Articles additionnels après l'article 11 quater
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Articles additionnels après l'article 11 quinquies

Article 11 quinquies (nouveau)

I. – Après l'article L. 731-22 du code rural, il est inséré un article L. 731-22-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 731-22-1. – Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, soumis à un régime réel d'imposition, peuvent demander à verser en complément des cotisations appelées au titre de l'année en cours un à-valoir sur le montant des cotisations exigibles l'année suivante. Cet à-valoir ne peut excéder 50 % du montant des dernières cotisations appelées. La demande des intéressés doit être formulée auprès de la caisse de mutualité sociale agricole dont ils relèvent. »

II. – Après l'article 72 E du code général des impôts, il est inséré un article 72 F ainsi rédigé :

« Art. 72 F. – L'à-valoir mentionné à l'article L. 731-22-1 du code rural est déductible du résultat de l'exercice au cours duquel il est versé. »

III. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l’État des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l’article.

M. Jacques Muller. Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je souhaite soulever un problème qui me paraît très important : il s’agit du volet social.

En effet, l’agriculture durable ne se limite pas à la prise en compte de l’environnement. Elle se soucie du volet économique – nous sommes tous d’accord –, mais aussi du volet social.

Or, il faut partir d’un constat : aujourd’hui, les conditions de vie des agriculteurs se sont globalement dégradées. La course à la productivité et la fragilisation, aggravée par la crise, aboutissent à une situation extrêmement préoccupante, et le stress est tel qu’en moyenne un agriculteur se suicide chaque jour.

D’un point de vue strictement économique, cette dégradation des conditions de vie conduit aussi à l’absence de reprise des exploitations par les jeunes, ce qui ne va pas dans le sens de la durabilité.

C'est la raison pour laquelle, après cet article 11 quinquies, je proposerai trois axes de modernisation sociale.

Le premier consiste à reconnaître un statut d’exploitant agricole plus équitable et tenant compte de la réalité, c’est-à-dire mieux adapté aux nouvelles formes d’agriculture que sont, notamment, la pluriactivité, l’installation progressive, ou encore le développement, sur de très petites surfaces, de productions à haute valeur ajoutée, distribuées via des circuits courts.

Le deuxième axe s’intéresse à la situation des cotisants volontaires. Cette notion comprenait initialement quatre catégories de personnes : celles qui, sans exercer d’activité agricole, entretiennent une propriété foncière pour des activités de loisirs ; les associés, qui ne participent pas aux travaux agricoles, mais sont membres d’une société agricole et qui, à ce titre, bénéficient de revenus liés à l’activité de la société ; les retraités, qui conservent une petite surface et continuent de la mettre en valeur ; enfin, les paysans qui exercent une activité agricole sur une surface aujourd'hui inférieure à la demi-SMI – surface minimum d’installation –, ou qui s’installent progressivement, et ne sont aujourd’hui pas reconnus.

En 2005 et 2006, les deux premières catégories ont, de manière assez surprenante, été supprimées. En revanche, les deux dernières ont été maintenues. Les retraités qui exploitent une petite surface ou les paysans installés sur des surfaces inférieures à la demi-SMI cotisent donc aujourd'hui, mais ne bénéficient pas des droits professionnels, à l’exception, depuis 2008, des dispositions relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles et, bientôt, à la formation professionnelle.

Je déposerai donc des amendements visant à introduire une certaine cohérence, afin que l’ouverture du statut de chef d’exploitation tienne compte de la réalité, et que la situation des cotisations volontaires soit clarifiée, dans un esprit de justice.

J’avais déposé d’autres amendements sur deux points qui me paraissent importants sur le plan social : les retraites – je rappelle que le Président de la République s’était engagé à améliorer le système de retraites du monde agricole, notoirement en retard par rapport aux autres régimes – et le statut du conjoint, insuffisamment pris en compte aujourd'hui dans le monde agricole.

Je regrette que ces amendements aient été rejetés au titre de l’article 40, et j’espère que la Haute Assemblée accueillera plus positivement ceux qui portent sur le statut des exploitations.

Mme la présidente. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 8 rectifié est présenté par Mme Des Esgaulx, M. Pintat, Mmes Lamure et Bruguière et MM. Etienne, Brun, Milon, Dufaut, J. Blanc et P. Blanc.

L'amendement n° 455 rectifié est présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes Payet, N. Goulet, Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. - À la première phrase de l'article L. 731-19 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « précédant celle » sont supprimés.

II. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ayant exercé l'option prévue à l'article L. 731-19 du code rural et de la pêche maritime avant 2010 perdent le bénéfice de ladite option le 1er janvier 2010. L'assiette de leurs cotisations est déterminée selon les modalités prévues à l'article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime.

Pour 2010, à titre exceptionnel, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole peuvent exercer l'option prévue à l'article L. 731-19 du code rural et de la pêche maritime jusqu'au 30 novembre 2010.

III. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « précédant celle » sont supprimés.

IV. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Xavier Pintat, pour défendre l’amendement n° 8 rectifié.

M. Xavier Pintat. L'article 11 quinquies, introduit par la commission, vise à résoudre une partie des difficultés inhérentes au régime en vigueur, lequel consiste à asseoir les cotisations sociales des exploitants agricoles sur les bénéfices de l’année précédente – assiette n-1. L'article 11 quinquies prévoit d’offrir à ces exploitants agricoles la possibilité de payer d’avance un complément aux cotisations de l’année, constituant un à-valoir sur les cotisations de l’année suivante, et de les autoriser à déduire fiscalement cet à-valoir des résultats de l’exercice de versement.

Cette proposition n’est pas satisfaisante et se révélera en pratique d’une grande complexité. Le paiement d’avance entraîne un coût de trésorerie qui risque de neutraliser en tout ou partie l’effet bénéfique tiré d’une imputation fiscale plus cohérente. Un tel dispositif sera très difficile à gérer en pratique. L’à-valoir devant être versé avant la clôture de l’exercice, le bilan coût-avantage de l’opération nécessite en effet de prévoir le résultat de l’exercice ainsi que celui de l’exercice suivant, et d’établir un prévisionnel fiscal sur l’année en cours et la suivante.

C’est pourquoi il est proposé, à travers cet amendement, de modifier l’article 11 quinquies et de revenir à la règle en vigueur jusqu’à l’année 2000, règle qui permettait aux exploitants agricoles d’opter pour une assiette de cotisations et de contributions sociales basée sur l’année n, et non plus sur l’année n-1.

Sans modifier l’assiette triennale actuelle, le présent amendement vise donc à changer l’année de référence de l’assiette annuelle, qui, de n-1, passerait à n.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 455 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement étant identique au précédent, je voudrais profiter de mon temps de parole pour justifier nos propositions d’amendements en matière sociale.

Dans l’Orne, 20 % des exploitations laitières se trouvent dans une situation fragile, et 20 % dans une situation sensible, ces chiffres passant à 18 % et 32 % pour les exploitations bovines, et à 42 % et 22 % pour les exploitations porcines.

Lors des réunions avec le réseau associatif de conseil et d’expertise comptable CER, les chambres d’agriculture et les offices de gestion, l’attention des parlementaires est régulièrement attirée sur la situation sociale et psychologique des agriculteurs, laquelle a également été évoquée par M. le ministre, M. le rapporteur, M. le président de la commission, ainsi que par notre collègue Jacques Muller.

À côté de la dimension fiscale, les aspects sociaux et psychologiques sont en effet très importants, d’autant que les agriculteurs n’arrivent pas à exprimer leur détresse et se retrouvent dans une situation absolument impossible. Toutes les mesures fiscales et sociales qui viendront enrichir ce projet de loi de modernisation de l’agriculture seront donc les bienvenues.

Vous trouverez sans doute d’excellents arguments pour nous convaincre que la loi de finances constitue un meilleur véhicule pour ces dispositions, monsieur le ministre. Et, lors de la discussion du projet de loi de finances, on nous renverra sans doute à une grande loi à venir sur les territoires ruraux. Nous connaissons cette manière de faire.

Au vu de leur situation, je crains toutefois que nos agriculteurs ne puissent pas attendre la prochaine loi de finances. Des mesures d’urgence doivent être prises immédiatement.

Mme la présidente. L'amendement n° 669, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

, soumis à un régime réel d'imposition,

par les mots :

relevant du régime réel d'imposition

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L'amendement n° 47 rectifié ter, présenté par MM. Pointereau, Cornu, Houel et Billard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Il convient, s'agissant des cotisations sociales exploitant, de revoir l'engagement triennal avec un retour à l'année n.

... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du paragraphe ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Les amendements nos 8 rectifié et 455 rectifié posent un réel problème.

Je rappelle que les cotisations dues à la mutualité sociale agricole, la MSA, sont, par défaut, assises sur la moyenne des revenus professionnels des trois années précédentes, ce qui permet de lisser les écarts de revenus pouvant exister d’une année sur l’autre.

Toutefois, l’exploitant peut lui-même opter pour un mode de calcul fondé sur les revenus de l’année précédente.

Les amendements nos 8 rectifié et 455 rectifié tendent à rétablir le système qui prévalait jusqu’à l’année 2000, à savoir le calcul des cotisations sur la base des revenus de l’année en cours.

Certes, lorsqu’une bonne année est suivie d’une moins bonne année, les cotisations acquittées au cours de cette dernière contribuent à réduire encore davantage le revenu de l’agriculteur.

La commission a pris en compte cette difficulté, en mettant en place, à l’article 11 quinquies, un mécanisme de provisionnement des cotisations à venir qui permettra de lisser les charges sociales entre bons et moins bons exercices. Je vous renvoie au rapport pour plus d’explications, mes chers collègues.

Refuser tout lissage serait à mon sens très risqué pour l’agriculteur.

Il convient en effet de préciser que le mode de calcul fondé sur l’année n-1 résulte d’un choix de l’agriculteur, qui, par défaut, se voit appliquer une assiette triennale.

Quant au passage de l’année n-1 à l’année n, il poserait de grandes difficultés techniques. Il faudrait en effet imaginer un mécanisme transitoire pour que, l’année de la réforme, le basculement se fasse de manière équitable. En outre, il me paraît hasardeux de choisir 2010 pour passer à un tel système, alors que l’année 2009 a été particulièrement mauvaise et que les cotisations assises sur l’exercice n-1 seront donc faibles.

En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces deux amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable.

Vos préoccupations sont légitimes, madame Goulet, monsieur Pintat : elles rejoignent le débat que nous avons eu sur la nécessité de lisser le revenu des agriculteurs, dans un contexte de prix de plus en plus volatils.

Il faut jouer également sur le lissage du paiement des cotisations et des impôts. Il me semble toutefois que le nouvel article 11 quinquies remplit cette préoccupation de manière plus efficace que vos amendements, en donnant la possibilité à l’exploitant de déduire une fraction de ses cotisations sociales pour l’année suivante, sous forme d’à-valoir. Il peut ainsi lisser son revenu avec davantage de souplesse et moins de trésorerie, tout en bénéficiant du même avantage fiscal. Je précise d’ailleurs que 85 % des exploitants ont choisi le lissage sur trois ans, plutôt que le paiement de l’assiette annuelle à l’année n, précisément pour des raisons de trésorerie.

La proposition du Gouvernement me semble donc plus avantageuse et plus souple pour les exploitants.

Mme la présidente. Monsieur Pintat, l'amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

M. Xavier Pintat. Non, je le retire, monsieur le président.

Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié est retiré.

Madame Goulet, l'amendement n° 455 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 455 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 669.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 690, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement vise à supprimer le gage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 690.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 quinquies, modifié.

(L'article 11 quinquies est adopté.)

Article 11 quinquies (Nouveau)
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Article 11 sexies (Nouveau)

Articles additionnels après l'article 11 quinquies

Mme la présidente. L'amendement n° 610, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 11 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la première phrase du 1° de l'article L. 722-4 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « qu'ils dirigent une exploitation ou une entreprise d'une importance au moins égale ou équivalente à celle définie à l'article L. 722-5 » sont remplacés par les mots : « qu'ils répondent à la condition d'accès au statut définie à l'article L. 722-5 ».

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Je souhaiterais défendre également l’amendement n° 611, qui porte sur le même sujet, madame la présidente.

Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 611, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l'article 11 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 722-5. - L'accès au statut de chef d'exploitation ou d'entreprise est conditionné à une déclaration d'heures de travail tenant compte du temps de travail nécessaire pour conduire cette exploitation ou entreprise.

« Ce décret fixe en outre une durée d'activité minimale spécifique en faveur des personnes qui exercent des professions connexes à l'agriculture en double activité ou non dans les communes situées en zone de montagne.

« En cas de coexploitation ou d'exploitation sous forme sociétaire, les membres ou associés participant aux travaux sont considérés comme non-salariés agricoles s'ils répondent à la condition fixée au premier alinéa. »

Veuillez poursuivre, monsieur Muller.

M. Jacques Muller. Ces deux amendements visent à faciliter l’accès au statut d’exploitant agricole à travers la suppression de la demi-SMI.

En effet, l’accès au métier d’agriculteur est conditionné, entre autres, à l’accès au statut social de chef d’exploitation, qui permet la reconnaissance de l’activité agricole et qui ouvre l’accès aux droits spécifiques des paysans que sont, notamment, les aides agricoles, la priorité d’accès au foncier, le permis de construire sur des terres agricoles, les droits sociaux et le droit de vote aux élections professionnelles.

L’article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit que l’accès à ce statut de chef d’exploitation est conditionné à l’existence d’une entreprise agricole dont l’importance doit être au minimum d’une demi-SMI.

Cette disposition pose un certain nombre de problèmes sur le plan économique et social.

Premier problème sur le plan économique : elle ne prend pas en compte les projets intégrant une valorisation, une transformation et une commercialisation de la production à la ferme. La demi-SMI et ses équivalences sont en effet fondées sur des modèles classiques conventionnels, qui ne tiennent pas compte de ses activités génératrices de valeur ajoutée, de revenu supplémentaire pour un même volume de production.

Deuxième problème : elle diffère fortement d’un département à l’autre et les équivalences n’existent pas de la même façon dans tous les départements.

Troisième problème : elle ne permet pas les installations progressives avec un développement étalé sur plusieurs mois, voire plusieurs années, de la production et de l’activité économique vers une activité de croisière, même s’il existe une possibilité de dérogation laissée à l’appréciation du conseil d’administration de la MSA locale.

Quatrième problème : elle ne permet pas de prendre en considération la situation des pluriactifs. Ceux-ci sont en effet obligés d’acquérir l’équivalent d’une demi-SMI, même si leur activité agricole n’est que secondaire. Celle-ci peut n’avoir pour objectif que de fournir un revenu de complément et ne nécessite pas, dans ce cas, de disposer d’une telle surface.

Chacun l’aura compris, ce sont autant de freins au développement de formes d’agriculture nouvelle de proximité, à haut niveau d’intensité en emploi. À l’heure où l’exode agricole s’accélère, favoriser l’installation des agriculteurs en évitant de conserver dans la loi les obstacles juridiques actuels devrait être une priorité, notamment dans une logique d’aménagement durable des territoires ruraux ou périurbains.

Sur le plan social, la disposition en vigueur crée une injustice à l’égard de tous les cotisants solidaires qui exercent de fait une activité agricole, mais sont exclus du bénéfice du statut d’exploitant agricole tout en payant une cotisation sociale dont ils ne bénéficient pas en retour ! Je me suis exprimé sur ce sujet lors de mon intervention sur l’article.

Mes chers collègues, voilà pourquoi je vous propose de conditionner l’accès au statut de chef d’exploitation à une déclaration d’heures de travail en lieu et place d’une taille minimale d’exploitation, en l’occurrence la demi-SMI, comme cela existe déjà pour ceux qui ont une activité dont l’équivalence en demi- SMI n’existe pas ou pour ceux qui ont une activité annexe, comme l’indique le décret n° 80-927 du 24 novembre 1980.

Cette disposition permettrait de reconnaître la production d’externalités positives à toutes celles et ceux qui mettent en valeur de petites surfaces, entretiennent l’espace rural et contribuent ainsi à sa qualité paysagère. L’impact touristique n’est pas négligeable pour notre beau pays. Cette disposition permettrait également de corriger l’injustice subie par les cotisants volontaires et d’enrichir l’activité agricole en emplois.

Ainsi, elle a pleinement sa place dans l’objectif affiché « d’inscrire l’agriculture dans un développement durable des territoires ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Les amendements nos 610 et  611 visent tous deux à conditionner l’accès au statut de chef d’exploitation non pas à une taille minimale d’exploitation mais à une déclaration d’heures de travail.

Notre objectif est d’avoir des exploitations générant des revenus. Il faut pour cela une certaine taille d’exploitation. Le critère des heures de travail ne suffit pas : si l’exploitation est trop fragile, même en travaillant beaucoup, l’agriculteur ne s’en sort pas.

La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

C’est vraiment une erreur, me semble-t-il, d’orienter les agriculteurs dans ce sens.

Le principal problème que nous devons régler par ce projet de loi, c’est de donner aux agriculteurs les moyens d’avoir un revenu décent, qui provienne non pas des fonds publics ou des subventions, mais des ventes de leurs produits agricoles.

La surface minimum d’installation est de trente hectares. Fixer un critère d’installation à quinze hectares est tout à fait raisonnable. Toutes les analyses des directeurs régionaux de l’agriculture montrent que l’un des problèmes majeurs que nous avons à résoudre et qui sera également l’objet des plans de développement, c’est que beaucoup d’agriculteurs n’ont pas la surface minimale leur permettant d’atteindre le seuil de rentabilité de leur exploitation.

Par exemple, dans le domaine laitier, lorsque les vaches sont nourries avec du fourrage, il faut avoir au minimum un hectare par vache pour atteindre le seuil de rentabilité.

M. Gérard César, rapporteur. Eh oui !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est une réalité économique.

Quelle est la situation en Bretagne, chez Mme Herviaux ? La taille moyenne des exploitations y est de 0,6 hectare. Cela explique en grande partie l’incapacité des agriculteurs à atteindre le seuil de rentabilité.

Nous ne sommes pas là pour enfoncer les agriculteurs en leur donnant toutes les libertés et toutes les possibilités, nous sommes là au contraire pour les aider et pour les orienter dans la bonne direction.

Je suis donc fondamentalement opposé à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.

Mme Bernadette Bourzai. Je ne suis pas une spécialiste de cette question, monsieur le ministre, mais on ne peut pas raisonner comme si l’agriculture française était une et indivisible. Il y a des agricultures françaises, des régions françaises et des situations extrêmement différentes.

M. Gérard César, rapporteur. Nous sommes d’accord !

Mme Bernadette Bourzai. Je pourrais donner maints exemples, en Corrèze et en Limousin, d’exploitations qui n’ont pas la demi-SMI et qui fonctionnent. De surcroît, elles réalisent des chiffres d’affaires et elles permettent à des agriculteurs de vivre sur des niches, c’est-à-dire sur des petites productions…

M. Gérard César, rapporteur. Oui !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela n’empêche pas !

Mme Bernadette Bourzai. … qui, bien valorisées localement, trouvent même des débouchés commerciaux sur le plan national et permettent le maintien et l’utilisation de l’espace rural.

Nous ne devons pas raisonner globalement par rapport à des grandes cultures ou à des grandes productions. Bien sûr, en l’occurrence, on a un substrat pertinent, mais il faut aussi tenir compte de situations locales méritant une traduction plus affinée, traduction qui permettrait de maintenir de l’agriculture dans les espaces les plus fragiles.

Il faut donc éviter de généraliser comme on l’a fait jusque-là.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Je partage, bien entendu, l’avis de Bernadette Bourzai, mais je voudrais néanmoins revenir sur la rédaction de ces deux amendements.

Premier point : vouloir supprimer toute référence à la demi-SMI me pose un cas de conscience,…

M. Gérard César, rapporteur. Oui !

Mme Odette Herviaux. … car dans certains départements, notamment dans le mien, la CDOA reconnaît l’installation d’exploitations de taille inférieure à la demi-SMI avec un barème de critères…

M. Gérard César, rapporteur. Oui !

Mme Odette Herviaux. … et, pour pouvoir mettre en place ces critères, il faut bien à un moment donné avoir une base de référence. À défaut, il est difficile de dire : « Ce projet-là est intéressant, il a été réfléchi, étudié et il sera rentable parce qu’il y a plus d’heures de travail, ou parce qu’il y a un autre élément favorable. »

La base de référence reste importante pour les organes qui décident de l’installation des agriculteurs et de l’attribution des aides.

Deuxième point : si je partage tout à fait l’idée selon laquelle il faut prendre en compte la valeur travail et le nombre d’heures effectuées, malheureusement l’enfer est pavé de bonnes intentions, et je ne vois pas comment on pourrait faire ce calcul si ce n’est en disant que certaines formes d’agriculture, par exemple, l’agriculture biologique, nécessitent plus d’investissements et plus d’heures de travail, et donc en mettant en place des critères de calcul pour abaisser ce seuil de demi-SMI.

Quant à l’octroi du titre de chef d’exploitation, je pense moi aussi qu’il est très important selon les régions et les types d’agriculture d’avoir des gens capables d’exercer des activités rentables dans certaines niches, mais il faut faire attention à tout ce qui peut encourager une exagération.

J’ai eu malheureusement chez moi le cas de personnes qui se proclamaient chef d’exploitation parce qu’elles avaient quelques chevaux en pension ou en élevage sur à peine une dizaine d’hectares, à côté d’autres activités.

Il devient ensuite très compliqué, monsieur Muller, de faire la part des choses entre l’agriculture et des installations que je qualifierais parfois « d’installations de loisirs ».

M. Gérard César, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec vous, ma chère collègue !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. J’ai bien entendu les commentaires de M. le rapporteur, de M. le ministre et de Mme Odette Herviaux.

Quelles que soient les règles mises en place, c’est dans la nature humaine d’essayer de les contourner.

Au demeurant, l’exemple qui vient d’être donné me paraît peu approprié car des chevaux qui se promènent sur une pâture ne demandent pas de travail.

M. Bruno Le Maire, ministre. Si, les chevaux demandent du travail !

M. Jacques Muller. Par conséquent, mon amendement ne me semble pas concerné par cette critique.

En outre, comme cela a été dit, les critères retenus varient d’un département à l’autre.

Permettez-moi de revenir sur l’avis de la commission.

M. le rapporteur estime que le critère des heures de travail n’est pas recevable et qu’il vaut mieux prendre le critère des revenus. Il sous-entend qu’il y a une corrélation plus forte entre le revenu et la surface qu’entre les heures de travail et la surface.

À mon sens, cet argument ne tient pas. M. le ministre ne pourra pas me contredire sur ce point. Il existe aujourd’hui des activités de valorisation de la production agricole à travers la transformation, à travers des circuits particuliers, je pense notamment au développement des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, qui permettent à des agriculteurs de vivre parfaitement bien sur de très petites surfaces, inférieures à la surface minimale d’installation.

Par conséquent, le débat est aujourd’hui le suivant : la reconnaissance du statut de chef d’exploitation doit-elle reposer sur un critère de surface ou sur un critère de travail ?

Si l’on observe la réalité, le critère du travail semble plus pertinent dans la mesure où il recouvre les nouvelles formes d’agriculture qui se développent. En tout cas, le critère de surface minimum d’installation n’a plus de rationalité aujourd’hui.

Je maintiens, bien sûr, mes deux amendements.