui sont ici visés !

La mesure prévue n’implique pas un travail supplémentaire. Au contraire, elle permettra de faciliter le nécessaire travail de protection qu’accomplissent les forces de l’ordre.

Pour ma part, je pense également qu’une telle disposition peut avoir un effet dissuasif sur les intéressés. Or c’est justement ce que nous souhaitons : prévenir le passage à l’acte.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Au-delà de la « frénésie de fichage », la transmission de ces informations s’avérera surtout totalement inutile. Quand la personne concernée aura déménagé deux ou trois fois, les services de police et de gendarmerie disposeront d’informations inexactes, qui n’auront pas été mises à jour, et dont ils ne pourront pas faire usage parce qu’ils seront dépassés par la masse des documents reçus.

Nous maintenons donc l’amendement n° 61.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32, 61 et 91 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement prévoit que l'identité et l'adresse des personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à trois ans, et non plus à cinq ans, comme le prévoit le texte issu des travaux de la commission des lois, sont communiquées aux services de police ou aux unités de gendarmerie du lieu de résidence de l'intéressé.

J’ai bien compris la position de la commission des lois. Toutefois, le seuil de cinq ans exclut plus de 97 % des condamnations à des peines d'emprisonnement. Des personnes condamnées pour des faits tout de même extrêmement graves seraient ainsi exclues du dispositif, notamment les auteurs de viols qui auraient été correctionnalisés ; nous savons en effet que, pour des raisons de simplification ou d’accélération de la procédure, on correctionnalise fréquemment des agressions sexuelles.

Les condamnations effectives à des peines comprises entre trois et cinq ans d'emprisonnement – il ne s’agit pas des peines encourues – correspondent donc à des faits très graves, pour lesquels existent des risques de récidive qui justifient l'information des services de police et de gendarmerie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’article 6 A prévoyait, dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, la transmission, aux services de police ou aux unités de gendarmerie, de l’identité et de l’adresse des personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

Notre commission a estimé que les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru ne sont pas nécessairement les plus dangereuses. Aussi a-t-elle retenu pour critère le quantum de la peine prononcé, qu’elle proposait de fixer à cinq ans d’emprisonnement.

Compte tenu des précisions apportées par le Gouvernement, la commission estime que l’abaissement de ce quantum à trois ans d’emprisonnement est justifié. Elle émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 97.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 A, modifié.

(L'article 6 A est adopté.)

Article 6 A
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Article 7 (Texte non modifié par la commission)

Article 6

La deuxième phrase du sixième alinéa de l’article 720-1-1 du même code est complétée par les mots : « ou s’il existe de nouveau un risque grave de renouvellement de l’infraction ». – (Adopté.)

Article 6
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Article 8 (Texte non modifié par la commission)

Article 7

(Non modifié)

I. – L’article 624 du même code est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La commission ou la cour de révision qui ordonne la suspension de l’exécution de la condamnation peut décider que cette suspension est assortie de l’obligation de respecter tout ou partie des conditions d’une libération conditionnelle prévues par les articles 731 et 731-1, y compris, le cas échéant, celles résultant d’un placement sous surveillance électronique mobile.

« Elle précise dans sa décision les obligations et interdictions auxquelles est soumis le condamné, en désignant le juge de l’application des peines sous le contrôle duquel celui-ci sera placé. Le juge de l’application des peines peut modifier les obligations et interdictions auxquelles est soumis le condamné, dans les conditions prévues par l’article 712-6.

« Ces obligations et interdictions s’appliquent pendant une durée d’un an, qui peut être prolongée, pour la même durée, par la commission ou la cour de révision.

« En cas de violation par le condamné des obligations et interdictions auxquelles il est soumis, le juge de l’application des peines peut saisir la commission ou la cour de révision pour qu’elle mette fin à la suspension de l’exécution de la condamnation. Il peut décerner les mandats prévus par l’article 712-17 et ordonner l’incarcération provisoire du condamné conformément à l’article 712-19. La commission ou la cour doit alors se prononcer dans un délai d’un mois. Si elle ne met pas fin à la suspension de l’exécution de la condamnation, la commission ou la cour de révision peut modifier les obligations et interdictions auxquelles le condamné est soumis. »

II. – L’article 626-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les troisième à sixième alinéas de l’article 624 sont applicables aux suspensions ordonnées par la commission ou la Cour de cassation. »

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.